L’Ère Nouvelle: misc. documents

l’Ère Nouvelle

PARAIT AU MOINS UNE FOIS TOUS LES DEUX MOIS

sur 48 pages au minimum

LE N° 25 CENTIMES. ABONNEMENT 2 fr. PAR AN (2 fr. 50 U.P.U.)

Rédaction et administration : 68, rue François-Miron, Paris 4

L’Ère Nouvelle publie des articles, études ou traductions de Ciro Alvi, E. Armand, H. Beylie, Ad. Blanc, Godfrey Blount, Marie Calisch, T. Combe, Ernest Crosby, Edw. Carpenter, W. Th. Brown, P. Birukoff, Voltairine de Cleyre, Clarence Darrow, Elisée Reclus, W. Hamburger, E. Hamburger-Cordès, Richard Heath, Ch. Hotz, Geo. D. Herron, Davidson Morrison, P. Kropotkine, Marie Kugel, Havelock Ellis, Félicie Numietzka, Félix Ortt, Raoul Odin, C. Papillon, Hugh O. Pentecost, Arthur St. John, W. Tchertkoff, I. Trégoubof, Léon Tolstoï, Margaret Tunmer, van Rees, Fred. van Eeden, Zisly, M. Curvêllo de Mendouça, Alex. Mairet, A. Fromentin. Sartoris, B. R. Tucker, Léon Clément, Sava Nicheff, J.-B. Henry, Albin Villeval, etc.

Ce qu’est réellement l’« Ère Nouvelle » et le mouvement qu’elle représente :

ORGANE D’ENTENTE LIBERTAIRE, l’Ère Nouvelle effectue la fusion entre libres conscients, — sans distinction de philosophie, — sur le terrain pratique de l’exemple ou de l’initiative, individuel ou social. Sun idéal d’une Société renouvelée est celui d’un monde dont tous les habitants se développeraient intégralement selon les aspirations de leur être, sans que nul imposât à autrui ses propres conceptions économiques, morales, intellectuelles, — un milieu où l’expérience personnelle et l’observation collective serviraient de seul procédé éducatif et de base unique à la libre entente mutuelle, — une humanité où les hommes s’aimeraient les uns les autres.

REVUE D’ÉMANCIPATION INTÉGRALE, l’Ère Nouvelle combat l’autorité, la violence et le mensonge sous tous leurs aspects. Elle s’élève contre les dogmes, les préjugés, les superstitions, les oppressions, les réglementations de toute nature, — les cléricalismes, qu’ils soient d’ordre moral, politique ou religieux, — le régime capitaliste et ses conséquences. Elle dénonce également tout ce qui entrave le plein développement physique de l’individu (alcoolisme, jeux d’argent et barbares, penchants nuisibles, etc.)

REVUE D’IDÉALISME PRATIQUE ET DE COMMUNISME APPLIQUE, l’Ere Nouvelle s’intéresse à toutes les tentatives de travail en commun — où qu’elles se poursuivent, de qui elles émanent ou sous quelle forme elles se présentent. Elle les étudie en toute indépendance, les appuie à titre expérimental et reçoit toutes les communications les concernant.

ORGANE ESSENTIELLEMENT ANTI-SECTAIRE, l’’Ere Nouvelle s’intéresse à tous les mouvements libertaires, même poursuivis en dehors des coteries, des clans et des « textes reçus ». C’est ainsi qu’anarchistes-chrétiens, tolstoïsants, théosophes et spiritualistes libertaires, — anarchistes naturiens et végétariens y collaborent ou y rendent compte de leurs activités diverses.

Mayenne, Imp. Cm. COLIN.

L’Ère Nouvelle

APPEARS AT LEAST ONCE EVERY TWO MONTHS

with a minimum of 48 pages

LE N° 25 CENTIMES. ABONNEMENT 2 fr. PAR AN (2 fr. 50 U.P.U.)

Rédaction et administration : 68, rue François-Miron, Paris 4

L’Ère Nouvelle publishes articles, studies or translations from Ciro Alvi, E. Armand, H. Beylie, Ad. Blanc, Godfrey Blount, Marie Calisch, T. Combe, Ernest Crosby, Edw. Carpenter, W. Th. Brown, P. Birukoff, Voltairine de Cleyre, Clarence Darrow, Elisée Reclus, W. Hamburger, E. Hamburger-Cordès, Richard Heath, Ch. Hotz, Geo. D. Herron, Davidson Morrison, P. Kropotkine, Marie Kugel, Havelock Ellis, Félicie Numietzka, Félix Ortt, Raoul Odin, C. Papillon, Hugh O. Pentecost, Arthur St. John, W. Tchertkoff, I. Trégoubof, Léon Tolstoï, Margaret Tunmer, van Rees, Fred. van Eeden, Zisly, M. Curvêllo de Mendouça, Alex. Mairet, A. Fromentin. Sartoris, B. R. Tucker, Léon Clément, Sava Nicheff, J.-B. Henry, Albin Villeval, etc.

What the « Ère Nouvelle » really is and what movement it represents:

A VOICE FOR LIBERTARIAN ENTENTE, the Ère Nouvelle works for fusion among the consciously free, — without philosophical distinction, — on the practical terrain of example or initiative, individual or social. Its ideal of a renewed Society is that of a world in which all of the inhabitants would develop completely, according to their own individual aspirations, without anyone imposing on others their own economic, moral or intellectual ideas, — a milieu in which individual experiment and collective observation would serve as the sole educational process and unique basis of a free and mutual understanding, — one humanity within which human beings will love one another.

A MAGAZINE OF COMPLETE EMANCIPATION, the Ère Nouvelle combats authority, violence and lies in all their aspects. It rises up against dogmas, prejudices, superstitions, oppressions, regulations of every sort, — clericalisms, whether they are of the moral, political or religious order, — and the capitalist regime and its consequences. It denounces as well everything that hinders the full physical development of the individual (alcoholism, gambling and animal combats, harmful penchants, etc.)

A REVIEW OF PRACTICAL IDEALISM AND APPLIED COMMUNISM, the Ère Nouvelle is interested in all of the attempts at labor in common — wherever they are pursued, from whomever they come and in whatever form they present themselves. It will study them with a complete independence, supporting them on an experimental basis and accepting all communications concerning them.

AN ESSENTIALLY ANTI-SECTARIAN ORGAN, the Ère Nouvelle concerns itself with all of the libertarian movements, even those pursued apart from coteries, clans and “received texts.” It is in this way that Christian anarchists, Tolstoyists, libertarian theosophists and spiritualists, — as well as naturist and vegetarian anarchists — collaborate or report on their diverse activities in its pages.

Mayenne, Imp. Cm. COLIN.

NOTRE PROGRAMME (1)

I

Chrétiens et prolétaires, nous avons longtemps déploré l’absence d’une feuille de propagande populaire qui tout en faisant une part équitable à nos revendications et à nos aspirations sociales et libertaires, ne les séparât pas de notre foi et de notre ardent désir d’y amener les autres.

C’est dans le but de combler cette lacune que l’Ere Nouvelle fut fondée, s’affranchissant des l’origine, de tout lien confessionnel ou politique.

II

Disciples de Jésus, le Charpentier de Nazareth, nous croyons en l’Evangile qu’il vint apporter à l’humanité, non point un Evangile tronqué, falsifié, défiguré, amoindri par les compromissions avec les puissants de ce monde ou les dogmatiques des Facultés, mais un évangile intégral ; puissance d’émancipation spirituelle, morale, sociale ; l’Evangile du Salut, du Bien et de la Justice, bloc indivisible, tout inséparable.

Chrétiens Messianistes, nous sommes de ceux qui attendent impatiemment l’apparition de la terre régénérée dont parlent les prophètes, « terre nouvelle où règnera la justice », humanité transformée où les uns ne seront pas sacrifiés aux autres, où nulle inégalité abusive, nul privilège, nulle oppression ne pourra se faire jour, économie bienheureuse qui ignorera conséquemment :

L’exploitation de l’homme par l’homme quelle forme qu’elle revête.

2° Le paupérisme quelque prétexte qu’on invoque pour légitimer son existence.

3° L’aumône, en tant qu’adjuvant du système capitaliste, soupape de sûreté de la richesse spoliatrice, masque de la philanthropie mercantile, grande faiseuse de làches résignés, de paresseux et d’hypocrites.

4° Le militarisme et la guerre, autrement dit l’homicide et le brigandage scientifiquement et légalement organisés.

5° Un petit nombre de familles ayant tout le confort désirable : appartement spacieux, bien aérés, luxueusement meublés, vêtements en abondance, nourriture copieuse et saine ; tandis que la multitude mal vêtue, s’entasse en d’étroits logements, malsains et privés d’air, ne mangeant pas à sa faim et se nourrit souvent de produits avariés.

6° Une minorité possédant ou gagnant de grosses sommes, se trouvant de ce fait à l’abri du besoin et faisant souvent étalage d’un luxe insolent tandis que la majorité, à la merci qu’elle est du capital, végète, gagne péniblement sa subsistance, n’a aucune sécurité du lendemain et voit sans cesse suspendu sur elle la menace du chômage et les poignantes privations qui en sont la conséquence forcée

7° Les instruments de production aux mains de quelques-uns, tandis que la classe ouvrière sans laquelle leur valeur ou leur utilité serait nulle, doit renoncer au légitime espoir de les voir devenir siens.

8° Le cléricalisme, autrement dit l’esprit de fanatisme de superstitieux, d’intolérance ou d’oppression.

9° Les distinctions de races, de peuple, de sexes et les abus monstrueux qui en découlent.

IlI

L’Evangile tout entier, dans son esprit, s’élève contre ces abus et ces iniquités. Nous en avons la preuve, non seulement dans le sermon sur la Montagne, l’Epître de Jacques, cent passages probants, mais encore dans l’organisation toute communiste des chrétiens de Jérusalem qui, dix-huit siècles avant les Babœuf, les Cabet, les Proudhon, les Fourier, les Louis Blanc, etc. etc., réalisèrent la formule célèbre : De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins.

D’ailleurs, sans se prévaloir de cette antique tentative il suffit que Celui qui n’eut pas un lieu où reposer sa tête ait donné ce commandement: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » pour en déduire logiquement le non sens du tien et du mien dans une société régénérée par son Esprit.

Voilà pour l’Evangile social ; nous tendons donc une main fraternelle à tous ceux qui sans partager notre foi et nos conceptions religieuses poursuivent, comme nous et parallèlement à notre activité, l’émancipation intégrale de l’humanité.

IV

Le côté social de l’Evangile ne saurait nous faire négliger sa puissance d’émancipation morale. Jamais des débauchés, des joueurs, des buveurs, ne sauraient prétendre à leur affranchissement social ou économique. Prêts à tout immoler à la passion qui les domine, incapable de tout effort viril, chair à exploitation, ils constituent l’obstacle le plus puissant à la délivrance du prolétariat.

Aussi combattons-nous et de toutes nos forces l’alcoolisme, la débauche et la pornographie, les jeux d’argent et les jeux barbares ; enfin tout ce qui dégrade et avilit l’homme, tout ce qui entrave son évolution altruiste, en un mot tout ce qui fait obstacle à l’avènement de la Cité Future.

Notre tâche serait incomplète si nous n’accordions toute sa place à l’Evangile, en tant que puissance d’émancipation spirituelle. Pas d’économie sociale, sans éthique, sans bases morales. Pas de morale sans base spirituelle. Nous constatons l’existence du mal, cause autant que résultat de l’inique état social que nous subissons. Disciples du Christ Rédempteur, le Socialiste Parfait, nous croyons qu’il a paru pour anéantir les causes et les résultats de ce Mal unique obstacle à l’établissement du«Royaume des Cieux » de la Cité de l’Avenir. En nous révélant le Salut personnel, la Vie éternelle, l’Amour-Vrai, — le Christ ressuscité nous, a fourni le moyen de vaincre l’Égoïsme, de réaliser la parfaite justice,

V

Indépendante de tout parti, de toute secte et de toute église, l’Ere Nouvelle n’a aucune raison de taire la Vérité. Ceux qui la rédigent sont d’humbles disciples de l’Évangile, s’efforçant d’imiter leur Maitre, le Crucifié du Calvaire.

Notre foi et notre bonne foi sont nos uniques titres, y compris notre intense conviction que le mode d’évangélisation laïque que préconise l’Ere Nouvelle est le seul qui puisse atteindre effectivement les foules. Dieu fasse que nos efforts contribuent à la venue de cette renouvelle qu’appelle de tous ses vœux l’humanité qui souffre, qui pense et qui hésite (2).

La Commission d’initiative.

(1) Ce programme avait déjà paru dans le premier numéro de l’Ére Nouvelle. Depuis le nombre de nos abonnés s’est accru dans des proportions considérables et il ne nous reste plus d’exemplaires de ce numéro. Nous avons cru bien faire en le publiant à nouveau et nous en profitons pour le tirer à part. C’est autour de ce programme que se rallieront tous les chrétiens qui désirent nous aider dans notre œuvre, c’est de lui que s’inspireront les groupements qui se rattacheront à notre activité, c’est en le respectant que ceux qui ne partagent pas toutes nos convictions lutteront avec nous la main dans la main pour amener la Cité de Justice.

(2) Un groupe indépendant vient d’être constitué à Paris sur ces bases, il a choisi comme secrétaire notre camarade et collaboratrice : Mlle Marie Kugel.

Béthune, imp. Delcroix-Roland

OUR PROGRAM (1)

I

Christians and proletarians, we have long regretted the absence of a popular propaganda sheet that, while giving a fair share to our social and libertarian demands and aspirations, did not separate them from our faith and our ardent desire to lead others to it.

It is with the aim of filling that gap that the Ere Nouvelle was founded, freeing itself, from the beginning, from any denominational or political link.

II

Disciples of Jesus, the Carpenter of Nazareth, we believe in the Gospel that he came to bring to humanity, not a truncated, falsified, disfigured Gospel, diminished by the shameful compromises with the powerful of this world or the dogmatics in the universities, but a complete gospel; a power for spiritual, moral and social emancipation; the Gospel of Salvation, of Good and of Justice, an indivisible bloc, entirely inseparable.

Messianic Christians, we are among those who impatiently await the appearance of the regenerated earth spoken of by the prophets, “a new earth where justice will reign,” a transformed humanity where some will not be sacrificed to the others, where no abusive inequality, no privilege and no oppression can arise, a fortunate economy that will consequently know nothing of:

The exploitation of man by man, no matter what form it takes.

Pauperism, no matter what pretext one invokes to legitimate its existence.

Alms, as an adjunct of the capitalist system, a safety valve for plundering wealth, a mask for mercantile philanthropy, a great maker of resigned cowards, idlers and hypocrites.

Militarism and war, othewise called homicide and brigandage scientifically and legally organized.

5° A small number of families having every desirable comfort: spacious apartments, well ventilated and luxuriously furnished, plenty of clothes, plentiful and healthy food; while the poorly clad multitude, piled up in cramped lodgings, unhealthy and deprived of fresh air, do not have enough to eat and often feed themselves with spoiled goods.

6° A minority possessing or gaining larges sums, finding themselves sheltered from ned and often flaunting an insolent luxury while the majority, at the mercy as it is of capital, stagnates, painfully earns its subsistance, has no guarantee for tomorrow and constantly sees the threat of unemployment held over it, along with the harrowing privations that are its inevitable consequence.

7° The instruments of production in the hands of a few, while the working class, without whom their value and usefulness would be nil, must renounce the legitimate hope of seeing them become their own.

Clericalism, the spirit of superstitutious fanaticism, intolerance or oppression.

Distinctions of races, nations and sexes and the monstrous abuses that flow from them.

IlI

The whole Gospel, in its spirit, is raised against these abuses and iniquities. We have the proof, not only in the Sermon on the Mount, the Gospel of James, a hundred compelling passages, but also in the completely communistic organization of the Christians of Jerusalem who, eighteen centuries before Babœuf, Cabet, Proudhon, Fourier, Louis Blanc, etc. etc., realized the famous formula: From each according to their means, to each according to their needs.

Besides, without making any claims for this ancient attempt, it is enough that the One who had no place to lay his head gave this commandment: “You will love your neighbor as yourself”  to logically deduce from it the nonsense of the thine and mine in a society regenerated by his Spirit.

So much for the Social Gospel; we extend a fraternal hand to all those who, without sharing our faith and our religious ideas, pursue, like us and in parallel with  our activity, the complete emancipation of humanity.

IV

The social side of the Gospel could not make us neglect its power of moral emancipation. Never could the depraved, the gamblers and drinkers, claim their social or economic emancipation. Ready to sacrifice everything to the passion which dominates them, incapable of any potent effort, fodder for exploitation, they constitute the most powerful obstacle to the liberation of the proletariat.

We also combat with all our strength alcoholism, debauchery, gambling and animal combats; everything, in the end, that degrades and the human being, everything that hinders their altruistic evolution, everything, in short, that creates an obstacle to the advent of the Future Society.

Our task would be incomplete if we did not afford to the Gospel its full rank as a power for spiritual emancipation. No political economy without ethics, without a moral basis. No morals without a spiritual basis. We note the existence of evil, the cause as much as the result of the iniquitous social state to which we are subject. Disciples of Christ the Redeemer, the Perfect Socialist, we believed that he appeared to destroy the causes and the results of that Evil, unique obstacle to the establishment of the “Kingdom of Heaven,” of the Society of the Future. By revealing to us personal Salvation, eternal Life and true Love, Christ revived us and furnished us with the means to vanquish Selfishness [Égoïsme], to achieve perfect justice,

V

Independent of every party, every sect and every church, the Ere Nouvelle has no reason not to speak the Truth. Those who produce it are humble disciples of the Gospel, striving to imitate their Master, the Crucified of Calvary.

Our faith and our good faith are our only titles, including our intense conviction that the mode of lay evangelization advised by the Ere Nouvelle is the only one that can affectively reach the masses. God grant that our efforts contribute to the coming of that renewal that calls with every wish the humanity who suffer, think and hesitate (2).

La Commission d’initiative.

(1) This program has already appeared in the first issue of the Ére Nouvelle. Since the number of our subscribers has increased in considerable proportions and there no longer remain to us any copies of that issue, we have thought it a good idea to publish it again and take the opportunity to publish it separately. It is around this program that all the Christians who wish to aid in our work will rally; it will inspire the groups that attach themselves to our activity; it is by respecting it that those who do not share all of our convictions will struggle hand in hand with us to bring about the City of Justice.

(2) An independent group has just been established in Paris on this basis. It has chosen as its secretary our comrade and collaborator: Mlle. Marie Kugel.


Supplément permanent à l’ÈRE NOUVELLE, revue mensuelle – 1 fr. 50 le cent, franco U. P.U

FRANCHES EXPLICATIONS,

par E. Armand, de l’ERE NOUVELLE

Comment puis-je être

à la fois

CHRÉTIEN & LIBERTAIRE ?

Nombre de personnes n’ayant pu encore admettre qu’il puisse exister, à côté de libertaires « matérialistes », des libertaires « spiritualistes » ou « chrétiens ».J’ai pensé quelques lignes d’explications nécessaires à ce sujet.

1. Je crois à peine avoir besoin d’insister sur les motifs qui m’ont poussé à me déclarer libertaire. Niant l’autorité de l’homme sur l’homme (et son corollaire : l’exploitation de l’homme par l’homme), je ne reconnais et ne pratique d’autre morale que celle de la liberté— individuelle, intégrale absolue — où qu’elle aboutisse.Je n’y pose d’autre limite que la liberté d’autrui. Je n’entends la soumettre qu’à un critère unique : celui de ma pensée, de ma raison, en un mot de ma conscience.

2. Je vais essayer maintenant d’expliquer brièvement pourquoi je me qualifie de « chrétien », de disciple du Christ. Je ne suis pas né chrétien. Je le suis devenu. On naît catholique, protestant, grec orthodoxe, etc.; on ne saurait naître chrétien, on le devient. En ce qui me concerne, c’est en pleine connaissance de cause qu’à la fleur de la jeunesse, sans y être préparé par la moindre éducation « religieuse », j’ai choisi d’être un des disciples de Jésus de Nazareth. Et cela à la suite du contact de ma conscience avec la personnalité de Jésus telle qu’elle se dégage des récits évangéliques, une fois ceux-ci dépouillés des additions subséquentes et des légendes de source païenne ou autre dont les théologiens ont fait ultérieurement des dogmes (1).

3. Jésus de Nazareth a fait impression sur ma conscience. Après treize ans, cette impression qui donna à ma vie une orientation nouvelle, demeure aussi nette, aussi intense, aussi sensible qu’au moment où elle se produisit.

Ainsi donc, « être chrétien », en ce qui me concerne personnellement, ce n’est ni avoir adhéré à telle ou telle doctrine ou morale religieuse — admettre l’authenticité de tel texte contraire au bon sens ou partager même les conceptions théologiques prêtées au Christ — « être chrétien » (pour moi) c’est s’assimiler la conscience de Jésus de Nazareth, c’est le revivre lui-même dans évolution actuelle de sa pensée.

4. Jésus de Nazareth n’est (pour moi encore) ni le membre d’une Trinité incompréhensible, ni un faiseur de miracles inexplicables, ni une sorte d’illuminé mystique. C’est le type de l’Emancipateur intégral qui fait marcher de pair l’évolution morale et l’évolution sociale, en pratiquant ce qu’il prêche. C’est le Parfait dont Paul disait qu’il n’avait point connu le péché — l’imperfection — et qui ne s’en montre que plus tendre et plus bienveillant à l’égard des imparfaits et des vaincus de la vie, tout en leur proposant comme but la perfection.

C’est le Révolté conscient, l’Incorruptible que rien ne détourne de sa voie, ni les acclamations populaires, ni les perspectives de revers, ni la menace des lois. C’est l’Homme par excellence, le Fils de l’Homme, qui parle à la conscience humaine, qui connaît si bien les faiblesses et les misères des autres hommes, ses frères, qu’il ne veut ni désespérer, ni qu’on désespère de l’un d’eux. C’est l’idéal vécu de la Libre Conscience qui, aux prescriptions, aux textes, oppose toujours et sans cesse la loi intérieure. C’est l’Homme de l’’Avenir et jamais du passé. « Le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. » « Que les morts enterrent leurs morts. » « On ne met pas de vin nouveau dans de vieilles outres. » C’est

l’adversaire des prêtres, « ces hommes à longues robes qui, sous prétexte de prières, ravagent les maisons des veuves », celui des pharisiens et des moralistes de decorum auxquels il rappelle que ce n’est pas « le dehors, mais le dedans de la coupe qu’il faut nettoyer », celui des hypocrites et sa prétendue résignation ne l’empêche pas de chasser à coups de fouet les marchands du temple. C’est l’adversaire irréconciliable des charlatans, des superstitieux, des fétichistes qui, de tout temps, ont voulu localiser Dieu dans un temple et trafiquer des miracles, « Il vient une heure et elle est déjà venue où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. »

Il foule aux pieds morale de convention et respect humain, car il accueille dans son entourage Madeleine la prostituée, absout la femme adultère, et fait ses amis des péagers et des gens de mauvaise vie; s’agit-il de confondre les cléricaux, c’est d’un hérétique, d’un hors la loi dont il se sert comme héros d’une de ses plus belles paraboles : celle du bon Samaritain.

Egalitaire, il enseigne à ses disciples que parmi eux il n’est « ni premiers, ni derniers ».Libertaire, il rappelle que «l’esprit souffle où il veut» et recommande de n’appeler personne “Maître”. — Il ne fonde pas de secte, ne crée ni parti, ni église, n’établit ni doctrine, ni philosophie, ni religion : ses disciples se reconnaissent à ce qu’ils “ s’aiment les uns les autres ?.

Rénovateur intégral, il indique le gage du succès des Sociétés à venir. « Nul ne verra le Royaume des Cieux sil n’est né de nouveau. » Et ce Royaume des Cieux est si peu un paradis et si bien la Cité de Bonheur que larmes de souffrances, faim et soif de justice, aspirations intenses, exploitations, douleurs, misères de toute sorte y seront calmés, apaisés, inconnus.

5. Et tout cela, Jésus ne se contente pas de le prêcher, il le vit, et s’efforce de le faire vivre à d’autres. Tout mécompris, raillé, persécuté qu’il soit, il persévère, — par amour, — sans l’espérance d’une récompense. d’une approbation, d’un succès, — jusqu’à la mort, jusqu’au supplice.

Voilà simplement exprimé l’Idéal que je souhaite, que j’essaie de vivre, — l’Idéal qui évolue et se développe dans l’intimité de ma conscience, — l’Idéal que plusieurs ont vécu, vivent et vivront les uns partiellement, les autres plus ou moins entièrement, l’Idéal dont j’ai trouvé le germe dans les récits évangéliques, puisque je ne connais le Christ que par eux.

6. Plusieurs assurent pouvoir se passer d’un idéal; d’autres ont rencontré, l’avouant ou non, en Confucius, en Bouddha, en Epictète, en Platon, en Socrate, en Mahomet, en Spinoza, en Fourier, en Bakounine, — qui sais-je encore ? — un idéal, un exemple, un guide, correspondant parfaitement à leurs sentiments, à leur tempérament, à leur mentalité et qu’ils aiment à citer. Les ai-je jamais blâmés de s’efforcer de réaliser leur idéal? Qu’ils me laissent donc tenter de vivre le mien!

Je ne réclame d’eux autre chose que nous réunir et sur le terrain des revendications humanitaires et économiques, et pour la mise en pratique, dans la liberté absolue, de nos communes aspirations de liberté, de justice et d’amour.

Certains « chrétiens » de leur côté, se sont formé du Christ une idée plus dogmatique, plus moralement ou religieusement bourgeoise. Oublient-ils qu’en nous excommuniant, ils cessent d’être les disciples du Tolérant s’il en fut qui comptait comme siens tous ceux qui n’étaient pas contre lui ?

(1) C’est la seule conception purement chrétienne. Paul s’écrie Christ est ma vie, comme Jésus s’est écrié le Père et Moi ne faisons qu’un. Il s’agit d’une expérience de conscience, nulle part d’un dogme.

Les enseignements des prophètes d’Israël, les déclarations du Christ aboutissent logiquement à des conséquences libertaires et économiques communes aux initiateurs, aux voyants de tous les temps, de toutes les écoles. De même nos ancêtres chrétiens-communistes, les chrétiens libertaires actuels dans tous les pays, aboutissent individuellement — tout comme moi au communisme libertaire.

Lire à ce sujet la Fin du Christ Légendaire (essai de Christianisme libertaire) par E. Armand et Marie Kugel. en vente aux bureaux de l’Ere Nouvelle, Revue d’Emancipation intégrale, rédigee par des disciples du Christ, 17, rue Saint. Séverin, Paris (Ve), où l’on trouve aussi les Déclarations du Groupe International l & Ere Nouvelle».

Mes disciples se reconnaissent à ce qu’ils s’aiment les uns les autres (JÉSUS DE NAZARETH).

La reconnaissance des lois est le signe d’une ignorance crasse (Léon TOLSTOI).

Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons lés frères (L JEAN 3/15).

Société de l’Imprimerie de « La Loire Républicains »
Rue de la Bourse, 26, SAINT-ETIENNE

Supplément permanent à l’ÈRE NOUVELLE, revue mensuelle – 1 fr. 50 le cent, franco U. P.U

FRANCHES EXPLICATIONS,

par E. Armand, de l’ERE NOUVELLE

Comment puis-je être

à la fois

CHRÉTIEN & LIBERTAIRE ?

Nombre de personnes n’ayant pu encore admettre qu’il puisse exister, à côté de libertaires « matérialistes », des libertaires « spiritualistes » ou « chrétiens ».J’ai pensé quelques lignes d’explications nécessaires à ce sujet.

1. Je crois à peine avoir besoin d’insister sur les motifs qui m’ont poussé à me déclarer libertaire. Niant l’autorité de l’homme sur l’homme (et son corollaire : l’exploitation de l’homme par l’homme), je ne reconnais et ne pratique d’autre morale que celle de la liberté— individuelle, intégrale absolue — où qu’elle aboutisse.Je n’y pose d’autre limite que la liberté d’autrui. Je n’entends la soumettre qu’à un critère unique : celui de ma pensée, de ma raison, en un mot de ma conscience.

2. Je vais essayer maintenant d’expliquer brièvement pourquoi je me qualifie de « chrétien », de disciple du Christ. Je ne suis pas né chrétien. Je le suis devenu. On naît catholique, protestant, grec orthodoxe, etc.; on ne saurait naître chrétien, on le devient. En ce qui me concerne, c’est en pleine connaissance de cause qu’à la fleur de la jeunesse, sans y être préparé par la moindre éducation « religieuse », j’ai choisi d’être un des disciples de Jésus de Nazareth. Et cela à la suite du contact de ma conscience avec la personnalité de Jésus telle qu’elle se dégage des récits évangéliques, une fois ceux-ci dépouillés des additions subséquentes et des légendes de source païenne ou autre dont les théologiens ont fait ultérieurement des dogmes (1).

3. Jesus of Nazareth a fait impression sur ma conscience. Après treize ans, cette impression qui donna à ma vie une orientation nouvelle, demeure aussi nette, aussi intense, aussi sensible qu’au moment où elle se produisit.

Ainsi donc, « être chrétien », en ce qui me concerne personnellement, ce n’est ni avoir adhéré à telle ou telle doctrine ou morale religieuse — admettre l’authenticité de tel texte contraire au bon sens ou partager même les conceptions théologiques prêtées au Christ — « être chrétien » (pour moi) c’est s’assimiler la conscience de Jésus de Nazareth, c’est le revivre lui-même dans évolution actuelle de sa pensée.

4. Jésus de Nazareth n’est (pour moi encore) ni le membre d’une Trinité incompréhensible, ni un faiseur de miracles inexplicables, ni une sorte d’illuminé mystique. C’est le type de l’Emancipateur intégral qui fait marcher de pair l’évolution morale et l’évolution sociale, en pratiquant ce qu’il prêche. C’est le Parfait dont Paul disait qu’il n’avait point connu le péché — l’imperfection — et qui ne s’en montre que plus tendre et plus bienveillant à l’égard des imparfaits et des vaincus de la vie, tout en leur proposant comme but la perfection.

C’est le Révolté conscient, l’Incorruptible que rien ne détourne de sa voie, ni les acclamations populaires, ni les perspectives de revers, ni la menace des lois. C’est l’Homme par excellence, le Fils de l’Homme, qui parle à la conscience humaine, qui connaît si bien les faiblesses et les misères des autres hommes, ses frères, qu’il ne veut ni désespérer, ni qu’on désespère de l’un d’eux. C’est l’idéal vécu de la Libre Conscience qui, aux prescriptions, aux textes, oppose toujours et sans cesse la loi intérieure. C’est l’Homme de l’’Avenir et jamais du passé. « Le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. » « Que les morts enterrent leurs morts. » « On ne met pas de vin nouveau dans de vieilles outres. » C’est

l’adversaire des prêtres, « ces hommes à longues robes qui, sous prétexte de prières, ravagent les maisons des veuves », celui des pharisiens et des moralistes de decorum auxquels il rappelle que ce n’est pas « le dehors, mais le dedans de la coupe qu’il faut nettoyer », celui des hypocrites et sa prétendue résignation ne l’empêche pas de chasser à coups de fouet les marchands du temple. C’est l’adversaire irréconciliable des charlatans, des superstitieux, des fétichistes qui, de tout temps, ont voulu localiser Dieu dans un temple et trafiquer des miracles, « Il vient une heure et elle est déjà venue où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. »

Il foule aux pieds morale de convention et respect humain, car il accueille dans son entourage Madeleine la prostituée, absout la femme adultère, et fait ses amis des péagers et des gens de mauvaise vie; s’agit-il de confondre les cléricaux, c’est d’un hérétique, d’un hors la loi dont il se sert comme héros d’une de ses plus belles paraboles : celle du bon Samaritain.

Egalitaire, il enseigne à ses disciples que parmi eux il n’est « ni premiers, ni derniers ».Libertaire, il rappelle que «l’esprit souffle où il veut» et recommande de n’appeler personne “Maître”. — Il ne fonde pas de secte, ne crée ni parti, ni église, n’établit ni doctrine, ni philosophie, ni religion : ses disciples se reconnaissent à ce qu’ils “ s’aiment les uns les autres ?.

Rénovateur intégral, il indique le gage du succès des Sociétés à venir. « Nul ne verra le Royaume des Cieux sil n’est né de nouveau. » Et ce Royaume des Cieux est si peu un paradis et si bien la Cité de Bonheur que larmes de souffrances, faim et soif de justice, aspirations intenses, exploitations, douleurs, misères de toute sorte y seront calmés, apaisés, inconnus.

5. Et tout cela, Jésus ne se contente pas de le prêcher, il le vit, et s’efforce de le faire vivre à d’autres. Tout mécompris, raillé, persécuté qu’il soit, il persévère, — par amour, — sans l’espérance d’une récompense. d’une approbation, d’un succès, — jusqu’à la mort, jusqu’au supplice.

Voilà simplement exprimé l’Idéal que je souhaite, que j’essaie de vivre, — l’Idéal qui évolue et se développe dans l’intimité de ma conscience, — l’Idéal que plusieurs ont vécu, vivent et vivront les uns partiellement, les autres plus ou moins entièrement, l’Idéal dont j’ai trouvé le germe dans les récits évangéliques, puisque je ne connais le Christ que par eux.

6. Plusieurs assurent pouvoir se passer d’un idéal; d’autres ont rencontré, l’avouant ou non, en Confucius, en Bouddha, en Epictète, en Platon, en Socrate, en Mahomet, en Spinoza, en Fourier, en Bakounine, — qui sais-je encore ? — un idéal, un exemple, un guide, correspondant parfaitement à leurs sentiments, à leur tempérament, à leur mentalité et qu’ils aiment à citer. Les ai-je jamais blâmés de s’efforcer de réaliser leur idéal? Qu’ils me laissent donc tenter de vivre le mien!

Je ne réclame d’eux autre chose que nous réunir et sur le terrain des revendications humanitaires et économiques, et pour la mise en pratique, dans la liberté absolue, de nos communes aspirations de liberté, de justice et d’amour.

Certains « chrétiens » de leur côté, se sont formé du Christ une idée plus dogmatique, plus moralement ou religieusement bourgeoise. Oublient-ils qu’en nous excommuniant, ils cessent d’être les disciples du Tolérant s’il en fut qui comptait comme siens tous ceux qui n’étaient pas contre lui ?

(1) This is the only purely Christian conception. Paul exclaimed “Christ is my life,” as Jesus cried out “The Father and I are one.” It is a question of an experience of consciousness, not of a dogma.

Les enseignements des prophètes d’Israël, les déclarations du Christ aboutissent logiquement à des conséquences libertaires et économiques communes aux initiateurs, aux voyants de tous les temps, de toutes les écoles. De même nos ancêtres chrétiens-communistes, les chrétiens libertaires actuels dans tous les pays, aboutissent individuellement — tout comme moi au communisme libertaire.

Lire à ce sujet la Fin du Christ Légendaire (essai de Christianisme libertaire) par E. Armand et Marie Kugel. en vente aux bureaux de l’Ere Nouvelle, Revue d’Emancipation intégrale, rédigee par des disciples du Christ, 17, rue Saint. Séverin, Paris (Ve), où l’on trouve aussi les Déclarations du Groupe International l & Ere Nouvelle».

Mes disciples se reconnaissent à ce qu’ils s’aiment les uns les autres (JÉSUS DE NAZARETH).

La reconnaissance des lois est le signe d’une ignorance crasse (Léon TOLSTOI).

Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons lés frères (L JEAN 3/15).

Société de l’Imprimerie de « La Loire Républicains »
Rue de la Bourse, 26, SAINT-ETIENNE


[To be continued…]

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