P.-J. Proudhon, “Bank of Exchange”

[Preface, by Darimon]

QU’EST-CE QUE LA PROPRIÉTÉ?

25 avril 1848.

Le 25 février, les ouvriers sont allés à l’Hôtel-de-Ville, et ils ont dit à M. de Lamartine : Que devons-nous crier?

Criez : Vive la République! a répondu l’illustre poëte. Et, a-t-il ajouté avec une naïveté charmante, en criant : Vive la République! vous criez, mes amis : Vive la propriété !

Les ouvriers se sont donc retirés aux cris de : Vive la République! Vive la propriété! Vive Lamartine! Et les bourgeois et propriétaires ont été édifiés des paroles de M. de Lamartine, et des cris des ouvriers. N’était-ce pas le cas de dire : Ah ! le bon billet qu’a La Châtre?

Pendant les deux mois qui ont suivi la Révolution de Février, il n’est pas sorti de l’Hôtel-de-Ville un seul mot qui n’ait été une erreur ou un mensonge.

Le 16 avril, la garde nationale et la grande majorité du Peuple ont crié, mais en se tenant à la négative : A bas les communistes !

A part ce qu’un tel cri avait de peu fraternel, le Peuple et la garde nationale, selon nous, avaient raison. Sans doute le législateur devra tenir compte, dans la constitution de la société nouvelle, de l’idée communiste; il devra faire la part du principe de la communauté. C’est pour cela que nous comptons M. Cabet parmi nos amis. Mais la communauté ne sera pas la base du droit nouveau; elle n’en sera qu’un élément constitutif : le système social en France ne sera pas communiste.

M. de Lamartine, plus affirmatif que la garde nationale et le Peuple, aussi exclusif que M. Cabet, a préjugé la question sociale et fait rétrograder la Révolution, en ajoutant de son chef: Vive la propriété ! alors que déjà la propriété n’existe plus.

Quand donc les hommes d’État apprendront-ils à régler leurs discours sur la raison populaire?

Je ne viens point ici, avec une sotte et lâche impertinence, commenter la formule trop connue et trop peu comprise, La propriété, c’est le vol! Cela se dit une fois; cela ne se répète pas. Laissons cette machine de guerre, bonne pour l’insurrection, mais qui ne peut plus servir aujourd’hui qu’à contrister les pauvres gens.

Je veux dire seulement une chose : c’est que, soit que l’on considère le présent, soit qu’on envisage l’avenir, la propriété n’est plus rien; c’est une ombre. Comme toute création de la pensée éternelle, la propriété, née de l’idée, est retournée à l’idée. Elle a épuisé ce qu’elle contenait de réalité; elle est allée de vie à trépas; elle ne reviendra jamais. La propriété est désormais du domaine de la tradition; c’est de l’histoire ancienne : il faut avoir, comme les poètes, le don d’évoquer les fantômes, pour croire à la propriété. Quant aux métaphysiciens qui, à propos de propriété, divaguent sur la liberté, la personnalité, l’individualité, ils ne sont pas à la question : je les renvoie au Code civil et aux Institutes.

Si peu que vous soyez au courant des choses de ce monde, et que vous regardiez les événements qui chaque jour s’accomplissent, n’est-il pas évident, pour vous, que nous ne vivons point, les uns ni les autres, de la propriété? Nous vivons d’un fait plus grand que la propriété, d’un principe supérieur à la propriété; nous vivons de la circulation. Comme la circulation du sang est la fonction mère et motrice du corps humain, ainsi la circulation des produits est la fonction mère et motrice du corps social. Quant à la propriété, elle est submergée, transformée, perdue dans cette circulation.

Parlez-moi de la propriété romaine. Là, le père de famille, personnage consulaire ou consul désigné, vivait, nourrissait les siens du vieux champ patrimonial; il tirait toute sa consommation du travail rustique; il ne demandait rien à personne, vendait peu, achetait encore moins, méprisant le commerce, le change et la banque, et tournant ses spéculations à l’agrandissement de sa terre, à l’extension de son domaine. Alors la propriété existait véritablement, car le propriétaire existait par lui-même : il ne craignait pas les crises financières et commerciales, il n’avait pas peur de la fermeture des ateliers. Le principe et la fin de la propriété était le propriétaire : le propriétaire était à lui-même production, circulation et débouché : il vivait en soi, par soi et pour soi.

Parlez-moi de la propriété féodale, qui a duré jusqu’en 89; qui s’était propagée, enracinée profondément parmi les bourgeois et les paysans; mais qui, depuis soixante ans, a subi, jusque dans les campagnes, des modifications si profondes.

Ici encore, et combien parmi nous l’ont pu voir, le principe de la division des industries existant à peine, la propriété était tout; la famille était comme un petit monde fermé et sans communications extérieures. Les mêmes mains semaient le blé, le faisaient moudre et le faisaient cuire. Les hommes étaient tout à la fois vignerons, bouviers, laboureurs, bouchers. Ils savaient la maçonnerie, la charpente, le charronnage. Les femmes étaient cardeuses de laine, peigneuses de chanvre, fileuses, tisserandes, couturières. On passait des années entières presque sans argent; on ne tirait rien de la ville; chacun chez soi, chacun pour soi; on n’avait besoin de personne. La propriété était une vérité; l’homme, par la propriété, était complet. C’est à ce régime que s’était formée la forte race qui accomplit l’ancienne révolution, Aussi, voyez quels hommes! quels caractères! quelles vigoureuses personnalités! Auprès de ces natures de fer, nous n’avons que des tempéraments mous, flasques et lymphatiques.

Telle était, en 89, l’économie générale de la société : l’indépendance des fortunes faisait la sécurité du peuple. Aussi nos aïeux purent-ils supporter dix ans de régime révolutionnaire, soutenir et vaincre les efforts de l’Europe conjurée: tandis que nous, race désappropriée, race appauvrie, avec six fois plus de richesses cependant nous ne tiendrions pas six mois, pas à la guerre étrangère, ni à la guerre civile, mais à la seule incertitude!…

Qu’est-ce donc que la propriété aujourd’hui? Qu’est-elle devenue?

Un titre, le plus souvent nominal, qui ne tire plus sa valeur, comme autrefois, du travail personnel du propriétaire, mais de la circulation générale; un privilége qui a perpétuellement besoin de l’escompte, et qui, à lui seul, ainsi que les vieux titres de marquis et de baron, ne donnerait pas au porteur crédit d’un dîner.

En 1848, nous faisons, par dégoût, par impatience, et un peu aussi par amour de l’antiquité, une révolution. Nous renversons un gouvernement, nous expulsons une dynastie. Aussitôt la circulation s’arrête, et la moitié des propriétaires, les gros surtout, se trouvent sans ressources. Chacun, les bras liés, impuissant à se sauver tout seul, est menacé de périr de faim. Le vulgaire s’imagine qu’il y a, en ce moment, des riches. Illusion ! Il y a des gens plus ou moins pourvus de linge, d’habits, de vaisselle, de mobilier : de riches, il n’y en a plus, et pourquoi? parce que la propriété, absorbée par la circulation, la circulation s’arrêtant, n’existe plus.

Le propriétaire, aujourd’hui, est un homme qui a des bons du Trésor, des rentes sur l’État, de l’argent à la caisse d’épargne, chez le banquier ou le notaire, des créances hypothécaires, des actions industrielles, des marchandises en magasin, des maisons qu’il loue, des terres qu’il afferme. Quand la circulation est régulière et pleine, la propriété, comme privilége, vaut au propriétaire; si la circulation est suspendue, le privilége perd son effet; le propriétaire est à l’instant aussi pauvre que le prolétaire.

A quoi sert la propriété urbaine ou rurale, si le locataire, si le fermier, entravés par l’immobilité universelle, n’écoulant plus leurs produits, n’échangeant pas, ne paient pas ?

A quoi servent les capitaux, si les producteurs n’en veulent plus, si les emprunteurs font faillite, si les dépositaires manquent à leurs engagements; si, par l’absence de transactions, le capital est forcé de se consumer dans l’oisiveté? A quoi servent les inscriptions de rente, et les bons du Trésor, et les billets de Banque, et tout le papier de crédit, si, les contribuables ne pouvant payer l’impôt, le gage du crédit public s’évanouissant, l’État fait banqueroute?

A quoi sert même le travail, à quoi sert le talent, si l’entrepreneur, si le consommateur ne réclament plus leurs services? Vous n’avez souci que de la propriété! et c’est la propriété qui vous trahit!

Vous repoussez la réforme sociale! et le fait qui vous crève les yeux, le fait qui vous écrase, prouve que vous ne vivez pas de la propriété, mais de vos relations avec la société!

Vivez donc tout seuls , propriétaires, si vous en avez encore le secret; vivez de la propriété !

Allons : supposons que les prolétaires sont anéantis, que les communistes sont partis pour les grandes Indes; qu’il ne reste plus en France que la classe bourgeoise, la classe propriétaire ; faisons abstraction de tout ce qui n’est pas la propriété; vous voilà débarrassés du paupérisme, du communisme, du socialisme, de toutes les cervelles vides et de toutes les bouches inutiles. Essayez de vivre maintenant!…

Chose étrange! Si le proletariat, la couronne d’épines de la propriété, s’en allait, la circulation, qui ne subsiste que par lui, comme la production elle-même, s’arrêtant pour toujours, ce serait fait des propriétaires. Les propriétaires périraient par leur propre inertie, comme ils périssent en ce moment par l’inertie du proletariat : tant les rapports économiques ont transformé, à notre insu, depuis soixante ans, le principe, l’essence de la propriété!

Ainsi, l’expérience est décisive, et la preuve flagrante; la propriété, dont on voudrait faire la base des institutions nouvelles, la propriété n’est rien par elle-même. Ce n’est plus qu’un privilége sur la circulation, comme un péage établi sur une rivière; un reste de féodalité, dont l’abolition est le complément obligé de notre grande et glorieuse période révolutionnaire.

Que veulent donc aujourd’hui les travailleurs ? Deux mots sur cette question nous éclaireront sur l’avenir de la propriété.

Les travailleurs, quelles que soient leurs formules, demandent que la circulation ne soit plus abandonnée au hasard et livrée à l’agiotage, mais réglée par des obligations réciproques. Ils demandent que les lois de cette justice commutative, qui a pénétré la propriété au point de la faire disparaître, soient étudiées; qu’au-dessus du droit romain et féodal, au-dessus de la propriété, soit établi un droit d’échange; enfin, que la solidarité naturelle, que l’observation des faits économiques nous découvre, soit définie.

Ainsi posée, et on ne peut pas la poser autrement, la question n’atteint pas directement la propriété : elle ne s’adresse qu’au privilége.

Voilà ce que demandent les travailleurs; ce que les propriétaires ne peuvent refuser, puisqu’ils sont intéressés leur tour; ce dont la bourgeoisie a reconnu la justice. Tous les publicistes, tous les journaux de la propriété, sont d’accord aujourd’hui sur ces deux points, que le travail doit être garanti à l’ouvrier, et qu’il faut améliorer la condition du proletariat.

Mais, et c’est là que j’attends les philanthropes, comment garantir le travail, comment améliorer la condition du proletariat, sans achever la dénaturation de la propriété? L’économie politique anglaise, tant prônée parmi nous, s’est épuisée sur le problème : elle n’a abouti qu’aux maisons de force, aux workhaus!

D’abord, ce n’est pas en faisant remise d’une portion de ses revenus que la bourgeoisie améliorera le sort de l’ouvrier. La bourgeoisie n’a rien à donner. La production totale du pays ne rend pas 75 centimes par jour et par tête : dans cet état de choses, il faudrait, pour que l’amélioration fût sentie, que la bourgeoisie abandonnât tout ce qu’elle reçoit de plus que la classe des travailleurs, qu’elle fît le sacrifice entier de son revenu. Mais alors nous n’aurions fait que remplacer l’inégalité des fortunes par l’égalité de la misère; et comme d’ailleurs une partie du revenu bourgeois constitue l’épargne nationale, et se convertit à mesure en capitaux, il résulterait de cette amélioration du sort des travailleurs la ruine des instruments de travail : ce qui implique contradiction.

Le seul mode d’amélioration possible consiste donc à augmenter la production.

Mais augmenter la production, c’est augmenter le travail, soit en durée, soit en qualité, soit en intensité.

C’est-à-dire que ceux qui aujourd’hui ne travaillent pas, les parasites, comme on les appelle, devront se mettre à l’ouvre; que ceux qui travaillent médiocrement travailleront davantage; que ceux qui travaillent beaucoup, et dont il est impossible d’allonger la journée, travailleront mieux.

Travailler mieux, c’est combiner plus utilement les forces, éviter les pertes de temps et les doubles emplois; — c’est réduire, par l’ensemble des opérations, les frais généraux de la société.

Mais vous ne pouvez amener au travail les improductifs et réduire les frais généraux de la production, sans une détermination nouvelle des rapports d’échange, sans une réorganisation du crédit et de la circulation, et par suite, sans une réforme complète de l’atelier national, ce qui aboutit toujours, directement ou indirectement, à modifier, restreindre, changer la propriété.

Je voudrais que l’Assemblée nationale fût composée exclusivement de bourgeois; que le socialisme n’y comptât pas une voix; que les représentants d’une révolution sociale fussent tous pris parmi les conservateurs de la Presse et des Débats, les catholiques de l’Univers, les légitimistes de la Gazette, les dynastiques du Constitutionnel et du Siècle, les républicains classiques du National et de la Réforme.

Et je leur dirais :

Vous avez promis de garantir le travail à l’ouvrier et d’améliorer sa condition.

Vous ne voulez ni du fédéralisme, ni du communisme, ni des ateliers nationaux. Votre principe est avant tout la propriété. Agissez maintenant. Recueillez votre expérience et vos lumières; prenez avec vous vos légistes, vos économistes, vos philanthropes; appelez vos hommes d’affaires et vos hommes d’État. — Il s’agit de vous entendre pour augmenter la production, et par conséquent le bon marché; organiser le crédit et la circulation; diminuer l’impôt; abolir le parasitisme, le paupérisme, l’ignorance et le crime: découvrir de nouvelles sources à la richesse; rendre le débouché insatiable; mettre partout la justice et l’ordre. Quel que soit votre système, nous l’acceptons, s’il réussit; et nous bénirons à la fois la conservation qui organise, et l’organisation qui conserve.

Les conservateurs repoussent, et non sans raison, le communisme et l’utopie : à mon tour, je les défie de rien faire pour l’augmentation du travail et l’amélioration de la classe ouvrière, sans abolir de fait et de droit la propriété.

Telle est la nature du problème à résoudre, que la solution exclut simultanément les contraires, la communauté et la propriété, quoi qu’en pensent les bêtes de somme de la routine et les bonnets carrés de la science.

(1) LE PEUPLE, journal de la République démocratique et sociale, nº 2.

WHAT IS PROPERTY?

April 25, 1848.

On February 25, the workers went to the Hôtel-de-Ville, and they said to M. de Lamartine: What should we shout?

Shout: Long live the Republic! replied the illustrious poet. And, he added with charming naivety, by shouting: Long live the Republic! you shout, my friends: Long live property!

The workers therefore withdrew to cries of: Long live the Republic! Long live the property! Long live Lamartine! And the bourgeois and proprietors were edified by the words of M. de Lamartine, and the cries of the workmen. Was it not the case to say: “Ah! the fine note La Châtre has”?

During the two months that followed the February Revolution, not a single word came out of the Hôtel-de-Ville that was not an error or a lie.

On April 16, the National Guard and the great majority of the People shouted, but in the negative: Down with the Communists!

Apart from the fact that such a cry was hardly fraternal, the People and the National Guard, in our opinion, were right. Doubtless the legislator will have to take into account, in the constitution of the new society, the communist idea; he will have to make allowance for the principle of the community. This is why we count Mr. Cabet among our friends. But community will not be the basis of the new law; it will only be a constituent element: the social system in France will not be communist.

M. de Lamartine, more affirmative than the National Guard and the People, as exclusive as M. Cabet, has prejudged the social question and caused the Revolution to be demoted, adding on his own: Long live property! when the property no longer exists.

When will statesmen learn to regulate their discourse on popular reason?

I do not come here, with a stupid and cowardly impertinence, to comment on the formula too well known and too little understood, Property is theft! Once said, it does not repeat itself. Let us leave that machine of war, good for the insurrection, but which can no longer be used today except to sadden the poor people.

I only want to say one thing: it is that, whether we consider the present, or consider the future, property is no longer anything; it is a shadow. Like all creation of eternal thought, property, born of the idea, is returned to the idea. It has exhausted what reality it contained; it passed from life to death; it will never come back. Property is now the domain of tradition; it is ancient history: one must have, like the poets, the gift of evoking ghosts in order to believe in property. As for the metaphysicians who, in connection with property, ramble on about freedom, personality and individuality, they are not at the question: I refer them to the Civil Code and to the Institutes.

If you are even slightly aware of the things of this world, and you look at the events that take place every day, is it not obvious to you that we do not live, one or the other, by property? We live by a fact greater than property, by a principle superior to property; we live by circulation. As the circulation of blood is the mother and motor function of the human body, so the circulation of products is the mother and motor function of the social body. As for property, it is submerged, transformed, lost in this circulation.

Speak to me about Roman property. There, the father of the family, consular personage or designated consul, lived, nourished his family of the old patrimonial field; he derived all his consumption from rustic labor; he asked nothing of anyone, sold little, bought even less, despising trade, exchange and banking, and turning his speculations to the enlargement of his land, to the extension of his domain. Then property truly existed, because the owner existed by himself: he was not afraid of financial and commercial crises, he was not afraid of the closing of the workshops. The principle and the end of property was the owner: the owner was production, circulation and outlet to himself: he lived in himself, by himself and for himself.

Speak to me about feudal property, which lasted until 89; which had spread, rooted deeply among the bourgeois and peasants; but which, for sixty years, has undergone, even in the countryside, such profound modifications.

Here again, and how many of us have been able to see it, the principle of the division of industries barely existing, property was everything; the family was like a small closed world without external communications. The same hands sowed the wheat, ground it and cooked it. The men were at the same time winegrowers, herdsmen, ploughmen, butchers. They knew masonry, carpentry, wheelwrighting. The women were wool carders, hemp combers, spinners, weavers, seamstresses. Whole years were spent almost without money; nothing was taken from the city; each at home, each for himself; no one was needed. Property was a truth; the man, by property, was complete. It was under this regime that the strong race was formed that accomplished the ancient revolution. Also, see what men! what characters! what vigorous personalities! Compared with these iron natures, we have only soft, flaccid and lymphatic temperaments.

Such was, in 89, the general economy of society: the independence of fortunes ensured the security of the people. Also our ancestors could endure ten years of revolutionary regime, support and defeat the efforts of a conspired Europe: while we, disappropriated race, impoverished race, with six times more wealth however we would not last six months, not to foreign war, nor to civil war, but to uncertainty alone!…

So what is property today? What has it become?

A title, most often nominal, which no longer derives its value, as in the past, from the personal work of the owner, but from general circulation; a privilege which is perpetually in need of discount, and which, by itself, like the old titles of marquis and baron, would not give the bearer the credit of a dinner.

In 1848, out of disgust, impatience, and a little also out of love for antiquity, we made a revolution. We overthrow a government, we expel a dynasty. Immediately the traffic stops, and half the owners, especially the big ones, find themselves without resources. Everyone, arms tied, powerless to save themselves, is threatened with starvation. The vulgar imagine that there are, at this moment, the rich. Illusion! There are people more or less provided with linen, clothes, crockery, furniture: there are no more rich people, and why? because property, absorbed by circulation, circulation stopping, no longer exists.

The proprietor today is a man who has Treasury bonds, government annuities, money in the savings bank, with the banker or the notary, mortgage claims, industrial shares, merchandise in store, houses he rents, lands he leases. When the circulation is regular and full, the property, as a privilege, is valuable to the proprietor; if circulation is suspended, the privilege loses its effect; the proprietor is instantly as poor as the proletarian.

What is the use of urban or rural property if the tenant, if the farmer, hampered by universal immobility, no longer selling their products, not exchanging, do not pay?

What is the use of capital, if the producers no longer want it, if the borrowers go bankrupt, if the depositaries default on their commitments; if, by the absence of transactions, capital is forced to be consumed in idleness? Of what use are the inscriptions of rent, and the bonds of the Treasury, and the banknotes, and all the paper of credit, if, the taxpayers being unable to pay the tax, the pledge of public credit vanishing, the State went bankrupt?

What use is even work, what use is talent, if the entrepreneur, if the consumer no longer demands their services? You only care about the property! and it is the property that betrays you!

You reject social reform! and the fact that blinds your eyes, the fact that crushes you, proves that you do not live by property, but by your relations with society!

Live then all alone, proprietors, if you still have the secret; live off the property!

Come on: let’s suppose that the proletarians are annihilated, that the Communists have left for the great Indies; that there remains in France only the bourgeois class, the proprietary class; let’s disregard all that is not property; you are rid of pauperism, communism, socialism, of all empty brains and all useless mouths. Try to live now!…

Strange thing! If the proletariat, the crown of thorns of property, went away, circulation, which only survives through it, like production itself, stopping forever, it would be the end of the owners. The owners would perish by their own inertia, as they are perishing at this moment by the inertia of the proletariat: so much have economic relations transformed, without our knowledge, for sixty years, the principle, the essence of property!

Thus, the experience is decisive, and the proof flagrant; property, which one would like to make the basis of new institutions, property is nothing in itself. It is no more than a privilege on circulation, like a toll established on a river; a remnant of feudalism, the abolition of which is the necessary complement to our great and glorious revolutionary period.

So what do workers want today? Two words on this issue will shed some light on the future of property.

The workers, whatever their formulas, demand that circulation no longer be left to chance and given over to speculation, but regulated by reciprocal obligations. They ask that the laws of this commutative justice, which has penetrated property to the point of making it disappear, be studied; that above Roman and feudal law, above property, should be established a right of exchange; finally, that natural solidarity, which the observation of economic facts reveals to us, be defined.

Thus posed, and it cannot be posed otherwise, the question does not directly affect property: it is addressed only to privilege.

This is what workers are asking for; what the owners cannot refuse, since they are interested in their turn; what the bourgeoisie has recognized as justice. All the publicists, all the journals of property, are agreed today on these two points, that work must be guaranteed to the worker, and that the condition of the proletariat must be improved.

But, and this is where I await the philanthropists, how are we to guarantee work, how are we to improve the condition of the proletariat, without completing the denaturation of property? English political economy, so much advocated among us, has exhausted itself on the problem: it has ended only in prisons, in workhouses!

First of all, it is not by handing over a portion of its income that the bourgeoisie will improve the lot of the worker. The bourgeoisie has nothing to give. The total production of the country does not return 75 centimes per day and per head: in this state of things, for the improvement to be felt, it would be necessary for the bourgeoisie to abandon all that it receives in excess of the working class, that it make the entire sacrifice of its income. But then we would only have replaced the inequality of fortunes by the equality of misery; and as, moreover, a part of the bourgeois income constitutes the national savings, and is gradually converted into capital, this improvement in the lot of the workers would result in the ruin of the instruments of labour: which implies a contradiction.

The only possible mode of improvement is therefore to increase production.

But to increase production is to increase labor, either in duration, or in quality, or in intensity.

That is to say, those who today do not work, the parasites, as they are called, will have to get to work; that those who work poorly will work more; that those who work a lot, and whose day it is impossible to lengthen, will work better. To work better is to combine forces more usefully, to avoid loss of time and duplication; — it is to reduce, through all the operations, the overheads of society.

But you cannot bring the unproductive to work and reduce the general costs of production without a new determination of the relations of exchange, without a reorganization of credit and circulation, and consequently without a complete reform of the national workshop, which always results, directly or indirectly, in modifying, restricting, changing property.

I would like the National Assembly to be composed exclusively of bourgeois; that socialism should not count a voice there; that the representatives of a social revolution were all taken from among the conservatives of the Presse and the Débats, the Catholics of the Univers, the legitimists of the Gazette, the dynastics of the Constitutionnel and the Siècle, the classical republicans of the National and the Reform.

And I would say to them:

You have promised to secure work for the worker and to improve his condition.

You want neither federalism, nor communism, nor national workshops. Your principle is above all property. Act now. Gather up your experience and your insights; take with you your jurists, your economists, your philanthropists; call your businessmen and your statesmen. — It is a matter of agreeing to increase production, and consequently low prices; organizing credit and circulation; lowering taxes; abolishing parasitism, pauperism, ignorance and crime: to discover new sources of wealth; making the outlet insatiable; bringing justice and order everywhere. Whatever your system, we accept it, if it succeeds; and we will bless both the conservation that organizes, and the organization that conserves.

The conservatives reject, and not without reason, communism and utopia: in my turn, I challenge them to do anything for the increase of work and the improvement of the working class, without abolishing property in fact and in right.

Such is the nature of the problem to be solved, that the solution simultaneously excludes opposites, community and property, whatever the beasts of burden of routine and the square caps of science may think.

II.—Comptabilité propriétaire

III.—Identité de la question politique et de la question économique.—Méthode de solution.

IV.—Banque d’échange

V.—Bilan de la Banque d’échange

VI.—Lois de l’échange.—Comptabilité mutuelliste.—Banque hypothécaire.

VII.—Objections et réponses

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Independent scholar, translator and archivist.