Jenny P. d’Héricourt, “Woman Emancipated” — Volume I (1860)

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LA FEMME AFFRANCHIE

RÉPONSE A MM. MICHELET, PROUDHON, É. DE GIRARDIN, A. COMTE ET AUX AUTRES NOVATEURS MODERNES

PAR Mme. JENNY P. D’HÉRICOURT

TOME 1

1860

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WOMAN EMANCIPATED

RESPONSE TO MICHELET, PROUDHON, É. DE GIRARDIN, A. COMTE AND OTHER MODERN INNOVATORS

BY Mme. JENNY P. D’HÉRICOURT

VOLUME 1

1860

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A MES LECTEURS, A MES ADVERSAIRES, A MES AMIS

A MES LECTEURS

Lectrices et lecteurs, le but de cet ouvrage et les motifs qui me l’ont fait entreprendre, je vais vous les dire, afin que vous ne perdiez pas votre temps à me lire, si ce que contient ce volume ne convient pas à votre tempérament intellectuel et moral.

Mon but est de prouver que la femme a les mêmes droits que l’homme.

De réclamer, en conséquence son émancipation;

Enfin d’indiquer aux femmes qui partagent ma manière de voir, les principales mesures qu’elles ont à prendre pour obtenir justice.

Le mot émancipation, prêtant à l’équivoque, fixons en d’abord le sens.

Émanciper la femme, ce n’est pas lui reconnaître le droit d’user et d’abuser de l’amour: cette émancipation-là n’est que l’esclavage des passions; l’exploitation de la beauté et de la jeunesse de la femme par l’homme; l’exploitation de l’homme par la femme pour sa fortune ou son crédit.

Émanciper la femme, c’est la reconnaître et la déclarer libre, l’égale de l’homme, devant la loi sociale et morale et devant le travail.

A l’heure qu’il est, sur toute la surface du globe, la femme, sous certains rapports, n’est pas soumise à la même loi morale que l’homme: sa chasteté est livrée presque sans défense aux passions brutales de l’autre sexe, et elle subit souvent seule les conséquences d’une faute commise à deux.

Dans le mariage, la femme est serve;

Devant l’instruction nationale, elle est sacrifiée;

Devant le travail, elle est infériorisée;

Civilement, elle est mineure;

Politiquement, elle n’existe pas;

Elle n’est l’égale de l’homme que quand il s’agit d’être punie et de payer les impôts.

Je revendique le droit de la femme, parce qu’il est temps de faire honte au XIXe siècle de son coupable déni de justice envers la moitié de l’espèce humaine;

Parce que l’état d’infériorité dans lequel nous sommes maintenues, corrompt les mœurs, dissout la société, enlaidit et affaiblit la race;

Parce que le progrès des lumières, auquel participe la femme, l’a transformée en force sociale, et que cette force nouvelle produit le mal, à défaut du bien qu’on ne lui laisse pas faire;

Parce que le temps d’accorder des réformes est arrivé, puisque les femmes protestent contre l’ordre qui les opprime, les unes par le dédain des lois, des préjugés; les autres en s’emparent des positions contestées, en s’organisant en sociétés pour revendiquer leur part de droit humain, comme cela se fait en Amérique.

Enfin parce qu’il me semble utile de répondre vertement, non plus avec de la sentimentalité, aux hommes qui, effrayés du mouvement émancipateur, appellent à leur aide je ne sais quelle fausse science pour prouver que la femme est hors du droit; et poussent l’inconvenance et….. le contraire du courage, jusqu’à l’insulte, jusqu’aux outrages les plus révoltants.

J’ai dit le but et les motifs de cet ouvrage qui sera divisé en quatre parties.

Dans la première, nous passerons en revue les doctrines des principaux novateurs en ce qui touche la femme, ses fonctions, ses droits, et nous réfuterons les contre-émancipateurs, P. J. Proudhon, J. Michelet et A. Comte.

Dans la deuxième, nous donnerons une théorie philosophique du droit; nous comparerons, d’après les principes établis dans cette théorie, ce qu’est la femme devant la loi, la moralité, le travail, avec ce qu’elle devrait être; enfin nous réfuterons les principales objections des adversaires de l’égalité des sexes.

Dans la troisième nous traiterons de l’amour et du mariage, et donnerons les principaux motifs de nos formules d’émancipation.

Enfin la quatrième partie, spécialement destinée aux femmes, effleurera les grandes questions théoriques et pratiques qui ont rapport à la période militante: profession de foi servant de drapeau, formation d’un apostolat, ébauche d’éducation rationnelle, formation d’une école normale, création d’un journal, organisation d’ateliers, etc.

Lectrices et lecteurs, plusieurs des adversaires de la cause que je défends, ont porté la discussion sur le terrain scientifique, et n’ont pas reculé devant la nudité des lois biologiques et des détails anatomiques: je les en loue: le corps étant respectable, il n’y point d’indécence à parler des lois qui le régissent; mais comme ce serait de ma part une inconséquence 9 que de croire blâmable en moi ce que j’approuve en eux, vous voudrez bien ne pas vous étonner que je les suive sur le terrain qu’ils ont choisi, persuadée que la science, chaste fille de la pensée, ne saurait perdre sa chasteté sous la plume d’une honnête femme, pas plus que sous celle d’un honnête homme.

Lectrices et lecteurs, je n’ai qu’une prière à vous faire: c’est de me pardonner la simplicité de mon style. Il m’aurait fallu prendre trop de peine pour écrire comme tout le monde; encore est-il probable que je n’y eusse pas réussi. Je fais œuvre de conscience: si j’éclaire les uns, si je fais réfléchir les autres, si j’éveille dans le cœur des hommes le sentiment de la justice, dans celui des femmes le sentiment de leur dignité; si je suis claire pour tous, bien comprise de tous, utile à tous, même à mes adversaires, cela me suffira, et me consolera d’avoir déplu à ceux qui n’aiment les idées que comme ils aiment les femmes: en grande toilette.

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TO MY READERS, ADVERSARIES AND FRIENDS.

TO MY READERS

Readers, male and female, I will tell you the aim of this book, and the motives which caused me to undertake it, so that you may not waste your time reading this volume, if its contents are not suited to your intellectual and moral temperament.

My aim is to prove that woman has the same rights as man;

To demand, as a consequence, her emancipation;

And, finally, to point out to the women who share my views, the principal measures that they must take in order to obtain justice.

As the word emancipation leaves room for equivocation, let us first establish its meaning.

To emancipate woman is not to acknowledge her right to use and abuse love; such an emancipation is only the slavery of the passions; the exploitation of the beauty and youth of woman by man; the exploitation of man by woman for his fortune or credit.

To emancipate woman is to acknowledge her and declare her free, the equal of man before both social and moral law, and his equal in the realm of labor.

At present, over the whole surface of the globe, woman, in certain respects, is not subject to the same moral law as man; her chastity is given over almost without restriction to the brutal passions of the other sex, and she often endures alone the consequences of a fault committed by both.

In marriage, woman is a serf.

In public instructions, she is sacrificed.

In labor, she is made inferior.

In civil law, she is a minor.

Politically, she has no existence.

She is the equal of man only when punishment and the payment of taxes are in question.

I demand the rights of woman, because it is time to make the nineteenth century ashamed of its culpable denial of justice to half the human species;

Because the state of inferiority in which we are kept corrupts morals, dissolves society and makes the human race ugly and weak;

Because the progress of enlightenment, in which woman participates, has transformed her into a social power, and because this new power produces evil as there is no good that it is permitted to do;

Because the time for granting reforms has come, since women are protesting against the order that oppresses them, some through scorn for laws, for prejudices, and others by seizing contested positions, by organizing themselves into societies to claim their share of human rights, as is done in America;

Finally, because it seems to me useful to reply, no longer with sentimentality, but with strength, to those men who, terrified by the movement of emancipation, call to their aid who knows what false science in order to prove that woman is without rights; and push indecorum and….. the opposite of courage, to the point of insult, to the most revolting affronts.

I have explained the aim and motives of this work, which will be divided into four parts.

In the first, we will review the doctrines of the principal innovators in that which regards woman, her functions, and her rights, and we will refute the counter-emancipators, P. J. Proudhon, J. Michelet and A. Comte.

In the second, we will give a philosophical theory of right; we will compare, following the principles established in that theory, the role of woman with regard to law, morality and labor, with what she should be; finally, we will refute the principal objections of the adversaries of the equality of the sexes.

In the third, we will deal with love and marriage, and we will give the principal grounds of our formules for emancipation.

Finally, the fourth part, specifically intended for women, will touch upon the great theoretical and practical questions that relate to the militant period: profession of faith serving as a standard, formation of an apostolate, sketch of radical education, formation of a normal school, creation of a newspaper, organization of workshops, etc.

Readers, male and female, several of the adversaries of the cause that I defend have carried the discussion into the domain of science, and have not shrunk before the nakedness of biological laws and anatomical details. I praise them for it. The body being respectable, there is no indecency in speaking of the laws that govern it; but as it would be an inconsistency on my part to believe something blameworthy in myself that I approve in them, you will not be surprised that I follow them on the ground which they have chosen, persuaded that science, the chaste daughter of thought, can no more lose her chastity under the pen of an honest woman than under that of an honest man.

Readers, male and female, I have but one request to make of you: namely, that you will pardon my simplicity of style. It would have cost me too much trouble to write as is the fashion and it is like that I would not have succeeded. My work is one of conscience. If I enlighten some and make others reflect; if I awaken the sentiment of justice in the hearts of men, in that of dignity in the hearts of women; if I am clear to my adversaries, that will satisfy me and console me for displeasing those who only love ideas as they love women: in fancy dress.

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Independent scholar, translator and archivist.