Essai sur la Religion.
I.
Qu’est-ce que la Religion ? Que doit-elle être ?
Qu’est-ce que la Religion aujourd’hui ? C’est la synthèse immuable de toutes les erreurs anciennes et modernes, l’affirmation de l’arbitraire absolutiste, la négation de l’anarchisme attractionnel, c’est le principe et la consécration de tout inertisme dans l’humanité et l’universalité, la pétrification du passé, son immobilisation permanente.
Que doit-elle être ? La synthèse évolutive de toutes les vérités contemporaines ; la constatation et l’unification perpétuelles ; l’organisation progressive de toutes les sciences acquises, gravitant du présent au futur, du connu à l’inconnu, du fini à l’infini ; la négation de l’absolutisme arbitraire et l’affirmation de l’anarchisme attractionnel ; le Principe et la consécration de tout mouvement dans l’humanité et l’universalité la pulvérisation du passé et sa régénération ascensionnelle dans l’avenir, sa révolution permanente.
Essay on Religion.
I.
What is Religion? What must it be?
What is Religion today? It is the immutable synthesis of all errors, ancient and modern, the affirmation of absolutist arbitrariness, the negation of attractional anarchism, it is the principle and consecration of every inertism in humanity and universality, the petrification of the past, its permanent immobilization.
What must it be? The evolving synthesis of all the contemporary truths; perpetual observation and unification; the progressive organization of all the recognized sciences, gravitating from the present to the future, from the known to the unknown, from the finite to the infinite; the negation of arbitrary absolutism and the affirmation of attractional anarchism; the principle and consecration of every movement in humanity and universality, the pulverization of the past and its rising regeneration in the future, it’s permanent revolution.
II.
Le Travail de conservation du Dualisme.
Jusqu’à ce jour, en Religion comme en Politique (et, par politique, j’entends ici, non pas “l’art de gouverner les états,” mais l’art d’organiser la société ; comme, par religion, j’entends ici, non pas “le culte qu’on rend à la divinité,” mais le lien ou concept humanitaire). Jusqu’à ce jour il n’y a pas eu en elles de révolution ; il n’y a eu que des évolutions, qui ont bien pu amener quelques modifications dans le système, mais qui n’ont rien changé au principe. Le principe de l’économie religieuse comme de l’économie politique, c’est encore Dieu, c’est encore l’autorité. Tant qu’on n’aura détruit Dieu, dans le ciel, et l’autorité, son satellite, sur la terre, on n’aura révolutionné ni la religion, ni la politique ; tout au plus aura-t-on révolutionné le déisme et le gouvernementalisme : le dualisme religieux, — esprit et matière, — et le dualisme politique, — gouvernants et gouvernés. Révolutionner le dualisme, n’est-ce pas le conserver ?
II.
Dualism’s Work of conservation.
To date, in Religion as in Politics (and, by politics I mean here, not “the art of governing states,” but the art of organizing society; as, by religion I mean here, not “the worship one renders to divinity,” but the humanitary link or idea). Thus far there has been no revolution in them; there have only been evolutions, which have indeed been able to bring about some modifications in the system, but have changed nothing about the principle. The principle de of religious economy, like that of political economy, is still God; it is still authority. So long as we have not destroyed God, in heaven, and authority, his satellite, on earth, we will have revolutionized neither religion, nor politics; at most, we will have revolutionized deism and governmentalism: the religious dualism, — spirit and matter, — and the political dualism, — governors and governed. To revolutionize the dualism, is that not to preserve it?
III.
Le Code religieux est le Code pénal suprême.
“Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es” ; ainsi parle la sagesse proverbiale. — Dis-moi quelle religion tu professes, et je te dirai aussi, homme on peuple, qui tu es. La religion, pour les peuples sauvages comme pour les peuples barbares ou civilisés, n’est-elle pas la loi des lois, la morale des morales ? L’homme saisi d’une fanatique superstition en Dieu ne place-t-il pas la loi divine bien au-dessus, de la loi humaine, la morale de l’Eglise bien au-dessus de la morale de l’Etat ? Il se peut qu’il subisse l’une si on la lui impose, il n’a de piété fervente que pour l’autre. Est-ce que, pour gouverner le monde, il y aurait besoin de lois pénales, de morales civiles, de légions d’archanges laïques, si les peuples avaient une foi aveugle dans le dogme religieux ? L’armée cléricale serait suffisante à elle seule pour les maintenir dans la soumission, et la voix des prêtres plus terrifiante à leur oreille que le bruit des armures des licteurs.
III.
The Religious Code is the Supreme Penal Code.
“Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es;” thus speaks the proverbial wisdom. [1]—Tell me what religion you profess, and I will also tell you, man of the people, who you are. Is not religion, for the savage peoples, as for the barbaric or civilized nations, the law of laws, the morality of moralities? Has not man, seized by a fanatical, superstitious belief in God, placed divine law well above the human law, and the morality of the Church above the morality of the State? It may be that he endures the one if it is imposed on him, but he only has fervent devotion to the other. In order to govern the world, would there be need of penal laws, civil moralities and legions of secular archangels, if the people had a blind faith in the religious dogma? The clerical army would be sufficient by itself to keep them in submission, and the voice of the priests more terrifying in their ears than the sound of the lictors’ armor.
[1] The sense is the proverb is that “you are known by the company you keep.”
IV.
La Religion prépare son suicide en se servant d’une arme à deux tranchants.
Si la Religion, contrairement à son principe même, qui est la domination exclusive de la force brutale par la force intellectuelle, principe qui lui défendait, dans son intérêt propre, de reconnaître au glaive une puissance gouvernementale capable de se retourner contre elle, comme on l’a vu à la naissance de toute réforme religieuse, par le massacre des premiers chrétiens, par exemple, et des premiers huguenots si la Religion, dis-je, a eu recours aux guerriers, si elle a appelé à un aide l’appui de glaive, c’était dans le but de réduire à l’obéissance les hommes ou les peuples qui, dans les temps anciens, n’avaient pas encore la foi, ou qui, dans les temps modernes, ne l’avaient plus. Les fidèles, ses esclaves volontaires, n’avaient pas besoin de cette brutale contrainte pour ne courber et la servir. C’est au contraire cet emploi inconséquent de la violence qui a contribué à leur désiller** les yeux et à leur déboucher les oreilles. Bientôt les zélés serviteurs devinrent d’agressifs rebelles. La Religion, en voulant trop embrasser, [n’étreignerait] qu’elle-même : elle porta à un principe un coup mortel.
IV.
Religion prepares its own suicide by using a double-edged sword.
If Religion, in opposition to its very principle, which is the exclusive domination of brutal force by intellectual force, a principle that forbade it, in its own interest, from recognizing in the sword a governmental power capable of turning against it, as we have seen at the birth of every religious reform, through the massacre of the first Christians, for example, and of the first Huguenots—if Religion, I say, has had recourse to warriors, if it has called for aid and support from the sword, it was with the aim of reducing to obedience the men or nations that, in ancient time, still did not have faith, of that, in modern times, no longer had it. The faithful, its willing slaves, had no need of that brutal constraint in order to bow and serve. It is, on the contrary, that senseless use of violence that has contributed to opening their eyes and unblocking their ears. Soon the zealous servants would become aggressive rebels. Religion, by wishing to embrace too much, would only grasp itself: it struck a mortal blow to a principle.
V.
La Religion est le thermomètre de la raison publique.
Si la Religion a pu agir ainsi, si elle a été à toutes les époques de l’histoire la personnification la plus radicale de l’exploitation de l’homme par l’homme, c’est que, synthèse des fausses sciences, expression transcendante des préjugés autoritaires, des superstitions divines qui avaient cours dans l’humanité, il était fatal, il était logique qu’en les résumant elle let affirmât dans toute leur hideur. La Religion n’est que le thermomètre de la raison publique, elle ne fait qu’indiquer par sa formule le degré d’élévation ou d’abaissement général des connaissances humaines. Pas plus l’idée religieuse que l’idée politique ne peuvent résister à l’action magnétique dos esprits, se soustraire au mouvement, de la température intellectuelle. Comme Une constitution nouvelle marque pour un peuple le niveau de ses progrès politiques, l’apparition d’une religion nouvelle constate le niveau de me progrès philosophiques.
V.
Religion is the barometer of public reason.
If Religion has been able to act in this way, if it has been in all eras of history the more extreme personification of the exploitation of man by man, it is because, as a synthesis of false sciences, an extraordinary expression of authoritarian prejudices, of divine superstitions that had currency among humanity, it was inevitable, it was logical that by summing them up it affirmed them in all their hideousness. Religion is only the barometer of public reason, and it does nothing but indicate through its formulas the general degree of elevation or abasement of human knowledge. The religious idea is no more capable than the political of resisting the magnetic action of minds, of escaping the movements of the intellectual temperature. As a new constitution marks for a nation the level of its political progress, the appearance of a new religion records the level of philosophical progress.
VI.
Les Religions régnantes sont le testament de générations qui ne sont plus.
Seulement à leur avènement dans le monde, les religions comme les constitutions n’affirment jamais que les connaissances acquises la veille, et se posent toujours en obstacle à l’affirmation des connaissances latentes et qui embrâseront l’atmosphère social[e] le lendemain : et, en cela, il faut l’avouer, elles ne sont encore que l’image des peuples et des hommes, qui se cramponnent toujours, avec une sorte de fureur stupide, à leurs idées mortes, et me cèdent à l’attraction des idées vivantes qu’après avoir été longuement violentée par elles. On dirait que tous, hommes et peuples, constitutions et religions, sont comme honteux de s’avouer Vaincus, et ne s’abandonnent que de mauvaise grâce aux charmes ou à la séduction fascinatrice de l’irrésistible et universel progrès.
(A continuer)
VI.
The reigning Religions are the testament of generations who are no more.
Only at their advent in the world, religions, like constitutions, never affirm anything but the knowledge acquired on the day before, and always present themselves as an obstacle to the affirmation of the latent knowledge that the social atmosphere of tomorrow will embrace: and in this, we must confess, they are still only the reflection of the nations and men, who always cling, with a kind of stupid fury, to their dead ideas, and yield to the attraction of living ideas only after having been long assailed by them. It seems that all, men and nations, constitutions and religions, are as ashamed to confess themselves vanquished, and abandon themselves only with grudgingly to the charms or the fascinating seduction of irresistible and universal progress.
(To be continued)
There are some obvious transcription errors in the only version of this text online, but the sense of the paragraphs seems clear. And as this first installment of the essay appeared in the last issue of Le Libertaire, it was not ultimately continued.
—Working Translation by Shawn. P. Wilbur.