The Three Eras (May 22, 1848)

Les trois époques

L’anarchie, dit-on, règne dans les rues depuis le 24 février. Elle règne sans violences contre les personnes et contre les choses, grâce à la douceur et à la moralité du Peuple, mais enfin elle est seule maîtresse.

Que signifie l’anarchie dans les rues, sinon l’absence des mouchards et des serges de ville ? Mais si, sans serges de ville, sans mouchards, sans gendarmes, l’ordre règne dans les rues; si l’on n’y vole personne, si l’on n’y assassine personne, si l’on n’y insulte personne, la population n’aura-t-elle pas prouvé qu’elle peut se passer de ce pouvoir qu’on appelle gendarmes, police, gardes municipaux ? N’aura-t-elle pas prouvé quelle elle sait se garder, se protéger, se gouverner elle-même ?

Quand le gouvernement de Louis-Philippe gouvernait le pays, il y avait à Paris 60,000 homme; de troupes des postes à chaque carrefour, des sentinelles à chaque coin de rue, des serges de ville partout, et cependant on volait dans les maisons, on assassinait quelquefois, on insultait les paysans dans les rues; le plus fort y battait le plus faible ; les femmes n’osaient pas s’y hasarder le soir sans être accompagnées. Les sentinelles laissaient assassiner à dix pas de leur guérite sous prétexte quelles elles ne devaient pas abandonner un seul instant leur guérite; les serges . de ville arrivaient juste à point pour vous conduire au poste lorsqu’on vous avait assommé, et si vous étiez volé, on vous accusait de vous être volé vous-même et pour votre agrément personnel : C’ÉTAIT LE TEMPS DU GOUVERNEMENT.

Quand le Peuple régnait seul, après la victoire de février, jamais dans les rues il n’y avait eu pour tous sécurité si grande. Les vaincus de la veille se mêlaient aux vainqueurs du jour, les faibles étaient défendus contre les forts, les femmes circulaient au milieu de la foule avec une sécurité quelles ne trouvent jamais en temps de gouvernement, malgré notre prétendue galanterie française, les voleurs, eux-mêmes, avaient disparu, car tous les yeux veillaient, et quelques exemples de la justice du peuple avaient effrayé les malfaiteurs.

On respirait la liberté par tous les pores. L’air était plus pur , les femmes plus belles, les hommes moins laids !

C’ÉTAIT LE TEMPS DE L’ANARCHIE.

Un beau jour, le Peuple apprend que la Pologne expire faut de secours; comme il ne comprend pas, lui, que la France aVec 2 millions d’hommes sous les armes, puisse n’être pas en état de faire la guerre, il se lève tout entier pour que le gouvernement décrète l’intervention. Mais cette unanimité du Peuple vient le briser devant la tentative de quelques démocrates Insensés qui essayent de provoquer la dissolution de l’Assemblée nationale an moment même où cette Assemblée nationale allait devenir entre* leurs mains un instrument passif de pouvoir. Quoi qu’il en soit ce jour-là, par un revirement facile à prévoir, l’influence est revenue aux mains de la bourgeoisie. Alors la garde nationale a été le véritable Gouvernement, et dans la garde nationale le parti de la réaction est celui qui a fait le plus fortement sentir sa puissance Impulsive. Depuis ce jour la terreur s’est faite contre les communistes, contre les socialistes, contre les clubs, contre les journaux. Des paroles de haine et de vengeance oui été proférées dans les rues ; des mesures violentes, illégales, ont été prises ; des Républicains sincères ont été maltraités; la sang a coulé dans quelques collisions particulières, et maintenant les modérés demandent que les échafauds se dressent contre les fauteurs de désordre. En attendant, d’immenses patrouilles se promènent dans les rues, les corps de garde de Louis-Philippe ne suffisent plus pour contenir les soldats-citoyens de la République ; la garde nationale qui fait, auprès de l’assemblée, l’office d’une garde prétorienne est obligée de faire, dans les rues, le service de la garde municipale et des serges de ville. La ville est moins libre qu’auparavant, mais en revanche elle est toujours sur le qui-vive et chacun veille avec ses armes à ses côtés. Paris entier a tout l’aspect d’un champ de bataille. Puissent les trois ou quatre armées qui sont en présence ne pas en venir bientôt aux mains !

C’est l’âge de fer! C’EST LE TEMPS DE L’ORDRE!

The Three Eras

Anarchy, it is said, has ruled the streets since February 24. She reigns without violence against persons and against things, thanks to the gentleness and morality of the People, but in the end she is the sole mistress.

What does anarchy mean in the streets, if not the absence of informers and armed police? But if, without armed police, without informers, without gendarmes, order reigns in the streets; if no one is robbed there, if no one is murdered there, if no one is insulted there, will the population not have proven that it can do without this power called gendarmes, police and municipal guards? Will it not have proven that it knows how to guard, protect and govern itself?

When the government of Louis-Philippe governed the country, there were 60,000 men in Paris; troops posted at every crossroads, sentries at every street corner, city sergeants everywhere, and houses were robbed, there were sometimes murders and peasants were insulted in the streets; the stronger defeated the weaker; women dared not venture out in the evening unaccompanied. The sentries allowed murders to be carried out ten paces from their sentry-box on the pretext that they were not to abandon their sentry-box for a single moment; the armed police arrived just in time to take you to the station when you were knocked down, and if you were robbed, you were accused of having robbed yourself and for your personal pleasure: IT WAS THE TIME OF GOVERNMENT.

When the People reigned alone, after the victory of February, never in the streets had there been such security for all. The vanquished of the day before mingled with the victors of the day, the weak were defended against the strong, the women circulated in the middle of the crowd with a security which they never found in the times of government, despite our pretended French gallantry, the thieves, themselves, had disappeared, for all eyes were watching, and some examples of the justice of the people frightened off the criminals.

We breathed liberty through every pore. The air was purer, the women more beautiful, the men less ugly!

IT WAS THE TIME OF ANARCHY.

One fine day, the People learns that Poland is dying for want of help; as it does not understand that France, with 2 million men under arms, may not be in a condition to wage war, it rises en masse, calling on the government to decree intervention. But this unanimity of the people comes to be shattered before the attempt of some foolish democrats who are trying to bring about the dissolution of the National Assembly at the very moment when this National Assembly was about to become in their hands a passive instrument of power. Be that as it may, that day, in an easily foreseen reversal, influence returned to the hands of the bourgeoisie. Then the National Guard was the real Government, and in the National Guard the party of reaction is that which has made its impulsive power most strongly felt. Since that day terror has been wrought against the Communists, against the Socialists, against the clubs, against the newspapers. Words of hatred and revenge have been uttered in the streets; violent, illegal measures have been taken; sincere Republicans have been mistreated; blood has flowed in a few particular confrontations, and now the moderates demand that scaffolds be raised for the troublemakers. In the meantime, immense patrols roam the streets, Louis-Philippe’s guard corps are no longer sufficient to contain the soldier-citizens of the Republic; the national guard, which performs the duties of a praetorian guard in the assembly, is obliged to perform, in the streets, the service of the municipal guard and the armed police. The city is less free than before, but on the other hand it is always on the alert and everyone watches with their weapons at their side. The whole of Paris looks like a battlefield. May the three or four armies that are present not soon come to blows!

It is the Iron Age! IT IS THE TIME OF ORDER!


Translator’s note: This is presumably a response to the demonstrations of 15 May 1848, which preceded the June Days.

“Les trois époques,” Le Représentant du Peuple no. 51 (22 mai 1848): 1.

Working translation by Shawn P. Wilbur.

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