Georges Duchêne, “Government” (1849-50)

In the last quarter of 1849 and the first of 1850, in the pages of the Voix du Peuple, Proudhon was simultaneously debating Frédéric Bastiat, Louis Blanc and Pierre Leroux for their “resistance to the revolution” — from prison, when not subject to solitary confinement — while his chief collaborators debated less well-known figures on similar topics. In the debates with Leroux, Blanc and the delegates from the national workshops at the Luxembourg, the subject was the State and much of Proudhon’s camp found itself embracing not just a fairly consistent anti-governmentalist program, but also the language of anarchy. Proudhon’s newspapers were not always obviously anarchist papers, but there are periods, like this one, where we can probably identify a real anarchist movement, however small.

There is a lot of material to be recovered and translated from the pages of the Voix du Peuple. A bit of late-night work, paging through scans of the issues, produced a four-page bibliography for the period between October 1849 and February 1950. There will be much more. The goal is to assemble a couple of volumes documenting the debates on mutual credit and the State. A first step toward that project is introduce Proudhon’s ally and collaborator Georges Duchêne. Duchêne managed Le Représentant du peuple and Le Peuple, and collaborated closely with Proudhon on a number of works, including “the bulk of the the work,” according to Proudhon, on the Manual of the Stock-Market Speculator, research for Theory of Taxation and significant contributions to How Business is Going in France. etc, but he is largely unknown to anarchists. We’ll start to correct that with this new translation.

A pdf is also available, with a slightly revised translation and two other short pieces from the Voix du Peuple appended.


Le Gouvernement.

I.

CE QU’IL EN COUTE POUR ÊTRE GOUVERNÉ.

— Vois-tu, l’Eveillé, tu as beau dire : Je suis aussi républicain-socialiste que toi, et cependant je veux un gouvernement. Figure-toi tout le parti que nous tirerions de l’Etat, si nous avions a notre disposition les ressources dont il dispose. Il n’y a que l’Etat capable de consacrer des millions à commanditer les associations ouvrières et à organiser le crédit. Au lieu de démolir la machine, il est bien plus sensé de s’en servir.

— Ah! Baptiste, tu nous en contes de belles. Où as-tu vu que le gouvernement était riche?

— Mais dans Cabet, Louis Blanc et une foule d’autres moins célèbres qui savent de quoi il retourne. Puis il ne faut qu’un peu do bon sens pour comprendre ça. Une administration qui dispose annuellement d’un milliard et demi peut bien, sans se gêner, donner aux ouvriers une cinquantaine de millions par en pour organiser le travail.

— Tu n’y entends rien, mon garçon. Tu es si encroûté que je n’ose poursuivie la discussion. Tiens, viens prendre un litre à douze. Nous serons à l’abri du froid et du vent et nous pourrons causer plus au long.

— J’accepte, quoique je n’aime pas le cabaret. Mais le bois et la chandelle sont si chers, qu’à moins de se coucher sitôt la nuit close, ou de grelotter dans sa mansarde, on se voit forcé d’aller dans les établissements publics. Alors les aristos nous reprochent d’être débauchés.

— Ne me parle pas de Paris. Tout y est hors de prix. Vive mon village, vive mon bourg; c’est là que les haricots et les pommes de terre sont à bon compte. Et le vin, mon vieux, le vin ! six liards le litre; et du fameux! bien meilleur que le petit bleu à douze du marchand du coin.

— Ça se comprend ; il n’y a pas d’octroi chez toi. Voilà une iniquité révoltante que l’octroi ! Quand nous aurons la Sociale, nous l’abolirons; pas vrai, l’Eveillé?

— Et l’impôt des boissons, Baptiste ! l’impôt indirect sur le vin !

— Oui, oui, toutes ces contributions établies sur le nécessaire de l’ouvrier doivent disparaître.

— Fameux ! Baptiste, fameux ! vois-tu, moi, je me dévoue à l’émancipation du vin, parce qu’il est traité par le gouvernement comme les prolétaires par les capitalistes. Le vin est opprimé.

— Mon Dieu ! tu ne parles que du vin. Et la viande, donc, le sel, le sucre, l’huile, le café, le tabac, le savon, le bois, la chandelle; tout, enfin, tout ce qui sert à la consommation de l’ouvrier doit être affranchi des taxes.

— Ainsi, tu te prononces pour la diminution des impôts ? Je gage, si tu étais cultivateur, que tu demanderais aussi la diminution de la contribution foncière.

— Je n’ai pas besoin d’être cultivateur pour demander qu’on allège les charges qui écrasent nos frères des campagnes. Tout le monde doit avoir sa part des réformes. D’ailleurs, quand le paysan sera moins grevé d’impôts et d’hypothèques, il vendra son blé moins cher : toute la population y gagnera.

— Tu n’entends rien à la politique.

— Ma politique à moi, c’est d’avoir du travail et la vie à bon marché.

— Egoïste, va !

— Comment! égoïste. L’Eveillé, tu te moques de moi.

— Point du tout. No sais-tu pas que l’impôt des boissons rapporte au Trésor plus de 100 millions par an, sans compter les octrois; l’impôt du sel, 60 millions; les droits sur les sucres, 50 millions; la régie des tabacs, 120 millions; pour être au monde et avoir des meubles, les Français paient 60 millions ; pour voir clair chez eux et respirer, 35 millions; pour travailler, 47 millions; la propriété foncière produit 280 millions.

— Assez comme ça, l’Eveillé; tu connais les chiffres, et tu en abuses. Tous les impôts que tu viens d’énumérer, doivent être abolis, rasés : il n’y a pas à marchander; autrement la Révolution à perpétuité. Je me mets en insurrection jusqu’à l’arrivée de la Sociale.

Ta Sociale abolira les contributions que je viens de dire ?

— Oui, et bien d’autres encore.

La tienne, jamais elle ne fera cette bêtise.

— L’Eveillé, tu railles. Je ne dis plus rien.

— Je n’ai jamais été plus sérieux. Je te réitère que ta Sociale ne supprimera pas un impôt, au contraire. La mienne, à la bonne heure.

— Il y a donc deux Sociales, à présent?

— Il y en a des mille et des cents, de Sociales !

— Moi, je suis de la bonne.

— Pas vrai ; tu te montes le coup

— La preuve?

— Tu demandes l’abolition des impôts.

— Donc je suis un vrai de la vraie.

— Eh! farceur, comment composeras-tu le budget de ton ministère du travail et du progrès? Avec quoi commanditeras-tu les associations? Tu veux retirer à l’Etat, du premier coup, les deux tiers de ses ressources.

— Ah, diable!… Bast! il lui en restera bien assez… C’est égal, ça devra lui porter un rude coup de bas.

— Tu te grattes l’oreille ; donc tu es enfoncé.

— Du tout! je proteste contre ta conclusion. On rognera les ongles aux gros gagneurs, et on rien verra ceux dont on n’a que faire; on licenciera l’armée : voilà des économies.

— Des économies! il en a diablement besoin, ton Etat. Sais-tu ce qu’il doit?

— Ma foi ! non.

— Eh bien! lui non plus: seulement, il a à payer par an 395 millions et demi d’intérêts à ses créanciers, ut 57 millions de pension à ses serviteurs. ,

— Mille tonnerres! ça fait un beau capital, cette rente-là. Mais tu exagères. Où as-tu pris ces chiffres-là?

— Dans une espèce d’almanach d aristos, rédigé par des malthusiens, et qui s’appelle Annuaire de l’économie politique. Il donne lo chiffre exact: 395,451,860 francs do rentes annuelles; ça représente une dette que les plus modérés évaluent à 8 milliards; et je soupçonne qu’ils ne comptent pas tout.

— On appelle en, dis-tu, des économies politiques?

— Bravo! Baptiste, bravo ! Ce sont en effet les grands politiques qui ont mis les choses en cet état.

— Ah! si ce gâchis était le fait des démocs-socs, comme les réacs hurleraient !

— De 1811 à 1848, il a été payé, d’après le même almanach , 10 milliards 886 millions 8 mille 860 francs d’intérêts aux créanciers du gouvernement (1).

— Mais alors, ils se trouvent plus que remboursés, puisqu’il ne leur est dû que 8 milliards… et les centimes.

— Baptiste, depuis combien dr temps ta mère demeure-t-elle dans la même maison ?

— Il y a 35 ans.

— Quel est son loyer?

— 200 francs.

— Combien estime-t-on le bâtiment?

— Dans ton village on aurait une bicoque pareille pour 100 écus. Mais ici ç’a pu valoir 2,000 francs.

— Eh bien, mon garçon, en 35 ans, ta mère a pavé 6,000 francs de loyer. Est-elle propriétaire?

— Non, ma foi ; elle l’est si peu qu’avant la Révolution, on voulait l’augmenter ou lui donner congé.

— Nous autres travailleurs, nous finançons toujours et nous ne nous acquittons jamais. L’Etat est dans la même position. Malgré qu’il ait payé, en 35 ans, près de 11 milliards d’intérêts, il est toujours débiteur du même capital. Il faut te dire que ces dettes n’ont pas empêché les honnêtes gens de la restauration de dépenser, en outre, 15 milliards 931 millions 408 mille 697 francs d’impôts ; Louis-Philippe, 24 milliards 833 millions 617 mille 814 francs : Ensemble, 40 milliards. 765 millions 26 mille 541 francs.

— Dieu ! que c’est cher un gouvernement !

— Le fait est qu’il faut être riche pour se passer cette fantaisie.

— Mais au moins, c’a rapporté quelque chose?

— Oh ! oui, des choses fabuleuses. D’abord, on a payé, ainsi que je l’ai mentionné déjà, 10 milliards 886 millions de rentes. (Laissons de côté les centaines de mille francs; ce ne sont que centimes en présence de pareils chiffres.) Les rois, princes, princesses, princillons, leurs catins, leurs valets, leurs bêtes et leurs châteaux ont absorbé 948 millions 700 et tant de mille francs.

— Deux chapitres fort peu intéressants pour le Peuple.

— Le Peuple ? voici son affaire : il a fourni des soldats pour une somme de 9 milliards 243 millions 322 mille 575 francs; des marins pour 3 milliards 683 millions 300 mille et des francs. On lui a donné, en préfets, geôliers, mouchards, portraits de Louis XVIII, de Charles X, de Louis-Philippe. services funèbres, fêtes, prisons, sergents-de-ville, etc., une valeur 3 milliards 245 millions 684 mille 670 francs. Les magistrats et les procureurs lui ont rendu des arrêts et prononcé des réquisitoires pour plus de 691 millions. Les gabelous, percepteurs, receveurs, payeurs, rats de cave et autres gens de finances, ont grugé 5 milliards 290 millions. La diplomatie est ce qu’il y a de moins cher : la France n’a payé que 320 millions 829 mille 994 francs sa place au concert européen. Le clergé n’a pas coûté plus de 1 milliard à l’Etat ; mais les prêtres ont en outre leurs petites bonifications, le débit des messes et indulgences. On a eu des non-valeurs, des remboursements à faire de sommes indûment perçues, des encouragements et primes à divers, pour un total de 1 milliard 426 millions et demi.— Comptons un peu sur nos doigts.

De 1814 à 1848

Rentes et pensions, 10.886.008,860 fr.

Dotations de princes, 918,797,742

Guerre, 9,243.322.575

Marine, 3,683.324,559

Régie et finances, 5,290.039,138

Ministère de l’intérieur, 3,245,684.670

Justice, 691,825,706

Affaires étrangères, 320.829,994

Remboursement et primes. 1,426,533,552

Cultes (2). 1,000,000,000

Total. 36,736,367,096

A quoi il faut ajouter :

Frais d’invasion, en 1814 et 1815, et autres gentillesses royales,

1,491,231,887

Total. 38,227,598,983

Voilà, j’espère 38 milliards (sans compter les centimes), qui ont rendu la France florissante.

— Mais tu ne novas point cité de travaux utiles en tout ceci. Et cependant, nous voilà déjà à 38 milliards… sur 40.

— Attends :

La restauration a dépensé. 15,931,408,697 fr.

Louis-Philippe, 24,833,617,814

En tout, 40,765,026,541

Nous connaissons déjà l’emploie de,

38,227,598,983

Il reste, 2.537,127,558

Le pouvoir mange tout ce que lui fournit l’impôt ; en sorte que, pour les travaux publics et l’enseignement, il est forcé de recourir aux emprunts. C’est ce que explique l’énormité de la dette nationale. Et m’est avis que si le Peuple français, au lieu de se donner le luxe d’un gouvernement, eût consacré ses 40 milliards à des travaux d’utilité générale et à l’instruction des enfants, il s’en trouverait infiniment mieux, et de plus, ne devrait rien à personne. Que t’en semble, Baptiste?

— Du moins l’Etat a assuré la tranquillité publique et la sécurité : c’est un vrai service; seulement je le trouve cher, extraordinairement cher.

— L’ordre! mon ami, l’ordre avant tout et à tout prix! Es-tu naïf ! Vois un peu : je ne veux pas te conter de l’histoire ancienne : tu es si entiché de ton filée de gouvernement, que tu ne t’aperçois pas que, de 1811 à 1818. époque de tranquillité par excellence, époque de pouvoirs forts s’il en fût, nous avons eu : deux restaurations royales et une impériale, deux invasions, deux grandes Révolutions, je ne sais combien d’insurrections, et une kyrielle de complots et de conspirations dont le diable ne connaîtrait pas le chiffre. La sécurité est telle, — grâce au gouvernement, — que dans une seule année (1846) les cours d’assises ont jugé 6,685 accusés de crimes contre les personnes et les propriétés ; les tribunaux correctionnels, 207,476 prévenus; les tribunaux de simple police, 236,255 délinquants; les juges de paix ont fait 2,195,575 citations. Ces chiffres-là grossissant tous les ans. D’où tu conclus que la fraternité, la moralité, la sécurité prennent un développement gigantesque sous l’influence bienfaisante, salutaire, civilisatrice de l’autorité. O la bonne histoire que celle du roi des grenouilles.

(1) Le milliard des émigrés a clé payé eu rentes sur l’Etat.

(2) Les dépenses des cultes n’ont été comptées à partƒ\n

La Voix du Peuple, December 10, 1849.

The Government.

I.

WHAT IT COSTS TO BE GOVERNED.

— You see, Eveillé, you can say all you like: I am as republican-socialist as you, and yet I want a government. Imagine all the benefit we would get from the State, if we had at our disposal the resources it has at its disposal. Only the State is capable of devoting millions to sponsoring worker associations and organizing credit. Instead of tearing the machine apart, it makes much more sense to use it.

— Ah! Baptiste, you tell us some great stories. Where did you see that the government was rich?

— Why, in Cabet, Louis Blanc and a host of other less famous people who know what it’s all about. And it only takes a little common sense to understand that. An administration that has at its disposal a billion and a half annually can, without embarrassment, give the workers around fifty million a year to organize labor.

— You don’t understand anything, my boy. You are so stuck that I dare not continue the discussion. Here, come and have a bottle of wine. We will be sheltered from the cold and the wind and we will be able to chat longer.

— I accept, although I don’t like the cabaret. But wood and candles are so expensive that unless you go to bed soon after dark, or shiver in your attic, you are forced to go to public establishments. So the aristos reproach us for being debauched.

— Don’t talk to me about Paris. Everything there is overpriced. Long live my village, long live my town; that’s where beans and potatoes are cheap. And the wine, my friend, the wine! Six farthings per liter, and first-rate! Much better than the petit bleu at twelve from the corner stall.

— It is understandable; there is no excise there. This excise duty is a revolting inequity! When the Social Revolution comes, we will abolish it. Right, Eveillé?

— And the beverage tax, Baptiste! The indirect tax on wine!

— Yes, yes, all these contributions based on the worker’s necessities must disappear.

— First-rate! Baptiste, first-rate! you see, I am dedicated to the emancipation of wine, because it is treated by the government like the proletarians are by the capitalists. Wine is oppressed.

— My God! All you talk about is wine. But meat, then, and salt, sugar, oil, coffee, tobacco, soap, wood, candles… Everything, finally, everything that serves the consumption of the worker must be freed from taxes.

— So, you are in favor of reducing taxes? I bet, if you were a farmer, that you would also ask for a reduction in the land tax.

— I don’t need to be a farmer to ask that we lighten the burdens that are crushing our rural brothers. Everyone must have their share of the reforms. Moreover, when the peasant is less burdened with taxes and mortgages, he will sell his wheat cheaper and the entire population will gain.

— You don’t understand anything about politics.

— My policy is to have work and life at a good price.

— You egoist, go on!

— How am I an egoist! Eveillé, you are making fun of me. 

— Not at all. Don’t you know that the tax on drinks brings in more than 100 million per year to the Treasury, not counting the excise duties; the salt tax, 60 million; the duties on sugars, 50 million; the tobacco authority, 120 million; to be in the world and to have furniture, the French pay 60 million; to see clearly at home and breathe, 35 million; to work, 47 million; property in land produces 280 million.

— Enough of that, Eveillé; you know the numbers, and you abuse them. All the taxes that you have just listed must be abolished, razed: there is no bargaining. Otherwise, the Revolution in perpetuity. I will rise up in insurrection until the Social arrives.

— Will your Social abolish the contributions I just mentioned?

— Yes, and many more.

Yours, it will never do this stupid thing.

— Eveillé, you are joking. I will not say another word.

— I have never been more serious. I reiterate to you that your Social will not eliminate one tax, on the contrary. Mine, at the right time.

— So there are two Socials now?

— There are thousands and hundreds of Socials!

— I’m one of the good ones. 

— Not true; you’re beating yourself up 

— The proof?

— You demand the abolition of taxes.

— So I’m the truest of the true.

— Heh, Joker! How will you make up the budget of your ministry of labor and progress? With what will you sponsor the associations? You want to take away from the State, at once, two thirds of its resources.

— Ah, devil!… Bah! It will have plenty left… All the same, it will have to be a big blow to it.

— You scratch your ear, so you are sunk.

— Not at all! I protest against your conclusion. We will clip the nails of the big winners, and we will ignore those we don’t care about; we will dismiss the army: that’s savings.

— Savings! It needs them devilishly, your State. Do you know what it owes?

— Goodness! No.

— Well! Neither does the State. It only has to pay 395 and a half million per year in interest to its creditors, and 57 million in pensions to its servants. 

— A thousand thunderclaps! That’s a lot of capital, that rent. But you’re exaggerating. Where did you get these numbers?

— In a kind of almanac for aristos, written by Malthusians, which is called the Annuaire de l’économie politique. It gives the exact figure: 395,451,860 francs in annual pensions; this represents a debt that the most moderate estimate at 8 billion; and I suspect they don’t count everything.

— We call these, you say, political economies? 

— Well done! Baptiste, well done! It is indeed the great politicians who have put things in this state.

— Ah! If this mess was the work of the democs-socs, how the reacs would scream!

— From 1814 to 1848, according to the same almanac, 10 billion 886 million 8 thousand 860 francs in interest was paid to government creditors. (1)

— But then, they find themselves more than reimbursed, since they are only owed 8 billion… and the cents.

— Baptiste, how long has your mother lived in the same house?

— 35 years.

— What is her rent?

— 200 francs.

— How much is the building valued at?

— In your village you could have a shack like that for 100 crowns. But here it could have been worth 2,000 francs.

— Well, my boy, in 35 years, your mother has paid 6,000 francs in rent. Is she the owner?

— My word, no! She is so far from being the owner that before the Revolution, they wanted to increase the rent or give her notice.

— We workers always finance and we never pay off. The state is in the same position. Despite having paid, in 35 years, nearly 11 billion in interest, it still owes the same capital. I must tell you that these debts did not prevent the honest people of the restoration from spending, in addition, 15 billion 931 million 408 thousand 697 francs in taxes; Louis-Philippe, 24 billion 833 million 617 thousand 814 francs: Together, 40 billion. 765 million 26 thousand 541 francs. 

— God! How expensive a government is!

— The fact is that you have to be rich to do without this fantasy.

— But at least it brought in something?

— Oh! Yes, fabulous things. First, we paid, as I already mentioned, 10 billion 886 million in rents. (Let’s leave aside the hundreds of thousand francs; they are only cents in the face of such figures.) The kings, princes, princesses, princelings, their whores, their valets, their beasts and their castles absorbed 948 million 700 and so many a thousand francs.

— Two chapters of very little interest to the People. 

— The people? Here is their business: they provided soldiers for a sum of 9 billion 243 million 322 thousand 575 francs; sailors for 3 billion 683 million 300 thousand and francs. They were given, in prefects, jailers, snitches, portraits of Louis XVIII, of Charles X, of Louis-Philippe. funeral services, parties, prisons, town sergeants, etc., a value of 3 billion 245 million 684 thousand 670 francs. Magistrates and prosecutors handed down judgments and made indictments for more than 691 million. The tax collectors, collectors, receivers, payers, cellar rats and other financial people, have eaten away 5 billion 290 million. Diplomacy is the cheapest: France only paid 320 million 829 thousand 994 francs for its place in the European concert. The clergy did not cost the State more than 1 billion; but the priests also have their small bonuses, the flow of masses and indulgences. We had non-values, reimbursements to be made of sums unduly received, encouragements and bonuses to various people, for a total of 1 billion 426 million and a half. — Let’s count a little on our fingers.

From 1814 to 1848

Annuities and pensions,
Endowments of princes,
War,
Navy,
Management and finance,
Ministry of the Interior,
Justice,
Foreign Affairs,
Reimbursement and bonuses,
Cults (2).
10,886,008,860
918,797,742
9,243,322,575
3,683,324,559
 5,290,039,138
 3,245,684,670
 691,825,706
 320,829,994
 1,426,533,552
1,000,000,000
—————-
Total. 36,736,367,096
To which must be added:  
Costs of invasion, in 1814
and 1815, and other royal kindnesses
1,491,231,887
—————
Total. 38,227,598,983

There you have it, I hope, 38 billion (not counting the cents), which has made France flourishing.

— But you have not cited any useful works in all this. And yet, here we are already at 38 billion… out of 40. 

— Hold on :

The restoration has spent,
Louis-Philippe,
15,931,408,697
24,833,617,844
—————-
In total, 40,765,026,541
We already know the use of, 38,227,598,983
—————-
There remains, 2,537,127,558.

The Power eats up everything that taxes provide it; so that, for public works and education, it is forced to resort to loans. This explains the enormity of the national debt. And it is my opinion that if the French people, instead of giving themselves the luxury of a government, had devoted their 40 billion to works of general utility and the education of children, they would be infinitely better off, and what’s more, would not owe anything to anyone. What do you think, Baptiste?

— At least the State has ensured public tranquility and security: it is a real service; only I find it expensive, extraordinarily expensive.

— Order, my friend! Order above all and at all costs! Are you naive! Take a look: I don’t want to tell you old stories. You are so infatuated with your line of government that you don’t realize that, from 1814 to 1848, an era of tranquility par excellence, an era of strong powers if there ever was on, we had two royal restorations and one imperial, two invasions, two great Revolutions, I don’t know how many insurrections, and a host of plots and conspiracies whose number the devil would not know. Security is such — thanks to the government — that in a single year (1846) the assize courts tried 6,685 accused of crimes against people and property; the criminal courts, 207,476 defendants; the simple police courts, 236,255 delinquents; and the justices of the peace made 2,195,575 citations. These numbers grow every year, from which you can conclude that fraternity, morality, security take on a gigantic development under the beneficent, salutary, civilizing influence of authority. Oh, what a good story is that of the king of the frogs.

(1) The billion emigrants have paid their rents to the State.

(2) Religious expenses were not counted separately

II.

PETITES ROUERIES DE GRANDS FINANCIERS.

L’important, c’est de faire avaler la pilule budgétaire aux contribuables, de leur soutirer leurs écus, de les plumer enfin sans trop les fair crier.

Tous le calculs, toutes les combinaisons des financiers politiques reposent sur la probité du Peuple, sur son horreur de la banqueroute. Ils se disent : « Une fois la dépense faite, nous sommes sûrs que la nation paiera. Donc, faisons bonne chère et ripaille. »

Mais il ne faut pas s’exposer à recevoir des étrivières. Il serait imprudent de braver la morale avec trop do cynisme : la conscience publique, indignée, exigerait une réparation. Cependant, comment concilier l’honnêteté et lu pouvoir?

Une mirifique invention est venue conjurer les périls ; on l’appelle l’art de grouper les chiffres.

L’emberlificotement est sa méthode; plus les comptes sont embrouillés, mieux vont les choses. Le contribuable ne doit pouvoir lire de la carte à payer que le total.

Voici quelques échantillons du savoir-faire des habiles.

Il est établi deux orties de dépenses ; 1° services ordinaires ; 2° services extraordinaires. Les travaux publics, la guerre, la marine, l’intérieur, ont deux budgets : le premier défraie l’administration proprement dite, la bureaucratie; le second est affecté aux travaux réels, ponts, routes, canaux, monument, fortifications, construction de Navires, de ports, d’endiguements, etc.

Le service extraordinaire est, on le devine d’avance, la bouteille à l’encre, le sanctuaire des tripotages et des concussions. Maintes fois, sous le règne de Louis-Philippe, des orateurs et des écrivains de l’opposition sont venus révéler, à la tribune et dans la presse, des détournement de fonds scandaleux. Le ministère de la marine s’est fait, entre tous, une célébrité en ce genre. Des indiscrets se sont souvent demandé si le nombre de vaisseaux sortis de nos chantiers représentait bien la valeur des allocations votées à cet effet. Et les ministres se sont assez régulièrement trouvés atteints et convaincus, par ces sortes d’enquêtes, d’avoir distrait des sommes considérables de leur destination légale.

Une pareille action, chez un simple mortel, serait punie des travaux forcés. Dans le monde gouvernemental, ou ne conquiert pas autrement les dignités et les titres.

La première mystification, c’est donc le service extraordinaire. Le Peuple se saigne volontiers de quelques centaines de millions pour avoir des chemins vicinaux, des routes, des monument, des écoles. Il paie avec résignation. Puis on lui fait un compte d’apothicaire, et le tour est joué.

Toutefois, si les ministres faisaient un trop fréquent usage de l’abus de confiance, ils ne pourraient longtemps braver l’opinion. Aussi ont-ils trouvé moyen do légaliser leurs manigances : et la dette flottante est devenue, entre leurs mains, le plus énergique moyen dt duperie qui se puisse inventer.

L’Etat, comme les fils de famille dissipateurs, bal monnaie avec son avenir et mange son blé en herbe. Il souscrit des billets à terme à ses créanciers, des lettres de change à échéances diverses et portant intérêt. Ce sont les bons du trésor. Il en a ordinairement en circulation pour 2 à 300 millions.

L’Etat reçoit en dépôt des fonds de toute nature, dont il sert l’intérêt. Ainsi l’argent des caisses d’épargne, les économies des marins et des soldats, la masse, comme on l’appelle au régiment, les fonds votés par les conseils municipaux pour les dépenses communales, les capitaux disponibles des caisses philanthropiques, de secours mutueIs, de retraite et autres, sont acceptées par le trésor, qui s’engage à rembourser les dépositaires quand ils le demanderont.

Les receveurs-généraux, les payeurs, les comptables, — gens de finance et d agio, — avancent à la caisse publique, — sous bénéfice d’escompte bien entendu, — les sommes dont elle a besoin. On règle plus tard.

Nombre d’industries privilégiées ne peuvent s’exercer qu’a près le dépôt d’un cautionnement : les notaires, les avoués, les huissiers, les agent de change, etc., se trouvent dans cette catégorie. Les receveurs des finances, les entrepreneurs do travaux publics sont également astreints à verser une somme à titre do garantie de leur gestion. Les journaux quotidiens, hebdomadaires, lu-mensuels sont dans le même cas.

Les plaideurs, — malgré la gratuité dr la justice, — doivent, pour vilaines juridictions, consigner, avant le jugement, une somme égale au maximum des frais.

Les bons du trésor, les caisses d’épargne, les ressources des communes, les avances des receveurs et des comptables, les capitaux des caisses du secours, la masse des militaires, les cautionnements, les consignations, — toutes créances dont le paiement peut être demandé à chaque instant, — composent ce qu’on appelle la dette flottante.

L’Etat dépensant toujours plus qu’il n’a de revenus, on conçoit que les placerons sont peu sûrs entre sis mains. Aussi arrive t-il fréquemment que l’énormité de la dette flottante met le trésor dans l’impossibilité de s’acquitter.

Alors, le ministre présente aux chambres un état de sa détresse. Il justifie de son mieux ses dépenses. Que si les membres do l’opposition elèvent la voix pour réclamer, on n un argument irrésistible à leur objecter : les dépenses sont faites, il n’y a que deux moyens d’en finir : ou payer, ou faire banqueroute. Le lendemain, les journaux ministériels ne manquent pas de crier bien liant : les radicaux veulent la banqueroute. La probité du contribuable se révolte à l’idée d’une faillite de l’Etat, et les administrateurs infidèles sont pardonnes.

Que dis-je? tous les amis de la presse et de la tribune célèbrent à l’envie l’intelligence, le courage, la fermeté du ministre qui n’a pas désespéré du pays en face d’un déficit considérable; on le proclame un grand génie, le sauveur de la civilisation et do l’honneur national. — Paie, contribuable; paie toujours; la monnaie de singe et les grands discours ne te feront jamais défaut.

Les financiers politiques, dont l’arc est muni de plus d’une corde, n’ont pas toujours recours au meme expédient pour se libérer. On apercevrait trop clairement le bout de l’oreille, et Martin-Baton fuirait un jour par jouer dru et longtemps, aux applaudissements de tous les tributaires de l’impôt.

Le moyen le plus simple, mais aussi le plus odieux, c’est une augmentation de contributions. On n y a recours qu’à la dernière extrémité.

Eu voici un autre plus habile :

Le gouvernement, toujours en avance de consommation quand il s’agit de ses dépenses personnelles, se montre beaucoup plus avare du budget des travaux utiles. Il reste toujours, sur les entreprises de longue haleine en cours d’exécution (routes, chemins de fer, etc.), quelque crédit disponible. On décide alors que les fonds votes pour ce genre de dépenses profitables, recevront une autre destination, et seront affectés au paiement de la dette flottante.

Le Peuple avait trouvé fort juste l’impôt qui devait doter le pays de grandes voies de communication. Il avait payé sans murmures. Maintenant on prend l’argent qui devait lui rapporter des améliorations pour payer les dettes de ses gouvernants ; et il est forcé encore de ne rien dire ; car si l’on n’agissait ainsi, il faudrait suspendre les paiements, et le Peuple ne veut pas que son gouvernement soit banqueroutier.

Il existe, dans l’administration des finances, une institution, qui réunit, au plus haut degré, les conditions d’une mystification universelle : c’est la caisse d’amortissement. Jamais le génie financier, — les ouvriers diraient l’esprit carottier, — n’a rien imaginé de supérieur.

On peut en juger par l’exposé. La dette publique était, en 1816, de 146,135,198 francs de rentes annuelles. Le gouvernement proposa, à cette époque, la fondation d’un établissement ayant pour but de racheter, d’amortir le capital dont on avait à solder l’intérêt, il créa à cet effet, le 28 avril, la caisse d’amortissement et lui vota, pour la première année. 20 millions; en 1817, la somme fut doublée; on affecta à la même destination 83 millions et demi provenant de la vente de 150,000 hectares de bois. La nouvelle institution devait donc racheter, pour le compte de l’Etat, les rentes perpétuelles dont il était obéré.

Quoi do plus moral que de payer ses dettes? L’idée de l’amortissement dut être accueillie par les honnêtes gens avec enthousiasme. Il était impossible de faire un plus légitime emploi des deniers publics.

Les rentes, comme chacun sait, font l’objet d’un négoce considérable à la bourse. Les rentiers qui ont besoin de capitaux vendent leurs titres aux capitalistes qui ont besoin de placement. Le prix de ces titres varie beaucoup suivant les événements politiques. On dit que la rente est au pair, quand elle se négocie au taux de son émission : Ainsi, un titre de 5 fr. de rentes vaut, au pair, 100 francs; s’il se vend moins, il est au dessous; s’il se vend plus, il est au dessus.

La caisse d’amortissement dut entrer en concurrence avec les particuliers pour l’acquisition des rentes. Seulement la loi de 1825 décida qu’elle ne ferait jamais de rachats au-dessus du pair.

Outre sa dotation annuelle de 40 millions, augmentée en 1830 de 4 millions et demi, la caisse d’amortissement continue de recevoir les annuités des rentes qu’elle a retirées de la circulation. C’est pour elle un supplément progressif de ressources. Plus elle acquiert, plus elle a de moyens d’acquérir. L’Etat ne saurait faire trop de sacrifices pour se libérer. On jugera tout-à-l’heure de la profondeur de cette combinaison.

Jusqu’ici, — à part la grotesque conception de l’Etat se payant des ruiles lui-même, — le mécanisme est assez simple. Les dangers de sa simplicité n’ont pas tardé à se faire sentir. Tout le monde pouvait voir clair dans l’administration. La loi de 1833 y a mis bon ordre.

Il existe diverse catégories de fonds publies : le 5 pour 100, le 4 1/2 pour 100, le 4 pour 100 et le 3 pour 100. Il arrive fréquemment que, pendant qu’une espèce est au-dessus du pair, l’autre est au-dessous. En sorte que l’amortissement sous le régime de la loi de 1825, pouvait toujours fonctionner.

La loi de 1833 décida que chaque espèce de fonds aurait sa dotation particulière, et affecta par année :

Au 5 pour 100, 32,035,779 fr.

Au 4 1/2 pour 100, 246.254

Au 4 pour cent, 821,439

Au 3 pour 100, 11,512,991

En tout, 44,616,463 fr.

Le rachat continua d’être interdit au-dessus du pair ; et les allocations d’une espèce de fonds ne purent être employées à l’amortissement d’un autre. Or, de 1834 à 1848, le 5 pour 100, le mieux doté de tous, ayant toujours été au-dessus du pair, n’a rien pu amortir.

La loi veut que les fonds d’amortissement, sans emploi par suite de la hausse des rentes, soient mis en réserve et payés en bons du trésor portant intérêt à 3 pour 100, et remboursables dans le cas où lesdites rentes redescendraient au pair ou au-dessous.

Lorsque les bons se sont accumulés à la caisse d’amortissement, l’Etat les reprend et délivre, en échangé, des rentes perpétuelles à raison de tant pour 100 du capital représenté par ces bons. Ainsi, aujourd’hui, la caisse d’amortissement, — caisse du gouvernement, — reçoit par an, — du gouvernement, — 62.066,885 francs, de rentes. — On appelle cette opération consolidation de la réserve.

Les résultats de ce beau gâchis administratif se devinent : la dette publique, qui était; en 1816, de 146 millions de rentes annuelles, s’élève aujourd’hui à 395 millions et demi : elle s’est accrue de près des deux tiers. Et cependant la caisse d’amortissement a reçu, dans le même temps, 2 milliards 654 millions 343 mille 772 francs.

Nous n’avons vu encore que le gros de la chose: il faut en exprimer la quintessence.

Si le gouvernement était Robert-Macaire, la caisse d’amortissement serait Bertrand.

« L’amortissement, dit le ministre, est d’utilité publique, de moralité sociale. Le povoir, qui doit aux citoyens l’exemple de toutes les vertus, l’a fondé pour quitter ses dettes. — (Bravo ! très-bien!)

« Jamais les contribuables ne se plaindront de payer de gros budgets quand ils en verront faire un pareil emploi. Nous proposons de consacrer annuellement 40 millions au rachat des titres de créance sur lo gouvernement. — (Assentiment.)

« 40 millions, ce n’est pas assez. Pourtant l’homme politique ne doit pas pousser le rigoriste jusqu’à épuiser lu présent pour liquider le passé. La dotation restera fixée à 40 millions ; mais les rentes rachetées continueront d’être comptées au passif du budget. — On no les annulera pas.— Le produit servira à accroître les ressources de l’amortissement et à hâter l’extinction de la dette publique. Les charges no seront pas plus lourdes; seulement elles ne seront pas diminuées. La génération actuelle, nous en sommes convaincus, acceptera avec abnégation le sacrifice que nous lui demandons. Elle sera fière de léguer à ses descendants une situation calme, florissante; tous les éléments de la prospérité publique et du bonheur fies citoyens.»—(Applaudissements prolongés au centre.)

— Un orateur du centre gauche demande la parole :

« Messieurs, je suis complètement d’accord avec l’honorable préopinant sur la nécessité d’amortir la dette. J’applaudis du fond de mon cœur à ses excellentes intentions. (Approbation.)

“ Mais… mais, que vient-on nous parlé d’eteindre les dettes anciennes, quand chaque jour en voit éclore de nouvelles ? Acquittons le courant d’abord ; nous solderons l’arriéré après. (Assentiment.) Je vote contre la dotation de l’amortissement. » (Murmures.)

— Un député ministériel monte à la tribune :

« Messieurs, nous avons tous applaudi aux observations pleines do sens do notre honorable collègue. Seulement, des murmures ont accueilli ses dernières paroles. Il n’y a entre lui et nous qu’un malentendu que j’ose me flatter de détruire. (Attention.)

« Tous, nous voulons que l’amortissement ne soit pas un leurre; tous, nous voulons que l’Etat commence par liquider le présent. Sans cela, que serait l’amortissement? Une duperie, indigne d’une grande nation, indigne d’un grand pouvoir, flétrissant pour ceux qui l’auraient conçue. Je le dis sans hésiter ; car je ne crains pas qu’on soupçonne d’une semblable supercherie les nommes éminents qui se trouvent, — pour le salut de la France, — à la tête des affaires publiques (Bravos prolongés.)

« Mais il y à ici deux questions à concilier. Nous ne devons pas, nous ne pouvons pas supprimer la dotation de l’amortissement. Ce serait une honte pour nous. (Bravo! bravo !) J’ose presque dire : ce serait un commencement de banqueroute. (Sensation prolongée.)

« Pour l’honneur du principe, nous conservons l’amortissement. — (Voix à gauche : Sauvons la caisse !)

« Seulement décidons que, pour cette année, vu la gravité des circonstances, les sommes destinées à l’extinction du la dette consolidée seront mises à la disposition du ministre des finances pour solder les découverts de la dette flottante. »

La proposition est adoptée à l’unanimité.

Réflexions de Turlupin.

« Vous venez me demander, détestables hâbleurs, mes gros sous pour régler vos vieux comptes. Vous faites à votre caisse d’amortissement une situation particulière. Vous lui donnez 44 millions par au, et lui payez, eu outre, 62 millions de rentes, et vous me dites : cette part est sacrée; elle n’aura pas d’autre emploi que d’acquitter les dettes du passé.

« Puis vous gaspillez votre budget à vous, et, quand vous êtes à sec, vous allez à votre compère d’amortissement, et vous lui dites : Je t’ai donné des fonds pour payer l’ancien ; mais le courant est plus pressé ; rends-moi tes dotations et tes rentes. Louis-Philippe a ainsi trouvé, dans les réserves de l’amortissement, 1 milliard 16 millions 693 mille 856 fr. qu’il a bel et bien dépensés, sans rien amortir, — légalement s’entend, — et après double vote de la chambre des pairs et de celle des députés. Cependant, le déficit est encore aujourd’hui de plus de 500 millions.

« Pauvre vache à lait de contribuable ! tu paies pour les travaux publics; tu paies pour éteindre les dettes des monarchies. Mais quand on tient tes écus, on t’envoie, paître, en se moquant de toi. On a fait appel à tes intérêts, à ta probité : c’était pour te faire tomber dans la panneau. Va, maintenant, demander des comptes à tes hommes d’Etat. »

Si, du moins, avec toutes ces floueries administratives, l’Etat pouvait, chaque année, joindre les deux bouts ensemble!

Mais non : comme les dissipateurs, il commence par tirer des carottes ; il a recours ensuite aux emprunts; en dernier lieu, il arrive à la banqueroute.

On sait comment se négocie l’emprunt. Des capitalistes souscrivent le versement complet, bien qu’ils-n’aient pas le premier sou. Le ministre, près l’adjudication, remet aux entrepreneurs fies titres fie rentes pour uno somme proportionnelle au capital emprunté. Les banquiers vendent ensuite aux Gogos de la bourse ces titres avec primes; et, sans rien débourser, ils réalisent, en quelques heures, des millions fie bénéfice.

Le ministre s’est procuré de l’argent qu’il n’aura jamais à rendre, puisqu’il est placé en rentes perpétuelles. Les adjudicataires ont fait un bon coup. Les Gogos vont verser l’emprunt. Tout le monde est content. La banqueroute est ajournée; et emprunteurs et prêteurs s’embrassent en criant bien haut : Nous avons sauvé la patrie! Seulement il y aura quelques millions à ajouter au prochain budget.

Quelquefois encore, l’homme d’Etat se dit: « Au lieu d’emprunter pour payer mes dettes, je vais faire dus rentes à mes créanciers. » Il décrète alors que les bons du trésor, les livrets de caisses d’épargne et autres menues créances, ne seront pas remboursés : seulement on donnera aux porteurs des titres de rentes perpétuelles. C’est le mode d’emprunt lo plus facile : car il est forcé et obligatoire. Cette opération s’appelle consolider la dette flottante.

Tous les capitaux dont on paie éternellement la route, et qui ne doivent pas être remboursés, dorment la dette consolidée.

L’emprunt forcé, connu sous le nom de consolidation, est une espèce de faillite. Il est bien entendu dès lors qu’elle n’atteint que le fretin. Les receveurs, les comptables, les propriétaires de cautionnements et autres gens bien pensants ne perdent jamais rien.

Quand on songe à tout ce qu’il faut d’habileté, de savoir-faire, d’adresse, de prestidigitation, do génie, pour faire un bon ministre des finances, on se demande, en vérité, comment le gouvernement a pu être si ingrat que do réduire à 48,000 francs les emoluments de la place.

December 17, 1849.

II.

SMALL ACTS OF CUNNING OF BIG FINANCIERS.

The important thing is to make taxpayers swallow the budgetary pill, to extract their money from them, to finally fleece them without making them scream too much.

All the calculations, all the combinations of the political financiers are based on the probity of the People, on their horror of bankruptcy. They say to themselves: “Once the expense has been made, we are sure that the nation will pay. So let’s have good food and merrymaking.”

But you should not expose yourself to the lash. It would be imprudent to defy morality with too much cynicism: the public conscience, indignant, would demand reparation. But how can honesty and the power be reconciled?

A wonderful invention has come to ward off the dangers; it is called the art of grouping numbers.

Entanglement is its method; the more confused the accounts, the better things are. The taxpayer must only be able to read the total from the payment card.

Here are some samples of the know-how of those skilled in this art.

Two categories of expenditure are established; 1° ordinary services; 2° extraordinary services. Public works, war, the navy, the interior, have two budgets: the first pays for the administration itself, the bureaucracy; the second is assigned to real works, bridges, roads, canals, monuments, fortifications, construction of ships, ports, embankments, etc.

The extraordinary service is, as we can guess in advance, the ink bottle, the sanctuary of fiddling and extortion. Many times, during the reign of Louis-Philippe, opposition speakers and writers came to reveal, from the podium and in the press, scandalous embezzlement. The Ministry of the Navy has made itself, above all, a celebrity of this kind. Indiscreet people have often wondered if the number of vessels leaving our shipyards really represented the value of the allocations voted for this purpose. And ministers have quite regularly found themselves attacked and convicted, through these sorts of investigations, of having diverted considerable sums from their legal destination.

Such an action, in a mere mortal, would be punished with forced labor. In the governmental world, one does not conquer dignities and titles in any other way.

The first mystification is therefore the extraordinary service. The People willingly bleed a few hundred million to have local streets, roads, monuments, schools. They pay with resignation. Then we give them an apothecary account, and that’s that.

However, if ministers made too frequent use of the breach of trust, they would not be able to defy public opinion for long. So they found a way to legalize their shenanigans: and the floating debt became, in their hands, the most energetic means of deception that could be invented.

The State, like the spendthrift sons of a family, trades with its future and eats its wheat in the bud. It subscribes to term notes from its creditors, bills of exchange with various maturities and bearing interest. These are treasury bonds. There are usually 2 to 300 million in circulation.

The State receives funds of all kinds on deposit, the interest of which it pays. Thus the money from savings banks, the savings of sailors and soldiers, the masse, as it is called in the regiment, the funds voted by municipal councils for municipal expenses, the capital available from philanthropic and mutual relief funds, retirement and others, are accepted by the treasury, which undertakes to reimburse the depositors when they request it.

The receivers general, the payers, the accountants, — people of finance and agio, — advance to the public fund, — under the benefit of a discount of course, — the sums it needs. We’ll pay later.

Many privileged industries can only be carried out after the posting of a bond: notaries, solicitors, bailiffs, stockbrokers, etc., are in this category. Finance receivers and public works contractors are also required to pay a sum as a guarantee of their management. Daily, weekly and monthly newspapers are in the same situation.

The litigants, — despite the gratuity of justice, — must, for bad jurisdiction, deposit, before the judgment, a sum equal to the maximum costs.

Treasury bonds, savings banks, municipal resources, advances from receivers and accountants, capital from relief funds, military assets, sureties, deposits, — all debts whose payment can be requested at every moment, —compose what is called the floating debt.

The State always spending more than it has in revenues, we can see that the funds are hardly safe in its hands. So it frequently happens that the enormity of the floating debt makes it impossible for the treasury to meet its debt.

Then, the minister presents to the chambers a statement of his distress. He justifies his expenses as best he can. Then if the members of the opposition raise their voices to object, there is an irresistible argument to respond to them: the expenses have been incurred, there are only two ways to finish: either pay, or go bankrupt. The next day, the ministerial newspapers did not fail to shout loudly: the radicals want bankruptcy. The integrity of the taxpayer revolts at the idea of a bankruptcy of the State, and the unfaithful administrators are forgiven.

What did I say? All the friends of the press and the platform celebrate the intelligence, the courage, the firmness of the minister who did not despair of the country in the face of a considerable deficit; he is proclaimed a great genius, the savior of civilization and national honor. — Pay, taxpayer; always pays; funny money and big speeches will never fail you.

Political financiers, whose bows are equipped with more than one string, do not always resort to the same expedient to free themselves. We would see the tip of the ear too clearly, and Martin-Baton would one day escape by playing hard and long, to the applause of all the tax payers.

The simplest, but also the most odious means is to increase contributions. It is only used at the last extreme.

Here is another more clever one:

The government, always ahead of consumption when it comes to its personal expenses, is much more miserly with the budget for useful works. There is always some credit available for ongoing long-term projects (roads, railways, etc.). It is then decided that the funds voted for this type of profitable expenditure will receive another destination, and will be allocated to the payment of the floating debt.

The People found the tax that was to provide the country with major lines of communication very fair. They had paid without murmuring. Now we take the money that was to bring them improvements to pay the debts of their rulers; and they are still forced to say nothing, because if we did not act in this way, it would be necessary to suspend payments, and the People do not want their government to be bankrupt.

There exists, in the administration of finances, an institution that brings together, to the highest degree, the conditions for universal mystification: it is the sinking fund. Financial genius — the workers would say the drilling mind — has never imagined anything superior.

We can judge this from the presentation. The public debt was, in 1816, 146,135,198 francs in annual income. The government proposed at this time the founding of an establishment with the aim of repurchasing and amortizing the capital on which the interest had to be paid, created for this purpose, on April 28, the sinking fund and voted for it, for the first year, 20 millions; in 1817, the sum was doubled; 83 and a half million from the sale of 150,000 hectares of woods were allocated to the same destination. The new institution therefore had to buy back, on behalf of the State, the perpetual annuities with which it was burdened.

What is more moral than paying your debts? The idea of amortization must have been received by honest people with enthusiasm. It was impossible to make a more legitimate use of public funds.

Annuities, as everyone knows, are the subject of considerable trading on the stock exchange. Rentiers who need capital sell their securities to capitalists who need investment. The price of these securities varies greatly depending on political events. We say that the annuity is at par, when it is negotiated at the rate of its issue. Thus, a security of 5 fr. of annuities is worth, at par, 100 francs; if it sells for less, it is below; if it sells for more, it is above.

The sinking fund had to compete with individuals for the acquisition of annuities. Only the law of 1825 decided that it would never make redemptions above par.

In addition to its annual endowment of 40 million, increased in 1830 by 4 and a half million, the sinking fund continues to receive annuities from the rents that it has withdrawn from circulation. For it, it is a progressive supplement of resources. The more it acquires, the more means it has to acquire. The State cannot make too many sacrifices to free itself. We will judge later the depth of this combination.

So far, — apart from the grotesque conception of the State paying to ruin itself, — the mechanism is quite simple. The dangers of its simplicity soon became apparent. Everyone could see clearly in the administration. The law of 1833 put things in order.

There are various categories of published funds: 5 per 100, 4 1/2 per 100, 4 per 100 and 3 per 100. It frequently happens that, while one sort is above par, the other is below. So that depreciation under the law of 1825 could still work.

The law of 1833 decided that each type of fund would have its particular allocation, and allocated per year:

At 5 percent,
At 4 1/2 percent,
At 4 percent,
At 3 percent,
32,035,779
246,254
821,439
11,512,991
 fr.
In all, 44,616,463  fr.

Redemption continued to be prohibited above par; and the allocations of one species of fund could not be employed in the amortization of another. However, from 1834 to 1848, the 5 per cent, the best endowed of all, having always been above par, was unable to amortize anything.

The law requires that the sinking funds, unused following the increase in annuities, be put in reserve and paid in treasury bonds bearing interest at 3 percent, and reimbursable in the event that the said annuities fall back to par or below.

When the bonds are accumulated in the sinking fund, the State takes them back and issues, in exchange, perpetual annuities at the rate of so much per 100 of the capital represented by these bonds. Thus, today, the sinking fund — government fund — receives per year — from the government — 62,066,885 francs, in annuities. — This operation is called consolidation of the reserve.

The results of this fine administrative mess can be guessed: the public debt, which was; in 1816, from 146 million annual income, today amounts to 395 and a half million: it has increased by almost two thirds. And yet the sinking fund received, at the same time, 2 billion 654 million 343 thousand 772 francs.

We have yet only seen the bulk of the thing: we must express its quintessence.

If the government were Robert-Macaire, the sinking fund would be Bertrand.

“Amortization,” said the minister, “is of public utility, of social morality. Power, which owes to citizens the example of all virtues, founded it to leave its debts. — (Bravo! very good!)

“Taxpayers will never complain about paying big budgets when they see them doing such a job. We propose to devote 40 million annually to the repurchasing of government debt securities. — (Assent.)

“40 million is not enough. However, the politician must not push the rigorist to the point of exhausting the present in order to liquidate the past. The endowment will remain fixed at 40 million; but the annuities purchased will continue to be counted as liabilities of the budget. — We will not cancel them. — The proceeds will be used to increase the amortization resources and to hasten the extinction of the public debt. The loads will not be heavier; only they will not be diminished. The current generation, we are convinced, will selflessly accept the sacrifice we ask of it. She will be proud to bequeath to her descendants a calm, flourishing situation; all the elements of public prosperity and citizen happiness.” — (Prolonged applause in the center.)

— A speaker from the center left asks to speak:

“Gentlemen, I completely agree with the honorable speaker on the need to amortize the debt. I applaud his excellent intentions from the bottom of my heart. (Approval.)

“But… but, what have we been told about paying off old debts, when every day new ones emerge? Let’s discharge the current debt first; we will clear the backlog afterwards. (Assent.) I vote against the depreciation allocation.” (Murmurs.)

— A ministerial deputy takes the podium:

“Gentlemen, we all applauded the meaningful observations of our honorable colleague. Only, murmurs greeted his last words. There is only a misunderstanding between him and us that I dare to destroy. (Attention.)

“We all want amortization not to be an illusion; We all want the State to start by liquidating the present. Without this, what would depreciation be? A deception, unworthy of a great nation, unworthy of a great power, discrediting for those who would have conceived it. I say it without hesitation; because I do not fear that anyone will suspect of similar deception the eminent names who find themselves, — for the salvation of France, — at the head of public affairs (Bravos extended.)

But there are two questions here to reconcile. We must not, we cannot, remove the depreciation allowance. It would be a shame for us. (Bravo! bravo!) I almost dare to say: it would be the beginning of bankruptcy. (Prolonged sensation.)

“For the honor of the principle, we keep the amortization. — (Voice on the left: Let’s save the fund!)

“Let us only decide that, for this year, given the seriousness of the circumstances, the sums intended for the extinction of the consolidated debt will be made available to the Minister of Finance to settle the overdrafts of the floating debt.”

The proposal was adopted unanimously.

Reflections of Turlupin.

“You come to ask me, detestable boasters, for my big money to settle your old scores. You make your sinking fund a special situation. You give it 44 million per year, and pay it, in addition, 62 million in rent, and you tell me: this share is sacred; it will have no other job than to pay off the debts of the past.

“Then you waste your own budget, and, when you are dry, you go to your amortization friend, and you say to him: I gave you funds to pay off the old debt; but the current is more urgent; give me back your endowments and your annuities. Louis-Philippe thus found, in the depreciation reserves, 1 billion 16 million 693 thousand 856 fr. which he has indeed spent, without writing off anything, — legally of course, — after a double vote of the Chamber of Peers and that of Deputies. However, the deficit is still more than 500 million today.

“Poor taxpayer, cash cow! You pay for public works; you pay to extinguish the debts of monarchies. But when we hold your crowns, we send you to pasture, making fun of you. We appealed to your interests, to your probity: it was to make you fall into the trap. Now go and hold your statesmen accountable.”

If, at least, with all these administrative frauds, the State could, every year, make ends meet!

But no: like the dissipators, it starts by pulling carrots; it then resorts to loans; ultimately, it becomes bankrupt.

We know how the loan is negotiated. Capitalists subscribe for the full payment, even though they do not have the first penny. The Minister, after the auction, gives the entrepreneurs their securities for a sum proportional to the borrowed capital. The bankers then sell these securities to the suckers of the stock market at premiums; and, without paying anything, they realize, in a few hours, millions of profits.

The minister has obtained money that he will never have to return, since it is placed in perpetual annuities. The successful bidders made a good move. The suckers will pay the loan. Everybody is happy. Bankruptcy is postponed; and borrowers and lenders embrace each other, shouting loudly: We have saved the homeland! Only there will be a few million to add to the next budget.

Sometimes again, the statesman says to himself: “Instead of borrowing to pay my debts, I am going to make payments to my creditors.” He then decrees that treasury bonds, savings bank books and other small debts will not be reimbursed: only perpetual annuity securities will be given to the holders. This is the easiest method of borrowing: because it is forced and obligatory. This operation is called consolidating the floating debt.

All the capital for which we pay eternally, and which must not be repaid, sleeps in the consolidated debt.

Forced borrowing, known as consolidation, is a type of bankruptcy. It is therefore clearly understood that it only affects the fry. Receivers, accountants, bond owners and other right-thinking people never lose anything.

When we think of all the skill, know-how, address, sleight of hand, and genius it takes to make a good minister of finance, we wonder, in truth, how the government could have been so ungrateful that it reduced the emoluments of the place to 48,000 francs.

III.

L’ÉTAT-MAlTRE ET L’ÉTAT SERVITEUR.

— Tout cela prouve une chose : c’est que l’administration des finances est organisée pour l’exploitation du contribuable, et non pour son bien-être. Mais il n’est pas démontré que le principe de l’Etat soit mauvais : il s’agit de le réformer; nous sommes d’accord sur la mauvaise institution du passé. A l’avenir, l’Etat doit être serviteur, et non plus maître.

— En un mot, le Peuple prend des commis, leur trace leur besogne, les renvoie s’ils font mal, et se conduit, à leur égard comme un patron envers ses ouvriers.

— Parfaitement !

— S’il en pouvait être ainsi, sais-tu que ce serait un fameux croc en jambe à l’Egalité et à la Fraternité. Voici ton raisonnement : nous avons présentement le malheur d’être à la merci du gouvernement-maître; nous changerons tout cela, et désormais cet orgueilleux gouvernement, nous lo traiterons en valet. Il y a plus d’envie grue «le bon sens dans cette maniéré d’argumenter.

— Le Peuple est souverain et il paie : donc il a droit d’ordonner. Je ne connais que çà.

— Fort bien! alors tu démolis l’autorité.

— Oh! non. Le Peuple exerce l’autorité par ses mandataires, ses délégués sortis du suffrage universel.

— Tu m’as l’air de battre la campagne.

— C’est toi qui radotes. Lis Louis Blanc, tu verras, je ne fais qu’exposer sa théorie.

— Le Peuple, dis-tu, délègue l’exercice de l’autorité à ses représentons : si ceux-ci ne marchent pas bien, il en choisit d’autres. L’exercice de l’autorité se trouve, par conséquent, éternellement aliéné aux mains des mandataires. Les mutations et les destitutions ne changent rien à la chose : que l’Etat soit composé de Pierre ou de Paul, il importa. Il y a toujours un Etat dépositaire du pouvoir.

— Sans doute, mais l’Etat ne fait qu’exécuter les volontés de la nation.

— Et comment la nation fait-elle savoir à ses commis ce qu’elle veut ?

— Par les votes de l’Assemblée nationale.

— Profond galimatias! Le Peuple ne parle que par la bouche de ses représentons, qui lui font dire tout ce qu’ils veulent; il n’ait que par le bras de ses commis ; et cependant il est souverain, il est le maître: le maître de quoi? de renvoyer les serviteurs dont il est mécontent, à charge d’en renommer d’autres tout de suite. L’Etat une fois constitué, le Peuple souverain n’a plus qu’à obéir. Et comme l’Etat est perpétuel dans la société : composé aujourd’hui de Guillaume, de Frédéric, de Jacques, demain de Louis, d’Eugène, de Célestin: il en résulte que l’Etat, quoique serviteur, commande toujours, et que la nation toute puissante est vouée éternellement à l’obéissance passive. C’est l’histoire des domestiques-maitresses et des vieux débauchés. La bonne domine dans la mai on. dépense, gaspille et fait danser l’anse du panier; le bourgeois grogne, so plaint, menace quelquefois, mais paie toujours et passe par tous les caprices de son despote, — pour avoir la paix. La dénomination ne change rien à la chose ; et l’Etat serviteur lest qu’une grossière ineptie, ou un masque d’hypocrisie et d’ambition.

— Maître ou serviteur, je n’y tiens pas : mais il faut un gouvernement, un pouvoir pour faire le bien.

— Une dictature pour le bon motif ! Ceux qui disent : il est nécessaire que le Peuple soit gouverné, ont été amenés à cette conclusion par une suite d’arguments qu’il est bon de rétablir. Le Peuple est incapable de savoir ce qu’il lui faut ; négligence ou bêtise, il n’entend rien à ses propres affaires : donc il a besoin de tuteurs. Sous la monarchie, il n’en a qu’un, et il lui est nommé d’office; sous la République doctrinaire, le tuteur est remplacé par un conseil de tutelle, et le mineur a le droit d’en choisir les membres. — Si la nation n’entend rien à ses affaires, elle peut, comme les enfants gâtés, avoir des caprices préjudiciables à ses intérêts; par conséquent, il est du devoir d’un gouvernement tutélaire de résister aux entraînements de la foule, de s’opposer aux exigences de la multitude, de rester ferme dans sa ligne de conduite, et, au besoin, de traiter comme des gamins mutinés les administrés assez ingrats, assez aveugles pour suspecter sa gestion et se délier de ses lumières. Cette doctrine a été érigée en principe par Louis Blanc dans plusieurs circonstances, notamment dans son discours aux délégués du Peuple, le 17 mars 1848, à l’Hôtel de Ville, et dans son numéro de décembre du Nouveau Monde.

— Puisque, après tout, le pouvoir doit s’exercer dans l’intérêt du Peuple; la théorie de Louis Blanc me semble très rationnelle.

— C’était celle de Charles X suspendant, dans l’intérêt de l’ordre, la liberté do la presse : — celle de Louis-Philippe refusant la réforme pour sauver la civilisation; — celle de Cavaignac, assurant qu’il fallait une hécatombe de 12.000 transportés [tour affermir la République ; — celle de Bonaparte et de M. Fould, rétablissant l’impôt des boissons malgré 700.000 pétitionnaires.— C’est le même dogme que l’infaillibilité du pape.

— Tu me parles toujours des vieux gouvernements : j’en connais aussi bien que toi les abus.

— Le vice d’une institution vient de son principe et non de son personnel. Le gouvernement provisoire a fait des mutations de préfets, do magistrats, de généraux; il n’a rien changé à l’administration intérieure, à la magistrature ; il a conservé l’armée. Do là sont venus tous nos mécomptes.

— Il est donc impossible de trouver des honnêtes gens?

— Plutôt que «le courir le risque de mettre la main sur des fripons, je trouve plus sage de ne point exposer la vertu même aux séductions. Placer des hommes dans une position supérieure, laisser à leur discrétion la vie, la liberté, la fortune des citoyens, c’est lâcher la bride à toutes les passions mauvaises. Quelles sont las garanties des gouvernés contre l’Etat? Le gouvernement, dépositaire de l’autorité, fait la police, commande la force armée, rend la justice, — pour le compte du Peuple. La force publique, la police, la magistrature, doivent conséquemment être des instruments dociles aux mains du pouvoir. Et s’il plaît à la caste gouvernementale d’exploiter la société au lieu de la défendre?…

— Alors le pouvoir est déchu.

— C’est ce que disent les Montagnards depuis le 13 juin. Le gouvernement actuel, complètement en communion d’idées avec Louis Blanc, a répondu aux accusations do ses ennemis, et à la manifestation de la gante nationale : « Il se trouve des gens qui viennent nous proposer de reculer dans l’histoire jusqu’à la tyrannie du premier venu, de nous rendre libres à la manière des sauvages, de nous rendre souverains à la façon des habitas de la Terre-de-Feu ou de Van-Diémen. — La souveraineté du Peuple ne saurait consister dans le droit reconnu à plusieurs millions d’hommes de s’entre-égorger jusqu’à ce que les plus forts règnent sur des cadavres ou sur des esclaves. — La souveraineté du Peuple est le pouvoir exercé au nom du Peuple, sous son regard, sous sa dépendance, dans son intérêt, par ceux QU’IL A CHOISIS pour l’exercer. — Nous redoutons peu la multitude, et quant à devenir son instrument, ce n’est pas une honte, c’est un honneur, quand on est résolu à n’abrier devant elle ni sa dignité, ni sa conscience, ni sa raison. Or, devions-nous encourager une exigence injuste, ou seulement trop hâtive? Devions-nous sacrifier le devoir de servir le Peuple au désir de lui plaire ? »

— C’est du Constitutionnel tout pur.

— Non pas : c’est du Nouveau Monde. Quand on publie ceci : Le pouvoir a le droit de résister aux masses. s’il lui semble que les masses se trompent; il faut bien en finir par les charges de cavalerie et la mitraille.

— Je ne puis accepter une si terrible conclusion. Il doit y avoir moyen d’organiser l’Etat de manière à éviter tout contrit. Par exemple ; « La durée du mandat doit être aussi courte que possible ; les représentants sont révocables, responsables. »

— Quo signifient ces paroles : aussi courte que possible ? Le gouvernement provisoire, la commission exécutive, Cavaignac, ont eu un mandat de fort peu de durée ; ils étaient révocables, et ils ont été révoqués. La responsabilité, qu’est-ce que cela pour des gouvernants? Le gouvernement provisoire est responsable des 45 centimes et de la ligue contre-révolutionnaire ; la commission exécutive lest responsable de Juin 1848 ; Cavaignac, des transportions; la Constituante, de la présidence de Louis Buonaparte; M. Marie, des ateliers nationaux; M. Ledru-Rollin, du 16 avril. Et après ?

— Il faut mettre les pouvoirs infidèles en accusation.

— Et s’ils ne veulent pas se laisser faire; s’ils répondent : Nous préférons le devoir de servir le Peuple au désir de lui plaire ; si leur raison leur dit de résister, comment poursuivre ? Leur raison, tu l’entends : si leur raison s’égare, tant pis; c’est lo Peuple qui paiera les pots cassés. Quand lo gouvernement sort victorieux de la lutte, il a le droit de dire.et il n’y manque pas : « Le Peuple a un instinct merveilleux pour savoir qui l’aime ; jusque sous les paroles qui lui déplaisent, il est capable de deviner les palpitations de tout cœur qui est à lui, et il applaudit quand on lui résisté pour lui rire utile. » C’est encore du Constitutionnel, peut-être? Non, c’est du Louis Blanc. Le despotisme tient partout le même langage.

December 24, 1849.

III.

THE MASTER STATE AND THE SERVANT STATE.

— All this proves one thing: that the financial administration is organized for the exploitation of the taxpayer, and not for his well-being. But it has not been demonstrated that the principle of the State is bad: it is a question of reforming it; we agree on the bad institution of the past. In the future, the State must be a servant, and no longer a master.

— In a word, the People appoint clerks, track their work, fire them if they do poorly, and behave towards them like a boss towards his workers.

— Absolutely!

— If it could be like this, do you know that it would be a famous trip to Equality and Fraternity. Here is your reasoning: we currently have the misfortune of being at the mercy of the master government; we will change all that, and from now on we will treat this proud government as a valet. There is more desire for common sense in this way of arguing.

— The People are sovereign and they pay: therefore they have the right to order. I only know that. 

— Very good! Then you demolish authority. 

— Oh! No. The People exercise authority through their representatives, their delegates issued by universal suffrage.

— You look like you’re out in the countryside.

— It’s you who’s rambling. Read Louis Blanc, you will see, I am only explaining his theory.

— The People, you say, delegate the exercise of authority to their representatives: if they do not work well, they choose others. The exercise of authority is, therefore, eternally alienated in the hands of the agents. Transfers and dismissals do not change anything: whether the State is composed of Peter or Paul, it matters little. There is always a State depositary of power.

— No doubt, but the State only carries out the wishes of the nation.

— And how does the nation let its clerks know what it wants?

— By the votes of the National Assembly.

— Profound nonsense! The People only speak through the mouths of their representatives, who make them say whatever they want; they only have the arm of their clerks; and yet they are sovereign, they are the master: the master of what? Master enough to dismiss the servants with whom they are dissatisfied, on condition of reappointing others immediately. The State once constituted, the sovereign People only have to obey. And as the State is perpetual in society: composed today of Guillaume, of Frédéric, of Jacques, tomorrow of Louis, of Eugène, of Célestin: it follows that the State, although a servant, always commands, and that the all-powerful nation is eternally doomed to passive obedience. It’s the story of servant-mistresses and debauched old men. The maid dominates the house, spends, wastes and makes the handle of the basket dance; the bourgeois grumbles, complains, sometimes threatens, but always pays and goes through along with the whims of his despot — in order to have peace. The name changes nothing; and the servant State is nothing more than gross ineptitude, or a mask of hypocrisy and ambition.

— Master or servant, I don’t care: but you need a government, a power to do good.

— A dictatorship for the right reason! Those who say: it is necessary for the People to be governed, have been led to this conclusion by a series of arguments that it is good to re-establish. The People are incapable of knowing what they need; through negligence or stupidity, they understand nothing about their own affairs: therefore they need guardians. Under the monarchy, there is only one, and he is automatically appointed; under the Doctrinaire Republic, the guardian is replaced by a guardianship council, and the minor has the right to choose its members. — If the nation understands nothing about its affairs, it can, like spoiled children, have whims detrimental to its interests; therefore, it is the duty of a tutelary government to resist the enticements of the crowd, to oppose the demands of the multitude, to remain firm in its line of conduct, and, if necessary, to treat like mutinous brats those among the administered who are ungrateful enough, blind enough to suspect its management and free themselves from its enlightenment. This doctrine was established in principle by Louis Blanc in several circumstances, notably in his speech to the People’s delegates, on March 17, 1848, at the Hôtel de Ville, and in his December issue of Le Nouveau Monde.

— Since, after all, power must be exercised in the interest of the People; Louis Blanc’s theory seems very rational to me.

— It was that of Charles X suspending, in the interest of order, the freedom of the press; — that of Louis-Philippe refusing reform to save civilization; — that of Cavaignac, ensuring that a massacre of 12,000 transported people was necessary to strengthen the Republic; — that of Bonaparte and Mr. Fould, reestablishing the tax on drinks despite 700,000 petitioners. — It is the same dogma as the infallibility of the pope.

— You always talk to me about old governments: I know as well as you their abuses.

— The vice of an institution comes from its principle and not from its personnel. The provisional government made transfers of prefects, magistrates and generals; it changed nothing in the internal administration, in the judiciary; it kept the army. That’s where all our disappointments came from.

— So it is impossible to find honest people?

— Rather than running the risk of laying hands on knaves, I find it wiser not to expose virtue itself to seduction. To place men in a superior position, to leave the life, liberty, and fortune of citizens to their discretion, is to give free rein to all evil passions. What are the guarantees of the governed against the State? The government, depositary of authority, polices, commands the armed force, delivers justice — on behalf of the People. The public force, the police, the judiciary, must therefore be docile instruments in the hands of power. And if it pleases the government caste to exploit society instead of defending it?…

— Then the power is deposed.

— This is what the Montagnards have been saying since June 13. The current government, completely in communion of ideas with Louis Blanc, responded to the accusations of its enemies, and to the manifestation of the national gauntlet: “There are people who come to suggest that we go back in history until the tyranny of the first comer, to make us free in the manner of savages, to make us sovereign in the manner of the inhabitants of Tierra del Fuego or Van Diemen’s Land. — The sovereignty of the People cannot consist in the right recognized to several million men to slit each other’s throats until the strongest reign over corpses or over slaves. — The sovereignty of the People is the power exercised in the name of the People, under their gaze, under their dependence, in their interest, by those WHOM THEY HAVE CHOSEN to exercise it. — We have little fear from the multitude, and as for becoming its instrument, it is not a shame, it is an honor, when one is resolved not to abdicate before it either one’s dignity, or one’s conscience, or one’s reason. Now, should we encourage an unfair demand, or just too hasty? Should we sacrifice the duty to serve the People to the desire to please them?”

— That’s pure Constitutionnel.

— No. It’s from the Nouveau Monde. When they publish this: Power has the right to resist the masses, if it seems to him that the masses are mistaken; we must put an end to it with cavalry charges and grapeshot.

— I cannot accept such a terrible conclusion. There must be a way to organize the State in such a way as to avoid contriteness. For example: “The term of office should be as short as possible; the representatives are revocable, responsible.”

— What do these words mean: as short as possible? The provisional government, the executive commission, Cavaignac, had a mandate of very short duration; they were revocable, and they were revoked. Responsibility, what does that mean for those in power? The provisional government is responsible for the 45 centimes and the counter-revolutionary league; the executive commission is responsible for June 1848; Cavaignac, the transportations; the Constituent Assembly, for the presidency of Louis Bonaparte; M. Marie, the national workshops; Mr. Ledru-Rollin, April 16. And after?

— We must indict the unfaithful powers.

— And if they don’t want to let it happen; if they answer: We prefer the duty to serve the People to the desire to please them; if their reason tells them to resist, how can we pursue them? Their reason, you understand: if their reason goes astray, so be it; It is the People who will pay the price. When the government emerges victorious from the struggle, it has the right to say, and it does not fail to do so: “The People have a wonderful instinct to know who loves them; even beneath the words that displease them, they are capable of guessing the palpitations of every heart that is their own, and they applaud when they are resisted for useful purposes.” It’s still the Constitutionnel, perhaps? No, it’s Louis Blanc. Despotism uses the same language everywhere.

IV.

L’ETAT INITIATEUR.

Six mille ans de gouvernement ont surabondamment prouvé que le pouvoir est. do sa nature, dépensier, prodigue, improductif, envahisseur, despote. L’expérience ne parait pas décisive pour certaines intelligences; et nous sommes dans la nécessité, — si nous voulons ne pas essayer d’une nouvelle dictature, — de combattre l’idée d’autorité, non par ses antécédents historiques, mais dans son principe même.

Le programme des partisans du pouvoir fort, initiateur, intelligent, a été résume par Louis Blanc en ces mots : Créer au pouvoir une grande force d’initiative ; — créer et commanditer, aux frais de l’Etat, des ateliers publics. — Nous essaierons de démontrer que ces propositions ne mènent à autre chose qu’à l’organisation de l’arbitraire. de l’exploitation de l’homme par l’homme, de la spoliation. Et comme M. Blanc a converti ses idées en formules nettes et précises, sous ce titre : le Socialisme en projet de loi, nous citerons textuellement, et nous discuterons article par article.

Constatons, avant tout, que l’Etat n’a ni revenu, ni fortune ; — que lui demander des commandites, c’est tout simplement solliciter une augmentation d’impôts.

— « Art. 1er. Il serait crée un ministère du travail et du progrès, dont la mission serait d accomplir la révolution sociale, et d’amener graduellement, pacifiquement, sans secousse, l’abolition du prolétariat. »

— Voilà la grande force d’initiative par le pouvoir nettement établie. Abordons les voies et moyens.

« Pour cela, le ministère du progrès serait chargé : 1° de racheter, au moyen de rentes sur l’Etat, les chemins de fer et les mines ; 2° de transformer la Banque de France en banque d’Etat : 3° de centraliser, au grad avantage de tous et au profit de l’Etat, les assurances, 4° d’établir, sous la direction de fonctionnaires responsables, des vastes entrepôts, où producteurs et manufacturiers seraient admis à déposer leurs marchandises et leurs denrées, lesquelles seraient représentées par des récépissés ayant une valeur négociable, et pouvant faire office de papier monnaie, papier-monnaie parfaitement garanti, puisqu’il aurait pour gage une marchandise déterminée et expertisée : 5° enfin, d’ouvrir des bazars correspondant au commerce de détail, de même que les entrepôts correspondraient au commerce en gros. »

— Expropriation des chemins de fer, expropriation des banques, expropriation des assurances, comme prélude sans doute de l’expropriation universelle ; et création d’une dette publique exorbitante : telles sont en substance les trois premières mesures proposées par le ministre du progrès. La dette publique absorbe déjà, par année, 100 millions d’intérêts. Elle s’élèverait promptement à un milliard : avant peu, le total des contributions ne suffirait pas à payer la rente annuelle des emprunts contractes par le pouvoir, et des expropriations faites à son bénéfice. Il est évident pour nous que le jour où le gouvernement fera reconnu débiteur de 20 milliards et plus, il n’aura qu’un moyen de so libérer : la banqueroute.

Les bazars et les entrepôts sont l’idée fixe des gouvernementalistes et des communistes. Ce qu’il y a de sûr, c’est que les particuliers n’useront de ceux créés par l’Etat que dans le cas où ils y trouveront une économie ; a moins qu’une bonne loi ne vienne interdire aux citoyens d’ouvrir boutique. Quant aux récépissés négociables, délivres sur marchandises, c’est une imitation des warrants anglais. M. Louis Blanc a pris une invention du génie mercantile de ses hôtes pour une inspiration démocratique.

Les récépissés ne peuvent servir du papier-monnaie; et il n’est besoin que de connaître les éléments du commerce pour s’en rendre compte. La valeur des produits se détermine, non par l’expertise, mais par le prix qu’on en tire à l’échange.

Vous pouvez évaluer a un million les objets déposés dans votre bazar et n’en trouver à la vente que 500.000 francs. Les récépissés peuvent faire l’objet d’un négoce plus ou moins considérable, tout comme les reconnaissances du mont-de-piété: — le mont-dé-piété est un grand bazar, et les reconnaissances des récépissés, — il est impossible qu’ils remplissent l’office de monnaie. En effet, qui voudrait recevoir en paiement un un papier dont le gage n’a pas encore de valeur déterminée.

Il est vrai que ce n’est pas encore là un embarras pour M.. Blanc, car il dit plus loin :

— « On déterminerait le prix de revient ; on fixerait, en égard à la situation du monde industriel, le chiffre du bénéfice licite au-dessus du prix de revient. On établirait dans tous les ateliers de la même industrie un salaire, non pas égal, mais proportionnel, les conditions de la vie matérielle n’étant point identiques sur tous les points de la France. »

— Ainsi, je fais moi-même mon travail : mais lest l’Etat qui en fixe le prix ; il m’impose son tarif. J’échange mon salaire contre ce dont j’ai besoin ; c’est l’Etat encore oui me pose ses conditions : tu paieras tant, ou tu n’achèteras pas. Et nous osez inscrire liberté sur votre drapeau !

— « Art. 3. Des bénéfices que les chemins de fer, les mines, les assurances, la banque, rapportent aujourd’hui à la spéculation prime, et qui, dans le nouveau système, retourneraient à l’Etat, joints à ceux qui résulteraient des droits d’entrepôts, le ministère composerait son budget spécial : le budget des travailleurs.

— « Art. 4. L’intérêt et l’amortissement des sommes dues par suite des opérations précédentes seraient prélevés sur le budget des travailleurs; le reste serait employé : 1° a commanditer les associations ouvrières ; 2° a fonder des colonies agricoles. »

— En vérité, quand je vos s les ouvriers appeler de pareilles idées la plus haute expression du Socialisme, je me prends à désespérer du sens commun. Donc, brave ministre du travail, quand tous aurez augmenté la dette publique d une douzaine de milliards, vous songerez a l’amortir. Il vous faudra de l’argent, beaucoup d’argent : où le prendrez-vous?

— « L’Etat exploitera pour son compte 1es mines, les assurances, les chemins de fer, etc. »

— Bravo ! Nous serons enfin débarrassés de la féodalité financière ; les grandes compagnies ne rançonneront plus le travail ; nous verrons le règne de la fraternité. Qu’y gagnera le Peuple ? Comptons un peu.

Il faut trouver dans l’entreprise 1° de quoi amortir le capital ; 2° de quoi payer le ministre et sa bureaucratie ; 3° des ressources ces pour commanditer les associations ; 4° des capitaux pour fonder des colonies : tout cela en sus des frais réels de l’exploitation ; quelque chose enfin comme 20 ou 30 pour 100 de prime.

Sur ce, tout citoyen tant soit peu avisé fera la réflexion suivante : Nous combattons le capital parce qu’il coûte trop cher ; parce qu’il fait payer ses services plus qu’ils ne valent : l’Etat, en bon philanthrope, prend la place du capitaliste, et me vend ses services au même prix. Bénéfice net pour moi et pour le public : ZERO.

— Mais le gouvernement a de bonnes intentions. Avec votre argent, il fera le bien.

Le propriétaire aussi. Il nous pressure pour nous faire l’aumône. Ce que le gouvernement nous restituera sous forme de commandite et de colonie ne sera pas l’équivalent de ce qu’il nous aura pris, puisqu’il aura à couvrir ses frais de perception, ses frais de répartition, ses frais de comptabilité, ses frais d’impression de comptes-rendus, ses frais de matériel et de personnel, enfin.

— En revanche, il pleuvra des discours brûlants de fraternité, des proclamations à faire fondre en larmes toutes les bonnes âmes.

— Passons cela par profits et pertes, et n’en partons plus.

— « Art. 5. Pour être appelées à jouir de la commandite de l’Etat, les associations ouvrières devraient être instituées d’après le principe d’une fraternelle solidarité, de manière à pouvoir acquérir, en se développant, un capital collectif, inaliénable et toujours grossissant, seul moyen d’arriver à tuer l’usure grande et petite, et de faire que le capital ne fût plus un élément de tyrannie, la possession des instruments de travail un privilège, le crédit une marchandise, le bien-être une exception, l’oisiveté un droit. »

— Et patati et patata ! nous voilà dans les proclamations.

« Art. 6. En conséquence, toute association ouvrière, voulant jouir de la commandite de l’Etat, serait tenu d’accepter comme bases constitutives de son existence, les dispositions contenues dans le programme ministériel. »

— Du privilège, de l’exception, de la faveur, de l’arbitraire ; je me reconnais à ces signes caractéristiques : c’est l’atmosphère gouvernementale. Ah ! mitoyen ministre du progrès, vous tondrez sur tout le bétail, et vous ne distribuerez la toison qu’à vos fidèles, aux bons dévots de votre petite église, qui accepteront comme parole d’Evangile vos tirades et vos maximes. Vous appelez cela de la justice distributive, le pouvoir de faire le bien.

Et non content de nous prendre nos écus pour titre des largesses à vos favoris, vous nous menacez de nous englober du force dans votre confrérie. C’est bien du moins ce qui résulte de ces paroles: « Telle est la force d’élasticité que nous croyons à notre système, qu’en peu de temps il se serait étendu sur toute la société, attirant dans son sein les systèmes rivaux par l’irrésistible attrait de puissance. »

Je respecte vos illusions et vos convictions, à une condition : c’est que vous n’essaierez de la propagation de votre système que par sa puissance d’élasticité, et non par la puissance de nos écus et la force d’initiative du pouvoir, Ju suis hérétique, citoyen ministre; je ne crois plus à l’infaillibilité du pape, encore moins à la vôtre. Du grâce, ne faites pas mon bonheur malgré moi !

— Voyez pourtant comme c’est simple : « Un conseil d’administration serait placé au sommet de tous les ateliers. Dans ses mains seraient réunies les rênes de toutes les industries, comme, dans la main d’un ingénieur nommé par l’Etat, » — pourquoi pas par le suffrage universel?— « serait remise la direction de chaque industrie particulière. — Seul moyen d’arriver à tuer l’usure. »

— Ah ! de grâce débarrassez-nous des usuriers, mais ne nous embarrassez pas de vos fonctionnaires. Que voulez-vous que fassent de votre ingénieur nommé par l’Etat, les cuisiniers, les tailleurs, les coiffeurs, les passementiers, les cordonniers, les boulangers, les lithographes, l’imprimeurs, les doreurs, les peintres les droguistes, les épiciers, les marchands de vin ? Je m’arrête, car je pourrais écrire un dictionnaire des professions qui n’ont que faire de votre ingénieur. Laissez les ouvriers chercher eux-mêmes des ingénieurs quand ils en auront besoin.

Revenons à nos moulons, la question d’usure. Nous demandons, — nous égoïstes, — l’abolition de l’usure au bénéfice du travailleur. Vous réclamez, — vous fraternel, — le remplacement de l’usurier par l’homme d’Etat. Ah ! citoyen ministre, si les ouvriers vous écoutent, ils s’apercevront bientôt qu’ils n’ont tant bataillé, tant versé de sang, que pour arriver à troquer un cheval borgne contre un aveugle. Vous multipliez les fonctionnaires avec une munificence toute princière. En mange gros, ces fonctionnaires!

L’Etat actuel, — ce détestable Etat cour lequel vous ne sauriez avoir trop de tolères, — a déjà réalisé une partie de votre programme, il est entrepreneur des postes, marchand de tabac, fabricant de sel et de poudre, imprimeur, maçon ; il fait comme vous grand usage d’ingénieures, d’inspecteurs, d’experts, d’administrateurs. Or, savez-vous ce que me disait l’autre jour un ouvrier. une mauvaise tête, un homme ingouvernable? Il m’assurait ceci : le capital se fait grassement payer ses services : eh bien! il produit encore à meilleur marché que le gouvernement. Cela est si vrai, que les travaux d’impression pour l’Assemblée nationale sont donnés en adjudication à un capitaliste. Pourtant, l’Etat a une imprimerie nationale composée du plus beau matériel qu’il soit possible de désirer, desservie par des ouvriers fort capables. S’il ne fait pas lui-même ses impressions, c’est qu’il a plus de bénéfice à les donner à un industriel. J’ai vérifié le fait, citoyen ministre, et je vous le certifie véritable.

Beaucoup de gens concluront : l’initiative par l’Etat étreint plus onéreuse que le privilège capitaliste, il n’y a pas urgence, quant à présent, « de placer un conseil d’administration au sommet de tous les ateliers, de réunir dans ses mains les rênes de toutes les industries, ni de mettre un ingénieur à la tête de chaque profession. » Comme conséquence, le besoin d’un ministère du travail et du progrès ne se fait pas généralement sentir : ce serait un lux peu démocratique et encore moins social.

December 31, 1849.

IV.

THE INITIATING STATE.

Six thousand years of government have proven abundantly that power is, by its nature, spendthrift, prodigal, unproductive, invasive, despotic. Experience does not seem decisive for certain intelligences; and we are in the necessity, — if we do not want to attempt a new dictatorship, — of combatting the idea of authority, not by its historical antecedents, but in its very principle.

The program of the supporters of strong, initiating, intelligent power was summarized by Louis Blanc in these words: Create in power a great force of initiative; — create and sponsor, at state expense, public workshops. — We will try to demonstrate that these propositions lead to nothing other than the organization of arbitrariness, of the exploitation of man by man, of dispossession. And as M. Blanc has converted his ideas into clear and precise formulas, under this title: Socialism as a draft law, we will quote verbatim, and we will discuss article by article.

Let us note, above all, that the State has neither income nor fortune; — that asking it for sponsorships is simply asking for a tax increase.

— “Art. 1. A ministry of labor and progress would be created, whose mission would be to accomplish the social revolution, and to gradually, peacefully, without shock, bring about the abolition of the proletariat.”

— This is the great force of initiative by power clearly established. Let’s discuss the ways and means.

“For this, the Ministry of Progress would be responsible for: 1° repurchasing, by means of State rents, the railways and mines; 2° transforming the Banque de France into a state bank: 3° centralizing, to the great advantage of all and for the profit of the State, insurance, 4° establishing, under the direction of responsible civil servants, vast warehouses, where producers and manufacturers would be allowed to deposit their goods and their foodstuffs, which would be represented by receipts having a negotiable value, and which could act as paper money, perfectly guaranteed paper money, since it would have as security a specific and appraised commodity; 5° finally, opening bazaars corresponding to retail trade, just as warehouses would correspond to wholesale trade.”

— Expropriation of railways, expropriation of banks, expropriation of insurance companies, as undoubtedly a prelude to universal expropriation; and creation of an exorbitant public debt: these are in substance the first three measures proposed by the Minister of Progress. The public debt already absorbs, per year, 100 million in interest. It would quickly rise to a billion. Before long, the total contributions would not be enough to pay the annual income from the loans contracted by the government, and from the expropriations made for its benefit. It is obvious to us that the day the government is recognized as a debtor of 20 billion or more, it will only have one way to free itself: bankruptcy.

Bazaars and warehouses are the obsession of governmentalists and communists. What is certain is that individuals will only use those created by the State if they find a saving; unless a good law comes to prohibit citizens from opening a shop. As for negotiable receipts, issued on goods, they are an imitation of English warrants. M. Louis Blanc took an invention of the mercantile genius of his hosts for a democratic inspiration.

Receipts cannot be used as paper money; and you only need to know the elements of commerce to realize this. The value of products is determined, not by expertise, but by the price obtained for them in exchange.

You can estimate the objects placed in your bazaar at a million and only find 500,000 francs for sale. Receipts can be the subject of more or less considerable trading, just like acknowledgments of the pawnshop: — the pawnshop is a big bazaar, and acknowledgments of receipts, — it is impossible that they fulfill the funciton of coins. Indeed, who would like to receive as payment a paper whose pledge does not yet have a determined value.

It is true that this is not yet an embarrassment for M. Blanc, because he says further:

— “We would determine the cost price; we would fix, taking into account the situation of the industrial world, the figure of the licit profit above the cost price. We would establish in all workshops of the same industry a wage, not equal, but proportional, the conditions of material life being not identical in all parts of France.”

— So, I do my work myself: but it is the State that sets the price; it imposes its price on me. I exchange my salary for what I need; it is the State again, yes, it sets its conditions for me: you will pay this much, or you will not buy. And we dare to write liberty on your flag! 

— “Art. 3. Profits that railways, mines, insurance, banking, bring today to prime speculation, and which, in the new system, would return to the State, joined to those that would result from rights of warehouses, the ministry would compose its special budget: the workers’ budget.

— “Art. 4. Interest and amortization of sums due as a result of previous operations would be taken from the workers’ budget; the rest would be used: 1° to sponsor workers’ associations; 2° to found agricultural colonies.”

— In truth, when I call such ideas the highest expression of Socialism, I begin to despair of common sense. So, brave Minister of Labor, when everyone has increased the public debt by a dozen billion, you will think about paying it off. You will need money, a lot of money. Where will you get it?

— “The State will operate on its behalf the mines, insurance, railways, etc.”

— Bravo! We will finally be rid of financial feudalism; big companies will no longer extort work; we will see the reign of brotherhood. What will the People gain? Let’s count a little.

It is necessary to find in the company 1° enough to amortize the capital; 2° enough to pay the minister and his bureaucracy; 3° resources to sponsor the associations; 4° capital to found colonies: all this in addition to the real costs of exploitation; something like 20 or 30 percent premium.

On this, any citizen who is even slightly informed will make the following reflection: We are fighting capital because it costs too much; because it charges more for its services than they are worth: the State, like a good philanthropist, takes the place of the capitalist, and sells me its services at the same price. Net benefit to me and the public: ZERO.

— But the government has good intentions. With your money, it will do good.

The proprietor as well. He pressures us to give alms. What the government will return to us in the form of sponsorship and settlement will not be the equivalent of what it will have taken from us, since it will have to cover its collection costs, its distribution costs, its accounting costs, its printing costs of reports, its material and personnel costs, finally.

— On the other hand, it will rain burning speeches of fraternity, proclamations that will make all good souls burst into tears.

— Let’s write it off as profit and loss and leave it alone. 

— “Art. 5. To be called upon to benefit from State sponsorship, workers’ associations should be established according to the principle of fraternal solidarity, so as to be able to acquire, by developing, a collective, inalienable and ever-increasing capital, the only way to succeed in killing large and small usury, and to ensure that capital is no longer an element of tyranny, the possession of the instruments of work a privilege, credit a commodity, well-being an exception, idleness a right.”

— Blah, blah, blah! Here are the proclamations.

“Art. 6. Consequently, any workers’ association, wishing to benefit from State sponsorship, would be required to accept as the constitutive bases of its existence, the provisions contained in the ministerial program.”

— Of privilege, of exception, of favor, of arbitrariness; I recognize myself by these characteristic signs: it is the government atmosphere. Ah! Party minister of progress, you will shear all the livestock, and you will only distribute the fleece to your faithful, to the good devotees of your little church, who will accept your tirades and your maxims as words of the Gospel. You call this distributive justice, the power to do good.

And not content with taking our écus as a token of generosity to your favorites, you threaten to force us into your brotherhood. At least this is what results from these words: “Such is the force of elasticity that we believe in our system, that in a short time it would have spread over the whole of society, attracting rival systems into its bosom by the irresistible attraction of power.”

I respect your illusions and your convictions, on one condition: that you will only try to propagate your system by its power of elasticity, and not by the power of our écus and the force of initiative of the power. I am a heretic, a citizen minister; I no longer believe in the infallibility of the Pope, even less in yours. Please don’t make me happy in spite of myself!

— Yet see how simple it is: “A board of directors would be placed at the head of all the workshops. In its hands would be united the reins of all industries, just as the direction of each particular industry would be handed over to an engineer appointed by the State” — why not by the universal suffrage? — “The only way to eliminate usury.”

— Ah! please rid us of the usurers, but do not embarrass us with your officials. What do you want the cooks, the tailors, the hairdressers, the trimmers, the shoemakers, the bakers, the lithographers, the printers, the gilders, the painters, the druggists, the grocers and wine merchants — I’ll stop, because I could write a dictionary of professions that have no use for your engineer — to do with your engineer appointed by the State? Let the workers look for engineers themselves when they need them.

Let’s return to our subject, the question of usury. We demand, we egoists, the abolition of usury for the benefit of the worker. You demand, — you fraternal ones, — the replacement of the usurer by the statesman. Ah! Citizen minister, if the workers listen to you, they will soon realize that they have only fought so much, shed so much blood, to succeed in exchanging a one-eyed horse for a blind one. You multiply the civil servants with a truly princely munificence. They eat well, these functionaries!

The current State — this detestable Court State for which you cannot have too much tolerance — has already carried out part of your program. It is a postal contractor, a tobacco merchant, a manufacturer of salt and powder, a printer, a mason. Like you, it makes great use of engineers, inspectors, experts, administrators. Now, do you know what a worker said to me the other day — a bad head, an ungovernable man? He assured me this: that capital gets paid handsomely for its services. Well! it still produces more cheaply than the government. This is so true that the printing work for the National Assembly is awarded to a capitalist. However, the State has a national printing press made up of the finest equipment that could be desired, served by very capable workers. If it does not make its own prints, it is because it would benefit more from giving them to an industrialist. I have verified the fact, citizen minister, and I certify it to you as true.

Many people will conclude: the initiative by the State embraces more onerous than capitalist privilege, there is no urgency, as for now, “to place a board of directors at the top of all the workshops, to bring together in his hands the reins of all industries, nor to put an engineer at the head of each profession.” As a result, the need for a ministry of labor and progress is not generally felt: it would be an undemocratic and even less social luxury.

V.

LA POLICE ET L’ORDRE PAR L’ÉTAT.

Laissons parler Louis Blanc, puisque en lui s’est incarné le principe d’autorité fraternelle. Il a d’ailleurs résumé, avec la plus grande concision, tout ce qu’on a débité de banalités, depuis le déluge, sur la nécessité d’un pouvoir protecteur du faible et de l’opprimé, tuteur de la veuve et de l’orphelin. — Ecoutons :

— « En quoi consiste la liberté ? Dans le développement complet des facultés de chacun. Tous les hommes ont-ils les mêmes facultés? tous sont-ils égaux en force et en intelligence? — Non. Qu’arrivera-t-il, si on laisse le plus intelligent ou le plus fort mettre obstacle au développement des facultés de qui est moins fort ou moins intelligent? Il arrivera que la liberté sera détruite.

« Commente empêcher ce crime ? En faisant intervenir entre l’oppresseur et l’opprimé tout le pouvoir du Peuple. Si Jacques opprime Pierre, les trente-quatre millions d’hommes dont la société française se compose, accourront-ils tous à la fois pour sauvegarder sa liberté ? Le prétendre serait une bouffonnerie. Comment donc la société interviendra-t-elle? Par ceux qu’elle aura choisis à cet effet. — Mais ces représentants de la société, ces serviteurs de tout le Peuple, qui sont-ils ? L’Etat.

« Donc, l’Etat ici n’est autre chose que la société elle-même, agissant comme société, pour empêcher quoi ? l’oppression ; pour maintenir quoi ? la liberté. Donc demander la suppression de l’Etat, c’est livrer les hirondelles aux oiseaux de proie ; c’est faire qu’il y ait toujours des exploiteurs et des exploités, et cœtera. »

— Laissons de côté les phrases et raisonnons. Vous vous défiez des hommes intelligents et forts ; ce sont de véritables vampires. Merci, citoyen Louis Blanc. Je puis vous regarder comme mon ennemi sans vous faire injure, car je vous tiens pour plus capable que moi. Vous voulez user de votre influence et de vos avantages pour m’opprimer. A moi l’Etat, à moi la police ! Sauvez-moi des grilles de Louis Blanc. « Préservez-moi de l’oppression; maintenez ma liberté. »

Hélas ! à qui vais-je demander protection? au pouvoir, c’est-à-dire à une collection d’hommes intelligents et forts, mes ennemis jurés, mes oppresseurs naturels, de vrais Louis Blancs. Car remarquons ceci : sous la monarchie héréditaire et les privilèges de castes, — noblesse et clergé, — le pouvoir peut être composé, par droit de naissance, d’infirmes et d’imbéciles comme moi ; par sympathie d’humeur, ils prendront sans doute mon sort en pitié. Mais sous le régime démocratique, là où les premières places sont conférées aux plus dignes, l’Etat, c’est l’élite des forces et des capacités. Chaque membre du gouvernement serait individuellement mon ennemi. Corps à corps, il m’aurait vaincu : que sera-ce lorsque toutes les forces et toutes les intelligences se trouveront liguées contre mon ignorance et ma faiblesse?

Vous posez en principe la perversité innée de l’homme. Vous venez me dire: Tu seras refait au même par les malins. Constitue un pouvoir pour te protéger; et n’y vas pas mettre des niais ; ils se laisseraient enfoncer comme toi.

Doucement, si je suis bête et faible, j’ai du bon sens. Constituer un pouvoir, cela veut dire, donner à des gens plus capables que moi, à des malins, — mes ennemis d’après vous,—des droits spéciaux que tout le monde n’a pas, la permission de disposer d’une force centrale et de ressources prélevées sur la masse des citoyens. Ces gaillards du gouvernement, dites-vous, se feront mes défenseurs. Cependant, si je tire les consequences de votre opinion sur leur compte, je dois croire qu’ils auront les mêmes tendances, hommes d’Etat que particuliers ; — ils emploieront la force publique et les finances pour donner cours à leurs mauvaises passions, pour exploiter la masse des faibles et des pauvres d’esprit qui les auront nommés.

Consultez l’histoire, citoyen ministre du progrès : vous verrez que tous les pouvoirs, après avoir promis au Peuple, aux béotiens, richesse, sécurité, protection, n’ont fait que tondre sur le troupeau et aggraver ses souffrances. Ils out justifié en tous points votre défiance des hommes forts et intelligents.

J’exposais ces idées devant une demi-douzaine d’auditeurs, et j’en étais là de mon raisonnement quand un vigoureux athlète, un hercule s’élance sur moi, et, me mettant poing sous le nez, s’récrie :

— Ah! lu ne veux pas do la protection de l’autorité. Eh bien! je vais te casser les reins et te dépouiller de tout ce que tu portes : qui m’en empêchera ?

Je reculai brusquement jusqu’au mur. Les quatre personnes qui nous écoutaient se jetèrent entre nous pour me protéger.

— Certes, dis-je à mon agresseur, si je n’eusse compté que sur la police pour me sauver de vos coups, j’aurais pu être assommé cent fois avant l’arrivée du commissaire. Heureusement, le cœur de l’homme est ainsi fait, que chaque individu vole spontanément au secours de son semblable pour le défendre.

En ce moment, une grande rumeur se fit dans la rue : les boutiquiers se précipitaient hors de chez eux ; on criait au voleur. Nous nous mimes à la fenêtre. Un homme fuyait à toutes jambes, emportant un paquet sous son paletot. Un groupe de passants lui barra la route et l’arrêta. Le volé reprit ses affaires, et le larron fut conduit au poste de la garde nationale.

— Si la victime, dis-je à mon hercule, n’avait dû compter que sur l’autorité, elle courait grand risque do tout perdre.

Un bruit étrange, comme d’une porte qui vole en éclats, vint nous interrompre : nous sortimes sur le carré. C’était une effraction chez la voisin. L’assaillant, à notre vue, se jeta à cheval sur la rampe et glissa jusqu’au bas comme une anguille. Heureusement, nos cris avaient éveillé l’attention du concierge ; nous descendîmes précipitamment, et le brigand lut empoigné. Où était la police, où étaient les hommes forts et intelligents chargés de nous défendre ? — A la chasse des républicains rouges, probablement.

Nous remontâmes. Arrivés au palier au-dessous du nôtre, nous nous sentîmes suffoqués par un fort odeur de charbon. L’idée d’un sinistre nous passa tout à coup par la tête.

Nous forçâmes la porte : un réchaud brûlait dans la chambre ; un malheureux ouvrier râlait sur son lit. Nos soins le rappelèrent promptement à la vie. Il nous raconta que la misère l’avait poussé au désespoir.

— Lé gouvernement ne fait pas son devoir, s’écria notre Hercule en frappant du pied avec violence.

— Hélas ! dit le malheureux que nous venions d’arracher à la mort, le gouvernement a des privilèges dans la société. L’homme d’Etat commande, et le sujet obéit. Le privilège me peut vivre qu’en s’appuyant sur le monopole. Le capital et l’autorité sont nécessairement associés. Si la police n’avait pas des droits sur notre fortune et notre liberté, elle ne viendrait pas entraver nos tentatives d’affranchissement. Entre le travail et la propriété, la question serait promptement vidée. De même, si nous réussissions à nous affranchir du tribut payé au capitaliste, nous ferions bientôt de même pour l’impôt : le service du pouvoir n’est pas plus utile que celui du propriétaire. Le capital et l’autorité, c’est l’exploitation ; le travail et la liberté, c’est l’émancipation.

L’Hercule fronça le sourcil, mais ne répondit rien.

Il était tard. Ceux de nous qui n’habitaient pas la maison songèrent à se retirer. A peine avions-nous mis le pied dans la rue que nous rencontrâmes un convoi considérable escorté de sergents de ville, de mouchards et de soldais. C’étaient des citoyens qu’on menait en prison. Ils étaient accusés, l’un d’avoir crié Vive la démocratique et sociale ; — un autre d’avoir chanté le Chant des ouvriers ; — un autre d’avoir vendu la Voix du Peuple : — quelques-uns de s’être réunis illégalement chez un marchand de vin ; — quelques autres d’avoir porté des cannes plombées ;—le plus grand nombre était impliqué dans une affaire de coalition pour le maintien des salaires.

— Quand la police en aura-t-elle fini avec ses provocations ? murmura un passant.

Deux argousins s’élancèrent sur lui pour l’arrêter. Le commissaire qui conduisait le détachement appela à lui sa nouvelle recrue : « Monsieur, lui dit-il, j’ai deviné à votre apostrophe que vous êtes démocrate. Cependant, vous ne voulez pas nous rendre libres à la manière des sauvages. Il faut un pouvoir pour protéger le faible contre le fort. La souveraineté du peuple est le pouvoir exercé par ceux qu’il a choisis, c’est-à-dire par Bonaparte, l’Assemblée et les agents de l’autorité. Le gouvernement doit sacrifier le désir de plaire au peuple au devoir de les servir. » Nous jugeons 1es réunions et les manifestations socialistes préjudiciables aux ouvriers, comme empêchant le travail et la confiance de renaître. Nous devons y mettre obstacle. Quiconque n’applaudit pas à nos actes est facétieux ; « car le peuple a un instinct merveilleux pour savoir qui l’aime ; jusque sous les paroles qui lui déplaisent, il est capable de deviner les palpitations de tout cœur qui est à lui, et il applaudit quand on lui résiste pour lui être utile. » Nous lui résistons pour son bonheur et vous n’applaudissez pas. Je pourrais vous traiter en mauvais citoyen. Je me contenterai de vous dire : Si vous n’êtes pas content de nous, prenez-vous en à votre prophète Louis Blanc, votre futur ministre du progrès. Je viens de vous rappeler sa théorie; et, comme vous pouvez voir, nous la mettons en pratique aussi bien qu’il le pourrait faire lui-même.

December 31, 1849.

V.

POLICE AND ORDER BY THE STATE.

Let us let Louis Blanc speak, since in him the principle of fraternal authority was embodied. He also summarized, with the greatest conciseness, all the banalities that have been said since the flood, on the need for a protective power of the weak and the oppressed, guardian of the widow and the orphan. — Let’s listen:

— “In what does liberty consist? In the complete development of each person’s faculties. Do all men have the same faculties? Are all equal in strength and intelligence? — No. What will happen if we allow the most intelligent or the strongest to obstruct the development of the faculties of those who are less strong or less intelligent? It will happen that freedom will be destroyed.

“How can we prevent this crime? By intervening between the oppressor and the oppressed all the power of the People. If Jacques oppresses Pierre, will the thirty-four million men of which French society is made up, all run at once to safeguard his freedom? To pretend so would be a buffoonery. So how will society intervene? By those she will have chosen for this purpose. — But these representatives of society, these servants of all the People, who are they? The State.

“So, the State here is nothing other than society itself, acting as society, to prevent what? the oppression ; to maintain what? freedom. Therefore, to demand the abolition of the State is to surrender the swallows to the birds of prey; it means ensuring that there are always exploiters and exploited, and so on.”

— Let’s put aside phrases and let’s reason. You distrust intelligent and strong men; they are real vampires. Thank you, citizen Louis Blanc. I can regard you as my enemy without insulting you, because I consider you more capable than me. You want to use your influence and your advantages to oppress me. The State is mine, the police are mine! Save me from the gates of Louis Blanc. “Preserve me from oppression; maintain my liberty.”

Alas! Who will I seek protection from? to power, that is to say to a collection of intelligent and strong men, my sworn enemies, my natural oppressors, real Louis Blancs. For let us note this: under hereditary monarchy and caste privileges — nobility and clergy — power can be composed, by right of birth, of infirm people and imbeciles like me; out of sympathy of mood, they will undoubtedly take pity on my fate. But under the democratic regime, where the first places are conferred on the most worthy, the State is the elite of forces and capacities. Each member of the government would individually be my enemy. Hand to hand, he would have defeated me: what will it be like when all the forces and all the intelligences find themselves united against my ignorance and my weakness?

You posit the innate perversity of man. You come and tell me: You will be made the same again by the evil ones. Build up power to protect yourself; and don’t go and bring in fools; they would let themselves be sunk like you.

Slowly, although I am stupid and weak, I have common sense. Establishing a power means giving people more capable than me, smart people — my enemies according to you — special rights that not everyone has, the permission to have a force at their disposal. central and resources taken from the mass of citizens. These government guys, you say, will be my defenders. However, if I draw the consequences of your opinion on their account, I must believe that they will have the same tendencies, statesmen and individuals; — they will use public force and finances to give vent to their evil passions, to exploit the mass of the weak and poor in spirit who have appointed them.

Consult history, citizen minister of progress: you will see that all the powers, after having promised the People, the philistines, wealth, security, protection, have only sheared on the flock and aggravated their suffering. They justified in every way your distrust of strong and intelligent men.

I was exposing these ideas in front of half a dozen listeners, and I was at this point in my reasoning when a vigorous athlete, a Hercules, rushed towards me, and, putting his fist under my nose, cried out:

— Ah! I don’t want the protection of authority. Well! I will break your back and strip you of everything you wear: who will stop me?

I suddenly backed up to the wall. The four people who were listening to us threw themselves between us to protect me.

— Certainly, I said to my attacker, if I had only counted on the police to save me from your blows, I could have been knocked out a hundred times before the arrival of the commissioner. Fortunately, the heart of man is so made that each individual spontaneously flies to the aid of his fellow man to defend him.

At that moment, a great noise arose in the street: the shopkeepers rushed away from home; we shouted thief. We stood at the window. A man was fleeing at full speed, carrying a package under his overcoat. A group of passers-by blocked his way and arrested him. The thief took back his belongings, and the thief was taken to the National Guard post.

— If the victim, I said to my hercules, had had to rely only on authority, she would run a great risk of losing everything.

A strange noise, like a door shattering, interrupted us: we went out onto the square. It was a break-in at the neighbor’s house. The assailant, upon seeing us, threw himself astride the ramp and slid down like an eel. Fortunately, our cries had attracted the attention of the concierge; we went down hastily, and the bandit grabbed him. Where were the police, where were the strong and intelligent men charged with defending us? — Hunting the Red Republicans, probably.

We went back up. Arriving at the landing below ours, we felt suffocated by a strong smell of coal. The idea of a disaster suddenly crossed our minds.

We forced the door: a stove was burning in the room; an unfortunate worker was moaning on his bed. Our care quickly brought him back to life. He told us that poverty had driven him to despair.

“The government has not done its duty,” cried our Hercules, stamping his foot violently.

— Alas! said the unfortunate man whom we had just rescued from death, “the government has privileges in society. The statesman commands, and the subject obeys. Privilege can only live by relying on monopoly. Capital and authority are necessarily associated. If the police did not have rights over our wealth and our freedom, they would not hinder our attempts at freedom. Between work and property, the question would quickly be resolved. Likewise, if we succeeded in freeing ourselves from the tribute paid to the capitalist, we would soon do the same for taxes: the service of power is no more useful than that of the owner. Capital and authority are exploitation; work and freedom are emancipation.

The Hercules frowned, but said nothing.

It was late. Those of us who did not live in the house considered leaving. We had barely set foot on the street when we encountered a considerable convoy escorted by town sergeants, informers and soldiers. These were citizens who were being taken to prison. They were accused, one of having shouted Long live democracy and social; — another for having sung the Workers’ Song; — another for having sold the Voice of the People: — some for having gathered illegally at a wine merchant; – a few others of having carried leaded canes; – the majority were involved in a coalition affair for the maintenance of wages.

— When will the police be done with their provocations? whispered a passerby.

Two Argousins rushed at him to stop him. The commissioner who led the detachment called his new recruit to him: “Sir,” he said to him, “I guessed from your apostrophe that you are a democrat. However, you do not want to make us free like the savages. It takes power to protect the weak against the strong. The sovereignty of the people is the power exercised by those they have chosen, that is to say by Bonaparte, the Assembly and the agents of authority. Government must sacrifice the desire to please the people for the duty to serve them. » We judge socialist meetings and demonstrations to be detrimental to workers, as preventing work and confidence from being reborn. We must stop it. Anyone who does not applaud our actions is being facetious; “because the people have a wonderful instinct to know who loves them; even beneath the words that displease him, he is capable of divining the palpitations of every heart that is his, and he applauds when someone resists him in order to be useful to him. » We resist him for his happiness and you do not applaud. I could treat you like a bad citizen. I will simply say to you: If you are not happy with us, take it out on your prophet Louis Blanc, your future minister of progress. I have just reminded you of his theory; and, as you can see, we put it into practice as well as he could do it himself.

VI.

LE PARLEMENTARISME.

Aujourd’hui le député doit, pour remplir consciencieusement son mandat, connaître tout, et même quelque chose encore. Les questions les plus diverses, travaux publics, finances, enseignement, religion, droit, pyrotechnie, marine, sucreries, agriculture, commerce, douanes, statistiques, banques, crédit, etc., sont de sa compétence. Il fait la pluie et le beau temps, la paix et la guerre, la hausse et la baisse, la prospérité et la misère, la liberté et l’oppression.

Le représentant du Peuple se prononce comme les oracles, sans comprendre ce qu’il dit ; il vote comme parlent les avocats, sans savoir sur quoi. Les problèmes les plus complexes, qui ont fait blanchir à ht tâche les savants, sont pour lui un badinage ; la noire ou la blanche, pile ou face, et la solution est trouvée.

Quel dommage que cet ingénieux machinisme parlementaire ne soit pas applique aux sciences et à l’industrie ! Quel de controverses seraient épargnées ! Que de travaux deviendraient inutiles !

La planète de M. Leverrier est elle, oui on non, à sa place? — Votons.

Le chloroforme est-il une mystification ou une découverte sérieuse ?— Votons.

Les chapeaux mécaniques sont-ils un progrès? — Votons.

Le procédé de dorure et d’argenture de M. Ruolz est-il plus économique que les autres? — Votons.

Quel doit être le taux du salaire en France ? — Votons.

Combien vaut fine paire de sabots? — Votons.

Quel est le meilleur bois à employer pour ;es endiguements ? — Votons.

Les calculs astronomiques annonçant une grande marée pour le 31 décembre étaient-ils exacts ? — Votons.

Quelle est la meilleure méthode médicale, de l’homéopathie our de l’allopathie ? — Votons.

Comme c’est expéditif, et simple surtout; pas n’est besoin de savoir lire et écrire. Pour un bon représentant du Peuple, tirlifaut, lifaut une boule blanche et une boule noire, sans la manière de s’en servir ; car il est souverain, il ne doit de comptes à personne. Si la majorité veut que la neige soit rouge, la neige est rouge ; ceux qui prétendent le contraire sont des facétieux; la majorité a décidé que la République serait blanche, tous ceux qui la veulent d’une autre couleur sont des anarchistes.

L’ELECTEUR. Quelle profession exerciez-vous avant d’être député, citoyen ?

LE DEPUTE. Aucune, je ne suis ni savant, ni artiste, ni industriel. Je n’entends rien aux affaires.

L’ELECTEUR. Vous aurez demain à voter sur une question importante. Croyez-vous nécessaire de donner cours forcé aux billets de banque ? La Banque de France, peut-elle, sans compromettre la sécurité du commerce, augmenter de 75 millions l’émission des on paper.

LE DEPUTE. Je n’y entends goutte.

L’ELECTEUR. Allons, vous vous abstiendrez de voter ?

LE DEPUTE. Du tout : Je suis ministériel ; je voterai avec le pouvoir ; il pense pour moi, et j’opine pour lui.

L’ELECTEUR. Diable ! Nos affaires sone en belles mains. Qu’elles marchent droit au de travers, c’est bien à la garde de Dieu. La Providence, cependant, offre plus de garanties ; car du moins elle reste neutre dans ce questions-là. Mais tou nos élus ne sont sans doute pas comme ce monsieur. Voyons-en un autre.

Qu’êtes -vous, citoyen ?

LE DEPUTE. Je suis avocat.

L’ELECTEUR. Voilà un homme instruit, il ne peut manquer de me donner des bonnes raisons. Vous discutez demain une question bien grave?

LE DEPUTE. Oui, oui ; laquelle au fait ? Je ne me le rappelle pas.

L’ELECTEUR. Le tarif des douanes. Quel est votre avis? Continuerons-nous de payer les produits étrangers trois fois plus qu’ils ne valent, pour procurer à une demi-douzaine de capitalistes le moyen de s’enrichir à nos dépens ? Le commerce est en grand émoi, et la séance de demain mettra en jeu bien des intérêts.

LE DEPUTE. Mon cher monsieur, je n’en tends rien à la question douanière. Ce n’est pas ma spécialité ; je m’adonne à la politique générale.

L’ELECTEUR. Alors vous ne voterez pas?

LE DEPUTE. Si fait, mon cher, je suis de l’opposition; je voterai avec mes collègues contre le ministère.

Trois représentants du Peuple traversent, au pas gymnastique, le pont de la Concorde. Un électeur, de leurs amis, les aborde. — Vous me semblez bien pressés.

premier député. Nous courons au scrutin; il s’agit d savoir si la presse sera libre ou enchaînée ; l’appoint du quelques voix peut la sauver; nous allons voter pour la liberté.

L’ELECTEUR. Mais vous vous piquez peu d’exactitude : la séance est commencée depuis longtemps.

deuxième député. Que voulez-vous, mon cher, nous étions auprès d’un bon feu: il dégèle ; les rues sont mauvaise ; nous ne sommes partis qu’au dernier moment. Au revoir, le temps nous presse.

troisième député. Ah ! voilà les représentants que sortent; la séance est finie. Nous arrivons trop tard. Collègue, quel résultat ?

Un député, sortant de i Assemblée. Le ministère l’emporte ; il triomphe avec trois voix de majorité.

premier député. Trois voix de majorité! nos trois suffrages, s’ils fussent arrivés à temps, sauvaient la liberté de la presse.

L’ELECTEUR. A quoi tiennent les destinées des empires ! Sans le dégel, vous vous trouviez à votre poste ; le ministère, battu à plates coutâres, donnait sa démission ; la presse conservait son indépendance…. Maudit dégel ! Enfin, Dieu est grand et le dégel est son prophète.

— Est-ce bien ainsi que se traitent les intérêts de la France? — Oui. — Sommes-nous au dix-neuvième siècle ?— Oui. — La République? — Oui. — En pays civilisé? — Oui, oui, oui. — Ce n’est pas trop de trois affirmations pour m’en convaincre.

Savez-vous pourquoi, au dire des communistes et des socialistes gouvernementaux, nous sommes dévorés par l’usure, le chômage et la misère ?

C’est parce que le travail n’est pas gouverné, la consommation pas gouvernée, le commerce pas gouverné ; le machinisme parlementaire n‘est pas assez généralement appliqué. Le représentant du Peuple devra dans l’avenir joindre à l’encyclopédie, déjà si étendue de ses voles, la détermination des salaires, la fixation de la valeur, la discipline des ateliers, le choix des meilleures méthodes de culture, la quotité de travail à fournir par ouvrier, la forme de vêtements la plus hygiénique, la limite des besoins de chacun de chacun et leur classification en besoins raisonnables qu’on doit satisfaire, et besoins déraisonnables qu’on doit réprimer; — et mille joyeusetés semblables qui ont eu l’éclatant privilège de se faire prendre au sérieux.

Cependant, citoyens, nous sommes bien en pays civilisé, en France, en République, au dix-neuvième siècle ?

— Incontestablement ; jamais hommes primitifs et sauvages n’auraient en assez d’esprit pour inventer ces choses-là.

January 14, 1850.

VI.

PARLIAMENTARISM.

Today the deputy must, in order to conscientiously fulfill his mandate, know everything, and even something more. The most diverse questions, — public works, finance, education, religion, law, pyrotechnics, navy, sugar confectionery, agriculture, commerce, customs, statistics, banks, credit, etc., — are within his competence. He makes rain and good weather, peace and war, rise and fall, prosperity and misery, liberty and oppression.

The representative of the People pronounces like the oracles, without understanding what he is saying; he votes as lawyers speak, without knowing of what. The most complex problems, which have caused scholars to turn their backs on them, are for him a joke; black or white, heads or tails, and the solution is found.

What a shame that this ingenious parliamentary mechanism is not applied to science and industry! What controversies we would be spared! How much work would become useless!

Is Mr. Leverrier’s planet, yes or no, in its place? — Let’s vote.

Is chloroform a hoax or a serious discovery? — Let’s vote.

Are mechanical hats progress? — Let’s vote.

Is Mr. Ruolz’s gilding and silvering process more economical than others? — Let’s vote.

What should the wage rate be in France? — Let’s vote.

How much is a fine pair of clogs worth? — Let’s vote.

What is the best wood to use for embankments? — Let’s vote.

Were the astronomical calculations announcing a high tide for December 31 accurate? — Let’s vote.

What is the best medical method, homeopathy or allopathy? — Let’s vote.

How expeditious it is, and above all simple. There is no need to know how to read and write. For a good representative of the People, you need a white ball and a black ball, without knowing how to use them; because he is sovereign, he owes no account to anyone. If the majority wants the snow to be red, the snow is red; those who claim the opposite are mischievous. The majority has decided that the Republic will be white; all those who want it in another color are anarchists.

the voter. What profession did you exercise before becoming a deputy or citizen?

the deputy. None, I am neither scholar, nor artist, nor industrialist. I don’t know anything about business.

the voter. Tomorrow you will have to vote on an important question. Do you think it is necessary to give forced circulation to bank bills? Can the Bank of France, without compromising the security of trade, increase the issuance of on paper by 75 million?

THE DEPUTY. I don’t know a thing about.

the voter. Come on, will you abstain from voting?

the deputy. At all: I am ministerial; I will vote with the power; it thinks for me, and I agree for it.

the voter. Devil! Our affairs are in good hands. If they walk straight or crooked is in the keeping of God. Providence, however, offers more guarantees; because at least it remains neutral in these questions. But all of our elected officials are probably not like this gentleman. Let’s see another one.

What are you, citizen?

the deputy. I am a lawyer.

the voter. Here is an educated man, he cannot fail to give me good reasons. Are you discussing a very serious issue tomorrow?

the deputy. Yes, yes… Which one actually? I don’t recall.

the voter. The customs tariff. What is your opinion? Will we continue to pay three times more for foreign products than they are worth, to provide half a dozen capitalists with the means to enrich themselves at our expense? Trade is in great turmoil, and tomorrow’s session will bring many interests into play.

the deputy. My dear sir, I have nothing to do with the customs question. This is not my specialty; I devote myself to general politics.

the voter. So you won’t vote?

the deputy. Yes, my dear, I am from the opposition; I will vote with my colleagues against the ministry.

Three representatives of the People cross, at a gymnastic pace, the Concorde Bridge. A voter, one of their friends, approaches them. — You seem to me to be in a big hurry.

first deputy. We run to the poll; it is a question of knowing whether the press will be free or chained; the addition of a few votes can save it; we will vote for freedom.

the voter. But you don’t pride yourself on accuracy: the session started a long time ago.

second deputy. What do you want, my dear, we were close to a good fire: it is thawing; the streets are bad; we only left at the last moment. Goodbye, time is running out.

third deputy. Ah! Here are the representatives coming out; the session is over. We arrive too late. Colleague, what result?

A deputy, leaving the Assembly. The ministry carries it; it triumphed with a three-vote majority.

first deputy. Three majority votes! our three votes, if they had arrived in time, would have saved the freedom of the press.

the voter. What do the destinies of empires depend on? Without the thaw, you were at your post; the ministry, soundly beaten, resigned; the press retained its independence…. Damn thaw! Finally, God is great and the thaw is his prophet.

— Is this how the interests of France are treated? – Yes. — Are we in the nineteenth century? — Yes. — The Republic? — Yes. — In a civilized country? – Yes, yes, yes. — Three statements are not too many to convince me.

Do you know why, according to governmental communists and socialists, we are devoured by usury, unemployment and poverty?

It is because labor is not governed, consumption is not governed, commerce is not governed; the parliamentary machinery is not generally applied enough. The representative of the People must in the future add to the encyclopedia, already so extensive in its scope, the determination of wages, the fixing of value, the discipline of workshops, the choice of the best methods of cultivation, the quantity of labor to furnish per worker, the most hygienic form of clothing, the limit of each person’s needs and their classification into reasonable needs that must be satisfied, and unreasonable needs that must be repressed; — and a thousand similar joyful things that have had the brilliant privilege of being taken seriously.

However, citizens, are we in a civilized country, in France, in a Republic, in the 19th century?

— Unquestionably; primitive and savage men would never have enough wit to invent these things.

VII.

La Hiérarchie.

Demandez au soldat ce qui le fait agir. Il vous répondra : Ma consigne. Adressez-vous au sergent, il répétera ; Ma consigne. Ma consigne, dit la lieutenant ; ma consigne, dit le capitaine ; ma consigne, dit le chef de bataillon ; ma consigne, dit le colonel ; ma consigne, dit le général.

Soldats, sergents, lieutenants, capitaines, colonels, généraux, bonnes gens au fond, vous fusillent bel et bien, sans haine et sans griefs, avec force jurons et en vous plaignant de tout leur cœur, — parce que c’est leur consigné.

Adressez-vous maintenant au civil. Interrogez le premier gratte-papier venu, un commis de greffe copiant des procès-verbaux de condamnations politiques. Demandez-lui quel sujet de plainte il peut avoir contre ceux dont il écrit les sentences. Aucun, répondra t-il ; je ne fais qu’exécuter des ordres. Remontez au greffier, il répétera, comme son commis : j’exécute mes ordres. J’exécute mes ordres, dit le chef de bureau; j‘exécute mes ordres, dit le secrétaire général ; j”exécute mes ordres, dit lo préfet; j’exécute mes ordres, dit le sous-secrétaire d’état.

Commis, greffiers, chefs do cabinet, secrétaires, préfets, hauts employés, bons diables pleins de compassion, vous poursuivent, vous saisissent, vous emprisonnent, vous ruinent, le plus naturellement du monde, en vous comblant do politesses et de condoléances, en vous souhaitant toutes sortes de prospérités. — Ils exécutent leurs ordres.

Le militaire est un fusil ou un sabre ; l’employé civil, une plume, une addition ou un verrou. L’un et l’autre sont de parfaits automates fort peu récréatifs toutefois.

L’impulsion de la machine donne on haut, et le mécanisme an est si parfait que le premier venu, un enfant, un idiot, un fou, pourvu qu’il parvienne à se jucher au faîte, peut la faite mouvoir à son gré.

Quand on songe que cette machine, conduite par une main inhabile ou malveillante, peut broyer des milliers d’existences, anéantir la richesse, décimer les populations, bouleverser le monde, précipiter l’humanité dans la guerre et le chaos ; quand on passe en revue les dégâts, les fléaux, les massacres dont elle a épouvanté la terre ; — on se demande comment les Peuples ont pu être si imprudents que de la laisser subsister jusqu’aujourd’hui; comment ils no l’ont pas brisée au lendemain des Révolutions, dont elle avait été la première cause.

La machine gouvernementale est perpétuellement assiégée par les ambitieux de tous les partis. Une nuée de paillasses aux couleurs bariolées se livrent autour d’elle aux sauts de tremplin les plus mirifiques dans l’espoir d’atteindre un jour au sommet. Elle exerce sur tout le monde, même sur ses victimes, une fascination inconcevable. Tels politiques, sans cesse meurtris et maltraités par elle depuis des années, a meraient mieux succomber sous ses coups que de la voir s’écrouler. C’est qu’elle rapporte gros en argent, gloire et dignités à ceux qui disposent de ses rouages. Le dernier des crétins, au haut de l’Etat, devient un grand homme.

Un concours considérable se presse habituellement aux représentations politiques. Les acrobates chauffent, chauffent l’enthousiasme ; c’est à qui obtiendra les suffrages de la foule. Chacun d’eux, pour intéresser le Peuple à sa cause, prodigue les promesses les plus extravagantes, de faire rendre à la machine de l’argent pour veux qui n’en ont pas, des commandes pour ceux oui sont sans clientèle, des rentes pour les infirmes, des maris pour les vieilles filles, des croix pour les intrigants.

Le Peuple, séduit, émerveillé, plein do confiance et d’espoir, fait un jour la courte échelle à celui qui l’a le plus ébloui. Mais une fois installé, le jongleur tire sa révérence et fait la nique aux badauds qui ont pris ses paroles pour argent comptant, et tous ses rivaux de recommencer leurs cabrioles.

Ah ! prolétaires, si vous avez toujours été volés, vous pouvez bien en dire votre mea culpa. Au lieu de vous lier aux harangueurs et aux ambitieux, que n’avez-vous étudié vous-mêmes? Vous vous seriez convaincus que cette machine de l’état, dont on vous promet monts et merveilles, n’est autre chose qu’une pompe aspirante, absorbant vos plus clairs bénéfices, un instrument de haute compression dont tout le poids pese sur vous; vous auriez compris qu’alimentée par les deniers du Peuple, elle ne peut etre qu’une charge pour lui, et que toujours elle functionnera au profit des ambitieux.

Des aspirants vous crient: Respect à l’Etat; conservons celte précieuse organisation. Seulement, placez à la tête un homme capable et de vos amis ; placez-nous aux affaires.

Je veux croire tous les aspirons de bonne foi, seulement vous pouvez leur répondre : Nous savons que le gouvernement, après avoir décimé les socialistes et les républicains, peut servir un jour à proscrire les jésuites et les réactionnaires. Que gagnerait la nation à un changement de victimes?

Pour les hommes de parti, il n’y a d’autre alternative que d’être proscrits ou prescripteurs. Pour lu Peuple, le position no change jamais; il ne connaît de l’Etat que le budget, des entraves et des éclaboussures.

Qu’attendre d’une organisation dont tous les fonctionnaires ont abdiqué leur conscience, leur dignité ; dont l’obéissance aveugle est le seul guide, l’unique loi; qui commettent sans remords les plus épouvantables énormités, et se trouvent quittes de toute responsabilité en s’abritant derrière eu stupide refrain : Mes ordres, ma consigne !

D’un autre côté, comment gouverner si chaque soldat a la prétention d’être quelque chose de plus qu’une arme à feu : si les employés veulent consulter leur cons once avant d’agir et raisonner les ordres des supérieurs ?

Impossible de gouverner sans hiérarchie; impossible de bien administrer si chaque fonctionnaire n’est responsable.

Entre le gouvernement et l’administration, il faut choisir.

January 21, 1850.

VII.

Hierarchy.

Ask the soldier what makes him act. He will answer you: My orders. Talk to the sergeant, he will repeat; My orders. My orders, says the lieutenant; my orders, says the captain; my orders, says the battalion commander; my orders, says the colonel; my orders, says the general.

Soldiers, sergeants, lieutenants, captains, colonels, generals, good people at bottom, shoot you i— without hatred, indeed, and without grievances, with many curses and complaining with all their hearts — because those are their orders.

Go to civil court now. Ask the first pen-pusher you come across, a court clerk copying the minutes of political convictions. Ask him what cause of complaint he may have against those whose sentences he writes. None, he will answer; I only carry out orders. Go back to the clerk, he will repeat, like his clerk: I am carrying out my orders. I carry out my orders, said the office manager; I carry out my orders, said the general secretary; I carry out my orders, said the prefect; I carry out my orders, said the under-secretary of state.

Clerks, clerks, chiefs of staff, secretaries, prefects, senior employees, good devils full of compassion, pursue you, seize you, imprison you, ruin you, as naturally as possible, by showering you with politeness and condolences, in wishing all kinds of prosperity. — They carry out their orders.

The military man is a rifle or a saber; the civilian employee, a pen, a summing-up or a lock. Both are perfect automatons, although not very entertaining.

The impetus of the machine is strong, and the mechanism is so perfect that the first person to come along, a child, an idiot, a madman, provided he manages to perch atop it, can make it move as he pleases.

When we think that this machine, driven by an unskillful or malicious hand, can crush thousands of existences, wipe out wealth, decimate populations, turn the world upside down, plunge humanity into war and chaos; when we review the damages, the plagues, the massacres with which it has frightened the earth; — we wonder how the People could have been so imprudent as to allow it to exist until today; how they did not break it up in the aftermath of the Revolutions, of which it had been the first cause.

The government machine is perpetually besieged by ambitious people from all parties. A swarm of multicolored tumblers perform the most magnificent springboard jumps around it in the hope of one day reaching the top. It exerts an inconceivable fascination on everyone, even its victims. Such politicians, constantly bruised and mistreated by it for years, would rather succumb to its blows than see it collapse. It brings a lot of money, glory and dignity to those who have access to its machinery. The last of the cretins, at the top of the State, becomes a great man.

A considerable crowd usually flocks to political representations. The acrobats heat up, heat up the enthusiasm; it’s who gets the votes of the crowd. Each of them, in order to interest the People in their cause, lavishes the most extravagant promises, to make the machine produce money for those who do not have any, orders for those who have no customers, income for the infirm, husbands for spinsters, crosses for intriguers.

The People, seduced, amazed, full of confidence and hope, give a leg up to the one who has most dazzled them. But once installed, the juggler bows out and laughs at the onlookers who took his words at face value, at all his rivals start their antics again.

Ah! proletarians, if you have always been robbed, you can say your mea culpa. Instead of associating yourself with the haranguers and the ambitious, have you not studied yourselves? You would have convinced yourself that this machine of the State, from which you are promised mountains and wonders, is nothing other than a suction pump, absorbing your clearest benefits, an instrument of high compression whose entire weight weighs on you; you would have understood that, fueled by the funds of the People, it can only be a burden for them, and that it will always function for the benefit of the ambitious.

Aspirants shout to you: Respect to the State; let us preserve this precious organization. Only, place at the head a capable man and one of your friends; put us in business.

I want to believe all the aspirations in good faith, only you can answer them: We know that the government, after having decimated the socialists and the republicans, can one day be used to proscribe the Jesuits and the reactionaries. What would the nation gain from a change in victims?

For party men, there is no other alternative than to be proscribed or prescribers. For the People, the position never changes; all they know about the State is the budget, some obstacles and some stains.

What can we expect from an organization whose officials have all abdicated their conscience, their dignity; recognizing blind obedience as their only guide, the only law; committing the most terrible enormities without remorse, and finding themselves absolved of all responsibility by sheltering behind their stupid refrain: My orders, my orders!

On the other hand, how can we govern if each soldier claims to be something more than a firearm: if employees want to consult their colleagues before acting and reason regarding the orders of their superiors?

It is impossible to govern without hierarchy; It is impossible to administer well if each official is not responsible.

Between government and administration, you have to choose.

VIII.

DE LA NÉCESSITÉ D’APPLIQUER LE PRINCIPE DE LA DIVISION DU TRAVAIL ET CELUI DE LA RESPONSABILITÉ PERSONNELLE AUX FONCTIONS DE L’ETAT.

Il résulte de nos deux derniers chapitres : Le Parlementarisme et la Hiérarchie, que le gâchis gouvernemental, autrement dit le despotisme et l’oppression, reposent sur la violation de deux lois fondamentales de l’économie : la division du travail et la responsabilité individuelle.

Le pouvoir législatif embrasse tout dans ses attributions, tandis que le simple maître d’école est obligé de produire un certificat de capacité, que le dernier des gendarmes doit savoir verbaliser, le représentant du Peuple n’a aucune preuve à faire de ses lumières.

L’Assemblée nationale, fût-elle au reste composée do l’élite des intelligences, n’aboutirait encore à rien; car il est impossible qu’un citoyen parvienne, en cinquante années d’études, à connaître tous les sujets sur lesquels le représentant est appelé à voter.

Demander que chaque membre de l’Assemblée so prononce sur toutes les questions de douanes, de commerce, d’agriculture, d’enseignement, de finances, de droit, d’économie, etc., est aussi absurde que le serait l’idée de forcer chaque individu à produire par lui-même tout ce qu’il consomme: son pain, son vin, sa viande, ses légumes, ses vêtements, son habitation, etc.

Do même que lu travail, pour être productif, a besoin d’être divisé; qu’il serait ruineux d’occuper dos cuisiniers à faire des sabots, ou de mettre les tourneurs à tanner le cuir; de même est-il ridicule et préjudiciable de faire voter les travaux publics par les avocats, et les règlements de banque par dus ingénieurs.

Le principe de la division du travail n’a pas été appliqué au système parlementaire, — et, bien que M. Louis Blanc appelle la séparation des fonctions du fédéralisme, il faudra y arriver, sous peine de marcher éternellement en aveugles et de tomber d’écueils en écueils.

Toutes les idées sont à la centralisation. Si donc les agriculteurs ont drs intérêts collectifs à régler, des améliorations à réaliser dans le domaine de leur industrie, à qui doivent-ils s’adresser ? Qui doivent-ils élire? Leurs collègues, des cultivateurs; cela va de soi. Maintenant les comices agricoles iront-ils traiter du l’enseignement et do l’éducation? Non, ils s’occuperont de leur spécialité. A côté d’eux seront les chambres du commerce, de l’instruction publique, etc.

Le parlementarisme, non spécialisé, froissant, à chaque vote, les lois de l’économie sociale et les intérêts du travail, verrait tous les jours ses décrets méconnus, ses erreurs redressées par le bon sens du vulgaire, si le pouvoir exécutif n’était là avec sa force publique et sa magistrature pour comprimer, réprimer et prévenir les résistances.

L’autorité est l’attribut essentiel du pouvoir exécutif. Il est particulièrement chargé de maintenir l’ordre.

Mais le pouvoir exécutif, aussi ignorant que son collègue, le législatif, des lois du travail et de la société, au lieu de chercher les conditions de l’ordre dans le développement progressif et spontané des institutions, dans le libre essor laissé à l’activité humaine, s’imagine que la paix, c’est le silence des tombeaux; que la tranquillité, c’est l’uniformité do l’obéissance et de la servitude.

Aussi tout gouvernement est-il de sa nature hostile au mouvement et réactionnaire. Nous avons vu les constitutionnels proscrits par les absolutistes, les républicains par les constitutionnels, les socialistes par les républicains. Le pouvoir a toujours eu dos amendes pour les inventeurs, des tribunaux et de la prison pour les savants et les philosophes, des embargos pour lo commerce, des monopoles contre le travail, en un mot, des fers pour la liberté. L’homme est forcé do disputer le bien-être et le progrès, non-seulement à la nature, mais encore à l’autorité.

La compression est un danger pour le pouvoir et pour la société. Chaque gouvernement regarde la cause de l’ordre comme inféodée à sa conservation. Aussi tous les fonctionnaires sont-ils des instruments purement passifs aux mains des chefs. Dès qu’ils exécutent leurs ordres, ils sont irréprochables; et s’ils font erreur, ils sont irresponsables. L’impunité est acquise à tous les excès.

Si les choses se passaient dans le gouvernement comme dans l’industrie ; si, par exemple, les argousins de M. le préfet étaient responsables de leurs arrestations, et passibles d’amende chaque fois qu’ils se trompent ; si les procureurs étaient obligés de payer de leurs deniers ses dommages et intérêts aux citoyens qu’ils tout incarcérer illégalement et qu’ils retiennent des mois et des années en prévention, qu’arriverait-il? Que messieurs de l’autorité se montreraient probablement moins brutaux et plus circonspects.

Voilà qui paraîtra monstrueux aux gouvernementalistes, sans doute.

Cependant, à moins do nous résigner à un éternel arbitraire et à un despotisme sons fin, il faudra bien, un jour ou l’autre, punir comme malfaiteurs les officiers, sous-officiers et soldats qui fusillent par méprise, les magistrats et les serges de ville qui font empoigner ou empoignent sans motifs.

La division du travail, c’est-à-dire la séparation des fonctions, aura naturellement pour résultat de créer cette responsabilité. Aujourd’hui, préfets, magistrats, généraux, chefs de division, percepteurs, s’entendent, comme Normands en foire, pour se protéger réciproquement contre les citoyens et s’assurer l’exploitation paisible de la société. Les agent subalternes renvoient toujours la responsabilité de leurs actes aux supérieurs, et les supérieurs ne peuvent être poursuivis sans autorisation du conseil d’Etat. L’impunité est de droit.

Quand, au contraire, l’Etat sera devenu administration, et non plus autorité; quand les élus du suffrage universel auront des attributions déterminées, et non plus un mandat vague, indéfini ; quand les délégués ne seront autres que des gérant responsables ; quand les fonctions publiques, l’instruction, les travaux publics, les finances, seront des spécialités du travail, au même titre que les mines, les chemins de fer, les canaux, l’agriculture, le commerce; qu’entre toutes les variétés de l’activité sociale, il y aura équivalence, au lieu de hiérarchie et de gouvernement, — alors les lois de l’économie seront les mêmes partout, et comme le manœuvrier, le contre-maître, le comptable, sont responsables chacun de leurs œuvres dans l’industrie, ils le seront également dans les administrations actuellement dévolues au pouvoir. Jamais il ne viendra à l’idée d’un syndicat du commerce de protéger les déprédations d’un administrateur de la Banque, ou les dégâts d’un garde des forêts nationales.

Avec le suffrage universel et la division des fonctions, la hiérarchie est impossible : tous les mandats sont équivalons. Les délinquants ne tombent plus sous la juridiction d’un ordre gouvernant supérieur, qui peut, à son gré, les punir, les laisser en repos, ou les récompenser de leurs mauvaises actions; ils deviennent justiciables de la justice populaire.

Le pouvoir appartient au Peuple, et non à ses délégués.

February 4, 1850.

VIII.

OF THE NECESSITY OF APPLYING THE PRINCIPLE OF THE DIVISION OF LABOR AND THAT OF PERSONAL RESPONSIBILITY TO THE FUNCTIONS OF THE STATE.

It follows from our last two chapters, Parliamentarianism and Hierarchy, that governmental waste, in other words despotism and oppression, is based on the violation of two fundamental laws of the economy: the division of labor and individual responsibility.

The legislative power embraces everything in its attributions. While the simple schoolmaster is obliged to produce a certificate of capacity, while the lowest of the gendarmes must know how to issue a ticket, the representative of the People has no proof to provide of his enlightenment.

The National Assembly, even were it composed of the elite of intelligence, would still achieve nothing; because it is impossible for a citizen to manage, in fifty years of study, to know all the subjects on which the representative is called to vote.

Asking that each member of the Assembly speak out on all questions of customs, trade, agriculture, education, finance, right, economics, etc., is as absurd as the idea would be to force each individual to produce by himself everything he consumes: his bread, his wine, his meat, his vegetables, his clthing, his habitation, etc.

Just as work, to be productive, needs to be divided; as it would be ruinous to occupy cooks making clogs, or to employ turners to tan leather; in the same way it is ridiculous and prejudicial to have public works voted on by lawyers, and bank regulations by engineers.

The principle of the division of labor has not been applied to the parliamentary system, — and, although Mr. Louis Blanc calls for the separation of functions of federalism, it will be necessary to achieve this, otherwise we will walk eternally blind and fall into pitfall after pitfall.

All ideas are about centralization. So if farmers have collective interests to resolve, improvements to make in the field of their industry, who should they contact? Who should they elect? Their colleagues, farmers. It goes without saying. Now will the agricultural meetings deal with instruction and education? No, they will focus on their specialty. Alongside them will be the chambers of commerce, of public education, etc.

Parliamentarianism, not specialized, offending, with each vote, the laws of social economy and the interests of labor, would see its decrees ignored every day, its errors corrected by the common sense of the commoners, if the executive power were not there with its public force and its magistracy to suppress, repress and prevent resistance.

Authority is the essential attribute of executive power.

It is particularly responsible for maintaining order. But the executive power, as ignorant as its colleague, the legislative, of the laws of labor and society, instead of seeking the conditions of order in the progressive and spontaneous development of institutions, in the free development left to the human activity, imagines that peace is the silence of tombs; that tranquility is the uniformity of obedience and servitude.

Also every government is by its nature hostile to  movement and reactionary. We have seen the constitutionalists proscribed by the absolutists, the republicans by the constitutionalists, the socialists by the republicans. The power has always had fines for inventors, courts and prison for scientists and philosophers, embargoes for trade, monopolies against labor, in a word, irons for freedom. Man is forced to compete for well-being and progress, not only with nature, but also with authority.

Compression is a danger for power and for society. Each government regards the cause of order as subservient to its preservation. So all civil servants are purely passive instruments in the hands of the bosses. As soon as they carry out their orders, they are blameless; and if they make a mistake, they are irresponsible. Impunity is acquired by all excesses.

If things happened in government as in industry; if, for example, the prefect’s coppers were responsible for their arrests, and liable to a fine each time they made a mistake; If prosecutors were obliged to pay out of their own pockets damages to citizens whom they incarcerate illegally and hold for months and years in custody, what would happen? That gentlemen in authority would probably be less brutal and more circumspect.

This will undoubtedly seem monstrous to the governmentalists.

However, unless we resign ourselves to eternal arbitrariness and a despotism without end, we will have to, one day or another, punish as criminals the officers, non-commissioned officers and soldiers who shoot by mistake, the magistrates and city sergeants who seize or hold without reason.

The division of labor, that is to say the separation of functions, will naturally result in creating this responsibility. Today, prefects, magistrates, generals, division heads, tax collectors, agree, like Normans at a fair, to protect each other against the citizens and ensure the peaceful exploitation of society. Subordinate agents always refer responsibility for their actions to superiors, and superiors cannot be prosecuted without authorization from the Council of State. Impunity is their right.

When, on the contrary, the State has become administration, and no longer authority; when those elected by universal suffrage will have specific responsibilities, and no longer a vague, indefinite mandate; when the delegates will be none other than responsible managers; when public functions, education, public works, finance, will be specialties of labor, in the same way as mines, railways, canals, agriculture, commerce; when between all varieties of social activity, there will be equivalence, instead of hierarchy and government, — then the laws of economics will be the same everywhere, and as the laborer, the foreman, the accountant, are responsible for each of their works in the industry, they will also be responsible in the administrations currently devolved to power. It will never occur to a trade union to protect the depredations of a Bank administrator, or the damage of a national forest ranger.

With universal suffrage and the division of functions, hierarchy is impossible: all mandates are equivalent. Offenders no longer fall under the jurisdiction of a higher governing order, which can, at its pleasure, punish them, leave them alone or reward them for their evil actions; they become subject to popular justice.

Power belongs to the People, not to their delegates.

IX.

DÉMEMBREMENT DE L’ÉTAT.

Nous appelons anarchie, liberté, abolition du gouvernement, « la restitution à la société des attributions du pouvoir. »

Nos lecteurs ont déjà compris le besoin d’abolir l’oppression et le parasitisme. Toutefois, nous sommes tellement habitués à la tyrannie, que nous ne pouvons concevoir l’ordre sans les mouchards, les gendarmes, les procureurs et les juges. Nous réserverons pour lu fin de notre analyse la police et la justice, et nous commencerons notre critique par les monstruosités les plus saisissables du système gouvernemental.

Le pouvoir s’est adjugé divers monopoles, tels que le transport des correspondances, la fabrication des poudres, du sel, des tabacs, des monnaies. Il entreprend, concurremment avec les particuliers. toutes sortes de travaux : terrassements, maçonnerie, messagerie, plantations, impressions. etc. Il a des manufactures de porcelaines, de tapis, de verreries. Il est propriétaire de musées, de palais, de jardins, de forêts, de parcs, de haras, de bibliothèques.

Or, je vous le demande, quel rapport y a-t-il entre l’exercice d’une profession quelconque et l’autorité? Pourquoi telle industrie est-elle aux mains de l’Etat plutôt que telle autre? Il est impossible d’en donner une raison acceptable.

L’espionnage, le despotisme et la spoliation caractérisent spécialement les entreprises par l’Etat. Ainsi, tandis que la distribution des lettres, des imprimés, des journaux, se fait dans Paris, par l’industrie, au prix de 1 centime, la poste s’en fait payer là.

Le pouvoir arrête les correspondances, brise les cachets, fouille les lettres, séquestre les feuilles qui ne lui conviennent pas, s’empare, dans un intérêt de police, des secrets et de la propriété dis particuliers, reçoit l’argent des expéditionnaires et n’expédie pas ; tout cela impunément et sans qu’il soit possible de réclamer ni de se servir d’une autre voie de communication, — sous peine d’amende.

Les consommateurs savent ce que leur coûtent le» poudres, les sels et les tabacs du gouvernement. Donc, à bas les monopoles de l’Etat !

Les travaux que l’Etat exécute, sans privilège, lui reviennent plus cher qu’ils ne rapportent. Il a tout bénéfice à les donner en adjudication aux entrepreneurs.

La conservation des monuments publics, l’administration des domaine, la régie des fortes sont bine source inépuisable d’abus et de déprédations. Les agent du pouvoir, qui ne font que passer d’une fonction publique à une autre, qui ne sont jamais sûrs d’être en place le lendemain, songent d’abord à faire leurs affaires ; aussi les bibliothèques bout pillées, les musées dépouillés, les forêts dévastées. Lorsque les dégâts sont considérables et par trop scandaleux, le pouvoir se décide à poursuivre. Mais le plus souvent l’impunité est de droit.

Enlevons à l’Etat ses monopoles; interdisons-lui toute entreprise agricole, commerciale et manufacturière. Remettons à de» hommes spéciaux, vous la surveillance des municipalités et des conseils départementaux, l’administration des propriétés nationales. Laissons l’exécution des travaux publics aux associations libres des terrassiers, des maçons, des laveurs, des charpentiers, etc. Qu’est-il besoin de recevoir l’investiture du ministre pour distribuer des lettres, percer une tranchée, combler un vallon, fabriquer de la poudre, imprimer des livres, etc.?

L’Etat nomme les évêques et subventionne le clergé : Mensonge au suffrage universel. Abandonnons aux communes le soin de choisir leurs prêtres et de pourvoir à leur entretien. Laissons les curés se donner des chefs, s’ils pensent eu avoir besoin. Cavaignac, le général africain, a fait des nominations d’archevêques : si un archevêque devenait président de la République, nous le verrions nommer des généraux. Nous ne pourrions assister longtemps a pareille comédie sans pouffer de rire. Et toute institution tombe à plat devant le ridicule.

L’Etat a mis la main sur l’instruction. Nul ne peut ouvrir une école, s’il n’est autorisé, examiné, diplômé par le pouvoir. Les méthodes d’enseignement, les programmes historiques, philosophiques. scientifiques, littéraires sont rédigés sous la dictée du ministre; les professeurs n’ont qu’à prendre le mot d’ordre, comme les soldats, et à le suivre de point en point.

Afin de contraindre tous les jeunes gens de France à se parquer dans son programme, l’Etat a décidé que le titre de bachelier serait exigé pour certaines professions libérales. A celui qui veut exercer la médecine, ou la pharmacie, entrer dans le génie ou le barreau, le gouvernement commence par demander :

— Savez-vous le latin et le grec? Si vous ne savez ni le grec ni le latin, je vous défends de soigner les malades, de vendre des pilules, de plaider devant les tribunaux, de diriger une exploitation de mines. Retournez au collège, et, après neuf ans passés sur le latin et le grec, dont vous ne vous servirez jamais, si je vous trouve capable, je vous donnerai un diplôme qui vous permettra de commencer vos éludes sérieuses sur le droit, la médecine, la chimie, la physique, les mathématiques. O intelligence du pouvoir!

Il dépend du ministre de changer les programmes d’examen. Sous Louis-Philippe, quiconque ne philosophait pas comme M. Cousin était déclare indigne. Viennent Montalembert et M. Parisis, nul ne sera reçu qu’à la condition de savoir à fond le catéchisme, l’histoire de Loriquet et la philosophie de Joseph fe Maisttr. Puis sous Louis Blanc, on exigera des candidats qu’ils répondent à toutes les questions du catéchisme socialiste. S’ils se prononcent contre le dogme : Ile chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins; s’ils blasphèment contre le communisme, ils seront juges inadmissibles.

Mais, objectera-t-on, qui constatera la capacité des professeurs ? — Les pareils des élèves. Devant la concurrence, les ignorants seront bientôt forcés de fermer boutique.

Qui indiquera les meilleures méthodes ? —L’expérience et la liberté.

Qui surveillera la moralité de» maîtres et la bonne direction des études? — Les parents, les habitons de la localité, vous et moi, les conseils municipaux.

Et si l’instituteur se rend coupable de quelque méfait… — Comme tous les délinquants et tous les coupables, il sera justiciable des tribunaux ordinaires.

Mais ne faut-il pas une organisation quelconque de l’enseignement ?—Si les professeurs et les savons éprouvent le besoin «le se réunir, de s’entendre, de se concerter, de s’associer, — ce qui est probable, — ils le feront par eux-mêmes. Et, sans contredit, les associations libres et volontaires ne nous feront pas regretter l’Académie et l’Institut.

Donc, à bas les jésuites! à bas l’Université ! à bas l’Etat enseignant !

Le ministère du commune et de l’agriculture est le plus démocratique do tous; car il n’exerce aucune pression, aucune influence sur l’agriculture et le commerce. Le jour où un ministre de ce département voudra faire acte d’autorité, on s’apercevra qu’il est de trop, et il faudra en conspirer l’abolition. Tel qu’il est aujourd’hui, qu’on le supprime, on gagnera quelques millions d’économie au budget ; les commerçants et les agriculteurs, complètement indépendant de l’Etat, n’y perdront rien.

En résumé, nous demandons la mise en liberté de tous les fonctionnaires. Nous voulons que les prêtres, les rabbins, les pasteurs, les maîtres d’école, les professeurs, les ingénieurs, les ouvriers employés aux travaux publies, soient dans les mêmes conditions d’indépendance que tous les autres travailleurs; qu’ils ne forment pas une caste à part, inféodée au chef du gouvernement et manoeuvrant à sa discrétion. Les cultes, l’enseignement et l’exécution des travaux d’utilité générale sont des spécialités du travail social, au même titre que l’ébénisterie, la médecine, l’architecture et la mécanique.

Ainsi, sur les neuf ministères dont se compose la machine gouvernementale, trois nous semblent pouvoir aire supprimés immédiatement sans encombre : le ministère du commerce, le ministère des travaux publies, le ministère de l’instruction et des cultes.

Toutes les industries rangées dans les attributions des ministères de l’intérieur, de la guerre, de la marine, des finances. comme l’imprimerie nationale, les manufactures de Beauvais, de Sèvres, des Gobelins, les manutentions militaires, les fabriques d’armes, les constructions de navires, les arsenaux, les postes, les tabacs; les sels, toutes ces spécialités professionnelles, plus dispendieuses quand elles sont exercées par l’Etat que lorsqu’elles sont libres, doivent rentrer dans le droit commun et s’exercer dans les mêmes conditions que l’agriculture et le commerce. Il n’est pas plus besoin d’être fonctionnaire public pour confectionner les vêtements des soldats que pour faire ceux des particuliers.

Sur les six ministères restants trois ont pour but d’assurer la nation contre les entreprises de l’étranger; ce sont la guerre, la marine et les affaires étrangères. Deux, l’intérieur et la justice, sont institués pour garantir l’ordre et la sécurité chez nous. Dans un prochain article nous nous occuperons des moyens de les transformer, de telle manière que l’oppression soit impossible.

February 11, 1850.

IX.

DISMEMBERMENT OF THE STATE.

We call anarchy, liberty, abolition of government, “the restitution to society of the attributions of power.”

Our readers have already understood the need to abolish oppression and parasitism. However, we are so accustomed to tyranny that we cannot conceive of order without snitches, gendarmes, prosecutors and judges. We will reserve the police and justice for the end of our analysis, and we will begin our criticism with the most graspable monstrosities of the governmental system.

The government has awarded itself various monopolies, such as the transport of correspondence, the manufacture of gunpowder, salt, tobacco, and coins. It undertakes, concurrently with individuals. all kinds of labor: earthworks, masonry, messaging, plantations, printing. etc. It has porcelain, carpet and glass factories. It owns museums, palaces, gardens, forests, parks, stud farms, libraries.

Now, I ask you, what relationship is there between the exercise of any profession and authority? Why is this industry in the hands of the State rather than other hands? It is impossible to give an acceptable reason for this.

Espionage, despotism and dispossession especially characterize state enterprises. Thus, while the distribution of letters, printed matter, newspapers, is done in Paris, by industry, at the price of 1 centime, the post office charges it there.

The power stops correspondence, breaks seals, searches letters, sequesters papers that do not suit it, seizes, in police interest, secrets and private property, receives money from forwarding agents and does not ship; all this with impunity and without it being possible to request or use another means of communication — under penalty of a fine.

Consumers know what the government’s powders, salts and tobacco cost them. So, down with state monopolies!

The works that the State carries out, without privilege, costs it more than it brings in. It is entirely beneficial to give them out to tender to entrepreneurs.

The conservation of public monuments, the administration of estates, the management of forts are an inexhaustible source of abuse and depredation. The agents of power, who only move from one public function to another, who are never sure of being in place the next day, first think about doing their business; so the libraries are pillaged, the museums stripped, the forests devastated. When the damage is considerable and too scandalous, those in power decide to pursue the case. But most often impunity is by right.

Let’s take away the State’s monopolies; let us prohibit all agricultural, commercial and manufacturing businesses. Let us entrust to special men the supervision of municipalities and departmental councils, the administration of national properties. Let us leave the execution of public works to the free associations of excavators, masons, washers, carpenters, etc. What is the need to receive the minister’s inauguration to distribute letters, dig a trench, fill a valley, make gunpowder, print books, etc.?

The State appoints bishops and subsidizes the clergy: Lie about universal suffrage. Let us leave to the communes the task of choosing their priests and providing for their maintenance. Let the priests give themselves leaders, if they think they need them. Cavaignac, the African general, made appointments of archbishops: if an archbishop became president of the Republic, we would see him appoint generals. We could not watch such a comedy for long without bursting into laughter. And every institution falls flat in the face of ridicule.

The State has taken control of education. No one can open a school unless they are authorized, examined and qualified by those in power. Teaching methods, historical and philosophical, scientific and literary programs are written under the dictation of the minister; the teachers just have to take the watchword, like the soldiers, and follow it from point to point.

In order to force all young people in France to join its program, the State has decided that the baccalaureate title would be required for certain liberal professions. To anyone who wants to practice medicine or pharmacy, enter engineering or the bar, the government begins by asking:

— Do you know Latin and Greek? If you don’t know Greek or Latin, I forbid you from treating the sick, selling pills, pleading before the courts, or running a mine. Return to college, and, after nine years spent on Latin and Greek, which you will never use, if I find you capable, I will give you a diploma that will allow you to begin your serious studies, on law, medicine, chemistry, physics, mathematics. Oh, the intelligence of the power!

It is up to the minister to change the examination programs. Under Louis-Philippe, anyone who did not philosophize like Mr. Cousin was declared unworthy. Come Montalembert and M. Parisis, no one will be accepted unless they know the catechism thoroughly, the history of Loriquet and the philosophy of Joseph de Maistre. Then under Louis Blanc, candidates will be required to answer all the questions in the socialist catechism. If they decide against dogma: To each according to their strengths, to each according to their needs; if they blaspheme against communism, they will be considered inadmissible.

But, it may be objected, who will assess the capacity of the teachers? — The same as the students. Faced with competition, the ignorant will soon be forced to close shop.

What will indicate the best methods? — Experience and liberty.

Who will supervise the morality of teachers and the good direction of studies? — Parents, local residents, you and me, municipal councils.

And if the teacher is guilty of some misdeed… — Like all delinquents and all guilty people, he will be liable to the ordinary courts.

But is there not a need for some sort of organization of teaching? — If teachers and students feel the need to come together, to agree, to consult, to associate, — which is probable, — they will do it on their own. And, without doubt, free and voluntary associations will not make us regret the Academy and the Institute.

So, down with the Jesuits! Down with the University! Down with the teaching state!

The Ministry of Commune and Agriculture is the most democratic of all, because it exerts no pressure, no influence on agriculture and trade. The day a minister of this department wants to exercise authority, we will realize that it is too much, and we will have to conspire to abolish it. As it is today, let us eliminate it, and we will gain a few million savings in the budget; traders and farmers, completely independent of the State, will lose nothing.

In summary, we demand the release of all civil servants. We want priests, rabbis, pastors, schoolmasters, professors, engineers and workers employed in public works to be in the same conditions of independence as all other workers; that they do not form a separate caste, subservient to the head of government and maneuvering at his discretion. Worship, teaching and the execution of works of general utility are specialties of social work, in the same way as cabinetmaking, medicine, architecture and mechanics.

Thus, of the nine ministries that make up the government machine, three seem to us to be able to be abolished immediately without hindrance: the ministry of commerce, the ministry of public works, the ministry of education and religion.

All industries fall under the remit of the ministries of the interior, war, navy and finance, — such as the national printing press, the factories of Beauvais, Sèvres, Gobelins, military handling, arms factories, shipbuilding, arsenals, posts, tobacco, salts, all these professional specialties, more expensive when they are exercised by the State than when they are free, — must come under common right and be exercised under the same conditions as agriculture and commerce. You no more need to be a public servant to make soldiers’ clothes than to make those of private individuals.

Of the six remaining ministries, three aim to insure the nation against foreign enterprises: these are war, navy and foreign affairs. Two, interior and justice, are established to guarantee order and security at home. In a future article we will deal with ways to transform them, so that oppression is impossible.

IX.

DÉMEMBREMENT DE L’ÉTAT. (Suite.)

Sans les malfaiteurs, la police et la magistrature n’auraient pas de raison d’être. Les professions de sergent de ville, de commissaire, de juge, et de gendarme, sont intimement liées à celles d’escroc, de voleur, de receleur et d’assassin. C’est une nouvelle face de l’antagonisme social. Les premiers ont pour mission de nous débarrasser des seconds. Ils sont donc généralement acceptés à ce titre, comme des fonctionnaires d’utilité publique.

Cependant, comme toutes les comptabilités doivent se résumer en une balance de l’actif et du passif, des profits et des pertes, il ne serait pas sans intérêt, pour la statistique et pour les contribuables de calculer si la justice et la police ne coûtent pas plus qu’elles ne rapportent.

Expliquons-nous. Les magistrats et les mouchards, de même que les larrons, vivent aux dépens de la société : les uns par l’impôt librement soldé, les autres par des contributions forcées. Lesquels sont les plus coûteux?

Sans contredit, le chiffre des vols annuels n’atteint jamais le tiers du budget de l’intérieur et de la justice. En sorte que nous aurions plus de bénéfice à indemniser les spoliés purement et simplement qu’à poursuivre, par les moyens actuellement en usage, les spoliateurs.

— Mais, direz-vous, s’il n’y avait pas une répression sévère, le nombre des attentats croîtrait à l’infini.

— Ce n’est pas rigoureusement prouvé. Dans notre société, la profession de voleur est presque un élut normal. Le corps d’armée des repris de justice se recrute, à fort peu d’exceptions près, d’une manière uniforme. L’enfant, obligé de gagner sa vie, qui n’a ni parents, ni ressources, ni travail, dérobe. Une fois le premier pas fait, il est impossible de rentrer dans le droit chemin. Il faut manger avant tout ; et dès que l’on a mis la main dans la poche de son voisin, on n’a plus l’héroïsme de se laisser périr d’inanition.

La société des coquins est organisée sur le type do la nôtre. — Nous en pouvons parler avec quelque connaissance : les loisirs que la justice politique nous fait au milieu d’eux nous ont mis à même d’étudier la matière. — Elle a ses capitalistes, ses négociants. ses mouchards: les gros mangent les petits, et les petits détestent les gros ; au détail, ses prolétaires et ses meurt-de-faim, comme chez nous.

Elle a aussi ses fonctionnaires publics, objet do toute la sollicitude de l’autorité; ce sont les moutons, les dérateurs. Ils sont les maîtres dans toutes les prisons. Ainsi, un voleur célèbre, qui reste à Sainte-Pélagie, quoique condamné à dix ans de détention pour vols, jouissant, grâce à ses délations, d’une place qui lui rapporte de 80 à 100 francs par mois, frappa, il y a quelque temps, un do ses compagnons de captivité de doux coups de couteau. Huit jours de cachot ont été jusqu’ici sa seule punition. — Proudhon, pour un article de journal, a eu huit jours de secret, et, de plus, passera aux assises. Toute la moralité de la police et de la justice est dans ce rapprochement.

Nous accusera-t-on maintenant d’exagérer en avançant que, sans la police, il n’y aurait pas d’attentats contre la société ? C’est pourtant là une proposition sérieuse, à laquelle nous croyons fermement, et nous ne désespérons pas de faire passer une partie de notre conviction dans l’esprit de nos lecteurs.

Là misère, disons-nous, est l’apprentissage du crime. La misère vient du chômage, le chômage naît de l’impossibilité pour l’ouvrier de racheter son produit avec son salaire.

Pourquoi l’ouvrier ne peut-il racheter son produit? Parce qu’il s’exerce sur son travail deux sortes de prélèvements : l’un au bénéfice du capitaliste, l’autre au profit du gouvernement. Diminution d’impôts est synonyme d’aisance. Réduire lu budget, c’est-à-dire supprimer une foule de fonctions inutiles, ce serait, — en attendant le crédit gratuit, — restreindre la misère et amoindrir la criminalité.

— Mais les fonctions de police sont de première nécessité, objectera-t-on.

— Jamais, répondrons-nous nous n’avons joui de plus de sécurité qu’au lendemain d’une victoire populaire, alors que toutes les autorités étaient sur le chemin de l’exil ou au fond de leurs caves. Rappelez vous 1830 et 1848. Aussi, les filous n’aiment pas les révolutionnaires : ils ne sont pas moins conservateurs que les banquiers. « Nous ne pouvons rien faire en temps de révolution, disent-ils. Nous n’osons pas seulement nous montrer. »— Ils ne peuvent travailler que lorsque la confiance est bien établie. Et pour eux, comme pour le financier, l’emblème de la confiance, c’est la tricorne du municipal.

— Qui veillera à la tranquillité publique, quand nous n’aurons plus d’espions à nos trousses ?

— Vous et moi, la garde nationale. 409,000 citoyens armés sont, je suppose, pour Paris, une plus sérieuse garantie que 4.000 argousins de la rue de Jérusalem. Et quand tous les paysans seront organisés dans chaque commune, qu’auront-ils besoin des gendarmes pour se garer des malfaiteurs ? Un fait faire à la garde civique un ridicule service de parade. Qu’elle ait à l’avenir un rôle pour tout de bon. Dès aujourd’hui, d’ailleurs, les simples citoyens font bien autant d’arrestations de criminels que les serges de ville.

Il est vrai que sans la police, nous n’aurions fias d’assommades politiques : les faiseurs d’ordre de la préfecture seraient en valence. Mais le Peuple s’en consolerait aisément.

— Cependant, si le crime ne doit pas disparaître absolument de la terre, il faudra bien des tribunaux pour juger les malfaiteurs. Quels seront les juges?

— Vous et moi : le jury.

La justice se divise en deux parties : la justice civile et la justice criminelle. La première a pour but do régler les différends entre les particuliers. Le juge lait, en ce ras, fonction d’arbitre. Or, le meilleur arbitrage est celui que se choisissent les plaideurs eux-mêmes. Aussi les tribunaux les mieux organisés et les plus populaires sont-ils les prud’hommes. Les tribunaux do commerce émanent du même principe.

La justice criminelle, instituée pour la répression des crimes et délais, s’exerce déjà, pour une forte part, par les citoyens, par le jury.

Il y a cette différence entre les mitiges civils et les juges criminels, que les premiers, ayant à se prononcer sur des questions spéciales, de salaire. de propriété, de commerce, doivent offrir aux plaideurs des garanties de capacité, et par conséquent, être élus par leurs pairs pour un temps donné ; tandis que les seconds, n’ayant à se prononcer que sur une question de morale générale, doivent être pris indistinctement et à tour de rôle parmi tous les citoyens dont la probité n’a souffert aucune atteinte.

Le jury à tous les degrés, les prud’hommes pour tous les litiges entre citoyens, pour l’agriculture aussi bien que pour l’industrie, ce serait, avec les tribunaux de commerce, la suppression radicale de la magistrature, c’est-à-dire la désorganisation du pouvoir et de la tyrannie, l’organisation de l’ordre et do la liberté. Est-ce une utopie ?

Il nous semble suffisamment démontré que les a gens de police et les magistrats peuvent, avec grands bénéfices pour la sécurité générale et le budget, être remplacés par les citoyens.

Or, lorsque le gouvernement ne disposera plus de l’enseignement par l’Université, des consciences par le clergé; lorsqu’il n’aura plus aucune action sur les ouvriers aujourd’hui employés aux travaux public?; qu’il n’aura, ni juges, ni procureurs, ni gendarmes, ni mouchards à sa dévotion; qu’il se trouvera en face des citoyens armés et ‘organisés pour le maintien de leurs droits, je le demande, où sera l’Etat? Partout et nulle part. Qui fera acte d’autorité? Tout le monde et personne. Voilà ce que nous appelons l’anarchie. Qu’y a-t-il là de si effrayant et de si déraisonnable?

Reste la question de sécurité extérieure. « Tant qu’il y aura dos cosaques, il faudra des armées permanentes. » C’est l’opinion le plus généralement accréditée, et nous no venons pas la contredire. Seulement, ce n’est pas 403,000 hommes qui doivent se tenir prêts à marcher à la défense do la patrie, mais bien 10 millions. Plus de conscription ; tout homme valide, en cas d’invasion, est susceptible d’être appelé sous les drapeaux.

Mais est-il bien nécessaire, pour former un bon soldat, d’envoyer le Gascon en Lorraine, et le Breton en Provence? Ne pourrait-on se dispenser de mettre tes conscrits en caserne, de les soumettre au régime abrutissant d’une discipline qui a pour but de réduire l’homme à l’état de machine ?

Le soldat, tel que l’a fait le régime impérial et royal, n’est qu’un janissaire du despotisme : il ne connaît ni frères, ni alliés, ni ennemis, ni patrie ; il ne sait que sa consigne : quand on lui dit : Tire, il tue. Est-ce là le soldat de la liberté, le défenseur enthousiaste du sol natal, le guerrier qui fait des prodiges? Malheur à nous, si le jour où l’étranger mettra le pied-sur la France, il n’a, pour lui résister, que les troupes élevées à l’école des Bugeaud et des Changarnier ¡

Plus de garnisons en temps de paix, plus d’armées permanentes, plus de budget de la guerre, plus de ministère de la marine ; mais des gardes nationales sédentaires et des gardes mobilisées ; des citoyens et pas de soldats.

Qu’est-ce donc enfin que l’impôt et le gouvernement? C’est ce que nous rechercherons dans un prochain article.—Si MM. les procureurs veulent bien nous laisser vivre quelque temps encore.

February 24, 1850.

IX.

DISMEMBERMENT OF THE STATE. (Continued.)

Without the criminals, the police and the judiciary would have no reason to exist. The professions of town sergeant, commissioner, judge, and gendarme are closely linked to those of crook, thief, fence and assassin. It is a new face of social antagonism. The former’s mission is to rid us of the latter. They are therefore generally accepted in this capacity, as public servants.

However, as all accounting must be summarized as a balance of assets and liabilities, profits and losses, it would not be without interest, for statistics and for taxpayers, to calculate whether justice and the police do not cost no more than they bring in.

Let’s explain. Magistrates and snitches, as well as thieves, live at the expense of society: some through freely paid taxes, others through forced contributions. Which are the most expensive?

Without doubt, the figure for annual thefts never reaches a third of the interior and justice budget. So that we would have more benefit from compensating the spoliated purely and simply than from pursuing the spoliators, using the means currently in use.

— But, you will say, if there were not severe repression, the number of attacks would grow infinitely.

— This is not rigorously proven. In our society, the profession of thief is almost a normal choice. The army of convicts is recruited, with very few exceptions, in a uniform manner. The child, obliged to earn his living, who has neither parents, nor resources, nor work, steals. Once the first step is taken, it is impossible to get back on the right path. You must eat first; and as soon as we put our hand in our neighbor’s pocket, we no longer have the heroism to let ourselves perish from starvation.

The society of rascals is organized along the same lines as our own. — We can speak about it with some knowledge: the leisure that political justice gives us among them has put us in a position to study the matter. — It has its capitalists, its merchants, its snitches: the big ones eat the small ones, and the small ones hate the big ones; at retail, its proletarians and its starving people, like with us.

It also has its public officials, the object of all the solicitude of the authority; they are the sheep, the informers. They are the masters in all the prisons. Thus, a famous thief, who remains in Sainte-Pélagie, although sentenced to ten years of detention for theft, enjoying, thanks to his denunciations, a position that brings him 80 to 100 francs per month, struck, some time ago, one did his fellow prisoners with gentle stab wounds. Eight days in prison have been his only punishment so far. — Proudhon, for a newspaper article, had eight days of solitary confinement, and, moreover, will appear in court. All the morality of the police and justice lies in this rapprochement.

Will we now be accused of exaggerating by arguing that, without the police, there would be no attacks against society? However, this is a serious proposition, in which we firmly believe, and we do not despair of conveying part of our conviction to the minds of our readers. There poverty, we say, is the learning of crime.

Poverty comes from unemployment, unemployment arises from the impossibility for the worker to buy back his product with his salary.

Why can’t the worker buy back his product? Because there are two kinds of levies on his labor: one for the benefit of the capitalist, the other for the benefit of the government. Lower taxes equal wealth. Reducing the budget, that is to say eliminating a host of useless functions, would be, while waiting for free credit, to restrict poverty and reduce crime.

— But police functions are essential, people will object.

— Never, we will answer, have we enjoyed more security than the day after a popular victory, when all the authorities were on the road to exile or in the depths of their cellars. Remember 1830 and 1848. Also, the thieves don’t like revolutionaries: they are no less conservative than the bankers. “We can’t do anything in times of revolution,” they say. “We don’t just dare to show off.” — They can only work when trust is well established. And for them, as for the financier, the emblem of trust is the municipal tricorn.

— Who will ensure public peace when we no longer have spies chasing us?

— You and me, the National Guard. 409,000 armed citizens are, I suppose, for Paris, a more serious guarantee than 4,000 coppers from the Rue de Jerusalem. And when all the peasants are organized in each commune, what will they need from the police to guard against criminals? We turn the civil guard into a ridiculous parade service. May it have a role for good in the future. These days, moreover, ordinary citizens make as many arrests of criminals as city sergeants.

It is true that without the police, we would not have had any political attacks: the order-makers at the prefecture would be in exile. But the People would easily console themselves.

— However, if crime is not to absolutely disappear from the earth, there will need to be many courts to judge the criminals. Who will be the judges?

— You and me: the jury.

Justice is divided into two parts: civil justice and criminal justice. The first aims to resolve disputes between individuals. The judge has, in this sense, the function of arbiter. However, the best arbitration is the one chosen by the litigants themselves. Also the best organized and most popular courts are the industrial tribunals. Commercial courts emanate from the same principle.

Criminal justice, established for the repression of crimes and delays, is already exercised, to a large extent, by citizens, by the jury.

There is this difference between civil disputes and criminal judges, that the former, having to rule on special questions, of salary, of property, of commerce, must offer litigants guarantees of capacity and, consequently, be elected by their peers for a given time; while the latter, having to decide only on a question of general morality, must be taken indiscriminately and in turn from all the citizens whose probity has not suffered any attack.

The jury at all levels, the industrial tribunals for all disputes between citizens, for agriculture as well as for industry, would be, with the commercial courts, the radical suppression of the judiciary, that is to say the disorganization of power and tyranny, the organization of order and freedom. Is this a utopia?

It seems to us to be sufficiently demonstrated that police officers and magistrates can, with great benefits for general security and the budget, be replaced by citizens.

Now, when the government no longer disposes of education through the University, conscience through the clergy; when it will no longer have any action on the workers currently employed in public works; when it will have neither judges, nor prosecutors, nor gendarmes, nor snitches devoted to it; when it will find himself facing citizens armed and organized to maintain their rights, I ask, where will the State be? Everywhere and nowhere. Who will exercise authority? Everyone and no one. This is what we call anarchy. What is so frightening and so unreasonable about this?

There remains the question of external security. “As long as there are Cossacks, we will need standing armies.” This is the most generally accepted opinion, and we do not come to contradict it. However, it is not 403,000 men who must be ready to march in defense of the homeland, but 10 million. No more conscription; any able-bodied man, in the event of an invasion, is likely to be called up under the flag.

But is it really necessary, to train a good soldier, to send the Gascon to Lorraine, and the Breton to Provence? Could we not avoid putting conscripts in barracks, subjecting them to the stupefying regime of a discipline whose aim is to reduce man to the state of a machine?

The soldier, as the imperial and royal regime has made him, is only a janissary of despotism: he knows neither brothers, nor allies, nor enemies, nor homeland; he only knows his instructions. When we tell him: Shoot, he kills. Is this the soldier of liberty, the enthusiastic defender of his native soil, the warrior who works wonders? Woe to us, if the day the foreigner sets foot on France, he has, to resist him, only the troops trained in the school of Bugeaud and Changarnier!

No more garrisons in peacetime, no more standing armies, no more war budget, no more ministry of the navy; but sedentary national guards and mobilized guards; citizens and not soldiers. So what are taxes and government? This is what we will look for in a future article — if MM. the prosecutors are willing to let us live for a while longer.

X.

QU’EST-CE QUE LE GOUVERNEMENT? — QU’EST-CE QUE L’IMPOT? — ORGANISATION DU SUFFRAGE UNIVERSEL.

Le gouvernement est une administration d’assurance mutuelle entre les citoyens;

L’impôt est la prime payée par l’assuré.

Nous sommes tous exposés à une série de sinistres dont il n’est pas eu notre pouvoir de nous i réserver, tels que l’incendie, l’inondation, la grêle, les faillites, les naufrages, la mortalité des bestiaux, la caducité.

Tous nous avons besoin de sécurité, de liberté, d’instruction, — d’établissements publics dont l’usage est nécessairement commun, tels que mairies, écoles, routes, canaux, ponts, chemins de fer, bibliothèques, musées, etc.

L’assurance générale de la société doit donc être instituée dans un double but : 1° Contre les risques de force majeure ; 2° pour la création d’institutions indispensables à la prospérité d’un pays.

Les idées de solidarité ont profondément pénétré les masses : aussi n’insisterons-nous pas longtemps sur la nécessité et l’équité de l’assurance.

L’homme qui entre dans la vie active ne sait rien de ce que lui réserve l’avenir. Peut-être arrivera-t-il sans encombre au terme de son existence. Mais si un accident imprévu vient lui enlever ses moyens de travail, si une maladie paralyse ses membres, qui le secourra? — La société, c’est-à-dire les ouvriers valides. Mais pour avoir des droits à une indemnité en cas de porte, il faut prendre l’engagement de payer sa quote-part à la caisse commune quand on est en gain.

Ce n’est pas seulement là un devoir de fraternité; c’est une loi d’intérêt gémirai. Quand un incendie emporte tout un quartier, qu’une inondation ravage trois ou quatre cents lieues de côtes, la source d’une immense production se trouve tout à coup tarie. Les victimes du fléau, ne produisant plus, cessent d’acheter. Un débordé considérable est enlevé au commerce. Or, la richesse, c’est la circulation et l’échange; la stagnation, c’est la mort. La réparation du sinistre est d’utilité publique. Il faut que tous consentent à supporter leur part des dommages, sous peine de se voir à leur tour, et par contrecoup, frappés de paralysie.

Par la même raison, un pays sans voies de communication ne peut ni exporter ses denrées, ni importer les produits des autres contrées. Des départements du Midi sont embarrassés de leurs vins; ceux du Nord n’en sauraient avoir qu’à drs prix exorbitants. Aussi les routes, les canaux, les chemins de fer sont-ils d’utilité générale.

Nous n’avons pas besoin de donner plus do développements à cette thèse ; elle est universellement acclamée.

La prime d’assurance ou l’impôt est nécessairement proportionnelle : celui qui a plus, doit plus; celui qui n’a rien, ou ne fait rien, est insolvable.

L’impôt ne peut puiser qu’à la source de la richesse; or, toute richesse vient du travail exclusivement. L’impôt multiforme ne fait que tirer deux fois au même tonneau. L’impôt unique est le seul rationnel.

Avec la centralisation des banques et le crédit organisé, le meilleur mode do perception de l’impôt, celui qui ne coûte rien, c’est l’escompte. Toutes les valeurs venant chercher à la Banque leur signe d’échange, leur bon de circulation, sont imposées de 2 ou 3 pour 100. Le même fonctionnaire fait à la lois le service de commis banquier et celui de receveur drs contributions.

En attendant l’impôt de circulation, le plus simple et le plus facile à établir et à percevoir, c’est l’impôt sur le capital.

Tout impôt unique et rigoureusement proportionnel est équitable. Il importe peu qu’il soit versé au trésor par Pierre ou par Jacques. La valeur d’un produit est la somme de ce qu’il a coûté de temps et de dépenses. Dans le prix de vente se trouve compris le prélèvement du fisc. Ainsi l’ouvrier parisien qui boit 200 litres de vin dans son année paie 40 francs de contributions pour cette seule consommation, bien qu’il ne soit pas inscrit au rôle. L’impôt se trouve naturellement et également réparti sur les acheteurs; et pour s’y soustraire, il faudrait s’abstenir de consommer.

Maintenant que nous connaissons les ressources de l’assurance mutuelle, cherchons comment elle doit être administrée. Pour cela, nous allons reprendre notre analyse.

POUVOIR EXÉCUTIF. — La base de toute organisation, c’est la comptabilité. Le teneur de livres et le caissier sont le pivot sur lequel roule toute la machine. Leurs fonctions sont très simples : tenir une note exacte des recettes et des dépenses; solder les mémoires et payer les indemnités à qui de droit. Voilà tout le pouvoir exécutif.

SINISTRES. — L’estimation des pertes éprouvées par les assurés, et l’évaluation des dommages-intérêts, se fixent ou à l’amiable ou par arbitres choisis tant par les réclamons que par l’administration d’assurances. La pension de retraite est de droit à l’âge fixé par l’Assemblée nationale, ou en cas d’incapacité constatée.

SÉCURITÉ. — 1° Force publique. — Tout citoyen valide doit le service de la garde nationale. Quiconque refuse de veiller à son tour à la tranquillité générale n’a point à prétendre à la protection de la sociale. Il est déchu de ses droits civils et politiques, exclu des avantages de l’association. Pour que l’institution soit sérieuses, les jeunes gens, au lieu de partir pour les garnisons des villes, devront s’exercer, dans la commune, au maniement des armes, dans le canton, aux manoeuvres d’ensemble. En cas de guerre, tous les célibataires sent susceptibles d’être appelés à la frontière, par un décret de l’Assemblée nationale. Les chefs sont nommés à l’élection.

2° Justice criminelle. — Tous les crimes et délits sont justiciables du jury. Le précèdent chargé de diriger les débats, l’accusateur public et les juges instructeurs, sont nommés par le suffrage des citoyens compris dans la circonscription judiciaire. Chaque électeur est juré et appelé à siéger à tour de rôle.

3° Justice civile. — Les juges de paix et les tribunaux civils sont remplacés par les prud’hommes, les tribunaux de commerce et les conseils de famille. Dans le rassorti d’une même juridiction. tous les commerçants élisent leurs juges ; les ouvriers de chaque catégorie industrielle nomment leurs prud’hommes: les habitants d’une même commune ou d’un même quartier choisissent leur conseil de famille. Le conseil de famille fait office de juge de paix; l’un des membres remplace le commissaire de police dans les localités où cette fonction est jugée nécessaire. La justice est gratuite. Le plaideur de mauvaise foi peut être condamné à l’amende. L’exécution des jugements est confiée à la diligence d’un huissier nommé par le tribunal.

Ainsi partout l’action personnelle dos citoyens, ou le suffrage universel.

INSTRUCTION. — Tout individu qui n’a pas subi une condamnation infamante a le droit d’ouvrir un cours ou une école. Les parents peuvent choisir tel professeur qui leur convient. La moralité de renseignement est placée sous la surveillance des habitants de la commune et du conseil municipal en particulier. Les outrages à la morale doivent être dénoncés à l’accusateur public ; ils sont justiciables du jury.

Outre les écoles particulières, que chacun a le droit de tenir, il y aura un ou. plusieurs institut purs et institutrices par commune, payés sur le budget, et choisis par la municipalité. L’enseignement secondaire et supérieur sera pareillement donné aux frais des contribuables dans des établissements dont les conseils généraux fixeront le nombre par département. L’duration professionnelle ne peut se faire qu’à l’atelier. La place des écoles spéciales (mines, ponts-et-chaussées, polytechnique, marine, etc.) est aux lieux mêmes où s’exécutent les travaux qu’elles ont pour objet. Les places de professeurs sont données au concours; le concours est soumis a une commission élue par les membres du corps enseignant.

Tous les cours sont facultatifs; aucun est obligatoire. Seulement, dans cinq ans, nul ne pourra être inscrit sur la liste électorale ou exercer une fonction publique s’il ne sait lire et écrire, et s’il ne justifie de ses moyens d’existence par le travail.

La presse est libre comme renseignement.

CULTES. — Chacun professe librement sa religion. Le clergé catholique et les ministres des différents cultes seront mis en demeure d’opter entre le castel et le traitement de l’Etat. S’ils renoncent à leurs appointements, ils demeureront à la charge de ceux qui recourront à leur ministère. S’ils abandonnent le casuel, ils continueront de recevoir un salaire du trésor public ; mais lorsque la suppression d’une cure sera réclamée par les deux tiers dos électeurs d’une paroisse, le traitement cessera d’être payé au curé.

Les ministres de chaque religion éliront leurs éveques et leurs dignitaires, et régleront leur hiérarchie comme bon leur semblera; il ne leur sera accordé aucun privilège ni aucune exemption de service. — (Nous avons la prétention do donner ce plan d’organisation comme la réalisation la plus complète du principe républicain. Toutefois, sur la question de gratuité des cultes, nous ne faisons qu’émettre un avis tout personnel et très controversable.)

TRAVAUX PUBLICS. — Les ouvriers employés aux travaux d’utilité générale, ainsi que nous l’avons fait remarquer déjà, sont des producteurs au même titre que les autres. Ils ne doivent avoir de relations avec l’Etat que pour la concession des adjudications et le solde de leurs mémoires. Les travaux répugnants seront exécutés, à défaut d’ouvriers libres, par les condamnés. La désignation des constructions à faire appartient aux municipalités, aux membres des conseils généraux et aux représentants de l’Assemblée nationale.

ASSEMBLÉES ÉLECTIVES. — Les fonctions publiques que nous venons de passer en revue nous semblent si nettement déterminées, qu’elles ne laissent aucune place à l’arbitraire et à l’usurpation. Il mais reste à délimiter les attributions des assemblées délibérantes.

1° Municipalités. — Les conseils municipaux sont chargés de la police et des intérêts spéciaux de leur localité, lissons choisis par tous les électeurs de la commune. Ils nomment la maire et un secrétaire chargé de la tenue des registres de l’état civil. Ils votent les constructions et les reparations des chemins vicinaux et des monuments dans le ressort de leur circonscription territoriale Le maire est chargé de l’organisation du service de la garde nationale et de la promulgation des décrets et des lois dans sa commune.

2° Conseils départementaux. — Tous les ans le conseil général, élu par le suffrage universel, se réunit au chef-lieu. Il désigne a l’Assemblée nationale les travaux d’utilité que réclament les besoins du département, et nomme une administration chargée de se mettre en communication avec les communes et avec l’autorité centrale.

3° Assemblée nationale. — La législature est nommée pour un an, par le suffrage universel et direct. Elle vérifie les comptes et contrôle les dépenses, fixe le budget, vote les travaux d’urgence, veille à la sécurité extérieure, décrété la paix ou la guerre, entend les réclamations des corps savants, chambres de l’industrie, de l’agriculture et du commerce, révise la législation civile et criminelle. Elle nomme une commission chargée d’envoyer aux départements ses decrets, et de recevoir les communications des administrations locales.

Les corporations ouvrières, les savants, les membres de l’enseignement, les artistes, les agriculteurs, etc., sont complètement libres do constituer des associations, des syndicats, des académies et toutes renions qu’ils jugeront utiles.

Aucune société ne recoit de secours de l’Etat.

RELATIONS EXTÉRIEURES. — Les pistions de paix ou do guerre, ainsi jus nous avons dit, un relèvent que de l’Assemblée des représentants. Les questions de commerce international, les douanes, sont du ressort des chambres do commerce, qui nomment une commission chargée d’exécuter leurs décisions et de sauvegarder leurs intérêts.

Nous venons d’esquisser sommairement les bases d’une constitution démocratique, la plus large et la plus véridique application du suffrage universel et de la souveraineté du Peuple. Nous avons sans doute laissé de côté une foule de détails. Mais si nos lecteurs nous ont bien compris, ils suppléeront aisément aux lacunes de notre travail.

Les injures et les accusations no nous ont pas manqué depuis que nous avons posé le principe de l’abolition de l’autorité. Notre public, nous devons l’avouer. n’a pas toujours été à même de saisir la différence entre ce que nous appelons administration et ce qu’il nomme gouvernement. La série d’articles que nous terminons aujourd’hui fera cesser, nous l’espérons, toute équivoque à l’avenir.

G. DUCHÊNE.

March 4, 1850.

x.

WHAT IS GOVERNMENT? — WHAT IS TAXATION? — ORGANIZATION OF UNIVERSAL SUFFRAGE.

The government is an administration of mutual insurance between citizens;

Taxation is the premium paid by the insured.

We are all exposed to a series of disasters from which we have no power to protect ourselves, such as fire, flood, hail, bankruptcies, shipwrecks, mortality of livestock, obsolescence.

We all need security, liberty, education — public establishments whose use is necessarily common, such as town halls, schools, roads, canals, bridges, railways, libraries, museums, etc.

The general insurance of society must therefore be established with a dual purpose: 1° Against the risks of force majeure; 2° for the creation of institutions essential to the prosperity of a country.

The ideas of solidarity have deeply penetrated the masses, so we will not insist for long on the necessity and fairness of insurance.

The man who enters active life knows nothing of what the future holds for him. Perhaps he will reach the end of his existence safely. But if an unforeseen accident takes away his means of laboring, if an illness paralyzes his limbs, who will help him? — Society, that is to say the able-bodied workers. But to have rights to compensation in the event of a loss, you must make a commitment to pay your share to the common fund when you are gainfully employed.

This is not only a duty of fraternity; it is a law of self-interest. When a fire sweeps away an entire district, or a flood ravages three or four hundred leagues of coastline, the source of immense production suddenly finds itself dried up. The victims of the scourge, no longer producing, stop buying. A considerable flow is taken from commerce. Now, wealth is circulation and exchange; stagnation is death. Repairing the loss is in the public interest. Everyone must agree to bear their share of the damage. Otherwise, they will in turn be paralyzed.

For the same reason, a country without lines of communication can neither export its foodstuffs nor import products from other countries. Departments of the South are troubled regarding their wines; those in the North can only get them at exorbitant prices. So roads, canals and railways are of general utility.

We do not need to give further developments to this thesis; it is universally acclaimed.

The insurance premium or tax is necessarily proportional: he who has more, owes more; he who has nothing, or makes nothing, is insolvent.

Taxation can only draw from the source of wealth; However, all wealth comes exclusively from labor. The multifaceted tax only draws from the same barrel twice. The single tax is the only rational one.

With the centralization of banks and organized credit, the best method of tax collection, the one that costs nothing, is the discount. All securities coming to the Bank to collect their sign of exchange, their circulation voucher, are taxed at 2 or 3 percent. The same official serves under the law as a banker’s clerk and that of a receiver of contributions.

While waiting for the tax on circulation, the simplest and easiest to establish and collect is the tax on capital.

Any single and strictly proportional tax is equitable. It matters little whether it is put into the treasury by Peter or by James. The value of a product is the sum of its time and expense. The sale price includes the tax levy. Thus the Parisian worker who drinks 200 liters of wine in his year pays 40 francs in contributions for this consumption alone, although he is not registered on the roll. The tax is found naturally and equally distributed among the buyers; and to avoid it, one would have to abstain from consuming.

Now that we know the resources of mutual insurance, let us find out how it should be administered. To do this, we will resume our analysis.

EXECUTIVE POWER. — The basis of any organization is accounting. The bookkeeper and the cashier are the pivot on which the whole machine rolls. Their functions are very simple: keep an exact record of revenues and expenses; settle the bills and pay compensation to those entitled to them. That is the whole executive power.

DAMAGES. — The estimate of the losses suffered by the insured, and the assessment of damages, are determined either amicably or by arbitrators chosen both by the claimants and by the insurance administration. The retirement pension is entitled at the age set by the National Assembly, or in the event of proven incapacity.

SECURITY. — 1° Public force. — Every able-bodied citizen must serve in the National Guard. Anyone who refuses to take care of the peace and quiet of the general public has no claim to social protection. He is stripped of his civil and political rights, excluded from the benefits of association. For the institution to be serious, young people, instead of leaving for the city garrisons, will have to practice, in the commune, in the handling of weapons, in the canton, in general maneuvers. In the event of war, all single people are likely to be called to the border, by a decree of the National Assembly. Leaders are appointed by election.

2° Criminal justice. — All crimes and misdemeanors are amenable to the jury. The person responsible for directing the debates, the public prosecutor and the investigating judges, are appointed by the vote of the citizens included in the judicial district. Each voter is sworn and called to sit in turn.

3° Civil justice. — Justices of the peace and civil courts are replaced by industrial tribunals, commercial courts and family councils. Within the same jurisdiction, all merchants elect their judges; the workers of each industrial category appoint their industrial tribunal; the inhabitants of the same commune or the same district choose their family council. The family council acts as justice of the peace; one of the members replaces the police commissioner in localities where this function is deemed necessary. Justice is free. The litigant in bad faith may be fined. The execution of judgments is entrusted to the diligence of a bailiff appointed by the court.

So everywhere there is personal action by citizens, or universal suffrage.

INSTRUCTION. — Any individual who has not suffered an infamous conviction has the right to open a course or a school. Parents can choose the teacher that suits them. The morality of the teaching is placed under the supervision of the inhabitants of the municipality and the municipal council in particular. Moral outrages must be denounced to the public prosecutor; they are subject to the jury.

In addition to private schools, which everyone has the right to run, there will be one or several pure institutes and teachers per municipality, paid from the budget, and chosen by the municipality. Secondary and higher education will also be given at the expense of taxpayers in establishments whose general councils will determine the number per department. Professional durability can only be done in the workshop. The place of special schools (mining, bridges and roads, polytechnics, marine, etc.) is in the very places where the work for which they are intended is carried out. Teacher places are given through competition; the competition is submitted to a commission elected by members of the teaching staff.

All courses are optional; none is required. However, in five years, no one will be able to be registered on the electoral list or hold public office if they do not know how to read and write, and if they cannot prove their means of existence through labor. The press is free for information.

CULTS. — Everyone freely professes their religion. The Catholic clergy and the ministers of the different religions will be required to choose between the castle and the treatment of the State. If they renounce their salaries, they will remain the responsibility of those who resort to their ministry. If they abandon the casuel, they will continue to receive a salary from the public treasury; but when the abolition of a cure is demanded by two thirds of the voters of a parish, the salary will cease to be paid to the priest.

The ministers of each religion will elect their bishops and their dignitaries, and will regulate their hierarchy as they see fit; they will not be granted any privileges or exemption from service. — (We claim to give this organizational plan as the most complete realization of the republican principle. However, on the question of free worship, we are only expressing a very personal and very controversial opinion.)

PUBLIC WORKS. — Workers employed in works of general utility, as we have already pointed out, are producers in the same way as others. They must only have relations with the State for the granting of tenders and the balance of their memorials. The unpleasant labor will be carried out, in the absence of free workers, by the condemned. The designation of the constructions to be carried out belongs to the municipalities, the members of the general councils and the representatives of the National Assembly.

ELECTIVE ASSEMBLIES. — The public functions that we have just reviewed seem to us to be so clearly determined that they leave no room for arbitrariness and usurpation. It remains to delimit the attributions of the deliberative assemblies.

1° Municipalities. — Municipal councils are responsible for the police and special interests of their locality, chosen by all the voters of the municipality. They appoint the mayor and a secretary responsible for keeping civil status registers. They vote on construction and repairs of local roads and monuments within the jurisdiction of their territorial district. The mayor is responsible for organizing the national guard service and promulgating decrees and laws in his municipality.

2° Departmental councils. — Every year the general council, elected by universal suffrage, meets in the capital. It designates to the National Assembly the useful works required by the needs of the department, and appoints an administration responsible for communicating with the municipalities and the central authority.

3° National Assembly. — The legislature is appointed for one year, by universal and direct suffrage. It verifies the accounts and controls expenditures, sets the budget, votes on emergency work, ensures external security, decrees peace or war, hears complaints from learned bodies, chambers of industry, agriculture and commerce, revises civil and criminal legislation. It appoints a commission responsible for sending its decrees to the departments and receiving communications from local administrations.

Workers’ corporations, scientists, members of educational establishments, artists, farmers, etc., are completely free to form associations, unions, academies and whatever they deem useful.

No society receives aid from the State.

FOREIGN RELATIONS. — The issues of peace or war, as we have said, are a matter for the Assembly of Representatives. International trade issues and customs are the responsibility of the chambers of commerce, which appoint a commission responsible for implementing their decisions and safeguarding their interests.

We have just briefly outlined the bases of a democratic constitution, the broadest and most truthful application of universal suffrage and the sovereignty of the People. We have undoubtedly left out a lot of details. But if our readers have understood us well, they will easily make up for the gaps in our labor.

We have not been lacking for insults and accusations since we established the principle of the abolition of authority. Our audience, we must admit, has not always been able to grasp the difference between what we call administration and what they call government. The series of articles that we are ending today will, we hope, put an end to any ambiguity in the future.

G. DUCHÊNE.

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