E. Armand, “En-dehorism” (1936)

« L’en dehorisme »

Qu’est en résumé, ce qu’on appelle « l’endehorisme » — mot barbare s’il en fut — et que condense la ligne de conduite idéologique qu’on trouve sur la couverture de chacun de nos fascicules ?

Nous partons de ce principe qu’aucun contrat, qu’aucune entente, qu’aucun essai de vie à plusieurs ne peut être tenté si le partenaire auquel on a affaire n’est pas propriétaire de son moi — un « unique ».

Le propriétaire de son moi est celui qui n’est asservi à aucun dogme, à aucune influence extérieure, à aucune pression psychologique du conglomérat sociétaire. Celui qui considère les idées qu’il professe, les pratiques auxquelles il s’adonne comme un dogme, un article de credo ou de codé n’est ni un « unique », ni un « en dehors ».

Le propriétaire de son moi, l’unique, l’en dehors, peut se comporter dans sa vie de telle ou telle façon — être uniciste ou pluraliste en amour ; végétarien, végétalien, frugivore, crudivore ou omnivore en fait d’alimentation ; opiner pour l’isolement ou pour l’association ; être partisan de la propriété et de la libre disposition du produit personnel — ou de la mise en commun de tout ou de partie de la production ou encore de la « mise et de la prise au tas » — du troc, d’une valeur d’échange, etc. etc. Cela importe peu. La seule chose indispensable est que ce ne soit pas un dogme dont il soit l’asservi et dont il veuille rendre les autres esclaves. Ces opinions, ces conceptions ne peuvent être que des prolongements de son individualité, c’est-à-dire des moyens, des intermédiaires par lesquels se manifeste, s’affirme son individualité, sa personnalité. Il n’est pas « lié » à toujours par ses « maximes » ; il en change si elles impliquent pour lui contrainte pour la manifestation de son individualité, diminution de l’affirmation de sa personnalité.

Ici, où l’on tient pour l’Association — où l’on se proclame volontiers « individualiste associationniste » — on ne conçoit cette association qu’entre uniques, « en dehors », propriétaires de leur moi — entre individus que rien ne possède — ni croyances, ni foi, ni morales, ni utopies, ni systèmes, ni a priori, ni philosophies, ni mystiques d’aucun genre.

Ici, on ne conçoit l’association qu’entre individus à l’état de « nudité intégrale » si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire en pleine possession de leur être psychologique.

C’est seulement à ceux-là, la violence extérieure étant absente, que les clauses d’un contrat peuvent être présentées en toute assurance. Libérés de toute contrainte ou astreinte dogmatique, ils les refusent ou lès acceptent selon que leur individualité s’y affirme ou non. S’ils les acceptent on peut tenir pour certain qu’ils les accompliront et que si le jour vient où ces clauses ne répondent plus à la manifestation de leur personnalité, ils les dénonceront avec le préavis déterminé à l’avance. Il y a en effet des contrats d’association qu’on ne peut résilier sans préavis, étant donné le tort susceptible d’être causé aux autres associés. Ce tort, à ce moment-là, est synonyme de contrainte. Et peu importe le but, le dessin, l’expérience poursuivie par le contrat d’association : économique, sexuel, éducatif, récréatif, etc.

Il n’est de vraie camaraderie, de camaraderie sur laquelle on puisse compter qu’entre propriétaires de leur moi (uniques, « en dehors »). Comment escompter la camaraderie effective, pratique ou même simplement intellectuelle de quelqu’un possédé par une chose extérieure à lui : Dieu, famille, éducation, devoirs civiques, affaires, etc. ?

Ceci a été déjà exprimé — et en mieux — mais il n’est pas mauvais, de temps à autre, de revenir à nos bases de départ. — E. Armand.

« En-dehorism »

What, in short, is it that is called « en-dehorism » — a barbarous word if ever there was one — and what summarizes the line of ideological conduct that we find on the cover of each of our issues?

We begin from the principle that no contract, no agreement, no attempt at life together can be attempted if the partner with whom we are dealing is not the proprietor of their self — a  « unique ».

The proprietor of their self is the one who is the slave of no dogma, no external influence, no psychological pressure pressure from the social conglomerate. The one who considers the ideas that they profess or the practices to which they devote themselves as a dogma, an article of a credo or code, is neither a « unique », nor an « en-dehors ».

The proprietor of their self, the unique, the en-dehors, can conduct their life in one manner or another — be unicist or pluralist in love; vegetarian, vegan, frugivore, raw-foodist or omnivore in matters of nutrition; assent to isolation or association; be partisan of property and the free disposition of individual products — or of making all things common, of possession in proportion to production or else of “putting on and taking from the pile” — of barter, exchange-value, etc. etc. It matters little. The only essential thing is that it not be a dogma to which they are subject and to which they wish to make others slaves. These opinions, these conceptions can only be extensions of their individuality, of the means and intermediaries by which their individuality, their personality is manifested and affirmed. They are not “bound” forever by their “maxim;” they change them if they entail constraints on the manifestation of their individuality, a decrease in the assertion of their personality.

Here, where we declare for Association — where we willingly declare ourselves “associationist individualists” — we only conceive of that association as between uniques, « en-dehors », proprietors of their selves — between individuals possessed by nothing — neither beliefs, nor faith, nor morals, nor utopias, nor systems, nor a prioris, nor philosophies, nor mysticisms of any sort.

Here, we conceive of the association only in the state of “complete nakedness,” if I can put it that way, in full possession of their psychological being.

It is only to those individuals, external violence being absent, that the terms of a contract can be presented with confidence. Freed from any dogmatic constraint or obligation, they refuse or accept them depending on whether their individuality is affirmed or not. If they accept them, it can be taken for granted that they will fulfill them and that if the day comes when these clauses no longer correspond to the manifestation of their personality, they will condemn them with the notice determined in advance. There are indeed contracts of association that cannot be terminated without notice, given the harm likely to be caused to other associates. This wrong, at that time, is synonymous with coercion. And it matters little the purpose, the design, the experience pursued by the contract of association: economic, sexual, educational, recreational, etc.

There is true camaraderie, camaraderie on which we can rely, only between proprietors of their selves (uniques, « en-dehors »). How could we count on the effective, practical or even simply intellectual camaraderie of someone possessed by something external to them: God, family, education, civic duties, business, etc. ?

This has already been expressed — and better expressed — but it is not bad, from time to time, to return to our points of departure. — E. Armand.

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