Ms. 2846 — Théorie de la propriété

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Dedicace. Personnes, Propriete.

On travaille à éluder la question économique.

C’est à ce point de vue que je juge la politique contemporaine.

On croit satisfaire aux nécessités de la situation avec du libre échange, des caisses de retraite, des cités ouvrières, de l’agiotage, de la pisciculture, du jockey-club ! —

On se trompe…

On excite la haine des populations contre les vieilles dynasties ; on espère par ce sacrifice, sauver les aristocraties. Les Romanow, les Habsbourg, les Hohenzollern, les Bourbon, etc., voila ce qu’on offre en pâture à l’hydre.

Mais on travaille à sauver les vieilles noblesses, à reconstituer les aristocraties.

Or, c’est le contraire que je demande.

Il faut anéantir la noblesse polonaise, la noblesse hongroise, comme la noblesse russe.

Il faut possessionner le paysan, l’ouvrier, le prolétaire, en France, en Italie, en Belgique, en Allemagne, en Autriche, et partout.

Il faut faire cesser la distinction de bourgeoisie et plèbe, de capitaliste et salarié, d’ouvrier et maître.

Le droit personnel, qui conduit à l’égal échange, qui a fait décréter le suffrage universel, un peu trop tôt peut-être, nous mène là.

L’unité de l’Italie, la reconstitution de la Pologne et de la Hongrie, les annexions, la guerre : fantaisies rétrospectives, désormais dénuées de sens.

Le pape réduit au spirituel ; une restauration catholique ; une seconde édition du concordat : fantaisie rétrospective.


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Théorie de la Propriété.

Epigraphe : Sancta Santis.

C’est-à-dire, Tout devient juste pour l’homme juste:

Beati pacifici, quoniam,
ipsi possidebuni terram.

Tout peut se justifier entre les justes.
(Ainsi l’œuvre de chair est permise en mariage, et se sanctifie ; mais malheur à l’homme qui se comporte avec une épouse comme avec une courtisane.)

Cette maxime contient tout le secret de la solution.

L’acte d’appropriation en lui-même, considéré objectivement, est sans droit, il ne se peut légitimer par rien. Ce n’est pas comme le salaire, qui se justifie par le travail, comme la possession, qui se justifie par la nécessité et l’égalité des partages ; la propriété reste absolutiste et arbitraire, envahissante et égoïste.

Elle ne se légitime que par la justice du sujet même.

Mais comment rendre l’homme juste ?

C’est le but de l’éducation, de la civilisation, des mœurs, des arts, etc. ; c’est aussi le but des institutions politiques et économiques dont la propriété est la principale.

Pour que la propriété soit légitimée, il faut donc que l’homme se légitime lui-même ; qu’il veuille être juste ; qu’il se propose la Justice pour but, en tout et partout.

Il faut qu’il se dise, par exemple : La propriété en soi n’étant pas juste, comment la rendrai-je juste ?

D’abord, en reconnaissant à tous le même droit a l’appropriation, à l’usurpation ; 2º en réglementant l’usurpation, comme le corsaire partageant le butin entre ses compagnons ; de sorte qu’elle tende spontanément à se niveler.

Si je ne fais cela, la propriété suit sa nature : elle s’exagère pour l’un, s’annihile pour l’autre ; elle est sans mœurs, immorale.


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Chapitre VII.

Garantisme.—Théorie de la propriété.

Que le citoyen, être libre et concret, fait a l’image de l’État, doit avoir, avec la possession de sa personne, autorité sur les choses, à peine d’être destitué de toutes garanties.—Préjuges défavorable à l’absolutisme.—Différentes manières de posséder la terre : en communauté, en féodalité, en souveraineté ou propriété. Examen des deux premières modes : rejet.—Opinions des juristes sur l’origine et le principe de la propriété : réfutation de ces opinions.—Théorie nouvelle : que les motifs, par suite la légitimité de la propriété doivent être cherché non dans son principe ou son origine, mais dans ses fins. Exposé de ce motifs : 1° Nécessité, après avoir organisé l’État, de crée à l’État un contrepoids dans la liberté de chaque citoyen; caractère fédéraliste et républicain de la propriété ; observations sur la cens électoral et la confiscation.—2° Abstention de toute loi réglementaire en ce qui concerne la possession, la production, la circulation, et la consommation des choses : analogies de l’amour et de l’art ; mobilisation de l’immeuble.—3° Concurrence, équilibre et moralisation des égoïsmes ; caractère de vrai propriétaire ; grandeur du problème social : condition organique de la propriété ;—comment et pourquoi elle est dite absolu.—Conservation de l’égoïsme propriétaire par la raison collective : maximes de cette raison ; nivellement progressif des conditions et des formes ; loi des approximations sociales.—Coup d’œil historique sur la propriété : causes de ses incertitudes, de ses variations, de ses abus et de ses déchéances ; elle n’a jamais, nul part, existé dans la vérité et la plénitude, conformément au [4 (166)] vœu social, et avec un parfait intelligence d’elle-même.—Esprit de socialisme : justification de l’auteur et de sa critique.—Un mot aux Polonais.

Jetons un regard sur la route que nous avons parcourue. Après avoir posé nos deux grands principes, de l’immanence de la justice et des idées dans l’humanité (ch. Ier), et du réalisme de l’État (ch. II), nous avons tracé le règle de la géographie politique (ch. III) ; de la géographie nous avons passé à l’ethnographie (ch. IV) ; de l’ethnographie a l’organisation du corps Social, et conséquemment au forme de la Raison collective (ch. V) ; des considérations sur la Raison collective nous nous sommes élevé enfin, jusqu’aux lois de la conscience universelle, qui sont celles du progrès. Nous sommes arrivé ainsi, par cette question suprême des mœurs et des transformations sociales, jusqu’aux confins du monde spirituel. Un pas de plus, et nous courrons le risque de tomber de la réalité où nous sommes resté jusqu’à présent, dans le mysticisme. Il est temps de terminer notre ascension, et, comme nous sommes monté de la matière à l’esprit, de redescendre de l’esprit vers la matière, ce que nous allons faire, non par revenant sur nos pas, mais en achevant notre courbé, c’est-à-dire en poursuivant notre chemin.

Une de nos maximes est que le citoyen doit être fait à l’image de l’État, l’homme donné par la nature répété sur le type de la Société, Verbe vivant and véritable. C’est par là que l’individu acquerra ce dont la nature ne lui a donné que l’ombre, la liberté, l’autonomie, et que devienne la personnification du droit, et pourra se séparer de magistrature et de gouvernement.

Mais ce n’est pas seulement par l’Intelligence et par la justice, ce n’est pas seulement par la Raison théorétique et pratique que le citoyen doit être a l’instar de l’État. [5] S’il en était ainsi la qualité civique se réduirait à une pure idéalité. La République humanitaire n’aurait d’existence que dans l’imagination, dans le rêve de la conscience ; l’État seul, ayant pied sur le sol, roi du temporel, possèderait les choses et pouvait dire : Je suis la nation, privée de corps, sans autorité sur la matière, serait en l’air, perdue dans le vague de sa spiritualité. Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir ici, comme dans l’apocalypse, deux Jérusalems, l’une sur la terre, l’autre dans le ciel : les deux ne font qu’une, et il s’agit d’établir leur identité. Il faut donc que le citoyen, déclaré libre et inviolable, en pleine possession de lui-même par l’éducation, ayant l’autocratie de ses travaux, de les opinions, de les désirs, de ses conceptions, de ses volontés, comme de sa personne, appelé à résister au besoin, aux tendances despotiques de l’État, et à réagie contre l’entrainement et l’incursion de ses semblables, doit de plus constitué, comme l’État, en souveraineté sur les choses ; que son moi, s’appuyant sure le monde extérieur, s’y créé une position, un domaine, faute de quoi la liberté, somme une force qui aurait fait explosion dans le vide, resterait sans efficace et retomberait à néant.

Or, conférer au citoyen puissance et juridiction sur les choses, lui assigner une possession, un territoire le faire ainsi chef d’un état dans l’état, c’est ce que j’appelle fermer le cercle politique, et finir juste par où nous avons commencé. Ce n’est pas en effet par le sol que commence pour l’individu la vie politique, comme nous avons vu précédemment l’État politique sortir de sa vallée embryonnaire. C’est par la possession du sol, au contraire, par le domaine éminent qui lui est accordé sur une portion du territoire que s’achève le citoyen, et que se commence la dignité. Ainsi le citoyen devient le semblable, que dis-je ? l’égal, le rival de l’État. Il est lui-même l’État tout entier, réduit à son expression la plus simple, et à son étendue la plus minime. [6] Ainsi s’accomplit dans le monde social l’union de la matière et de l’esprit : phénomène inexplicable dans le monde de la nature, où l’opération créatrice s’effective, sans que nous puissions en surprendre le commencement ; où les synthèses nous sont données toutes faites, sans que nous puissions les résoudre.

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