P.-J. Proudhon, “The Right to Work and the Right of Property” (1848)

Le droit au travail et le droit de propriété

PROLOGUE

Il est deux points sur lesquels j’ai besoin d’édifier mes lecteurs, et qui motivent cette publication.

1° Je n’ai pas pris la parole sur le droit au travail, lors de la discussion du préambule de la Constitution, d’abord parce que le droit au travail, tel qu’il m’est donné de le comprendre, étant repoussé par tout le monde, par la gauche révolutionnaire comme par la droite conservatrice, je n’avais rien de mieux à faire que de garder le silence ; — en second lieu, parce que je voulais profiter de l’occasion pour en finir avec cette politique montagnarde, qui se dit républicaine et ne veut pas s’avouer socialiste, alors même que c’est par le socialisme, et uniquement par le socialisme, qu’elle définit la République.

J’étais accusé par la Montagne, je le suis encore, d’avoir perdu le droit au travail en posant devant l’Assemblée cette alternative décidée : Donnez-moi le droit au travail, et je vous abandonne la propriété. Je devais donc laisser le champ libre aux habiles, et ne point compromettre le succès de leurs plaidoiries par quelque formule sonnante et intempestive. Le public a jugé leurs arguments. Sans doute, il soute à l’esprit que le droit au travail, faisant seul la légitimité dé la propriété, on ne peut garantir celle-ci, sans garantir à plus forte raison celui-là : sur ce terrain, qui est celui des principes, les orateurs du côté gauche ont eu facilement raison de leurs adversaires. Mais il fallait définir le droit au travail, en déterminer l’application, passer de la théorie à la pratique : et l’on avouera que sur ce point les tacticiens de la Montagne, bien qu’ils protestassent de leur respect pour la propriété, n’ont rien dit de fort rassurant pour elle. En présence de la diversité et du péril des utopies, un vote négatif devenait inévitable. Pour faire une loi, il faut au moins deux choses : un principe, une définition. Les avocats du droit au travail n’avaient à donner que le premier. Quand la majorité bourgeoise n’aurait pas été sur ses gardes, elle n’eût pas fait autre chose que ce qu’elle a fait : pouvait-elle, sans une haute imprudence, dessaisir la propriété, et s’aventurer dans l’inconnu ?…….

Non, il n’y a de droit au travail que par la transformation de la propriété, comme il n’y a de république digne de ce nom que la République démocratique et sociale. Le socialisme est nécessaire pour définir la République fondée en février. Si vous en ôtez le socialisme, votre République restera ce qu’ont été toutes les républiques, bourgeoise, féodale, individualiste, tendant au despotisme et à la reconstitution des castes, en un mot, insociale. L’honorable Ledru-Rollin l’a dit au banquet anniversaire du 22 septembre : « La République doit être fondée sur des institutions sociales. » — Pourquoi donc n’avoir pas porté franchement le toast A la République démocratique et sociale ! alors qu’on était forcé d’avouer que la République sans le socialisme n’est pas la République? Pourquoi ces réticences, qui mécontentent le peuple, sans nous faire mieux agréer des bourgeois ?……

2° J’avais proposé un amendement à l’article 13 du projet de constitution, lequel contient, selon moi, toute la question de travail. J’ai retiré cet amendement : je vais en dire la raison. Comme j’avais à parler surtout de la nécessité de donner des garanties à la propriété, après en avoir donné de si puissantes au travail, et que, dans les dispositions où je voyais l’Assemblée, j’avais lieu de craindre qu’au lieu d’adopter mon amendement, elle ne rejetât tout l’article, j’ai cru qu’il valait mieux, dans l’intérêt de la révolution, engager irrévocablement le pays et laisser enferrer la propriété…

L’article 13 est donc sorti, presque sans discusion, de l’avalanche des amendements, qui se retiraient et se dérobaient aux éclats de rire de la majorité et aux regrets de la gauche semisocialiste ou pour mieux dire semi-républicaine. Et pourtant l’adoption de l’article 13, tel que le proposait la commission de constitution, était tout ce que l’on pouvait souhaiter de mieux à la fois, et pour l’émancipation du travail et pour le châtiment de la propriété. Ce qui est voté est voté, et je défie qu’on en revienne.

Dût la constitution de 1848 ne durer pas plus que celle de 1793, ce qu’elle aura fait restera au moins comme préliminaire; car, si la loi n’a point d’effet rétroactif, le législateur non plus ne rétrograde pas.

Maintenant il s’agit, en rétablissant les vrais principes, de montrer à tous la situation qui nous est faite par l’article 13. C’est dans ce but que je publie le discours que j’aurais lu à l’Assemblée nationale si, au moment de la discussion, je n’avais jugé plus utile de me taire.

La question du travail et de la propriété est plus brûlante que jamais, et s’il était possible de croire à une application sérieuse de la charte qui se vote en ce moment, j’ose le dire, à moins d’une institution pareille à elle que je propose et qui rétablisse l’équilibre entre les deux principes, ce serait fait de la propriété.

Mais, à cette heure de vertige et de dissolution spontanée où le pays, par la peur d’un inévitable avenir, est prêt à se rejeter dans un passé irrévocable ; où l’on voit des ministres exprimer à la tribune leur désespoir de la république, comment croire à l’efficacité d’une constitution?

La meilleure constitution est de n’en avoir aucune… Et dès lors à quoi bon les amendements? Que la vieille société meure donc, puisque ses chefs le veulent, puisque ceux qui nous gouvernent ne se croient appelés que pour en prononcer l’oraison funèbre! Et que le peuple se sauve lui-même! J’écris pour l’acquit de ma conscience de publiciste, afin de marquer heure par heure le progrès de notre métamorphose : avis aux intéressés! Le monde, que la raison de l’homme devrait diriger, ne va plus qu’à la garde de Dieu: méfiez-vous !…

The Right to Work and the Right of Property

PROLOGUE

There are two points on which I need to edify my readers, and which motivate this publication.

1. I did not speak about the right to work, during the discussion of the preamble to the Constitution, first, because the right to work, as it is given to me to understand it, being rejected by everyone, by the revolutionary left as by the conservative right, I had nothing better to do than to keep silent; — second, because I wanted to take the opportunity to put an end to this montagnard policy, which calls itself republican and does not want to admit to being socialist, even though it is through socialism, and only through socialism, that it defines the Republic.

I was accused by the Mountain, and I still am, of having doomed the right to work by presenting before the Assembly this determined alternative: Give me the right to work, and I will abandon property to you. I should therefore leave the field free to the skillful, and not compromise the success of their pleadings by some ringing and untimely formula. The public judged their arguments. No doubt, it keeps in mind that the right to work, alone making the legitimacy of property, cannot be guaranteed, without guaranteeing a fortiori that of property: on this ground, which is that of principles, the speakers on the left side easily got the better of their opponents. But it was necessary to define the right to work, to determine its application, to move from theory to practice: and it will be admitted that on this point the tacticians of the Mountain, although they protested their respect for property, said nothing very reassuring for it. In the presence of diversity and the peril of utopias, a negative vote became inevitable. To make a law, you need at least two things: a principle, a definition. The advocates of the right to work only had to give the former. If the bourgeois majority had not been on its guard, it would have done nothing but what it has done: could it, without great imprudence, divest property and venture into the unknown?…

No, there is no right to work except through the transformation of property, just as there is no republic worthy of the name except the Democratic and Social Republic. Socialism is necessary to define the Republic founded in February. If you remove socialism from it, your Republic will remain what all republics have been, bourgeois, feudal and individualistic, tending to despotism and the reconstitution of castes, in a word, unsocial. The Honorable Ledru-Rollin said it at the anniversary banquet on September 22: “The Republic must be founded on social institutions. — So why didn’t you frankly raise the toast — To the democratic and social Republic! — when we were forced to admit that the Republic without socialism is not the Republic? Why this reluctance, which displeases the people, without making us any more acceptable to the bourgeois?

2° I had proposed an amendment to article 13 of the draft constitution, which contains, in my opinion, the whole question of work. I withdrew this amendment: I will state the reason. As I had to speak above all of the necessity of giving guarantees to property, after having given such powerful ones to work, and as, in the tendencies that I saw within the Assembly, I had reason to fear that instead of adopting my amendment, it would reject the whole article, I believed that it was better, in the interest of the revolution, to bind the country irrevocably and let property be transfixed…

Article 13 therefore emerged, almost without discussion, from the avalanche of amendments, which withdrew and gave way to bursts of laughter from the majority and to the regrets of the semi-socialist, or rather semi-republican left. And yet the adoption of Article 13, as proposed by the Constitutional Commission, was the best that could be hoped for both for the emancipation of labor and for the punishment of property. What is voted is voted, and I challenge anyone to go back.

Should the constitution of 1848 last no longer than that of 1793, what it will have done will remain at least as a preliminary; for if the law has no retroactive effect, neither does the legislator retrograde.

Now it is a question, by re-establishing true principles, of showing everyone the situation created for us by article 13. It is for this purpose that I am publishing the speech that I would have read in the National Assembly if, at the time of the discussion, I no longer considered it useful to be silent.

The question of labor and property is more burning than ever, and if it were possible to believe in a serious application of the charter which is being voted on at the moment, I dare say it, unless there is an institution such as what I am proposing, which restores the balance between the two principles, it would be done for property.

But, at this hour of vertigo and spontaneous dissolution, when the country, out of fear of an inevitable future, is ready to throw itself back into an irrevocable past; where one sees ministers expressing from the tribune their despair of the republic, how can one believe in the efficacy of a constitution?

The best constitution is to have none… And then what good are amendments? Let the old society die then, since its leaders want it, since those who govern us believe themselves called only to pronounce the funeral oration! And let the people save themselves! I write for the satisfaction of my conscience as a publicist, in order to mark hour by hour the progress of our metamorphosis: warning to the self-serving! The world, which man’s reason ought to direct, is no longer in anyone’s keeping but God’s: beware!…

LE DROIT AU TRAVAIL

ET

LE DROIT DE PROPRIÉTÉ

Citoyens représentants,

L’article 13 du projet de constitution porte:

« La constitution garantit aux citoyens la liberté du travail et de l’industrie.

« La société favorise et encourage le développement du travail par l’enseignement primaire gratuit, l’éducation professionnelle, l’égalité des rapports entre le patron et l’ouvrier, les institutions de prévoyance et de crédit, les associations volontaires, et l’établissement par l’État, les départements et les communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés. Elle fournit l’assistance aux enfants abandonnés, aux infirmes et aux vieillards sans ressources et que leurs familles ne peuvent secourir. »

Je propose d’ajouter, après le premier paragraphe , les motssuivants:

Elle assure et maintient la division des propriétés par l’organisation de l’échange.

La commission, après avoir mûrement réfléchi, avait cru devoir supprimer du préambule de la constitution le droit au travail. Le vote de l’assemblée a sanctionné cette rédaction.

Mais, comme toute idée dont l’heure est venue ne peut manque de se faire jour, la commission, dans l’article que nous discutons en ce moment, a fait mieux que de consacrer le droit au travail : elle a Organisé le travail même.

La commission sans doute a su ce qu’elle faisait. Elle a agi en parfaite connaissance de cause; elle ne sera nullement embarrassée d’expliquer le plan d’organisation qu’elle nous soumet. Mais ce n’est pas en temps de révolution que les choses doivent se faire dans l’ombre et par une espèce de sous-entendu : il faut que tout s’éclaircisse, et c’est à cette fin que je demande la permission d’entrer dans quelques développements sur l’article 13, le plus important, selon moi, de toute la constitution.

Le socialisme, par la terreur qu’il inspire, a fasciné la propriété, et tandis que nous croyons le fuir de toutes nos forces, nous nous y précipitons à corps perdu. Peut-être, en venant vous parler des dangers de la propriété et des moyens de la défendre, aurai-je la chance d’être écouté de vous plus favorablement…

Il y a quelques jours, pendant que les adversaires du droit au travail se prévalaient d’un mot tombé de mes lèvres pour faire rejeter l’amendement de M. Mathieu (de la Drôme), les défenseurs de ce même droit me reprochaient de l’avoir compromis, de l’avoir perdu par d’imprudentes paroles. J’avais manqué, disaient-ils, de tactique, d’habileté.

Si c’est une faute d’avoir révélé ce qu’était le droit au travail, ce sera donc un crime de révéler aujourd’hui ce que sera l’organisation du travail, telle qu’elle vous est proposée par la commission et telle que vous allez bon gré mal gré la voter, parce qu’il est impossible de ne point la voter.

Mais, citoyens, ce qui fait la valeur des constitutions, comme de tous les contrats, c’est le consentement des parties, et comment ce consentement existerait-il si les clauses du contrat, si leurs conséquences nécessaires, immédiates et éloignées n’étaient pas comprises? Or, de même que vous n’avez pas voulu, en déclarant le droit au travail, droit inconnu, indéfini, donner au peuple un article 14, au moyen duquel il pût légalement et à volonté briser la constitution, de même je ne veux pas, quant à moi, en offrant une organisation irréfléchie, devant laquelle on reculerait plus tard, faire au peuple une nouvelle charte-vérité. Et s’il est des moments où la vérité, quelque redoutable qu’elle paraisse, doive être proclamée devant le peuple, c’est surtout dans les jours do révolution. Je ne manquerai pas à ce devoir.

THE RIGHT TO WORK

AND

THE RIGHT OF PROPERTY

Citizen representatives,

Article 13 of the draft constitution reads:

“The constitution guarantees citizens the freedom of labor and industry.

“Society favors and encourages the development of work by free primary education, professional education, equality of relations between employer and worker, institutions of savings and credit, voluntary associations, and the establishment by the State, in the departments and the communes, of public works suitable for employing idle hands. It provides assistance to abandoned children, the infirm and the destitute old people whose families cannot help them.”

I propose to add, after the first paragraph, the following words:

It assures and maintains the division of properties by the organization of exchange.

The commission, after careful consideration, thought it necessary to remove from the preamble to the constitution the right to work. The vote of the assembly sanctioned this wording.

But, as any idea whose time has come cannot fail to come to light, the commission, in the article that we are discussing at the moment, did more than enshrine the right to work: it organized work itself.

The commission no doubt knew what it was doing. It acted knowingly; it will not be at all embarrassed to explain the organizational plan it is submitting to us. But it is not in times of revolution that things should be done in the shadows and by a kind of innuendo: everything must be cleared up, and it is for this purpose that I ask permission to enter into a few developments on article 13, the most important article, in my opinion, of the whole constitution.

Socialism, by the terror it inspires, has fascinated property, and while we think we are fleeing it with all our strength, we rush into it headlong. Perhaps, by coming to talk to you about the dangers of property and the means of forbidding it, I will have the chance to be listened to more favorably by you…

A few days ago, while the opponents of the right to work took advantage of a word that fell from my lips to have the amendment of Mr. Mathieu (from the Drôme) rejected, the defenders of this same right reproached me for having compromised it, to have doomed it through imprudent words. I had lacked, they said, tactics amd skill.

If it is a fault to have revealed what the right to work was, it will therefore be a crime to reveal today what the organization of work will be, as it is proposed to you by the commission and such that you are going, whether you like it or not, to vote for it, because it is impossible not to vote for it.

But, citizens, what constitutes the value of constitutions, like that of all contracts, is the consent of the parties, and how could this consent exist if the clauses of the contract, if their necessary consequences, immediate and remote, were not not understood? Now, just as you did not want, by declaring the right to work, an unknown, indefinite right, to give the people an article 14, by means of which they could legally and at will break the constitution, so I do not want, for my part, by offering a thoughtless organization, before which one would recoil later, to present to the people a new Charte-Vérité. And if there are times when the truth, however formidable it may seem, must be proclaimed before the people, it is especially in the days of revolution. I will not fail in this duty.

OPPOSITION DU DROIT AU TRAVAIL ET DU DROIT DE PROPRIÉTÉ. — DÉFINITION DU DROIT AU TRAVAIL.

Certes, si par le droit au travail il ne s’agissait, comme il est dit à l’article 13 et comme certains défenseurs officieux le donnent à entendre, que de l’établissement, aux frais de l’État, des départements et des communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés; si, en promettant de favoriser le développement du travail, vous ne saviez en donner qu’à des terrassiers et à des manœuvres, une pareille concession ne menacerait point la propriété; elle ne compromettrait que nos finances. Avec ce régime, loin d’éteindre le prolétariat, vous le feriez pulluler; vous épuiseriez les ressources du pays, au lieu de lui en créer de nouvelles; vous arriveriez rapidement, et je ne serais point embarrassé pour le démontrer, à un budget annuel, non plus de quinze cents millions, mais de trois milliards, et cela en aggravant toujours le paupérisme et en pressurant de plus en plus le propriétaire, sans toucher le moins du monde au principe même de la propriété.

J’en dis autant de tous ces projets de défrichements, colonies agricoles, fermes ou communes modèles, etc., etc.. qu’on nous propose comme autant de moyens de procurer du travail à ceux qui n’en ont pas. Je n’y puis voir, pour mon compte, que des moyens d’ôter le travail à ceux qui en ont. Le sens commun et l’expérience s’accordent pour nous dire que toute entreprise nouvelle, agricole ou manufacturière, suppose un développement préalable de richesse qui lui sert de base et de mise de fonds. Or, ce qui manque en ce moment à la France agricole ou industrielle, ce sont les capitaux : comment donc irions-nous commanditer des colonies agricoles, des entreprises de défrichements, alors que nous ne pouvons créditer de quelques millions nos laboureurs qui en ont tant besoin? Toutes ces créations, plus ou moins imitées du phalanstère, no peuvent résulter que d’un excédant de la richesse publique, développée parallèlement à la population; elles ne sauraient être le principe de l’extinction du paupérisme, de l’abolition du prolétariat. Prétendre le contraire, c’est renverser l’ordre logique et économique des choses; c’est vouloir à un instant donné, et par un brusque mouvement, disperser la richesse acquise et faire rentrer tout le monde dans la misère. Il est étrange qu’il faille revenir sans cesse sur des idées aussi simples.

C’est dans le développement interne du travail organisé, non dans la dissémination au dehors des forces et des capitaux, qu’il faut chercher la solution du problème. Et c’est de ce point de vue que je dirai, à l’encontre des utopistes conservateurs de la propriété:

Le droit au travail est le droit qu’a chaque citoyen, de quelque métier ou profession qu’il soit, d’être toujours occupé dans son industrie, moyennant un salaire fixé non pas arbitrairement et au hasard, mais d’après le cours actuel et normal des salaires.

Tel est, dans sa vérité, le droit au travail ; il ne saurait y en avoir d’autre.

C’est ce droit que vous avez refusé d’inscrire dans le préambule de la constitution, parce que vous le jugiez impossible, mais que, par l’article 13, vous allez organiser, sous le nom de développements à donner au travail.

Or, j’affirme de nouveau, d’un côté, que le droit au travail est la négation de la propriété, et qu’ainsi toute société qui en aura fait la déclaration est une société qui marche à l’abolition de la propriété; d’autre part, j’affirme que ce droit est une conséquence fatale, nécessaire, de la propriété; en sorte qu’il est inévitable que la propriété, par cela seul qu’elle développe régulièrement et consciencieusement ses moyens, ainsi qu’il est prévu à l’article 13, se détruise elle-même.

L’honorable M. Dufaure, combattant le droit au travail, demandait, et avec raison, ce qu’était ce droit, d’où il venait, sur quoi et contre qui il pouvait s’exercer; s’il n’impliquait point, par hasard, une action, au profit de l’individu, contre la société.

Je répondrai à M. Dufaure:

Le droit au travail n’est point une action contre la société; c’est une action contre la propriété. Et je répète que l’article 13, ou ne contient que des promesses menteuses, et qu’il faut le retrancher de la constitution, ou qu’il a pour but d’organiser l’exercice de cette action anti-propriétaire, auquel cas nous nous trouvons en plein socialisme.

Je souhaite de tout mon cœur que mes paroles soient prises en bonne part et n’effarouchent personne; mais je n’ai pas deux façons de m’exprimer.

Quand je dis qu’il y a opposition nécessaire, antagonisme fatal entre le droit au travail, ou, si l’on préfère, entre l’organisation du travail et le droit de propriété, c’est-à-dire entre deux principes aussi légitimes, aussi indestructibles, aussi fondamentaux l’un que l’autre; que le premier est la négation du second, tend continuellement à l’absorber, et doit, à la fin, en le transformant, le faire disparaître : je n’affirme pas une chose qui soit seulement propre au travail et à la propriété, je ne fais qu’énoncer un des cas particuliers de la loi la plus générale de l’entendement humain, de la formule suprême de la création et de la société.

La société est la raison visible, la raison en acte. Or la société, de même que la raison, est établie sur un système d’oppositions; ou, comme dit l’école, d’antinomies. Ce sont ces oppositions qui font le mouvement et la vie de l’humanité; et c’est précisément parce que le droit au travail et le droit de propriété sont en opposition, c’est parce que celui-ci doit s’absorber et se transformer dans celui-là, que nous devons tout à la fois les consacrer, les fortifier l’un et l’autre.

Pour plus d’intelligence de cette thèse, à laquelle les habitudes de notre esprit nous ont si peu préparées, permettez-moi, citoyens représentants, de vous citer en exemple un des analogues les plus remarquables de la révolution que vous allez produire, en reconnaissant le droit au travail, ou, ce qui revient tout à fait au même, en organisant le travail.

OPPOSITION OF THE RIGHT TO WORK AND THE RIGHT OF PROPERTY. — DEFINITION OF THE RIGHT TO WORK.

Certainly, if by the right to work it was only a question, as it is stated in article 13 and as certain unofficial defenders give it to understand, of the establishment, at the expense of the State, the departments and communes, of public works appropriate to employ the idle hands; if, while promising to promote the development of work, you only knew how to give it to navvies and labourers, such a concession would not threaten property; it would only compromise our finances. With this regime, far from extinguishing the proletariat, you would make it teem; you would exhaust the resources of the country, instead of creating new ones for it; you would arrive quickly, and I would not be embarrassed to demonstrate it, at an annual budget, no longer of fifteen hundred million, but of three billion, and that by always aggravating pauperism and by squeezing the proprietor more and more, without touching in the least the very principle of property.

I say the same of all these clearing projects, agricultural colonies, model farms or communes, etc., etc., which are offered to us as so many means of procuring work for those who have none. I can only see in them, on my own account, the means of taking work away from those who have it. Common sense and experience agree in telling us that any new enterprise, agricultural or manufacturing, presupposes a prior development of wealth that serves as its base and capital outlay. However, what agricultural or industrial France lacks at the moment is capital: how could we go and sponsor agricultural colonies, land clearing companies, when we cannot credit a few millions to our laborers who have so much need? All these creations, more or less imitated from the phalanstery, can only result from an excess of public wealth, developed parallel to the population; they cannot be the principle of the extinction of pauperism, of the abolition of the proletariat. To claim otherwise is to overturn the logical and economic order of things; it is to want at a given moment, and by a sudden movement, to disperse the wealth acquired and to make everyone return to misery. It’s strange that you have to constantly keep coming back to such simple ideas.

It is in the internal development of organized labor, not in the external dissemination of forces and capital, that the solution of the problem must be sought. And it is from this point of view that I will say, against the conservative utopians of property:

The right to work is the right of every citizen, of whatever trade or profession, to be always occupied in his industry, for a salary fixed not arbitrarily and at random, but according to the current and normal rate of wages.

Such is, in its truth, the right to work; there can be no other.

It is this right that you refused to include in the preamble of the constitution, because you considered it impossible, but which, by article 13, you are going to organize, under the name of developments to be given to labor.

Now, I affirm once again, on the one hand, that the right to work is the negation of property, and that thus any society that will have declared it is a society that is marching towards the abolition of property; on the other hand, I affirm that this right is a inevitable, necessary consequence of property; so that it is inevitable that property, by the mere fact that it regularly and conscientiously develops its means, as provided for in article 13, destroys itself.

The honorable Mr. Dufaure, fighting the right to work, asked, and with good reason, what this right was, where it came from, on what and against whom it could be exercised; if it did not imply, by chance, an action, for the benefit of the individual, against society.

I will answer Mr. Dufaure:

The right to work is not an action against society; it is an action against property. And I repeat that article 13, either contains only lying promises, and that it must be removed from the constitution, or that its purpose is to organize the exercise of this anti-property action, in which case we find ourselves in the midst of socialism.

I hope with all my heart that my words will be taken in good part and scare no one; but I don’t have two ways to express myself.

When I say that there is a necessary opposition, a fatal antagonism between the right to work, or, if you prefer, between the organization of work and the right of property, that is to say between two principles equally legitimate, equally indestructible, equally fundamental; that the first is the negation of the second, that it continually tends to absorb it and must, in the end, by transforming it, make it disappear: I do not affirm a thing that is uniquely proper to labor and property, I am only stating one of the particular cases of the most general law of human understanding, of the supreme formula of creation and of society.

Society is visible reason, reason in action. Now society, like reason, is established on a system of oppositions; or, as they say in the schools, of antinomies. It is these oppositions that make the movement and the life of humanity; and it is precisely because the right to work and the right of property are in opposition, it is because the latter must be absorbed and transformed into the former, that we must at the same time consecrate them, strengthen them both.

To better understand this thesis, for which the habits of our minds have so little prepared us, allow me, citizen representatives, to cite to you as an example one of the most remarkable analogs of the revolution that you are about to produce, recognizing the right to work, or, what amounts to the same thing, by organizing work.

ANALOGIES HISTORIQUES ENTRE LA RELIGION, LA MONARCHIE ET LA PROPRIÉTÉ

La religion est une, éternelle, identique à elle-même, dans le cœur de tous les hommes. La religion, c’est la philosophie à l’état de sentiment. Ce qui varie clans la religion, et qui constitue la différence des cultes, c’est la symbolique, c’est le dogme. Mais comme en fait de sentiments et d’idées, de même qu’en matière juridique, la forme emporte ordinairement le fond, le symbolisme a été considéré partout et dans tous les siècles comme l’essence même de la religion.

Il fut un temps, vous le savez, où la religion, en tant que manifestée par des rites et des dogmes, était à elle seule toute la société ; un temps où tout le monde connaissait Dieu, mais où personne ne s’occupait de politique, d’économie politique, de travail ou de propriété. Ces choses existaient, mais pour ainsi dire latentes : la pensée les laissait dormir; elles n’avaient pas de rôle propre, d’existence officielle. Le spirituel absorbant le temporel, les droits de l’homme et du citoyen n’étaient que des droits religieux. L’homme libre avait le privilège de la religion, et n’entendait point entrer en partage; l’esclave combattait pour avoir des dieux, comme le serf au moyen âge luttait pour arriver à la propriété, comme le prolétaire au dix-neuvième siècle combat pour s’assurer le travail.

Les ennemis de la société n’étaient point alors des communistes, des socialistes, des organisateurs du travail, un Saint-Simon, un Fourier, un Owen. C’étaient Protagoras, Pyrrhon, Eschyle, Lucien, des contempteurs des dieux, des athées. Don Juan est aussi ancien que le monde. On poursuivait du dernier supplice ceux qui parlaient mal des dieux et qui attaquaient le principe de la religion, lequel était alors le principe même du gouvernement. En ce temps-là, la libre pensée était le principe révolutionnaire. C’était, comme aujourd’hui, l’attaque à la propriété, le plus grand des attentats.

Eh bien! vint le jour où, malgré la clameur des dévots et l’opposition du sacerdoce; malgré l’anxiété des nations qui se crurent perdues, le droit de libre examen fut solennellement reconnu par les gouvernements et par les peuples, et posé en face des vieilles religions.

L’idée, assurément, n’était pas nouvelle, pas plus que ne l’est aujourd’hui l’idée du droit au travail; elle datait de l’origine même de la religion. Le premier, en effet, qui, dans la sphère des idées religieuses, se permit d’interpréter, corriger ou perfectionner le dogme, fut le véritable auteur du droit de libre examen.

Or, qu’est-ce que le libre examen, qu’est-ce que cette liberté de penser, sans laquelle nous, nation éminemment religieuse, ne croirions pas possible de vivre?

Le droit de libre examen est la négation de la foi : c’est, pour parler le langage de M. Dufaure, une action contre la religion.

Partout où s’est établie la liberté de penser, la religion s’est affaiblie, sinon dans son principe, qui, je le répète, est immortel, du moins quant au dogme et à la pratique. Les trois quarts de l’Europe, entraînés dans la protestation de Luther, de Descartes et de Kant, se sont séparés de toute religion; le mysticisme a engendré le positivisme, qui l’exclut; et l’on peut dire en toute certitude qu’aussi longtemps que le libre examen sera respecté, l’instinct religieux pourra ne pas faiblir; mais la religion ira s’éteignant insensiblement. Je ne dis pas que la religion, ou le symbolisme qui la constitue doive entièrement disparaître : je ne le sais pas. Il y aura probablement toujours des intelligences réfractaires à la logique et qui aimeront mieux croire que d’examiner. Ce qui est sûr, c’est qu’en matière de religion tout homme qui ose s’abandonner à sa raison est invinciblement conduit à renier sa foi; une preuve, c’est que parmi ceux qui m’écoutent, il n’y a pas trente chrétiens. Et si le christianisme est encore cru et pratiqué quelque part, ce n’est point, croyez-moi, que là le christianisme soit mieux enseigné, mieux connu; c’est qu’il n’y est pas connu du tout, ou qu’il n’est connu qu’à moitié. L’ignorance de la religion est indispensable au maintien de la religion, comme l’ignorance de la liberté est indispensable au despotisme. Ceux qui connaissent le mieux le christianisme sont les philosophes; et c’est parce qu’ils ont profondément étudié le christianisme qu’ils ont cessé d’être chrétiens et sont devenus philosophes !…

Ainsi, l’opposition de deux principes, également respectables, également indestructibles dans le cœur de l’homme, le principe de religion et le principe du libre examen, conduit à la négation incessante de l’un par l’autre; c’est de cette négation qu’est résulté l’épuration, le perfectionnement du dogme, le rationalisme des croyances, finalement la transformation ou abolition de la foi, toutes choses qui, en matière de religion, constituent le progrès.

Eh bien! je le demande, non pas aux jésuites, ni aux universitaires , peut-être trop intéressés dans la question, mais aux hommes de bonne foi : qu’est-ce que le genre humain a perdu à ce mouvement? Que n’a-t-il pas gagné plutôt ? Qui est-ce qui voudrait renier les conquêtes de la science et de la philosophie, obtenues, dans les commencements, au prix des bûchers et des tortures, pour revenir aux siècles de superstition et de ferveur, en perdant la liberté?

Nous ne croyons plus à la présence réelle, à la procession du Père et du Fils, à l’éternité des peines, au jugement dernier; nous nous moquons des miracles rapportés dans la légende évangélique, aussi bien que de la grâce efficace; nous rompons, en toute sécurité de conscience, la loi du jeûne, et quand a sonné pour nous la dernière heure, nous rendons paisiblement le dernier soupir, sans prendre congé du prêtre. Mais le système de Copernic, de Galilée et de Newton s’enseigne dans toutes nos écoles, sans crainte de l’inquisition; mais la philosophie de l’histoire et des langues n’a plus à redouter les censures de l’Église; mais le dogme de la souveraineté du peuple efface celui de l’infaillibilité du pape; mais nous pouvons, socialistes, poser en face de l’égalité devant Dieu, l’égalité devant le travail, et, à côté du droit divin de propriété, proclamer le droit humain de la solidarité sociale. Que ceux qui parlent de restaurer parmi nous la religion et la foi nous disent à laquelle de toutes ces libertés ils en veulent !

Le même phénomène d’antagonisme et d’extinction des principes se manifeste dans la politique, et nous en sommes la preuve vivante.

La monarchie est, à l’origine de toute société, la forme du gouvernement, comme la religion est la forme des idées et des mœurs. La monarchie est comme la religion, de droit divin: hors le droit divin, il n’y a pas plus de monarchie que de religion.

Or, qu’est-ce qui a tué l’idée monarchique, cette idée si naturelle à l’esprit humain, que nous-mêmes, élus du suffrage universel, le lendemain d’une révolution démocratique nous la faisons immédiatement reparaître, quoique mutilée, dans notre projet de constitution, sous le titre de Présidence?

Ce qui a tué le principe monarchique, c’est un autre principe, nécessaire, contemporain du premier et devenu à la longue prédominant, le principe de la souveraineté du peuple.

Le premier qui, dans un but de correction ou de perfectionnement monarchique, s’avisa de faire prêter au roi serment de fidélité à la constitution, qui proposa de faire intervenir le peuple dans la confection des lois et le vote de l’impôt, celuilà fut le premier ennemi du trône, comme celui qui raisonna le dogme fut le premier ennemi de la foi. Et le jour où le principe de la souveraineté du peuple a été officiellement reconnu, ce jour-là il est devenu fatal que la monarchie disparût dans la république: quatre fois en soixante ans nous en avons été les témoins.

En vain l’on a essayé d’un système mitoyen importé de l’étranger et accommodé à notre tempérament, sorte de société en participation entre la puissance royale et la classe bourgeoise, pour l’exploitation du peuple : c’est ce que l’on a appelé monarchie constitutionnelle. Ce n’était toujours qu’une correction qui en appelait une autre: l’expérience a prouvé que la prérogative royale ne pouvait subsister, quoi qu’on fît, à côté du contrôle représentatif, si bien qu’aujourd’hui les hommes d’État les plus éminents, ceux qui défendaient avec le plus d’énergie le système déchu se rallient à la république et se résignent à vivre sans roi.

Mais comme l’idée monarchique, dans ce qu’elle renferme de vrai, ne peut périr; comme il faut que l’unité nationale reçoive toujours une expression visible et tangible, à la couronne du monarque nous substituons le fauteuil du président, jusqu’à ce que, l’expérience amenant une nouvelle correction, le peuple laisse le fauteuil vide et exprime autrement son unité. Le plus digne de présider la république est celui qui saura le mieux rendre son successeur inutile, Si j’étais candidat à la présidence, je ne ferais pas d’autre profession de foi.

L’humanité aura-t-elle plus souffert de la démolition des trônes que de celle des autels! Tout au contraire, nous nous félicitons de les voir successivement s’écrouler. Chaque coup île sape qui, dans la suite des âges, leur a été porté, l’histoire l’enregistre comme un progrès.

Je dis donc que ce qui est arrivé pour la monarchie et la religion arrivera infailliblement pour la propriété, et cela avec un égal avantage pour le bien-être des peuples et le progrès de la civilisation. J’ajoute que la révolution de février n’a eu d’autre but que de reconnaître solennellement, officiellement devant Dieu et devant les hommes, c’est-à-dire devant la loi et devant la raison, le droit au travail, l’accusateur de la propriété. Qu’importe que vous le rejetiez du préambule, si votre constitution l’organise! Vous serez en contradiction avec vous-mêmes; vos paroles et peut-être vos intentions vaudront mieux que vos actes : voilà tout.

Non, vous ne pouvez plus vous en dédire : il faut bon gre mal gré que vous reconnaissiez, soit dans les termes exprès de la constitution, soit, ce qui vaut mieux, dans les institutions qu’elle a mission de créer, le droit au travail, le droit au travail, dis-je, avec tout ce qu’il a d’avantageux pour le prolétariat, avec tout ce qu’il peut offrir d’inquiétant pour la propriété. Cela est pour vous de nécessité logique, de nécessité économique, de nécessité politique , et l’œuvre de notre siècle est de procurer résolument, pacifiquement, cette grande réforme.

Si vous permettez que je continue, je vous dirai, citoyens représentants, comment je conçois que cette nouvelle action de la liberté contre le droit divin doive s’introduire; comment, par la constitution que vous allez voter, avec plus ou moins de rapidité ou de lenteur, avec des incidents plus ou moins heureux, il est inévitable qu’elle aboutisse. Le plus sûr pour vous et pour vos commettants n’est pas de fermer les yeux, c’est de regarder; ce n’est point de vous irriter contre ceux qui veulent vous faire voir clair, c’est de prendre en bonne part leurs avertissements. Nous sommes arrivés, par le cours naturel des événements, à une époque palingénésique, où l’humanité, sauvage à son berceau, après s’être continuellement approchée de Dieu, comme une planète de son soleil, par la religion, la monarchie et la propriété, doit, par l’action combinée des trois grands principes révolutionnaires, la liberté d’examen, la souveraineté du peuple, le droit au travail, s’éloigner de plus en plus de son mystérieux et inaccessible foyer, et parcourir, mais en sens contraire, une autre parabole. Sachons donc ce qui va se passer en nous-mêmes, afin d’y prendre volontairement la part d’initiative qui convient à des êtres libres, car toute résistance est impossible.

HISTORICAL ANALOGIES BETWEEN RELIGION, MONARCHY AND PROPERTY

Religion is one, eternal, identical to itself, in the heart of all men. Religion is philosophy in the state of feeling. What varies in religion, and which constitutes the difference between cults, is the symbolism; it is the dogma. But as in matters of sentiments and ideas, just as in legal matters, the form ordinarily prevails over the content, symbolism has been considered everywhere and in all centuries as the very essence of religion.

There was a time, you know, when religion, as manifested by rites and dogmas, was in itself the whole of society; a time when everyone knew God, but no one cared about politics, political economy, work or property. These things existed, but were, so to speak, latent: thought allowed them to sleep; they had no proper role, no official existence. The spiritual absorbing the temporal, the rights of man and of the citizen were only religious rights. The free man had the privilege of religion, and did not intend to share; the slave fought to have gods, as the serf in the Middle Ages fought to obtain property, as the proletarian in the nineteenth century fights to secure work.

The enemies of society were not then communists, socialists, labor organizers, a Saint-Simon, a Fourier, an Owen. They were Protagoras, Pyrrho, Aeschylus, Lucian, haters of the gods, atheists. Don Juan is as old as the world. Those who spoke ill of the gods and who attacked the principle of religion, which was then the very principle of government, were pursued with the last torment. At that time, free thought was the revolutionary principle. It was, like today, the attack on property, the greatest of attacks.

Well! The day came when, despite the clamor of the devotees and the opposition of the priesthood; in spite of the anxiety of the nations who believed themselves lost, the right of free examination was solemnly recognized by the governments and the peoples, and set up against the old religions.

The idea, certainly, was not new, any more than the idea of the right to work is today; it dated from the very origin of religion. The first, in fact, who, in the sphere of religious ideas, allowed himself to interpret, correct or perfect dogma, was the true author of the right of free examination.

Now, what is free inquiry, what is this freedom of thought, without which we, an eminently religious nation, would not believe it possible to live?

The right of free inquiry is the negation of faith: it is, to speak the language of M. Dufaure, an action against religion.

Wherever freedom of thought has been established, religion has been weakened, if not in its principle, which, I repeat, is immortal, at least as regards its dogma and practice. Three quarters of Europe, swept away in the protest of Luther, Descartes and Kant, separated themselves from all religion; mysticism has engendered positivism, which excludes it; and it may be said with complete certainty that as long as free inquiry is respected, the religious instinct may not weaken; but religion will go on dying out insensibly. I’m not saying that religion, or the symbolism that constitutes it, should entirely disappear: I don’t know. There will probably always be minds refractory to logic, who would rather believe than examine. What is certain is that in matters of religion any man who dares to abandon himself to his reason is invincibly led to deny his faith; one proof is that among those listening to me, there are not thirty Christians. And if Christianity is still believed and practiced somewhere, it is not, believe me, because there Christianity is better taught, better known; it is that it is not known there at all, or that it is only half known. Ignorance of religion is indispensable to the maintenance of religion, as ignorance of liberty is indispensable to despotism. Those who know Christianity best are the philosophers; and it is because they have studied Christianity deeply that they have ceased to be Christians and have become philosophers!…

Thus, the opposition of two principles, equally respectable, equally indestructible in the heart of man, the principle of religion and the principle of free inquiry, leads to the incessant negation of one by the other; it is from this negation that resulted the purification, the improvement of dogma, the rationalism of beliefs, finally the transformation or abolition of faith, all things which, in matters of religion, constitute progress.

Well! I ask it, not of the Jesuits, nor of the academics, who are perhaps too interested in the question, but of men of good faith: what has the human race lost by this movement? What has he not gained rather? Who would want to renounce the conquests of science and philosophy, obtained, in the beginning, at the price of burnings and tortures, to return to centuries of superstition and of fervor, losing liberty?

We no longer believe in the real presence, in the procession of the Father and the Son, in the eternity of sorrows, in the last judgment; we scoff at the miracles recorded in the Gospel legend, as well as at efficacious grace; we break, with complete security of conscience, the law of the fast, and when the last hour has struck for us, we peacefully breathe our last, without taking leave of the priest. But the system of Copernicus, Galileo and Newton is taught in all our schools, without fear of the inquisition; but the philosophy of history and of languages need no longer fear the censures of the Church; but the dogma of the sovereignty of the people effaces that of the infallibility of the pope; but we can, as socialists, posit equality before God, equality before work, and, alongside the divine right of property, proclaim the human right of social solidarity. Let those who speak of restoring religion and faith among us tell us which of these liberties they want!

The same phenomenon of antagonism and extinction of principles manifests itself in politics, and we are living proof of it.

Monarchy is, at the origin of all society, the form of government, as religion is the form of ideas and mores. Monarchy is, like religion, by divine right: apart from divine right, there is no more monarchy than religion.

Now, what killed the monarchical idea, this idea so natural to the human mind, that we ourselves, the elect of universal suffrage, immediately make it reappear the day after a democratic revolution, although mutilated, in our draft constitution, under the title of presidency?

What has killed the monarchical principle is another principle, necessary and contemporary with the first, which has become predominant in the long run, the principle of the sovereignty of the people.

The first who, for the purpose of correction or monarchical improvement, took it into his head to make the king take an oath of fidelity to the constitution, who proposed to have the people intervene in the making of laws and the voting of taxes, that one was the first enemy of the throne, as he who reasoned dogma was the first enemy of faith. And the day when the principle of the sovereignty of the people was officially recognized, that day it became inevitable that the monarchy should disappear in the republic: four times in sixty years we have witnessed it.

In vain we have tried a middle system imported from abroad and adapted to our temperament, a kind of society in participation between the royal power and the bourgeois class, for the exploitation of the people: this is what is called a constitutional monarchy. It was always only one correction that called for another: experience has shown that the royal prerogative could not subsist, whatever was done, alongside representative control, so much so that today the men of the most eminent states, those who defended the fallen system with the most energy, rally to the republic and resign themselves to living without a king.

But as the monarchical idea, in what it contains of truth, cannot perish; as national unity must always receive a visible and tangible expression, for the crown of the monarch we substitute the chair of the president, until, experience bringing a new correction, the people leave the chair empty and express otherwise its unity. The most worthy to preside over the republic is the one who will best know how to render his successor useless. If I were a candidate for the presidency, I would make no other profession of faith.

Will humanity have suffered more from the demolition of thrones than from that of altars? On the contrary, we rejoice in seeing them successively crumble. Each undermining blow that, over the course of the ages, has been dealt to them is recording by history as progress.

I therefore say that what has happened to monarchy and religion will infallibly happen to property, and with an equal advantage for the well-being of peoples and the progress of civilization. I would add that the February revolution had no other aim than to recognize solemnly and officially, before God and before men, that is to say before the law and before reason, the right to work, the accuser of property. What does it matter that you reject it from the preamble, if your constitution organizes it! You will be in contradiction with yourselves; your words and perhaps your intentions will be worth more than your deeds: that is all.

No, you can no longer deny it: you must, whether you like it or not, recognize, either in the express terms of the constitution, or, what is better, in the institutions it has the mission to create, the right to work—the right to work, I say, with all that it has that is advantageous for the proletariat, with all that it can offer that is disturbing to property. This is for you a logical necessity, an economic necessity, a political necessity, and the work of our century is to bring about this great reform resolutely and peacefully.

If you allow me to continue, I will tell you, representative citizens, how I conceive that this new action of liberty against divine right must be introduced; how, by the constitution on which you are going to vote, with more or less rapidity or slowness, with more or less fortunate incidents, it is inevitable that it will succeed. The surest thing for you and for your constituents is not to close your eyes, it is to look; it is not to become irritated with those who want to make you see clearly, it is to take their warnings in good part. We have arrived, by the natural course of events, at a palingenetic age, when humanity, savage in its cradle, after having continually drawn near to God, like a planet to its sun, through religion, monarchy and property, must, through the combined action of the three great revolutionary principles, freedom of examination, the sovereignty of the people and the right to work, move further and further away from our mysterious and inaccessible home, and travel, but in the opposite direction, another parabola. Let us therefore know what is going to happen within ourselves, in order to voluntarily take the initiative that befits free beings, for all resistance is impossible.

ANTAGONISME DU TRAVAIL ET DE LA PROPRIÉTÉ

Et d’abord constatons l’antagonisme fondamental du travail et de la propriété. La propriété existe dès l’origine des sociétés. C’est avec elle et par elle, comme avec la religion et parla religion, comme avec la monarchie et par la monarchie, que les sociétés se sont développées, que la civilisation est parvenue au point où nous la voyons aujourd’hui, versant sur nous ses trésors. Je ne fais aucune difficulté de le reconnaître.

Mais la propriété, de même que la religion et la monarchie, porte en soi son principe de correction et de perfectionnement, ce qui veut dire de mort : ce principe est le travail. Or, remarquez ceci:

Le travail, d’après le témoignage de tous les apologistes de la propriété, est ce qui rend la propriété légitime, sacrée. Je ne parle pas du mode de transmission de la propriété; il n’est question en ce moment que de son origine. Sans le travail, dis-je, personne ici n’oserait soutenir la légitimité de la propriété. C’est ainsi que les défenseurs de la foi, ceux-là mêmes qui rejetaient le libre examen, soutenaient cependant que la foi devait être raisonnable et rationnelle. Demandez-leur ce qu’il est advenu de cet accord de la raison et de la foi. C’est ainsi encore que les défenseurs de la monarchie prétendent qu’elle implique par son essence le consentement du peuple; c’est ce consentement populaire, assimilé à la voix céleste, qui constitue pour ainsi dire la divinité du droit monarchique et l’authenticité du décret royal : Lex fit consensu poputi et constitutione régis. Dites-moi ce qui est résulté de cet accord de l’autorité du roi avec la souveraineté du peuple?…

Le travail donc, le travail, sans lequel la propriété est illégitime, voilà le principe édificateur et destructeur de la propriété.

Comment s’accomplit de soi-même, et avant que le législateur y mette la main, cette destruction?

Il est nécessaire de le bien entendre, afin de connaître toute la portée de l’article 13 et de l’amendement que je propose.

Le travail agit sur la propriété et la modifie, la corrige, la perfectionne, l’universalise, la transforme, d’abord par sa propre division, par la séparation des industries, puis par la concurrence des capitaux, enfin et surtout par le crédit.

Tous les économistes qui ont observé l’action du travail sur la propriété, et il en est plusieurs dans cette enceinte, vous diront avec quelle rapidité le travail entame, annihile la propriété.

Le travail, dit M. A. Smith, en se divisant, engendre le commerce, c’est-à-dire la circulation sociale, qui est le l’ait capital de l’économie politique. Or, qu’est-ce que la circulation dans la société et au point de vue de la science concrète, de ce que les socialistes appellent la solidarité et qui chez eux n’est qu’un principe abstrait, j’ai presque dit une idée mystique ? Supposez dans le corps social une circulation parfaite, ce qui veut dire un échange exact et régulier des produits, et la solidarité humaine est établie, le travail est organisé, le juste salaire, seul revenu légitime, est garanti; la propriété, n’ajoutant rien à la sécurité et au bien-être du producteur, cesse d’être un desideratum de l’existence; l’équilibre des salaires lui ôtant sa productivité fictive, elle disparaît par la gratuité de son titre.

C’est par l’effet du prélèvement propriétaire, rente, fermage, loyer ou intérêt, que la circulation s’embarrasse peu à peu, se trouve à la fin complètement arrêtée et dans l’impuissance de reprendre son cours autrement que par la banqueroute. Otez ce prélèvement, et la circulation est libre; réciproquement, faites, sans toucher à la propriété (et nous verrons que cela est possible), que la circulation devienne pérenne et régulière, et la propriété n’existe plus. Il y a contradiction essentielle entre la circulation et la propriété.

Le travail, en second lieu, agit sur la propriété par la création des capitaux, c’est-à-dire par une concurrence incessante. C’est surtout contre la propriété rurale qu’est dirigée cette action particulière du travail. •

Un capital accumulé, devenant à son tour, comme un fonds de terre et souvent mieux que la terre même, instrument et matière de production, opère exactement comme ferait une addition de sol au territoire déjà occupé. Le capital industriel affranchit le travailleur de la subordination du propriétaire foncier, en lui créant une autre carrière : voilà le principe de cette désertion, tant et si niaisement déplorée par nos socialistes et nos philanthropes, des ouvriers de la campagne et de leur agglomération dans les villes. L’industrie et le commerce, par des salaires supérieurs, par un revenu plus fort, par une somme plus grande de liberté et de bien-être, attirant le prolétaire des champs, travaillent incessamment à ruiner la pro priété agricole. Du reste, le même mouvement, commencé contre le propriétaire foncier, se continue contre le propriétaire de manufactures, le fabricant, l’entrepreneur, etc., etc. La création des capitaux est, envers et contre tous, une cause perpétuelle de liberté.

Supposons donc ce mouvement de capitalisation industrielle organisé de manière à offrir toujours un refuge assuré aux générations naissantes, qui n’ont pas de part dans la propriété acquise, — et j’affirme que cela est possible, — supposons que l’industrialisme, je prends ce mot dans l’acception la plus honorable, revenant à son point de départ et embrassant dans ses spéculations la terre même, fasse de l’exploitation du sol une industrie où le travail soit tout et le sol rien, — et j’affirme encore que telle est la tendance de notre agriculture, — il est clair que le fermage doit peu à peu disparaître et la terre rester aux mains de ceux-là seuls qui la cultivent. La perfection du travail, non-seulement du travail industriel, mais du travail agricole, implique donc encore, comme le perfectionnement de la circulation, la négation, en fait et en droit, de la propriété.

Ne songez donc point à refouler vers les champs la population travailleuse des grandes villes : ce serait une œuvre contre nature, anti-économique, anti-sociale, une utopie mille fois plus dangereuse que toutes celles écloses du cerveau des socialistes et que vous n’essayeriez de réaliser qu’au prix des plus effroyables misères.

Le travail enfin attaque la propriété par le crédit, et de mille manières. Le crédit est le Protée qui sans cesse trompe et dévalise la propriété. Citons quelqu’une de ses inventions.

Le crédit est toujours en raison directe de la masse des capitaux. M. Thiers lui-même nous le disait l’autre jour : par le développement spontané de l’industrie et sous l’aile fécondante de la propriété, le loyer des capitaux s’est abaissé progressivement do 100 à 5 pour 100 et au-dessous. Achevez par hypothèse la progression, et l’intérêt devenant nul, le propriétaire étant, si l’on me pardonne l’expression, dés-intéressé de la propriété, la propriété n’a plus de raison suffisante; elle s’évanouit.

L’accumulation des capitaux, comme base du crédit et principe de réduction des loyers, est donc encore négative de la propriété.

Une observation en passant. Lorsque, au point de vue de la réduction de l’intérêt, nous parlons de l’accumulation des capitaux, il n’est pas question pour nous seulement des capitaux en numéraire, mais de la totalité des capitaux meubles et immeubles, fonds d’exploitation et fonds de roulement, instruments de travail et de produits, qui tous ensemble constituent la richesse d’un peuple. C’est l’accumulation générale et proportionnelle de tous les capitaux qui seule agit sur le taux de l’intérêt. Le capital métallique, circulant sous forme de monnaie, pourrait être doublé, décuplé, centuplé même, sans que le loyer des capitaux en fût affecté sensiblement. Tout ce qui pourrait résulter de cette multiplication exagérée du numéraire serait une dépréciation des matières d’or et d’argent, une valeur représentative moindre. Quant à l’intérêt, la proportion n’étant pas changée entre les autres capitaux, cet intérêt resterait le même. L’oubli ou l’ignorance de ce fait est la source de presque toutes ces illusions financières, que leurs auteurs présentent, avec une si étonnante confiance, comme le remède à notre situation.

Mais j’ajoute que le loyer des capitaux peut être à volonté, sans expropriation, et indépendamment de leur accumulation proportionnelle, réduit à zéro, et cela de deux manières: 1° par la centralisation financière, opérée au moyen d’une banque nationale, dont le capital, étant fourni par tous les citoyens et formant une propriété commune, serait productif pour chacun au prorata de ses négociations, par conséquent ne serait productif pour personne : — j’ai là l’honneur de saisir l’Assemblée nationale d’une proposition dans ce sens; 2° par la création d’une banque mutuelle opérant sans l’intervention du numéraire; et quand il plaira à M Thiers de chercher dans mes propositions autre chose que de l’athéisme et des assignats, je crois pouvoir lui démontrer la parfaite possibilité d’une telle banque. J’espère, au surplus, que le bon sens du peuple n’attendra pas, pour donner au monde l’exemple de cette institution, la conversion de nos financiers.

La gratuité du credit, indépendamment de l’abondance plus ou moins grande des capitaux, repose sur leur intime solidarité. Faites que la terre, les instruments de travail, l’agent de circulation, ou les subsistances; faites, dis-je, que l’une ou l’autre de ces catégories de capitaux soit gratuite, et bientôt les autres se prêteront pour rien. Ou, ce qui revient au même, faites que l’une de ces catégories devienne inutile, et de cette inutilité, de cette non-valeur d’échange de l’une, découlera la gratuité de prestation de toutes.

Ainsi, pour ne point m’étendre en une discussion hors de propos, je me bornerai à adresser à M. Thiers et à ses disciples une seule question : Croyez-vous que si, depuis quarante ans, les fonds annuellement votés pour l’amortissement de la dette publique, et qui n’ont rien amorti du tout, avaient servi à former le capital d’une banque de la nation, lequel capital serait aujourd’hui de plus d’un milliard; croyez-vous, dis-je, que la nation, seule actionnaire et propriétaire de cette banque, pourrait réduire le taux de ses escomptes aux seuls frais d’administration, c’est-à-dire à zéro? A qui ferait-elle tort? Quelle considération d’intérêt, quelle raison de droit, de politique ou d’économie politique pourrait l’en empêcher?… N’est-il pas évident qu’alors, avec l’ordre dans la circulation, avec l’absence de crises financières, nous aurions du même coup et l’émancipation du prolétariat et, souffrez que je le dise, je ne mets à cela ni entêtement, ni orgueil, le dés-intéressement, l’abolition de la propriété?…

Ce que je veux, par la centralisation de la banque et la gratuité du crédit, c’est faire du capital ce que M. Thiers voulait faire de Louis-Philippe, un roi qui règne et ne gouverne pas. Mais le capital, comme Louis-Philippe, ne veut pas céder. Je n’ai qu’une chose à lui dire : Voyez ce qu’il est advenu de la royauté constitutionnelle?

La division du travail ou séparation des industries, engendrant la circulation; puis la concurrence des capitaux; enfin le crédit : tels sont donc les trois principaux moyens d’action du travail contre la propriété. Ce sont, si j’ose ainsi dire, les arguments positifs par lesquels le travail actionne et harcèle incessamment la propriété; avec lesquels il l’a châtiée, l’amende, la convertit, l’universalise, ou plutôt l’idéalise, suivant le vœu du plus fervent adorateur de la propriété, M. de Lamartine. Et ce n’est point un pamphlet contre la propriété que je fais en ce moment, ce sont les lois de l’économie sociale que j’expose, c’est l’histoire naturelle de la propriété que je raconte.

ANTAGONISM OF LABOR AND PROPERTY

And first let us note the fundamental antagonism of labor and property. Property exists from the very beginning of societies. It is with it and through it, as with religion and through religion, as with monarchy and through monarchy, that societies have developed, that civilization has reached the point where we see it today, pouring over us its treasures. I have no difficulty in recognizing it.

But property, like religion and monarchy, carries within itself its principle of correction and improvement, which means death: this principle is work. Now notice this:

Labor, according to the testimony of all the apologists for property, is what makes property legitimate, sacred. I am not talking about the mode of transmission of ownership; at the moment there is only the question of its origin. Without work, I say, no one here would dare to support the legitimacy of property. So it was that the defenders of the faith, the very ones who rejected free inquiry, nevertheless maintained that faith must be reasonable and rational. Ask them what happened to this agreement of reason and faith. It is thus also that the defenders of monarchy claim that it implies in its essence the consent of the people; it is this popular consent, assimilated to the celestial voice, that constitutes, so to speak, the divinity of monarchical right and the authenticity of the royal decree: Lex fit consensu poputi et constitutione régis. Tell me what resulted from this accord of the authority of the king with the sovereignty of the people?…

Work then, work, without which property is illegitimate, this is the principle that builds and destroys property.

How is this destruction accomplished by itself, and before the legislator puts his hand to it?

It is necessary to understand it well, in order to know the full scope of Article 13 and of the amendment that I am proposing.

Work acts on property and modifies it, corrects it, perfects it, universalizes it, transforms it, first by its own division, by the separation of industries, then by the competition between capitals, finally and above all by credit.

All the economists who have observed the action of work on property, and there are several in this chamber, will tell you how quickly work alters and annihilates property.

Labor, says Adam Smith, by dividing itself, engenders commerce, that is to say, social circulation, which is the capital principle of political economy. Now, what is the circulation in society and from the point of view of concrete science, of what the socialists call solidarity and which with them is only an abstract principle, I almost said a mystical idea? Suppose in the social body a perfect circulation, which means an exact and regular exchange of products, and human solidarity is established, work is organized, fair wages, the only legitimate income, are guaranteed; property, adding nothing to the security and well-being of the producer, ceases to be a desideratum of existence; the balance of wages depriving it of its fictitious productivity, it disappears by the gratuity of its title.

It is through the effect of the owner’s levy, rent, farm rent, house rent or interest, that circulation becomes embarrassed little by little, and is at the end completely stopped, powerless to resume its course other than by bankruptcy. Remove this levy, and circulation is free; reciprocally, without touching property (and we will see that this is possible), make the circulation become perennial and regular, and  property no longer exists. There is an essential contradiction between circulation and property.

Labor, in the second place, acts on property by the creation of capital, that is to say by an incessant competition. It is above all against rural property that this particular action of labor is directed.

An accumulated capital, becoming in its turn, like land and often better than the land itself, an instrument and material of production, operates exactly as would an addition of land to the territory already occupied. Industrial capital frees the worker from the subordination of the landowner, by creating another career for him: this is the principle of the desertion, so deplored, and so stupidly, by our socialists and our philanthropists, of the workers of the countryside and their agglomeration in the cities. Industry and commerce, by higher wages, by a stronger revenue, by a greater amount of liberty and well-being, attracting the proletarian from the fields, work incessantly to ruin agricultural property. Moreover, the same movement, begun against the landowner, continues against the owner of factories, the manufacturer, the contractor, etc., etc. The creation of capital is, against all odds, a perpetual cause of freedom.

Let us suppose, then, this movement of industrial capitalization organized in such a way as to always offer an assured refuge to the burgeoning generations, who have no share in the acquired property—and I affirm that this is possible—let us suppose that industrialism, I take this word in the most honorable sense, returning to its point of departure and embracing in its speculations the earth itself, making the exploitation of the soil an industry where labor is everything and the soil nothing, —and I affirm again that such is the tendency of our agriculture—it is clear that farm rent must gradually disappear and the land remain in the hands of those who cultivate it alone. The perfection of labor, not only of industrial labor, but of agricultural labor, therefore still implies, like the perfection of circulation, the negation, in fact and in right, of property.

So don’t think of driving the working population of the big cities back to the fields: it would be a work against nature, anti-economic, anti-social, a utopia a thousand times more dangerous than all those hatched from the brains of the socialists, which you would try to achieve only at the cost of the most appalling miseries.

Labor finally attacks property through credit, and in a thousand ways. Credit is the Proteus that constantly deceives and robs property. Let us cite one of its inventions.

Credit is always in direct proportion to the mass of capital. M. Thiers himself told us the other day: by the spontaneous development of industry and under the fertilizing wing of property, the rent of capital has been lowered progressively from 100 to 5 per cent and lower. Complete the progression by hypothesis, and the interest becoming null, the owner being, if one forgives me the expression, dis-interested in the property, the property no longer has any more a sufficient reason; it vanishes.

The accumulation of capital, as the basis of credit and the principle of the reduction of rents, is therefore still a negation of property.

A passing observation. When, from the point of view of the reduction of interest, we speak of the accumulation of capital, it is not a question for us only of capital in cash, but of the totality of movable and immovable capital, funds of exploitation and working capital, instruments of labor and products, which all together constitute the wealth of a people. It is the general and proportional accumulation of all capital that alone acts on the rate of interest. Metallic capital, circulating in the form of money, could be doubled, multiplied tenfold, even a hundredfold, without the rent of capital being sensibly affected. All that could result from this exaggerated multiplication of specie would be a depreciation of the materials of gold and silver, a lesser representative value. As for interest, the proportion not being changed between the other capitals, this interest would remain the same. The forgetting or ignorance of this fact is the source of almost all those financial illusions, which their authors present, with such astonishing confidence, as the remedy for our situation.

But I add that the rental of capital can be reduced to zero at will, without expropriation, and independent of their proportional accumulation, and this in two ways: 1. by financial centralization, operated by means of a national bank, whose capital, being furnished by all the citizens and forming a common property, would be productive for each in proportion to his negotiations, consequently would not be productive for anyone: — I have here the honor to referring the National Assembly to a proposal to that effect; 2. by the creation of a mutual bank operating without the intervention of cash; and when it pleases M. Thiers to seek in my propositions something other than atheism and assignats, I believe I can demonstrate to him the perfect possibility of such a bank. I hope, moreover, that the common sense of the people will not wait, in order to give the world an example of this institution, for the conversion of our financiers.

Free credit, regardless of the greater or lesser abundance of capital, is based on their intimate solidarity. Make it so that the earth, the instruments of labor, the agent of circulation, or the subsistence; make, I say, one or the other of these categories of capital free, and soon the others will lend themselves for nothing. Or, what comes to the same thing, make one of these categories useless, and from this uselessness, from this non-exchange value of one, will flow the gratuity of provision for all.

Thus, in order not to expand into an irrelevant discussion, I will confine myself to addressing a single question to M. Thiers and his disciples: Do you believe that if, for forty years, the funds annually voted for the amortization of the public debt, which have not amortized anything at all, had served to form the capital of a national bank, which capital would today be more than a billion; do you believe, I say, that the nation, the sole shareholder and owner of this bank, could reduce the rate of its discounts to the cost of administration alone, that is to say to zero? Who would this hurt? What consideration of interest, what reason of right, politics or political economy could prevent it?… Is it not obvious that then, with order in circulation, with the absence of financial crises, we would have at the same time the emancipation of the proletariat and—allow me to say it, I do so from neither stubbornness nor pride—the dis-interest-ment, the abolition of property?…

What I want, through the centralization of banking and free credit, is to do with capital what M. Thiers wanted to do with Louis-Philippe, a king who reigns and does not govern. But capital, like Louis-Philippe, does not want to give in. I have only one thing to say to him: Do you see what has become of constitutional royalty?

The division of labor or separation of industries, generating circulation; then the competition of capital; finally, credit: such are then the three principal means of action of labor against property. These are, if I dare say so, the positive arguments by which labor incessantly activates and harasses property; with which it chastised it, fines it, converts it, universalizes it, or rather idealizes it, according to the wish of the most fervent adorer of property, M. de Lamartine. And this is not a pamphlet against property that I am making at the moment. It is the laws of social economy that I am exposing; it is the natural history of property that I am recounting.

INFLUENCE DES INSTITUTIONS PROMISES PAR L’ARTICLE 13 DE LA CONSTITUTION SUR LA PROPRIÉTÉ

Eh bien! citoyens représentants, à ces agents naturels de destruction de la propriété, votre commission de constitution par l’article 13 du projet vous propose d’ajouter encore:

1. L’enseignement primaire gratuit;

2. L’éducation professionnelle;

3. L’égalité de rapports entre le patron et l’ouvrier;

4. Les institutions de prévoyance et de crédit;

5. Les associations volontaires;

6. L’établissement, par l’Étal, les départements et les communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés.

Sur quoi j’ai à faire observer deux choses:

La première, c’est que le concours de toutes ces causes, tant naturelles que politiques, par lesquelles vous allez organiser la guerre à la propriété, vous conduit invinciblement au communisme;

La seconde, c’est qu’au point où vous êtes parvenus, il ne vous est possible ni de rétrograder, ni de vous dédire; c’est que vous êtes condamnés, par la force des choses, à remplir ce programme.

Mais comme la communauté n’est pas, selon moi, la condition vraie de la société, et que vous non plus, citoyens, n’en voulez pas, la conclusion de mon discours sera qu’il est indispensable d’apporter à cette tendance communiste qui nous emporte un contre-poids ou réactif capable de maintenir et assurer le principe de propriété, principe nécessaire dans l’économie sociale comme stimulant et contradicteur du travail : ce sera l’objet de mon amendement.

Qu’il me soit permis de le dire, sans que je veuille par cette critique amoindrir la valeur d’aucune école, d’aucune idée. On s’est disputé ici sur des chimères, on n’a pas seulement touché la question quand, sous le nom de droit au travail, d’organisation au travail, on a passé en revue la communauté, l’association, le papier-monnaie, les colonies agricoles, la loi agraire, le travail attrayant, et mille autres choses qu’il peut être bon d’expérimenter un jour, mais qui, pour le moment, devraient rester étrangères à nos discussions, et n’effrayer personne.

Le danger pour la société n’est pas dans ces utopies plus ou moins fantastiques par lesquelles le socialisme a fait la caricature de la civilisation; il est dans ces actes législatifs que nous produisons d’instinct et par routine, actes d’autant plus redoutables par leurs conséquences qu’ils sont d’ailleurs dans la nécessité de notre situation.

Examinons rapidement les divers moyens par lesquels l’article 13 de la Constitution promet de favoriser le développement du travail, et auxquels, pour mon compte, j’adhère pleinement. C’est tout un plan stratégique contre la propriété.

D’abord on vous propose renseignement primaire gratuit, et comment vous en défendre?… Or, l’enseignement primaire, tel que vous aurez à le décréter, et avec la multitude des matières qui en font l’objet, est toute une encyclopédie; et s’il est une chose dont vous puissiez être certains, c’est que tout individu qui aura reçu cet enseignement ne consentira jamais à rester simple journalier dans son village, ou à se faire domestique. Cet individu-là, vous dis-je, s’il n’a pas de patrimoine, apprendra un métier, se fera commis et quittera les champs pour aller à la ville. Eh! quand le fils du propriétaire campagnard ne songe qu’à devenir avocat ou médecin, afin de vivre en monsieur, pourquoi le petit du prolétaire ne l’imiterait-il pas?

Même observation sur l’éducation professionnelle.

Lorsque les écoles de commerce, d’agriculture, d’industrie, des arts, métiers et manufactures, vous rendront chaque année des milliers de jeunes gens, la plupart sans fortune et qui auront suivi les cours pour avoir des places, qu’en ferez-vous?… L’État, dites-vous sans cesse, ne peut être, ne doit être ni commerçant, ni laboureur, ni manufacturier : et je partage tout à fait cette opinion 1 A cet égard donc, nos idées sont fixées. L’État, en fait de travail productif, n’a que les ponts et chaussées, les forêts, les tabacs et les postes. Dans ces diverses carrières, il y a encombrement. L’État imposera-t-il, par forme de garnison, à chaque propriétaire ou entrepreneur, un de ces élèves > Ce serait attenter à la liberté et à la propriété: c’est impossible. Et pourtant nous ne pouvons pas refuser l’éducation à l’enfant du prolétaire : nous la lui devons en compensation de ce droit au travail que nous n’avons pas reconnu. Il y aurait trahison de notre part et félonie, si nous supprimions de la Constitution la gratuité de l’enseignement primaire et professionnel; et si les hommes se taisaient, les enfants se lèveraient pour nous accuser.

Ainsi l’État, ne pouvant ni attirer à soi tout le travail national, ni forcer l’emploi de ses recrues comme il donne cours forcé à ses billets, n’aura qu’une ressource : ce sera, d’une part, de favoriser par le crédit les associations ouvrières en concurrence avec le travail libre, et chez lesquelles les jeunes gens des écoles pourront trouver à se placer; en second lieu, de créer pour l’agriculture, le commerce, l’industrie, des emplois d’inspecteurs, d’agents-voyers, d’ingénieurs, etc., à peu près comme il fait pour les poids et mesures, les mines, les machines, etc. De toute façon, l’État multiplie les restrictions, les gênes autour de la propriété; de toute façon, il pousse la société au communisme.

Cette conséquence inévitable d’un premier pas fait dans la voie des réformes, savoir l’organisation de l’enseignement primaire et professionnel, a été prévue par la commission, tellement prévue que, parmi les moyens de développer le travail, elle ajoute, à la suite de l’enseignement primaire et professionnel:

3° L’égalité de rapports entre le patron et l’ouvrier;

4° Les institutions de prévoyance et de crédit;

5° Les associations volontaires.

Qu’a voulu dire la commission de Constitution par ces mots: Égalité de rapports entre le patron et l’ouvrier ? Sans doute elle n’a pas entendu parler de l’égalité des droits dans le travail et les bénéfices; il ne s’agit que de l’égalité devant la loi, de l’égalité devant les prud’hommes. Jusqu’à présent la situation juridique de l’ouvrier était inférieure à celle du maitre : la loi avait environné l’entrepreneur de garanties contre l’indiscipline de ses ouvriers. Dans le système dont nous sortons, dans le système féodal de la propriété, la propriété est essentiellement féodale, la loi était sage; le philosophe, l’économiste ne pouvait qu’y applaudir. Les droits du travailleur étaient sacrifiés sans doute; il était dans la dépendance du maître : c’était providentiel, c’était fatal. Maintenant, le droit et la loi changeant de point de vue, le subalterne, toute question de bénéfice écartée, est déclaré l’égal du patron, en attendant qu’il n’y ait plus de patrons et de subalternes. La loi donne à l’ouvrier des garanties contre le maître! Cela aussi est providentiel, fatal; et la commission de Constitution, en le proclamant, n’a été que l’organe de la Sagesse infinie.

Il s’agit de bien nous pénétrer que ce qu’a fait la commission de Constitution, en déclarant l’égalité des rapports entre le patron et l’ouvrier, n’est qu’une espèce d’interlocutoire, une pierre d’attente à l’association universelle, à l’abolition définitive de la propriété. Tout droit suppose un objet, une cause principiante et finale; et si cet objet n’existe pas, le droit le crée. Si mesurée, si judicieuse que soit cette égalité juridique, j’ose dire qu’elle est diamétralement contraire au principe de subordination, sans lequel aucun atelier, aucun établissement privé ne peut subsister; qu’à elle seule elle suffit pour dégoûter également et l’ouvrier du service, et le patron de toute entreprise. L’égalité des rapports, entre le patron et l’ouvrier serait la plus grande des fautes, une semence de révolte et d’anarchie dans la société, si elle n’avait pour but de préparer l’abolition du salariat. C’est la dissolution morale d’une société constituée sur le principe de subordination et d’hiérarchie, dissolution au bout de laquelle, dans les termes actuels de l’article 13, et dans les prévisions de la Constitution, il n’y a plus que la communauté, le néant.

C’est ce qui va ressortir de plus en plus des autres moyens de développement énumérés par ce même article 13.

Après avoir préparé, de longue main, une armée de concurrents à la propriété, d’abord par l’enseignement primaire gratuit, puis par l’enseignement professionnel ; après avoir dissous l’industrie privée par l’égalité des rapports, que fait la commission de Constitution ?

Elle organise la prévoyance, elle institue le crédit!

Et en vue de qui, de quoi, ces institutions de crédit?

En vue des associations volontaires!

Examinons, l’une après l’autre, toutes ces prévisions.

Lorsque la commission a parlé d’institutions de prévoyance et de crédit, sans doute elle a entendu autre chose que ce qui existe : elle a eu en vue une organisation quelconque des banques et des assurances.

Quant aux banques, et surtout aux banques d’émancipation, le propres ne se comprend que de trois manières : la réduction de l’intérêt, la centralisation des comptoirs, la personnalité du crédit. Nous savons à quoi nous en tenir sur la réduction de l’intérêt et la centralisation de la banque : la première est la formule économique, la seconde la formule politico-économique d’extinction de la propriété. Pour ce qui regarde le crédit personnel, il implique dans toutes ses données un degré d’absorption de la part de l’État, qui égale, si même il ne surpasse, tout ce que le communisme a rêvé de plus hardi.

Vous avez rejeté le droit au travail, parce que vous n’avez pas cru que la société, l’être collectif, ou l’État qui la représente, et qui, par lui-même, ne produit rien, pût donner du travail à tout le monde. En décrétant le crédit personnel, qui se trouve nécessairement au fond de l’article 13, vous accorderiez plus que le droit an travail, vous accorderiez le Droit Au Capital !… Je le répète : ou l’article 13 ne signifie rien, et il faut le supprimer tout entier, ou il implique cette formidable conséquence.

Quant à un système d’assurances embrassant à la fois les personnes et les choses, c’est, comme la circulation, une forme de solidarité, mais qui se rapproche davantage du communisme. Ou vous ne changez rien au régime actuel des sociétés d’assurances, des caisses d’épargne, de retraite et de secours, ou vous allez centraliser et démocratiser toutes ces choses. De plus, en même temps que vous assurerez mieux l’épargne de l’ouvrier contre les conversions forcées de la dette flottante, vous aviserez aux moyens de rendre cette épargne productive; ce qui implique l’organisation du travail collectif au sein du travail libre et individuel. De quelque manière que le problème soit résolu, vous aurez fait un pas de plus vers la communauté.

J’arrive aux associations volontaires.

Il est indubitable que la commission de Constitution, en écrivant, dans l’article 13, que la société favoriserait le développement du travail par les associations volontaires, a voulu parler d’autre chose que des sociétés, soit en nom collectif, formées entre un petit nombre de personnes, pour l’exploitation d’une industrie ou d’un commerce, soit anonymes et en commandite, constituées pour de grandes entreprises, telles que mines et chemins de fer.

Les formes de sociétés déterminées par les codes civil et de commerce peuvent servir, sans doute, à constituer les associations volontaires prévues par l’article 18; mais elles ne nous apprennent rien ni sur l’esprit, ni sur le but et la portée de ces associations.

Ce qu’a voulu la commission de Constitution en désignant les associations volontaires comme un moyen de développer le travail, c’a été de consacrer la tendance du jour ; elle a eu en vue les associations d’ouvriers, groupés et organisés par masses, soit pour la consommation, soit pour la production, et embrassant dans leur cercle des corporations tout entières. Telle serait, par exemple, une association des tailleurs, une autre des chapeliers, une troisième des ouvriers en bâtiments, etc. J’avoue que ces grandes associations n’impliquent pas nécessairement, dans leurs conditions d’existence, la communauté du travail et du ménage; mais il me paraît impossible qu’avec les données actuelles, avec les idées en circulation touchant l’égalité des salaires, la réduction des heures de travail, l’économie prétendue de frais, résultant de la production et de la consommation en commun, etc.; lesdites associations n’aboutissent pas bientôt au pur communisme. En tout cas, il est évident que l’industrie et le commerce privés, perdant à la fois et leur personnel et le marché, en même temps qu’ils se trouveraient en face d’une concurrence aussi formidable, doivent bientôt succomber et disparaître. Or, l’industrie privée, le commerce privé, une fois anéantis, la propriété privée n’a plus de soutien; et comme, en ce moment, au delà de la propriété et de la communauté la raison générale n’aperçoit rien, il est une fois de plus inévitable, il est fatal que nous restions dans le communisme.

Enfin, et comme dernier moyen de favoriser le développement du travail, la commission de Constitution parle de travaux à entreprendre par l’État, les départements et les communes, et propres à employer les bras inoccupés.

Je ne crains pas de le dire : de tous les moyens de développer le travail que la commission vous propose, celui-ci est à la fois le plus efficace et le plus périlleux. Il est le plus efficace, et la raison en est simple, puisqu’il consiste à ajouter sans cesse à la somme du travail exécutée soit par les associations ouvrières, soit par l’industrie privée, une somme de travaux dits d’utilité publique, et dont les frais doivent être acquittés par la totalité des citoyens. Si, par exemple, le produit total du pays est de 10 milliards, et que chaque année une somme de 500 millions soit affectée aux travaux d’utilité publique, c’est comme si on augmentait la masse du travail national d’un vingtième. Seulement, au lieu de répartir ce vingtième, par prestations ou corvées, entre la totalité des citoyens, on le fait exécuter par des travailleurs spéciaux, détachés du corps des producteurs, et payés par l’État au moyen de l’impôt. Ainsi donc, pour augmenter et développer le travail, il suffit d’augmenter la somme des travaux publics.

Mais je dis aussi que ce moyen est le plus périlleux de tous, qu’il est plein d’anomalies et de contradictions.

Considérez, citoyens représentants, dans quel désordre d’idées nous sommes! L’agriculture manque de capitaux et de bras, et nous votons un crédit de 50 millions pour transporter les meilleurs de nos ouvriers en Algérie. La propriété foncière succombe sous l’impôt, et nous parlons d’augmenter ses charges pour organiser des travaux publics ! L’argent refuse de se prêter sur hypothèques, et voici qu’on vous propose de décréter le crédit sur les personnes ! Nous ne savez que faire des innombrables capacités que les écoles mettent chaque année à votre disposition, et vous ne songez quïà faire encore de tous les citoyens des savants! L’industrie privée manque de débouchés, et vous suscitez contre elle l’association ouvrière, la concurrence communiste! Le communisme remplit les cœurs d’effroi, et tout ce que vous faites n’a pour but que d’organiser la désappropriation, d’installer, sur les ruines du travail individuel, l’action corporative, l’initiative de l’État! Je pourrais multiplier à l’infini ces contradictions : je reviens à mon sujet.

Les travaux publics sont à la société ce que sont aux particuliers les dépenses de luxe; c’est quand on a satisfait aux besoins de première nécessité, surtout quand on a payé ses dettes, qu’il est permis de s’y livrer. En bonne règle financière, l’État ne doit entreprendre de travaux publics qu’au fur et à mesure que le besoin de la société les réclame. Désormais, et d’après l’article 13 de la Constitution, au lieu d’attendre que ce besoin se manifeste, l’État le provoquera! Avant d’avoir le nécessaire, nous nous donnerons le superflu.

Mais ce n’est rien encore.

L’Établissement par l’État, les départements et les communes, de travaux propres à employer les bras inoccupés, implique tout un système d’organisation industrielle qui finira par emporter, dans sa sphère d’activité, tout le commerce, toute l’industrie, toute la propriété : en quelques mots je le démontre.

Dans l’état actuel des sociétés, et tant que le régime propriétaire subsistera, il y aura Toujours trop-plein de population, toujours surabondance de bras, toujours, pour une partie des travailleurs, chômage. Cela tient à ce qu’il est de l’essence de la propriété, de l’économie individualiste, que chacun tende constamment à consommer moins qu’il ne produit, d’où résulte mathématiquement surabondance de produits, stagnation, chômage. Quand la population, au lieu de s’augmenter chaque année, irait en diminuant, cette réduction portant également sur le nombre des producteurs et sur celui des consommateurs, et la tendance propriétaire restant la même, rien ne serait changé à la situation : le chômage resterait toujours, comme le paupérisme, le mal constitutionnel, indélébile de la société.

Donc l’établissement de travaux publics, promis par l’article 13, sera, dès le jour de sa création, un établissement permanent et progressif ayant, en dehors des ouvriers de passage, pour lesquels il aura été primitivement conçu, un personnel fixe, directeurs, ingénieurs, comptables, piqueurs, etc.; plus, une partie des ouvriers qui, une fois entrés dans les travaux publics, s’y attacheront et n’en sortiront plus.

Ce sera quelque chose comme ce que Fourier appelait petites hordes ou armées industrielles.

Et comme, ainsi qu’il vient d’être démontré par le développement organique du prolétariat, il est fatal que cette armée industrielle augmente toujours, ce n’est pas trop présumer de la Providence qui préside aux affaires humaines que de nous attendre à voir d’ici à quelques années le budget annuel des travaux publics porté à la somme de G à 700 millions et 1 milliard.

Alors cette vaste agglomération d’hommes entretenus aux frais de l’État, opérant sa jonction avec les associations ouvrières prévues par le paragraphe précédent de l’article 13, il y aura, dans une nation de producteurs libres, une autre nation de producteurs organisés corporativement, sans parler encore de la nation officielle en service ordinaire, qui, loin de diminuer, ne pourra que s’accroître encore. Je vous laisse à penser, citoyens représentants, ce que peut devenir, entre ces redoutables masses, la petite, l’imperceptible propriété!…

A moins qu’en décrétant par l’article 13 l’organisation des travaux publics nous ne soyons d’avance résolus à ne donner aucune suite à nos décisions, les conséquences que je signale sont inévitables. Ou nous ne ferons rien, ou bien, en organisant l’armée industrielle, nous concluons tacitement à la communauté et au phalanstère : dans les termes présents de l’article 13, je n’y vois pas de milieu.

Ainsi nous voguons, enseignes déployées et toutes voiles au vent, en plein socialisme. A la conspiration naturelle et spontanée du travail contre la propriété, dont j’ai parlé dans la première partie de ce discours, nous allons joindre la conspiration réfléchie de nos institutions, de nos réformes.

La transformation de la propriété est toute notre politique. Or, le socialisme ne demande rien de plus.

Ce que demande le socialisme, — je parle du socialisme qui se comprend lui-même, qui tient compte du passé comme miroir de l’avenir, qui s’embarque sur le vaisseau de la tradition pour aller à la découverte du nouveau monde; — ce que demande le socialisme, dis-je, c’est qu’à dater de ce jour, et sauf les ménagements que commandent les positions acquises, la société accomplisse en toute connaissance, avec réflexion, et dans la plénitude de son libre arbitre, ce qu’elle a fait jusqu’ici d’instinct et par la seule vertu de sa spontanéité; c’est qu’elle achève son œuvre en posant constitutionnellement le travail comme contradicteur et antagoniste de la propriété.

Nous ne demandons pas, nous, socialistes traditionnaires, l’abolition, dans le sens communiste, de la propriété; pas plus que nos pères en 89 ne demandèrent l’abolition, dans le sens matérialiste, de la religion. Quant à des projets de spoliation et de pillage, ceux qui nous prêtent de telles idées, et qui viennent le dire à la tribune, sont tout simplement absurdes. Nous demandons que le travail soit affranchi de l’étreinte du capital, comme la pensée l’est des lisières de la foi; que la propriété, ainsi que la religion, livrée à la seule force de son principe, se défende toute seule. Je dirai tout à l’heure comment, en présence de l’organisation du travail, la propriété peut se défendre.

INFLUENCE OF THE INSTITUTIONS PROMISED BY ARTICLE 13 OF THE CONSTITUTION ON PROPERTY

Well! Citizen representatives, to these natural agents of destruction of property, your constitution commission by article 13 of the draft proposes to you to add further:

1. Free primary education;

2. Vocational education;

3. Equality of relations between the boss and the worker;

4. Institutions of savings and credit;

5. Voluntary associations;

6. The establishment, by the State, the departments and the communes, of public works suitable for employing idle hands.

Whereupon I have to point out two things:

The first is that the concurrence of all these causes, both natural and political, by which you are going to organize the war on property, leads you invincibly to communism;

The second is that at the point you have reached, it is not possible for you to retreat or to withdraw; it is that you are condemned, by the force of things, to fulfill this program.

But since community is not, in my opinion, the true condition of society and neither do you, citizens, desire it, the conclusion of my speech will be that it is essential to bring to this communist tendency that carries us off a counterweight or reagent capable of maintaining and ensuring the principle of property, a principle necessary in the social economy as a stimulus and opponent of labor: this will be the subject of my amendment.

Allow me to say so, without wishing by this criticism to diminish the value of any school, of any idea. We have argued here about chimeras; we have not only touched on the question when, under the name of the right to work, of the organization of labor, we have reviewed community, association, the paper-money, agricultural colonies, agrarian law, attractive labor and a thousand other things, with which it may be good to experiment one day, but which, for the moment, should remain foreign to our discussions, and frighten no one.

The danger for society is not in those more or less fantastic utopias by which socialism has made the caricature of civilization; it is in these legislative acts that we produce instinctively and by routine, acts all the more formidable in their consequences that they are moreover necessary in our situation.

Let us briefly examine the various means by which Article 13 of the Constitution promises to promote the development of labor, and to which, for my part, I fully subscribe. It is all a strategic plan against property.

First of all, you propose free primary education, and how can you forbid it?… However, primary education, as you will have to decree it, and with the multitude of subjects covered by it, is a whole encyclopedia; and if there is one thing of which you can be certain, it is that any individual who has received this teaching will never consent to remain a simple day laborer in his village, or to become a servant. That individual, I tell you, if he has no patrimony, will learn a trade, become a clerk and leave the fields to go to town. Well! When the son of a country proprietor thinks only of becoming a lawyer or a doctor, in order to live as a gentleman, why shouldn’t the child of the proletarian imitate him?

The same observation applies to professional education.

When the schools of commerce, agriculture, industry, arts, trades and manufactures return to you every year thousands of young people, most of them without fortune and who have taken courses to obtain places, what will you do with them?… The State, you keep saying, cannot be, must not be either trader, laborer, or manufacturer—and I completely share this opinion! In this respect, then, our ideas are fixed. The State, in the matter of productive labor, has only the bridges and roads, the forests, tobacco and the posts. In these various careers, there is clutter. Will the State impose, by a form of garrison, one of these pupils on each owner or contractor? It would be to attack liberty and property: it is impossible. And yet we cannot refuse education to the child of the proletarian: we owe it to him in compensation for this right to work that we have not recognized. It would be treason on our part and felony if we removed from the Constitution free primary and vocational education; and if the men were silent, the children would rise to accuse us.

Thus the State, unable either to attract all the national labor to itself, or to force the employment of its recruits as it gives forced circulation to its bills, will have only one resource: it will be, on the one hand, to favor by credit the workers’ associations in competition with free labor, among which the young people of the schools will be able to find a place; in the second place, to create for agriculture, commerce, industry, employment of inspectors, agents-travellers, engineers, etc., more or less as it does for weights and measures, mines, machinery, etc. In any case, the State multiplies the restrictions, the difficulties around property; either way, it drives society toward communism.

This inevitable consequence of a first step taken on the road to reform, namely the organization of primary and vocational education, was foreseen by the commission, so foreseen that, among the means of developing work, it adds, to the continuation of primary and vocational education:

3. The equality of relations between the boss and the workman;

4. Institutions of savings and credit;

5. Voluntary associations.

What did the Constitution Commission mean by these words: Equality of relationship between the boss and the worker? Doubtless it has not heard of equal rights in labor and benefits; it is only about equality before the law, equality before the prud’hommes. Until now the legal position of the worker was inferior to that of the master: the law had surrounded the entrepreneur with guarantees against the indiscipline of his workers. In the system from which we are emerging, in the feudal system of property, and property is essentially feudal, the law was wise; the philosopher, the economist could only applaud it. The rights of the worker were no doubt sacrificed; he was dependent on the master: it was providential, it was inevitable. Now right and law changing views, the subordinate, all question of profit set aside, is declared the equal of the boss, until there are no more bosses and subordinates. The law gives the worker guarantees against the master! This too is providential, inevitable; and the Constitution Commission, in proclaiming it, was only the organ of Infinite Wisdom.

It is a question of making ourselves understand well that what the commission of Constitution did, by declaring the Equality of the relations between the boss and the worker, is only a kind of interlocutory judgment, a toothing stone to universal association, to the definitive abolition of property. All right supposes an object, a principiant and final cause; and if this object does not exist, right creates it. However measured, however judicious this legal equality may be, I dare say that it is diametrically contrary to the principle of subordination, without which no workshop, no private establishment can subsist; that by itself it is enough to equally disgust both the service worker and the boss of any enterprise. The equality of relations between the boss and the worker would be the greatest of faults, a seed of revolt and anarchy in society, if its purpose were not to prepare for the abolition of wage labor. It is the moral dissolution of a society constituted on the principle of subordination and hierarchy, a dissolution at the end of which, in the current terms of article 13, and in the provisions of the Constitution, there is only community, nothingness.

This is what will emerge more and more from the other means of development listed in this same article 13.

After having prepared, over a long period of time, an army of competitors for property, first by free primary education, then by professional education; after having dissolved private industry by the equality of relations, what does the commission of Constitution do?

It organizes savings; it institutes credit!

And in view of whom, of what, does it prepare these credit institutions?

For voluntary associations!

Let us examine, one after the other, all these predictions.

When the commission spoke of institutions of savings and credit, it no doubt meant something other than what exists: it had in view some form of organization of banks and insurance companies.

As for the banks, and especially the banks of emancipation, the orders can only be understood in three ways: the reduction of interest, the centralization of counters, the individuality of credit. We know where we stand on the reduction of interest and the centralization of banking: the first is the economic formula, the second the politico-economic formula of the extinction of property. As far as personal credit is concerned, it implies in all its data a degree of absorption on the part of the State, which equals, if not even surpasses, the boldest dreams of communism.

You rejected the right to work, because you did not believe that society, the collective being, or the State that represents it, which, by itself, produces nothing, could give work to everyone. By decreeing personal credit, which is necessarily at the bottom of article 13, you would grant more than the right to work, you would grant the right to capital!… I repeat: either article 13 means nothing, and it it must be suppressed altogether, or it implies this formidable consequence.

As for an insurance system embracing both persons and things, it is, like circulation, a form of solidarity, but closer to communism. Either you don’t change anything in the current system of insurance companies, savings, retirement and relief funds, or you are going to centralize and democratize all these things. Moreover, at the same time that you will better insure the savings of the worker against the forced conversions of the floating debt, you will advise on the means of making these savings productive; which implies the organization of collective work within free and individual work. However the problem is solved, you will have taken a step closer to community.

I come to the voluntary associations.

There is no doubt that the Constitution Committee, by writing in article 13 that society would favor the development of work by voluntary associations, meant to speak of something other than societies, either in collective name, formed between a small number of persons, for the operation of an industry or a trade, or anonymous and limited, constituted for large enterprises, such as mines and railways.

The forms of societies determined by the civil and commercial codes can undoubtedly be used to form the voluntary associations provided for in article 13; but they teach us nothing either about the spirit or about the aim and scope of these associations.

What the Constitution Commission wanted by designating voluntary associations as a means of developing work was to consecrate the trend of the day; it had in view the associations of workmen, grouped and organized in masses, either for consumption or for production, and embracing in their circle whole corporations. Such would be, for example, an association of tailors, another of hatters, a third of construction workers, etc. I admit that these great associations do not necessarily imply, in their conditions of existence, the community of work and of the household, but it seems to me impossible that with the current data, with the ideas in circulation touching the equality of wages, the reduction of working hours, the supposed economy of expenses, resulting from joint production and consumption, etc., the said associations will not soon result in pure communism. In any case, it is obvious that private industry and commerce, losing both their personnel and the market, at the same time that they would find themselves faced with such formidable competition, must soon succumb and disappear. Now, private industry, private commerce, once annihilated, private property no longer has support; and as, at this moment, beyond property and the community, general reason perceives nothing, it is once again inevitable, it is fatal that we remain in communism.

Finally, and as a last means of favoring the development of labor, the commission for the Constitution speaks of works to be undertaken by the State, the departments and the communes,  suitable for employing idle hands.

I am not afraid to say it: of all the means of developing the work that the commission proposes to you, this is at the same time the most effective and the most perilous. It is the most effective, and the reason for this is simple, since it consists in constantly adding to the sum of the labor carried out either by workers’ associations or by private industry, a sum of works of so-called public utility, whose costs must be paid by all citizens. If, for example, the total product of the country is 10 billion, and each year a sum of 500 million is allocated to works of public utility, it is as if the mass of national labor were increased by one-twentieth. Only, instead of distributing this twentieth, by benefits or corvées, among the totality of the citizens, it is done by special workers, detached from the body of producers, and paid for by the state through taxation. Thus, to increase and develop work, it suffices to increase the amount of public works.

But I also say that this means is the most perilous of all, that it is full of anomalies and contradictions.

Consider, citizen representatives, in what a mess of ideas we are! Agriculture lacks capital and manpower, and we vote a credit of 50 million to transport the best of our workers to Algeria. Landed property succumbs to taxation, and we talk of raising its charges to organize public works! Money refuses to lend itself on mortgages, and here we are offering you to decree credit on people! We don’t know what to do with the innumerable capacities that the schools put at your disposal each year, and you only dream of making scholars out of all citizens! Private industry lacks outlets, and you are stirring up against it the workers’ associations, communist competition! Communism fills hearts with dread, and everything you do is only intended to organize disappropriation, to install, on the ruins of individual labor, corporate action, the initiative of the State! I could multiply these contradictions ad infinitum: I return to my subject.

Public works are to society what luxury expenditures are to individuals; it is when one has satisfied basic necessities, especially when one has paid one’s debts, that one is permitted to indulge in them. As a good financial rule, the State should undertake public works only as and when the needs of society demand them. From now on, and according to article 13 of the Constitution, instead of waiting for this need to manifest itself, the State will provoke it! Before having the necessary, we will give ourselves the superfluous.

But that is nothing yet.

The establishment by the State, the departments and the communes, of jobs suitable for employing idle hands, implies a whole system of industrial organization that will end by carrying off, in its sphere of activity, all trade, all industry, all property: I will demonstrate it in a few words.

In the present state of societies, and as long as the proprietary system subsists, there will always be an overflow of population, always a superabundance of workers, always, for a part of the workers, unemployment. This is due to the fact that it is of the essence of property, of the individualist economy, that each constantly tends to consume less than he produces, from which mathematically results an overabundance of products, stagnation, unemployment. When the population, instead of increasing each year, would go on decreasing, this reduction bearing equally on the number of producers and on that of consumers, and the proprietary tendency remaining the same, nothing would change in the situation: unemployment would always remain, like pauperism, the indelible constitutional evil of society.

Therefore the establishment of public works, promised by article 13, will be, from the day of its creation, a permanent and progressive establishment having, apart from the temporary workers, for whom it will have been originally designed, a permanent staff, managers, engineers, accountants, pickers, etc.; and more, a portion of the workmen who, once entered in the public works, will stick to it and will not leave any more.

It will be something like what Fourier called the little hordes or industrial armies.

And since, as has just been demonstrated by the organic development of the proletariat, it is inevitable that this industrial army should always increase, it is not presuming too much of the Providence that presides over human affairs to expect to see within a few years the annual budget for public works increased to the sum of 6 or 700 million and a billion.

Then, this vast agglomeration of men maintained at the expense of the State, effecting its junction with the workers’ associations provided for by the preceding paragraph of Article 13, there will be, in a nation of free producers, another nation of producers organized in a corporative manner, not to mention the official nation in ordinary service, which, far from diminishing, can only increase still further. I leave you to imagine, citizen representatives, what can become, between these formidable masses, of small, imperceptible property!…

Unless, in decreeing by article 13 the organization of public works, we are resolved in advance not to follow up on our decisions, the consequences that I am pointing out are inevitable. Either we will do nothing or else, by organizing the industrial army, we conclude tacitly at community and the phalanstery: in the present terms of article 13, I see no middle ground.

Thus we sail, banners unfurled and all sails in the wind, into the midst of socialism. To the natural and spontaneous conspiracy of labor against property, of which I spoke in the first part of this discourse, we are going to add the deliberate conspiracy of our institutions, of our reforms.

The transformation of property is our whole policy. But socialism asks for nothing more.

What socialism demands — I am speaking of the socialism that understands itself, that takes account of the past as a mirror of the future, that embarks on the ship of tradition to set out to discover the new world; — what socialism demands, I say, is that from this day forward, and save for the consideration required by acquired positions, society accomplishes with full knowledge, with reflection and in the fullness of its free will, what it has done so far instinctively and by virtue of its spontaneity alone; it is that it completes its work by constitutionally positing labor as the opponent and antagonist of property.

We, traditional socialists, do not ask for the abolition, in the communist sense, of property; any more than our fathers in 89 demanded the abolition, in the materialistic sense, of religion. As for projects of spoliation and pillage, those who lend us such ideas, and who come to say so from the tribune, are quite simply absurd. We ask that labor be freed from the grip of capital, as thought is from the fringes of faith; that property, like religion, left to the sole force of its principle, defends itself alone. I will say later how, in the presence of the organization of work, property can be defended.

SITUATION EXTRÊME DE LA SOCIÉTÉ ENTRE LA PROPRIÉTÉ ET LE TRAVAIL

Pouvons-nous maintenant, législateurs, pouvons-nous reculer devant la nécessité des choses? Pouvons-nous tromper l’espérance des travailleurs, appeler de l’arrêt du destin, manquer à la fois à notre origine et à notre mandat?

Cela encore est impossible : la discussion que nous avons eue, il y a huit jours, sur le droit au- travail, bien qu’elle ait été suivie d’un vote négatif, nous a fermé la retraite.

Que faisions-nous, en effet, lorsque nous discutions le droit au travail? Tout le monde l’a compris, et tous nous en avons été témoins; nous discutions le droit de propriété. La propriété mise en question, voilà ce que signifie la discussion du droit au travail : voilà le fait capital de notre session parlementaire. C’est toute la révolution de février, la révolution sociale.

La propriété mise en question! Y avez-vous réfléchi, citoyens représentants? C’est comme la monarchie en question, comme la religion en question : c’est la propriété passée à l’état précaire, à l’état utopie. Chacun en ce moment dans toute l’Europe, de Cadix au Caucase, de l’Atlas au Spitzberg, discute la propriété. La tribune a donné l’exemple, l’Académie a suivi, la presse a soulevé partout la discussion. Sous le chaume comme dans son enceinte, on se demande si la propriété est un droit! Et partout la réponse est équivoque, partout la solution est contradictoire. Quelqu’un a dit à cette tribune que la propriété était d’origine divine : eh bien! vous l’avez fait descendre de ses nuages : conservateurs imprudents, en discutant le droit au travail, vous avez perdu la propriété, vous l’avez perdue, vous dis-je, et par vos propres arguments.

Toute autorité qui se discute est une autorité qui se perd: nous l’avons vu de la monarchie et de l’Église, pour ne pas dire de Dieu; nous allons le voir de la propriété. J’ai suivi avec toute l’attention dont je suis capable cette discussion solennelle du droit au travail, du droit de propriété, et j’ai constamment trouvé que tous les arguments présentés en faveur de cette dernière, et entre lesquels je ne conseille à personne de choisir, concluaient, sans exception, au nivellement de la propriété, c’est-à-dire à sa négation. C’est là qu’était le péril de ce débat, péril extrême, mais inévitable.

Quelque théorie qu’on choisisse à l’égard de la propriété; qu’on la fonde sur le droit divin, le droit naturel ou le droit social; qu’on lui donne pour base la loi civile, l’occupation, le travail, ou toutes ces choses à la fois, toujours on se trouve conduit, indépendamment de la valeur intrinsèque des raisons, et en les acceptant toutes pour bonnes, à cette conclusion fatale : que la propriété, pour être légitime, devrait être et rester égale pour tous : ce qui, je le répète, est la négation de la propriété.

Invoquerez-vous le droit divin et, avec le poète, remonterez-vous jusqu’au monde des mystères? — Je vous demande si Dieu a des préférences, et pourquoi, tandis que vous possédez votre légitime, moi je n’ai rien reçu?…

Restez-vous sur la terre, et en appelez-vous au droit naturel! — Je demande comment la propriété est naturelle à dix millions de Français, innaturelle à vingt millions d’autres’… J’observe, de plus, que si la propriété est de droit naturel, elle n’est pas de droit social; car si la propriété était sociale, elle serait indivise, égale, et la même pour tous. Comment donc se fait-il que l’on revendique la propriété, exclusive et égoïste de sa nature, comme base de la société? Propriété et société sont termes antithétiques et qui répugnent invinciblement l’un à l’autre. La preuve en est aujourd’hui que ceux qui travaillent à rendre la propriété effectivement sociale sont combattus à outrance par les conservateurs de la propriété, qui les nomment par dérision socialistes!

Un philosophe nous dit : La propriété est la forme de la liberté humaine. Sans la propriété, la société ne serait qu’un vil troupeau conduit, à la façon des bêtes sauvages, par un instinct collectif, mais sans pensée, sans initiative individuelle. Nier la propriété, c’est créer un panthéisme économique dans lequel la personnalité périt comme dans certaines religions de l’Orient, comme dans le système de Spinosa. Dieu a dit à l’homme : Être libre, reste libre; c’est pourquoi tu posséderas la terre!

Philosophe, tes principes sont admirables; mais voyons un peu la conséquence. Comment, cette propriété, qui, suivant toi, nous fait libres, devient-elle à son tour principe et occasion de servage? Comment, au vu et au su de tout le genre humain, de l’aveu de tous les jurisconsultes et économistes, la propriété a-t-elle pour corrélatif indispensable le prolétariat? Quoi! dans l’ordre de la Providence, la liberté ne luit pas pour tout le monde! Voilà donc le secret de cette fameuse doctrine de la prédestination : beaucoup d’appelés, mais peu d’élus! ce que le païen exprimait par ces mots : Pauci quos sequus amavit Jupiter. Oui, ils sont _rares_ les amis de Jupiter propriétaire !…

Moins prétentieuse ou moins mystique, la vieille école nous disait : Le droit de propriété est le droit du premier occupant. L’appréhension faite par un homme libre d’une chose qui n’appartient à personne et avec l’intention de se l’approprier constitue, à l’origine, le droit de propriété.

Cette théorie peut s’admettre; elle peut même paraître juste, au point de vue de la police des établissements, et tant qu’il reste, comme en Amérique, des espaces vides. Mais le jour où la terre sera pleine, où toutes les places seront occupées, que direz-vous aux derniers arrivants?…

On parle de la loi civile! Je demande comment la loi civile a pu convertir la possession en propriété, alors que l’accroissement des générations lui faisait, au contraire, un devoir de convertir la propriété en possession? Car si, comme il est manifeste et comme on l’avoue, la propriété est née de l’occupation primitive, elle n’est rien de plus qu’un fait qui s’est produit faute d’opposition, et qui se continue par le bon plaisir de tous les ayants-droit. Appuyée sur ce seul titre, la propriété est nécessairement précaire et toujours révocable.

On se prévaut du consentement universel. — Mais qui dit consentement universel, dit renonciation réciproque, dit par conséquent garantie réciproque, ce qui nous ramène de nouveau à l’égalité.

On oppose la prescription. — Mais, sans compter que la propriété est nécessairement, par toutes les raisons qui précèdent, ou nulle pour chacun, imprescriptible et inaliénable pour tous, il est notoire que la prescription n’a été imaginée qu’en confirmation de la loi civile; sans quoi elle manquerait du juste iilre qui seul la peut faire admettre. Or, vous venez de voir que la loi civile n’a pu reconnaître la propriété que comme provisoire, nullement comme définitive.

Enfin on en appelle au travail, aux droits sacrés du travail: comme si le travail qui, dans l’ordre logique, aussi bien que dans l’ordre historique des événements, ne fait que suivre l’appréhension des choses , n’était pas le principe antagoniste, le principe destructeur de la propriété!

Et sans rentier dans la discussion à laquelle je me suis livré tout à l’heure, n’est-il pas évident, du reste, que, si le travailleur fait les fruits siens, il ne s’ensuit pas qu’il fasse la terre sienne; qu’une telle conséquence, dont l’absurdité en droit saute à tous les yeux, implique contradiction avec l’idée de travail, puisqu’il est de principe en économie politique que le travail ne crée que des formes, des valeurs, et non pas des substances; — que, même en ce qui concerne la propriété des produits, le droit du travailleur ne se soutient qu’aussi longtemps qu’il travaille et dans la mesure de son travail; — qu’ainsi le droit qui naît du travail est la négation de celui qu’on voudrait attribuer au capital, — qu’au surplus, par la séparation des industries, il existe entre les producteurs une solidarité d’action qui, centuplant les forces et les produits, rend de droit indivis le bénéfice de cette séparation et la propriété qui en résulte, en sorte que tout travailleur qui s’arroge le produit de cette force collective doit être considéré comme un usurpateur entre ses frères!

Toutes ces choses ont été depuis dix ans analysées, discutées , retournées de fond en comble, à l’aide d’une dialectique éprouvée, et ce n’est point par des déclarations de tribune ou des bucoliques de journaux qu’on en infirmera les conclusions. L’économie politique a été refaite à ce point de vue, l’histoire tout entière expliquée, et si de prétendus savants s’élèvent aujourd’hui contre une théorie qui met la leur à néant, leur protestation prouve tout juste autant que celle des propriétaires. C’est là enfin, dans cet antagonisme du droit au travail et du droit de propriété, qu’a été découverte la cause du progrès économique, qui est en même temps la cause du prolétariat et de la misère.

La démonstration socialiste a été poussée jusqu’aux dernières limites de la précision et de l’évidence mathématique, et jamais, il ne faut pas se lasser de le dire, jamais les soi-disant économistes n’ont osé s’engager sur ce terrain.

La propriété est impossible, a dit le socialisme, parce qu’elle suppose dans la société une chose absurde et contradictoire, à savoir une différence entre le produit net et le produit brut; — parce que, pour satisfaire aux exigences de ce faux principe et du droit qu’on en fait résulter, le propriétaire-capitaliste-entrepreneur est obligé de vendre 100 ce qui ne lui coûte que 80, et que le travailleur-consommateur-salarié ne peut payer que 80; — parce que, dans ce régime d’exploitation usuraire, d’extermination réciproque, les produits ne s’échangent plus contre les produits, les réalités contre des réalités, mais contre des ombres, contre des fictions.

Oui, la propriété est impossible, parce qu’en se rendant maîtresse de la circulation et de l’instrument d’échange, comme elle s’est rendue maîtresse de la production et de la terre , qui en est l’instrument, elle s’est donnée pour dernière expression, pour formule suprême, la banqueroute organisée et périodique.

Un hectare de terre ne produira jamais à celui qui le possède que comme un hectare de terre; un kilogramme d’argent produit avec le temps à l’usurier, d’abord comme 1, puis comme 2, comme 4, comme 10, comme 100 kilogrammes. Preuve : La somme de numéraire circulant en France est à peine de 2 milliards, soit, à 5 pour 100, un intérêt de 100 millions à servir aux capitalistes. Mais, par le roulement du numéraire et la faculté qu’il a de pouvoir se replacer sans cesse, ces 2 milliards produisent actuellement comme 25 : dette publique 6 à 1 milliards; hypothèques, 8 milliards; obligations et actions, 8 milliards; escompte et circulation, 5 milliards. En sorte qu’un capital qui, dans l’hypothèse, aujourd’hui démontrée fausse, de la légitimité de l’intérêt, ne devrait entretenir au plus, à la moyenne de 69 centimes par jour et par tête, que 400,000 parasites, en fait vivre 5 millions, la septième partie de tout le peuple. Suivez jusqu’au bout cette progression de l’intérêt, et vous arrivez à cette conséquence singulière, qu’à un temps donné, et qui ne dévait pas être loin, la totalité des citoyens subsistera du seul revenu des espèces, sans travailler et sans rien produire…

Ainsi, comme l’usure est multiplicatrice de l’usure, la propriété ou pour mieux dire le parasitisme est multiplicateur du parasitisme. Laissez agir l’institution, et elle vous produit, comme son fruit naturel et légitime, le prolétariat; niez l’institution, et tout le monde devant vivre de son travail, le prolétariat est sans raison d’existence, la plaie du parasitisme est guérie.

Je ne pousserai pas plus loin cette critique du droit de propriété. Ce que je viens de dire suffit pour déterminer le champ de la discussion, et sur ce terrain, supérieur à toutes les théories, je défie qu’on oppose au socialisme autre chose que des calomnies. Démontrer le droit de propriété, c’est démontrer ou qu’il n’existe pour personne, ou qu’il est le même pour tous: cela est désormais avoué de tous ceux qui ont pris la peine d’y réfléchir. Quant à ceux qui s’obstinent à défendre la propriété par le travail, un principe d’exclusion par un principe de droit commun, je me contenterai de leur dire que cette propriété dont ils sont idolâtres est en trop grand péril en ce moment pour que je perde le temps à les convaincre; ce qui presse, ce n’est déjà plus de soutenir et de faire avancer le socialisme, c’est de sauver le principe de propriété.

Or, vous ne pouvez espérer de salut, citoyens, qu’en développant, toujours et parallèlement, les institutions protectrices de ces deux grandes antinomies, le travail et la propriété. Toute station, toute rétrogradation vous est interdite.

Je dis d’abord que vous ne pouvez refuser au travail les garanties de développement qu’il vous demande et que la commission de Constitution vous propose de décréter par l’article 13.

Pouvez-vous refuser au peuple, dont vous n’avez pas voulu reconnaître le droit au travail, l’enseignement primaire ? Pouvez-vous ne pas acquitter cette dette de l’ancienne révolution et de tous les gouvernements qui ont suivi? — C’est impossible. Refuser au peuple l’instruction, c’est organiser l’esclavage par l’ignorance, et si personne ne se levait pour protester dans cette enceinte, les pavés alors, suivant la parole de l’Évangile, se lèveraient.

Pouvez-vous refuser au peuple l’éducation professionnelle? C’est impossible. Si, dans l’état actuel de l’économie publique, vous rejetez l’éducation professionnelle, vous multipliez la classe des travailleurs parcellaires, des journaliers et manœuvres sans métier et sans profession, et le fléau du paupérisme, de plus en plus intense, vous dévorera.

Pouvez-vous ne pas reconnaître l’égalité devant la loi entre le maître et l’ouvrier? —Si vous refusez l’égalité au travailleur, le travailleur se mettra en grève ; cessant de travailler, il cessera de consommer. Le petit commerce, qui vit de la consommation de l’ouvrier, sera ruiné et entraînera dans sa ruine le haut commerce, auquel il sert de débouché, et par cette retraite du peuple, toute votre société s’abîmera. Voyez où en est le commerce de la capitale depuis que le chômage prolongé, l’insurrection, l’état de siége ont déterminé la retraite de plus de quarante mille prolétaires.

Pouvez-vous ne pas organiser le crédit? A cette question, la propriété aux abois, la propriété agricole et industrielle, qui ne trouve plus à emprunter sur hypothèques, le capital monétaire lui-même, qui n’ose plus se commettre, vous crient encore plus haut que le travailleur : C’est impossible. Si, avant trois mois, vous n’avez pas organisé le crédit, ce n’est pas la république seulement qui périra, c’est la nation.

Pouvez-vous interdire les associations ouvrières? Et de quel droit? Ne vous suffit-il pas d’avoir refusé la garantie du travail à l’ouvrier? Et parce que vous ne savez pas l’occuper, lui défendrez-vous de s’associer pour travailler? C’est impossible. Au reste, vous n’aurez bientôt, à cet égard, rien à commander, rien à encourager, rien à défendre. Partout les masses travailleuses sont en train de s’organiser corporativement; la société est minée sous vos pieds; pendant que vous délibérez, la révolution sociale s’accomplit sans bruit, toute seule. Le peuple, organisant en lui-même la production et l’échange, a commencé le blocus du capital; le travail, que vous avez refusé, il s’apprête à vous l’enlever à vous-mêmes, en vous retirant sa consommation. Encore un peu de temps, et la propriété, excommuniée comme un arbre maudit, se desséchera.

Pouvez-vous ne pas développer et organiser les travaux publics ? Mais c’est du développement de ces travaux que la propriété attend elle-même sa valeur d’échange et sa puissance productive. Que sont vos campagnes et vos vignobles sans routes vicinales et sans chemins de fer? Qu’est-ce que votre matériel de navigation, sans ports, sans canaux, sans fleuves navigables? Que deviendront vos chantiers, vos usines et vos mines, si vous n’avez plus de forêts?… La propriété, vous dis-je, encore plus que le prolétariat, est intéressée à cette organisation des travaux d’utilité publique. Sur ce point, comme sur les précédents, ne rien faire est impossible.

Lorsque, dans le préambule de cette constitution, vous avez consacré le droit de propriété, vous l’avez justice par le travail. Puis, quand on vous a demandé de consacrer le droit au travail, vous vous êtes récriés que le droit au travail froissait le droit de propriété. Comme si vous eussiez dit au peuple : Nous avons acquis par le travail tout ce qu’il était possible d’acquérir; nous suffisons à conserver par le travail tout ce qu’il est possible de conserver. Nous ne pouvons te garantir quoi que ce soit, et nous sommes les maîtres!

Le raisonnement était absurde, la conclusion odieuse. Toute propriété, je le veux bien, se justifie par le travail; toute, dis-je, excepté la propriété même du travail. Vous l’avez senti, citoyens représentants, et c’est pour cela que vous avez offert au travailleur, comme compensation de son droit, les moyens de développer, le travail, et cela encore autant dans votre intérêt que dans le sien! Non , vous ne reviendrez pas sur cette parole sacrée!

Telle est donc votre situation, qu’il faut que vous saisissiez les rênes du progrès, ces rênes qu’a tenues seule jusqu’ici l’incompréhensible Providence. Il faut qu’en développant le travail, vous acheviez de vos propres mains la transformation de la propriété. La Providence, qui nous a conduits jusqu’à cette heure, est incapable par elle-même de nous mener plus loin. A l’homme de prendre, sur le char des destinées, la place de Dieu.

EXTREME SITUATION OF SOCIETY BETWEEN PROPERTY AND WORK

Can we now, legislators, can we recoil from the necessity of things? Can we deceive the hope of the workers, appeal the judgment of destiny, and fail at the same time our origin and in our mandate?

This again is impossible: the discussion we had eight days ago on the right to work, although it was followed by a negative vote, closed our retreat.

What were we doing, in fact, when we were discussing the right to work? Everyone understood it, and we all witnessed it; we were discussing the right of ownership. Property called into question, this is what the discussion of the right to work means: this is the capital fact of our parliamentary session. It is the whole February revolution, the social revolution.

Property called into question! Have you thought about it, citizen representatives? It’s like the monarchy in question, like religion in question: it is property passed into a precarious state, into a utopian state. Everyone right now in all of Europe, from Cadiz to the Caucasus, from the Atlas to Spitsbergen, is discussing property. The tribune gave the example, the Academy followed, the press raised the discussion everywhere. Under the thatch as in its enclosure, one wonders if property is a right! And everywhere the answer is equivocal, everywhere the solution is contradictory. Someone said at this rostrum that property was of divine origin. Well! You have brought it down from its clouds: imprudent conservatives, by discussing the right to work, you have doomed property, you have doomed it, I tell you, and by your own arguments.

Any authority that is disputed is an authority that is lost: we have seen this in the case of the monarchy and of the Church, not to say of God; we will see it with property. I have followed with all the attention of which I am capable this solemn discussion of the right to work, of the right of property, and I have constantly found that all the arguments presented in favor of the latter, among which I do not advise anyone to choose, concluded, without exception, with the leveling of property, that is to say to its negation. Therein lay the danger of this debate, an extreme but inevitable danger.

Whatever theory one chooses with regard to property; whether it is founded on divine right, natural right or social right; whether we base it on civil law, occupation, labor or all these things at the same time, we always find ourselves led, independently of the intrinsic value of the reasons, and by accepting them all as good, to this fatal conclusion: that property, to be legitimate, should be and remain equal for all, which, I repeat, is the negation of property.

Will you invoke divine right and, with the poet, go back to the world of mysteries? — I ask you if God has preferences, and why, while you have your rightful place, I have received nothing?…

Remain on earth, and appeal to natural law! — I ask how property is natural to ten million French people, unnatural to twenty million others… I observe, moreover, that if property is of natural right, it is not of social right; for if property were social, it would be undivided, equal, and the same for all. How then is it that one claims ownership, exclusive and selfish in nature, as the basis of society? Property and society are antithetical terms which are invincibly repugnant to each other. The proof of this is today that those who work to make property effectively social are fought to the limit by the conservatives of property, who derisively call them socialists!

A philosopher tells us: Property is the form of human liberty. Without property, society would be but a vile herd led, like wild beasts, by a collective instinct, but without thought, without individual initiative. To deny property is to create an economic pantheism in which the personality perishes as in certain religions of the East, as in the system of Spinosa. God said to man: To be free, remain free; this is why you will possess the earth!

Philosopher, your principles are admirable; but let’s take a look at the consequences. How does this property, which, according to you, makes us free, become in its turn the principle and the occasion of bondage? How, in view of and with the knowledge of all mankind, with the admission of all jurists and economists, does property have the proletariat as its indispensable correlative? What! In the order of Providence, liberty does not shine for everyone! Here, then, is the secret of this famous doctrine of predestination: many are called, but few are chosen! What the pagan expressed by these words: Pauci quos sequus amavit Jupiter. Yes, the friends of the proprietor Jupiter are rare!…

Less pretentious or less mystical, the old school told us: The right of ownership is the right of the first occupant. The apprehension made by a free man of a thing that belongs to no one, with the intention of appropriating it constitutes, originally, the right of property.

This theory can be admitted; it may even seem fair, from the point of view of policing establishments, as long as there remain, as in America, empty spaces. But the day when the earth will be full, when all the places will be occupied, what will you say to the last arrivals?…

We are talking about civil law! I ask how the civil law was able to convert possession into property, while the increase of generations made it, on the contrary, a duty to convert property into possession? For if, as is manifest and admitted, property is born of primitive occupation, it is nothing more than a fact that is produced for lack of opposition, and which is continued by the good pleasure of all the rights holders. Based on this title alone, property is necessarily precarious and always revocable.

Universal consent is claimed. But whoever says universal consent, says reciprocal renunciation, consequently says reciprocal guarantee, which brings us back again to equality.

Prescription is opposed. But, without counting that property is necessarily, for all the reasons that precede, or null for each one, imprescriptible and inalienable for all, it is notorious that prescription was imagined only in confirmation of the civil law; without which it would lack the just title that alone can make it acceptable. Now, you have just seen that the civil law has been able to recognize property only as provisional, in no way as definitive.

Finally, an appeal is made to labor, to the sacred rights of work: as if the labor which, in the logical order, as well as in the historical order of events, only follows the apprehension of things, were not the antagonistic principle, the destructive principle of property!

And without going into the discussion in which I engaged earlier, is it not obvious, moreover, that, if the worker makes the fruits his own, it does not follow that he makes the land his; that such a consequence, the legal absurdity of which is obvious to all eyes, implies a contradiction with the idea of labor, since it is a principle in political economy that labor only creates forms, values, and not substances; — that, even with regard to the ownership of products, the right of the worker is maintained only as long as he labors and to the extent of his work; — that thus the right that arises from labor is the negation of that which one would like to attribute to capital, — that moreover, by the separation of industries, there exists between the producers a solidarity of action which, multiplying the forces and the products a hundredfold, makes the benefit of this separation and the property that results from it undivided by right, so that any worker who arrogates to himself the product of this collective force must be considered a usurper among his brothers!

All these things have been analysed, discussed, turned over from top to bottom, with the help of a proven dialectic, for ten years and it is not by statements from the tribune or bucolic newspapers that we will invalidate their conclusions. Political economy has been remade from this point of view, the whole of history explained, and if so-called scholars today rise up against a theory that puts theirs to naught, their protest proves just as much as that of the proprietors. It is there, finally, in this antagonism between the right to work and the right of property, that the cause of economic progress has been discovered, which is at the same time the cause of the proletariat and of misery.

The socialist demonstration has been pushed to the last limits of precision and mathematical evidence, and never, we must not tire of saying it, never have the so-called economists dared to engage in this terrain. Property is impossible, said socialism, because it supposes something absurd and contradictory in society, namely a difference between the net product and the gross product; — because, to satisfy the requirements of this false principle and of the right that results from it, the owner-capitalist-entrepreneur is obliged to sell for 100 which costs him only 80, and the worker-consumer-employee can pay only 80; — because, in this regime of usurious exploitation, of reciprocal extermination, products are no longer exchanged for products, realities for realities, but for shadows, for fictions.

Yes, property is impossible, because by making itself master of circulation and of the instrument of exchange, as it has made itself master of production and of the land, which is its instrument, it is given as a last expression, as a supreme formula, organized and periodic bankruptcy.

A hectare of land will never produce to him who owns it except as a hectare of land; a kilogram of silver produces over time to the usurer, first as 1, then as 2, as 4, as 10, as 100 kilograms. Proof: The sum of cash circulating in France is barely 2 billion, that is, at 5 per cent, an interest of 100 million to serve the capitalists. But, by the rotation of the specie and the faculty which it has of being able to replace itself unceasingly, these 2 billion currently produce like 25: public debt 6 to 1 billion; mortgages, 8 billion; bonds and stocks, 8 billion; discount and circulation, 5 billion. So that a capital which, in the hypothesis, now proven false, of the legitimacy of interest, should maintain at most, at the average of 69 centimes per day and per head, only 400,000 parasites, in fact provides for 5 million, the seventh part of all the people. Follow to the end this progression of interest, and you arrive at this singular consequence, that at a given time, which should not be far off, the totality of the citizens will subsist on the income of cash alone, without working and without producing anything…

Thus, as usury is a multiplier of usury, property, or better said, parasitism is a multiplier of parasitism. Let the institution act, and it produces for you, as its natural and legitimate fruit, the proletariat; deny the institution, and everyone having to live from his work, the proletariat has no reason to exist, the wound of parasitism is healed.

I will not pursue this criticism of the right of property any further. What I have just said suffices to determine the field of discussion, and on this ground, superior to all theories, I challenge anyone to oppose anything other than calumny to socialism. To demonstrate the right of property is to demonstrate either that it does not exist for anyone, or that it is the same for all: this is now acknowledged by all those who have taken the trouble to think about it. As for those who persist in defending property through labor, a principle of exclusion by a principle of common law, I will content myself with telling them that this property of which they are idolaters is in too great danger at this moment for me to waste time convincing them; what is urgent is no longer to support and advance socialism, it is to save the principle of property.

Now, you can hope for salvation, citizens, only by developing, always and in parallel, the protective institutions of these two great antinomies, labor and property. Any pause, any retreat is forbidden to you.

I say first of all that you cannot refuse to labor the guarantees of development that it asks of you and that the Constitution Commission proposes that you decree by article 13.

Can you deny the people, whose right to work you did not want to recognize, primary education? Can you not discharge this debt of the old revolution and of all the governments which followed? — It is impossible. To deny the people instruction is to organize slavery through ignorance, and if no one rose up to protest in this place, then the cobblestones, according to the word of the Gospel, would rise.

Can you deny the people professional education? It is impossible. If, in the present state of the public economy, you reject professional education, you multiply the class of piecemeal workers, day laborers and laborers without a trade and without a profession, and the scourge of pauperism, more and more intense, will devour you.

Can you fail to recognize equality before the law between the master and the workman? — If you deny equality to the worker, the worker will go on strike; ceasing to work, he will cease to consume. Petty commerce, which lives off the consumption of the worker, will be ruined and will drag high commerce, for which it serves as an outlet, to its ruin, and by this retreat of the people, your whole society will be ruined. See where the commerce of the capital has been since prolonged unemployment, the insurrection, the state of siege have determined the retirement of more than forty thousand proletarians.

Can you fail to arrange credit? To this question, property at bay, agricultural and industrial property, which can no longer borrow on mortgages, monetary capital itself, which no longer dares to commit itself, cry out to you even louder than the worker: is not possible. If, before three months, you have not organized credit, it is not only the republic that will perish, it is the nation.

Can you ban workers’ associations? And by what right? Is it not enough for you to have refused the guarantee of work to the workman? And because you do not know how to occupy him, will you forbid him to associate to work? It is impossible. Besides, you will soon have nothing to command, nothing to encourage, nothing to defend in this respect. Everywhere the working masses are organizing themselves corporately; society is undermined under your feet; while you are deliberating, the social revolution is taking place quietly, all by itself. The people, organizing production and exchange within themselves, have begun the blockade of capital; the work, which you have refused, that are about to take away from you, by withdrawing their consumption from you. A little more time, and property, excommunicated like a cursed tree, will dry up.

Can you fail to develop and organize public works? But it is from the development of these labors that property itself derives its exchange value and its productive power. What are your fields and your vineyards without local roads and railways? What is your navigation equipment without ports, without canals, without navigable rivers? What will become of your building sites, your factories and your mines, if you have no more forests? Property, I tell you, even more than the proletariat, is interested in this organization of works of public utility. On this point, as on the previous ones, doing nothing is impossible.

When, in the preamble to this constitution, you have consecrated the right of property, you have justice through labor. Then, when you were asked to enshrine the right to work, you protested that the right to work offended the right to property. As if you had said to the people: We have acquired by work all that it was possible to acquire; it is enough for us to preserve by labor all that it is possible to preserve. We cannot guarantee you anything, and we are the masters!

The reasoning was absurd, the conclusion odious. All property, I agree, is justified by labor; everything, I say, except the very ownership of labor. You felt it, representative citizens, and that is why you offered the worker, as compensation for his right, the means to develop work, and that still as much in your interest as in his! No, you will not go back on this sacred word!

Such, then, is your situation, that you must seize the reins of progress, those reins that until now alone have been held by incomprehensible Providence. It is necessary that by developing  work, you must complete with your own hands the transformation of property. Providence, which has brought us to this hour, is incapable by itself of taking us further. It is up to man to take, on the chariot of destinies, the place of God.

QUE LA PROPRIETE, AVANT EU SON COMMENCEMENT ET SON MILIEU, DOIT AVOIR SA FIN

Mais, dites-vous, est-ce que la propriété est transformable! Est-ce que le droit, plus incorruptible que le marbre et l’airain, est susceptible de métamorphose? Est-ce que l’idée éternelle tombe sous la modification du temps? Et comment nous, faibles humains que Dieu pétrit comme l’argile, dont il dirige, par des voies ineffables, toutes les volontés, pourrions-nous iccomplir ce qui est inconcevable à notre raison et impossible i Dieu?

Encore quelques minutes, citoyens représentants, et si je ne parviens à lever tous vos doutes, ce qui me reste à vous dire, sollicitant votre pensée, vous suggérera à vous-mêmes une solution.

De même que la religion et la monarchie, la propriété a son origine, non pas dans la raison réfléchie, et comme une conclusion de la logique et de l’expérience, mais dans la spontanéité Je l’instinct social, antérieurement à toute réflexion, à toute expérience. C’est pour cela que, comme tous les instincts, elle se développe peu à peu et se constitue non pas de plein saut, comme une loi fixe et immuable, mais à la manière des êtres vivants et des formes passagères, par le fait même de son progrès. Et ce progrès, qu’il est possible maintenant d’embrasser dans sa plénitude, nous montre la propriété, à son origine, à son milieu, à sa fin, toujours différente d’elle-même. De même que l’homme croît et avance continuellement dans la vie, et que ce que l’on appelle en lui décadence n’est en réalité qu’un Progrès, résultant de la modification incessante des facultés, le même la propriété est en croissance et modification continue jusqu’au jour où, par une transformation dernière, elle se résout en une simple virtualité, en une forme potentielle du moi, renfermée dans la conscience, et désormais sans institution qui l’exprime.

Ainsi encore, de même que, pour bien connaître le christianisme il convient de le prendre, non pas seulement à sa naissance ou à toute autre époque postérieure, mais bien à tous les instants de son évolution et dans le système entier de ses manifestations historiques; de même, pour connaître la propriété, il faut la considérer, non dans sa forme actuelle et locale, mais dans l’ensemble de ses modes. Or, comme il est de fait que le christianisme, sous l’action du libre examen, se résout en une philosophie positive, qui est la négation de tout le système religieux; pareillement, la propriété, sous l’action du travail libre, se résout en une possession attributive qui est la négation de tout système propriétaire.

Écoutez ces paroles d’un écrivain non suspect, M. Thiers: « Chez tous les peuples, quelque grossiers qu’ils soient, on trouve la propriété comme un fait _d’abord_; et _puis_ comme une idée; idée plus ou moins claire, suivant le degré de civilisation auquel ils sont parvenus, mais toujours invariablement arrêtée.»

Cette idée, plus ou moins claire, que l’humanité poursuit et qui se dégage peu à peu des différents modes d’appropriation, comme la philosophie positive se dégage peu à peu du symbolisme chrétien, quelle est-elle, sinon cette forme de possession finale, but suprême du travail, et qui correspond à la déchéance de la propriété?

« Le nomade, qui est pasteur, a du moins la propriété de ses tentes, de ses troupeaux. Il n’a pas _encore_ admis celle delà terre, parce qu’il n’a pas encore jugé à propos d’y appliquer ses efforts… La propriété immobilière n’existe _pas encore_ pour lui. Quelquefois seulement on le voit, pendant deux ou trois mois de l’année, se fixer sur des terres qui ne sont à personne, y donner un labour, y jeter du grain, le recueillir, puis s’en aller en d’autres lieux. Mais pendant le temps qu’il a employé à labourer, à ensemencer cette terre, à la moissonner, le nomade entend en être le propriétaire (disons simplement l’usufruitier); il se précipiterait avec ses armes sur celui qui lui en disputerait les fruits. La propriété dure en proportion de son travail. _Peu a peu_ cependant, le nomade se fixe et devient agriculteur… Alors, à la propriété mobilière du nomade _succède_ la propriété immobilière de l’agriculteur; la seconde propriété _nait_, et avec elle des lois compliquées… La propriété, résultant d’un premier effet de l’instinct, _devient_ une convention sociale.

« Ainsi, à mesure que l’homme se développe, il devient plus attaché à ce qu’il possède, plus propriétaire, en un mot. A l’état barbare, il l’est à peine; à l’état civilisé, il l’est avec passion. On dit que l’idée de propriété s’affaiblit dans le monde. C’est une erreur de fait. Elle se _règle_, se précise et s’affermit, loin de s’affaiblir. »

Quelle différence y a-t-il à cela: la propriété se règle, ou la propriété se transforme, la propriété s’affaiblît? Tous ces termes sont pour moi synonymes, et je ne demande rien de plus que de voir continuer ce mouvement. Il est si vrai, du reste, que la propriété, en se réglant, s’affaiblit, que l’auteur que je cite n’a pu s’empêcher de le dire.

« La propriété cesse, par exemple, de s’appliquer à ce qui n’est pas susceptible d’être une chose possédée, c’est-à-dire à l’homme, et dès ce moment l’esclave cesse. C’est un progrès dans les idées de justice; ce n’est pas un affaiblissement dans l’idée de propriété. »

« Mais l’esclavage lui-même, d’où est-il venu? De l’appropriation de la terre. Ceux qui, autrefois, n’eurent point de part à la terre se trouvèrent de fait esclaves, comme aujourd’hui l’absence de propriété constitue de fait le prolétariat. L’abolition de l’esclavage fut donc une restriction de la propriété: l’abolition du prolétariat sera la transformation complète de ce droit.

« Par exemple encore, le seigneur pouvait seul, dans le moyen âge,.tuer le gibier nourri sur la terre de tous. » Dites, dites sur la terre qu’il s’était d’abord appropriée, et que plus tard il avait acensée par bail ou emphythéose, mais en se réservant exclusivement le droit de chasse.

« Quiconque rencontre aujourd’hui un animal sur sa terre le peut tuer, car il a vécu chez lui. » Singulier raisonnement! Cet animal a vécu chez moi; donc, si je le tue, il est ma propriété! En sorte que celui qui ne possède point de champ, chez qui l’animal ne peut vivre, n’a pas le droit de le tuer et de le prendre! Nous sommes exactement comme au moyen âge!

M. Thiers traite ensuite la faculté de donner, de transmettre un capital, et finalement d’en tirer un revenu, comme complétant le _système_ de la propriété. Le _revenu_, telle est, d’après lui et d’après tous les socialistes, l’expression la plus haute de la propriété.

Arrivé là, et après avoir dit que la propriété est croissante de sa nature, que l’homme s’y attache, s’y Intéresse de plus en plus, M. Thiers reconnaît aussi que le revenu de la propriété est de sa nature décroissant; que si le développement de l’industrie l’a fait baisser, de 100 et plus pour 100, à une moyenne qui est aujourd’hui en Europe de 5 pour 100, il doit se réduire encore, c’est-à-dire descendre à un chiffre qui ne peut plus être que 4, ou 3, ou 2, ou 1, ou zéro; car il faut, bon gré, mal gré, parcourir la série jusqu’au bout. En sorte que, par le progrès même des choses, et par le développement spontané de l’industrie, l’homme va se Désintéressant progressivement de la propriété, comme celui qui, après s’être livré avec passion aux jeux de l’enfance, les quitte insensiblement et finit par les prendre en aversion, pour se livrer aux exercices de l’âge viril.

Telle est, suivant l’historien de la propriété, la condition naturelle du propriétaire. Et que dis-je autre chose?

Oui, la propriété est changeante, et les révolutions de l’humanité n’ont jamais eu pour but que d’en exprimer les changements; oui, le revenu ou l’intérêt est le dernier terme de la propriété, la clef de voûte du système; et c’est pourquoi, réduire cet intérêt ou le supprimer, c’est faire aboutir, c’est supprimer la propriété.

Mais, ainsi que je l’ai dit plus haut, cette négation et désintéressement absolu de la propriété, qui clot une période de la civilisation et qui en ouvre une nouvelle, ne peut s’opérer par la seule force des choses, par la seule impulsion de l’instinct social, ou comme parlent les mystiques, de la Providence. Il faut que la volonté libre et réfléchie des citoyens et des gouvernements y intervienne; et c’est pour cela que je propose, d’abord de centraliser la circulation en créant une banque nationale, puis de supprimer, par la mutualité, l’intérêt : deux choses qui ne peuvent résulter que d’un vote libre et réfléchi de la volonté générale.

THAT PROPERTY, HAVING HAD ITS BEGINNING AND MIDDLE, MUST HAVE ITS END

But, you say, is the property transformable! Is the right, more incorruptible than marble and bronze, susceptible of metamorphosis? Is the eternal idea susceptible to modification over time? And how could we, weak humans whom God kneads like clay, of whom he directs, by ineffable ways, all the wills, could we accomplish what is inconceivable to our reason and impossible to God?

A few more minutes, citizen representatives, and if I do not manage to remove all your doubts, what remains for me to say to you, soliciting your thoughts, will suggest to you a solution.

Like religion and monarchy, property has its origin, not in reflective reason, and as a conclusion of logic and experience, but in the spontaneity of social instinct, prior to all reflection, to any experience. This is why, like all instincts, it develops little by little and is not constituted suddenly, like a fixed and immutable law, but like living beings and passing forms, by the very fact of its progress. And this progress, which it is now possible to embrace in its fullness, shows us property, at its origin, in its middle, at its end, always different from itself. Just as man continually grows and advances in life, and what in him is called decadence is really only a progress, resulting from the incessant modification of the faculties, so property itself is growing and modification continues until the day when, by a final transformation, it resolves itself into a simple virtuality, into a potential form of the self, enclosed in consciousness, and henceforth without an institution that expresses it.

Thus again, just as, in order to know Christianity well, it is necessary to take it not only at its birth or at any other later period, but indeed at all the instants of its evolution and in the entire system of its historical manifestations; likewise, to know property, it must be considered, not in its present and local form, but in all its modes. Now, as it is a fact that Christianity, under the action of free examination, resolves itself into a positive philosophy, which is the negation of the whole religious system; similarly, property, under the action of free labor, is resolved into an attributive possession that is the negation of any proprietary system.

Listen to these words of an unsuspected writer, M. Thiers:

“Among all peoples, however coarse they may be, property is found as a fact first of all; and then as an idea; a more or less clear idea, according to the degree of civilization to which they arrived, but always invariably settled.

This idea, more or less clear, that humanity pursues, which gradually emerges from different modes of appropriation, just as positive philosophy gradually emerges from Christian symbolism, what is it, if not this final form of possession, supreme goal of labor, which corresponds to the forfeiture of property?

“The nomad, who is a shepherd, at least has property in his tents, his flocks. He has not yet admitted that of the land, because he has not yet seen fit to apply his efforts to it… Real estate property does not not yet exist for him. Only sometimes do we see him, for two or three months of the year, settling on land that belongs to no one, plowing it, throwing grain on it, collecting it, then going off to other places. But during the time he has employed in plowing, in sowing this land, in harvesting it, the nomad intends to be its owner (let us simply say the usufructuary); he would rush with his arms at whoever disputed the fruits with him. His property lasts in proportion to his labor. Little by little however, the nomad settles down and becomes a farmer… So, the moveable property of the nomad is succeeded by the real property of the farmer; the second property is born, and with it complicated laws… Property, resulting from a first effect of instinct, becomes a social convention.

“Thus, to the extent that man develops, he becomes more attached to what he has, more proprietary, in a word. In the barbarian state, he is hardly so; in the civilized state, he is so with a passion. It is said that the idea of property is weakening in the world. This is an error of fact. Far from weakening, it regulates, becomes clearer and firmer.”

What difference is there in this: property is regulated, or property is transformed, property is weakened? All these terms are synonymous for me, and I ask nothing more than to see this movement continue. It is so true, moreover, that property, in regulating itself, weakens, that the author whom I quote could not help saying so.

“Property ceases, for example, to apply to what is not likely to be a possessed thing, that is to say to man, and from that moment the slave ceases. It is a progress in the ideas of justice; it is not a weakening of the idea of property.”

“But slavery itself, where did it come from? From the appropriation of the land. Those who formerly had no part in the land found themselves de facto slaves, as today the absence of property constitutes de facto the proletariat. The abolition of slavery was therefore a restriction of property: the abolition of the proletariat will be the complete transformation of this right.

For example again, the lord could alone, “in the Middle Ages, kill the game fed on everyone’s land.” Say, say on the land that he had first appropriated, and which later he had rented by lease or emphytheosis, but reserving exclusively the right to hunt.

“Anyone who encounters an animal on his land today can kill it, because he lived there.” Singular reasoning! This animal lived with me; so, if I kill him, he is my property! So that he who has no field, where the animal cannot live, has no right to kill it and take it! We are exactly like in the Middle Ages!

M. Thiers then treats the faculty of giving, of transmitting a capital, and finally of drawing a revenue from it, as completing the system of property. The revenue, such is, according to him and according to all socialists, the highest expression of property.

Having arrived there, after having said that the property is increasing by its nature, that the man is attached to it, is interested in it more and more, Mr. Thiers also recognizes that the income of the property is by its nature decreasing; that if the development of industry has caused it to fall, from 100 and more per 100, to an average which is today in Europe of 5 per 100, it must be further reduced, that is to say descend to a digit which can only be 4, or 3, or 2, or 1, or zero; because it is necessary, willy-nilly, to go through the series to the end. So that, by the very progress of things, and by the spontaneous development of industry, man will progressively become dis-interested in property, like one who, after giving himself up with passion to the games of childhood, leaves them imperceptibly and ends up taking a dislike to them, to give himself up to the exercises of virile age.

Such, according to the historian of property, is the natural condition of the proprietor. And am I saying something else?

Yes, property is changeable, and the revolutions of humanity have never had the aim of expressing its changes; yes, revenue or interest is the last term of property, the keystone of the system; and that is why, to reduce this interest or to suppress it, is to bring it to an end, it is to suppress property.

But, as I said above, this negation and absolute dis-interest-ment of property, which closes one period of civilization and opens a new one, cannot be brought about by the force of things alone, by the impulse of social instinct, or as the mystics call it, of Providence. The free and considered will of citizens and governments must intervene; and that is why I propose, first of all, to centralize circulation by creating a national bank, then to abolish, through mutuality, interest: two things that can only result from a free and considered vote of the general will.

NÉCESSITÉ D’ORGANISER L’ÉCHANGE. — CONCLUSION

Mais, pour que cette révolution, que nous devons librement, unanimement et pacifiquement accomplir, pour que cette révolution aille bien, il ne suffit pas, comme vous l’avez fait jusqu’ici, citoyens représentants, d’armer le travail contre la propriété : il faut armer aussi la propriété contre le communisme, sans quoi la liberté, avec la propriété, périrait.

Car la propriété, quant à son principe ou contenu, qui est la personnalité humaine, ne doit jamais périr : il faut qu’elle reste au cœur de l’homme comme stimulant perpétuel du travail, comme l’antagoniste dont l’absence ferait tomber le travail dans l’inertie et la mort. Contre l’étranger la guerre sera éternelle, disait la loi des douze tables : Adversus hosten, œterna auctoritas esto. Telle est la loi des antinomies; et c’est de cette perpétuité d’action et de réaction du travail contre la propriété, de la propriété contre le travail, que naît dans la société la perpétuité du mouvement, le progrès.

Je trouve donc que si la commission de Constitution a fait beaucoup pour le travail, et pour ma part je l’en remercie, elle n’a pas assez fait pour la propriété. La commission me paraît avoir oublié ce principe d’une vérité trop méconnue, que conservation est aussi progrès.

Je lis bien au paragraphe 4 du préambule ces mots sacramentels : La société a pour base, — entre autres! — la propriété! Ce n’est qu’une déclaration : et qu’est-ce que cette déclaration contre l’action organisée au profit du travail par l’article 13?

L’article 11 dit aussi, j’en conviens : Toutes les propriétés sont inviolables. Mais il ajoute en même temps : L’État peut exiger le sacrifice d’une propriété pour cause d’utilité publique. Or, qu’est-ce qu’une inviolabilité qu’il suffit pour détruire d’une déclaration d’utilité publique?

La commission de Constitution n’a pas même songé à consacrer le principe d’hérédité, ni surtout à limiter à son égard la puissance du fisc. Or, vous avez pu voir, depuis février, qu’il suffirait à un ministre des finances d’un bout de décret pour annuler les effets de l’hérédité.

L’article 13 garantit, il est vrai, dans son premier paragraphe, la liberté du travail et de l’industrie. C’est quelque chose. Mais avec les moyens d’action que l’article 13 met aux mains du prolétariat, n’est-il pas à craindre qu’il advienne de la propriété, en présence des grandes associations ouvrières et du travail organisé, ce qu’il advient aujourd’hui du travail individuel en présence des gros capitaux ?…

Je sais bien que, tout en promettant l’enseignement primaire gratuit, l’éducation professionnelle, les institutions de crédit, l’association, etc., vous pouvez vous réserver d’imposer, dans vos lois organiques, des limites à l’exercice de tous ces droits; que vous pouvez, par exemple, établir des conditions d’admission aux écoles professionnelles, limiter la somme des crédits, etc. Ce sera de la petite guerre. Les principes une fois admis, et vous ne pouvez pas ne les point admettre, ils produiront, soyez-en sûrs, leurs conséquences. Or l’habileté de l’homme d’État consiste, non pas à s’esquiver, mais à accepter franchement les conséquences de ses principes.

Le seul moyen d’assurer la propriété contre l’invasion du communisme, c’est d’opposer à l’organisation du travail l’organisation de l’échange; et par échange, j’entends tout à la fois: 1° l’échange des propriétés et des instruments de travail; 2° l’échange des produits.

Je proposerais donc d’ajouter à l’article 13, après le premier paragraphe, les mots suivants:

La société assure et maintient la division des propriétés par l’organisation de l’échange.

L’organisation de l’échange produirait en faveur de la propriété un effet diamétralement opposé à celui de l’organisation du travail. L’organisation du travail par les moyens énumérés dans l’article 13, conduit directement, ainsi que je crois l’avoir prouvé, à l’absorption de toutes les industries, de toutes les propriétés dans une seule et unique communauté; l’organisation de l’échange conduirait à une division de plus en plus égalitaire et individualiste de l’industrie et de la propriété. L’équilibre de ces deux mouvements, en sens contraire l’un de l’autre, donnerait à la fin la _synthèse_, formule suprême de la vie et du progrès, et principe de toutes les transformations sociales.

Forcé de mettre un terme à ce discours, je ne puis qu’indiquer sommairement ici ce que doit être cette organisation de l’échange, pour laquelle une loi spéciale est nécessaire.

Ce qui faisait le caractère de la propriété romaine et féodale, et par suite sa force, c’est que, par l’indivision des fonctions industrielles, le propriétaire produisait par lui-même presque tout ce dont il avait besoin, n’empruntant jamais,, achetant et vendant peu, étranger au maniement des espèces, affranchi par conséquent des servitudes de la circulation. Le propriétaire foncier se suffisait à lui-même par la variété de sa production, exerçant par lui-même ou par les siens tous les métiers, n’avait besoin de personne; la propriété, garantie par cette universalité, était inabordable à la circulation et au crédit; elle vivait en soi, par soi et pour soi, inexpugnable, inamovible.

Cette situation a changé. La séparation des industries et le mouvement circulatoire qui en est résulté a fait cesser cet isolement de la propriété. Le propriétaire foncier qui exploite par ses mains ou par autrui n’est plus qu’un industriel ou un commanditaire comme un autre; fabricant, suivant la nature de son fonds, du blé, du vin, de l’huile, du fourrage ou de la viande, mais ne faisant que cela; ayant besoin du marché et de la foire, comme le colporteur vagabond; soumis par conséquent à tous les accidents du commerce, à tous les périls des crises financières et des chômages. Aussi l’isolement, qui faisait autrefois la force du propriétaire, fait aujourd’hui sa faiblesse, comme il fait la faiblesse de l’ouvrier. La propriété, par suite de ses relations obligées avec le commerce, avec l’industrie, avec la banque, est devenue aussi instable que le salaire de l’ouvrier, aussi précaire que la clientèle du négociant.

C’est la division du travail, la spécialité de plus en plus grande des industries, qui a produit cette révolution, longtemps inaperçue, à présent irrévocable.

Il s’agit donc de faire que la propriété moderne, avec la division formée des industries, avec les nécessités d’une circulation irrésistible, avec la perspective assurée d’une réduction incessante sur le loyer des capitaux, redevienne aussi indépendante, aussi solide que l’était la propriété féodale.

Ce but serait atteint, selon moi; la propriété serait garantie, et la liberté individuelle sauvegardée si, par une institution qui ne coûterait rien à l’État, dont les frais seraient supportés par ceux-là seuls qui voudraient en recueillir les avantages, tout propriétaire ou producteur, à quelque catégorie qu’il appartînt, seul ou associé, était mis en rapport avec la masse entière des autres propriétaires ou producteurs, de manière à pouvoir échanger avec eux, suivant ses besoins, propriété contre propriété, capital contre capital, exploitation contre exploitation, produit contre produit, sans passer par les opérations aléatoires de la vente et de l’achat, sans attendre le caprice des consommateurs, sans subir l’entremise coûteuse des courtiers, des notaires et autres gens vivant exclusivement de l’absence d’institutions commutatives.

L’échange libre, égal, direct, suppléant la vente et l’achat, donnant à chacun la certitude de vivre de son fonds et de son industrie, comme si ce fonds et cette industrie produisaient tous les objets de consommation possibles, permettant de travailler et de produire encore quand la vente s’est arrêtée et que le commerce ne va plus; l’échange, dis-je, protégerait, mieux que toutes les lois, le travail libre contre le travail organisé, la propriété contre la communauté.

Oui, je le répète, et la proposition que je fais n’est point une rétractation de mes principes, il faut que la propriété soit transformée, il faut que cette vieille forme de possession de la nature par l’humanité disparaisse, comme la religion et la monarchie, d’entre les mortels; et c’est pour cela que nous allons organiser l’enseignement, le crédit et l’association, comme nous avons organisé le suffrage universel et la liberté de la presse. La société est, dans toutes ses puissances, _anti-théiste, anti-monarchique, anti-propriétaire; ces trois idées n’en font qu’une, de même que les trois principes auxquels elles répondent ne sont, au fond, qu’un même principe. Ce n’est point un sophiste qui vous le dit, c’est la philosophie, c’est l’économie politique, c’est l’histoire, c’est la _liberté_, cette liberté qui est la négation de toute autorité, cette liberté qui est le tout de l’homme.

Mais si vous ne voulez que la liberté périsse avec la propriété, il faut à la coalition des travailleurs opposer la coalition des propriétaires. En agissant ainsi, vous ne créez point dans la nation deux castes hostiles : tout le monde étant propriétaire et tout le monde travailleur, il ne reste, sous les noms de travail et de propriété, qu’une distinction de droits, il n’y a plus de castes. Vous aurez donné l’essor à deux tendances également respectables de la nature humaine, aux deux éléments fondamentaux de toute société: loin de créer l’anarchie et la guerre civile, vous les aurez pour jamais proscrites.

L’échange des propriétés a fait depuis longtemps l’objet des méditations des praticiens et des jurisconsultes : je demande que le principe en soit écrit dans la Constitution, en comprenant dans ce principe, avec l’échange des instruments de production, l’échange direct des produits.

L’opposition entre les deux forces motrices de l’économie sociale, le travail et la propriété, ainsi établie, la conciliation suivra bientôt. Alors le travail et la propriété, existant à un égal degré dans chaque individu, deviendront termes identiques, et le volcan des révolutions se fermera pour ne plus se rouvrir. Alors, citoyens, vous verrez à l’association corporative succéder un système de garantie mutuelle; alors la population, comme le commerce et l’État, trouvera son équilibre, et vous pourrez, conservateurs et révolutionnaires assister, sans crainte de cataclysme, sans souci de l’avenir, à la lutte éternelle du travail et de la propriété.

NECESSITY OF ORGANIZING EXCHANGE. — CONCLUSION

But, for this revolution, which we must freely, unanimously and peacefully accomplish, for this revolution to go well, it is not enough, as you have done so far, citizen representatives, to arm labor against property: property must also be armed against communism, otherwise liberty, along with property, would perish.

For property, as to its principle or content, which is the human personality, must never perish: it must remain in the heart of man as a perpetual stimulus to labor, as the antagonist whose absence would bring down labor in inertia and death. Against the foreigner the war will be eternal, said the law of the twelve tables: Adversus hosten, œterna auctoritas esto. Such is the law of antinomies; and it is from this perpetuity of action and reaction of labor against property, of property against labor, that the perpetuity of movement, of progress, is born in society.

I therefore find that if the Constitution Committee has done a great deal for labor, and for my part I thank it for this, it has not done enough for property. The commission seems to me to have forgotten this principle of a too little known truth, that conservation is also progress.

I read clearly in paragraph 4 of the preamble these sacramental words: Society has as its basis, — among others! — property. It is only a declaration. And what is this declaration against the action organized for the benefit of labor by article 13?

Article 11 also says, I agree: All property is inviolable. But it adds at the same time: The State can demand the sacrifice of a property for public utility. Now, what is an inviolability that a declaration of public utility is sufficient to destroy?

The Constitution Commission did not even think of enshrining the principle of heredity, nor above all of limiting the power of the tax authorities with regard to it. Now, you have been able to see, since February, that a Minister of Finance would only need a bit of a decree to cancel the effects of heredity.

Article 13 guarantees, it is true, in its first paragraph, liberty of labor and industry. This is something. But with the means of action that Article 13 puts in the hands of the proletariat, is it not to be feared that what happens today to individual labor, in the presence of big capital, wil happen to property, in the presence of the great workers’ associations and organized labor?…

I am well aware that, while promising free primary education, professional education, credit institutions, association, etc., you can reserve the right to impose, in your organic laws, limits on the exercise of all these rights; that you can, for example, establish admission requirements for vocational schools, limit the amount of credit, etc. It will be a little war. The principles once admitted, and you cannot but admit them, they will produce, be sure, their consequences. Now the skill of the statesman consists, not in evading, but in frankly accepting the consequences of his principles.

The only means of assuring property against the invasion of communism is to oppose the organization of labor to the organization of exchange; and by exchange, I mean everything at the same time: 1. the exchange of properties and instruments of labor; 2. the exchange of products.

I would therefore propose to add to Article 13, after the first paragraph, the following words:

Society assures and maintains the division of the properties by the organization of exchange.

The organization of exchange would produce an effect in favor of property diametrically opposed to that of the organization of labor. The organization of labor by the means enumerated in Article 13, leads directly, as I believe I have proved, to the absorption of all industries, of all properties in a single and unique community; the organization of exchange would lead to an increasingly egalitarian and individualistic division of industry and property. The equilibrium of these two movements, in opposite directions to each other, would give in the end the synthesis, the supreme formula of life and of progress, and the principle of all social transformations.

Forced to put an end to this discourse, I can only briefly indicate here what this organization of exchange should be, for which a special law is necessary.

What made the character of Roman and feudal property, and consequently its strength, is that, by the joint ownership of industrial functions, the owner produced by himself almost everything he needed, never borrowing, buying and selling little, foreign to the handling of specie, freed consequently from the servitudes of circulation. The landowner was self-sufficient by virtue of the variety of his production, exercising by himself or by his own all the trades, having no need of anyone; property, guaranteed by this universality, was inaccessible to circulation and credit; it lived in itself, by itself and for itself, impregnable, irremovable.

This situation has changed. The separation of industries and the resulting circulatory movement has put an end to this isolation of property. The landed proprietor who exploits by his hands or by others is no more than an industrialist or a sponsor like any other; a manufacturer, according to the nature of his stock, of wheat, wine, oil, fodder or meat, but doing no more than that; needing the market and the fair, like the wandering peddler; therefore subject to all the accidents of trade, to all the perils of financial crises and unemployment. Also the isolation, which was once the strength of the owner, is now his weakness, as it is the weakness of the worker. Property, by virtue of its obligatory relations with commerce, with industry, with banking, has become as unstable as the wages of the worker, as precarious as the clientele of the merchant.

It is the division of labor, the ever greater specialty of industries, that has produced this revolution, long unnoticed, but now irrevocable.

It is therefore a question of making modern property, with the division formed of industries, with the necessities of an irresistible circulation, with the assured prospect of an incessant reduction in the rent of capital, once again become as independent, as solid as was feudal property.

This goal would be achieved, in my opinion; property would be guaranteed, and individual liberty safeguarded if, by an institution that would cost the State nothing, the expenses of which would be borne by those alone who wished to reap the benefits, any owner or producer, to whatever category he belonged, alone or in partnership, was brought into contact with the entire mass of other owners or producers, so as to be able to exchange with them, according to his needs, property against property, capital against capital, exploitation against exploitation, product against product, without going through the random operations of sale and purchase, without waiting for the whim of consumers, without undergoing the costly intervention of brokers, notaries and other people living exclusively on the absence of commutative institutions.

Free, equal, direct exchange, supplementing sale and purchase, giving everyone the certainty of living from his funds and his industry, as if this fund and this industry produced all possible objects of consumption, making it possible to work and to produce again when the sale has stopped and the trade is no longer going; exchange, I say, would protect, better than all laws, free labor against organized labor, property against community.

Yes, I repeat it, and the proposal I am making is not a retraction of my principles, property must be transformed, this old form of possession of nature by humanity must disappear, like religion and the monarchy, from among mortals; and that is why we are going to organize education, credit and association, as we have organized universal suffrage and the freedom of the press. Society is, in all its powers, anti-theistic, anti-monarchical, anti-property; these three ideas are but one, just as the three principles to which they correspond are, at bottom, but one and the same principle. It is not a sophist who tells you, it is philosophy, it is political economy, it is history, it is liberty, that liberty that is the negation of all authority, that liberty that is the whole of man.

But if you don’t want liberty to perish with property, the coalition of workers must oppose the coalition of owners. By acting in this way, you do not create two hostile castes in the nation: everyone being an owner and everyone a worker, there remains, under the names of labor and property, only a distinction of rights, there are no more castes. You will have given rise to two equally respectable tendencies of human nature, to the two fundamental elements of any society: far from creating anarchy and civil war, you will have forever proscribed them.

The exchange of property has long been the subject of the meditations of practitioners and jurists: I ask that the principle be written into the Constitution, including in this principle, with the exchange of instruments of production, the direct exchange of products.

The opposition between the two driving forces of the social economy, labor and property, thus established, conciliation will soon follow. Then labor and property, existing in an equal degree in each individual, will become identical terms, and the volcano of revolutions will close, never to reopen. So, citizens, you will see the corporative association succeeded by a system of mutual guarantee; then the population, like commerce and the State, will find its equilibrium, and you, conservatives and revolutionaries, will be able to witness, without fear of cataclysm, without concern for the future, the eternal struggle between labor and property.

EPILOGUE

Pourquoi, me demandera-t-on, n’avoir pas fait entendre du haut de la tribune ce discours si pacifiquement révolutionnaire, si éminemment conservateur?

Je réponds que si je l’ai supprimé, c’est précisément parce que je le trouvais, d’un bout à l’autre, conservateur.

La première loi de l’orateur est de s’accommoder au tempérament de ceux qui l’écoutent.

L’Assemblée nationale ne raisonne plus; la violence de ses inclinations conservatrices lui a retourné l’entendement. Elle voit rouge ce qui est bleu, et bleu ce qui est rouge. Cette disposition d’esprit lui est, au reste, commune avec toutes nos grandes assemblées, en qui l’idée révolutionnaire fut constamment en raison directe de la passion rétrograde, témoin l’immortelle Convention.

C’est une grande erreur de croire que la Convention fut composée généralement d’hommes révolutionnaires. Les révolutionnaires, dans la Convention, étaient une minorité imperceptible et peu influente : l’immense majorité, celle qui fit toute la révolution, était conservatrice. D’où vient donc cette contradiction entre ses dispositions et ses actes? Elle vient, je le répète, de ce que, dans des situations comme celle où se trouvait la France en 93, les idées qui décident sont toujours, et à l’insu de leurs auteurs, en opposition avec les instincts qui poussent.

Prenez l’un après l’autre les actes de la Convention les plus révolutionnaires, vous les trouverez tous déterminés, au fond, par l’instinct de conservation, par la peur. C’est cet instinct, bien plus que les déclamations et les théories, qui la fit se débarrasser successivement de tous les partis qui lui donnaient de l’inquiétude, en demandant moins ou plus que le but qu’on s’était proposé d’atteindre en 89 et qui seul était défini, le gouvernement de la classe moyenne. Ainsi furent sacrifiés tour à tour Louis XVI, les girondins, les hébertistes, les dantonistes, les robespierristes, les montagnards de prairial, et finalement, quand le Directoire se fut constitué, les thermidoriens et les babouvistes; ainsi furent proscrits, en masse, les nobles et les prêtres. La majorité conservatrice fit toutes les grandes journées de la Révolution, depuis le serment du jeu de paume jusqu’au 18 brumaire. Le programme avait été tracé aux États généraux; la Constituante, la Législative, la Convention, le Directoire, le Consulat l’accomplirent, autant qu’il était en eux, fidèlement.

Il en est de même de la révolution de février et de l’Assemblée nationale.

En février il n’y a eu, à proprement parler, qu’un révolutionnaire : c’a été le peuple. Le peuple a donné mandat à l’Assemblée nationale d’organiser la révolution qu’il avait faite; l’Assemblée nationale s’en est acquittée jusqu’ici à merveille. Aussi est-il vrai de dire que, comme le peuple seul en février a été vraiment révolutionnaire, il n’y a dans l’Assemblée nationale de révolutionnaire que l’Assemblée elle-même.

La Montagne s’imagine être révolutionnaire, parce qu’elle cause à sa façon politique et gouvernement : elle ne l’est pas du tout. Je ne conçois pas la terreur, la haine que cette fraction minime de l’Assemblée inspire. Quels révolutionnaires, je vous prie, que les citoyens Gambon, Pelletier, Deville, Brives, Bruys, Buvignier, Greppo, James de Montry, Baune, MartinBernard, têtes un peu chaudes peut-être, au demeurant les meilleures gens du monde; Agricol Perdiguier, dit Avignonnais-la-Vertu, si digne de son sobriquet; Considérant le pacifique, Flocon le fin politique, le vénérable Lamennais, et mon bon ami Pierre Leroux, le plus inoffensif des hommes! Ledru-Rollin seul montre parfois des aspirations révolutionnaires, et je lui trouve plus d’un rapport avec Danton; aussi j’espère que son role n’est pas fini. Malheureusement Ledru-Rollin est paresseux comme Danton.

Quant à la droite, elle n’a pas même ce qui suscite les révolutionnaires, un idée de réaction! La droite ne conspire pas, quoi qu’on dise. J’ignore si quelque enfant perdu de la monarchie se cache dans ses rangs : quant aux chefs, les Odilon Barrot, les Duvergier de Hauranne, les Thiers, les Molé, etc., plus forts comme orateurs que les montagnards, ils sont par eux-mêmes tout aussi inertes, tout aussi impuissants. Dégoûtés de royalisme, désorientés par le socialisme, surpris par les événements, on dirait qu’ils s’agitent ou tiennent conseil ; au fond, ils attendent. Qu’attendent-ils? Ils ne le savent pas.

Seule, l’Assemblée nationale, prise dans la collectivité et l’indivisibilité de ses votes, est révolutionnaire et le devient chaque jour davantage.

En juin, pour réprimer une émeute qu’une députation de quinze membres, tout le monde l’avoue aujourd’hui, eût apaisée, elle organise la Dictature et fait le premier pas dans l’absolutisme révolutionnaire. Qui la faisait agir? Je l’ai dit: l’instinct de conservation, la peur.

Puis elle décrète l’_État de siège_ qui dure encore, qui ne finira peut-être, comme l’a dit un plaisant, que par le siège de l’État. En décrétant l’état de siège, l’Assemblée nationale a cru agir contre le socialisme; à vrai dire, elle a fait le blocus de la vieille société.

Accordez-moi donc ces deux idées : le retour à la confiance et l’état de siège. Le capital, pas plus que le travail, n’aime à se voir garder par les baïonnettes!…

Il est vrai que l’Assemblée nationale a rejeté le droit au travail, vraie et unique formule de la révolution de février. Comment eût-elle fait autrement, si ceux-là mêmes qui défendaient le droit au travail ne le comprenaient pas; si, dans les opinions, le droit au travail correspondait à l’organisation du travail par l’État? Est-ce que le communisme est la révolution?

En revanche, l’Assemblée nationale a proclamé:

Le droit à l’assistance, l’indemnité du chômage;

Le droit à l’instruction;

Le droit au capital, par les institutions de crédit;

L’association corporative;

Le suffrage universel;

L’unité de la représentation nationale, ou, comme l’a dit Odilon Barrot, la Convention à perpétuité.

Dans quelques jours l’Assemblée nationale rejettera la présidence : au point où en sont les choses, agir autrement ce serait se contredire et compromettre la sécurité du pays. L’honorable Dupin (aîné) l’a dit, — et ses paroles, avec celles de M. Crémieux, sur le droit au travail, sont les seules révolutionnaires que j’aie entendues depuis que j’ai eu l’honneur de siéger à l’Assemblée : « Quand les fondements de la société sont ébranlés, ce serait folie d’en remettre les destinées aux mains d’un homme! Ce n’est pas trop, pour garder le pays, de l’omnipotence de l’Assemblée nationale. La propriété est en question, et vous nous parlez de prétendants! » — Ainsi, pour lancer définitivement l’Assemblée nationale dans la voie révolutionnaire, il a suffi d’irriter son instinct de conservation. Le jour où elle a tremblé pour la propriété, elle s’est mise pour tout de bon à la démolir. Puisse-t-elle ne se pas montrer ingrate!…

L’Assemblée nationale est, du reste, aussi peu religieuse qu’elle est monarchique et propriétaire. N’a-t-elle pas accueilli de ses huées et le noble Montalembert, quand il est venu lui parler du Saint-Sépulcre, et l’excellent abbé Sibour, quand il a réclamé en faveur de l’observation du dimanche, et tous les catholiques, quand ils ont parlé de la liberté d’enseignement? L’Assemblée nationale, en décrétant la gratuité de l’enseignement et la séparation de l’instruction religieuse d’avec l’instruction élémentaire, a consommé l’œuvre des encyclopédistes, la décatholisation de la Fiance.

Que ne ferait point une telle assemblée, où se trouvent réunis plus de science, de talent, de philosophie, d’éloquence, de patriotisme qu’en aucun lieu de la terre, si, ouvrant tout à coup les yeux, elle agissait avec la pleine conscience de ses idées et de sa situation!…

Pour moi, je continuerai, comme je l’ai fait jusqu’ici, à me montrer exclusivement conservateur.

Ma première proposition était conservatrice : combien de gens, en voyant les projets du ministre Goudchaux, les propositions de MM. Turck et Prudhomme, Pougeard, Hamartl et autres, en voyant la misère croissante et la dépréciation des propriétés, l’avouent aujourd’hui! Mais les esprits étaient tellement disposés, que chacune de mes paroles devait paraître un attentat.

La seconde proposition dont j’ai eu l’honneur de saisir l’Assemblée est encore plus conservatrice que l’autre : c’est pour cela qu’on parle de l’enterrer sans discussion!

Enfin la proposition d’organiser l’échange, que j’eusse voulu développer à la tribune, est l’ancre de miséricorde de la propriété, la dernière de nos garanties contre le communisme : en voyant avec quelle ardeur l’Assemblée votait les paragraphes démolisseurs de l’article 13, j’ai désespéré de faire passer mon amendement, et j’ai perdu courage. Peut-être, lorsque viendra la discussion des lois organiques, la réflexion étant revenue, aurai-je plus de chance de succès?

Paris, 5 octobre 1848.

FIN.

EPILOGUE

Why, you will ask me, did you not make this speech, so peacefully revolutionary, so eminently conservative, heard from the rostrum?

I answer that if I suppressed it, it is precisely because I found it, from start to finish, conservative.

The first law of the orator is to adapt to the temperament of those who listen to him.

The National Assembly no longer reasons; the violence of its conservative inclinations has turned its understanding upside down. It sees as red what is blue, and as blue what is red. This disposition of mind is, moreover, common to it with all our great assemblies, in which the revolutionary idea was constantly in direct proportion to the retrograde passion—witness the immortal Convention.

It is a great error to believe that the Convention was generally composed of revolutionary men. The revolutionaries in the Convention were an imperceptible and scarcely influential minority: the immense majority, which made all the revolution, was conservative. Where does this contradiction between its dispositions and its actions come from? It comes, I repeat, from the fact that, in situations like that in which France found itself in 93, the ideas that decide are always, and unbeknownst to their authors, in opposition to the instincts that drive.

Take one by one the most revolutionary acts of the Convention, you will find them all determined, at bottom, by the instinct of self-preservation, by fear. It is this instinct, much more than declamations and theories, that made it successively get rid of all the parties which gave it anxiety, by asking less or more than the goal that it had been proposed to reach in 89 and that alone was defined: the government of the middle class. Thus were sacrificed in turn Louis XVI, the Girondins, the Hebertists, the Dantonists, the Robespierrists, the mountaineers of Prairial, and finally, when the Directory was constituted, the Thermidorians and the Babouvists; thus were proscribed, en masse, the nobles and the priests. The conservative majority made all the great days of the Revolution, from the tennis court oath to 18 brumaire. The program had been traced to the States-General; the Constituent Assembly, the Legislature, the Convention, the Directory, the Consulate fulfilled it, as far as it was in them, faithfully.

It is the same with the February Revolution and the National Assembly.

In February there was, strictly speaking, only one revolutionary: it was the people. The people gave the National Assembly a mandate to organize the revolution they had made; the National Assembly has acquitted itself marvelously up to now. It is also true to say that, as the people alone in February were truly revolutionary, the only revolutionary in the National Assembly is the Assembly itself.

The Mountain imagines itself to be revolutionary, because it causes politics and government in its own way: it is not revolutionary at all. I cannot conceive of the terror, the hatred that this tiny fraction of the Assembly inspires. What revolutionaries, I beg you, citizens Gambon, Pelletier, Deville, Brives, Bruys, Buvignier, Greppo, James de Montry, Baune, Martin-Bernard, somewhat hot-headed perhaps, moreover the best people in the world; Agricol Perdiguier, known as Avignonnais-la-Vertu, so worthy of his nickname; Considérant the peaceful, Flocon the fine politician, the venerable Lamennais, and my good friend Pierre Leroux, the most harmless of men! Ledru-Rollin alone sometimes shows revolutionary aspirations, and I find in him more of a connection with Danton; so I hope that his role is not finished.

As for the right, it does not even have what arouses revolutionaries, an idea of reaction! The right does not conspire, no matter what. I do not know if some lost child of the monarchy is hiding in its ranks: as for the leaders, the Odilon Barrots, the Duvergier de Haurannes, the Thiers, the Molés, etc., stronger as orators than the mountaineers, they are by them themselves just as inert, just as powerless. Disgusted with royalism, disoriented by socialism, surprised by events, one would say that they are agitated or taking counsel; basically, they are waiting. What are they waiting for? They don’t know.

Only the National Assembly, caught up in the collectivity and the indivisibility of its votes, is revolutionary and becomes more so every day.

In June, to repress a riot that a deputation of fifteen members, everyone admits today, would have appeased, it organized the Dictatorship and took the first step in revolutionary absolutism. What made it act? I said it: the instinct of self-preservation, fear.

Then it decrees the State of siege, which still lasts, which will perhaps end, as a joker has said, only in the siege of the State. In decreeing a state of siege, the National Assembly thought it was acting against socialism; to tell the truth, it has blockaded the old society.

Grant me these two ideas: the return to confidence and the state of siege. Capital, any more than labor, does not like to see itself guarded by bayonets!…

It is true that the National Assembly rejected the Right to Work, the true and unique formula of the February Revolution. How could it have done otherwise, if the very people who defended the right to work did not understand it; if, in popular opinion, the right to work corresponded to the organization of work by the State? Is communism the revolution?

In contrast, the National Assembly proclaimed:

The right to assistance, unemployment benefits;

The right to instruction;

The right to capital, though institutions of credit;

The cooperative association;

Universal suffrage;

The unity of national representation, or, as Odilon Barrot said, the Convention in perpetuity.

In a few days the National Assembly will reject the presidency: at the point where things are, to do otherwise would be to contradict itself and compromise the security of the country. The Honorable Dupin (Elder) said it—and his words, with those of M. Crémieux, on the right to work, are the only revolutionary ones I have heard since I had the honor to sit to the Assembly: “When the foundations of society are shaken, it would be madness to place its destinies in the hands of a man!” It is not too much for the omnipotence of the National Assembly to guard the country. Ownership is in question, and you tell us about pretenders! — So, to launch the National Assembly definitively on the revolutionary road, it was enough to irritate its instinct of self-preservation. The day it trembled for property, it set about tearing it down for good. May it not show itself to be ungrateful!…

The National Assembly is, moreover, as little religious as it is monarchical and proprietary. Did it not welcome with her jeers both the noble Montalembert, when he came to speak to it of the Holy Sepulchre, and the excellent Abbé Sibour, when he pleaded in favor of Sunday observance, and all the Catholics, when they talked about freedom of education? The National Assembly, by decreeing free education and the separation of religious instruction from elementary instruction, completed the work of the encyclopaedists, the decatholicization of France.

What would such an assembly do, where more science, talent, philosophy, eloquence, patriotism are united than in any place on earth, if, suddenly opening its eyes, it acted with the fully aware of its ideas and its situation!…

As for me, I will continue, as I have done so far, to show myself to be exclusively conservative.

My first proposal was conservative: how many people, seeing the projects of Minister Goudchaux, the proposals of MM. Turck and Prudhomme, Pougeard, Hamartl and others, seeing the growing misery and the depreciation of properties, admit it today! But the minds were so disposed that each of my words had to seem like an outrage.

The second proposal that I had the honor to submit to the Assembly is even more conservative than the other: that is why we are talking about burying it without discussion!

Finally, the proposal to organize exchange, which I would have liked to develop in the tribune, is the anchor of mercy for property, the last of our guarantees against communism: seeing with what ardor the Assembly voted the demolishing paragraphs of Article 13, I desperately got my amendment through, and I lost  heart. Perhaps, when the discussion of the organic laws comes, reflection having returned, I will have more chance of success?

Paris, October 5, 1848.

END.

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Independent scholar, translator and archivist.