Variétés.
André Léo.
Qu’est-ce qu’André Léo ? C’est une nouvelle et brillante étoile qui vient de se lever sur l’horizon littéraire de la France ; un écrivain que les grands et petits journaux saluent comme un émule de G. Sand et de Balzac.
Nous avons lu son Mariage scandaleux, ses Deux filles de monsieur Pichon et Jacques Galéron, et nous avons admiré le style ferme, souple, élégant de l’auteur ; quelque chose de frais, de coquet et de naïf qui touche et souvent remue vivement le cœur. Tous les caractères sont pris sur lé vif. Vous les avez rencontrés : chaque personnage est parfaitement dépeint sans les longueurs désespérantes de Balzac. Jusqu’ici, l’auteur a placé ses drames dans la campagne, qu’il dépeint avec tout l’amour, toute ke poésie d’un amant profondément épris ; si épris qu’il vous donne envie de fuir la ville et de courir les champs.
Certes, l’auteur doit sentir la nature pour la dépeindre si bien que l’on se croit transporté pour un moment où il lui plaît de vous conduire. Oui, voilà bien la lande pleine de bruyère rose ; voilà la chênaie d’un vert grave qui tranche sur le bleu du ciel; voilà bien les moissons dorées qui s’inclinent sous la brise fraîchissante ; regardez cé’ ruban d’argent qui court entre des plantes échevelées ; n’entendez-vous pas le tic-tac du moulin qu’il anime en grondant ? et là-bas, ce jeune poulain qui s’ébat dans la prairie et vient vous regarder curieusement ; et ces grands bœufs à l’œil pensif et doux ; et ce chien, fidèle gardien du troupeau et de la ferme ; ne vous les rappelez-vous pas? Emplissez votre poitrine de cet air chargé de la vie et du rayonnement des fleurettes ; écoutez les mille murmures dé la nature qui s’éveille pour saluer son père le splendide soleil, où qui exhale son dernier hymne avant de s’endormir sous le linceul d’argent que lui jette la lune. En lisant André Léo, vous retrouverez toutes les émotions, tous les souvenirs de vos heures champêtres, et souvent vous vous rendrez mieux compte de ce que vous avez senti.
Mais un auteur de talent n’est pas qu’un artiste : il aime ou hait certaines chose, certains principes, Quels sont donc: les principes et les choses qui excitent les passions de notre nature ?
Au risque de vous scandaliser, aimable lectrice, je suis bien forcée de vous avouer qu’André Léo n’est point du tout un admirateur de l’Encyclique; qu’il se permet même de trouver fort étrange que la France ait fait tant de révolutions pour échapper à la prépotence cléricale, afin d’en arriver à des lois qui livrent l’instruction publique du peuple au clergé, ennemi naturel du monde, de la vie et de ses œuvres : ce n’est pas André Léo qui dit cela, c’est un vieux débris de 89. Mais l’auteur laissa dire sans protester ; il ne proteste pas davantage contre le manque de respect au curé brouillon, aux sœurs triplement ignorantines ; il consent à prêter sa plume élégante à celle qui révèle les persécutions inouïes subies, de la part de la faction bigote, par l’instituteur et l’institutrice du village, qui préfèrent apprendre à lire à leurs élèves dans la morale en action, que dans les petits livres peux où sont constatés les miracles de la Salette, du sang de St. Janvier, et autres vérités de cette espèce : donc il est clair qu’André Léo d’aime point le catholicisme.
Ce qu’il paraît ne pas aimer davantage, ce sont les préjugés a classe et de sexe : un Mariage Scandaleux le prouve suffisamment ; il trouve fort légitime qu’une jeune bourgeoise lutte pour épouser un brave et intelligent paysan qu’elle aime, et il les marie bon gré mal gré. Dans co même ouvrage une, pauvre fillette de 16 ans, séduite par un bourgeois approchant la trentaine, est méprisée, persécutée, et le séducteur épouse une riche héritière ; l’auteur ne réclame point contre l’iniquité de la double morale, mais quelques paroles fermes et naïves prononcées par des gens de cœur et de sens révèlent assez sa pensée.
Votre André Léo n’aime donc pas les bourgeois ? demanderez-vous, lecteur. Je n’en sais rien; mais il me semble que c’est les aimer que de tenter de les corriger, en les montrant à eux mêmes avec leurs puériles vanités, leurs petits égoïsmes, leur courte vue, leurs étroites préoccupations, leur inconséquence religieuse et politique. Si l’auteur ne fait pas des notoriétés de clocher des portraits fort attrayants, il ne dissimule pas non plus les défauts du peuple, mais on sent qu’il éprouve une tendance véritablement paternelle pour les pauvres et les déshérités de ce monde, tent il sait vous attendrir sur leurs misères intellectuelles, morales et physiques, et vous faire désirer la réforme sociale. Certain grand personnage condamne l’utopie, ce qui n’empêchera jamais les esprits élevés et les cœurs bons d’en caresser quelqu’une. André Léo ne désespère pas qu’un jour viendra où les populations rurales, échapperont à la servitude de âme par une saine éducation, et à celle de la misère par un meilleur aménagement du sol. Pour notre auteur, une éducation saine est celle qui repose sur la science et la liberté, non celle qui fait des esclaves de la peur, soit de l’enfer soit du gendarme. Sans doute dans un pays de suffrage universel, il faut que la peuple sache lire et écrire ; mais c’est pour savoir lire de bons livres, non de sottes légendes; pour savoir écrire librement un nom sur un bulletin, non pour l’écrire sons la dictée du curé ou du garde champêtre. Tant que le clergé aura l’ombre d’autorité dans l’éducation populaire, tant qu’il y aura des sœurs ignorantines et les frères ignorantins, la masse du peuple sera, non-seulement ignorante, mais esclave. Pour former des citoyens, il faut aimer la liberté non l’obeissance ; pour former des citoyens, il faut aimer le courage civique, non démoraliser les âmes par la peur ; pour former des pères et des meres, il faut pas condamner l’amour et la chair.
L’amour, voici, encore une des utopies d’André Léo qui n’aime point les mariages de convenance, et ne professe aucune admiration pur les gandins, les dames aux camélias, les femmes frivoles dont le cerveau est vide et la sensibilité du cœur remplacée par celle des nerfs. L’homme intelligent, probe, aimant, utile, tel est le héros de notre auteur ; la femme fort, intelligente, sachant aimer sans s’absorber en personne, ne reconnaissant d’autre commandement obligatoire que celui de sa conscience, voilà son héroïne. L’amour entre de tels êtres ne saurait être une fièvre des sens, mais une force qui les rend capable, par le bonheur, d’accomplir une œuvre utile aux autres et à eux-mêmes ; de travailler à leur progrès individuel et au progrès social.
Certes, André Léo est un grand artiste, mais ce qui est mieux, il est un grand moraliste : car lorsqu’on ferme un de ses romans, on se sent meilleur, on se sent dégagé de quelque sot préjugé ; moins disposé à prendre son parti des misères sociales, tout au contraire a les combattre dans la mesure de ses moyens.
Je vois d’ici mes lectrices construire le portrait d’André Léo: c’est sans doute un assez bel homme d’environ trente ans, modestement mais élégamment vêtu, dont le signalement peut être ainsi donné : front haut, large et pensif, grands yeux bleus ou gris un peu rêveurs, nez légèrement busqué, bouche moyenne et souriant doucement, abondants cheveux châtains et jolies moustaches ; point de cigare et pas encore de tabatière ; il est bien entendu qu’il laisse aux matelots l’habitude de mâcher du tabac. C’était un peu comme cela que je donnais place dans mon imagination à l’auteur qui me charmait et m’attendrissait ; mais comme la curiosité ne messied à personne, pas même à un fils d’Adam, bien que celui-ci prétende en laisser le monopole à la fille d’Eve, information furent prises et voici ce qui fut répondu : André Léo est une femme encore jeune et belle, d’une grande, élévation de caractère, d’une grande simplicité et d’une grande bonté; sympathique à toute souffrance humaine ; ardente ami du progrès, veuve d’un publiciste de mérite qui a dû s’exiler par suite du Coup d’Etat. C’est un grand talent consacré au triomphe de toutes les saintes causes, mis sous le patronage de l’amour maternel : car ses deux fils se nomment André et Léo. La pure et vaillante mère les forme pour devenir de braves soldats des droits de l’humanité.
Regrettons-nous qu’André Léo ne porte pas moustaches, mesdames ?
Jenny P. d’Héricourt.
Varieties.
André Leo.
What is André Léo? He is a new and brilliant star that has just risen on the literary horizon of France; a writer whom newspapers large and small hail as an emulator of G. Sand and Balzac.
We have read his Scandalous Marriage, his Two Daughters of Monsieur Pichon and Jacques Galéron, and we admired the firm, supple, elegant style of the author; something fresh, flirtatious and naive that touches and often stirs the heart deeply. All the characters are taken from life. You have met them: each character is perfectly portrayed without the desperate lengths of Balzac. Until now, the author has placed his dramas in the countryside, which he depicts with all the love, all the poetry of a deeply in love lover; so in love that he makes you want to flee the city and run through the fields.
Certainly, the author must feel nature to depict it so well that you believe yourself transported to a moment where he pleases to lead you. Yes, there is indeed the moor full of pink heather; here is the oak grove of a deep green that contrasts with the blue of the sky; here are the golden harvests that bend under the refreshing breeze; look at this silver ribbon running between disheveled plants; don’t you hear the ticking of the mill that it brings to rumbling life? And over there, this young foal frolicking in the meadow and coming to look at you curiously; and these large oxen with thoughtful and gentle eyes; and this dog, faithful guardian of the flock and the farm; don’t you remember them? Fill your chest with this air charged with life and the radiance of flowers; listen to the thousand murmurs of nature that wakes up to greet its father the splendid sun, or which exhales its last hymn before falling asleep under the silver shroud thrown over it by the moon. By reading André Léo, you will find all the emotions, all the memories of your rural hours, and often you will realize better what you felt.
But a talented author is not just an artist: he loves or hates certain things, certain principles. What are these principles and things that excite the passions of our nature?
At the risk of scandalizing you, kind reader, I am forced to admit to you that André Léo is not at all an admirer of the Encyclical; that he even allows himself to find it very strange that the France has made so many revolutions to escape clerical prepotence, only to arrive at laws that deliver the public education of the people to the clergy, natural enemy of the world, of life and its works: it is not André Léo who said this, it is an old remnant from 89. But the author allowed it to be said without protesting; nor does he protest against the lack of respect for the muddled priest, the triply ignorantine sisters; he agrees to lend his elegant pen to that which reveals the incredible persecutions suffered, on the part of the bigoted faction, by the village schoolteacher, who prefer to teach their students to read through morality in action, rather than in the little books where the miracles of La Salette, of the blood of St. Janvier, and other truths of this kind are noted: therefore it is clear that André Léo does not like Catholicism.
What he seems to dislike more are class and gender prejudices: A Scandalous Marriage proves this sufficiently; he finds it very legitimate that a young bourgeois woman should struggle to marry a brave and intelligent peasant whom she loves, and he marries them willy-nilly. In the same work, a poor 16-year-old girl, seduced by a bourgeois man approaching thirty, is despised, persecuted, and the seducer marries a rich heiress; the author does not protest against the iniquity of double morality, but a few firm and naive words spoken by people of heart and sense sufficiently reveal his thoughts.
“So your André Léo doesn’t like the bourgeois?” you ask, reader. I do not know; but it seems to me that it is loving them to try to correct them, by showing them to themselves with their childish vanities, their petty selfishness, their short-sightedness, their narrow preoccupations, their religious and political inconsistency. If the author does not paint parochial notorieties into very attractive portraits, neither does he hide the faults of the people, but we feel that he feels a truly paternal tendency for the poor and disinherited of this world, and he knows how to move you with regard to their intellectual, moral and physical miseries, and make you desire social reform. A certain great character condemns utopia, which will never prevent high minds and good hearts from cherishing some of them. André Léo does not despair that a day will come when rural populations will escape the servitude of the soul through a healthy education, and that of poverty through better land development. For our author, a healthy education is that which is based on science and liberty, not that which makes slaves of fear, either of hell or of the police. No doubt in a country with universal suffrage, the people must know how to read and write; but it is a question of knowing how to read good books, not stupid legends; of knowing how to freely write a name on a ballot, not of writing it according to the dictation of the priest or the country guard. As long as the clergy has a shadow of authority in popular education, as long as there are ignorantine sisters and brothers, the mass of the people will not only be ignorant, but slaves. To form citizens, we must love liberty, not obedience; to form citizens, we must love civic courage, not demoralize souls through fear; to form fathers and mothers, we must not condemn love and the flesh.
Love, here is, yet another of the utopias of André Léo, who does not like marriages of convenience, and professes no admiration for the dandies, the ladies of the camellias, the frivolous women whose brains are empty and whose sensitivity of heart replaced by that of the nerves. The intelligent, honest, loving, useful man, such is the hero of our author; the strong, intelligent woman, knowing how to love without becoming absorbed in anyone, recognizing no other obligatory command than that of her conscience, this is her heroine. The love between such beings cannot be a fever of the senses, but a force that makes them capable, through happiness, of accomplishing a work useful to others and to themselves; to work for their individual progress and social progress.
Certainly, André Léo is a great artist, but what is better, he is a great moralist: because when we close one of his novels, we feel better, we feel freed from some stupid prejudice; less willing to take sides with social misery, on the contrary to combat them to the best of its means.
From here I see my readers construct the portrait of André Léo. He is undoubtedly a fairly handsome man of around thirty years old, modestly but elegantly dressed, whose description can be given as follows: high, broad and pensive brow, large, slightly dreamy blue or gray eyes, slightly hooked nose, medium mouth and gently smiling, abundant brown hair and pretty mustaches; no cigar and no snuffbox either; It is well understood that he leaves the sailors with the habit of chewing tobacco. It was much like this that I gave space in my imagination to the author who charmed and moved me; but as curiosity is not amiss in anyone, not even a son of Adam, although he claims to leave the monopoly to the daughter of Eve, information was taken and this is what was answered: André Léo is a woman still young and beautiful, of great character, great simplicity and goodness; sympathetic to all human suffering; ardent friend of progress, widow of a distinguished publicist who had to go into exile following the Coup d’Etat. Hers is a great talent dedicated to the triumph of all holy causes, placed under the patronage of maternal love: because her two sons are named André and Léo. The pure and valiant mother trains them to become brave soldiers for the rights of humanity.
Do we regret, ladies, that André Léo doesn’t wear a mustache?
Jenny P. d’Héricourt.
Les Femmes et la Paix
Mme d’Héricourt nous adresse la lettre suivante :
Chicago, 5 juin 1869.
Monsieur le rédacteur,
Permettez-moi d’avoir recours à votre journal pour donner de la publicité à la proposition que j’ai faite, le 13 mai, à la convention des femmes de New-York : proposition qui a été adoptés et que j’aurais dû motiver, chose que j’ai eu le tort de ne pas faire.
J’ai proposé une Ligue internationale, ayant pour but le triomphe universel des droits de la femme et de la paix; Ligue devant avoir dis Etats-Généraux annuels à Washington, Paris, Londres, etc., à tour de rôle.
Par le silence qu’ont gardé les journaux, je m’aperçois qu’on n’a pas pénétré l’étroite connexion des deux termes que j’ai lié : est sur cet connexion que je veux insister un moment.
A l’heure qu’il est, le dernier mot de la sagesse masculine est un monde organisé par et pour la guerre; à l’intérieur par la paupérisme, à l’extérieur par l’intérêt et l’ambition : les travailleurs payant de lourds impôts, non-seulement pour les sangsues à face humaine, mais pour inventer, transformer, perfectionner des engins de destruction ; la guerre en expectative arrêtant l’essor de l’industrie ; la guerre en activité détruisant la jeunesse masculine là plus vigoureuse, et tendant de plus en plus à ne laisser, pour reproduire l’espèce, que les hommes faibles, malingres, qui devraient être avez généreux pour s’abstenir de cette fonction. Par suite des massacres en masse, des multitudes de femmes voué a célibat, à la pauvreté, à la prostitution.
Or, qu’est-ce qui rend la guerre possible et produit les résultats désastreux que je signale ? Un manque de pondération dans les forces sociales. La femme est une de ces forces, et elle n’a ni sa place, ni sa liberté d’action. Si, comme je le crois, le gouvernement des femmes seules devrait être mauvais, il ne me parait pas surprenant que le gouvernement des hommes seuls ait produit co que nous voyons. Il faut l’égale influence des deux sexes pour produire l’équilibre, parce qu’ils sont égaux par la “différence” autant que par le droit philosophiquement défini.
Par instinct, la femme hait la bataille et le sang versé ; par nature, elle est mère et ménagère, celle qu’on appelle “strong-minded” autant, si ce n’est plus, que les autres ; par nécessité, c’est elle qui donne à l’enfant le corps d’idées et de maximes qui à son insu, le guidera tonte la vie. C’est de ces dispositions naturelles de la femme et de la maternité qu’on peut attendre seulement une réforme des sociétés et la paix.
Que la femme soit libre, instruite et honorée : qu’elle ait sa légitime place dans le grand ménage social, et ses qualités de “ménagère arrêteront Its odieux gaspillages qui ruinent les nations : elle exigera que les livres soient tenus au net, que l’on évite les dépenses filles et superflues.
Comme mère, ne pouvait consentir à laisser détruire en une seconde les fils qu’elle a donnés au pays en risquant sa vie, les hommes qu’elle à conservés pendant vingt ans, elle ne consentira pas à des guerres entreprises pour donner des grades à messieurs te!s et tels, à des guerres inspirées par l’ambition et l’injustice de quelques-uns et qui ruinent le pays d’hommes et d’argent: elle saura bien trouver, sans qu’il en coûte rien au véritable honneur national, le moyen de les empêcher.
Par son influence dans l’éducation, d’ailleurs, elle aura paralysé d’avance les effets de l’éloquence malsaine qui affole les peuples les uns contre les autres. Les femmes de tous les pays, mises en relations continuelles par la Ligue, apprendront à s’aimer, à connaître les qualités des autres peuples que le leur et l’aspireront à leurs fils, au lieu d’un féroce et stupid orgueil national, ce sentiment que nous avons déjà en France : celui du respect et de la fraternité. Or, il deviendrait difficile de transformer en “Caïus” des hommes qui s’estiment, n’ont point de préjugés les uns contre les autres, et à qui des mères aimées et respectées ont répété depuis leur berceau : “Tous les hommes sont fières, et la règle à laquelle toutes leurs relations sont soumises, c’est la justice. N’exigez des autres que ce que vous trouveriez légitime qu’un exigeât de vous ; et ne faites jamais aux autres ce que vous ne trouveriez pas juste qu’ils vous fissent.”
C’est pour arriver à fonder cette éducation générale, autant que pour hâter le moment de l’émancipation féminine, que j’ai proposé la Ligue.
En résumé, je crois que l’émancipation de la femme, indépendamment du droit incontestable, peut seule arrêter le désordre social, en introduisant dans la société l’économie, des mœurs plus pures, plus douces ; qu’avec elle seule peut disparaître la guerre, et conséquemment la dégradation de l’espèce au point de vus physique et moral, et que ce n’est que par l’alliance de toutes les femmes que disparaîtront les préjugés et les haine qui divisent les peuples, et qu’enfin le mot humanité cessera d’être le nom d’ure espèce animale pour devenir celui d’une grande famille raisonnable.
Si la femme faussée, déprimée dans son intelligence, obligée de se futiliser pour plaire à l’homme contribue au désordre social, dont elle est la principale victime, rendue à elle-même, puissance active et raisonnable non contestée, chargée enfin d’une responsabilité légale, cessant d’être servante ou jouet pour être citoyenne, la femme corrigera l’œuvre de l’homme; et de l’union de leurs qualités distinctes, naîtront l’harmonie, la paix, la fraternité. Ces grandes aspirations de l’âme humaine ne peuvent se réaliser, qu’on le sache bien, dans un monde où la moitié de l’espèce est esclave de l’autre; dans un monde où les hommes sont, de par la loi, des “slave-holders,” où conséquemment l’injustice et la force sont la base de toutes les institutions.
Agréez, monsieur, etc.
Jenny P. d’Héricourt.
Women and Peace
Mme d’Héricourt sends us the following letter:
Chicago, June 5, 1869.
Mr Editor,
Allow me to use your newspaper to give publicity to the proposal I made on May 13 at the New York Women’s Convention: a proposal that was adopted and which I should have explained, something I made the mistake of not doing.
I proposed an International League, aiming at the universal triumph of women’s rights and peace; League having to have said annual States-General in Washington, Paris, London, etc., in turn.
By the silence that the newspapers have kept, I realize that we have not penetrated the close connection of the two terms that I have linked: it is on this connection that I want to insist for a moment.
At present, the last word of masculine wisdom is a world organized by and for war; inside by pauperism, outside by interest and ambition: workers paying heavy taxes, not only for leeches with human faces, but to invent, transform, perfect devices of destruction; the pending war stopping the growth of industry; the active war destroying the more vigorous male youth, and tending more and more to leave, to reproduce the species, only the weak, sickly men, who should be generous enough to abstain from this function. As a result of mass massacres, multitudes of women were doomed to celibacy, poverty and prostitution.
Now, what makes war possible and produces the disastrous results I am pointing out? A lack of equilibrium in social forces. Woman is one of these forces, and she has neither her place nor her liberty of action. If, as I believe, the government of women alone should be bad, it does not seem surprising to me that the government of men alone has produced what we see. It takes the equal influence of both sexes to produce balance, because they are equal by “difference” as much as by philosophically defined law.
By instinct, woman hates battle and bloodshed; by nature, she is a mother and a housewife, the one we call “strong-minded” as much, if not more, than the others; by necessity, it is she who gives the child the body of ideas and maxims that, unbeknownst to him, will guide him throughout life. It is from these natural dispositions of women and motherhood that we can only expect a reform of societies and peace.
Let woman be free, educated and honored: let her have her legitimate place in the great social household, and her qualities as a housewife will stop the odious waste that ruins nations: she will demand that the books be kept in order, that we avoid frivolous and superfluous expenses.
As a mother, she could not agree to allow the sons she gave to the country, risking her life, the men she preseved for twenty years, be destroyed in a second; she will not consent to wars undertaken to give ranks to this or that gentleman, to wars inspired by the ambition and injustice of a few, which strip the country of men and money. She will know how to find, without it costing anything to the true national honor, the means to prevent them.
Through her influence in education, moreover, she will have paralyzed in advance the effects of unhealthy eloquence which drives people against each other. The women of all countries, brought into continual contact by the League, will learn to love each other, to know the qualities of peoples other than their own and will aspire to them in their sons, instead of a fierce and stupid national pride, this feeling that we already have in France: that of respect and fraternity. However, it would become difficult to transform into “Caius” men who esteem each other, have no prejudices against each other, and to whom loved and respected mothers have repeated from their cradle: “All men are proud, and the rule to which all their relations are subject is justice. Only demand from others what you would find legitimate for someone to demand of you; and never do to others what you would not think right for them to do to you.”
It is in order to succeed in founding this general education, as much as to hasten the moment of female emancipation, that I proposed the League.
In summary, I believe that the emancipation of women, independent of its incontestable right, can alone stop social disorder, by introducing economy and purer, gentler morals into society; that with it alone can war disappear, and as a result the degradation of the species from a physical and moral point of view, and that it is only through the alliance of all women that the prejudices and hatred that divide the peopled, and that finally the word humanity will cease to be the name of one animal species to become that of a great and reasonable family.
If woman, distorted, depressed in her intelligence, obliged to use herself to please man, contributes to the social disorder, of which she is the main victim, returned to herself, an uncontested active and reasonable power, finally charged with a legal responsibility, ceasing to be a servant or toy to be a citizen, woman will correct the work of man; and from the union of their distinct qualities, harmony, peace, fraternity will be born. These great aspirations of the human soul cannot be realized, let us understand it well, in a world where half the species is slave to the other; in a world where men are, by law, “slave-holders,” where consequently injustice and force are the basis of all institutions.
Accept, sir, etc.
Jenny P. d’Héricourt.
- Jenny P. d’Héricourt, “André Léo,” Messager Franco-Americain (16 mars 1865): 2.
- Jenny P. d’Héricourt, “Les Femmes et la Paix,” Messager Franco-Americain (17 juin 1869): 2.
Working translations by Shawn P. Wilbur.