Flowers of Solitude… — Chapter V — Art and Literature

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CHAPITRE V

Art et Littérature

CHAPTER V

Art and Literature

L’ART POUR L’ARTISTE

Ou bien l’art pour l’artiste. Ou bien l’artiste pour l’art. Ou bien l’œuvre d’art où l’artiste a décrit, dessiné, buriné sa vision intérieure, dans laquelle il a versé le contenu de son imagination ou de ses espoirs : l’œuvre d’art acte de création. Ou bien l’œuvre d’art au but utilitaire, l’œuvre d’art-éducation propagande — l’œuvre d’art-prostitution. Ou bien l’art pour l’artiste — car l’art n’existe pas sans l’artiste — l’art comme outil, comme instrument de révélation individuelle, comme véhicule de la manifestation des émotions et des sensations les plus intimes. Ou bien l’artiste pour l’art, — l’artiste devenant le domestique d’une formule, le serviteur d’une technique, un manœuvre plaçant le fini d’exécution avant la sincérité d’impression. L’artiste pour l’art — l’artiste poursuivant un but « social », écrivant, peignant, gravant pour gagner autrui, pour le convaincre, pour le persuader, l’artiste sacrifiant sa sincérité de perception au désir, à la nécessité d’être compris par le non-moi… Je dis : non ! l’art pour l’artiste ou rien…

Art for the Artist

Either art for the artist. Or the artist for art. Either the work of art where the artist has described, drawn, engraved his inner vision, into which he has poured the content of his imagination or his hopes: the work of art, an act of creation. Or the work of art with a utilitarian aim, the work of art-education propaganda — the work of art-prostitution. Either art for the artist — because art does not exist without the artist — art as a tool, as an instrument of individual revelation, as a vehicle for the manifestation of the most intimate emotions and sensations. Or the artist for art’s sake — the artist becoming the servant of a formula, the servant of a technique, a laborer placing polish in execution before sincerity in impression. The artist for art’s sake — the artist pursuing a “social” goal, writing, painting, engraving to win over others, to convince them, to persuade them, the artist sacrificing his sincerity of perception to the desire, to the necessity of being understood by the non-self… I say: No! Art for the artist or nothing…

L’ŒUVRE D’ART

Mais qu’est-ce qu’une œuvre d’art ?

Un poème, un chaudron, une statue, une cuvette dont le créateur s’est exprimé dans toute la probité de son âme — n’importe quel objet visible, tangible, palpable, qui porte la marque d’un effort tenté en vue de réaliser une conception originale — un acte de sincérité.

On peut posséder à fond la technique d’un art et demeurer un insincère — c’est-à-dire écrire, peindre, sculpter pour faire de l’effet, escalader les échelons de la renommée, gagner de l’argent ; autrement dit être tout le contraire d’un artiste.

D’ailleurs on peut être un très grand artiste et n’avoir jamais produit une œuvre d’art ; en d’autres termes, on peut rester un rêveur — un artiste intérieur toute sa vie.

The Work of Art

But what is a work of art?

A poem, a cauldron, a statue, a basin whose creator expressed himself with all the integrity of his soul — any visible, tangible, palpable object, which bears the mark of an effort attempted with a view to achieving an original conception — an act of sincerity.

One can thoroughly master the technique of an art and remain insincere — that is to say, write, paint, sculpt for effect, climb the ladder of fame, earn money; in other words, being the complete opposite of an artist.

Besides, you can be a very great artist and never have produced a work of art; in other words, one can remain a dreamer — an inner artist all his life.

LE BON POÈME

On m’a posé il y a quelques jours cette question : — « Qu’est-ce qu’un bon poème ? »

J’ai répondu : — « Celui où le poète s’est réellement extériorisé, insouciant des règles de prosodie ou de la technique versificatoire. »

Et qui me convaincra de manque de goût ?

The Good Poem

A few days ago I was asked this question: — “What is a good poem?”

I replied: — “The one where the poet has truly exteriorized himself, unconcerned with the rules of prosody or versificatory technique.”

And who will convict me of lack of taste?

LE RATÉ

Derrière le critique d’art, de poésie, de littérature, il me semble toujours voir grimacer le raté. Je ne parle pas ici du critique qui critique « quant à soi » — je parle du critique qui veut poser à l’éducateur de foules où au grand homme de cénacles.

The Failure

Behind the critic of art, poetry, literature, I always seem to see the failure grimacing. I am not talking here about the critic who criticizes “as for himself” — I am talking about the critic who wants to pose as the educator of crowds or the great man of the cenacles.

LA VIE : UN ÉPANOUISSEMENT

Je plains ceux qui contraignent leur tempérament. Ce ne sont jamais que des caricatures ou des comédiens (dans le mauvais sens du terme). Ils arrivent au terme de leur existence ayant passé toute leur vie à se comprimer, non point à s’épanouir. Ils n’ont jamais été des individualistes, des artistes. La vie individuelle — cette œuvre d’art — est en effet un épanouissement et non une compression.

Life: A Blossoming

I pity those who constrain their temperament. They are never just caricatures or actors (in the bad sense of the word). They reach the end of their existence having spent their entire lives compressing themselves, not blossoming. They were never individualists, artists. Individual life — this work of art — is indeed a flourishing and not a compression.

LE TOUR PERSONNEL

Tout ce qui se dit et s’écrit a déjà été exprimé ou à peu près. Cela est vrai ; hors le domaine des découvertes purement scientifiques, il y a peu de pensées fondamentalement originales. Quelque chose cependant demeure à part : c’est la façon, le tour personnel donné à la phrase. Il en est des coups de plume comme des coups de pinceau — certains demeurent inimitables.

The Personal Turn

Everything that is said and written has already been expressed — or nearly so. This is true; outside the realm of purely scientific discoveries, there is little fundamentally original thought. Something, however, remains apart: it is the man, the personal turn given to the sentence. Pen strokes are like brush strokes — some remain inimitable.

SUR LE THÉATRE, L’ART DRAMATIQUE, LA CHANSON POPULAIRE, etc.

Il y a deux façons de concevoir le théâtre et de faire mouvoir les personnages sur la scène.

La première consiste à choisir des personnages symbolisant des « vertus » ou des « vices », à les douer des caractéristiques que la tradition ou le sentiment public leur attribue, puis à les promener à travers certaines circonstances historiques ou un milieu social spécial : ces personnages se meuvent indépendamment de l’auteur, du dramaturge, dont le rôle se réduit à les dépeindre avec plus ou moins de chaleur, de couleur, de passion. Il les présente avec plus de savoir-faire que d’originalité, il les entoure d’une mise en scène plus ou moins absorbante, Le succès des pièces dont les personnages sont ainsi conçus dépend, en général, autant de cette mise en scène, des effets de langage ou de diction dont se servent les acteurs que de la fidélité avec laquelle ces personnages typifient la « vertu » ou le « vice », la « qualité » ou le « défaut » qu’ils ont mission de représenter.

L’autre façon consiste à présenter des personnages qui incarnent des personnalités et non des abstractions — des personnages conçus par l’auteur, nés dans sa pensée et s’y mouvant. Peu importe qu’il les crée entièrement ou qu’il ait recours à des documents pour les situer den un milieu social ou historique donné, ils ne symbolisent plus une « vertu » où un « vice » spécial. Ils sont tels que le veut le déterminisme personnel dont l’auteur, leur créateur, les a doués. Ils sont ambitieux ou désintéressés, perfides ou courageux, parce que c’est dans leur nature — autrement dit : parce que c’est ainsi que les a” voulus leur auteur. Ils sont antipathiques ou sympathiques à cause de leurs gestes ou de leurs dits, non parce qu’ils symbolisent l’antipathie ou la sympathie. L’auteur se dépeint en eux. Ce sont bien ses créatures. Elles traduisent ses observations, ses aspirations publiques et souvent secrètes. Il raconte comment il aurait agi se trouvant dans les conditions où il a voulu que ses personnages évoluent, quelles circonstances il aurait fallu pour qu’il triomphât ou cédât la place. La mise en scène n’est alors qu’un complément — ce que sont les illustrations à un roman — et le métier — il en faut au théâtre — ne consiste plus qu’à rendre la pièce jouable devant un publie, et à la faire jouer par des acteurs adéquats.

Les pièces où les personnages typifient une « vertu » ou un « vice » ont ceci d’ennuyeux qu’elles tiennent le spectateur deux heures durant sous la suggestion de l’invraisemblable. Dans la vie réelle, on n’est pas tout le temps hypocrite, intrépide, dévoué, méchant ou débonnaire. Le plus courageux a ses petits moments de lâcheté, et le plus hypocrite se montre de temps à autre véridique. On n’est pas du matin au soir le Cid, Tartuffe, Néron, Polyeucte, Horace, Phèdre. Il y a des moments où « l’on fait relâche ». Autrement, ce serait si fatigant qu’on ne tiendrait pas six mois de suite.

Ce qui s’applique aux créateurs, aux auteurs dramatiques, vise également les acteurs. Lorsqu’ils symbolisent une « vertu » ou un « vice », ils ne jouent pas un rôle vivant : ils représentent une abstraction: ils sont la vérité, le mensonge, l’orgueil, le sacrifice. Lorsqu’ils incarnent au contraire « un personnage » leur rôle est tout autre : c’est un individu doué de vie réelle, avec ses triomphes et ses échecs, qu’ils présentent au public. Le succès de l’acteur ne dépend plus alors de la fidélité à une interprétation classique, mais de l’originalité — je veux dire de la sincérité — de son jeu.

Qu’est-ce qu’une chanson populaire ? — Est-ce ce genre de poésie facile, plus ou moins brouillée avec le Code poétique et que comprend, s’assimile, absorbe avec un minimum d’efforts cette « catégorie » sociale qu’on dénomme peuple ? (Entre parenthèses, on suppose « le peuple » généralement illettré, doué de sentiments tranchés, vifs, élémentaires, par contraste avec « l’élite » qu’on imagine raffinée, lettrée, ornée de sentiments artificiels). Mais cette définition pèche par manque d’exactitude, puisque des fragments d’opéra où d’opéra-comique, qui n’étaient écrits que pour des « dilettanti » parviennent à s’acclimater dans la masse et lui deviennent familiers, bien que nécessitant pour être assimilés un certain effort d’intelligence. On pourrait donc étendre la définition de la chanson populaire, et écrire : c’est toute poésie dont les paroles ou la mélodie — ou les deux ensemble — touchent, émeuvent, font vibrer, satisfont la sensibilité des masses ; excitent, impressionnent la nervosité des multitudes.

On pourrait souhaiter que l’on réservât le qualificatif de chansons populaires à celles composées ou écrites par des « gens du peuple »— et il y eut des gens du peuple qui furent des chansonniers. Mais les chansons les plus populaires, celles qui se sont conservées pendant un certain temps dans la mémoire des classes populaires, n’ont pas été imaginées par des « gens du peuple » proprement dit. Leurs compositeurs ou auteurs ont une instruction primitive supérieure à celle de la masse, ou ils se sont plus tard adonnés à des études qu’ignore en général le populaire, sont devenus — par rapport à leur milieu — des « intellectuels ».

J’appelle chansonnier populaire le poète qui se transporte, par l’imagination ou l’observation, dans le peuple, au cœur de la catégorie sociale vers laquelle l’attirent sa sympathie, ses affinités, sa curiosité peut-être, C’est selon qu’après les avoir recueillis, il traduit ou décrit le plus fidèlement, le plus sincèrement, les gestes, les besoins, les aspirations, les espoirs, les joies, les souffrances de ce qu’on appelle « la classe populaire » — qu’il est plus ou moins un « chansonnier ».

Je ne fais jamais entrer en ligne de compte, quand j’écris ou discute de vive voix la production intellectuelle, le mercanti qui produit pour satisfaire aux exigences d’une clientèle, qui fait du théâtre, de la chanson, du roman, parce que cela lui rapporte de meilleures journées que de travailler à la fabrication des apéritifs ou à la culture des champignons. 1 n’existe pas pour moi. S’il y s un genre d’exploitation répugnant, c’est celle des arts our des lettres : ô le dégoûtant métier !

On the Theater, the Dramatic Art, the Popular Song, etc.

There are two ways of conceiving theater and of making the characters move on the stage.

The first consists of choosing characters symbolizing “virtues” or “vices,” endowing them with the characteristics that tradition or public sentiment attributes to them, then taking them through certain historical circumstances or a special social environment: these characters move independently of the author, the playwright, whose role is reduced to depicting them with more or less warmth, color, passion. He presents them with more know-how than originality, he surrounds them with a more or less absorbing staging. The success of plays whose characters are thus conceived depends, in general, as much on this staging, the effects of language or diction used by the actors as on the fidelity with which these characters typify the “virtue” or the “vice,” the “quality” or the “defect” that they are tasked to represent.

The other way is to present characters who embody personalities, not abstractions — characters conceived by the author, born in his thoughts and moving within them. It does not matter whether he creates them entirely or whether he uses documents to situate them in a given social or historical environment; they no longer symbolize a special “virtue” or “vice.” They 
are such as the personal determinism with which the author, their creator, has endowed them makes them. They are ambitious or disinterested, treacherous or courageous, because it is in their nature — in other words: because that is how their author wanted them. They are antipathetic or sympathetic because of their actions or what they say, not because they symbolize antipathy or sympathy. The author depicts himself in them. They are indeed his creatures. They reflect his observations, his public and often secret aspirations. He tells how he would have acted if he found himself in the conditions in which he wanted his characters to evolve, what circumstances would have been necessary for him to triumph or give way. The staging is then only a complement — what illustrations are to a novel — and the craft — it is necessary in the theater — consists only of making the play playable in front of a public, and of making it played by suitable actors.

The plays where the characters typify a “virtue” or a “vice” are boring in that they keep the spectator for two hours under the suggestion of the improbable. In real life, we are not always hypocritical, fearless, dedicated, mean or good-natured. The most courageous has his little moments of cowardice, and the most hypocritical shows himself to be truthful from time to time. We are not from morning to evening the Cid, Tartuffe, Nero, Polyeucte, Horace, Phaedra. There are times when “we take a break.” Otherwise, it would be so tiring that we wouldn’t last six months in a row.

What applies to creators, to playwrights, also applies to actors. When they symbolize a “virtue” or a “vice”, they do not play a living role: they represent an abstraction: they are truth, lies, pride, sacrifice. When, on the contrary, they embody “a character”, their role is quite different: it is an individual gifted with real life, with his triumphs and his failures, that they present to the public. The actor’s success then no longer depends on fidelity to a classic interpretation, but on the originality — I mean the sincerity — of his performance.

What is a popular song? — Is it this kind of easy poetry, more or less confused with the Poetic Code and which this social “category” that we call people understands, assimilates and absorbs with a minimum of effort? (Between parentheses, we suppose “the people” to be generally illiterate, endowed with clear-cut, lively, elementary feelings, in contrast to the “elite” who we imagine to be refined, literate, adorned with artificial feelings.) But this definition suffers from a lack of accuracy, since fragments of opera or comic opera, which were only written for “dilettanti” manage to become acclimatized among the masses and become familiar to them, although they require a certain effort of the intelligence to be assimilated. We could therefore extend the definition of popular song, and write: it is any poetry whose words or melody — or the two together — touch, move, make vibrate, satisfy the sensitivity of the masses; excite, impress the nervousness of the multitudes.

One might wish that the term popular songs be reserved for those composed or written by “people of the people” — and there were people of the people who were songwriters. But the most popular songs, those that were preserved for a certain time in the memory of the working classes, were not imagined by “common people” strictly speaking. Their composers or authors have a primitive education superior to that of the masses, or they later devoted themselves to studies generally ignored by the popular, and have become — in relation to their environment — “intellectuals.”

I call a popular singer the poet who transports himself, through imagination or observation, to the people, to the heart of the social category towards which his sympathy, his affinities, his curiosity perhaps, attract him, depending on whether, after having collected them, he translates or describes most faithfully, most sincerely, the gestures, the needs, the aspirations, the hopes, the joys, the sufferings of what we call “the popular class” — that he is more or less a “songwriter.”

I never take into account, when I write or discuss in person, intellectual production, the mercanti who produce to satisfy the demands of a clientele, who makes theater, songs, novels, because this gives him a better day’s wage than working on making appetizers or cultivatingmushrooms. He doesn’t exist for me. If there is a repulsive type of exploitation, it is that of the arts or letters. Oh, what a disgusting profession!

LE PLAGIAIRE

« Je ne puis être un maître du premier coup ». — Non, mon ami, tu ne peux être un maître du premier coup. Et je ne te demande point d’être un maître : je te demande d’être toi-même, c’est-à-dire original. Ta prose (?) et tes vers (?) sont purs démarquages. Je ne te reproche pas de n’avoir pas assez lu, mais d’avoir trop lu. Si encore tu te contentais de démarquer des auteurs peu ou point connus ; mais, malheureux, il s’agit d’écrivains tombés dans le domaine public, qu’on peut se procurer pour quelques décimes chez le premier libraire venu, dont les œuvres sont dans toutes les poches. Cesse d’écrire pendant quelques mois, pendant quelques années ; recueille-toi, isole-toi. Alors, à ta persévérance tu jugeras de ta sincérité.

The Plagiarist

“I cannot be a master on the first try.” — No, my friend, you cannot be a master on the first try. And I’m not asking you to be a master: I’m asking you to be yourself, that is to say, original. Your prose (?) and your verses (?) are pure imitation. I don’t blame you for not reading enough, but for reading too much. If you were content to single out little or no known authors; but, unfortunately, these are writers who have fallen into the public domain, who can be obtained for a few tenths of a franc from the first bookseller who comes along, whose works are in everyone’s pocket. Stop writing for a few months, for a few years; collect yourself, isolate yourself. Then, by your perseverance you will judge your sincerity.

JE ME SOUVIENS

« Quand mon livre sera paru ! » — On a toujours un livre à faire paraître, quand on est jeune et qu’on n’a pas encore lu.

Je me souviens, il y a trente ans, avoir composé une pièce de théâtre en cinq actes et en vers, s’il vous plaît. Ça se passait aux Indes et il était question de je ne sais plus quel rajah en révolte contre les Anglais et follement amoureux — cela va sans dire — d’une princesse prisonnière de ses ennemis. J’ai lu et vu depuis jouer des pièces de théâtre dignes de ce nom… Comme ce que j’écrivais me paraît aujourd’hui mal construit, peu scénique, inepte….

I Remember

“When my book is published!” — We always have a book to publish, when we are young and we have not yet read.

I remember, thirty years ago, having composed a play in five acts and in verse, if you please. It took place in India and it was about some rajah in revolt against the English and madly in love — it goes without saying — with a princess who was a prisoner of her enemies. I have since read and seen plays worthy of the name performed… As what I wrote seems to me today to be poorly constructed, unfit for the stage, inept…

LA MANIE D’ÉCRIRE

Il y a des gens que tourmente la manie d’écrire à ce point que ceux qu’ils bombardent de leur « copie », finissent, en une heure de lassitude, par se laisser attendrir et « pour leur faire plaisir » insèrent — en la retouchant — une quelconque pièce de vers, où un quelconque morceau de prose de leur crû. Sont-ils trop peu intelligents pour s’en apercevoir ou trop peu fiers pour ne point regimber sous l’insulte ? — En quoi, dans l’un ou l’autre cas, peuvent-ils figurer parmi les nôtres ?

The Mania for Writing

There are people who are tormented by the mania for writing to such an extent that those they bombard with their “copy” end up, in an hour of weariness, letting themselves be moved and “to please them” insert — in retouching it — some piece of verse, or some piece of prose of their own. Are they too unintelligent to notice it or not proud enough to balk at the insult? — How, in either case, can they figure among our own?

L’ART ET LA CIVILISATION

La Civilisation est-elle nécessaire à l’art ? Lui est-elle nuisible ? Et d’abord qu’est-ce que la civilisation ? Faut-il entendre par là une collectivité d’être humains vivant sous l’empire de lois semblables, pratiquant la même religion et la même morale, acceptant que le caractère des règlements qui les régissent comporte des sanctions à l’égard de ceux qui les violent ? Ou s’y résignant ? Une civilisation consiste-t-elle en une collection d’institutions coercitives et en un développement d’activités — parallèles ou concurrentes — politiques, intellectuelles, économiques ? Les caractéristiques des civilisations sont-elles l’existence de l’Etat, du Gouvernement, d’une administration d’ordre civil, militaire, judiciaire, fiscal ou autre — intervenant dans la vie des habitants d’un territoire quelconque — d’une superficie restreinte ou d’une étendue immense ? Si je ne me trompe, ce sont bien là les traits auxquels on reconnait la civilisation ?

Eh bien, en toute sincérité, on ne peut prétendre que ce mode de civilisation pratiquée — avec des différences de détail inhérentes aux lieux et aux époques — par les anciens et les modernes, ait été défavorable ou nuisible à l’éclosion et à la production des manifestations artistiques.

Par contre, l’absence de toute civilisation — l’état de nature — ne s’est guère montrée propice à l’art, force est bien de le constater.

Veux-je dire par là qu’une civilisation étayée sur d’autres fondements que la domination des plus forts, des plus riches, des plus astucieux sur les faibles, les déshérités de la fortune — ou que la suprématie des majorités sur les minorités — ou que l’adoption d’un identique statut légal, moral, économique ou autre par un milieu social donné — veux-je dire par là qu’une civilisation autrement conçue et réalisée n’aurait pas suscité d’autres manifestations artistiques que celles que nous avons sous les yeux ou dont nous conservons les restes ? Point du tout. Il est plus que probable qu’à une civilisation autre auraient répondu un art et une littérature différents. Mais je maintiens que dépeindre ou décrire ce qu’auraient pu être ces manifestations artistiques ou littéraires est simplement faire œuvre d’imagination.

On a prétendu que notre civilisation contemporaine — mécanique et industrielle — implique antagonisme avec les manifestations artistiques de l’Antiquité gréco-latine, du Moyen Age et de la Renaissance ; j’ai entendu des esprits très cultivés affirmer que l’activité des laboratoires, la production mécanique, le travail en usine, l’industrialisme sont défavorables à l’art.

Et je me suis demandé si les hauts fourneaux gigantesques, les navires qui mesurent plusieurs hectomètres de longueur, les puits d aération géants, les générateurs et les transporteurs de force motrice de toute espèce ne sont pas à la civilisation, au dedans de laquelle nous évoluons, ce que les obélisques, les colosses, les pyramides étaient à la civilisation égyptienne, par exemple ? Qui peut dire si les peintures d’un Corot, d’un Millet, d’un Whistler, d’un Pissaro ; les sculptures d’un Pradier, ‘dun Rude, d’un Barye, d’un Rodin — je cite des noms qui me viennent sous la plume — no sont pas des anachronismes qui n’ont rien de commun avec un art adéquat à la civilisation contemporaine ? Construire des arènes ou des aqueducs, bâtir des cathédrales en mettant à contribution tout le génie ou tout le génie ou tout le talent donc un siècle était capable, ces œuvres étaient en rapport avec la civilisation romaine ou moyenâgeuse. Fabriquer, perfectionner, mettre au point des engins destinés à transmettre à distance — sur et sous terre, dans les airs, sur et sous l’eau — une énergie motrice est faire une œuvre d’art en rapport avec la civilisation mécanique et industrielle de nos jours. On me dira que cette civilisation-là est une mégère, une ogresse ; qu’elle maintient le despotisme, le paupérisme, le militarisme et tant d’autres institutions sous leur aspect le plus brutal. Je le sais bien et je la hais, cette civilisation… Une autre civilisation, ignorant les grandes agglomérations — les villes tentaculaires — fondée sur l’artisanat, la production individuelle au sens anarchiste du mot aurait abouti à des manifestations artistiques bien différentes, j’en suis convaincu.

Art and Civilization

Is Civilization necessary for art? Is it harmful to it? And first of all, what is civilization? Should we mean by this a collective of human beings living under the empire of similar laws, practicing the same religion and the same morality, accepting that the nature of the regulations that govern them includes sanctions against those who violate them? Or resigning themselves to it? Does a civilization consist of a collection of coercive institutions and a development of activities — parallel or competing — political, intellectual, economic? Are the characteristics of civilizations the existence of the State, the Government, a civil, military, judicial, fiscal or other administration — intervening in the lives of the inhabitants of any territory — of a restricted area or an immense extent? If I am not mistaken, these are indeed the traits by which we recognize civilization.

Well, in all sincerity, we cannot claim that this mode of civilization practiced — with differences in detail inherent to places and times — by the ancients and the moderns, was unfavorable or harmful to the hatching and production artistic events.

On the other hand, the absence of any civilization — the state of nature — has hardly been conducive to art, it is clear.

Do I mean by this that a civilization based on foundations other than the domination of the strongest, the richest, the most astute over the weak, the disinherited by fortune — or the supremacy of majorities over minorities — or that the adoption of an identical legal, moral, economic or other status by a given social environment — do I mean to say that a civilization otherwise conceived and achieved would not have given rise to other artistic manifestations than those that we have before our eyes or whose remains we keep? Not at all. It is more than probable that a different civilization would have responded with a different art and literature. But I maintain that to depict or describe what these artistic or literary manifestations could have been is simply a work of imagination.

It has been claimed that our contemporary civilization — mechanical and industrial — involves antagonism with the artistic manifestations of Greco-Latin Antiquity, the Middle Ages and the Renaissance; I have heard very cultivated minds affirm that the activity of laboratories, mechanical production, factory work, industrialism are unfavorable to art.

And I wondered if the gigantic blast furnaces, the ships measuring several hectometers in length, the giant ventilation shafts, the generators and the transporters of motive power of all kinds are not to the civilization within which we evolve what obelisks, colossi, pyramids were to Egyptian civilization, for example? Who can say if the paintings of a Corot, a Millet, a Whistler, a Pissaro; the sculptures of a Pradier, a Rude, a Barye, a Rodin — I cite names that come to mind — are not anachronisms that have nothing in common with an art adequate to the contemporary civilization? Building arenas or aqueducts, building cathedrals using all the genius or all the talent that a century was capable of, these works were linked to Roman or medieval civilization. Manufacturing, perfecting, developing machines intended to transmit at a distance – on and underground, in the air, on and under water — a motive energy is to create a work of art in relation to the mechanical and industrial civilization of our times. They will tell me that this civilization is a shrew, an ogress; that it maintains despotism, pauperism, militarism and so many other institutions in their most brutal aspect. I know it well and I hate it, this civilization… Another civilization, ignoring large agglomerations — sprawling cities — based on craftsmanship, individual production in the anarchist sense of the word would have resulted in very different artistic manifestations. I am convinced of it.

DE LA PRODUCTION INTELLECTUELLE

Produire cérébralement en toute indépendance, comme si on se trouvait en pleine nature, sans se soucier si l’on sera suivi ou non par une clientèle de lecteurs. Produire, le cerveau libre, parce que cela vous convient, c’est-à-dire parce que vous êtes déterminé par désir ou par goût. Produire en opposant son déterminisme personnel au déterminisme général. Produire ainsi, tous les écrivains proclament qu’ils le font, mais combien sont prêts, dans la pratique, à présenter toute leur pensée lorsque surgit la crainte de perdre leurs lecteurs.

Of Intellectual Production

Produce cerebrally in complete independence, as if you were in the midst of nature, without worrying whether you will be followed or not by a clientele of readers. Produce, with a free brain, because it suits you, that is to say because you are determined by desire or by taste. Produce by opposing your personal determinism to the general determinism. Producing in this way, all writers proclaim that they do it, but how many are ready, in practice, to present all their thoughts when the fear of losing their readers arises.

DE L’ART, DU CORPS ET DU VÊTEMENT HUMAIN

Faire du dessin, de la peinture, de la sculpture sans connaître l’anatomie du corps humain, c’est bâtir une maison sans employer le fil à plomb, Il est nécessaire que, sous les plis de la draperie, on devine des membres, de la chair, la saillie des muscles, si on ne veut pas créer des êtres de rêve ou hors nature. Sinon, l’art n’est plus vie ni vérité : il n’est plus que fantasmagorie. Si déformées que soient les parties du corps recouvertes par les vêtements, elles sont de la chair, sillonnée par les veines, enveloppant les os. Tout cela doit se sentir, se pressentir dans un tableau, dans une statue. C’est un corps que représente l’artiste, non pas un bloc de coton, de laine ou de je ne sais quelle matière confectionnée dont émergent une tête et des extrémités de membres.

Il est un peu hasardeux d’affirmer que le vêtement contemporain — paletot et pantalon, jupe et corsage — rentre pour une très grande partie dans la déformation du corps humain. Il est tout aussi hasardeux d’affirmer que tant que l’on a porté une tunique, une toge ou un peplum, le corps ne s’est pas déformé. J’aurais bien voulu voir les corps des esclaves athéniens ou ceux des îlotes lacédémoniens. Je crois qu’ils pouvaient, en fait de déformations, rivaliser avec le corps du mineur ou celui de l’ouvrière de fabrique contemporains.

D’ailleurs, par les découvertes faites au cours de maintes fouilles, nous savons que les élégantes compatriotes des Hélène, des Sapho, des Aspasie se servaient de corsets et d’ingrédients destinés à réparer « des ans l’irréparable outrage » ; les femmes grecques qui avaient allaité plusieurs enfants ne devaient plus posséder la fermeté de contours qui caractérise la Vénus de Milo!

Si l’on admet que l’art signifie vie et vérité, on aboutit à cette conséquence qu’à moins d’être des menteurs, les artistes devraient représenter le corps humain tel qu’il est, avec les altérations qu’il subit du fait de la déformation professionnelle, de l’existence vécue dans les cités surpeuplées, dans les taudis désolés, dans la misère. Pourquoi dissimuler les tares corporelles, fruit de la civilisation industrielle que nous subissons ? Pourquoi ne représenter toujours que des athlètes ou des oisifs ? A entendre certains admirateurs de l’art antique, la contemplation du « nu » grec (pour ne citer que celui-là) n’éveille qu’un sentiment absolument « pur ». Tandis qu’on ne pourrait jeter les yeux sur une représentation contemporaine du nu sans qu’il se produise une excitation d’ordre sexuel. Eh bien, il est infiniment probable que ie nombre vraisemblablement élevé de beaux corps qu’on rencontrait chez les anciens — chez ceux qui n’étaient pas des manœuvres — résultait de la suggestion sexuelle qu’exerçaient des êtres nus ou dont le voile laissait deviner les formes. Il y avait une provocation constante à la génération. Toute la mythologie grecque est là pour montrer que la pureté d’esprit des anciens Hellènes est un mythe. Les Grecs étaient passionnés pour la forme. Etant passionnés pour la forme, ils ne pouvaient être que des sensuels.

Les artistes florentins pensaient que le visage est le miroir de l’âme, les artistes grecs pensaient que c’est le corps tout entier. Voilà ce qui explique la différence qu’on ne peut s’empêcher de remarquer entre lés représentations du corps humain qu’ils nous ont léguées. Le paganisme était tout sensibilité et sensualité. Les Florentins avaient derrière eux les siècles moyenâgeux et leur christianisme prêchant le mépris du corps et le renoncement aux vibrations des sens. On ne se rappelle pas assez que la Renaissance n’a aperçu le paganisme et conçu l’art antique qu’à travers le voile de l’hérédité chrétienne — quatorze ou quinze fois séculaire. Et de cette hérédité, en art comme nous en sommes encore dépendants !

Of Art, of the Body and of Human Clothing

Drawing, painting, sculpture without knowing the anatomy of the human body is like building a house without using a plumb line. It is necessary that, under the folds of the drapery, we can make out the limbs, the flesh, the protrusion of the muscles, if we do not want to create dreamlike or unnatural beings. Otherwise, art is no longer life or truth: it is nothing more than phantasmagoria. However deformed the parts of the body covered by clothing may be, they are flesh, furrowed by veins, enveloping the bones. All this must be felt, sensed in a painting, in a statue. It is a body that the artist represents, not a block of cotton, wool or some made-up material from which a head and the ends of limbs emerge.

It is a bit risky to assert that contemporary clothing — overcoat and trousers, skirt and blouse – accounts for a very large part of the deformation of the human body. It is equally risky to assert that as long as one wore a tunic, a toga or a peplum, the body was not deformed. I would have liked to see the bodies of the Athenian slaves or those of the Lacedaemonian helots. I believe that they could, in terms of deformations, rival the body of the miner or that of the contemporary factory worker.

Moreover, through the discoveries made during numerous excavations, we know that the elegant compatriots of Helen, Sappho, and Aspasia used corsets and ingredients intended to repair “the irreparable outrage of the years;” Greek women who had breastfed several children no longer possessed the firmness of contours that characterizes the Venus de Milo!

If we admit that art means life and truth, we arrive at the conclusion that unless they are liars, artists should represent the human body as it is, with the alterations it undergoes from the fact of professional deformation, from the existence lived in overpopulated cities, in desolate slums, in poverty. Why hide the bodily defects, the fruit of the industrial civilization that we endure? Why always represent only athletes or idlers? According to certain admirers of ancient art, the contemplation of the Greek “nude” (to name just one) only awakens an absolutely “pure” feeling. Whereas one could not lay eyes on a contemporary representation of the nude without arousal of a sexual nature occurring. Well, it is infinitely probable that the apparently high number of beautiful bodies that we encountered among the ancients — among those who were not laborers — resulted from the sexual suggestion exercised by naked beings or whose veils suggested shapes. There was a constant provocation to the generation. All Greek mythology is there to show that the purity of spirit of the ancient Hellenes is a myth. The Greeks were passionate about form. Being passionate about form, they could only be sensual.

Florentine artists thought that the face is the mirror of the soul, Greek artists thought that it is the entire body. This explains the difference that we cannot help but notice between the representations of the human body that they left to us. Paganism was all sensitivity and sensuality. The Florentines had behind them the Middle Ages and their Christianity preaching contempt for the body and renunciation of the vibrations of the senses. We do not remember well enough that the Renaissance only perceived paganism and conceived ancient art through the veil of Christian heredity — fourteen or fifteen centuries old. And this heredity, in art how dependent we are still on it!

DE L’INSPIRATION POÉTIQUE

Jamais aucune poésie, la mieux confectionnée qui soit, ne vaut le poème — mal bâti peut-être — où le poète reconte, comme il le sent, comme il l’a ressenti, un moment de son existence qui l’a impressionné si fortement ou frappé si vivement qu’il éprouve le besoin de l’extérioriser. C’est cette nécessité impérieuse de laisser s’écouler « au dehors » par la voie de la plume ou du chant, ce qui s’accumule « au dedans » qui constitue l’inspiration ou l’impulsion. Je ne prétends pas ici que tout le monde éprouve ce besoin irrésistible d’extérioriser ses impressions, ses émotions, ses sensations — voire ses opinions; je suis au contraire d’avis que ceux qui connaissent ou ont connu cette nécessité ou ce besoin sont en nombre fort restreint ; beaucoup même qui en écrivent ou en parlent n’y ont jamais rien compris — mais c’est là une digression et je reviens à mon sujet. Donc, je ne crois pas qu’il soit possible d’évoquer chez autrui le souvenir plus ou moins profondément enseveli des heures de jouissance et de souffrance qui l’ont pour un peu de temps arraché au terre-à-terre quotidien — sans avoir expérimenté soi-même les joies, les douleurs, les espérances, les aspirations qu’on décrit.

Sans doute, on peut placer sur les lèvres d’un personnage fictif le récit du moment de bonheur qui vous a ravi, les instants de désespoir qui vous ont torturé. Sans doute, on peut faire exprimer à un être, imaginaire de pied en cap, les espérances qui à de certaines périodes de votre vie, ont précipité la circulation de votre sang, les perspectives qui ont surexcité votre activité cérébrale. Mais c’est votre expérience que, sous un masque emprunté, vous exposez, vous livrez à ceux dont le tempérament vibre à l’unisson du vôtre.

Je n’’ignore pas qu’on me reprochera d’ériger en système l’autobiographisme, peu importe. Prenez garde de ne pas confondre l’artificiel avec l’art et de prendre une perruque pour une chevelure naturelle. Quiconque fait métier d’exprimer ou de chanter ce qu’il n’éprouve, ne sent, ne pense — celui-là n’a, selon moi, aucun titre au qualificatif d’artiste ou même d’artisan intellectuel ; il est tout au plus un manœuvre, une façon de marionnette.

Of Poetic Inspiration

No poetry, the best crafted that is, is ever worth the poem — poorly constructed perhaps — where the poet recounts, as he feels it, as he has felt it, a moment of his existence that has impressed him so strongly or struck so keenly that he feels the need to express it. It is this imperative need to let what accumulates “inside” flow “outside,” through the medium of the pen or song, that constitutes inspiration or impulse. I am not claiming here that everyone feels this irresistible need to externalize their impressions, their emotions, their sensations — even their opinions. On the contrary, I am of the opinion that those who know or have known this necessity or this need are very limited in number; many even who write or speak about it have never understood anything about it — but that is a digression and I will return to my subject. So, I do not believe that it is possible to evoke in others the more or less deeply buried memory of the hours of enjoyment and suffering which for a short time tore them away from the everyday earthiness — without having experienced for yourself the joys, the pains, the hopes, the aspirations that we describe.

Without doubt, we can place on the lips of a fictional character the story of the moment of happiness that delighted you, the moments of despair that tortured you. Without doubt, we can make a being, imaginary from head to head, express the hopes that, at certain periods of your life, precipitated the circulation of your blood, the perspectives that overexcited your cerebral activity. But it is your experience that, under a borrowed mask, you expose, you deliver to those whose temperament vibrates in unison with yours.

I am aware that I will be criticized for erecting a system of autobiographism, but that doesn’t matter. Be careful not to confuse artificiality with art and mistake a wig for natural hair. Anyone who makes it his business to express or sing what he does not experience, feel or think — he has, in my opinion, no right to be called an artist or even an intellectual artisan; he is at most an unskilled worker, a sort of puppet.

L’ART ET LES MONSTRES

« Du jour où l’on a admis que l’art est la manifestation de la vie, on arrive à ne réserver son admiration que pour l’anormal dans l’humanité — pour les monstres. » Non point. Non pour le monstre qui n’est qu’une production de la nature, à laquelle production le monstre n’a eu lui-même aucune part. Ceux auxquels nous réservons notre intérêt, ce sont ceux qui se conduisent ou se sont conduits de façon à détacher de façon originale leur personnalité colorée sur le fond gris et monotone de la médiocrité conventionnelle ; ceux qui y sont parvenus par l’effort de leur volonté et par la culture de leurs dispositions primitives. Le grenadier géant, le nain de l’impératrice d’Araucanie, la femme à barbe, l’homme à la tête de veau, n’ont besoin d’aucune initiative pour se distinguer de l’ensemble humain. La nature les a créés tels quels.

Art and Monsters

“From the day we admitted that art is the manifestation of life, we manage to reserve our admiration only for the abnormal in humanity — for the monsters.” Not at all. Not for the monster that is only a production of nature, in which production the monster himself had no part. Those for whom we reserve our interest are those who behave or have behaved in such a way as to detach in an original way their colorful personality from the gray and monotonous background of conventional mediocrity; those who achieved it through the effort of their will and through the cultivation of their primitive dispositions. The giant grenadier, the dwarf of the Empress of Araucania, the bearded woman, the man with the calf’s head, need no initiative to distinguish themselves from the human group. Nature created them as they are.

L’ART « POUR MOI »

« L’art pour l’artiste » ? — Mais j’appelle artiste tout être qui vibre devant une œuvre d’art qui lui plait. Toute œuvre d’art lancée par son producteur dans le domaine public — par conséquent soumise à mon appréciation si elle tombe sous mes yeux, — ne me sera une œuvre d’art que si elle m’émeut. Il m’importe peu qu’elle ait ému ou repoussé mille critiques d’art — mérité le blâme ou l’approbation du public artistique. Elle me laissera froid comme le marbre, ou exaltera mon imagination, faisant battre mes tempes ou bouillir mon sang. Et selon qu’elle aura l’un ou l’autre effet sur ma constitution, ce sera ou ce ne sera pas, pour moi, une œuvre d’art.

Art “for Me”

“Art for the artist”? — But I call an artist any being who vibrates in front of a work of art that pleases him. Any work of art launched by its producer into the public domain — therefore subject to my appreciation if it falls before my eyes -—will only be a work of art to me if it moves me. It matters little to me whether it moved or repulsed a thousand art critics — deserved the blame or the approval of the artistic public. It will leave me cold as marble, or exalt my imagination, making my temples beat or my blood boil. And depending on whether it has one or the other effect on my constitution, it will or will not be, for me, a work of art.

LA PERFECTION DANS SON ŒUVRE

Poursuivre la « perfection » dans son œuvre ne révèle pas toujours un esprit créateur, un tempérament initiatif. Cela dénote d’excellentes, de précieuses qualités de savoir-faire, — cela démontre qu’on est un ouvrier qualifié, accompli. Pour moi, c’est la force, c’est la puissance, c’est l’originalité que je réclame dans une œuvre, non point le fini dans les détails et une préoccupation constante, étouffante du fini dans la forme. Je demande à un ouvrage qu’il me fasse penser, réfléchir, qu’il émeuve ma sensibilité au point de m’arracher des larmes, qu’il mette ma compréhension à l’épreuve qu’il soulève en moi un ouragan de contradictions. Je veux voir dans toute production un essai, un échantillon, une ébauche, non point une pièce définitive, hors concours, tellement fouillée, raffinée, que le producteur ne la dépassera, ne la surpassera plus ; qu’elle est à la fois l’alpha et l’oméga de son œuvre.

Perfection in One’s Work

Pursuing “perfection” in one’s work does not always reveal a creative spirit, an initiating temperament. This denotes excellent, valuable qualities of know-how — it demonstrates that one is a qualified, accomplished worker. For me, it is strength, it is power, it is originality that I demand in a work, not finish in the details and a constant, stifling preoccupation with the finish in the form. I ask of a work that it makes me think, reflect, that it moves my sensitivity to the point of bringing tears to my eyes, that it puts my understanding to the test, that it raises in me a hurricane of contradictions. I want to see in every production an attempt, a sample, a draft, not a definitive piece, out of competition, so detailed, refined, that the producer will not surpass it, will no longer surpass it; that it is both the alpha and the omega of his work.

INGÉNIOSITÉ ET GÉNIE

L’ingéniosité est au génie ce que le savoir-faire est au savoir.

INGENUITY AND GENIUS

Ingenuity is to genius what know-how is to knowledge.

LE PROTESTANTISME ET L’ART

Le Protestantisme est-il hostile à l’Art ? Est-il exact qu’en pays protestant un mouvement analogue à la Renaissance n’eût pu éclore ? On a répondu par l’affirmative. Mais là encore, la question a été mal posée. Posons-la sous une autre forme. Les climats septentrionaux sont-ils ou non favorables au développement du sentiment, à la culture artistique ? Le nord de l’Europe, l’Asie septentrionale — dans les circonstances les plus favorables — auraient-ils jamais pu donner naissance aux êtres qui ont conçu et réalisé les manifestations artistiques de l’Europe méridionale et de l’Orient ? Les pays où ne fleurissent ni le myrte, ni l’oranger, ni le palmier, ni le lotus, auraient-ils jamais pu susciter les chefs-d’œuvres d’architecture monumentale, de peinture, de sculpture, de musique, etc., qui ont été la conséquence des civilisations méditerranéennes, cis et même transgangétiques ? Il n’y a point de doute que la forme de la religion ait influencé la production artistique jusqu’à la fin du XVII: siècle, comme on ne saurait nier que la constitution économique des sociétés humaines influence l’art à partir du XIXe siècle. Mais il n’y a point à douter non plus qu’à chaque climat correspond une forme de religion. Les nuits si richement étoilées de la Chaldée, de la Médie, de l’Egypte font comprendre la religion astronomique des « initiés » de ces pays. Le climat facile de la Grèce et de l’Asie mineure donne la clé de cette religion qui déifiait les forces naturelles. Le ciel pur et la riche végétation des pays du midi de l’Europe occidentale font comprendre le paganisme et son héritier le catholicisme, plus sombre dans la péninsule ibérique qu’en Italie ou dans le Sud de la France. Comme les steppes de l’Europe orientale font comprendre le christianisme mystique et rêveur des pays slaves — le climat brumeux de l’Angleterre, de la Hollande, de l’Allemagne du Nord, de la Scandinavie donne la clé des succès du Protestantisme. On peut affirmer, sans guère se tromper, que là où le soleil n’est pas voilé par les nuages, on aime la couleur, le son, la forme — même dans leurs exagérations.

Protestantism and Art

Is Protestantism hostile to Art? Is it true that in a Protestant country a movement similar to the Renaissance could not have emerged? Some have answered in the affirmative. But again, the question was poorly asked. Let’s put it in another form. Are northern climates favorable to the development of feeling and artistic culture or not? Could northern Europe, northern Asia — under the most favorable circumstances — ever have given birth to the beings who conceived and produced the artistic manifestations of southern Europe and the Orient? Could countries where neither the myrtle, nor the orange tree, nor the palm, nor the lotus flourish, ever have produced masterpieces of monumental architecture, painting, sculpture, music, etc.? , which were the consequence of Mediterranean, cis- and even trans-gangetic civilizations? There is no doubt that the form of religion influenced artistic production until the end of the 17th century, just as it cannot be denied that the economic constitution of human societies influences art from the 19th century onwards. But there is also no doubt that each climate corresponds to a form of religion. The richly starry nights of Chaldea, Media and Egypt make us understand the astronomical religion of the “initiates” of these countries. The easy climate of Greece and Asia Minor provides the key to this religion that deified natural forces. The pure sky and the rich vegetation of the southern countries of Western Europe make us understand paganism and its heir Catholicism, darker in the Iberian Peninsula than in Italy or the South of France. Just as the steppes of Eastern Europe provide insight into the mystical and dreamy Christianity of the Slavic countries, the misty climate of England, Holland, Northern Germany and Scandinavia provides the key to the success of Protestantism. We can say, without much doubt, that where the sun is not obscured by clouds, we love color, sound, form — even in their exaggerations.

LES INFLUENCES CLIMATÉRIQUES ET L’ART

Donc, la forme de religion, les manifestations artistiques, les circonstances économiques des différents peuples sont en relation effective avec les climats des territoires où ils ont leur habitat. Pourtant, il faut se garder de généraliser trop vite. La verte et brumeuse Irlande est catholique, la Pologne également et les adeptes du catholicisme sont nombreux en pays batave, La Hollande, l’Angleterre comptent des peintres de premier ordre. Je n’ai pas besoin de parler des églises et des beffrois dont le moyen âge a semé l’Europe du Nord. Et personne n’ignore que les populations de l’Europe septentrionale ont non seulement beaucoup de goût pour la musique, mais qu’il sort de leur sein des compositeurs des plus remarquables. Pour porter une appréciation exacte d’ailleurs, il faudrait savoir avec certitude quel a été le berceau des races qui habitent le Nord de l’Europe. Si les ancêtres de certaines d’entre elles provenaient de contrées méridionals, rien d’étonnant à ce que, par atavisme, elles aient conservé une vision de la vie ensoleillée et fleurie. Dans la production littéraire et artistique des nordiques, il serait nécessaire de délimiter quelle est l’œuvre des immigrés, quelle est celle des autochtones ; quelle est la part des croisements entre ceux-ci et ceux-là… Tout ceci considéré, on ne se trompe guère en posant comme règle générale que l’autochtone du nord, dans sa production imaginative, est plus sombre, plus renfermé, plus chez soi, plus vie intérieure, plus confortable, moins sensualiste et « far niente » que l’autochtone du midi.

Climateric Influences and Art

Therefore, the form of religion, the artistic manifestations, the economic circumstances of different peoples are in effective relationship with the climates of the territories where they have their habitat. However, we must be careful not to generalize too quickly. Green and misty Ireland is Catholic, Poland too, and there are many followers of Catholicism in the Batavian countries. Holland and England have first-rate painters. I don’t need to talk about the churches and belfries with which the Middle Ages scattered Northern Europe. And no one is unaware that the populations of northern Europe not only have a great taste for music, but that they produce some of the most remarkable composers. To make an accurate assessment, it would be necessary to know with certainty what was the cradle of the races that inhabit Northern Europe. If the ancestors of some of them came from southern regions, it is not surprising that, through atavism, they retained a sunny and flowery vision of life. In the literary and artistic production of the Nordics, it would be necessary to demarcate which is the work of immigrants and which is that of the natives; what is the share of crossings between one and the other… All this considered, we are hardly wrong in positing as a general rule that the native of the north, in his imaginative production, is darker, more withdrawn, more at home self, more inner life, more comfortable, less sensualist and “far niente” than the native of the south.

DU PARTICULARISME

Il est vrai que le particularisme — sous la forme de dialectes ou de coutumes provinciales, ou locales — est généralement le compagnon de l’esprit de clocher, de l’étroitesse d’imagination, de la superstition, du jugement à court rayon. Mais à force de s’ingénier à parler une même langue, universelle ou presque, à s’habiller de la même façon, à sucer le lait d une même culture, à fabriquer en séries les utilités nécessaires à l’habitat, on en vient à régresser jusqu’à une uniformité monotone et languissante, une conformité de mœurs et de produits qui fait de chaque être humain l’exemplaire d’un même cliché.

Of Particularism

It is true that particularism — in the form of dialects or provincial or local customs — is generally the companion of parochialism, of narrowness of imagination, of superstition, of short-range judgment. But by dint of trying to speak the same language, universal or almost, to dress in the same way, to suck the milk of the same culture, to mass-produce the utilities necessary for housing, we come to to regress to a monotonous and languid uniformity, a conformity of morals and products that makes each human being an example of the same cliché.

L’INDIVIDUALISTE EST UN ARTISTE

L’individualiste est celui qui se préoccupe en premier lieu de sculpter sa propre personnalité, C’est un artiste. Il envisage la vie, sa vie, comme une œuvre d’art, comme une statue où un tableau qu’il n’a jamais fini de polir, de tailler ou de retoucher, quelles que soient la perfection ou la mise au point des ébauches ou des exquisses déjà achevées. Il en est ainsi dans le domaine de la production manuelle — l’Individualiste n’est pas un ouvrier — un exécuteur — mais un artisan — un créateur. Le rêve d’une Société Individualiste n’est possible qu’à la condition que ses constituants soient, à tous les points de vue et des artistes et des artisans, ce qui est tout le contraire de la tendance grégaire actuelle.

The Individualist is an Artist

The individualist is the one who is primarily concerned with sculpting his own personality. He is an artist. He considers life, his life, as a work of art, like a statue or a painting that he never finishes polishing, carving or retouching, whatever the perfection or the development of the sketches or of the delicacies already completed. He is thus in the field of manual production — the Individualist is not a worker — an executor — but an artisan — a creator. The dream of an Individualist Society is only possible on the condition that its constituents are, from all points of view, artists and artisans, which is the complete opposite of the current gregarious trend.

LES INTELLECTUELS

Nous devons beaucoup aux « intellectuels », c’est-à-dire à ceux qui ont fait des choses de l’Intelligence la grande affaire de leur vie — sans jamais faire de « l’Intellectualisme » un synonyme d’arrivisme ou de complaisance à l’égard des bergers ou du troupeau social. Ils nous ont ‘beaucoup appris. Plus que cela. Ils ont contribué à susciter en nous le désir d’être une personnalité pensent par et pour nous-mêmes

Mais ils nous doivent beaucoup, en revanche. Combien d’intellectuels ne seraient jamais sortis du cadre restreint où ils vivotaient si nos milieux, nos journaux, nos revues ne s’étaient point intéressés à ce qu’ils écrivaient ? On a déjà fait la remarque qu’ils oubliaient volontiers cet appui prêté au moment du besoin lorsqu’ils avaient franchi le cap des difficultés et voguaient sur la pleine mer de la notoriété… Il est vrai que nos milieux ne se sont jamais attendus à être récompensés pour l’assistance fournie à des hommes dont ils croyaient utile de diffuser la production cérébrale, ceci dit pour éviter tout malentendu…

Cependant, ne serait-ce que par pudeur ou par dignité, certains de ces « intellectuels » auraient gagné à éviter qu’on leur reprochât un oubli trop désinvolte du passé.

The Intellectuals

We owe a lot to the “intellectuals,” that is to say to those who have made matters of Intelligence the great business of their lives — without ever making “Intellectualism” a synonym for careerism or complacency towards the shepherds or the social flock. They have taught us a lot. More than this. They have helped to arouse in us the desire to be a personality thinking by and for ourselves.

But they owe us a lot, on the other hand. How many intellectuals would never have left the restricted framework in which they lived if our circles, our newspapers, our magazines had not been interested in what they wrote? It has already been noted that they willingly forgot this support given at the time of need when they had overcome difficulties and were sailing on the open sea of notoriety… It is true that our circles never expected to be rewarded for the assistance provided to men whose brain production they believed would be useful to disseminate, we must say to avoid any misunderstanding…

However, if only out of modesty or dignity, some of these “intellectuals” would have benefited from avoiding being accused of forgetting the past too casually.

OPINIONS CONTRADICTOIRES

Entre les enfants de lits différents, il y a des divergences marquées. Entre pensées émises à des époques différentes et sous des influences intellectuelles diverses, il peut arriver qu’il y ait contradiction marquée. D’où il suit qu’on ne peut en vouloir à un penseur d’émettre des opinions contradictoires différentes selon les divers moments de la vie intellectuelle.

Contradictory Opinions

Between children from different beds, there are marked divergences. Between thoughts expressed at different times and under different intellectual influences, it can happen that there is a marked contradiction. From which it follows that we cannot blame a thinker for expressing different contradictory opinions according to the various moments of intellectual life.

DICTATURE INTELLECTUELLE

Parce qu’il ne vous plaît pas d’insérer la rectification que nous vous avons fait tenir sur tel exposé d’une thèse nôtre, que nous jugions inexacte, vous nous renvoyez à « notre journal ». Ce procédé n’est pas seulement contraire à la bonne confraternité qui lie tacitement entre eux les journaux combattant même ennemi, mais il est de nature à nous porter tort dans l’esprit des lecteurs qui ne lisent que votre périodique. Nous ne vous avions pas demandé de faire aucune allusion à nos thèses spéciales et voici que nous n’écrivons pas pour écrire, nous aimons les idées que nous exposons et nous souffrons quand on les présente déguisées, déformées, falsifiées. Sans doute, si tous nos lecteurs lisaient votre périodique, si tous vos lecteurs se procuraient le nôtre, il n’y aurait pas grand mal. Mais ce n’est pas le cas. Les lecteurs de votre feuille ne sont pas familiers avec les thèses que nous exposons et c’est nous nuire auprès d’eux que de les présenter autrement que nous les concevons. Je vous ai vu protester contre un président d’Assises retirant la parole à un accusé. Et vous aviez raison. Le fait qu’on l’accuse — et peu importe l’inculpation — met l’accusé en situation de réclamer la faculté de se servir de tous les arguments possibles pour se défendre. Si vous ne voulez pas entendre des paroles de défense qui vous blessent, ne le traînez pas devant les tribunaux. Nous nous trouvons quelque peu dans la même situation à l’égard de vos lecteurs devant lesquels vous avez pour ainsi dire traîné nos thèses. Ne nous empêchez pas de les défendre devant eux ou n’y faites pas allusion. Si vous entravez notre défense, si vous nous empêchez de rétablir la conception, pour nous erronée, que vous en avez fournie, vous ne faites ni plus ni moins que tous les étrangleurs de pensée de tous les temps : de la dictature.

Intellectual Dictatorship

Because you do not like to insert the correction that we made you make on a particular presentation of a thesis of ours, which we judged to be inaccurate, you refer us to “our newspaper.” This process is not only contrary to the good brotherhood that tacitly binds together newspapers fighting even the enemy, but it is likely to harm us in the minds of readers who only read your periodical. We had not asked you to make any allusion to our special theses and here we are not writing for the sake of writing; we love the ideas that we present and we suffer when they are presented in disguised, distorted, falsified form. Without doubt, if all our readers read your periodical, if all your readers obtained ours, there would be no great harm. But this is not the case. The readers of your paper are not familiar with the theses that we present and it is detrimental to us to have them presented them differently from our conception. I saw you protest against a president of the Assizes depriving an accused of speaking. And you were right. The fact that he is accused — and whatever the charge — puts the accused in a position to demand the ability to use all possible arguments to defend himself. If you don’t want to hear defensive words that hurt you, don’t take him to court. We find ourselves somewhat in the same situation with regard to your readers before whom you have, so to speak, dragged our theses. Don’t stop us from defending them in front of them or even mention it. If you hinder our defense, if you prevent us from reestablishing the conception, which we believe to be erroneous, that you have provided, you are doing nothing more and nothing less than all the thought stranglers of all time: dictatorship.

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Independent scholar, translator and archivist.