(No. 130. — 29 mars 1849}.
PAROLES DE PROUDHON DEVANT LA COUR D’ASSISES (1).
Le citoyen Proudhon. Citoyens jurés, vous avez entendu l’accusation, vous apprécierez la défense. Vous jugerez de la bonne foi de la première; vous me permettrez de commencer par remercier le dévouement de la seconde. L’avocat général s’est trompé tout à l’heure quand il a cru que si je ne prenais pas la parole après lui, c’est que je tenais en réserve quelques arguments que je voulais vous présenter dans toute leur fraicheur et sans qu’il pût y répondre. Je le répète, le citoyen avocat-général s’est trompé; je n’ai rien à vous dire sur l’accusation, je n’ai rien à ajouter à la défense; je n’ai qu’à vous parler de l’origine de ce procès.
Ou je me trompe fort, ou vous avez déjà compris, en écoutant ces longs développements, que ce procès, je l’ai cherché. je l’ai voulu, afin de constater un grand principe de notre nouveau droit républicain.
Je suis accusé aujourd’hui de quatre crimes; car, moi, je suis plus sévère que le ministère public, que le Code pénal : les faits qu’on me reproche sont à mes yeux autant de crimes.
Je suis accusé, dit-on, d’avoir excité à la haine et au mépris du gouvernement de la République, Or, je vous le demande, est-ce possible de la part d’un républicain comme moi, et, vous le savez, d’un républicain de la couleur la plus foncée (Mouvement prolongé.)
Je suis accusé d’attaque contre la Constitution; ici, même observation se représente; j’ai voulu montrer quels sont les droits du président, montrer, dans toute sa vérité, le mécanisme de la Constitution républicaine. Mais, parce qu’il se trouve que la Constitution, dans son mécanisme, n’est pas aussi favorable aux prétentions du premier magistrat de la République que plusieurs des auteurs de cette Constitution l’avaient cru d’abord, que les ministres actuellement chargés du gouvernement de la République l’avaient espéré, il arrive de là que suis accusé d’avoir attaqué la Constitution. Cependant, je n’ai fait que l’interpréter autrement qu’eux.
Vous l’avez vu, l’accusation n’a pas été autre chose qu’une réfutation de mon opinion; mais elle n’a pas pu établir que mon opinion fût en rien incriminable, bien moins encore qu’elle fût fausse.
Je viens au troisième délit, celui d’attaque contre le droit & l’autorité que le président de la République tient de la Constitution.
Qu’ai-je fait là encore ? J’ai dit quelle était la limite des droits du président ; cette limite, je vous ferai voir tout à l’heure qu’elle n’a pas été bien comprise.
J’ai voulu, à l’occasion d’un débat solennel, établir quelle était la limite du droit du président. De cette limite découle d’abord la responsabilité du président, et de cette responsabilité sa subordination aux ordres, à la volonté de l’Assemblée nationale.
Quant au quatrième délit, — excitation à la haine et au mépris des citoyens les uns contre les autres, — en quoi m’en suis-je rendu coupable ? J’ai parlé des royalistes, des absolutistes, des impérialistes, des jésuites, des bancocrates, des malthusiens; depuis quand les jésuites, les impérialistes, les royalistes forment-ils des classes reconnues de citoyens! Ont-elles une existence légale!
Il semble, permettez-moi cette comparaison, que je suis le plus adroit des chasseurs. Ainsi j’aurais attiré dans un piège le gouvernement, le ministère public; j’aurais amené ce dernier à me faire un procès, non-seulement injuste, mais encore ridicule et absurde, et que je déplorerais s’il ne devait pas servir à l’affermissement de la République. Non, je n’ai pas été si habile; je n’ai voulu attirer ni le président de la République, ni le ministère public dans aucun piège; j’ai seulement voulu constater combien ils étaient vulnérables et attaquables, et je me réjouis de l’avoir fait; et vous allez voir qu’il y a de ma part une longue préméditation.
Je suis accusé ici, non pas d’une attaque à la Constitution, on ne le comprendrait pas, mais d’avoir porté atteinte aux droits du président, ces droits que l’on trouve trop restreints et qu’on voudrait rendre souverains.
On m’accuse ensuite d’excitation à la haine des citoyens les uns contre les autres. Si je voulais récriminer, je renverrais cette accusation au ministère. En effet, lisez le Moniteur, il n’y a pas de jour où on ne m’y désigne à la haine des citoyens; il n’y pas de Jour où je n’y sois désigné comme l’homme le plus dangereux. Non, messieurs, je ne suis pas un homme si dangereux ; ce qu’on poursuit en moi, c’est le socialisme, c’est cet homme qui a dit : La propriété, c’est Le vol; cet homme qui blasphémé la divinité, que sais-je ? Eh bien, cet homme, enfin le voilà! On le tient. (Mouvement.)
Comment se tirera-t-il de cette quadruple accusation dans laquelle on l’enserre! Mais ces quatre crimes, je ne les ai pas commis, on vous l’a dit, on vous l’a prouvé tout à l’heure. On ne poursuit donc que le socialisme, il faut que je vous dise ce que c’est que le socialisme.
Le citoyen Président. Mais il ne s’agit pas du socialisme; le socialisme n’est pas en cause. Vous n’êtes pas accusé comme socialiste; renfermez-vous dans les faits de la cause.
Le citoyen Proudhon. Je vous remercie, citoyen président, de votre bienveillante observation. Mais je tenais à ke | dire, sans l’importune célébrité qui m’a été faite, je ne serais pas ici; et puisque l’on demande depuis si longtemps ce que c’est que le socialisme, je vais le dire.
Le socialisme, c’est la doctrine de la synthèse, de la conciliation universelle ; ce que le socialisme attaque, c’est l’antagonisme universel. Le socialisme prétend qu’on ne pourra établir la paix qu’en identifiant les termes contraires; travailleurs et capitalistes, producteurs et consommateurs doivent être identifiés comme l’ont été par la révolution de février les électeurs et les éligibles; nous prétendons, je le répète, que les termes contraires doivent être identifiés; voilà le socialisme.
Pour arriver plus près de le question, permettez-moi de : vous parler de la Constitution.
Nous disions que dans la Constitution on ne devait pas prononcer l’incompatibilité entra le mandat de représentant et la qualité de fonctionnaire ; on a prétendu que, dans l’état actuel des choses, cette incompatibilité était nécessaire, afin d’établir une distinction profonde entre lo pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
Suivant le socialisme, le pouvoir exécutif et le pouvoir légisIatif ne devraient pas être séparés : les principes, suivant nous, ne permettent pas que l’on en fasse deux parts; à tort ou à raison, nous regardons cette distinction comme la cause infaillible d’une catastrophe prochaine ou éloignée. Convaincus de-ces principes, nous croyons que l’Assemblée a fait fausse route quand elle a créé la distinction que nous combattions.
J’ai voulu démontrer devant le pays que cette distinction, que cette indépendance mutuelle des deux pouvoirs mènerait à une catastrophe, à une collision inévitable. Le gouvernement me fournit lui-même l’occasion; j’ai dû frapper fort, mais c’est par la force dialectique que j’ai frappé. — J’ai réussi; j’ai éveillé l’attention de l’Assemblée nationale; les articles des 26 et 27 janvier, que l’accusation incrimine, ne sont pas les seuls dans lesquels j’ai traité cette question; le 29 janvier, j’en ai publié un autre qui n’a pas été poursuivi.
Après que j’ai eu posé ainsi la question, après que j’ai eu indiqué le germe de conflits dans le gouvernement, si le ministère public avait été aussi habile pour innocenter qu’il l’a été pour accuser, il aurait lu l’article du 29 janvier.
Je demande la permission de le lire, il sera toute ma défense; vous y verrez que l’Assemblée, après avoir établi la distinction des deux pouvoirs, a été amenée à détruire la coexistence et l’égalité de ces pouvoirs; ce qu’elle a fait d’un côté, elle l’a détruit de l’autre. Voici ot article :
(No. 130. — March 29, 1849).
WORDS OF PROUDHON BEFORE THE COURT OF ASSIZES (1).
The citizen Proudhon. — Citizen jurors, you have heard the accusation; you will evaluate the defense. You will judge the good faith of the first; allow me to begin by expressing gratitude for the devotion of the second. The Advocate General made a mistake just now when he believed that if I was not speaking after him, it was because I had in reserve a few arguments that I wanted to present to you in all their freshness, without allowing him to answer them. I repeat, the Citizen Advocate-General was mistaken; I have nothing to say to you regarding the accusation and I have nothing to add to the defence; I have only to tell you about the origin of this lawsuit.
Either I am very mistaken, or you have already understood, listening to these long developments, that I sought this trial. I desired it, in order to establish a great principle of our new republican right.
I am charged today with four crimes; because I am myself more severe than the public prosecutor, than the Penal code: the acts for which I am reproached are in my eyes as many crimes.
I am accused, they say, of having incited hatred and contempt for the government of the Republic. Now, I ask you, is this possible for a republican like me, a republican, as you know, of the most pronounced hue? (Prolonged movement.)
I am accused of attacking the Constitution; here, the same observation occurs; I wanted to demonstrate the rights of the president, to show, in all its truth, the mechanism of the republican Constitution. But, because it happens that the Constitution, in its mechanism, is not as favorable to the claims of the first magistrate of the Republic as several of the authors of this Constitution had believed at first, as the ministers currently in charge of the government of the Republic had hoped, I am, as a result, accused of having attacked the Constitution. However, I only interpreted it differently from them.
As you have seen, the accusation was nothing more than a refutation of my opinion; but it could not establish that my opinion was in any way incriminable, much less that it was false.
I come to the third offence, that of attacking the right and the authority that the President of the Republic derives from the Constitution.
Again, what have I done? I stated the limit of the rights of the president; I will presently show you that this limit has not been well understood.
I wanted, on the occasion of a solemn debate, to establish the limit of the right of the president. From this limit flows first the responsibility of the President, and from this responsibility his subordination to the orders, to the will of the National Assembly.
As for the fourth offence—incitement to hatred and contempt of citizens against each other—in what sense am I guilty? I have spoken of the royalists, absolutists, imperialists, Jesuits, bankocrats, Malthusians; since when do the Jesuits, the imperialists, the royalists form recognized classes of citizens! Do they have a legal existence!
It would seem, if you will allow me this comparison, that I am the most skilful of hunters. Thus I would have lured the government, the public prosecutor into a trap; I would have caused the latter to bring against me charges that are not only unjust, but also ridiculous and absurd, which I would deplore if they did not to serve the strengthening of the Republic. No, I wasn’t that clever; I did not want to lure either the President of the Republic or the public prosecutor into any trap; I just wanted to see how vulnerable and attackable they were, and I am glad that I did; and you will see that there is a long premeditation on my part.
I am accused here, not of an attack on the Constitution — such an attack would not be understood — but of having infringed on the rights of the president, these rights that we find too restricted and that we would like to make sovereign.
I am then accused of inciting the citizens to hatred of one another. If I wanted to recriminate, I would refer that accusation to the ministry. In fact, read the Moniteur: there is not a day when I am not singled out for the hatred of the citizens; there is not a day when I am not named there as the most dangerous of men. No, gentlemen, I am not such a dangerous man; what is pursued in me is socialism, it is the man who said: Property is theft; the man who blasphemed the divinity, who knows? Well, that man, here he is at last! Here we have him. (Movement.)
How will he extricate himself from this quadruple accusation with which he is hemmed in! But these four crimes, I did not commit them. You have been told, it has been proven to you just now. It is only socialism that is on trial, so I must tell you what socialism is.
The Citizen President. — But it is not about socialism; socialism is not in question. You are not accused as a socialist; confine yourself to the facts of the case.
The citizen Proudhon. — Thank you, Citizen President, for your kind observation. But I wanted to say, without the troublesome celebrity that has been made for me, I would not be here; and since people have been asking for so long what socialism is, I will tell them.
Socialism is the doctrine of synthesis, of universal conciliation; what socialism attacks is universal antagonism. Socialism claims that peace can only be established by identifying the contrary terms; workers and capitalists, producers and consumers must be identified as the electors and those eligible were identified by the February revolution; we claim, I repeat, that the contrary terms must be identified; this is socialism.
To get closer to the question, allow me to talk to you about the Constitution.
We said that in the Constitution one should not pronounce the incompatibility between the mandate of representative and the quality of civil servant; it has been claimed that, in the present state of things, this incompatibility was necessary, in order to establish a profound distinction between the executive power and the legislative power.
According to socialism, the executive power and the legislative power should not be separated: the principles, according to us, are not separable into two parts; rightly or wrongly, we regard this distinction as the infallible cause of a near or distant catastrophe. Convinced of these principles, we believe that the Assembly took a wrong turn when it created the distinction that we were combating.
I wanted to demonstrate to the country that this distinction, this mutual independence of the two powers would lead to a catastrophe, to an inevitable collision. The government itself gives me the opportunity; I must have struck hard, but it was through dialectical force that I struck. — I succeeded; I have awakened the attention of the National Assembly; the articles of January 26 and 27, which the prosecution deems criminal, are not the only ones in which I have dealt with this question; on January 29, I published another one that was not prosecuted.
After I had thus posed the question, after I had pointed out the germ of conflicts in government, if the public prosecutor had been as skilful in exonerating as he was in accusing, he would have read the article of January 29.
I ask permission to read it, it will be my whole defense; you will see there that the Assembly, after having established the distinction between the two powers, was led to destroy the coexistence and the equality of these powers; what it has made on one side, it has destroyed on the other. Here is that article:
« Je suis accusé par le procureur de la République :
« 1° D’excitation au mépris et à la haine du gouvernement do la République;
« 2° D’attaque contre la Constitution;
« 3° D’attaque contre les droits et l’autorité que le président de la République tient de la Constitution;
« D’avoir cherché à troubler la paix publique en excitant le mépris et la haine des citoyens les uns contre les autres.
« Tout cela, parce que, dans le procès actuellement pendant devant l’Assemblée nationale entre la Révolution et la contrerévolution, je me suis avisé de tirer en cause le président actuel de là République, au nom et au profit duquel s’ourdit, selon moi, la trame réactionnaire.
« En attendant que je fournisse devant qui de droit de plus amples explications, je prie mes honorables collègues de l’Assemblée nationale de peser dans leur sagesse et d’apprécier dans le secret de leur conscience ce que je m’en vais leur dire :
« Ce n’est pas du socialisme que je fais en ce moment, c’est de la politique, de la politique la plus vieille et la plus triviale. Faut-il que ea soit moi, un homme d’hier, qui en remontre aux maitres ?…
« On l’a dit à la tribune, le ministère l’avoue, tout le monde le répète :
« Le principe de la proposition Rateau, c’est que la majorité, pour ne pas dire la presque totalité des représentants, s’étant déclarée contre la candidature de Louis Bonaparte, l’Assemblée nationale est nécessairement hostile au président; qu’ainsi la marche du gouvernement est entravée, la politique incertaine, le retour à la confiance impossible; qu’en conséquence devant le magnifique cadeau que lui a fait le suffrage universel, le devoir de l’Assemblée est de se dissoudre.
« En un mot, c’est sur l’existence vraie ou présumée d’un conflit ou discord entre l’Assemblée et le président de la République que repose la demande présentée par l’honorable M. Rateau et par le ministère.
« Il s’agit donc, pour apprécier la proposition du citoyen Rateau, de savoir si, _constitutionnellement_, la question de la possibilité d’un conflit entre l’Assemblée nationale et le président de la République peut être posée. Car il est clair que si la proposition Rateau était, dans son principe, ses motifs et son objet, inconstitutionnelle; si par elle-même elle impliquait violation de la Constitution, il n’y aurait pas lieu de l’examiner, elle devrait être écartée par la question préalable.
« Pour résoudre ce problème, la seule marche à suivre est d’examiner le rôle respectif et les relations réciproques de l’Assemblée et du président; en autres termes, c’est d’analyser, au point de vue de la proposition Rateau, la Constitution.
« Que le lecteur m’accorde cinq minutes de patience; je serai catégorique et bref.
« Or, il resulte des articles 33, 35, 36, 45, 47, 48, 49, 50,51, 53, 54, 55, 59, 65, 68, 72, 74, 75 de la Constitution, que le pré sident de la République, inférieur en dignité à l’Assemblée nationale, n’est encore que l’organe de l’Assemblée, le subalterne de l’Assemblée, le justiciable de l’Assemblée.
« D’où il suit que l’Assemblée nationale et le président de ls République ne forment pas, comme on l’a cru, et comme certains le prétendent, deux pouvoirs égaux, mais un pouvoir unique, dont l’Assemblée est la tête et le président le bras: que le privilège de l’élection populaire, conféré au président par l’article 43 de la Constitution, ne constitue pour lui qu’une distinction purement honorifique, et qu’ainsi l’hypothèse d’un conflit entre le Corps législatif et le chef du pouvoir exécutif, contradictoire dans les termes, ne saurait constitutionnellement être admise.
« Il peut y avoir désobéissance du président de la République à l’égard de l’Assemblée nationale; il répugne au texte et à l’esprit de la Constitution qu’il y sit entre eux et dans aucun cas conflit. Prétendre le contraire, c’est déjà méconnaître, j’ai presque dit c’est violer la Constitution.
« Je dis d’abord que le président de la République est inférieur à l’Assemblée nationale. En effet :
« L’Assemblée ne peut jamais être élue que par le peuple. — Le président peut, en certains cas, être désigné par l’Assemblée (art. 47).
« L’Assemblée nationale vérifie elle-même ses pouvoirs. — C’est elle qui statue sur la validité de l’élection du président. (Ibid.)
« Les représentants du peuple ne peuvent recevoir de mandat impératif; ils légifèrent dans la plénitude de leur spontanéité et de leur initiative. — Le président ne peut qu’obéir aux décrets de l’Assemblée, qu’il lui est enjoint de promulguer dans le délai d’un mois, et, s’il y a urgence, de trois jours (art. 57).
« Les représentants du peuple sont inviolables. Ils ne peuvent être recherchés, accusés, ni jugés, en aucun temps, « pour «les opinions qu’ils ont émises dans le sein de l’Assemblée « nationale. » (Art. 36). C’est-à-dire que pour toutes les opinions qu’ils peuvent émettre, pour tous les actes qu’ils peuvent produire dans l’exercice de leur mandat, ils sont absolument, et de droit, irresponsables. — « Le président de la République est responsable de tous ses actes comme de tous ses discours. » (Art. 68.)
_Le citoyen Président_. Citoyen Proudhon, je suis obligé d’interrompre cette lecture; veuillez, je le répète, vous renfermer dans les faits de la cause; l’article du 29 janvier est étranger au procès.
_Le citoyen Proudhon_. Je m’arrête sur l’observation du citoyen président; mes observations seront fort courtes. On m’a reproché d’attaquer le principe de la présidence; c’est à cette objection du ministère public que je voulais répondre en lisant cet article.
Ce que je voulais établir, c’est que le président, suivant MM. Barrot, Faucher, Falloux, etc., n’est pas le président selon la Constitution. Maintenant je termine par un seul mot.
J’ai désiré ce procès dans un grand intérêt républicain. (Mouvement.) Ah! c’est une chose singulière que de chercher un procès au bout duquel il peut y avoir de trois mois à cinq ans d’emprisonnement, Mais vous apprécierez, j’espère, le but véritable et l’utilité de ma conduite : ce que j’ai voulu amener, c’est la discussion, c’est la fixation, dans la pratique, de la limite des droits du président. :
Dites à votre cousin, disais-je peu de jours après le 10 décembre à un des proches parents du président de la République, qu’il prenne bien garde à une chose, c’est à la responsabilité qui pèse sur lui. Ce que je disais alors, un mois plus tard j’étais appelé à le mettre en action. La politique du ministère, les manifestations du gouvernement ont obligé les républicains de protester; il était urgent de faire voir sur quelle pente fâcheuse on se trouvait entraîné.
Citoyens jurés, je suis devant vous comme coupable; mais j’ai la conscience d’avoir fait une bonne action. J’ai maintenu le droit, je le maintiendrai toujours. Il y a des hommes auxquels il suffit de naître pour devenir rois ou présidents de République; moi, je travaille depuis douze ans, et je viens ici chercher ma récompense. (Sensation prolongée.)
(1) Audience du 28 mars 1849. Deux articles de Proudhon étaient incriminés, intitulés, l’un la Guerre, l’autre Le Président de la République est responsable. Tous deux furent condamnés, et Proudhon eut, par suite, à subir trois ans de prison et une amende de 3,000 francs.
“I am accused by the public prosecutor:
“1. Of excitation of contempt and hatred for the government of the Republic;
“2. Of attack against the Constitution;
“3. Of attack against the rights and authority that the President of the Republic derives from the Constitution;
“Of having sought to disturb the public peace by arousing the contempt and hatred of the citizens against one another.
“All this because, in the trial currently pending before the National Assembly between the Revolution and the counter-revolution, I have taken it into my head to call into question the current President of the Republic, in whose name and for whose benefit, in my opinion, the reactionary web is woven.
“While waiting for me to provide further explanations before whom it may concern, I beg my honorable colleagues of the National Assembly to weigh in their wisdom and to appreciate in the secrecy of their conscience what I am about to say to them:
“It is not socialism that I am engaged in at the moment, it is politics, the oldest and most trivial politics. Must it be me, a man of yesterday, who shows a thing or two to the masters?…
“We said it on the rostrum, the minister admits it, everyone repeats it:
“The principle of the Rateau proposal is that the majority, if not almost all of the representatives, having declared themselves against the candidacy of Louis Bonaparte, the National Assembly is necessarily hostile to the president; that thus the progress of the government is impeded, policy uncertain, the return to confidence impossible; that consequently, before the magnificent gift that universal suffrage has given it, the duty of the Assembly is to dissolve itself.
“In a word, it is on the real or presumed existence of a conflict or discord between the Assembly and the President of the Republic that the request presented by the Honorable Mr. Rateau and by the Ministry is based.
“It is therefore a question, in order to appreciate Citizen Rateau’s proposal, of knowing whether, constitutionally, the question of the possibility of a conflict between the National Assembly and the President of the Republic can be posed. Because it is clear that the Rateau proposal was, in principle, its motives and its object, unconstitutional; if by itself it involved a violation of the Constitution, it would not be necessary to examine it, it should be dismissed by the previous question.
“To solve this problem, the only course to follow is to examine the respective role and the reciprocal relations of the Assembly and the President; in other words, it is to analyze, from the point of view of the Rateau proposition, the Constitution.
“Let the reader grant me five minutes of patience; I will be categorical and brief.
“However, it results from Articles 33, 35, 36, 45, 47, 48, 49, 50, 51, 53, 54, 55, 59, 65, 68, 72, 74, 75 of the Constitution, that the President of the Republic, inferior in dignity to the National Assembly, is still only the organ of the Assembly, the subordinate of the Assembly, the justiciable of the Assembly.
“From which it follows that the National Assembly and the President of the Republic do not form, as has been believed, and as some claim, two equal powers, but a single power, of which the Assembly is the head and the president the arm; that the privilege of popular election, conferred on the president by article 43 of the Constitution, constitutes for him only a purely honorary distinction, and that thus the hypothesis of a conflict between the Legislative Body and the head of the executive power, contradictory in its terms, could not constitutionally be admitted.
“There may be disobedience by the President of the Republic with regard to the National Assembly; it is repugnant to the text and the spirit of the Constitution that there be no conflict between them in any case. To claim the contrary is already to misunderstand, I almost said it is to violate the Constitution.
“I say first that the President of the Republic is inferior to the National Assembly. In effect :
“The Assembly can never be elected except by the people. — The President may, in certain cases, be appointed by the Assembly (Art. 47).
“The National Assembly verifies its powers itself. — It is the Assembly that decides on the validity of the election of the president. (Ibid.)
“The representatives of the people cannot receive an imperative mandate; they legislate in the fullness of their spontaneity and their initiative. — The president can only obey the decrees of the Assembly, which he is enjoined to promulgate within one month, and, if there is urgency, within three days (Art. 57).
“The representatives of the people are inviolable. They cannot be investigated, accused, nor judged, at any time, for the opinions that they have expressed in the bosom of the National Assembly. (Art. 36). That is to say that for all the opinions they may express, for all the acts they may produce in the exercise of their mandate, they are absolutely, and by right, irresponsible. — “The President of the Republic is responsible for all his acts as well as for all his speeches.” (Art. 68.)
The Citizen President. — Citizen Proudhon, I am obliged to interrupt this reading; please, I repeat, confine yourself to the facts of the case; the January 29 article is irrelevant to the trial.
The Citizen Proudhon. — I will stop at the observation of the citizen president; my observations will be very short. I have been criticized for attacking the principle of the presidency; it is to this objection of the public prosecutor that I wanted to respond by reading this article.
What I wanted to establish is that the president, according to MM. Barrot, Faucher, Falloux, etc., is not the president according to the Constitution. Now I end with one word.
I desired this trial in a great republican interest. (Movement.) Ah! it is a singular thing to seek a trial at the end of which there may be from three months to five years’ imprisonment, but you will appreciate, I hope, the true aim and utility of my conduct: what I I wanted to bring is the discussion, it is the establishment, in practice, of the limit of the rights of the president.
“Tell your cousin,” I said a few days after December 10 to one of the close relatives of the President of the Republic, “to take good care of one thing, which is the responsibility that weighs on him.” What I said then, a month later I was called to put into action. Departmental policy, government protests forced the Republicans to protest; it was urgent to show what an unfortunate slope we were being led down.
Sworn citizens, I stand before you as guilty; but I am aware that I have done a good deed. I maintained right, I will always maintain it. There are men to whom it is enough to be born to in order become kings or presidents of Republic; I have worked for twelve years, and I come here to seek my reward. (Prolonged stir.)
(1) Hearing of March 28, 1849. Two articles by Proudhon were incriminated, one entitled “The War,” the other “The President of the Republic is Responsible.” Both were condemned, and Proudhon had, consequently, to undergo three years of prison and a fine of 3,000 francs.