P.-J. Proudhon, “Warning to the Proprietors” (Third Memoir on Property, 1841)

[These draft translations are part of on ongoing effort to translate both editions of Proudhon’s Justice in the Revolution and in the Church into English, together with some related works, as the first step toward establishing an edition of Proudhon’s works in English. They are very much a first step, as there are lots of decisions about how best to render the texts which can only be answered in the course of the translation process. It seems important to share the work as it is completed, even in rough form, but the drafts are not suitable for scholarly work or publication elsewhere in their present state. — Shawn P. Wilbur, translator]

AVERTISSEMENT AUX PROPRIÉTAIRES

LETTRE A M. VICTOR CONSIDÉRANT

Rédacteur de la Phalange

SUR UNE DÉFENSE DE LA PROPRIÉTÉ

WARNING TO THE PROPRIETORS

LETTER TO MR. VICTOR CONSIDÉRANT

Editor of la Phalange

REGARDING A DEFENSE OF PROPERTY

Monsieur le Rédacteur,

J’ai lu la brochure intitulée : Défense du fouriérisme, Réponse à MM. Proudhon, Lamennais, Reybaud, Louis Blanc, etc., et je me suis félicité de cette publication, l’auteur, malgré les aberrations de sa logique et l’injustice de ses reproches, se montrant presque toujours ami du progrès et plein de zèle pour la science et la vérité.

Aussi vous le dis-je en toute confiance, monsieur le rédacteur, ce fouriériste-là est à nous; un peu plus tôt, un peu plus tard, vous le verrez dans les rangs de l’égalité : il y a chez lui trop de loyauté et d’intelligence pour que le Dieu des hommes libres ne le traite pas selon sa miséricorde et le laisse mourir infidèle.

Cependant je regrette que pour des motifs que j’ignore, mais fort respectables sans doute, votre défenseur ait cru devoir garder l’anonyme. Pourquoi, semblable à ces héros de roman paraissant tout à coup pour venger l’honneur d’une belle, vient-il se jeter, visière baissée, sans couleur ni devise qui le fassent reconnaître, dans cette mêlée furieuse où se décident en ce moment les destins de la France et peut-être du monde? Pourquoi du moins ne s’est-il pas découvert à celui qu’il choisissait pour premier adversaire? Je n’eusse pas trahi sa confiance, et, tout ennemis qu’il veut que nous soyons, son secret serait mort dans mon cœur. Toutefois, malgré cette réserve peu courtoise et dont j’aurais droit de le punir, je me contenterai de parer ses attaques et ne le frapperai pas : car, qui sait? peut-être mon critique est-il de mes amis; peut-être, si je le connaissais, préférerais je le gagner que l’immoler à ma cause; peut-être enfin… Je n’ai pas oublié la déplorable histoire de Tancrède et Clorinde, et comment, en croyant combattre un païen, le malheureux croisé tua sa maîtresse. Aussi bien, à la mollesse de l’argumentation, au défaut de systématisation dans les idées, à un certain flux de sentiment et de style, à quelques traits de colère féminine, ai-je cru reconnaître dans mon chevalier noir une femme.

J’avoue cependant que sur un point je lui garde rancune : il a l’air de croire et il dit que je hais tous ceux que j’attaque, tous les représentants des idées et des principes que je combats. Qu’en dites-vous, monsieur le rédacteur? Votre néophyte anonyme n’a pas été planté en bonne terre comtoise, et ne sait ce que c’est qu’un montagnard du Jura. Moi, haïr quelqu’un, grand Dieu ! parce que je m’irrite de ce que je lis et de ce que je vois ; parce que je qualifie, selon le degré de ma faible perception, les idées et les actes, les personnes et les choses ! Autant vaudrait dire que le médecin hait le malade, parce qu’il définit la maladie. Certes, je regarde comme fort heureux et j’admire celui qui portant le speculum jusqu’au fond de notre ignominie, conserve sa sérénité et son flegme; quant à moi, je le déclare, je ne croirais pas vivre et m’estimerais peu si je lui ressemblais. Et j’en appelle à vous-même, général de l’armée sociétaire, homme que l’imbécillité du siècle désespère, quel cas feriez-vous d’un soldat qui marcherait au combat en chantant une priapée, portant en guise d’épée le thyrse de Bacchus, et pour cuirasse le manteau d’Épicure ? A la guerre comme à la guerre, dit le vieux proverbe gaulois : quand l’ennemi vous assassine et vous outrage, est-ce le moment de lui dire, en étendant les bras : Frère, ami !

Mais, sans rien exagérer, voyons les faits, et jugeons les discours.

Si je lis les journaux, si j’ouvre une revue, si je parcours quelque brochure de l’un de nos aigles politiques, la première chose qui me frappe, c’est cette clameur de béate indignation contre les fausses doctrines, les dissolvantes doctrines, les exécrables doctrines qui séduisent le peuple et mettent la société en péril. Pourquoi donc n’oppose-t-on pas à ces doctrines de perversité des instructions meilleures ? La vérité gouvernementale n’a-t-elle plus d’apôtres ? Les hommes bien pensants seraient-ils mal payés? ou si la caisse des fonds secrets est vide? Quoi! il existe une doctrine vraie, une doctrine salutaire, une doctrine sainte et immortelle : doctrine qui n’est pas celle de la monarchie constitutionnelle, dont on ne veut plus, ni celle de la république, morte au 9 thermidor; ni celle de la légitimité, que le peuple a deux fois condamnée : et cette doctrine, que tout le monde croit et que nul ne découvre, le gouvernement, loin de la chercher, la redoute, les privilégiés la maudissent d’avance et crient haro sur ceux qui en parlent ! En effet, les phalanstériens ont des blasphémateurs et point de juges; les communistes, comme les chrétiens d’autrefois, sont déclarés ennemis du genre humain, probablement parce qu’ils sont pauvres de cœur autant que pauvres de biens; les égalitaires surtout sont exécrés, comme exterminateurs du privilège et contempteurs des héros et des génies. Contre ces nouveautés on a des anathèmes et des injures, mais point de raisons. Pourquoi donc les prêtres vieillis des religions déchues, pourquoi les docteurs fossiles de la pure morale et de la saine philosophie, et de l’impérissable droit, dédaignent-ils d’entrer en lice et de concourir avec nous pour le salut du peuple et la gloire de Dieu? Pourquoi les Guizot, les Cousin, les Villemain, et leurs innombrables pensionnaires, au lieu de batailler pour des portefeuilles et des places, refusent-ils de se mettre en quête de l’ordre nouveau, et d’étudier la vraie discipline des nations?

Je cherche dans les nombreuses catégories de la gent officielle, je parcours du haut jusqu’en bas l’échelle hiérarchique des corporations et des fonctionnaires ; je trouve partout des hommes qui mangent et qui déclament, mais pas un qui médite et qui pense. Quels sont ceux en effet qui travaillent à éclairer le peuple et à débrouiller le chaos des sciences sociales et philosophiques? Sont-ce nos philosophes, avides, impudiques et pyrrhoniens ? Sont-ce nos prêtres, occupés comme aux plus beaux jours de leur histoire de fariboles indulgenciées, ayant pour toute conscience sociale la charité chrétienne, comme si le précepte de charité était une loi d’organisation politique? Sont-ce nos magistrats, ces continuateurs stoïques de toutes les lâchetés, de toutes les bassesses, de toutes les folies des parlements? Sont-ce nos académiciens, si rétrogrades, si courtisans, si niais ? Sont-ce nos journalistes, ces petits tyrans de l’opinion, dont le nom seul suffit pour exciter le rire ? Sont-ce nos députés, ces prétoriens du régime constitutionnel, vendeurs de ministères et de fonds secrets ? Est-ce le gouvernement enfin, le plus hypocrite, le plus pervers, le plus dévorant, le plus antinational qui fut jamais ?

Il faut le reconnaître; c’est une chose profondément anormale, un fléau pour la société, que la prédication et l’enseignement passent des instituteurs légitimes à des hommes sans mission et sans autorité; que moi, pauvre industriel, qui ne suis ni député, ni magistrat, ni académicien, ni journaliste, ni prêtre; qu’un monsieur Considérant, capitaine d’artillerie, qui devrait être à ses canons, ou diriger une usine, ou desservir un chemin de fer; qu’un Boyer, qui aurait pu vivre de sa mise en pages sans s’inquiéter d’organisation et de prud’homie ; que tant d’autres enfin qui ne font pas leur métier et se mêlent de ce qui ne les regarde pas, nous nous occupions de refaire le monde, et soyons si hardis que de toucher à la main de justice ou au bâton de commandement ? Mais à qui la faute encore une fois? N’est-elle pas à ces pasteurs des peuples, comme disait le bon Homère, qui nous font paître sans pain et sans travail ; à ces administrateurs bureaucrates, ensevelis dans leurs papiers, incapables même d’organiser les fêtes du monopole et de ranger des lampions ; à ces juges, qui ne semblent établis que pour condamner des vagabonds et écouter des avocats; à ce clergé sans doctrine acquise (1), à ces savants qui ne savent rien de ce qu’il nous importe le plus de connaître; à tous ces endormeurs de la presse politique, qui veulent enchaîner le géant aux cent bras sous une toile à prendre des papillons ? Remue-toi donc, Briarée !

Et cependant, voyez comme la malveillance de nos bourgeois juste-milieu s’accroît tous les jours et s’encourage ; comme l’avidité du monopole marche plus effrontée; comme le pouvoir et ses complices donnent l’essor à leurs projets contre-réformistes.— « N’ayons pas peur, disent-ils, n’ayons pas peur; les phalanstériens sont ridicules, les communistes méprisés, les égalitaires impossibles; les derniers des saint-simoniens viennent de se perdre en s’unissant à la grande prostituée. Hourrah ! mort aux révolutionnaires ! malheur aux vaincus ! »

Et vous, apôtre d’une foi nouvelle, vous espériez faire pénétrer une étincelle du feu sacré dans ces consciences pourries et vermoulues ! Qu’avez-vous obtenu depuis quinze ans, par vos révérences, vos gentillesses, vos fraudes pieuses, vos protestations de tout conserver en tout renouvelant?.. Non, non, ce n’est point ainsi que l’on mène une révolution. Souvenez-vous des paroles de Danton, le lendemain du 10 août, lorsque la France insurgée demandait à ses citoyens un conseil qui sauvât la patrie : « Il faut, s’écria Danton avec un geste exterminateur, il faut faire peur aux aristocrates. » Et trois semaines après, les travailleurs de Maillard répondaient à la voix de Danton. Danton n’avertissait pas, il frappait. Eh bien ! aujourd’hui, si nous voulons échapper à un nouveau septembre, il faut dire la vérité aux propriétaires. Je vais, monsieur le rédacteur, examiner rapidement, en les ramenant à un petit nombre de chefs, les critiques de votre anonyme. Vous avez profité de la défense, vous entendrez la réponse : et je compte sur votre loyauté pour en informer vos lecteurs, et tous ceux en général que ces débats intéressent.

(1) Un prêtre aussi éclairé que pieux me disait : « Pourquoi nous persécutez-vous ? Nous sommes environnés d’un cercle de feu : nous ne pouvons exprimer une pensée politique sans être aussitôt accusés de cabale et d’intrigue; le souvenir de notre ancienne puissance nous rend suspects à toutes les opinions et nous confine dans nos cérémonies. » – « Il faut, lui dis-je, revenir aux antiques traditions ; il faut continuer l’œuvre de la première Église, et mourir, s’il est nécessaire, une seconde fois pour la charité et la justice. – Plût à Dieu, me répondit-il, qu’il ne fallût que nos vies pour donner au monde l’ordre et le repos ! Mais ne voyez-vous pas que loin de rallier les esprits, nous augmenterions l’incendie; qu’au lieu de martyre, nous ne recueillerions que haine et ridicule ? Prolétaires, nous vous avons enfantés jadis à la liberté; marchez maintenant dans votre force, et quand vous aurez vaincu, souvenez-vous de vos pères spirituels. »

Il eût pu ajouter que les hauts dignitaires ecclésiastiques, unis de vue aux hommes du pouvoir, ne permettraient jamais au bas clergé de suivre ses instincts généreux et patriotiques. Ainsi le peuple n’a plus à compter que sur lui seul…

Mr. Editor,

I have read the brochure entitled: Défense du fourièrisme, Réponse à MM. Proudhon, Lamennais, Reybaud, Louis Blanc, etc., and I am pleased with this publication, the author, despite the aberrations of his logic and the injustice of his reproaches, showing himself almost always a friend of progress and full of zeal for science and truth.

So I say to you in all confidence, Mr. Editor, that this Fourierist is one of us; sooner or later, you will see him in the ranks of equality; there is too much fairness and intelligence in him for the God of free men to not treat him according to his mercy and let him die an infidel.

However, I regret that from motives of which I am ignorant, but which are doubtless highly respectable, your defender believed he needed to remain anonymous. Why, like those heroes de roman appearing suddenly to avenge the honor of a belle, has he come to throw himself, visor lowered, without colors or device by which he could be recognized, in this furious melee where at this moment are decided the destinies of France and perhaps of the world? Why does he not at least reveal himself to the one that he has chosen as his premier adversary? I would not betray his confidence, and, as much as he may believe us enemies, his secret would be dead in my heart. However, despite this rather discourteous reserve, which I would have the right to punish, I will content myself with counter his attacks and will not strike him: for, who knows? perhaps my critic is one of my friends; perhaps, if I knew him, I would prefer to win him than to sacrifice him to my cause; perhaps finally… I have not forgotten deplorable history of Tancrède and Clorinde, and how, believing he fought a pagan, the hapless crusader killed his mistress. Also, by the mildness of the argumentation, the lack of systematization in the ideas, a certain flux of sentiment and style, and some traits of feminine choler, I believe I have recognized a woman in my black knight…

I admit however that I begrudge him on one point: he seems to believe and he says that I hate all those that I attack, all the representatives of the ideas and principles that I combat. What do you say to that, Mr. Editor? Your anonymous neophyte has not been planted in good Comtois soil, and does not know what it is to be a highlander of Jura. Me, hate someone, good God! because I am irritated by which I read and what I see; because I characterize, to the degree of my feeble perception, ideas and act, les persons and things! You might as well say that the doctor hates the patient, because he describes the malady. Certainly, I regard as very fortunate and I admire the one holding the speculum up to the seat of our ignominy, preserves his serenity and his phlegm; as for me, I declare it, I would not think to live and I would think little of myself if I resembled him. And I appeal to you, general of the societary army, a man grieved by the imbecility of the century, what would you do with a soldier who marched into combat singing a Priapeia, carrying the thyrse of Bacchus instead of a sword, and the mantle of Epicurus for armor? A la guerre comme à la guerre, says the old Galois proverb: when the enemy insults and murders you, is that the moment to say to him, arms extended: “Brother, friend!”?

But, without exaggerating anything, let us look at the facts, and let us judge the discourse.

If I read the journals, if I open a revue, if I browse through some brochure from one of our political eagles, the first thing that strikes me is that clamor of béate indignation against the false doctrines, the dissolving doctrines, the execrable doctrines that seduce the people and put society in peril. Why then doesn’t someone appose some better instructions to these doctrines de perversity? Does governmental truth have no more apostles? Will right-thinking men be badly paid? Or if the chest of secret funds is empty? Quoi! A true doctrine exists, a salutary doctrine, a holy and immortal: a doctrine which is not that of constitutional monarchy, which we no longer want, nor that of the republic, dead on 9 thermidor; nor that of legitimacy, that the people have twice condemned: and that doctrine, that everyone believes and no one discovers, the government, far from seeking it, dreads it, the privileged curse it in advance and raise the hue and cry against those who speak of it! Indeed, the phalansterians have a few blasphemers and no judges; the communists, like the Christians in the past, are declared enemies of the human race, probably because they are as poor of heart as poor of goods; the egalitarians are abominated everywhere, as exterminators of privilege and despisers of heroes and geniuses. Against these novelties we have anathemas and abuse, but not reasons. Why then should the old priests of the fallen religions, the fossil doctors of pure morals, sane philosophy, and imperishable right, deign to enter the lists and compete with use for the salvation of the people and the glory of God? Why do the Guizots, the Cousins, the Villemains, and their innumerable pensioners, instead of fighting for portfolios and positions, refuse to put themselves in search of the new order, and study the true discipline of the nations?

I seek in the numerous categories of the tribe of officials, I survey from high to low the hierarchic ladder of the corporations and bureaucrats; everywhere I find some mean who eat and who rant, but not one who contemplates and thinks. Such indeed are those who work to enlighten the people and cope with the chaos of the social and philosophical sciences? Are these our philosophers, greedy, shameless and skeptical? Are these our priests, occupied, as in their best days, with their ridiculous indulgences, having for all their social consciousness [the notion of] Christian charity, as if the precept of charity was a law of political organization? Are these our magistrates, these stoic upholders of all the cowardice, all the baseness, and all the follies of the parliaments? Are these are academicians, do backward, so fawning, and so simple-minded? Are these our journalists, these little tyrants of opinion, whose name alone is enough to arouse laughter? Are these our deputies, these praetorians of the constitutional regime, sellers ministers and secret funds? Is it the government finally, the most hypocritical, the most perverse, the most all-consuming, the most anti-national that ever was?

It is necessary to recognize it; it is a profoundly abnormal thing, a scourge for society, that preaching and teaching pass from legitimate teachers to men without mission and without authority; that I, a poor industrial worker, who is neither deputy, nor magistrate, nor academician, nor journalist, nor priest; that a M. Considérant, captain of artillery, who should be at this cannons, or managing a factory, or serving a railroad; that one Boyer, who might have lived at his page-setting without concerning himself with organization and prud’homie; that so many others finally who do not follow their trade, and meddle in that which does not concern them, we busy ourselves remaking the world, and are so bold as to touch the hand of justice or the staff of command? But, again, whose fault is that? Isn’t it these shepherds of the people, as the good Homer said, who pasture us without bread and without work; these bureaucratic administrators, buried in their papers, incapables even of organizing the fêtes du monopole et de ranger des lampions; these judges, who seem to be established only to condemn some vagabonds and listen to lawyers; this clergy without acquired doctrine, [1] these scientists who know nothing of what it is most important for us to know; to these sleep-inducers of the political press, who want to enchain the giant with a hundred arms under a canvas to catch butterflies? — Move yourself then, Briareos!

And yet, see how the malice of our bourgeois juste-milieu increases every day and is cheered on; how the greed of the monopolist marches more brazenly; how power and its accomplices develop their counter-reformist projects.—“We have no fear,” they say. “We have no fear; the phalansterians are ridiculous, the communists scorned, the egalitarians impossible; the last of the Saint-Simonians was just lost in uniting with the Great Whore. Hurrah! Death to the revolutionaries! Woe to the vanquished!”

And you, apostle of a new faith, you were hoping to make a spark of sacred fire penetrate these rotten, moth-eaten consciences! What have you got these last fifteen years, by your bows, your kindness, your pious frauds, your protestations of preserving everything by renewing everything?… No, no, it is not thus that one leads a revolution. Recall the words of Danton, the day after that 10th of August, when insurgent France demanded of its citizens a counsel which would save the homeland: “We must,” cried Danton with an exterminating gesture, “we must make the aristocrats fear.” And three weeks later, the workers of Maillard responded to the voice of Danton. Danton did not warn; he struck. Well! Today, if we want to escape a new September, we must speak truth to the proprietors.

I will, Mr. Editor, examine quickly, by reducing them to a small number of heads, the criticisms of your anonym. You took advantage of the defense, you will hear the answer: and I count on your loyalty to inform your readers, and all those in general who are interested in these debates.

Note:

[1] A priest as enlightened as pious said to me: “Why do you persecute us? We are surrounded by a circle of fire: we cannot express a political thought without being immediately accused of conspiracy and intrigue; the memory of our former power renders us suspect to all opinions and confines us to our ceremonies.” – “It is necessary,” I said to him, “to return to the ancient traditions; we must continue the work of the first Church, and die, if necessary, a second time for charity and justice.” — “Would to God,” he replied, “that it would only take our lives to give the world order and rest! But don’t you see that far from rallying people’s minds, we would increase the fire; that instead of martyrdom, we would gather only hatred and ridicule? Proletarians, we once gave birth to you in liberty; walk now in your strength, and when you have overcome, remember your spiritual fathers.”

He might have added that the high ecclesiastical dignitaries, united in view with the men of power, would never allow the lower clergy to follow their generous and patriotic instincts. Thus the people no longer have anyone to rely on but themselves alone…

THÉORIE DE LA PROPRIÉTÉ

1. – Résumé des faits.

Pour juger la propriété, il faut d’abord la connaître.

On lit dans le Constitutionnel du 14 novembre :

« Il n’est bruit à Paris que de la spéculation qui vient d’enrichir en quelques jours un des hommes à idées de cette capitale.

« M., que ses spéculation de 1838 avaient ruiné complètement, a passé avec tous les boulangers un marché pour accaparer leur braise; il a fait en même temps avec les marchands charbonniers un traité à 30 pour 100 de bénéfice.

« Les deux transactions sont faites pour douze ans, et assurent par année un bénéfice de 250,000 fr.

« La maison de Mal. frères, qui avait aidé M. de ses fonds pour cette opération, vient, dit-on, de la racheter de lui au prix d’un million payé comptant. »

En lisant cet article, qui n’a point été démenti, et qui n’a suggéré à messieurs du journalisme aucune réflexion, que de Parisiens ébahis se sont écriés : Ah ! si cette idée m’était venue ! … Quel bonheur d’avoir, une fois dans sa vie, une idée !.. Ce que c’est qu’une idée !

Ou j’entends mal la signification du terme français, ou c’est bien là un acte de propriété, et de la plus légale propriété. Le boulanger n’est-il pas maître de sa braise? N’est-il pas maître de la vendre à qui il veut, aussi cher qu’il peut? Le commerce n’est-il pas libre? Et cependant à ce simple récit la conscience se soulève ; il n’est pas un cœur d’honnête homme qui ne soit révolté.

Tous les jours on parle de poursuites exercées ou à exercer, contre les adversaires de la propriété. J’ai toujours eu frayeur des procès politiques, je hais le scandale des cours d’assises. Mais que je me trouve en présence d’un procureur général, traduit devant un jury pour crime d’excitation à la haine de la propriété, et là je dirai à mes juges :

« Avant de répondre au ministère public, je lui dénonce un acte du plus odieux accaparement, de la plus intolérable piraterie. Que la justice s’explique sur ce fait, et je m’expliquerai sur mes doctrines. Sous le régime de la terreur, le tribunal révolutionnaire envoyait à la guillotine les sangsues du peuple, les industriels à idées : l’ombre d’un accapareur faisait éclater une émeute. La morale publique a-t-elle changé depuis notre grande révolution?.. Sachez-le donc, juges et jurés, et que les propriétaires qui se trouvent dans cette enceinte l’entendent : si vous n’êtes armés que contre les ennemis du monopole, votre loi est au-dessous de la loi de Robespierre; votre justice est pire que la justice de Fouquier-Tinville. »

Le lendemain, le Constitutionnel publia de nouveaux détails :

« La Compagnie qui a fait à la boulangerie de Paris l’acquisition de la braise a commencé cette semaine l’exécution de son marché.

« Il paraît que cette mise en train n’est pas aussi facile que les traitants l’avaient espéré. Dans plusieurs quartiers, les charbonniers ne veulent déjà plus vendre de braise, les conditions de prix et d’abonnement qui leur sont imposées ne leur laissant plus de bénéfice. L’administration leur a fait quelques concessions.

« L’enlèvement de la braise chez les boulangers éprouvant des retards contraires aux conditions du marché, plusieurs boulangers se sont vus dans la nécessité de faire des mises en demeure.

« Il parait que cette affaire, qui offrait des bénéfices considérables, est beaucoup moins avantageuse pour les sous-traitants qui ont payé cher la cession du marché et auxquels une des conditions posées par les boulangers interdit de détailler leur braise au-dessous de 40 centimes le décalitre ou 8 francs le sac. »

Laissons de côté les embarras qui surgissent de l’exercice du monopole, du fait même d’accaparement; c’est la peine fatalement inhérente à toute propriété. Mais si, gênés dans leurs moyens d’existence, les charbonniers s’entendent et refusent leur main-d’œuvre, ne courent-ils pas risque d’être poursuivis à la requête de l’accapareur, pour délit de coalition? Il serait curieux de voir ce renversement de toute justice, peu probable il est vrai dans le cas dont il s’agit, mais qui, dans les principes judiciaires qui nous régissent, n’aurait rien que de naturel et ne manquerait pas de précédents. Et d’ailleurs, il faut à notre jeune dynastie des nobles et des feudataires; il faut au système anglo-Thiers une grande-propriété; il faut, pour que la cour citoyenne soit suffisamment garnie de pairs, des voleurs publics tels que M… et son banquier: pour arriver à ces grands résultats, quels moyens plus sûrs que les pots-de-vin, les adjudications sans enchères, les accaparements?

Quant à vous, monsieur le rédacteur, dont la justice vaut mieux sans doute que le système, hésiterez-vous à qualifier des noms de vol et de guet-apens le trait d’industrialisme propriétaire que je viens de vous citer?… Eh bien! tous ces républicains gros marchands de bois, tous ces ministres contrebandiers et concussionnaires, tous ces cumulards littérateurs et philosophes viennent se ranger sous la même étiquette; ajoutez-y les accapareurs de terres, les accapareurs de travaux, les accapareurs du commerce et de l’industrie…; je vous laisse à remplir le cadre.

« La terre est un vaste atelier, divisé en une foule de compartiments propres à diverses productions. La nature a fait présent gratuitement à l’homme de ce vaste atelier; mais certains hommes entre tous s’en sont emparés et ont dit: A moi ce compartiment; à moi cet autre; ce qui en sortira sera ma propriété exclusive… On ne saurait disconvenir que le propriétaire foncier n’ajoute personnellement rien à l’utilité annuellement produite dans un pays. (Say, Notes sur Ricardo.)

Dieu, dit le Prophète, a donné la terre aux enfants des hommes : mais les propriétaires l’ont envahie. C’est pour cela qu’il nous faut aujourd’hui payer pour semer un champ des hommes qui ne labourent pas, payer pour avoir un gîte des hommes qui n’ont point bâti, payer pour chauffer un foyer des hommes qui ne manient point la cognée, payer pour travailler des hommes qui ne travaillent jamais. Et quelles conditions nous impose le propriétaire insolent! Toi, tu as des enfants : tu ne logeras pas chez moi, parce que les enfants dégradent tout; toi, tu tiens une école : tu n’entreras pas dans ma maison, parce que les écoliers sont méchants; toi, tu es serrurier, menuisier, chaudronnier : tu ne saurais me convenir, parce que ton état fait du bruit; toi, tu as une difformité dans la taille : serviteur ! ma femme ne souffre pas les bossus. Que veut donc cet animal ? – Monsieur est rentier, monopoleur et fainéant comme j’ai l’honneur d’être ? A tout seigneur tout honneur ! Monsieur payera les contributions, les réparations et son loyer, et nous vivrons ensemble. – Le propriétaire entend choisir son monde : il faut que son valet soit fringant, sa servante jolie, son frotteur bien élevé; il exigerait même, s’il osait, pour portier un officier retraité et décoré !

Voilà la propriété: qu’on la justifie, ou qu’on se taise.

THEORY OF PROPERTY

1. – Summary of the facts.

To judge the property, you must first know it.

We read in the Constitution of November 14:

“There is no noise in Paris except the speculation that has just enriched in a few days one of the men of ideas of this capital.

“M…, whom his speculations of 1838 had completely ruined, made a deal with all the bakers to monopolize their embers; at the same time he made a treaty with the coal merchants at a profit of 30 per cent.

“The two transactions are made for twelve years, and ensure a profit of 250,000 francs per year.

“The house of Mal… brothers, who had helped M. with his funds for this operation, has just, it is said, bought it back from him at the price of a million paid in cash.”

On reading this article, which has not been contradicted, and which did not suggest any reflection to the gentlemen of journalism, how many amazed Parisians cried out: Ah! if only this idea had occurred to me!… What happiness to have, once in one’s life, an idea! What an idea that is!

Either I misunderstand the meaning of the French term, or this is indeed an act of property, and of the most legal property. Isn’t the baker master of his embers? Isn’t he free to sell it to whomever he wants, as dearly as he can? Isn’t trade free? And yet at this simple story the conscience rises; there is not an honest man’s heart that is not revolted.

Every day there is talk of lawsuits brought or to be brought against the adversaries of property. I have always been afraid of political trials; I hate the scandal of the assize courts. But let me find myself in the presence of an attorney general, brought before a jury for the crime of incitement to hatred of property, and there I will say to my judges:

“Before answering the public prosecutor, I denounce to him an act of the most odious monopolization, of the most intolerable piracy. Let justice explain itself on this fact, and I will explain myself on my doctrines. Under the regime of the terror, the revolutionary tribunal sent to the guillotine the leeches of the people, the industrialists with ideas: the shadow of a hoarder caused a riot to break out. Has public morality changed since our great revolution?… Know this, then, judges and jurors, and let the proprietors who find themselves in this enclosure hear it: if you are only armed against the enemies of monopoly, your law is below the law of Robespierre; your justice is worse than the justice of Fouquier-Tinville.”

The next day, the Constitutionnel published new details:

“The company that acquired embers from the bakeries in Paris began the execution of its contract this week.

“It seems that this start-up is not as easy as the contractors had hoped. In several districts, the charcoal burners no longer want to sell embers, the price and subscription conditions imposed on them no longer leaving them a profit. The administration made some concessions to them.

“The removal of embers from the bakers experiencing delays contrary to market conditions, several bakers found themselves in the need to issue formal notices.

“It seems that this business, which offered considerable profits, is much less advantageous for the subcontractors who paid dearly for the transfer of the market and to whom one of the conditions set by the bakers prohibits them from selling their embers below 40 centimes the decalitre or 8 francs the bag.”

Let us leave aside the difficulties that arise from the exercise of monopoly, from the very fact of monopolization; it is the penalty fatally inherent in all property. But if, embarrassed in their means of existence, the charcoal makers agree and refuse their labour, do they not run the risk of being prosecuted at the request of the hoarder, for the offense of combination? It would be curious to see this reversal of all justice, improbable it is true in the case in question, but which, in the judicial principles that govern us, would have nothing but naturalness and would not lack precedents. And besides, our young dynasty needs nobles and feudatories; the Anglo-Thiers system requires great property; for the citizen court to be sufficiently furnished with peers, it is necessary to have public thieves such as M… and his banker.

As for you, Mr. Editor, whose justice is no doubt better than the system, will you hesitate to qualify the names of theft and ambush for the trait of proprietary industrialism that I have just mentioned to you?… Well! All these republicans, big timber merchants, all these smugglers and extortionists ministers, all these literary and philosophical accumulations come to line up under the same label; add to it the land grabbers, the work grabbers, the trade and industry grabbers… I leave you to fill the frame.

“The earth is a vast workshop, divided into a host of compartments suitable for various productions. Nature has made this vast workshop gratuitous to man; but some men among all have taken hold of it and said: This compartment is mine; to me this other; what will come out of it will be my exclusive property… It cannot be denied that the landowner personally adds nothing to the utility produced annually in a country. (Say, Notes on Ricardo.)

God, says the Prophet, has given the earth to the children of men: but the owners invaded it. This is why today we have to pay to sow a field men who do not plow, pay to have a shelter men who have not built, pay to heat a hearth men who do not handle the hatchet, pay to work men who never work. And what conditions the insolent owner imposes on us! You, you have children: you will not stay with me, because children degrade everything; you, you keep a school: you will not enter my house, because the scholars are mean; you, you are a locksmith, a carpenter, a boilermaker: you cannot suit me, because your job makes noise; you have a deformity in your waist: servant! my wife does not suffer hunchbacks. What does this animal want? — Monsieur is a rentier, a monopolist and lazy as I have the honor to be? Give honour where honour is due! Monsieur will pay the contributions, the repairs and his rent, and we will live together. — The owner intends to choose his world: his valet must be dashing, his servant pretty, his scrubber well-bred; he would even demand, if he dared, a retired and decorated officer for a porter!

This is property: justify it, or be silent.

2. — Mouvement social, et conspiration des économistes contre la propriété.

Un fait sur lequel l’anonyme a passé comme sur un fer rouge, mais qu’il importe de signaler comme l’expression la plus éclatante du mouvement civilisateur, c’est cette espèce de conspiration instinctive qui se manifeste de toutes parts contre la dernière forme sociale, la propriété. Laissons les législations plus ou moins communistes des Egyptiens, des Juifs, de Minos, de Lycurgue, ainsi que les institutions des pythagoriciens et des thérapeutes: tous ces vieux essais d’organisation politique ne prouvent rien pour l’ordre à venir; la propriété les a tués, tout simplement parce qu’ils n’étaient point nés viables, et qu’elle devait avoir son tour de règne et son temps de durée. Aussi, tant que le droit romain et le droit féodal commandèrent à la terre, la propriété, sacrée, inviolable, incontestée, fut le véritable droit divin en vertu duquel obéirent les peuples, combattirent les barons, et régnèrent les souverains.

Mais voici que les nobles, qui ne produisent rien, s’appauvrissent; que les serfs, qui travaillent, deviennent riches et acquièrent des propriétés; que des communes se forment, que des provinces se groupent et se centralisent, que le gouvernement devient un art et l’interprétation des lois une sophistique; voici qu’on distingue entre le domaine public et le domaine privé, entre l’intérêt du roi et l’intérêt du citoyen, entre la société et l’homme. Des conflits s’élèvent, et des causes qui jadis eussent été vidées par le préteur on juge civil sont évoquées maintenant par les administrateurs royaux: nous avons un droit administratif, une jurisprudence administrative, une procédure administrative, des juges administratifs; l ;’administration, plongée à son origine dans un chaos ténébreux, s’élève tous les jours à la lumière, et menace d’envahir le prétoire. Bientôt, la propriété devenant matière administrative, propriétaires et travailleurs entrèrent dans l’administration; le gouvernement sera tout, le tribunal rien. Déjà s’élèvent des doctrines singulières: on écrit que la propriété n’est point un droit, mais un fait; et ce sentiment est aujourd’hui celui de la moitié des professeurs allemands: on soutient que la propriété ne nait point de l’occupation, mais du travail; et cette opinion, issue des élucubrations économistes, est un démenti flagrant donné à la philosophie de l’école et aux maximes du droit divin. Enfin une révolution est venue en aide à la théorie, et cinquante ans ont suffi pour réformer sur ce point la raison publique. Il est loin le temps où le père d’un de nos magistrats les plus recommandables disait à ses paysans: Vous êtes mainmortables, et vous mourrez mainmortables. — Les fils des paysans se sont assis aux conseils de la nation: faut-il croire que c’est le ciel qui se courrouce?

Rien de plus intéressant que de suivre les progrès de ces doctrines antipropriétaires, et la tactique de leurs auteurs.

« Lorsque les anciens économistes, dit Germain Garnier, représentaient la propriété foncière comme source de toutes les richesses, ils ne sollicitaient pour elle ni faveur ni privilège quelconque. Au contraire, l’impôt, réduit à un seul mode d’assiette, était une charge réservée uniquement aux propriétaires fonciers. Les seuls privilèges qui restaient à ceux-ci étaient ceux qu’ils tenaient de la nature même et des principes de l’ordre social. On ne demandait au gouvernement que de ne pas contrarier le cours des choses, et de ne pas mettre d’obstacle au progrès naturel vers lequel elles doivent marcher d’elles-mêmes. Tous les règlements que l’on sollicitait en faveur de l’industrie et du commerce étaient contenus dans ces quatre mots: Laissez faire, laissez passer.

« Cette doctrine, si simple dans son exposition, si généreuse dans ses résultats, eut de zélés partisans et d’ardents adversaires. Elle fut embrassée par les hommes d’Etat les plus éclairés de cette époque, Turgot, Trudaine, Gournay, Malesherbes, Lavoisier, de Jaucourt, Condorcet, Raynal, Dupont, Morellet, Letrosne, etc.

« Cette doctrine de pleine liberté jeta l’alarme parmi les traitants, les fermiers des revenus publics et leurs innombrables préposés; elle blessa l’orgueil des ministres et les prétentions non moins exigeantes des premiers commis, dont elle semblait réduire à rien le profond savoir et la longue pratique des affaires. Les négociants et les gros manufacturiers s’indignaient de ce que leurs professions étaient flétries du nom de stériles. Les propriétaires, fermiers eux-mêmes, jetèrent de hauts cris contre l’impôt unique dont on proposait de les charger. Il n’y eut donc pas un intérêt, pas un préjugé, pas une passion qui ne se soulevât contre les économistes, et à défaut de raisonnements, on attaqua les doctrines avec des pamphlets et des satires. » (Préface de la traduction d’Adam Smith.)

Ainsi, sous l’ancienne monarchie, lorsque la propriété foncière était le privilège pour ainsi dire exclusif de la noblesse et du clergé, et l’industrie le privilège des corporations et des maîtrises, les économistes demandaient, pour la première, qu’elle subît seule la charge de l’impôt; pour la seconde, qu’elle fût déclarée libre. Sous l’un et l’autre rapport, c’était favoriser le travail et frapper le monopole. Des gens qui prenaient si chaudement les intérêts du peuple devaient tôt ou tard avoir raison, et c’est aussi ce qui arriva.

Or, à présent que la propriété est divisée entre des millions de possesseurs et que l’industrie est devenue libre, que demandent, qu’enseignent ces mêmes économistes? La chose mérite d’être examinée de près.

L’économie politique ayant pris depuis un demi-siècle un développement rapide, s’est divisée en plusieurs branches formant autant de spécialités pour les adeptes. Ainsi nous avons les économistes industriels ou organisateurs, les financiers, les moralistes et les légistes. Chacune de ces espèces semble travailler à part et quelquefois même en rivalité avec les autres; mais toutes, comme autant de rayons, viennent converger à un point commun qui est le but suprême de la science, et que faute d’un nom plus précis j’appelle droit de possession ou égalité.

Les industriels (J.-B. Say, H. Say, Blanqui, et en général l’école française, qui a des représentants jusqu’au ministère) demandent qu’on épuise toutes les conséquences du laissez faire, laissez passer, c’est-à-dire qu’on abolisse les douanes, les droits d’octroi, de transit, et en général toutes les entraves du commerce. Leur but est manifestement de combattre sur chaque point du globe la propriété locale par la propriété extérieure, et par ce moyen d’équilibrer les prétentions des fabricants, tout en offrant de meilleures conditions aux consommateurs.

Les financiers (saint-simoniens, phalanstériens, docteur Cieszkowski, baron de Corvaja, et autres) réclament une plus vaste émission de capitaux, des banques d’escompte et de secours, la mise en circulation de toutes les propriétés, et la constitution d’une rente nouvelle, accessible aux plus petites économies. Qui ne voit que ceux-ci se proposent de faire des travailleurs autant de capitalistes et de rentiers, en les rendant peu à peu actionnaires et intéressés dans toutes les entreprises? Or jugez quel sort menace les oisifs, quand la rente du prolétaire balancera celle du propriétaire, et que chacun n’aura plus pour vivre que ses appointements?

Mais voici pis que tout cela: les légistes, M. Rossi en tête, affirment que toute propriété, foncière, mobiliaire ou monétaire, est un monopole. [1] Il est vrai qu’ils ajoutent que ce monopole est nécessaire: mais ils n’en concluent pas moins que le monopoleur est comptable avec la société de son privilège, que sur lui doivent peser les plus fortes charges; peu s’en faut qu’ils n’en fassent un administrateur de la fortune publique, un régisseur du bien des pauvres, en un mot une sorte de contre-maître aux ordres de l’autorité. Et le gouvernement, qui entre dans ces vues, charge la propriété, impose l’industrie morcelée contre les immeubles, attaque le rentier par mille moyens à la fois. Malheureusement il se produit ici un inconvénient qu’on avait déjà vu arriver au temps de la dépréciation des assignats. Le peuple se plaignait que le prix des journées demeurant le même, et la valeur des assignats diminuant toujours, il ne pouvait plus acheter de quoi vivre.— Augmentez vos salaires, lui disait Cambon. — Mais cet honnête, cet excellent peuple ne comprit jamais qu’il pouvait sans fraude exiger 3 francs de ce qu’il avait l’habitude de faire payer 30 sous, et il se laissa mourir de faim, par entêtement de probité. Aujourd’hui le propriétaire grevé hausse le prix de ses denrées; le peuple, tourmenté de deux maladies incurables, la famine et la peur, baisse le prix de son travail: et l’indigence, comme la mitraille, moissonne ses rangs toujours remplacés. Il y a là évidemment un vice d’organisation; mais l’intention est bonne, et tôt ou tard la pensée des économistes, suffisamment entendue, se réalisera.

Enfin les moralistes parlent de donner aux ouvriers des garanties contre le despotisme des maîtres, et cela, disent-ils, afin de prévenir les coalitions. Admirable de profondeur ou de naïveté, comme on voudra. A présent, l’ouvrier qui réclame est conduit en prison; bientôt, grâce au système des économistes moralistes, il pourra traduire devant le juge son patron récalcitrant. Ce sera un des meilleurs tours que l’on aura joué à la propriété.

A toutes ces tendances, que je ne fais ici qu’effleurer, je pourrais joindre celle de l’école fouriériste, qui propose de retirer tout doucement les capitaux et instruments de travail des mains des propriétaires, en leur offrant, dans un plus fort intérêt, une sorte de compensation.

« Le plaisir, à les entendre, sinon le plus doux, du moins le plus réel, le plus positif de la propriété, consiste surtout dans le meilleur rapport possible. » L’anonyme appelle cela défendre la propriété !

Maître Houdard, peut-être on vous croirait, 
Mais par malheur vous n’avez point de queue.

Songez donc enfin, monsieur le redacteur, qu’en persistant à vous donner comme les seuls conservateurs de la propriété vous ne trompez personne, ni parmi vos confrères qui sourient, ni parmi vos adversaires qui se fâchent, et que le public est à la veille de vous accuser de mauvaise foi.

Certes, je suis loin de prétendre que cette marche si profondément démocratique des économistes soit le résultat d’une conspiration de longue main organisée, et ayant pour but la spoliation des riches: loin de là, la plupart des économistes n’ont pas eu conscience de leur œuvre; aujourd’hui même ils défendent la propriété avec une singulière bonne foi. Mais qu’importe que ces spéculateurs, métaphysiciens et jurisconsultes médiocres, s’obstinent à respecter le mot, s’ils proscrivent la chose? Aujourd’hui leur but est si évident, que beaucoup de propriétaires instruits en sont frappés, et ne s’en effrayent pas. Voici seulement comment ils posent le problème:

« Point de communauté, point de phalanstère, point de castes, point d’expropriations, surtout point de révolutions. Laissez faire, laissez passer; chacun chez soi, chacun pour soi; république ou monarchie, il n’importe. Si avec cela vous pouvez nous conduire à l’égalité absolue, tant mieux, nous sommes des vôtres, et nous vous aiderons de tout notre pouvoir. »

Que voulez-vous, monsieur le rédacteur? Il faut bien accepter les conditions que l’on nous fait. Les propriétaires, en France, sont dix contre un : leur volonté, en attendant mieux, mérite d’être comptée pour quelque chose. Dans notre province, par exemple, dans cette vieille Séquanie à la race forte et obstinée, je vois bien quelques républicains spéculatifs, quelques phalanstériens amateurs, beaucoup de gens qui critiquent, mais pas un enthousiaste. Paysans et citadins, du côté de ce royaume, écoutent volontiers, mais ne s’ébranlent pas au premier discours, et vous savez s’il serait aisé de les forcer. Ils ne veulent entendre parler ni d’exploitations par compagnies ni de ménage commun: les plus pauvres, les femmes surtout, sont les plus intraitables. Il s’agit donc de les prendre par leurs propres aphorismes; et vous le dirai-je, monsieur le rédacteur? ce parti me parait non-seulement le plus sûr, mais aussi le plus vrai. EPUISER LES CONSEQUENCES DU REGIME PROPRIETAIRE EN DEVELOPPANT LES DROITS DE TOUS, tel est dans mon opinion le se mode rationnel de nous élever sans secousse à une forme sociale synthétique, c’est-à-dire supérieure à la communauté et à la propriété. Dès lors la question se réduit à accélérer le mouvement, non à changer la forme des institutions; à faire vivre vite la société pendant un laps de temps, et à lui faire accomplir en une génération le travail de plusieurs siècles. Que votre anonyme m’accuse maintenant, s’il l’ose, de manquer à la pratique, et de me placer hors des conditions de la nature.

Mais pour arriver à ce magnifique résultat, il faut des principes absolus, des formules d’organisation et de répartition universellement admises et d’une fécondité infinie; il faut expliquer et comprendre le présent et le passé, s’élever à l’intelligence complète de la propriété, juger la valeur de chaque utopie : or, parmi tant de gens qui écrivent et déclament, combien, monsieur le rédacteur, en connaissez-vous qui se dévouent à cette tâche effrayante? – L’autre jour, M. Duvergier de Hauranne avisa que si les légitimistes et les républicains voulaient se faire accepter, ils devaient se rendre acceptables ; et pour cette immense découverte, M. Duvergier de Hauranne est célébré par les journaux de sa coterie comme un génie politique?. Je rougis pour mon siècle et pour ma patrie.

——

[1] « Vous trouvez toujours sur votre route un monopole. Il n’est guère de produit qu’on puisse regarder comme le résultat pur et simple du capital et du travail…

Cette formule (que le prix de chaque chose se mesure aux frais de production) est profondément modifiée par l’intervention de l’un ou de l’autre des monopoles auxquels se trouvent soumis les instruments de la production. » (Rossi, Cours d’économie politique, p. 143.)

M. Rossi distingue ensuite des monopoles naturels et des monopoles artificiels; parmi les premiers, il range les vignes, terres, mines, carrières, etc. Appliqués aux nations ces monopoles ne sont, dit-il, que la division du travail donnée par la nature. — La seconde catégorie de monopoles comprend les brevets d’invention, privilèges d’auteurs, hérédité de charges, propriété de maisons, etc.

Le grand, l’unique problème à résoudre est donc de savoir si l’on peut faire cesser le monopole, et comment on y parviendra. Les hypothèses socialistes proposées jusqu’à ce jour n’ont pas d’autre objet.

2. — Social movement, and conspiracy of the economists against property.

A fact over which the anonym has passed like a hot iron, but which it is important to point out as the most striking expression of the civilizing movement, is this sort of instinctive conspiracy that manifests itself on all sides against the last social form, property. Let us leave aside the more or less communist legislations of the Egyptians, of the Jews, of Minos, of Lycurgus, as well as the institutions of the Pythagoreans and the therapists: all these old attempts at political organization prove nothing for the order to come; property has killed them, quite simply because they were not born viable, and it had to have its turn to reign and its time of duration. Also, as long as Roman law and feudal law commanded the land, property, sacred, inviolable, uncontested, was the veritable divine right by virtue of which the people obeyed, the barons fought and the sovereigns reigned.

But now the nobles, who produce nothing, are getting poorer; the serfs, who work, become rich and acquire properties; communes are formed, provinces are grouped and centralized, government becomes an art and the interpretation of laws a sophistry; here we distinguish between the public domain and the private domain, between the interest of the king and the interest of the citizen, between society and man. Conflicts arise, and causes that formerly would have been settled by the praetor or civil judge are now evoked by the royal administrators: we have an administrative right, an administrative jurisprudence, an administrative procedure, administrative judges; the administration, plunged at its origin in a dark chaos, rises every day to the light, and threatens to invade the tribunal. Soon, property becoming administrative matter, owners and workers entering the administration; the government will be everything, the tribunal nothing. Already singular doctrines arise: it is written that property is not a right, but a fact; and this feeling is today that of half of the German professors: it is maintained that the property does not arise from the occupation, but from labor; and this opinion, resulting from economistic lucubrations, is a flagrant denial given to the philosophy of the school and to the maxims of divine right. Finally, a revolution has come to the aid of theory, and fifty years have sufficed to reform public reason on this point. Gone are the days when the father of one of our most commendable magistrates said to his peasants: You are mainmortable, and you will die mainmortable. — The sons of the peasants have sat in the councils of the nation: are we to believe that it is heaven that is angered?

Nothing is more interesting than to follow the progress of these anti-property doctrines, and the tactics of their authors.

“When the ancient economists,” says Germain Garnier, “represented landed property as the source of all wealth, they sought for it neither favor nor any privilege whatever. On the contrary, the tax, reduced to a single method of assessment, was a charge reserved solely for landowners. The only privileges that remained to them were those which they held from nature itself and from the principles of the social order. The government was only asked not to thwart the course of things, and not to put any obstacle to the natural progress towards which they must march of themselves. All the regulations that were solicited in favor of industry and commerce were contained in these four words: laissez faire, laissez passer.

“This doctrine, so simple in its exposition, so generous in its results, had zealous partisans and ardent adversaries. It was embraced by the most enlightened statesmen of that time, Turgot, Trudaine, Gournay, Malesherbes, Lavoisier, de Jaucourt, Condorcet, Raynal, Dupont, Morellet, Letrosne, etc.

“This doctrine of full liberty alarmed the traders, the farmers of the public revenues and their innumerable agents; it hurt the pride of the ministers and the no less exacting pretensions of the chief clerks, whose profound knowledge and long practice of business it seemed to reduce to nothing. Merchants and large manufacturers were indignant that their professions were stigmatized with the name of sterile. The proprietors, farmers themselves, shouted loudly against the single tax that it was proposed to charge them. There was therefore not an interest, not a prejudice, not a passion that did not rise up against the economists, and in the absence of reasoning, the doctrines were attacked with pamphlets and satires. (Preface from the transation of Adam Smith.)

Thus, under the old monarchy, when landed property was the exclusive privilege, so to speak, of the nobility and the clergy, and industry the privilege of the corporations and the masters, the economists demanded, for the first, that it alone be subjected to tax charges; for the second, that it should be declared free. In both respects, it was to favor labor and strike at monopoly. People who expressed such warm concern for the interests of the people had to be right sooner or later, and that is also what happened.

Now, now that property is divided among millions of owners and industry has become free, what do these same economists ask, what do they teach? This deserves close examination.

Political economy having undergone rapid development for half a century, has been divided into several branches forming as many specialties for the adepts. Thus we have the industrial economists or organizers, the financiers, the moralists and the jurists. Each of these species seems to work separately and sometimes even in competition with the others; but all, like so many rays, come to converge at a common point which is the supreme goal of science, and which for lack of a more precise name I call right of possession or equality.

The industrialists (J.-B. Say, H. Say, Blanqui, and in general the French school, which has representatives even in the ministry) demand that we exhaust all the consequences of laissez faire, laissez passer, that is to say that we abolish customs, duties of attribution, of transit, and in general all obstacles to trade. Their object is manifestly to combat local property with foreign property at every point of the globe, and by this means to balance the pretensions of the manufacturers, while offering better conditions to the consumers.

The financiers (Saint-Simonians, Phalansterians, Doctor Cieszkowski, Baron de Corvaja, and others) demand a greater issue of capital, discount and relief banks, the putting into circulation of all properties, and the constitution of a new income, accessible to the smallest economies. Who does not see that these propose to make workers so many capitalists and rentiers, by making them little by little shareholders and interested parties in all enterprises? Now judge what fate threatens the idle, when the income of the proletarian balances that of the landowner, and each one will have nothing left to live on but his salary?

But here is something worse than all that: the legists, M. Rossi at the head, affirm that all property, landed, movable or monetary, is a monopoly. [1] It is true that they add that this monopoly is necessary: but they nevertheless conclude that the monopolist is accountable to society for his privilege, that on him must weigh the greatest burdens; they very nearly make him an administrator of the public fortune, a steward of the welfare of the poor, in a word, a sort of foreman at the orders of authority. And the government, which enters into these views, burdens property, imposes fragmented industry against buildings, attacks the rentier by a thousand means at once. Unfortunately there occurs here an inconvenience that we had already seen occur at the time of the depreciation of the assignats. The people complained that the price of the days’ labor remaining the same, and the value of the assignats always diminishing, they could no longer buy enough to live on. — Increase your wages, Cambon said to them. — But this honest, this excellent people never understood that they could, without fraud, demand 3 francs from what they used to charge 30 sous, and they let themselves starve, out of stubborn honesty. Today the encumbered proprietor raises the price of his commodities; the people, tormented by two incurable diseases, famine and fear, lower the price of their labor, and poverty, like grapeshot, reaps their ever-replaced ranks. There is obviously an organizational flaw here; but the intention is good, and sooner or later the thought of the economists, sufficiently understood, will be realized.

Finally, the moralists speak of giving the workers guarantees against the despotism of the masters, and this, they say, in order to prevent coalitions. Admirable depth or naivety, as you like. Now the worker who protests is taken to prison; soon, thanks to the system of moralist economists, he will be able to bring his recalcitrant boss before the judge. It will be one of the best rounds we have played at property.

To all these tendencies, which I am only touching on here, I could add that of the Fourierist school, which proposes to gently withdraw capital and instruments of labor from the hands of owners, by offering them, in a stronger interest, a kind of compensation.

“To hear them, if not the sweetest pleasure, at least the most real, the most positive pleasure of property, consists above all in the best possible relationship.” The anonym calls this defending property!

Master Houdard, maybe we’d believe you,
But unfortunately you don’t have a tail.

Finally, consider, Mr. Editor, that by persisting in presenting yourselves as the sole guardians of property, you are not deceiving anyone, neither among your smiling colleagues, nor among your angry adversaries, and that the public is on the verge of accusing you of bad faith.

Of course, I am far from claiming that this profoundly democratic march of the economists is the result of a long-organized conspiracy, with the aim of plundering the rich: far from it, most economists have not been aware of their work; even today they defend property with singular good faith. But what does it matter that these mediocre speculators, metaphysicians and jurists persist in respecting the word, if they proscribe the thing? Today their purpose is so obvious that many educated proprietors are struck by it, and are not frightened by it. Here is how they pose the problem:

“No community, no phalanstery, no castes, no expropriations, above all no revolutions. Laissez faire, laissez passer; chacun chez soi, chacun pour soi; republic or monarchy, it doesn’t matter. If with this you can lead us to absolute equality, so much the better, we are with you, and we will help you with all our power.”

What do you want, Mr Editor? We have to accept the conditions we are given. The owners, in France, are ten against one: their will, while waiting something better, deserves to be counted for something. In our province, for example, in this old Sequania with its strong and obstinate race, I see a few speculative republicans, a few amateur phalansterians, a lot of people who criticize, but not one enthusiast. Peasants and townspeople, on the side of this kingdom, listen willingly, but do not waver at the first speech, and you know how easy it would be to force them. They don’t want to hear about exploitation by companies or about households in common: the poorest, especially the women, are the most intractable. It is therefore a question of taking them by their own aphorisms; and will I tell you, mister editor, that this course seems to me not only the surest, but also the truest. To exhaust the consequences of the proprietary regime by developing the rights of all, such is, in my opinion, the rational way of raising ourselves without shock to a synthetic social form, that is to say to a form superior to community and property. From then on the question is reduced to accelerating the movement, not to changing the form of the institutions; to make society live quickly for a lapse of time, and to make it accomplish in one generation the work of several centuries. Let your anonym accuse me now, if he dares, of failing to practice, and of placing myself outside the conditions of nature.

But to arrive at this magnificent result, absolute principles are needed, formulas of organization and distribution that are universally accepted and are of infinite fecundity; it is necessary to explain and understand the present and the past, to rise to the complete understanding of property, to judge the value of each utopia: now, among so many people who write and declaim, how many, sir, do you know who devote themselves to this dreadful task? — The other day, M. Duvergier de Hauranne advised that if the Legitimists and the Republicans wanted to be accepted, they had to make themselves acceptable; and for this immense discovery, M. Duvergier de Hauranne is celebrated by the newspapers of his coterie as a political genius? I blush for my century and for my country.

Note:

[1] “You always find a monopoly on your way. There is hardly a product that can be regarded as the pure and simple result of capital and labor…

“This formula (that the price of each thing is measured by the cost of production) is profoundly modified by the intervention of one or other of the monopolies to which the instruments of production are subject.” (Rossi, Course in Political Economy, p. 143.)

M. Rossi then distinguishes between natural monopolies and artificial monopolies; among the first, he ranks vineyards, land, mines, quarries, etc. Applied to nations, these monopolies are, he says, only the division of labor given by nature. — The second category of monopolies includes patents of invention, copyrights, inheritance of offices, ownership of houses, etc.

The great problem, the only problem to solve is therefore to know if we can end the monopoly, and how we will do it. The socialist hypotheses proposed to date have no other object.

3. — Que la propriété se détruisant d’elle-même, il est irrationnel, au point île vue pratique, de la vouloir défendre.

La propriété est mauvaise, mais la propriété se détruit; telle est, sous la main de la Providence, la loi universelle des choses humaines: délit et peine, action et réaction.

Mais l’anonyme prétend se soustraire à cette loi: avec une affectation de positivisme aussi contraire à la bonne philosophie qu’à l’opinion fouriériste, il se renferme dans la pratique, comme si la pratique, séparée de la théorie, était autre chose que la routine. Il dit, page 20:

« Nous accorderons volontiers que la société s’achemine d’elle-même vers l’extinction de la propriété, pourvu qu’on admette que le but est encore à quelques siècles de nous, et que cette perspective ne changera en rien, d’ici à bien des années, hélas! la situation présente des hommes et des choses. »

Si le mouvement jusqu’à ce jour inobservé qui nous emporte vers un état d’association où la propriété n’existera plus que do nom et où l’égalité absolue sera dans les conditions et les fortunes; si, dis-je, ce mouvement est réel, qu’est-ce que le critique me reproche? Est-ce de demander l’accélération de ce mouvement? Mais en cela je ne fais que me conformer au vœu de la nature, et ce sont les partisans du statu quo qui désobéissent à la Providence. La société fait effort pour se dégager du passé: ce qui la retient dans ses vieux langes, c’est la force. Cessez de défendre le privilège et le monopole, laissez faire au travail et à la liberté; puis, si vous ne savez le prévoir, attendez le résultat. Eh! qu’est-ce donc qui me fâche, si ce n’est de voir gouvernants et privilégiés s’entendre pour conjurer le destin, et abuser de la puissance publique pour empêcher l’égalité d’éclore?

Aurais-je eu tort de conclure de la prochaine et inévitable abolition de la propriété à son existence contingente, à sa valeur toute relative, et partant à son impossibilité absolue? Mais je ne pouvais confondre le fait transitoire avec le droit immuable, le moyen avec le but, un des mille phénomènes du travail d’organisation qui s’opère depuis quatre mille ans, avec cette organisation elle-même. Il était dans les conditions d’établissement de l’ordre au sein des sociétés qu’il y eût une période propriétaire, il ne suit pas de là que la propriété soit éternelle. S’il y a contradiction quelque part, c’est du côté de l’anonyme qui, voyant dans la propriété une institution normale, un principe de vérité absolue et d’inaltérable durée, admet pourtant qu’elle s’efface et disparaît. Cela seul peut s’altérer et périr qui manque de sanction et de règle.

Enfin, malgré la dégradation incessante du droit de propriété, regarderait-on comme hasardée cette conséquence de mes deux premiers mémoires, que dans le système naturel de l’organisation sociale, système que j’appellerais volontiers des familles humaines, le principe de propriété ne saurait être admis , et n’est d’aucune valeur scientifique? et voudrait-on transformer ici le fait en droit, sous prétexte qu’aucun fait n’existe, qui n’ait sa raison et sa légitimité? Mais encore une fois ce serait attribuer au premier effort de la nature un caractère de perfection qu’il n’a pas et qu’il n’est lui-même que destiné à produire; ce serait vouloir éterniser les bouillonnements du chaos. Oui, la propriété fut légitime, mais ce fut comme préparation à l’ordre, non comme institution définitive. Le progrès de la civilisation la condamne à mourir; la Providence et l’humanité sont justifiées.

D’après cela, comment concevoir que l’anonyme m’accuse de me placer hors de la nature, de bâtir une tour en l’air, de nier les traditions des peuples et de maudire les essais des législateurs? Voici comment il formule ses conclusions:

« Au résumé, il nous semble hors de contestation que tout philosophe qui travaille à une organisation meilleure, présente et pratique, doit en puiser les matériaux dans la société actuelle, et que la propriété est le plus indispensable de ces matériaux. »

Je prends acte de ces paroles, qu’on dirait inspirées, monsieur le rédacteur, par votre excellente brochure sur la Politique générale; et je ne crains pas de prédire que celui qui les a écrites, et son honorable patron, et bientôt tous les fouriéristes, seront conduits par les conséquences de leurs propres principes à abjurer leurs lubies de propriété et d’inégalité. Oui, vous-même, monsieur le rédacteur, tôt ou tard vous déserterez le phalanstère: défendez toujours votre drapeau, livrez-vous à une infatigable propagande, combattez pour la propriété, prêchez tout à la fois l’amour libre et la famille, fondez des colonies, organisez des séries de groupes contrastés, avant cinq ans, si vous voulez entendre, vous serez affranchi de ces limbes phalanstériennes où languit votre pauvre âme, si vive dans ses allures, si bien faite pour la science exacte et rigoureuse, mais si misérablement subjuguée par les hallucinations d’un ignorant et d’un fou.

Pour revenir à ce qui me concerne, où l’anonyme a-t-il vu que dans mes recherches sur la propriété j’aie rejeté, comme moyen de transition et d’organisation, cette même propriété? D’où sait-il, par exemple, que les droits les plus désastreux des propriétaires, le fermage, le louage, l’hérédité à tous degrés, les donations entre-vifs et après décès, la succession dans les charges, les constitutions de rentes, etc., etc., ne sont pas, dans mon opinion, les auxiliaires naturels qui nous ont été donnés pour arriver à l’ordre, pour combattre la propriété et établir l’équilibre même? Hélas! il faut bien le dire, nous sommes trop jeunes encore pour nous passer de ces choses! et c’est ce qui démontre le mieux que toute notre civilisation est encore imprégnée de barbarie; mais s’ensuit-il que nous devions nous condamner à une éternelle enfance? Quand l’être organisé s’éveille à la vie, il puise sa première nourriture à une source spéciale et préparée pour lui seul; mais voici que la plante grandit, que l’enfant croît et se fortifie; aussitôt les cotylédons tombent, la mamelle se dessèche et tarit. Ne voyez-vous pas que la propriété est épuisée, et que ses fils vigoureux demandent une plus forte nourriture?

Dans la seconde édition de mon premier mémoire, j’ai rédigé le programme de l’organisation égalitaire dans les termes suivants, que je livre à l’appréciation du critique anonyme:

« Trouver un système d’égalité absolue, dans lequel toutes les institutions actuelles, moins la propriété, ou la somme des abus de la propriété, non-seulement puissent trouver place, mais soient elles-mêmes des moyens d’égalité: liberté individuelle, division des pouvoirs, ministère public, jury, organisation administrative et judiciaire, unité et intégralité dans l’enseignement, mariage, famille, hérédité en ligne directe et collatérale, droit de vente et d’échange, droit de tester, et même droit d’aînesse; — un système qui, mieux approprié, assure la formation des capitaux et entretienne l’émulation générale; qui d’une vue supérieure explique, corrige et complète les théories d’association proposées jusqu’à ce jour, depuis Platon et Pythagore, jusqu’à Babeuf, Saint-Simon et Fourier; — un système enfin qui, se servant lui-même de moyen de transition, soit immédiatement applicable (1). »

Ce programme, où il n’est parlé ni de passions, ni d’attractions, ni d’harmonie, paraîtra bien maigre sans douté à un fouriériste; mais je défie qu’on lui reproche d’être hors des conditions de la nature et de la société.

——

(1) L’hérédité par elle-même n’est point une cause d’inégalité sociale; elle ne le devient que par l’effet du monopole et du droit de propriété. L’hérédité est un mode de transmission du mort au vif: or, d’après le droit existant, les pères transmettent arbitrairement à leurs enfants un privilège, tandis que selon le droit naturel ils doivent leur transmettre légitimement un litre légitime. Je démontrerai, par les calculs les plus exacts, que dans le système de répartition et d’organisation égalitaire, l’hérédité peut être maintenue sans qu’il m résulte pour personne ni augmentation ni diminution d’avantages, ni morcellement dans l’exploitation agricole et la production industrielle.

3. — As property destroys itself, it is irrational, from a practical point of view, to want to defend it.

Property is bad, but property destroys itself; such is, under the hand of Providence, the universal law of human affairs: offense and penalty, action and reaction.

But the anonym claims to evade this law: with an affectation of positivism as contrary to good philosophy as to Fourierist opinion, he confines himself to practice, as if practice, separated from theory, were something else. that routine. He says, on page 20:

“We will gladly allow society to move on its own towards the extinction of property, provided that we admit that the goal is still a few centuries away from us, and that this perspective will not change in any way, for many years from now, alas! the present situation of men and things.”

If the hitherto unobserved movement that carries us towards a state of association, where property will no longer exist except in name and where absolute equality will exist in conditions and fortunes; if, I say, this movement is real, what does the critic reproach me for? Is it for asking for the acceleration of this movement? But in this I am only conforming to the will of nature, and it is the partisans of the status quo who disobey Providence. Society makes an effort to free itself from the past: what keeps it in its old swaddling clothes is force. Stop defending privilege and monopoly, let work and freedom take over; then, if you cannot foresee it, wait for the result. Hey! What is it that annoys me, if not to see rulers and the privileged agree to conjure up fate, and abuse the power of the public in order to prevent equality from blossoming?

Would I have been wrong to conclude from the imminent and inevitable abolition of property that it exists contingently, in its entirely relative value, and therefore in its absolute impossibility? But I could not confuse the transitory fact with the immutable right, the means with the end, one of the thousand phenomena of the work of organization that has been operating for four thousand years, with this organization itself. It was in the conditions of the establishment of order within societies that there was a proprietary period, but it does not follow from this that prooperty is eternal. If there is a contradiction somewhere, it is on the side of the anonym who, seeing in property a normal institution, a principle of absolute truth and unalterable duration, nevertheless admits that it fades away and disappears. That alone can alter and perish which lacks sanction and rule.

Finally, despite the incessant degradation of the right of property, would one regard as risky this consequence of my first two memoirs, that in the natural system of social organization, a system that I would gladly call human families, the principle of property cannot be admitted, and is of no scientific value? And would one want to transform here the fact into right, under the pretext that no fact exists that does not have its reason and its legitimacy? But once again this would be attributing to the first effort of nature a character of perfection that it does not have and that it is itself only destined to produce; it would be to want to perpetuate the bubbling of chaos. Yes, property was legitimate, but it was as a preparation for order, not as a definitive institution. The progress of civilization condemns it to die; Providence and humanity are justified.

According to this, how can one conceive that the anonym accuses me of placing myself outside of nature, of building a tower in the air, of denying the traditions of peoples and of cursing the attempts of  the legislators? This is how he formulates his conclusions:

“In summary, it seems to us beyond dispute that any philosopher who works for a better organization, present and practical, must draw the materials for it from present-day society, and that property is the most indispensable of these materials.”

I take note of these words, which seem to have been inspired, Mr. Editor, by your excellent brochure on General Policy; and I am not afraid to predict that he who wrote them, and his honorable patron, and soon all Fourierists, will be led by the consequences of their own principles to abjure their whims of property and inequality. Yes, you yourself, Mr. Editor, sooner or later you will desert the phalanstery: always defend your flag, devote yourself to tireless propaganda, fight for property, preach both free love and the family, found colonies, organize series of contrasting groups, and before five years, if you want to hear, you will be freed from this phalansterian limbo where your poor soul languishes, so lively in its paces, so well made for exact and rigorous science, but so miserably subjugated by the hallucinations of an ignorant fool.

To return to what concerns me, where did the anonym see that in my research on property I rejected this same property as a means of transition and organization? How does he know, for example, that the most disastrous rights of the proprietors, tenant farming, renting, heredity in all degrees, donations inter vivos and after death, succession in offices, constitutions of rents, etc., etc., are not, in my opinion, the natural auxiliaries that have been given to us to arrive at order, to combat property and to establish equilibrium itself? Alas! It must be said, we are still too young to do without these things! And this is what best demonstrates that our whole civilization is still impregnated with barbarism; but does it follow that we must condemn ourselves to an eternal childhood? When the organized being awakens to life, it draws its first nourishment from a special source prepared for it alone; but now the plant grows, the child grows and grows stronger; immediately the cotyledons drop, the udder withers and dries up. Do you not see that property is exhausted, and that its vigorous sons ask for stronger nourishment?

In the second edition of my first memoir, I have written the program of egalitarian organization in the following terms, which I leave to the appreciation of the anonymous reviewer:

“To find a system of absolute equality, in which all current institutions, minus property, or the sum of the abuses of property, not only can find a place, but are themselves means of equality: individual freedom, division of powers, public ministry, jury, administrative and judicial organization, unity and integrity in education, marriage, family, direct and collateral line inheritance, right of sale and exchange, right to testify, and even right to seniority;—a system that, being more appropriate, ensures the formation of capital and maintains general emulation; that, from a superior view, explains, corrects and completes the theories of association proposed up to this day, from Plato and Pythagoras, to Babeuf, Saint-Simon and Fourier; — a system finally that, using itself as a means of transition, is immediately applicable.” [1]

This programme, in which neither passions, nor attractions, nor harmony is spoken of, will doubtless appear very meager to a Fourierist; but I defy anyone to reproach it with being outside the conditions of nature and society.

Note:

[1] Heredity by itself is not a cause of social inequality; it only becomes so through the effect of monopoly and the right of property. Heredity is a mode of transmission from the dead to the living: now, according to existing law, fathers arbitrarily transmit a privilege to their children, while according to natural law they must legitimately transmit to them a legitimate title. I will demonstrate, by the most exact calculations, that in the system of egalitarian distribution and organization, heredity can be maintained without there resulting for anyone either an increase or a decrease in advantages, or fragmentation in agricultural exploitation and industrial production.

4. — Que réformer la propriété c’est la détruire.

« Actuellement, dit l’anonyme, la propriété est abusive, despotique et jalouse; les récents propriétaires renchérissent même sur les anciens sous ce rapport. » Il tire de là cette conséquence que la propriété appelle une réforme, mais non pas une destruction. C’est ce qu’il répète en vingt endroits de sa brochure.

Voilà comment l’instinct de conservation trompe les meilleurs esprits et leur fait illusion. La propriété est une de ces choses dont l’existence, pour m’exprimer comme l’école, n’est pas réelle ou substantielle, mais formelle; en d’autres termes, la propriété n’est point une entité, mais une formalité. Réformer une chose dont toute l’existence est dans la forme, c’est la remplacer par une autre, c’est la détruire.

M. Blanqui m’avait parlé déjà de réformer la propriété sans la détruire, et j’avais répondu:

« M. Blanqui reconnaît qu’il y a dans la propriété une foule d’abus: de mon côté, j’appelle exclusivement propriété la somme (ou le principe) de ces abus. Pour l’un comme pour l’autre, la propriété est un polygone dont il faut abattre les angles: mais, l’opération faite, M. Blanqui soutient que la figure sera toujours un polygone, tandis que je prétends, moi, que cette figure sera un cercle. »

Donnez à une masse de cire de forme sphérique une forme conique ou pyramidale, ce sera toujours de la cire: la substance est conservée, mais la sphéricité est détruite. De même, pour le citoyen qui travaille, produit et consomme, use et abuse, il existe deux grands ordres de faits qu’il importe de ne pas confondre: les biens dont il use, et le mode ou le droit selon lequel il en use. Que le détenteur soit propriétaire, esclave ou moine, l’essence des biens pour lui ne change pas; le mode de jouissance et d’exploitation seul varie. Ici c’est la propriété, là c’est le fermage, ailleurs la communauté: imaginez un mode qui ne soit ni l’un ni l’autre de ceux-là, direz-vous que ce mode est propriété? Avec non moins de raison vous pourriez prétendre que c’est communauté ou fermage.

Direz-vous maintenant que je subtilise, et faut-il vous traiter comme ces enfants que les masques épouvantent? Revenons aux faits et nous serons d’accord tout à l’heure.

« La propriété, dit l’anonyme, est aujourd’hui abusive, despotique, jalouse, capricieuse, ignorante, immorale. » — Je ne dis pas pis.

« Il faut la rendre sociale, bienfaisante, accessible à tous; la discipliner et la rendre plus féconde. » — Je ne demande pas mieux.

« Pour cela il faut remplacer le travail morcelé, la concurrence égoïste, la répartition arbitraire, par l’exploitation unitaire, la solidarité et une meilleure répartition des produits. » — C’est ce que je ne cesse de dire.

« Alors, ajoute-t-il, vous ne déclamerez plus contre la propriété. » — Sans doute, répliqué-je, car alors la propriété ne sera plus.

Concluons de tout ce qui précède, que la propriété, comme tout ce qui tient aux institutions sociales, est de nature pour ainsi dire organique et embryonnaire; qu’en se développant elle se dénature; que, de même que le fœtus humain, tour à tour ver, poisson, lézard, homme enfin, l’ordre social se produit à travers une série de transformations dont la première contient les rudiments des autres, bien qu’elle en diffère essentiellement, et la dernière suppose les précédentes, bien qu’elle ne leur ressemble pas davantage. [1]

——

[1] Tout ce qui vient d’être dit sur la transformation ou la dénaturation de la propriété, et sur le mode de transition rie cette phase a la suivante, a été indiqué dans mon premier mémoire: il ne tenait qu’aux alarmistes de l’y voir et de le comprendre, avant de sonner le tocsin.

4. — That to reform property is to destroy it.

“Currently,” says the anonym, “property is abusive, despotic and jealous; the recent owners even outdid the old ones in this respect.” He draws from this the conclusion that property calls for a reform, but not a destruction. This is what he repeats in twenty places in his pamphlet.

This is how the instinct of self-preservation misleads the best minds and deceives them. Property is one of those things whose existence, to express myself as does the school, is not real or substantial, but formal; in other words, property is not an entity, but a formality. To reform a thing whose whole existence is in the form is to replace it with another, to destroy it.

M. Blanqui had already spoken to me of reforming property without destroying it, and I had replied:

“M. Blanqui recognizes that there are a host of abuses in property: for my part, I call property exclusively the sum (or the principle) of these abuses. For one as for the other, property is a polygon whose angles must be knocked down: but, the operation done, M. Blanqui maintains that the figure will still be a polygon, while I claim, myself, that this figure will be a circle.”

Give a spherical wax mass a conical or pyramidal shape, it will still be wax: the substance is retained, but the sphericity is destroyed. Similarly, for the citizen who labors, produces and consumes, uses and abuses, there are two main orders of facts that it is important not to confuse: the goods he uses, and the mode or the right according to which he uses them. Whether the holder is owner, slave or monk, the essence of goods for him does not change; the mode of enjoyment and exploitation alone varies. Here it is property, there it is tenant farming, elsewhere it is community. Imagine a mode that is none of these. Will you say that this mode is property? With no less reason you could claim that it is community or tenant farming.

Will you say now that I am engaged in sleight of hand, and should you be treated like those children terrified by masks? Let’s get back to the facts and we’ll agree later.

“Property,” says the anonym, “is today abusive, despotic, jealous, capricious, ignorant, immoral.” — I say no worse.

“It must be made social, beneficial, accessible to all; discipline it and make it more fruitful.” — I ask nothing better.

“For this, fragmented work, selfish competition, arbitrary distribution must be replaced by unitary exploitation, solidarity and a better distribution of products.” — That’s what I keep saying.

“Then,” he adds, “you will no longer declaim against property.” — No doubt, I reply, because then property will no longer exist.

Let us conclude from all that precedes that property, like everything that relates to social institutions, is organic and embryonic, so to speak; that in developing it becomes denatured; that, just like the human fetus, which is in turn worm, fish, lizard, finally man, the social order is produced through a series of transformations, the first of which contains the rudiments of the others, although it differs essentially from them, and the last supposes the preceding ones, although it does not resemble them any more. [1]

Note:

[1] Everything that has just been said on the transformation or denaturation of property, and on the mode of transition from this phase to the next, was indicated in my first memoir: it was up to the alarmists to see it and understand it, before sounding the tocsin.

5. — Exposition de la formule d’Adam Smith sur l’égalité dans les échanges.

Pour quiconque réfléchit sur ce qui se passe, il reste donc avéré, ce me semble:

1° Que le droit administratif tend à absorber le droit civil;

2° Que la propriété individuelle, se déformant toujours, passe à un état particulier de possession, dont l’histoire offre bien quelques analogues, mais point d’exemples;.

3° Qu’à la faveur de ce double progrès, un nivellement insensible s’opère dans les conditions et les fortunes.

Quand les faits parlent, le vrai philosophe accepte leur décision et ne sait que se soumettre. Mais l’égalité des conditions est quelque chose de si merveilleux, de tellement excentrique à nos préjugés, qu’à son aspect la plupart des lecteurs reculent, et sans tenir compte des démonstrations soit historiques, soit économiques, se rejettent dans des arguments d’impossibilité capables, avant l’analyse, d’arrêter un moment l’esprit, mais qui disparaissent bientôt devant la critique. « Il est absurde, s’écrie l’anonyme, de mettre Rachel au taux de la dernière figurante; il est absurde d’estimer un agate autant qu’un caillou; c’est le caprice de l’opinion qui fixe la valeur des choses; c’est l’inégalité des facultés qui fait l’inégalité des fortunes. »

Avec cette manière de raisonner, je réfuterais les princes de la philosophie moderne, Newton et Descartes. Je dirais au premier: Votre gravitation est une contradiction dans les termes; car si, par exemple, la lune tombe continuellement sur la terre, d’où vient qu’elle ne s’en est pas encore approchée seulement d’un demi-diamètre? Si au contraire elle est emportée par «ne force centrifuge, comment ne disparaît-elle point dans les profondeurs de l’espace? Que si enfin la force centripète et la force centrifuge, l’une à l’autre égales, agissent simultanément sur notre satellite, il ne peut résulter de cette double action que l’immobilité. — Je dirais au second: Votre application de l’algèbre à la géométrie est absurde; car, que peut-il y avoir de commun entre des formules toutes métaphysiques et la mesure d’une surface et d’un solide? Entre ces deux ordres d’opérations il n’est pas de rapport possible, pas plus qu’entre la pensée et l’étendue.

Que prouverait, je le demande, ce galimatias? rien autre chose que la sottise et l’impertinence du critique.

Je vais, en ce qui concerne le travail, le talent et le salaire, rétablir la question sous son vérable point de vue, me contentant de renvoyer pour les détails aux 3° et 4e chapitres de mon premier mémoire, ainsi qu’à mon prochain essai sur l’organisation.

Adam Smith, et après lui Germain Garnier et Ricardo, ont remarqué les premiers que la véritable mesure des valeurs était le travail des hommes. De là ces formules fameuses: Le travail a été le premier prix, la monnaie payée pour l’achat de toutes choses. — Le travail est la seule mesure universelle, la seule exacte des valeurs: c’est le stul étalon qui puisse nous servir à comparer les valeurs des différentes marchandises, à toutes les époques et dans tous les lieux. — Les parties constituantes du prix des marchandises se trouvent dans les frais de production, ou, comme je l’ai dit moi-même, dans la somme du temps et de la dépense.

L’anonyme, qui me reproche si aigrement ma polémique contre les économistes, ne s’est pas même douté qu’en critiquant ma formule il se mettait en contradiction avec la plus pure doctrine économique. Quand on attaque un auteur aussi affirmatif que l’on prétend que je suis, il faudrait au moins s’assurer que cet auteur est mal fondé dans ses affirmations.

Adam Smith développe ensuite sa pensée par des comparaisons et des exemples; il va même jusqu’à rechercher ce qui serait arrivé si les hommes eussent été fidèles à cette loi d’égalité dans les échanges, et quelles causes en ont amené partout la transgression.

« Dans ce premier état informe de la société, dit-il, qui précède l’accumulation des capitaux et la propriété des terres, la seule circonstance qui puisse fournir quelques règles pour les échanges, c’est, à ce qu’il me semble, la quantité de travail nécessaire pour acquérir les différents objets d’échange. Par exemple, chez un peuple de chasseurs, s’il en coûte habituellement deux fois plus de peine pour tuer un castor que pour tuer un daim, naturellement un castor vaudra deux daims. Il est naturel que ce qui est ordinairement le produit de deux jours ou de deux heures de travail, vaille le double de ce qui est ordinairement le produit d’un jour ou d’une heure. »

Adam Smith remarque ensuite que dans l’estimation du temps et des dépenses que coûte chaque produit, il faut tenir compte de la nature du travail, de la peine qu’il exige, de la consommation qu’il entraîne, etc. Par exemple, un cultivateur consommant plus en aliments, boissons, vêlements, etc., qu’un commis, il s’ensuit que le salaire du cultivateur doit être en raison de ce surcroît de consommation. Ainsi la loi absolue de l’échange est en raison composée du travail (considéré dans son intensité et sa durée), et de la dépense nécessaire au producteur. Les conséquences de ce système ont été développées par Ricardo dans ses Principes d’économie politique.

Adam Smith continue: « Dans cet état primitif qui précède la propriété des terres et l’accumulation des capitaux, le produit entier du travail appartient à l’ouvrier. Il n’a ni propriétaire, ni maître avec qui il doive partager. Si cet état eût continué, le salaire du travail aurait augmenté à mesure que les facultés productives auraient acquis toutes ces améliorations auxquelles donne lieu la division du travail. Toutes les choses seraient devenues, par degrés, de plus en plus à bon marché. Elles auraient été produites par de moindres quantités de travail, et elles auraient été pareillement achetées avec le produit de moindres quantités, puisque, dans cet état de choses, des marchandises produites par des quantités égales de travail se seraient naturellement échangées l’une contre l’autre.

« Mais cet état primitif, dans lequel l’ouvrier jouissait de tout le produit de son propre travail, ne put pas durer au delà de l’époque où commencèrent à s’introduire la propriété des terres et l’accumulation des capitaux… Aussitôt que la terre devient une propriété privée, le propriétaire demande une part dans chaque produit que peut y faire croître ou recueillir l’ouvrier. La renie est la première déduction que souffre le produit du travail appliqué à la terre. » (Recherches sur la nature et les causes des richesses des nations, tome 1″.)

Voilà donc la propriété qualifiée vol et pillage par le père de l’économie politique, et cela en conséquence de la loi que le travail est la seule mesure et la seule monnaie des valeurs.

Mais d’autres économistes, parmi lesquels se distinguent au premier rang J.-B.Say etM.Rossi.ont argué la formule d’Adam Smith d’insuffisance et d’inexactitude: il faut entendre leurs raisons et les peser.

Toutes les objections se réduisent à deux:

1″ La valeur en usage est une qualité inhérente à la matière; le travail ne la crée pas, il ne fait que la développer, ou, pour mieux dire, la mettre plus à notre portée. Le travail, absolument parlant, est un exercice stérile et qui emprunte toute son utilité de l’objet auquel il s’applique: comment pourrait-il devenir la mesure des valeurs?

« Deux hommes, dit M. Uossi, s’emparent chacun d’un arbre et deviennent propriétaires l’un d’un pommier sauvage, l’autre d’un cocotier chargé de fruits. Ils ont employé la même hache et donné le même nombre de coups. S’il n’y a de richesse que par l’effort qu’a fait l’homme pour l’obtenir, la richesse n’est que la difficulté vaincue. S’il en est ainsi, quand l’un s’est emparé du pommier sauvage avec dix coups de hache et l’autre du cocotier avec dix coups de hache, ils possèdent la même richesse. » (Rossi, Cours d’économie politique, 11′ leçon.)

M. Rossi n’est pas même à la question. Adam Smith n’a point prétendu que le travail était la mesure de la valeur en usage, laquelle est inhérente à la matière, et ne peut être ni vendue, ni achetée; mais de la valeur en échange. L’utilité, comme le dit très-bien M. Rossi; la valeur d’usage ne vient pas essentiellement du travail: elle ne tombe pas sous la production de l’homme, mais sous son appropriation. En d’autres termes, il y a pour les valeurs naturelles non des producteurs, mais des usufruitiers. Que deux sauvages, qui ne font entre eux aucune espèce de commerce, abattent l’un un cocotier, l’autre un pommier sauvage, c’est une affaire qui leur est personnelle h chacun, un fait d’appropriation plus ou moins avantageux, un acte isolé, par conséquent sans aucune signification économique. Car là où il n’y pas de société, il n’y a pas d’économie.

Mais admettez que dans une horde il faille du bois de chauffage, des chaises, des tables, des armoires, etc., aussi bien que des vêtements et des vivres: aussitôt le travail se divise, et c’est alors que, selon Adam Smith, le travail de l’homme qui abat un pommier vaut le travail de celui qui abat un cocotier. Si donc la valeur en nature a pour mesure l’utilité, la valeur en échange a pour mesure le travail. L’usurpation de la première constitue la propriété ou le monopole; l’intelligence de la seconde amène peu à peu l’égalité.

Pour réfuter l’argument de M. Rossi, il suffit de le bien entendre. Deux paysannes emploient le même nombre d’heures, et avec une peine égale, l’une à chanter, l’autre à cueillir des légumes: il est clair que s’il s’agit de dîner ensuite, le chant de la première ne vaut pas une fève et qu’elle court le risque d’avoir faim. Mais transportez ces deux femmes au centre de la civilisation: la chanteuse devient une Malibran et la ménagère un cordon bleu. Les conditions sont renversées, mais non pas plus justes. Pour qu’il y ait justice, il faut tout à la fois cultiver le talent et ennoblir le travail domestique. Mais, dans notre société propriétaire, toujours une fonction est sacrifiée à une autre fonction, un produit avili par un autre produit.

2° On insiste: « C’est l’utilité, ditSay, qui occasionne la demande qu’on fait d’une chose. D’un autre côté, les sacrifices qu’il faut-faire pour qu’elle soit produite, en d’autres mots, les frais de production font la rareté, bornent la quantité de cette chose. Sa valeur s’élève d’autant plus qu’elle est plus demandée et moins offerte, et s’élève d’autant moins qu’elle est plus offerte et moins demandée. Ce principe est fondamental en économie politique… »

En deux mots, l ‘ utilité fait naître l’offre et la demande, et celles-ci à leur tour, variant perpétuellement, produisent toutes les oscillations de la valeur.

Mais qui ne voit que ces éternelles variations de l’offre et de la demande résultent précisément de la concurrence, du monopole, de l’industrie divergente et morcelée, en un mot, du défaut d’organisation? Si nous travaillons au hasard, si par conséquent nos produits sont tantôt au-dessus, tantôt au-dessous de la consommation, si les diverses industries manquent de proportion et d’équilibre, n’est-ce pas l’effet du droit de propriété? Or, dans la question qui nous occupe, le thème de la propriété étant identique à celui dé l’inégalité des conditions, il en résulte que pour justifier la propriété on allègue la propriété.

L’erreur de Say vient de ce que, dédaignant l’histoire, la comparaison des législations et les traditions religieuses, il a pris une forme transitoire de la société pour un état permanent, une exception pour un aphorisme, et de ce que, ne concevant l’économie que dans la propriété, il a voulu fonder et immobiliser la science sur une pure anomalie.

Telle est aussi la cause de mes récriminalions contre cet économiste que j’accuse, d’une part, d’avoir reconnu que la propriété est un monopole; de l’autre, d’avoir distingué la valeur en nature de la valeur en échange; puis, avec le plus incroyable aplomb, avec le plus insultant mépris pour la philosophie et la morale, qui de tout temps ont prêché l’égalité et condamné l’usure, d’avoir établi l’inégalité des échanges sur l’inviolabilité du monopole.

A ces objections des hommes spéciaux, que j’ai rapportées afin de rendre la discussion aussi complète que sérieuse, l’anonyme a cru devoir joindre ses arguties phalanstériennes. Je souhaiterais fort de les passer sous silence; mais mon adversaire en triompherait, et je sais trop à quoi la politesse m’oblige. Il faut le satisfaire tout à l’heure.

5. — Exposition of Adam Smith’s formula on equality in exchanges.

So, for anyone who thinks about what is going on, it remains true, it seems to me:

1. That administrative law tends to absorb civil law;

2. That individual property, always distorting itself, passes to a particular state of possession, of which history offers some analogues, but no examples.

3. That thanks to this double progress, an imperceptible leveling takes place in conditions and fortunes.

When the facts speak, the true philosopher accepts their decision and only knows how to submit. But equality of conditions is something so marvelous, so eccentric to our prejudices, that at the sight of it most readers recoil and, without taking into account either historical or economic demonstrations, fall back on arguments of impossibility capable, before analysis, of arresting the mind for a moment, but which soon disappear in the face of criticism. “It is absurd,” exclaims the anonym, “to put Rachel at the level of the last onlooker; it is absurd to value an agate as much as a pebble; it is the whim of opinion that fixes the value of things; it is the inequality of faculties that causes the inequality of fortunes.”

With this way of reasoning, I would refute the princes of modern philosophy, Newton and Descartes. I would say to the first: Your gravitation is a contradiction in terms; for if, for example, the moon continually falls on the earth, how does it come about that it has not yet approached it by more than half a diameter? If, on the contrary, it is carried away by centrifugal force, how does it not disappear into the depths of space? Finally, if the centripetal force and the centrifugal force, equal to each other, act simultaneously on our satellite, nothing can result from this double action but immobility. — I would say to the second: Your application of algebra to geometry is absurd; because, what can there be in common between wholly metaphysical formulas and the measurement of a surface and a solid? Between these two orders of operations there is no possible relation, any more than between thought and extension.

What, I ask, would this rigmarole prove? nothing but the stupidity and impertinence of the critic.

I am going, as far as labor, talent and wages are concerned, to re-establish the question from its true point of view, contenting myself to refer for the details to the third and fourth chapters of my first memoir, as well as to my next essay on organization.

Adam Smith, and after him Germain Garnier and Ricardo, were the first to notice that the true measure of values was the labor of men. Hence these famous formulas: Labor was the first price, the currency paid for the purchase of all things. — Labor is the only universal measure, the only exact measure of values: it is the sole standard that can serve us to compare the values of different commodities, at all times and in all places. — The constituent parts of the price of commodities are found in the cost of production, or, as I have said myself, in the sum of time and expense.

The anonym, who reproaches me so bitterly for my polemic against the economists, did not even suspect that by criticizing my formula he was putting himself in contradiction with the purest economic doctrine. When one attacks an author as affirmative as one claims that I am, one should at least make sure that this author is unfounded in his assertions.

Adam Smith then develops his thought by comparisons and examples; he even goes so far as to investigate what would have happened if men had been faithful to this law of equality in exchanges, and what causes led to its transgression everywhere.

“In this first formless state of society,” he says, “that precedes the accumulation of capital and the ownership of land, the only circumstance that can provide some rules for exchanges is, as it seems to me, the amount of labor required to acquire the various items of exchange. For example, among a people of hunters, if it usually costs twice as much trouble to kill a beaver as to kill a deer, naturally a beaver will be worth two deer. It is natural that what is ordinarily the product of two days or two hours of labor should be worth double what is ordinarily the product of one day or one hour.”

Adam Smith then remarks that in estimating the time and expense that each product costs, account must be taken of the nature of the labor, the trouble it requires, the consumption it entails, etc. For example, a cultivator consuming more in food, drink, clothing, etc., than a clerk, it follows that the salary of the cultivator must be in proportion to this additional consumption. Thus the absolute law of exchange is a composite ratio of labor (considered in its intensity and duration) and of the expense necessary to the producer. The consequences of this system were developed by Ricardo in his Principles of Political Economy.

Adam Smith continues:

“In that primitive state that precedes the ownership of land and the accumulation of capital, the entire product of labor belongs to the laborer. He has neither owner nor master with whom he must share. If this state had continued, the wages of labor would have increased in proportion as the productive faculties acquired all those improvements to which the division of labor gives rise. All things would have become, by degrees, more and more cheap. They would have been produced by lesser quantities of labor, and they would likewise have been purchased with the product of lesser quantities, since, in this state of things, commodities produced by equal quantities of labor would naturally have been exchanged for each other.

“But this primitive state, in which the worker enjoyed all the product of his own labor, could not last beyond the period when the ownership of land and the accumulation of capital began to be introduced… As soon as the land becomes private property, the owner demands a share of each product that the laborer can grow or collect there. Denial is the first deduction suffered by the product of labor applied to the earth.“ (Research on the Nature and the Causes of the Wealth of Nations, volume 1.)

Here, then, is property qualified as theft and pillage by the father of political economy, and this in consequence of the law that labor is the only measure and the only currency of values.

But other economists, among whom J.-B. Say and M. Rossi stand out in the first rank, have argued that Adam Smith’s formula is insufficient and inaccurate: their reasons must be heard and weighed.

All objections are reduced to two:

1. Value in use is an inherent quality of matter. Labor does not create it; it only develops it, or, to put it better, puts it more within our reach. Labor, absolutely speaking, is a sterile exercise that borrows all its utiity from the object to which it is applied: how could it become the measure of values?

“Two men,” says M. Rossi, “each seize a tree and they become the owners, one of a wild apple tree, the other of a coconut tree laden with fruit. They used the same ax and gave the same number of blows. If there is no wealth except through the effort that man has made to obtain it, wealth is only the difficulty overcome. If so, when one has taken the wild apple tree with ten ax strokes and the other the coconut tree with ten ax strokes, they possess the same wealth. (Rossi, Course in Political Economy, 11th lesson.)

Mr. Rossi is not even to the question. Adam Smith did not pretend that labor was the measure of value in use, which is inherent in matter, and cannot be bought or sold; but value in exchange. Utility, as M. Rossi very well says; use-value does not come essentially from labor: it does not fall under the production of man, but under his appropriation. In other words, there are not producers of natural values, but usufructuaries. That of two savages, who do not carry on any kind of commerce with each other, one cuts down a coconut tree, the other a wild apple tree, is a matter that is personal to each of them, a more or less advantageous fact of appropriation, an isolated act, therefore without any economic significance. Because where there is no society, there is no economy.

But admit that a horde needs firewood, chairs, tables, cupboards, etc., as well as clothing and provisions: immediately the labor is divided, and it is then that, according to Adam Smith, the work of the man who cuts down an apple tree is worth the work of the one who cuts down a coconut tree. If, then, value in kind is measured by utility, value in exchange is measured by labor. The usurpation of the former constitutes property or monopoly; the intelligence of the second gradually leads to equality.

To refute Mr. Rossi’s argument, it suffices to hear it clearly. Two peasant women spend the same number of hours, and with equal effort, one in singing, the other in picking vegetables: it is clear that if it is a question of dinner afterwards, the song of the first does is not worth a bean and that she runs the risk of being hungry. But transport these two women to the center of civilization: the singer becomes a Malibran and the housewife a gourmet chef. The conditions are reversed, but not more fair. For there to be justice, it is necessary both to cultivate talent and to ennoble domestic work. But, in our proprietary society, one function is always sacrificed to another function, one product degraded by another product.

2. One insists: “It is utility,” says Say, “that causes the demand we make of a thing. On the other hand, the sacrifices that have to be made for it to be produced, in other words, the costs of production, make the scarcity, limit the quantity of this thing. Its value rises to the extent that it is more demanded and less offered, and rises as much less when it is more offered and less demanded. This principle is fundamental in political economy…”

In short, utility gives rise to supply and demand, and these in their turn, varying perpetually, produce all the oscillations of value.

But who does not see that these eternal variations of supply and demand result precisely from competition, from monopoly, from divergent and fragmented industry, in a word, from the lack of organization? If we work haphazardly, if consequently our products are sometimes above, sometimes below consumption, if the various industries lack proportion and balance, is this not the effect of the right of property? Now, in the question that occupies us, the theme of property being identical with that of inequality of conditions, it follows that in order to justify property it is property that is put forward.

The error of Say comes from the fact that, disdaining history, the comparison of legislations and religious traditions, he took a transitory form of society for a permanent state, an exception for an aphorism, and that, conceiving the economy only in property, he wanted to base and immobilize science on a pure anomaly.

Such is also the cause of my recriminations against this economist whom I accuse, on the one hand, of having recognized that property is a monopoly; on the other, of having distinguished value in kind from value in exchange; then, with the most incredible aplomb, with the most insulting contempt for philosophy and morality, which have always preached equality and condemned usury, for having established the inequality of exchanges on the inviolability of monopoly.

To these objections of special men, which I have reported in order to make the discussion as complete as it is serious, the anonym thought it necessary to add his phalansterian quibbles. I would very much like to pass them over in silence; but my adversary would triumph, and I know only too well what politeness obliges me to do. We must satisfy him presently.

6. — Démonstration de l’égalité des conditions par la formule d’Adam Smith.

Résumons: La première cause de l’inégalité dans les conditions, résultant de l’incertitude des valeurs, se trouve annulée par la fortaule d’Adam Smith: Chaque produit vaut ce qu’il a coûté de temps et de dépense.

Contre cette formule générale et vraiment organique, on objecte: 1° que l’utilité résultant des propriétés de la matière autant et plus que du fait même du travail, celui-ci ne peut être pris pour mesure comparative des valeurs; 2° que l’offre et la demande variant sans cesse selon la mode, le caprice, l’opinion, et les autres accidents de la vie sociale, la valeur est essentiellement variable.

A quoi l’on répond, d’un côté, que l’économie politique s’occupant seulement de la valeur en échange, et point du tout de la valeur en nature, à laquelle tous les hommes ont un droit égal, la question reste telle qu’elle a été posée par Adam Smith; de l’autre, que les variations des valeurs venant actuellement

du défaut d’organisation, et nullement du fait intrinsèque de l’échange, il y a lieu à s’occuper de la formule d’organisation, mais non plus de la formule de répartition.

Ces conclusions si nettes n’ont pas le bonheur de plaire à l’anonyme, qui va jusqu’à découvrir que par ce moyen les droits du travail et du talent seraient compromis. Immortel Smith! vous ne l’eussiez jamais soupçonné, qu’après avoir éliminé comme éléments de la valeur le monopole, l’opinion, la mode, et tous les funestes résultats de notre civilisation antisociale, vous seriez accusé d’être l’ennemi du travail, du travail dont vous avez le premier constaté la valeur scientifique et la fondamentalité en économie.

« Par quel affreux despotisme, s’écrie l’anonyme qui prêche beaucoup plus qu’il ne raisonne, briserez-vous l’instrument du travail entre les mains du fort?… Pouvez-vous empêcher l’industriel laborieux et intelligent de se délasser de sa tâche matérielle dans l’étude des sciences et des arts ? Or, ce second travail sera-t-il ou non productif? et comment empêcher qu’il ne le soit dans une société libre et intelligente?… Donc il deviendra une nouvelle source de richesses et de jouissances inconnues au faible. Que signifie dès lors l’égalité des salaires? Elle n’est pas, ou bien elle est la plus horrible et la plus insupportable des tyrannies: Summum jus, summa injuria, »

Pour trouver des objections, l’anonyme brouille et confond ce que nous avons pris soin de démêler tout à l’heure. Que cherche-t-on en Économie Politique? remarquez ce nom! les lois de la production sociale et de l’échange. De cette seule définition, comme d’un axiome mathématique, découlent ces conséquences merveilleuses qui sont autant de transformations l’une de l’autre:

1° Que le travail individuel, arbitraire, non demandé, n’a de valeur que pour l’individu, mais point pour l’associé; conséquemment qu’il ne peut entrer en ligne de compte dans l’estimation du salaire, ou, ce qui revient au même, du travail acheté par la société;

2° Que par le principe de la division du travail chaque Iravailteur devenant fonctionnaire d’une même société, et son produit devant être proportionnel aux besoins de cette société, il s’ensuit que pour tous la garantie est la même, les appointements les mêmes, les devoirs et les obligations les mêmes;

3° Que si, sa tâche sociale achevée et son devoir de fonctionnaire rempli, le travailleur se livre à un exercice libre quelconque, le produit privé qui en résulte ne peut déterminer une augmentation dans le salaire de cet individu, pas plus qu’aujourd’hui le magistrat qui s’occupe de peinture n’obtient de l’État une augmentation d’appointements;

4° Que ce produit privé, enfin, n’entraînant pour personne ni augmentation, ni diminution de salaire, ne peut pas devenir une cause d’inégalité sociale, parce que, pour effectuer ce produit, l’associé a dû faire une consommation de temps et de fournitures, et que, sous ce rapport, il s’est retranché quelque chose, soit dans ses plaisirs, soit dans sa dépense; parce qu’ensuite il ne peut échanger, même privativement, son produit que contre un équivalent, ce qui ne modifie en rien la position respective des contractants; parce qu’enfin, à l’aide de produits ou d’économies individuels, il est impossible, je veux dire il doit être défendu dans la société d’accaparer les instruments du travail.

Distinguez donc entre le travail social et le travail privé, entre les choses de consommation journalière et les instruments de production, entre l’échange des premières et l’inaliénabilité des seconds.

Mais l’anonyme, qui a la prétention d’avoir compris quelque chose au phalanstère, trouve ces distinctions trop subtiles et les qualifie d’entortillages. C’est surtout en faveur du talent qu’il essaye de réhabiliter la valeur d’opinion, l’absurdité de l’offre et de la demande, l’immoralité du monopole.

6. — Proof of equality of conditions by Adam Smith’s formula.

To sum up: The first cause of the inequality in conditions, resulting from the uncertainty of values, is canceled by the fortaula of Adam Smith: Each product is worth what it cost in time and expense.

Against this general and truly organic formula, it is objected: 1st, that utility resulting from the properties of matter as much and more than from the very fact of labor, the latter cannot be taken as a comparative measure of values; 2nd, that supply and demand constantly varying according to fashion, whim, opinion, and other accidents of social life, value is essentially variable.

To which one responds, on the one hand, that political economy being concerned only with value in exchange, and not at all with value in kind, to which all men have an equal right, the question remains as posed by Adam Smith; on the other, that the variations in values currently coming from the lack of organization, and not at all from the intrinsic fact of the exchange, it is necessary to deal with the formula of organization, but no longer with the formula of distribution.

These conclusions, which are so clear, are not fortunate enough to please the anonym, who goes so far as to discover that by this means the rights of labor and talent would be compromised. Immortal Smith! You would never have suspected that, having eliminated as elements of value monopoly, opinion, fashion and all the disastrous results of our antisocial civilization, you would be accused of being the enemy of labor, of the labor whose scientific value and fundamentality in economics you first saw.

“By what dreadful despotism,” exclaims the anonym who preaches much more than he reasons, “will you break the instrument of labor in the hands of the strong?… Can you prevent the industrious and intelligent industrialist from relaxing from his material task in the study of the sciences and the arts? Now, will this second work be productive or not? And how are you to prevent it from being so in a free and intelligent society?… So it will become a new source of wealth and enjoyment unknown to the weak. So what does equality of wages mean? It is not, or else it is the most horrible and the most insupportable of tyrannies: Summum jus, summa injuria.”

In order to find objections, the anonym scrambles and confuses what we have taken care to disentangle just now. What do we look for in Political Economy? Notice that name! The laws of social production and exchange. From this single definition, as from a mathematical axiom, flow these marvelous consequences, which are so many transformations of each other:

1. That individual, arbitrary, unrequested labor has value only for the individual, but not for the partner; consequently that it cannot be taken into account in the estimation of wages, or, what comes to the same thing, of labor purchased by society;

2. That by the principle of the division of labor, each worker becoming a functionary of the same society, and his product having to be proportional to the needs of this society, it follows that for all the guarantee is the same, the salary the same, the duties and obligations the same;

3. That if, his social task completed and his duty as a civil servant fulfilled, the worker engages in any free exercise whatsoever, the private product that results from it cannot determine an increase in the salary of this individual, any more than today today the magistrate who deals with painting obtains an increase in salary from the State;

4. That this private product, finally, entailing neither an increase nor a reduction in salary for anyone, cannot become a cause of social inequality, because, in order to produce this product, the associate had to consume time and supplies, and that, in this respect, he has withdrawn something, either in his pleasures, or in his expense; because then he can only exchange, even privately, his product for an equivalent, which in no way modifies the respective position of the contracting parties; because finally, with the aid of individual products or economies, it is impossible, I mean it must be forbidden in society, to monopolize the instruments of labor.

Distinguish then between social labor and private labor, between the things of daily consumption and the instruments of production, between the exchange of the former and the inalienability of the latter.

But the anonym, who claims to have understood something about the phalanstery, finds these distinctions too subtle and qualifies them as entanglements. It is above all in favor of talent that he tries to rehabilitate the value of opinion, the absurdity of supply and demand, and the immorality of monopoly.

7. — Du rôle que remplit le Talent dans la production.

Il n’est pas rare de rencontrer des communistes ou égalitaires fanatiques, sans la moindre intelligence de leur propre cause, qui des mots sacramentels de communauté et à’égalité concluent rapidement, les uns à la communauté des tables, des dortoirs, des ateliers, des enfants et des femmes, les autres à l’abaissement progressif de la civilisation. Ces malheureux ont été nourris dans une telle admiration de ce qu’ils nomment entre eux les sommités sociales, que, leur religion éteinte, et désespérant de parvenir eux-mêmes à ces sommités, ils n’imaginent rien de mieux que de soumettre tout le monde à ce qu’ils prennent pour un niveau, et qui est tout bonnement une guillotine.

Ainsi l’anonyme, à l’aide des noms magiques de travail et de talent, brouillant tout, confondant tout, de peur sans doute de s’entortiller, ne comprenant ni le talent, ni la société, ni l’économie, séduit par une véritable illusion logique, conclut de son côté, et par la même méthode, à l’inégalité absolue et universelle des appointements, des honneurs, des bénéfices, ce qui veut dire à l’annulation complète de toute classification, à une mêlée générale. Malheureusement, le rapport d’une intelligence supérieure à une inférieure n’étant pas donné, il en résulte, au lieu d’une dégradation continue des capacités, comme chez les égalitaires dont nous venons de parler, une confusion inextricable de prétentions et d’orgueils.

Il faut voir comment Adam Smith, ce philosophe si profond et encore trop peu compris, a fait entrer dans l’économie le talent en ligne de compte, et comment il a découvert que les prétendues inégalités naturelles étaient, non la cause, mais le prétexte des inégalités sociales.

Reprenons nos définitions et nos formules.

L’économie politique est la science de la production et de la consommation sociales.

Le principe de toute production dans la société, c’est le travail; le travail a pour première loi ou condition de succès, la division.

La valeur est la somme du temps et des dépenses que chaque produit coûte.

Parmi les dépenses ou frais de production figurent: la durée du travail, son intensité, la consommation qu’il entraîne, les frais d’éducation du travailleur, et enfin I’habileté qu’il déploie; c’est le talent.

Ainsi Adam Smith n’a pas, comme Fourier et Saint-Simon, rangé la capacité, l’habileté, le talent, dans une catégorie parallèle au travail; il n’en a pas fait un principe particulier de production, car ce principe est un, et c’est le travail; il a rangé le talent dans les frais de production, parmi les éléments constitutifs de la valeur.

Il suit de là que tout talent fortement prononcé donnant lieu à une division dans le travail, en un mot à une fonction, ce talent tombe sous la loi d’égalité dans les échanges, formulée par Adam Smith; en d’autres termes, qu’une couturière étant fonctionnaire au même titre qu’une danseuse, leurs appointements doivent être égaux.

L’inégalité naturelle detalent devenant donc, en certains cas, fonction, se neutralise par la spécialisation du travail; la même inégalité se neutralise encore, quant à la quantité du produit, par les conditions mêmes de la fonction. Cela veut dire que toute fonction sociale, dans une bonne organisation, devant être légère, facile, et même attrayante, selon Fourier, chaque travailleur en est capable; et sous ce rapport les capacités sont égales.

Reste cette inégalité naturelle qui se manifeste dans la qualité du produit, inégalité qui se réduit déjà presque à rien, d’après tout ce que nous venons de dire. Ici notre fouriériste triomphe et s’exclame: « Quoi! nulle différence entre un tableau du Titien et une enseigne de cabaret; la statue du Gla diateurvaut toutjuste autant qu’une charretée de moellons,etc.»

Je me rappelle avoir lu chez vous quelque part, monsieur le rédacteur, en réponse à des criailleries civilisées: Palabres, palabres, et toujours palabres! Je renvoie l’anonyme à cet endroit de votre Destinée sociale.

Mais admirez comment une vérité profonde, saisie par un génie tel que celui de Smith, se développe par la contradiction et brille toujours d’un plus vif éclat. Adam Smith a’a dit nulle part, et ceci se rapporte spécialement à la dernière tirade de l’anonyme, que le travail s’évaluait par les dimensions de la matière; il a démontré seulement par A plus B que tout produit (matériel ou intellectuel) vaut ce qu’il coûte de frais et de temps. Ce n’est donc pas à une charretée de moellons, comme le fait l’anonyme, qu’il faut comparer la statue du Gladiateur, mais à la quantité de moellons que peut fournir le carrier pendant toute la durée des études du statuaire, et moyennant les frais que la profession de ce dernier suppose, ce qui, comme vous voyez, commence à différer un peu, et rétablit déjà l’équilibre. L’anonyme, on le voit bien, n’a jamais été teneur de livres (1).

Mais, dira-t-on, il y a de bons et de méchants artistes, qui pourtant dépensent dans l’exercice de leur art autant de temps et d’argent les uns que les autres… Allons plus loin, je veux renforcer moi-même l’argument. Les hommes qui travaillent aux carrières sont fort grossiers pour la plupart; les charretiers sont aussi peu philosophes que leurs chevaux; les chiffonniers sont la boue de la civilisation: je conviens de tout cela. Mais tout à l’heure, en examinant la loi d’échange formulée par Adam Smith, et les objections auxquelles elle avait donné lieu, n’avons-nous pas vu que les variations des valeurs venant actuellement du défaut d’organisation, et nullement du fait intrinsèque de l’échange, il y avait lieu à s’occuper de la formule d’organisation, et non plus delà formule de répartition? Eh bien! monsieur, la grossièreté des goujats, la brutalité des charretiers, la crasse des chiffonniers, de même que la médiocrité de certains artistes, viennent aussi du défaut d’organisation; ce sont des maladies propriétaires, de même que l’incertitude des vocations individuelles et la classification irrégulière des fonctions; il y a donc encore ici lieu, non pas à réformer la loi de Smith, mais à procéder à l’éducation du peuple et à l’organisation des travailleurs.

Oui, l’inégalité existe encore dans les capacités, comme elle existe dans les fortunes; mais ce sont là des perturbations accidentelles de l’économie sociale, ce ne sont pas des lois de la nature.

Et de même que le nivellement des conditions s’opère par l’amélioration progressive du sort des travailleurs, et par une sorte d’exhaussement de la fortune publique: dé même audessous de ce nivellement il s’en manifeste un autre, le nivellement ou si vous aimez mieux l’équilibre des intelligences, amené par l’instruction incessante des masses et par l’accumulation de la science générale. Fourier s’est donc trompé lorsque, confondant d’ailleurs inégalité avec différence, il a pris l’inégalité contingente des capacités pour une loi psychologique, de même que Say s’était trompé en prenant la propriété pour la forme immuable de la civilisation.

Mais ce n’est pas ici le lieu d’approfondir cette thèse aussi neuve que consolante; il me faudrait pour cela plus de matériaux et d’espace que je n’en puis mettre eu œuvre; et je me réserve d’y donner ailleurs tous les développements nécessaire.

Un mot encore, et j’ai fini. J’ai dit dans mon premier mémoire que l’inégalité des capacités était la condition Sine Qua Non de l’égalité des fortunes. Cela peut paraître contradictoire avec ce que j’annonce aujourd’hui touchant l’égalité même des capacités. Mais tout cela s’accorde merveilleusement, dès qu’on y regarde de près: sous le régime de propriété, les rapports d’homme à homme étant des rapports de supérieur à inférieur et non de spécialité à spécialité, il devait arriver que les rapports d’intelligence à intelligence seraient aussi dans le sens du plus au moins, et non dans le sens du genre à l’espèce, de même que les fonctions seraient hiérarchisées et non pas coordonnées. Je n’ai jamais soutenu l’inégalité naturelle des capacités; j’ai même fait à cet égard mes réserves: mais, transportant par hypothèse les intelligences de mon temps dans une société égalitairc, je devais dire et j’ai dit qu’à défaut de spécialité dans les capacités, leur inégalité serait la condition sine quâ non de l’égalité des fortunes.

Note:

(1) Voici ce qui est censé avoir lieu entre le travailleur et la société dont il fait partie.

Le travailleur a un compte ouvert par crédit et débit. Au crédit figurent les journées, vacations, fournitures, produits, en un mot toutes les dépenses faites au compte de la société; au débit paraissent les appointements, gages, remboursements, avances, frais d’éducation et d’apprentissage, absences volontaires, etc.: les deux colonnes devant se balancer toujours l’une l’autre, comme cela se fait partout aujourd’hui sans exception.

(Si le travailleur tombe malade ou s’estropie, si un canton soufTre de l’inondation ou de la grêle, la société communale ou provinciale en passe écriture par profits et pertes; le sinistre est réparti sur toutes les têtes; c’est la solidarité universelle.)

En deux mots, la première colonne représente ce que produit le travailleur; la seconde, ce qu’il reçoit.

Il suit de là que pour que le prodoit exigible soit proportionnel au salaire, ou le salaire en raison du produit, il faut une estimation, au moins approximative, des valeurs consommées, et du temps moyen employé par l’agent. Toute la philosophie sociale est dans la statistique et la tenue des livres.

Or, il y a deux sortes de gens qui ne veulent pas que la société intervienne dans leurs comptes: ce sont, d’une part, les détenteurs de matières premières et instruments de travail, autrement dits propriétaires; de l’autre, les poursuivants de talent et de génie, appelés, on ne sait trop pourquoi, artistes. Les premiers, pour enfler leur crédit, surfont sans cesse le prix de leurs fournitures, et quand nous voulons nous plaindre, ils crient à l’expropriation; les seconds repoussent toute idée de salaire, et quand on leur demande comment ils entendent évaluer leurs services, ils crient au mercantilisme. Est-il clair que ces messieurs ne revendiquent pas leur bien, mais le notre?

7. — Of the role played by Talent in production.

It is not rare to meet communists or fanatical egalitarians, without the slightest understanding of their own cause, who quickly conclude from the sacramental words of community and equality, some for the community of tables, dormitories, workshops, children and women, the others for the progressive debasement of civilization. These unfortunates have been nurtured in such admiration of what they call among themselves the social luminaries, that, their religion extinct, and despairing of reaching these summits themselves, they imagine nothing better than to subject the whole world to what they take for a level, and which is quite simply a guillotine.

Thus the anonym, with the help of the magic names of labor and talent, blurring everything, confusing everything, no doubt for fear of becoming entangled, understanding neither talent, nor society, nor the economy, seduced by a true logical illusion, concludes on its side, and by the same method, with the absolute and universal inequality of salaries, honors, benefits, which means with the complete cancellation of any classification, with a general melee. Unfortunately, the ratio of a superior intelligence to an inferior one not being given, the result is, instead of a continuous degradation of capacities, as with the egalitarians of whom we have just spoken, an inextricable confusion of pretensions and prides.

We have to see how Adam Smith, this philosopher so deep and still too little understood, brought talent into the economy, and how he discovered that the so-called natural inequalities were not the cause, but the pretext of social inequalities.

Let’s go back to our definitions and our formulas.

Political economy is the science of social production and consumption.

The principle of all production in society is labor; labor has for its first law or condition of success, division.

Value is the sum of time and expense that each product costs.

Among the expenses or costs of production figure: the duration of labor, its intensity, the consumption that it entails, the cost of education of the worker and finally the skill that he displays; this is talent.

Thus Adam Smith did not, like Fourier and Saint-Simon, rank capacity, skill, talent, in a category parallel to labor; he did not make it a particular principle of production, because this principle is one, and it is labor; he ranked talent among the costs of production, among the constituent elements of value.

It follows from this that any strongly pronounced talent giving rise to a division in work, in a word to a function, this talent falls under the law of equality in exchanges, formulated by Adam Smith; in other words, that a seamstress being a functionary in the same way as a dancer, their salaries must be equal.

The natural inequality of talent thus becoming, in certain cases, a function, it is neutralized by the specialization of labor; the same inequality is further neutralized, as to the quantity of the product, by the very conditions of the function. This means that any social function, in a good organization, having to be light, easy, and even attractive, according to Fourier, every worker is capable of it; and in this respect the capacities are equal.

There remains this natural inequality that manifests itself in the quality of the product, an inequality that is already reduced to almost nothing, according to all that we have just said. Here our Fourierist triumphs and exclaims: “What! No difference between a painting by Titian and a cabaret sign; the Gladiator statue is worth just as much as a cartload of rubble, etc.”

I remember having read in your work somewhere, sir, in response to civilized squawking: Chatter, chatter, endless chatter! I refer the anonym to this part of your Destinée sociale.

But admire how a profound truth, grasped by a genius like that of Smith, develops through contradiction and shines ever brighter. Adam Smith has said nowhere, and this refers especially to the last tirade of the anonym, that labor was assessed by the dimensions of the material; he has only demonstrated by A plus B that any product (material or intellectual) is worth what it costs in time and expense. It is therefore not to a cartload of rubble, as the anonymous person does, that the statue of the Gladiator should be compared, but to the quantity of rubble that the quarryman can provide throughout the duration of the statuary studies, and at the expense that the profession of the latter requires, which, as you see, begins to differ a little, and already restores the balance. The anonym, as we can clearly see, has never been a bookkeeper. [1]

But, it will be said, there are good and bad artists, who nevertheless spend in the exercise of their art as much time and money as each other… Let’s go further, I want to strengthen the argument myself. The men who work in the quarries are very coarse for the most part; carters are as little philosophers as their horses; ragpickers are the muck of civilization: I agree with all that. But just now, in examining the law of exchange formulated by Adam Smith, and the objections to which it gave rise, have we not seen that, the variations in values actually coming from the lack of organization, and in no way from the intrinsic fact of exchange, there is reason to concern ourselves with the formula of organization and no longer with the formula of distribution? Well, sir! The rudeness of the cads, the brutality of the carters, the filth of the ragpickers, as well as the mediocrity of certain artists, also come from the lack of organization; they are proprietary diseases, like the uncertainty of individual vocations and the irregular classification of functions; there is therefore still room here, not for reforming Smith’s law, but for proceeding to the education of the people and the organization of the workers.

Yes, inequality still exists in capacities, as it exists in fortunes; but these are accidental disturbances of the social economy, they are not laws of nature.

And just as the leveling of conditions takes place through the progressive improvement of the lot of the workers, and through a kind of raising of the public fortune: even below this leveling there is manifested another, the leveling or if you prefer the balancing of intelligences, brought about by the incessant instruction of the masses and by the accumulation of general science. Fourier was therefore mistaken when, confusing inequality with difference, he took the contingent inequality of capacities for a psychological law, just as Say was mistaken in taking property for the immutable form of civilization.

But this is not the place to go into this thesis, which is as new as it is consoling; for that I would need more materials and space than I have to work with; and I reserve the right to give all the necessary developments elsewhere.

One word more, and I’m done. I said in my first memoir that the inequality of capacities was the condition sine qua non of the equality of fortunes. This may seem contradictory with what I am announcing today concerning the very equality of capacities. But all of this agrees marvelously, as soon as one looks at it closely: under the system of property, the relations of man to man being relations of superior to inferior and not of specialty to specialty, it had to happen that the relations from intelligence to intelligence would also be in the sense of more to less, and not in the sense of genus to species, just as the functions would be hierarchized and not coordinated. I have never supported the natural inequality of capacities; I even made my reservations in this respect: but, transporting by hypothesis the intelligences of my time into an egalitarian society, I had to say and I said that in the absence of specialty in the capacities, their inequality would be the condition sine qua non of the equality of fortunes.

Note:

[1] This is what is supposed to take place between the worker and the society of which he is a part.

The worker has an account opened by credit and debit. In the credit appear the workdays, shifts, supplies, products, in a word all the expenses made on the account of society; in the debit appear salaries, wages, reimbursements, advances, education and apprenticeship costs, voluntary absences, etc.: the two columns always having to balance each other, as is done everywhere today without exception.

(If the worker falls ill or becomes crippled, if a canton suffers from flooding or hail, the communal or provincial company writes it off by profits and losses; the loss is shared among all heads; this is universal solidarity.)

In short, the first column represents what the worker produces; the second, what he receives.

It follows from this that in order that the product due for payment be proportional to the wage, or the wage in proportion to the product, there must be an estimate, at least approximate, of the values consumed and of the average time employed by the agent. All social philosophy is in statistics and bookkeeping.

However, there are two kinds of people who do not want society to intervene in their accounts: they are, on the one hand, the holders of raw materials and instruments of work, otherwise known as proprietors; on the other, the pursuers of talent and genius, called, we don’t quite know why, artists. The first, to swell their credit, constantly overcharge the price of their supplies, and when we want to complain, they cry out for expropriation; the latter reject any idea of salary, and when they are asked how they intend to evaluate their services, they cry mercantilism. Is it clear that these gentlemen do not claim their goods, but ours?

8. — Applications sociales et économiques de la formule 
d’Adam Smith.

Dans mes premières Recherches sur la propriété, j’ai donné une démonstration de l’égalité d’après les principes de la liberté et du droit; on a vu dans le précédent paragraphe comment, de théorème en théorème, Adam Smith, économiste, est arrivé au même résultat. C’est ainsi que dans l’Intelligence éternelle toutes les sciences sont sœurs, et qu’en partant des principes les plus divers la raison s’élève à une compréhension de plus en plus vaste de la même vérité.

Mais, chose plus admirable mille fois! la Société, c’est-àdire l’Esprit collectif, spontané, inconscient, étranger à la réflexion et à la philosophie, obéit encore dans sa marche certaine à ces mêmes lois que l’œil du savant avec tant de peine découvre. Les plus hardis sophistes eux-mêmes ne sauraient leur échapper.

D’où vient cette uniformité constante et dans le taux légal de l’intérêt, et dans l’élévation des rentes, et dans la fixation des appointements ou gages, et dans l’estimation du travail et des marchandises? Le porteur d’eau vend son eau dix centimes, et ce prix est le même pour chacun de ses confrères: l’imprimeur a tant du mille, le maçon tant par mètre carré de maçonnerie, l’expéditionnaire tant par mois, le soldat, le juge, le prêtre, tant selon le grade ou la dignité. L’usage, c’està-dire l’instinct pratique, fixe la valeur de chaque chose une fois, et cette valeur devient aussitôt générale et irrévocable. Allez au fond, et, à votre grande surprise, vous découvrirez que les éléments constitutifs de cette valeur sont précisément les mêmes que ceux analysés par Adam Smith, le temps et les frais de production. Les causes d’erreur, c’est-à-dire, dans l’espèce, les causes d’inégalité, viennent toutes et sans exception du monopole, de la fraude, de l’accaparement, de la partialité des répartiteurs, des vices de l’organisation, de l’absence de données nécessaires à une évaluation précise. Aussi, contre quoi réclame aujourd’hui la raison’publique, si ce n’est contre le scandale des gros traitements et des cumuls, contre l’infamie des dons secrets et des sinécures, contre l’oppression du capitaliste et du propriétaire, contre l’abandon et l’exploitation du travailleur? Vous verrez que cette raison inquiète ne sera satisfaite qu’après avoir courbé toutes les têtes sous son inexorable niveau.

« Le propriétaire, dit Adam Smith, demande une part dans chaque produit que peut faire croître ou recueillir l’ouvrier: la rente est la première déduction que souffre le produit du travail appliqué à la terre. » Et, ajoute l’implacable Say: « On ne saurait disconvenir que le propriétaire n’ajoute personnellement rien à l’utilité produite par le travailleur. »

Voilà, monsieur le rédacteur, les deux vérités qui sont entrées bien avant dans la conscience du peuple, depuis surtout qu’elles ont été résumées avec plus d’énergie dans cette vive formule: La propriété, c’est le vol. Cette proposition, monsieur le rédacteur, fera le tour du monde, et causera plus d’émoi que la cocarde de Lafayette.

Dominés malgré eux par le principe que le travailleur doit jouir intégralement de la valeur de son produit, les hommes de l’école de Fourier déclarent que les conditions doivent être non pas égales, mais équivalentes. Or, qu’est-ce que l’équivalence en économie politique? — Trois jours de travail d’un maçon valent un hectolitre de blé, et trois jours de travail d’un artiste valent un hectolitre de blé; ou bien: Celui qui consomme trois francs au restaurant est comme celui qui consomme trois francs au spectacle; il y a place pour tous les goûts et pour tous les talents: — l’équivalence, c’est l’égalité.

Après les fouriéristes, écoutons les professeurs dynastiques: Le but auquel s’avancent les sociétés modernes, selon M. Michel Chevalier, est une égalité proportionnelle. Or qu’est-ce que l’égalité proportionnelle en économie politique? L’artisan, le savant, l’artiste, devant échanger leurs produits, mais employant des temps différents et ne consommant pas les mêmes choses, il doit y avoir proportion dans leur dépense et par conséquent dans leur salaire: — la proportionnalité, c’est encore l’égalité.

Après ces autorités imposantes, qu’il me soit permis de me citer moi-même: j’ai voulu prouver la vérité mathématique de la loi d’Adam Smith à la façon des géomètres, en réduisant la proposition contraire à l’absurde.

« Pour que le producteur vive, il faut que son salaire puisse racheter son produit…

« Or un entrepreneur achète pour 100,000 fr. de matières premières; il paye pour 50,000 fr. de salaires et de maind’œuvre, et puis il veut tirer 200,000 fr. du produit: c’est-àdire qu’il veut bénéficier et sur la matière et sur les ouvriers. Mais si le fournisseur de matières premières et les travailleurs ne peuvent, avec leurs salaires réunis, racheter ce qu’ils ont produit pour l’entrepreneur, comment peuvent-ils vivre?…

« Si l’ouvrier reçoit pour son travail une moyenne de 3 fr. par jour, pour que le bourgeois qui l’occupe gagne, en sus de ses propres appointements, quelque chose, il faut qu’en revendant sous forme de marchandise la journée de son ouvrier, il en tire plus de 3 fr. L’ouvrier ne peut donc pas racheter son produit…

« En France, 20 millions de travailleurs, répandus dans toutes les branches de la science, de l’art et de l’industrie, produisent toutes les choses utiles à la vie de l’homme: la somme de leurs journées égale, par hypothèse, 20 milliards; mais, à cause du droit de propriété et de la multitude des aubaines, primes, dîmes, intérêts, pots-de-vin, profits, fermages, loyers, rentes, bénéfices de toute espèce et de toute couleur, les produits sont estimés par les propriétaires et patrons 25 milliards: qu’est-ce que cela veut dire? que les travailleurs, qui sont obligés de racheter ces mêmes produits pour vivre, doivent payer 6 ce qu’ils ont produit pour 4, ou jeûner de deux jours l’un…

« Les fouriéristes s’annoncent, d’une part, comme les conservateurs de la propriété; de l’autre, ils veulent que l’ouvrier parvienne à la jouissance intégrale de son propre produit. N’est-ce pas comme s’ils disaient à cet ouvrier: Travaille, tu auras 3 fr. par jour, tu vivras avec 55 sous, tu donneras le reste au propriétaire, et tu aurais consommé 3 fr.? »

On peut lire, dans mon premier mémoire, quatre-vingts pages de démonstrations de cette force, dont jamais défenseur de la propriété n’a parlé ni ne parlera: l’échantillon que je viens d’en donner suffira, j’espère, pour faire honte à l’anonyme.

Que parlez-vous maintenant de tatent et de génie? Ce prélèvement, réclamé avec de si ridicules instances par vos soidisant capacités, est une rapine exercée sur le produit du travailleur, que sous prétexte d’infériorité fonctionnelle vous retenez en servitude. Développez ces intelligences, façonnez ces organes, émancipez ces âmes, et bientôt, mortels dessechés d’égoïsme, nous verrons à quoi se réduit votre prétendue supériorité.

Talent et génie! mots sublimes, dont la société aime à récompenser, comme des sentinelles avancées sur sa route, les plus précoces de ses enfants; mais mots funestes, qui ont produit plus d’esclaves que le nom de la liberté n’a fait de citoyens. Talent et génie! à ces noms magiques, comme à une invocation de la Divinité, le troupeau des humains se prosterne; la volonté expire dans les consciences subjuguées; l’esprit s’arrête, enchaîné par la fascination de la peur. Mon génie étonné tremble devant le sien, disait Néron parlant d’Agrippine; et l’histoire dépose que le plus cruel des Césars ne fut d’abord qu’un enfant pusillanime. N’en doutons pas: tous ces vils courtisans d’une grandeur usurpée, tous ces penseurs sans énergie, ces écrivains sans caractère, ces imitateurs serviles, sont des enfants de la peur. « Nous naissons tous originaux, » s’écrie le poète indompté des Nuits; « comment se fait-il que nous mourions presque tous copies? » C’est que l’apparition d’un esprit nous ôte le sens et le courage. C’est la peur qui rend certaines époques stériles comme certains États tributaires; c’est la peur des siècles antiques qui amène l’ère des décadences; et quand les tyrans veulent asservir les nations, ils leur font peur de la vertu, ils leurs crient qu’il n’est plus temps, qu’elles ont dégénéré de leurs pères. Voilà pourquoi les sociétés ont eu jusqu’à présent des périodes de sommeil et des temps de renaissance, pourquoi toute manifestation de l’esprit, ainsi que de la liberté, a commencé par la révolte. L’homme, anéanti d’abord devant ces idoles que son imagination lui fait si terribles, insensiblement reprend courage; avec le temps et l’habitude sa peur et son respect diminuent; fatigué d’obéissance, tout à coup il se lève, et longtemps avant sa raison, son cœur a proclamé l’égalité.

Laissez donc, laissez croître ces jeunes intelligences qu’effrayent vos démonstrations de génie, et cessez de mendier pour le talent une indigne gabelle, lorsque tant d’âmes sont privées de la spirituelle nourriture. Qui n’a pu concourir n’a point mérité de blâme, et nul n’a droit d’appeler lâche celui que la servitude a mutilé. Ah! déliez cette main que la misère tient engourdie, donnez l’essor à cette pensée captive, placez cet homme dans les conditions où l’a voulu la nature, et attaquez-le dans sa force et dans sa jeunesse; puis, s’il rougit devant ses pairs, si l’aspect de son semblable l’humilie, s’il s’épouvante de la plus noble tâche, frappez: ce n’est pas un citoyen, c’est un esclave.

8. — Social and economic applications the formula of Adam Smith.

In my first Researches on Property, I gave a demonstration of equality according to the principles of liberty and right; we saw in the previous paragraph how, from theorem to theorem, Adam Smith, an economist, arrived at the same result. It is thus that in the eternal Intelligence all the sciences are sisters, and that, starting from the most diverse principles, reason rises to a vaster and vaster comprehension of the same truth.

But, here is something a thousand times more admirable! Society, that is to say the collective spontaneous, unconscious Mind, foreign to reflection and philosophy, still obeys in its certain progress those same laws that the eye of the scientist discovers with so much difficulty. Even the boldest sophists cannot escape them.

Whence comes this constant uniformity in the legal rate of interest, in the elevation of rents,  in the fixing of salaries or wages, and in the valuation of labor and merchandise? The water carrier sells his water for ten centimes, and this price is the same for each of his colleagues: the printer has so much per thousand, the mason so much per square meter of masonry, the dispatcher so much per month, the soldier, the judge, the priest, so much according to rank or dignity. Usage, that is to say practical instinct, fixes the value of each thing once, and this value immediately becomes general and irrevocable. Get to the bottom of things and, to your surprise, you will discover that the constituent elements of this value are precisely the same as those analyzed by Adam Smith: time and costs of production. The causes of error, in this case, the causes of inequality, all and without exception, come from monopoly, fraud, hoarding, the partiality of distributors, organizational defects, the absence of data necessary for a accurate assessment. Also, against what does public reason cry out today, if not against the scandal of high salaries and accumulations, against the infamy of secret gifts and sinecures, against the oppression of the capitalist and the proprietor, against abandonment and exploitation of the worker? You will see that this restless reason will only be satisfied after you have bent all heads beneath its inexorable level.

The proprietor,” says Adam Smith, “demands a share of every product that the laborer can grow or collect: the rent is the first deduction suffered by the product of labor applied to the land.” And, adds the implacable Say: “We could not dispute that the proprietor personally adds nothing to the utility produced by the laborer.

Here, sir, are the two truths that have entered the consciousness of the people long before, especially since they have been summed up with more energy in this lively formula: Property is theft. This proposal, sir, will go around the world, and will cause more excitement than Lafayette’s cockade.

Dominated in spite of themselves by the principle that the worker must fully enjoy the value of his product, the men of the school of Fourier declare that the conditions must be not equal, but equivalent. Now, what is equivalence in political economy? — Three days of a mason’s work are worth a hectolitre of wheat, and three days of an artist’s work are worth a hectolitre of wheat; or else: The one who consumes three francs in a restaurant is like the one who consumes three francs at the show; there is room for all tastes and all talents: — equivalence is equality.

After the Fourierists, let us listen to the dynastic professors: The goal towards which modern societies are advancing, according to M. Michel Chevalier, is proportional equality. Now what is proportional equality in political economy? The artisan, the scientist, the artist, having to exchange their products, but employing different times and not consuming the same things, there must be proportion in their expenditure and consequently in their wages: — proportionality is still equality.

After these imposing authorities, allow me to quote myself: I wanted to prove the mathematical truth of Adam Smith’s law in the manner of the geometers, by reducing the contrary proposition to absurdity.

For the producer to live, his wages must be able to redeem his product

“Now an entrepreneur buys for 100,000 francs some raw materials; he pays for 50,000 francs of wages and labor, and then he wants to draw 200,000 francs from the product: that is to say that he wants to profit both on the material and on the workers. But if the supplier of raw materials and the workers cannot, with their combined wages, buy back what they have produced for the entrepreneur, how can they live?…

“If the workman receives for his work an average of 3 francs per day, so that the bourgeois who occupies it earns something in addition to his own salary, it is necessary that by reselling in the form of merchandise the workday of his worker, he draws more than 3 francs. The worker cannot therefore redeem his product…

“In France, 20 million workers, spread over all branches of science, art and industry, produce all the things useful to the life of man: the sum of their days equals, by hypothesis, 20 billion; but, because of the right of property and the multitude of aubaines, premiums, tithes, interest, bribes, profits, farm-rents, house-rents, rents, benefits of all kinds and of all colors, the products are assessed by the owners and bosses at 25 billion. What does that mean? That the workers, who are obliged to buy back these same products in order to live, must pay 6 fpr what they have produced for 4, or fast every other day…

“The Fourierists announce themselves, on the one hand, as the conservators of property; on the other, they want the worker to achieve full enjoyment of his own product. Isn’t it as if they were saying to this workman: Work, you will have 3 fr. per day, you will live on 55 sous, you will give the rest to the owner, and you would have consumed 3 fr.?”

You can read, in my first memoir, eighty pages of demonstrations of this force, of which no defender of property has spoken nor will speak: the sample which I have just given will suffice, I hope, to shame the anonym.

What are you saying now about talent and genius? This levy, demanded with such ridiculous insistence by your so-called capacities, is a rapine exercised on the product of the laborer, who you retain in servitude, under the pretext of functional inferiority. Develop these intelligences, fashion these organs, emancipate these souls and soon, mortals desiccated by selfishness, we will see what your pretended superiority is reduced to.

Talent and genius! sublime words, with which society likes to reward, like sentinels advanced on its road, the most precocious of its children; but fatal words, which have produced more slaves than the name of liberty has made citizens. Talent and genius! At these magical names, as at an invocation of the Divinity, the herd of humans bows down; the will expires in subjugated consciousnesses; the mind stops, chained by the fascination of fear. My astonished genius trembles before hers, said Nero speaking of Agrippina; and history shows that the most cruel of the Caesars was at first only a pusillanimous child. Let there be no doubt: all these vile courtiers of usurped grandeur, all these energyless thinkers, these characterless writers, these servile imitators, are children of fear. “We are all born originals, exclaims the untamed poet of the Night-Thoughts, “how does it come to pass that we almost all die copies?” It is because the appearance of a spirit robs us of our senses and our courage. It is fear that renders certain eras sterile, like certain tributary states; it is the fear of ancient centuries that brings about the era of decadence; and when tyrants want to enslave nations, they make them afraid of virtue, they cry out to them that it is no longer time, that they have degenerated from their fathers. This is why societies have until now had periods of sleep and times of rebirth, why any manifestation of the spirit, as well as of liberty, began with revolt. Man, crushed at first before these idols that his imagination makes so terrible for him, imperceptibly regains courage; with time and practice his fear and his respect diminish; tired of obedience, he suddenly rises and, long before his reason, his heart has proclaimed equality.

Let, then, let grow those young minds frightened by your demonstrations of genius, and stop begging for an unworthy tax for talent, when so many souls are deprived of spiritual nourishment. He who has not been able to compete has not deserved blame, and no one has the right to call he whom servitude has mutilated a coward. Ah! Untie this hand which misery holds numbed, give flight to this captive thought, place this man in the conditions where nature willed him, and attack him in his strength and in his youth; then, if he blushes before his peers, if the appearance of his fellow humiliates him, if he is terrified of the most noble task, strike: he is not a citizen; he is a slave.

9. — Examen de quelques objections.

Un doute m’a tenu de tout temps en peine, non pas à l’égard de Fourier, l’utopiste le, plus franchement convaincu qui fut jamais, mais à l’égard de ses disciples.

Je voudrais savoir si les chefs de l’école phalanstérienne admettent qu’il existe une vérité absolue, et que l’homme en peut connaître quelque chose; ou si, comme ce pape libertin qui se raillait du Christ en empochant l’argent des indulgences, ils ne se moquent point entre eux de tous les systèmes, celui de Fourier y compris; je voudrais, dis-je savoir, si la Phalange n’est point une gageure, M. Considérant un joyeux mystificateur, ses disciples les mieux embéguinés des instruments de contradiction, et le commun de ses adversaires, qui assurément ne s’en doutent pas, de véritables marionnettes.

M. Considérant veut-il se donner la comédie? Il tire un des fils cabalistiques qui de son cabinet aboutissent aux pantins soit de l’Univers, soit du National, soit de la Gazette ou de la Quotidienne; aussitôt le brouhaha commence: ou bien il me dépêche un de ses hommes de contradiction, et me voilà fore de répondre comme un diable à l’exorciste.

Ce que veut M. Considérant, c’est bien moins d’avoir raison que de faire batailler les gens: son bonheur est quand Arlequin et Polichinelle sont aux prises. Vous êtes le plus gai des Français, monsieur le rédacteur, et le plus heureux des mortels.

Tout en riant et s’ébaudissant, M. Considérant sert la vérité et la morale, castigat ridendo mores : soit qu’il poursuive de ses mordants sarcasmes les tartufes politiques, les parleurs de réforme et de religion; soit que par ses audacieux paradoxes il mette à nu l’ignorance et l’inanité présomptueuse de nos plus bruyants faiseurs, dans toutes ses pantagruéliades M. Considérant, fidèle au précepte du poète, sait unir le plaisant au sévère. Omne lulit yuncium qui miscuit utile dulci.

Il m’a semblé, monsieur le rédacteur, que j’étais en ce moment le sujet d’une de vos exhilarantes manipulations; je vais donc m’efforcer de répondre prestement à chacun de vos appels.

1. Vous cherchez d’abord à me mettre en contradiction. J’ai dit que la théorie de Fourier détruisait la propriété, que le surcroît de revenu promis dans ce système au propriétaire était une compensation telle quelle, et non pas une reconnaissance du droit de propriété; et pour le mieux démontrer, j’ai pris un moment le rôle d’avocat de la propriété, et j’ai exposé ses prétentions. C’est ce qu’on appelle en logique argumentum ad hominem. Rien de plus permis assurément que de ruiner le système d’un adversaire en l’attaquant par ses propres principes. Là-dessus, vous me faites dire par l’anonyme;

« C’est au nom des doctrines et des intérêts de la propriété que l’adversaire le plus radical, le plus acharné de la propriété, qui se soit jamais vu, attaque l’association (vous voulez dire le phalanstère, ce qui ne revient pas tout à fait au même); il se fait l’avocat, non-seulement des droits positifs, mais encore des caprices des propriétaires, lui, leur fougueux ennemi, pour accabler un système qui proclame avant tout le respect de la propriété. Je signale aux honnêtes gens tout ce qu’il y a de moral et de logique dans cette manière d’argumenter… »

Comme tout ceci n’est qu’un jeu de votre part, vous me permettrez, monsieur le rédacteur, de déclarer l’observation de l’anonyme parfaitement absurde.

2. J’avais dit aussi qu’une conséquence nécessaire du système de Fourier serait de maintenir les distinctions des riches et des pauvres. « J’établis au contraire, me faites-vous dire superbement par votre anonyme, qu’il n’y aura pas au phalanstère des pauvres et des riches, mais bien des degrés différents de fortune;… de cette manière les riches restent riches, et les pauvres cessent de l’être. » Le tout accompagné d’une longue exposition et d’une magnifique latidation de votre système.

Il y a quinze ans, monsieur le rédacteur, que vos tuyaux sifflent sur le même ton: il serait bon de changer un peu votre gamme. Riche veut dire plus, n’est-il pas vrai? et pauvre signifie moins. Richesse et pauvreté sont deux termes corrélatifs, servant à exprimer un rapport de quantité, mais qui, pris séparément, n’indiquent ni l’un ni l’autre un état absolu. Dire qn’il y aura au phalanstère des degrés différents de fortune, ou en d’autres termes du plus et du moins, c’est avouer qu’il y aura des riches et des pauvres, bien que ces riches et ces pauvres, comparés à ceux de nos jours, puissent être relativement beaucoup plus riches et beaucoup moins pauvres. Mais la question est de savoir si la condition du pauvre vis-à-vis du riche sera plus tolérable au phalanstère qu’elle ne l’est aujourd’hui. Or je dis qu’elle ne le sera pas, tant qu’il y aura du plus et du moins; et vos confrères de ma connaissance l’ont si bien senti qu’ils ont essayé de me tranquilliser sur ce point, en me faisant entendre qu’il y aurait entre le riche et le pauvre équivalence de bien-être et de fortune. Mais alors nous sommes dans l’égalité, puisque l’égalité n’existe elle-même que par l’équivalence.

On est pauvre, vous ne l’ignorez pas, monsieur le rédacteur, non pas tant par la privation de ce qui manque à tout le monde, que par le désir d’un bien connu, apprécié, et que le développement de l’intelligence, l’excitation de la sensibilité, ou toute autre cause, ont rendu nécessaire. Ce désir naît surtout de la comparaison des fortunes: voilà pourquoi le serf féodal, moins pauvre que l’esclave romain ou grec, n’était cependant pas plus heureux; pourquoi le prolétaire français, moins pauvre que le prolétaire romain, n’est pas plus heureux; pourquoi l’ouvrier anglais, qui vit moitié de son salaire et moitié de la taxe, et dont la nourriture est plus confortable sans comparaison que celle du laboureur irlandais qui n’a que ses pommes de terre, n’est pas plus beureux; pourquoi les habitants du Paraguay, moins dénués, mais plus asservis sous les jésuites que sous leurs caciques, se trouvaient moins heureux. D’où viennent toutes ces misères? du plus ou du moins, de la distinction des rangs, de l’inégalité. La société, dans son ensemble, peut gagner en morale; en lumières, même en richesse, mais tant que cette société renferme des moyens et des extrêmes, la distance entre le pauvre et le riche, entre le serf et le baron, reste la même; il n’y a pas de félicité publique.

A l’occasion des pauvres et des riches, l’anonyme, ergoteur de son métier, me fait des tracasseries dont je n’ai garde de rendre son patron responsable, tant elles montrent peu d’habileté et de savoir.

Ainsi, à l’entendre, le travail étant rendu attrayant, il en découle forcément qu’il n’y aura pas d’oisifs au phalanstère. Mon critique oublie donc que celui qui perçoit un revenu quelconque sans main mettre, comme dit le vulgaire, est, relativement à ce revenu, considéré comme oisif.

L’anonyme demande ensuite comment j’ai pu dire qu’il y aurait parmi vous des privilégiés de naissance et de caste, puisqu’au phalanstère tout le monde est fils de ses œuvres. Comment ne voit-il pas que s’il y avait là quelque contradiction, elle tomberait sur Fourier,, puisque, l’intérêt des capitaux étant admis en principe dans la phalange, les phalanstériens se trouvent naturellement divisés en deux catégories, ceux qui outre leurs appointements comme travailleurs perçoivent des rentes, et ceux qui n’ont pas de rentes? Or les rentes, de même que les richesses mobilières, étant, selon Fourier, transmissibles par voie de succession, il s’ensuit qu’un phalanstérien peut naître rentier, c’est-à-dire privilégié.

« Donc, ai-je conclu, il y aura au phalanstère des parias, ayant pour tous droits civils et politiques le droit au travail et le droit à la terre. » En effet, n’étant pas propriétaires d’actions, ils ne pourront avoir droit de suffrage dans l’administration de la fortune publique, ni, par une conséquence nécessaire, dans la distribution des emplois. La direction, comme aujourd’hui, relèvera tout entière d’une classe électorale, dont le bon plaisir pourra quelquefois être directement contraire à celui du peuple. Mais l’anonyme, au lieu de suivre cette chaîne si fortement tissue, demande avec affectation ce que c’est qu’un paria ayant des droits, et surtout le droit au travail.

Je pourrais me contenter de répondre que le droit au travail, séparé de l’égalité dans le salaire, s’appelle exploitation du travailleur par l’oisif; que le paria des Indes, si misérable qu’on le fasse, a au moins le droit de ne pas travailler gratis, ce qui n’a point lieu aujourd’hui pour nos prolétaires, à qui la caste des propriétaires et des capacités enlève annuellement une partie de leur produit, selon Adam Smith. Mais qui ne voit que le nom de paria est pris en cet endroit comme superlatif dé pauvre et d’excommunié, ce qui d’ailleurs est le véritable sens?… J’ai honte, vraiment, d’avoir à réfuter au lieu de raisons des subtilités grammaticales.

3. J’ai dit, à propos de la douane: « On ne supposera pas, avec le bonhomme Fourier, que la propriété littéraire s’exerce à la Chine au profit d’un auteur français, et qu’une ode de Lamartine, vendue aux quatre coins du globe avec privilége, rapporte à son auteur des millions. »

Sur quoi vous me faites observer, monsieur le rédacteur, que ce n’est pas ainsi que le bonhomme a posé la question. Qu’a-t-il donc dit, selon vous? Je cite l’anonyme:

« La récompense d’un chef-d’œuvre ne se renfermera pas dans les limites du phalanstère qui l’aura vu naître; toutes les communes et toutes les provinces s’empresseront de payer leur tribut à l’artiste…; et, s’il s’agit d’une grande découverte, toutes les nations s’empresseront d’acquitter envers l’homme de génie la dette du genre humain. »

Eh! monsieur le rédacteur, c’est cela même que je critique en Fourier comme une extravagante puérilité ou une ineffable bonhomie; et sans doute vous en devinez la raison. Tout travailleur, à quelque catégorie qu’il appartienne, artistique, savante ou industrielle, étant considéré comme fonctionnaire public, ou plus simplement comme associé, son salaire lui est payable au lieu et par le caissier de sa résidence. En effet, de même que chaque travailleur est censé travailler au compte de toute la société dont il fait partie, et même de tout le globe, puisque les diverses sociétés se soutiennent et se supposent; de même la société tout entière, l’humanité même, est censée débitrice envers le travailleur. C’est ce qui constitue la grande loi de puissance collective et de solidarité qui unit toutes les nations et toutes les individualités de la terre: tous tant que nous somnfes, nous travaillons pour autant de maîtres que nous comptons de collaborateurs, nous avons autant de créanciers que d’associés. Mais l’échange du salaire contre le produit, au lieu de se faire directement de tous à chacun, comme Fourier le demande pour les grands poètes et les auteurs de grandes découvertes, s’effectue d’une manière en apparence plus simple, mais en réalité plus compliquée, celle du change et des comptes de retour. Le premier mode est celui des conquérants et des pirates, grands leveurs de contributions, et ne peut plus servir aujourd’hui que comme un moyen de démonstration aux professeurs de comptabilité; le second est celui que l’instinct social et le pressentiment de l’égalité ont fait adopter de bonne heure, dans l’usage des monnaies, des lettres de change et des banques (1).

9. — Examination of some objections.

A doubt has always troubled me, not with regard to Fourier, the most frankly convinced utopian who ever was, but with regard to his disciples.

I would like to know if the leaders of the Phalansterian school admit that there is an absolute truth, and that man can know something about it; or if, like that libertine Pope who made fun of Christ by pocketing the money for indulgences, they do not make fun of all systems among themselves, that of Fourier included; I would like, I say, to know if the Phalange is not a wager, M. Considerant a joyful mystifier, his disciples the most infatuated among instruments of contradiction, and the majority of his adversaries, who certainly do not suspect it, real puppets.

Does M. Considerant want to put on a play? He draws one of the cabalistic threads which from his cabinet end in the puppets either of the Universe, or of the National, or of the Gazette or the Quotidienne; immediately the brouhaha begins; or else he sends me one of his men of contradiction, and here I am, forced to respond like a devil to the exorcist.

What M. Considerant wants is much less to be right than to make people fight: his happiness is when Harlequin and Pulcinella are at grips. You are the merriest of Frenchmen, Mr. Editor, and the happiest of mortals.

While laughing and ecstatic, M. Considerant serves truth and morals, castigat ridendo mores: whether he pursues with his biting sarcasm the political tartuffes, the talkers of reform and religion; or whether, with his daring paradoxes, he lays bare the ignorance and the presumptuous inanity of our most noisy doers, in all his pantagrueliads M. Considerant, faithful to the precept of the poet, knows how to unite the pleasant with the severe. Omne lulit yuncium which miscuit useful dulci.

It seemed to me, Mr. Editor, that I was at this moment the subject of one of your exhilarating manipulations; I will therefore endeavor to respond quickly to each of your calls.

1. You first seek to contradict me. I have said that Fourier’s theory destroys property, that the increased income promised in this system to the owner was a compensation as such, and not a recognition of the right of property; and to demonstrate it better, I took for a moment the part of the advocate of property, and I exposed his pretensions. This is what is called in logic argumentum ad hominem. Certainly nothing is more permissible than to ruin an adversary’s system by attacking it by its own principles. On this, you make me say through the anonym;

“It is in the name of the doctrines and interests of property that the most radical, the most relentless adversary of property that has ever been seen, attacks association (you mean the phalanstery, which does not amount to quite the same thing); he makes himself the advocate, not only of positive rights, but also of the whims of the proprietors—he, their fiery enemy—in order to overwhelm a system that proclaims above all respect for property. I point out to honest people how much there is of morals and logic in this way of arguing…”

As all this is only a game on your part, you will allow me, Mr. Editor, to declare the observation of the anonym perfectly absurd.

2. I had also said that a necessary consequence of Fourier’s system would be to maintain the distinctions between rich and poor. “On the contrary, I establish,” I am made to say haughtily by your anonym, “that there will not be poor and rich in the phalanstery, but many different degrees of fortune;… in this way the rich remain rich, and the poor cease to be so.” All accompanied by a long exposition and a magnificent laudation of your system.

For fifteen years, Mr. Editor, your pipes have been whistling the same tone: it would be good to change your scale a little. Rich means more, doesn’t it? And poor signifies less. Wealth and poverty are two correlative terms, serving to express a relation of quantity, but which, taken separately, neither indicate an absolute state. To say that there will be different degrees of fortune in the phalanstery or, in other words, of the more and the less, is to admit that there will be rich and poor, although these rich and these poor, compared to those of our day, may be relatively much richer and much less poor. But the question is whether the condition of the poor vis-à-vis the rich will be more tolerable in the phalanstery than it is today. But I say that it won’t be, as long as there is more and less; and your colleagues of my acquaintance sensed it so well that they tried to reassure me on this point, by making me understand that there would be between the rich and the poor equivalence of well-being and fortune. But then we are in equality, since equality itself only exists through equivalence.

We become poor, as you know, Mr. Editor, not so much by the deprivation of what everyone lacks, as by the desire for a good that is known and appreciated, which the development of intelligence, the excitement of sensibility, or any other cause, renders necessary. This desire arises above all from the comparison of fortunes: that is why the feudal serf, less poor than the Roman or Greek slave, was nevertheless no happier; why the French proletarian, less poor than the Roman proletarian, is not happier; why the English workman, who lives half on his salary and half on the tax, and whose food is incomparably more adequate than that of the Irish laborer who has only his potatoes, is not more buttery; why the inhabitants of Paraguay, less destitute, but more enslaved under the Jesuits than under their caciques, found themselves less happy. Where does all this misery come from? From the more or less, from the distinction of ranks, from inequality. Society as a whole can gain in morals, in enlightenment, even in wealth, but as long as this society contains means and extremes, the distance between the poor and the rich, between the serf and the baron, remains the same; there is no public felicity.

On this occasion of the poor and the rich, the anonym, a quibbler by trade, employs chicanery against me, for which I am careful not to hold his boss responsible, so little skill and knowledge do they show.

Thus, according to him, work being made attractive, it necessarily follows that there will be no idlers in the phalanstery. My critic forgets, therefore, that he who receives any income whatever without labor or cost is, as the common folk say, in relation to this income, considered idle.

The anonym then asks how I was able to say that among you there would be privileged people by birth and caste, since in the phalanstery everyone is the child of their works. How does he fail to see that if there were any contradiction there, it would fall on Fourier, since, the interest of capital being admitted in principle into the phalanx, the phalansterians find themselves naturally divided into two categories, those who, in addition to their salaries as workers receive rents, and those who have no rents? Now, rents, like movable wealth, being, according to Fourier, transmissible by way of succession, it follows that a phalansterian can be born a rentier, that is to say a privileged person.

“So,” I concluded, “there will be pariahs in the phalanstery, whose only civil and political rights are the right to work and the right to land.” In fact, not being owners of shares, they cannot have the right to vote in the administration of the public fortune, nor, by a necessary consequence, in the distribution of employments. The direction, as today, will depend entirely on an electoral class, whose good pleasure can sometimes be directly opposed to that of the people. But the anonym, instead of following this tightly woven chain, asks with affectation what a pariah with rights is, and especially one with the right to work.

I could content myself with answering that the right to work, separated from equality in wages, is called the exploitation of the worker by the idler; that the pariah of the Indies, however miserable he may be, at least has the right not to work for free, which is not the case today for our proletarians, from whom the caste of proprietors and capacities annually takes away part of their product, according to Adam Smith. But who does not see that the name pariah is taken in this place as a superlative of poor and excommunicated, which, by the way, is the real meaning?… I am ashamed, really, to have to refute, instead of reasons, grammatical subtleties.

3. I said, in connection with customs: “One will not suppose, with the good man Fourier, that literary property is exercised in China for the benefit of a French author, and that an ode by Lamartine, sold to the four corners of the globe with privilege, brings its author millions.”

Whereupon you point out to me, Mr. Editor, that this is not how the good man put the question. So what did he say, do you think? I quote the anonym:

“The reward for a masterpiece will not be confined within the limits of the phalanstery which will have seen it born; all the communes and all the provinces will hasten to pay their tribute to the artist…; and, if it is a question of a great discovery, all nations will hasten to pay the man of genius the debt of the human race.”

Well! Mr. Editor, it is precisely this that I criticize in Fourier as an extravagant childishness or an ineffable bonhomie; and no doubt you can guess the reason. Any worker, to whatever category he belongs, artistic, scholarly or industrial, being considered as a public functionary, or more simply as an associate, his salary is payable to him at the place and by the cashier of his residence. In fact, just as each worker is supposed to work on behalf of the whole society of which he is a part, and even of the whole globe, since the various societies support and are supposed to support each other; likewise society as a whole, humanity itself, is deemed to be indebted to the worker. This is what constitutes the great law of collective power and solidarity that unites all the nations and all the individualities of the earth: all as long as we live, we work for as many masters as we have collaborators, we have as many creditors as partners. But the exchange of wages for products, instead of being done directly from all to each, as Fourier asks for the great poets and the authors of great discoveries, is carried out in a way that appears to be simpler, but is in reality more complicated, that of accounts of exchanges and returns. The first mode is that of conquerors and pirates, great contributors, and can only be used today as a means of demonstration for accounting teachers; the second is that which social instinct and the presentiment of equality caused to be adopted at an early date, in the use of coins, bills of exchange and banks. [1]

4. Je passe à la dernière et à la plus perfide de vos attaques, monsieur le rédacteur, celle qui a pour objet le suffrage universel. C’est là que vous essayez de me donner le croc en jambe, en me rendant suspect d’aristocratie et d’incivisme à tous mes frères les démocrates.

« Le réformateur (c’est Fourier) a donc véritablement résolu le point difficile et capital de la question, en établissant que le principe d’élection, introduit dans chaque spécialité, donnerait le moyen le plus sûr de reconnaître et de récompenser équitablement le talent individuel… Le système de l’élection n’est point emprunté au gouvernement constitutionnel, comme le prétend l’auteur dans une note où il joint la raillerie à la critique, mais à la démocratie… »

Depuis quand, monsieur le rédacteur phalanstérien, faitesvous donc la cour à ces démocrates que vous avez tant bernés dans votre feuille et dans vos écrits? Depuis quand surtout, chef de la théorie sociale, admettez-vous que des problèmes de pure science puissent être résolus par voie de suffrage? Quoi! des votes là où il s’agit de calculs! Convenez, monsieur le fouriériste, que sur cette question brûlante de la répartition des salaires le génie de votre maître a misérablement échoué, et que si quelque chose démontre sa profonde incapacité en économie sociale, c’est à coup sûr l’inconcevable idée de s’en rapporter, dans des calculs d’intérêt, au suffrage des parties, à peu près comme ce juge de Rabelais, qui sentenciait les procès au sort des dez.

Vraiment! le projet de faire accepter aux travailleurs, à la pluralité des voix, une cote mal taillée, est d’une hauteur de génie qui subjugue; et quand on songe avec quel bruit de fanfares cette miraculeuse découverte a été annoncée au public» on ne sait lequel admirer le plus, de la pauvreté scientifique du maître, ou de l’imbécillité intellectuelle des disciples. Qu’importe, après cela, que Fourier ait dépensé cinq ou dix ans de son inutile vie à chercher un mode d’élection approprié à sa mécanique industrielle? Le principe de solution adopté par lui en est-il moins absurde, et l’hallucination de l’inventeur moins évidente?

Ainsi le système de répartition de Fourier (écoutez ceci, jeunes et vieux; prêtez l’oreille, savants et ignorants!), le système de répartition de Fourier consiste… à partager à l’amiable! Un tel système ne pouvait certes être surpassé que par celui des communistes, qui consiste d ne pas partager du tout (2)!

Il est intéressant de comparer la phraséologie sentencieuse de nos oracles démocrates avec le jargon amphigourique de Fourier. On verra que. si la vérité est une dans son essence et multiple dans ses formes, les inventions de l’ignorance sont d’une désespérante pauvreté.

Le peuple demande quelle est la loi générale de répartition, ce que signifie l’égalité des droits, si elle entraine l’égalité des fortunes, et en quoi consiste cette dernière; d’après quel principe on assignera le salaire à l’ouvrier et les appointements au magistrat, etc., etc.?

— Peuple, répond M. de Lamennais, ta volonté est souveraine: tout ce que tu ordonneras sur la terre sera ratifié dans le ciel. La raison générale, manifestée par la pluralité des suffrages, est la loi absolue, la loi du genre humain.

— Harmoniens, s’écrie Fourier, formez-vous par groupes et séries de groupes; que dans chaque groupe la pluralité des suffrages assigne le grade de chaque travailleur et les appointements attachés à ce grade; le résultat de ces opérations donnera pour chacun de vous la moyenne proportionnelle de ce qu’il fait et de ce qu’il vaut.

— Mais, savants interprètes des conseils de Dieu et des secrets de la nature, voici un économiste, Adam Smith, Anglais, lequel enseigne que toute propriété est monopole, que tout produit vaut ses frais de production, ni moins ni plus, et qu’avec cela on peut établir une parfaite égalité entre les hommes.

— Peuple, nous ne connaissons point cet Adam Smith, et nous ne savons ce qu’il prétend avec son économie: faites seulement ce que nous disons, et vous vivrez.

Mais quoi! le principe de l’élection, cette haute expression de l’instinct populaire, est-il donc aussi absurde qu’il nous paraît dans les écrits du réformateur et du démagogue? Hâtonsnous de le dire: il n’y a d’absurde dans tout ceci que la rhétorique et les inventions de ces messieurs.

Dans les questions sociales, il faut distinguer les matières d’élection et les matières d’examen.

La création des magistrats, le choix des sénateurs et des officiers de l’armée, la nomination du roi, du président, ou des directeurs de la République (nous ne préjugeons aucune forme de gouvernement), la désignation des conducteurs de travaux et des contre-maîtres, sont matières d’élection;—l’élaboration des lois, règlements, ordonnances, arrêtés, de même que toute recherche scientifique, est matière d’examen.

L’assentiment donné à une élection se nomme vote ou suffrage; l’assentiment donné à une loi, et en général à toute vérité démontrée, se nomme adhésion. Le premier est le propre de la volonté, le second est le propre de l’intelligence. L’un préjuge la vérité, l’autre la reconnaît.

La création des chefs civils et militaires est soumise à la loi du vote, pourquoi? parce que le respect, l’obéissance et l’amour que tout supérieur doit inspirer afin que son commandement soit utile, ne s’imposent point, ne s’obtiennent pas par conviction ni raisonnement, et que par conséquent le magistrat le plus légitime est nécessairement celui qui est le plus voulu, qui réunit le plus grand nombre de volontés ou de votes. Les anciens peuples. démocratiquement organisés, l’avaient bien senti, et voilà pourquoi chez eu* toutes les magistratures, la royauté elle-même, étaient électives.

Mais les gouvernements constitutionnels ont tout brouillé et tout confondu; appliquant la loi du vote aux matières d’examen, ils ont légiféré comme il leur a plu, et ils ont fait la science sociale à la convenance de leurs intérêts; puis, en même temps qu’ils faisaient voter à leur guise les représentants du peuple, ils ont retiré à celui-ci la nomination de ses chefs, si bien qu’avec des formes démocratiques On est tombé sous le plus parfait despotisme.

Le désordre dans lequel nous a plongés ce syncrétisme politique tant loué de nos philosophes se montre partout.

Pour que les affaires de l’État soient légalement et régulièrement traitées, il faut, dans les matières d’élection, une méthode pour recueillir et compter les suffrages, ou, comme nous disons aujourd’hui, une loi électorale; et, dans les matières d’examen, une méthode pour instruire et légiférer.

Or, notre méthode d’élection consacre le privilège, puisque tous les citoyens capables de donner un vote ne jouissent pas du droit d’élire: d’autre part, elle ne concerne point l’élection des magistrats, mais bien des législateurs (ce qui est contraire à la règle, puisque le vote du peuple ne confère pas la capacité législative). Quant à la méthode de légiférer, il n’y en â pas: on dispute, on chamaille, on s’accuse, puis on se racommode, et la loi est faite.

En deux mots, le peuple nomme ses chefs, organes de la puissance exécutive; il adhère aux lois reconnues et démontrées par le comité de législation, composé des hautes spécialités du pays. Ajoutons que le peuple, tenant dans sa main les agents du pouvoir exécutif, qu’il nomme ou destitue à volonté, jouit par ce fait même de la garantie la plus sûre contre les erreurs et les empiétements du comité législatif. ‘

Ces notions, monsieur le rédacteur, ne vous semblent-elles pas aussi simples que fécondes* ne brillent-elles pas de leur propre évidence? ne sont-elles pas l’expression la plus pure des instincts démocratiques? Eh bien! c’est contre ces mêmes notions que s’élèvent aujourd’hui de concert et les gouvernements constitutionnels, qui demandent au peuple des législateurs afin de lui imposer des magistrats; et les démagogues soi-disant réformistes, qui cherchent à rendre les masses complices de leurs faux systèmes, afin d’éterniser l’exploitation qui les dévore en les engageant dans d’irrévocables erreurs (3); et Fourier, votre sublime maître, qui soumettait au suffrage le calcul des salaires, parce qu’il n’avait jamais su distinguer une question scientifique d’une question électorale.

Notes:

(1) Il est aussi impossible, commercialement parlant, de faire une exception en faveur du talent et du génie sous le rapport du mode de payement et de la quotité du salaire, que d’exiger pour la négociation d’un billet un double droit de change ou d’escompte, sous prétexte que l’endosseur est illettré, mineur, compagnon ou prolétaire.

(2) Ce dernier parti serait assurément le plus court et le plus commode: malheureusement il est impraticable. Car, de même que la société, pour proiiuire, est obligée de diviser le travail, de même, pour jouir, elle est forcée de partager le produit. Or, comme par la variété des goûts et par l’insuffisance quantitative d’un grand nombre de produits, la consommation de chacun de ces produits ne peut être égale entre tous les travailleurs (à moins de devenir zéro pour chacun), il s’ensuit que la répartition doit s’opérer par équivalences et non par fractions infinitésimales.

Le problème de la répartition revient donc tout entier, et se complique encore de l’inégalité des frais de productions dans les différentes industries. C’est à quoi n’ont pas assez réfléchi plusieurs théoriciens communistes, qui, pour échapper à toutes ces difficultés, n’ont rien imaginé de mieux que de faire travailler les hommes par compagnies et par corvées, et de proscrire certains produits de l’art et de la nature. Le bon ordre et les lois de l’organisation exigent que nous produisions comme rivaux, que nous partagions comme ennemis et que nous jouissions en frères: il n’y a pas d’autre communauté possible.

(3) Si, après la réforme électorale, dit M. Ledru-Rollin, le peuple est toujours malheureux, il n’aura plus droit de se plaindre.

4. I pass to the last and most perfidious of your attacks, sir, that which has universal suffrage as its object. This is where you try to give me a headache, by making me suspect of aristocracy and incivility to all my brothers among the democrats.

“The reformer (this is Fourier) has therefore truly resolved the difficult and capital point of the question, by establishing that the principle of election, introduced into each specialty, would provide the surest means of recognizing and equitably rewarding individual talent… The system of election is not borrowed from constitutional government, as the author claims in a note where he joins mockery to criticism, but from democracy…”

Since when, Mr. Phalansterian Editor, have you courted these democrats whom you have so often hoodwinked in your paper and in your writings? Especially since when, leader in social theory, do you admit that problems of pure science can be solved by suffrage? What! Votes where it is a question of calculations! Agree, Mr. Fourierist, that on this burning question of the distribution of wages the genius of your master has miserably failed and that if anything demonstrates his profound incapacity in social economy, it is certainly the inconceivable idea of relying, in calculations of interest, on the suffrage of the parties, much like that judge in Rabelais, who determined sentences by rolling dice.

Really! The plan to make the workers accept, by a plurality of votes, a badly cut dimension, is of a height of genius that subjugates; and when one thinks with what fanfares this miraculous discovery was announced to the public, one does not know which to admire more, the scientific poverty of the master, or the intellectual imbecility of the disciples. What does it matter, after that, that Fourier spent five or ten years of his useless life seeking a mode of election appropriate to his industrial mechanics? Is the principle of the solution adopted by him less absurd and the hallucination of the inventor less evident?

Thus the Fourier system of apportionment (listen to this, young and old; lend an ear, learned and ignorant!), Fourier’s system of apportionment consists in… dividing amicably! Such a system could certainly only be surpassed by that of the communists, which consists in not dividing at all! [2]

It is interesting to compare the pompous phraseology of our democratic oracles with the amphigoric jargon of Fourier. We will see that if truth is one in its essence and multiple in its forms, the inventions of ignorance are hopelessly poor.

The people ask what is the general law of distribution, what does equality of rights mean, if it entails equality of fortunes, and in what the latter consists; according to what principle will the wage be assigned to the workman and the salary to the magistrate, etc., etc.?

— People, replied M. de Lamennais, your will is sovereign: whatever you order on earth will be ratified in heaven. General reason, manifested by the plurality of votes, is the absolute law, the law of the human race.

— Harmonians, exclaims Fourier, form yourselves by groups and series of groups; that in each group the plurality of votes assigns the grade of each worker and the salaries attached to this grade; the result of these operations then there will be for each of you the proportional average of what he does and what he is worth.

— But, learned interpreters of the counsels of God and the secrets of nature, here is an economist, Adam Smith, Englishman, who teaches that all property is a monopoly, that every product is worth its cost of production, neither less nor more, and that with this one can establish a perfect equality between men.

— People, we do not know this Adam Smith, and we do not know what he claims with his economy: just do what we say, and you will live.

But what! Is the principle of election, that lofty expression of popular instinct, then as absurd as it appears to us in the writings of the reformer and the demagogue? Let us hasten to say it: the only absurdity in all this is the rhetoric and the inventions of these gentlemen.

In social questions, it is necessary to distinguish between matters of election and matters of examination.

The creation of magistrates, the choice of senators and army officers, the appointment of the king, the president, or the directors of the Republic (we do not prejudge any form of government), the appointment of works supervisors and foremen, are matters of election;—the elaboration of laws, regulations, ordinances, decrees, as well as any scientific research, is a matter of examination.

The assent given to an election is called a vote or suffrage; the assent given to a law, and in general to any demonstrated truth, is called adhesion. The first is proper to the will, the second is proper to intelligence. One foresees the truth, the other recognizes it.

The creation of civil and military leaders is subject to the law of the vote. Why? Because the respect, obedience and love that every superior must inspire so that his command is useful, are not imposed, are not obtained by conviction or reasoning, and because, consequently, the most legitimate magistrate is necessarily the one who is the most wanted, who brings together the greatest number of wishes or votes. The ancient peoples, democratically organized, sensed it, and that is why among them all the magistracies, even royalty itself, were elective.

But constitutional governments have scrambled and confused everything; applying the law of the vote to matters of examination, they legislated as they pleased, and they made social science to suit their interests; then, at the same time as they made the representatives of the people vote as they pleased, they withdrew from the latter the nomination of their chiefs, so that with democratic forms we fell under the most perfect despotism.

The disorder into which this political syncretism, so praised by our philosophers, has plunged us shows itself everywhere.

In order that the affairs of the State may be lawfully and regularly transacted, there must be, in matters of election, a method of collecting and counting the votes, or, as we say today, an electoral law; and, in matters of examination, a method of instructing and legislating.

Now, our method of election consecrates the privilege, since all citizens capable of giving a vote do not enjoy the right to elect. On the other hand, it does not concern the election of magistrates, but rather of legislators (this which is contrary to the rule, since the vote of the people does not confer legislative capacity.) As for the method of legislating, there is none: we argue, we bicker, we accuse each other, then we make up, and the law is made.

In short, the people appoint their chiefs, organs of executive power; it adheres to the laws recognized and demonstrated by the committee of legislation, composed of the high specialties of the country. Let us add that the people, holding in their hands the agents of the executive power, whom they appoint or dismiss at will, enjoys by this very fact the surest guarantee against the errors and encroachments of the legislative committee.

These notions, sir, don’t they seem to you as simple as they are fruitful? Don’t they shine with their own obviousness? Are they not the purest expression of democratic instincts? Well! It is against these same notions that the constitutional governments rise today in concert, who ask the people for legislators in order to impose magistrates on them; and the so-called reformist demagogues, who seek to make the masses complicit in their false systems, in order to perpetuate the exploitation that devours them by engaging them in irrevocable errors (3); and Fourier, your sublime master, who submitted the calculation of salaries to the vote, because he had never known how to distinguish a scientific question from an electoral question.

Notes:

[1] It is as impossible, commercially speaking, to make an exception in favor of talent and genius with respect to the mode of payment and the amount of wages, as it is to require for the negotiation of a note a double fee exchange or discount, on the pretext that the endorser is illiterate, minor, journeyman or proletarian.

(2) This last part would certainly be the shortest and the most convenient: unfortunately it is impracticable. For, just as society, in order to produce, is obliged to divide the labor, so, in order to enjoy, it is obliged to divide the product. Now, as by the variety of tastes and by the quantitative insufficiency of a large number of products, the consumption of each of these products cannot be equal among all the workers (unless it becomes zero for each), it is it follows that the distribution must operate by equivalences and not by infinitesimal fractions.

The problem of distribution therefore reappears in its entirety, and is further complicated by the inequality of the cost of production in the different industries. This is what several communist theorists have not reflected on enough, theorists who, in order to escape all these difficulties, have imagined nothing better than to make men work in companies and corvées, and to proscribe certain products of art and nature. Good order and the laws of organization demand that we produce as rivals, divide as enemies, and enjoy as brothers: there is no other community possible.

[3] If, after the electoral reform, says M. Ledru-Rollin, the people are still unhappy, they will no longer have the right to complain.

RÉPONSE AUX ACCUSATIONS

1. — Fourier méconnu: appréciation générale des travaux 
de ce socialiste.

J’ai outragé Fourier, dit l’anonyme, Fourier, le roi des génies, le dernier des prophètes.

En appliquant au système de Fourier les qualifications de bêlise et d’infamie, peut-être ai-je fait un acte de justice un peu sévère: cependant, je souhaiterais fort de n’être pas trop pressé sur cet article, parce que la seule modification à laquelle je puisse consentir serait de changer les expressions ci-dessus contre celles d’ignorance et d’immoralité. Aussi me trouvé-je médiocrement ému de cette apostrophe de l’anonyme:

« Soldat de l’humanité, comparez donc vos services avec ces quarante années de souffrances et de méditations; montreznous vos exploits et vos cicatrices… Quoi! vous n’avez pas trouvé dans votre âme un mol de bienveillance tout au moins pour les efforts de Fourier, de cet ami de l’humanité, qui consacra une vie longue et amère et les plus nobles facultés à la recherche du problème social… »

Ajoutez donc: Et ce qu’il y a de plus triste, Qui S’est Trompé!

L’anonyme, avec ses lamentations sur ce pauvre Fourier déjà presque divinisé, me rappelle cet ivrogne de Chapelle faisant pleurer une vieille sur la mort du poëte Pindare, mort depuis plus de deux mille ans. Eh! monsieur l’anonyme, laissez la vie et les souffrances de Fourier: nous entendrons son oraison funèbre quand sa doctrine sera jugée. Tandis que nous cherchons, comme vous dites, la solution du problème social, nous aurions trop à faire de nous attendrir sur les calamités de la vie présente. La postérité pleurera pour nous: Dieu merci, nous lui donnons de beaux sujets de mélodrame. Pour moi, je l’avoue, malgré la défaveur que cette déclaration peut m’attirer, depuis longtemps mes yeux desséchés ne se mouillent plus au récit d’une misère: j’en ai tant vu, qu’à la fin je me suis endurci.

Je connais, quoi qu’en dise l’anonyme, Fourier et son système; j’ai lu ses ouvrages et ceux de ses plus célèbres disciples; j’ai recueilli plus d’un volume de notes sur les doctrines de cette école. Je crois être en état de porter un jugement motivé sur toutes les parties de la prétendue science fouriériste, et cette critique formera même le plus curieux épisode de ma prochaine publication.

Là je démontrerai par une mathématique supérieure à celle des nombres et des lignes, et dont j’exposerai la théorie, que l’organisation industrielle de Fourier, par séries des groupes contrastés, est radicalement fausse, contraire aux notions les plus simples de l’économie politique, et en contradiction formelle avec ce que l’inventeur a nommé loi sériaire: que son procédé de répartition, faux en principe et illégitime en droit, conduirait à l’égalité absolue, d’où résulterait une réforme intégrale de tout le système d’organisation; que la métaphysique de Fourier n’est que rapsodie et plagiat, sa classification des passions erronée, sa morale détestable, ses lois d’analogie chimériques, et la plupart de ses prétendues formules autant d’enfantillages.

– Et, comme il faut être juste, surtout dans la critique, j’espère montrer en revanche que ce qui fera vivre le nom de Fourier, et lui assure parmi les philosophes socialistes une place à lui seul, c’est cette affirmation, aussi neuve que hardie, que l’organisme social doit être l’objet d’une science exacte et positive, affirmation qui à elle seule était une révolution; c’est d’avoir contribué plus puissamment que tousses devanciers à la découverte du système naturel d’organisation politique, en proposant une hypothèse, absurde il est vrai, mais qui sera probablement la dernière; c’est enfin cette demiaperception de la loi sériaire, comme l’a nommée Fourier, loi suprême, formule absolue de la vérité, dont la complète intelligence et l’application universelle renouvelleront les sciences morales et philosophiques; loi que Fourier n’a pas comprise, et dont un seul rayon, tombé sur ses yeux débiles, lui a troublé l’entendement.

Voilà, monsieur le rédacteur, l’annonce que je vous supplie de communiquer à vos abonnés; et pour consoler leurs amours-propres déçus, ajoutez qu’après l’immense préparation scientifique qui s’est opérée dans l’humanité depuis le fabuleux Hermès jusqu’à Fourier inclusivement, il suffit aujourd’hui de la plus commune intelligence pour remplir ce programme. Cette dernière proposition, rigoureusement démontrée, résumera mon travail, et fera, j’en suis sûr, plaisir à tout le monde, dans le siècle affreux où nous sommes, toute capacité qui se produit semblant le fléau de» capacités établies.

RESPONSE TO ACCUSATIONS

1. — Fourier misjudged: general appreciation of the work of this socialist.

I have insulted Fourier, says the anonym, Fourier, the king of geniuses, the last of the prophets.

By applying to Fourier’s system the qualifications of nonsense and infamy, perhaps I have performed a somewhat severe act of justice: however, I would very much like not to be too hasty on this article, because the only modification to which I can consent would be to change the above expressions to those of ignorance and immorality. So I found myself moderately moved by this apostrophe of the anonym:

“Soldier of humanity, compare your services with these forty years of suffering and meditation; show us your exploits and your scars… What! you have not found in your soul a word of benevolence, at least for the efforts of Fourier, of this friend of humanity, who devoted a long and bitter life and the noblest faculties to the research of the social problem…”

Add then: And what is sadder, Who was mistaken!

The anonym, with his lamentations over this poor Fourier, already almost deified, reminds me of that drunkard Chapelle making an old woman cry over the death of the poet Pindar, who had been dead for more than two thousand years. Hey! Monsieur Anonym, leave the life and sufferings of Fourier: we will hear his funeral oration when his doctrine is judged. While we seek, as you say, the solution of the social problem, we will have too much to do to be moved by the calamities of the present life. Posterity will weep for us: thank God we give them fine subjects for melodrama. As for me, I admit it, despite the disfavor that this declaration may attract to me, for a long time my parched eyes no longer wet themselves at a tale of misery: I have seen so much that in the end that I am hardened.

I know, whatever the anonym may say, Fourier and his system; I have read his works and those of his most famous disciples; I have collected more than a volume of notes on the doctrines of this school. I believe I am in a position to pass a reasoned judgment on all the parts of so-called Fourierist science, and this criticism will even form the most curious episode of my next publication.

There I will demonstrate by a mathematics superior to that of numbers and lines, and of which I will expose the theory, that the industrial organization of Fourier, by series of contrasting groups, is radically false, contrary to the simplest notions of political economy, and in formal contradiction with what the inventor called the serial law: that his process of distribution, false in principle and illegitimate in law, would lead to absolute equality, from which would result an integral reform of the whole system of organization; that Fourier’s metaphysics is nothing but rhapsody and plagiarism, his classification of the passions erroneous, his morality detestable, his laws of analogy chimerical, and most of his alleged formulas so much childishness.

– And, as one must be fair, especially in criticism, I hope to show on the other hand that what will make the name of Fourier live, and assure him among the socialist philosophers a place of his own, is this affirmation, as new as it is bold, that the social organism must be the object of an exact and positive science, an affirmation which in itself was a revolution; it is to have contributed more powerfully than all his predecessors to the discovery of the natural system of political organization, by proposing a hypothesis, absurd it is true, but which will probably be the last; finally, it is this half-perception of the serial law, as Fourier called it, supreme law, absolute formula of truth, whose complete understanding and universal application will renew the moral and philosophical sciences; law that Fourier did not understand, and a single ray of which, falling on his feeble eyes, troubled his understanding.

Here, sir, is the announcement that I beg you to communicate to your subscribers; and to console their disappointed self-esteem, add that after the immense scientific preparation that has taken place in humanity from the fabulous Hermes up to and including Fourier, today the most common intelligence suffices to fill this program. This last proposition, rigorously demonstrated, will sum up my work, and will, I am sure, give pleasure to everyone, in the dreadful age in which we live, any capacity that arises seeming to be the scourge of established capacities.

2. — Préjugés défavorables à la théorie de Fourier.

Comme je ne puis en ce moment me livrer à une critique de détail., permettez-moi, monsieur le rédacteur, de vous exposer seulement trois préjugés scientifiques qui s’élèvent contre votre théorie, et auxquels il ne me paraît pas que vous ayez jamais réfléchi.

1. En ce qui concerne le droit de propriété, il y a opposition entre le mécanisme industriel et le mode de répartition proposés par Fourier. Au phalanstère toute concurrence est abolie, la rivalité ou l’émulation des groupes ne produisant pas une divergence d’intérêts, et ne pouvant être assimilée à ce qu’on appelle aujourd’hui concurrence. Au phalanstère donc le travail morcelé, l’exploitation individuelle, le petit ménage, l’industrie propriétaire, en un mot, n’existent plus. En revanche, la distribution des revenus est établie sur un système de primes et de priviléges accordés au capital, au talent, à la force physique, même à la beauté: c’est le droit d’aubaine transporté clans une association convergente et militaire. Que pensez-vous, monsieur, de cet antagonisme de principes croyez-vous qu’il soit bien dans les conditions d’unité et d’harmonie qui se rencontrent dans tout organisme créé par la nature? et ne vous semble-t-il pas que Fourier a syncrétisé, pour parler comme l’école, dans cette partie de sa découverte?

2. C’est un caractère commun à toutes les sciences de partir de vérités simples et universelles et de s’élever ensuite à l’infini, conséquemment de laisser le champ toujours ouvert à de nouvelles études, et d’exciter l’esprit par des problèmes sans cesse renaissants. Ainsi, après Euclide, Archimède, Descartes, d’Alembert, etc., les mathématiques marchent et ne s’arrêtent pas; après Buffon et Cuvier, l’histoire naturelle semble encore à son premier jour; après Lavoisier, Gay-Lussac et Berzélius, la chimie travaille à se refoudre; après Newton et Laplace, l’astronomie prend un nouvel élan. Après Fourier au contraire la science sociale est close, il ne reste rien à faire, et nous n’avons plus qu’à dire: Je crois. D’où vient que Fourier n’a laissé derrière lui aucune perspective? que pas un de ses disciples n’a su ajouter une idée aux idées du maître, une formule à ses formules? d’où vient que, lui mort, personne n’a rien imaginé ni dans le mécanisme sociétaire, ni dans l’intelligence de l’histoire, ni dans les lois d’analogie, ni dans cette foule de choses que Fourier a eu le triste privilége de faire croire à de solides esprits, sans en donner d’autre raison que leur bizarrerie et leur singularité? Direz vous que cela même dénote le sublime génie de l’inventeur de l’organisation sériaire, d’avoir d’un seul bond mesuré le domaine de la science, épuisé sa fécondité, et atteint ses limites? Prenez garde: la véritable science, comme la puissance divine, est infinie; c’est le propre de l’erreur de s’épuiser vite, de reconnaître des bornes, et de périr bientôt faute d’aliment.

3. Fourier declares, and he has confirmed it by his example, that it is necessary au début des études et des expériences sociétaires de se placer tout à fait en dehors des idées civilisées et de rompre brusquement avec toutes les notions anté-harmoniennes; c’est ce qu’il appelle procéder par grand écart, d’un terme emprunté aux voltigeurs de corde. Thus Fourier does not acknowledge that society is an organism which develops by virtue of certain and infallible laws, since he threatens us in a hundred places with a new fall, an irreparable descent, if we don’t hasten to seize the moment and organize ourselves in phalansteries; ainsi il admet en principe que l’humanité peut faillir absolument et manquer à ses destinées; ainsi enfin, il prétend faire appliquer d’emblée son système, tandis qu’il eût fallu le présenter comme la conséquence inévitable, le terme fatal d’une progression toute providentielle. Je sais qu’il a parlé d’un état intermédiaire aux périodes de civilisation et d’harmonie, état qu’il nomme garantisme, et que, suivant lui, nous pourrions franchir de plain-saut, comme le soldat à l’exercice escamote les temps et les mouvements: mais toutes ces affirmations ne suffisaient pas, il fallait montrer à l’œil et faire toucher au doigt la chaîne. Quoil cet immense travail de l’humanité serait non avenu, l’histoire n’aurait aucun sens, et tout ce mouvement n’aurait été qu’une longue déception! Vous-même ne le pensez pas, monsieur le rédacteur; sinon je vous demanderai ce que signifie cet écrit sur la Politique générale, qui a produit une si vive sensation, et dans lequel vous vous montrez profond socialiste, parce que vous restez dans les données de la société actuelle; bon logicien, parce que vous ne syllogisez plus, et, souffrez que je le dise, supérieur à votre maître, parce que vous abandonnez ses idées et sa méthode? Voilà, monsieur, la véritable voie: vous y êtes entré par la seule inspiration de votre génie et sans autre guide que l’observation des événements. Poursuivez donc, marchez dans cette nouvelle route; faites pour la société civile, pour l’industrie, la législation, la philosophie, ce que vous avez fait pour la politique générale; ne commettez plus d’écarts, et dans six mois je vous embrasse sous les pavillons de l’égalité.

2. — Prejudices unfavorable to Fourier’s theory.

As I cannot at this moment devote myself to a detailed criticism, allow me, Mr. Editor, to exhibit to you only three scientific prejudices that rise up against your theory, on which it does not seem to me that you have ever reflected.

1. With regard to the right of property, there is an opposition between the industrial mechanism and the mode of distribution proposed by Fourier. In the phalanstery all competition was abolished, the rivalry or emulation of groups not producing a divergence of interests, and not being able to be assimilated to what is called competition today. In the phalanstery, therefore, fragmented labor, individual exploitation, the small household, proprietary industry, in short, no longer exist. On the other hand, the distribution of income is established on a system of bonuses and privileges granted to capital, talent, physical strength, even beauty: it is the right of aubaine transferred to a convergent and military association. What do you think, sir, of this antagonism of principles? Do you believe that it is well in the conditions of unity and harmony which are found in any organism created by nature? And doesn’t it seem to you that Fourier has syncretized, to speak as they do in school, in this part of his discovery?

2. It is a characteristic common to all the sciences to start from simple and universal truths and then to rise to infinity, consequently to leave the field always open to new studies, and to excite the mind by constantly recurring problems. Thus, after Euclid, Archimedes, Descartes, d’Alembert, etc., mathematics goes on and does not stop; after Buffon and Cuvier, natural history still seems to be in its first day; after Lavoisier, Gay-Lussac and Berzélius, chemistry is working to bring itself back together; after Newton and Laplace, astronomy is gaining new momentum. After Fourier, on the contrary, social science is closed, there is nothing left to do, and we have only to say: I believe. How is it that Fourier left no perspective behind him? That not one of his disciples knew how to add an idea to the ideas of the master, a formula to his formulas? How does it happen that, Fourier dead, no one imagined anything either in the mechanism of society, or in the understanding of history, or in the laws of analogy, or in that host of things that Fourier had the sad privilege of making strong minds believe, without giving any other reason than their oddity and their singularity? Will you say that this itself denotes the sublime genius of the inventor of serial organization, to have measured the domain of science in one leap, exhausted its fruitfulness, and reached its limits? Beware: true science, like divine power, is infinite; it is characteristic of error to exhaust itself quickly, to recognize limits, and to perish soon for lack of food.

3. Fourier declares, and he has confirmed it by his example, that it is necessary at the beginning of studies and societal experiences to place oneself completely outside of civilized ideas and to break abruptly with all pre-harmonious notions; this is what he calls proceeding by leaps, a term borrowed from rope vaulters. Thus Fourier does not acknowledge that society is an organism that develops by virtue of certain and infallible laws, since he threatens us in a hundred places with a new fall, an irreparable descent, if we don’t hasten to seize the moment and organize ourselves in phalansteries; thus he admits in principle that humanity can fail absolutely and fail in its destinies; thus finally, he claims to have his system applied from the outset, whereas it should have been presented as the inevitable consequence, the fatal end of an entirely providential progression. I know that he spoke of an intermediate state in the periods of civilization and harmony, a state which he calls guaranty, and which, according to him, we could jump straight through, like the soldier on exercise times and movements: but all these affirmations were not enough, the chain had to be shown to the eye and touched by the finger. Why would this immense work of humanity be void, history would have no meaning, and all this movement would have been nothing but a long disappointment! You don’t think so yourself, Mr. Editor; otherwise I will ask you what this writing on General Policy means, which has produced such a lively sensation, and in which you show yourself to be a profound socialist, because you remain in the data of present-day society; good logician, because you no longer syllogize, and, permit me to say it, superior to your master, because you abandon his ideas and his method? This, sir, is the true way: you entered it by the sole inspiration of your genius and without any other guide than the observation of events. Continue then, walk in this new road; do for civil society, for industry, for legislation, for philosophy, what you have done for general politics; commit no more deviations, and in six months I will embrace you under the banners of equality.

3. — Tous les partis contraires au fouriérisme: pourquoi.

« En accusant le fouriérisme de n’être l’ami ni de la propriété ni du communisme, l’auteur ne ressemble t-il pas à un docteur qui, dans une controverse de théologie catholique, reprocherait à son adversaire de n’être ni athée, ni mahométan, ni fétichiste? Et puis, quelle moralité peut-il y avoir à ameuter contre une doctrine que l’on combat toutes les opinions auxquelles on est le plus hostile soi-même, opinions que l’on a condamnées d’avance? Eh! monsieur, que vous importe l’hostilité du fouriérisme avec telle ou telle autre doctrine, etc.? » (Défense du fouriérisme.)

11 importe beaucoup, au contraire, de dévoiler le charlatanisme de sectaires qui, intraitables sur leurs prétendus dogmes, cherchent à s’attirer des prosélytes en caressant toutes les fantaisies d’opinions. Je n’ai point reproché aux fouriéristes de n’appartenir à aucun parti; je les en féliciterais plutôt, si j’avais à les féliciter de quelque chose; j’ai dit seulement qu’il était peu honorable à eux de flagorner alternativement la cour et la ville, l’Église et l’atelier, tandis qu’en secret ils se moquent de toutes les opinions. Comment ajouter foi à des hommes qui ont des accommodements pour tous les systèmes, qui disent aux saints-simoniens: Vous voulez l’amour libre, le culte de la chair, l’aristocratie du talent, et nous aussi: entrez au phalanstère; — aux républicains: Vous demandez le suffrage universel et l’intervention du peuple dans le gouvernement, et nous aussi: entrez au phalanstère; — aux royalistes: Vous êtes pour la religion et la légitimité, vous aimez les traditions pieuses et les longs souvenirs, et nous aussi: entrez au phalanstère; — à la bourgeoisie: Nous garantissons la famille et la propriété, fiez-vous à nous, venez au phalanstère; — aux communistes: Pourquoi tant de disputes? vous rejetez la propriété, et nous proscrivons l’exploitation de l’homme par l’homme; vous défendez l’égalité, et nous prêclions l’équivalence: nous sommes coreligionnaires, votre place est au phalanstère?

Au reste, il y a dans cette façon de raisonner peut-être moins d’absurdité qu’il ne semble, et je crois vous deviner, monsieur le rédacteur. Vous criez à qui veut l’entendre: Saint-simoniens, républicains, jésuites, carlistes, égalitaires et propriétaires, vous êtes tous des imbéciles, qui n’avez pas même l’intelligence de votre propre pensée. Nous seuls possédons ce que vous chercherez éternellement en vain: le phalanstère embrasse tout, explique tout, suffit à tout…

Dans la pratique vulgaire, et lorsqu’il ne s’agit que d’embaucher des recrues, cette dialectique peut jusqu’à certain point se soutenir, et offrir même des avantages: le convertisseur n’ayant rien à réfuter, point d’erreur à détruire, point de préjugé à combattre; tout son travail à l’égard du néophyte consiste en une simple surinfusion d’idées et de dogmes. Pourvu que le disciple retienne fidèlement la profession de foi du maître et sache la répéter à propos, il a reçu la lumière: on n’a plus qu’à l’enrégimenter.

Mais en théorie, et lorsqu’il faut rendre raison de sa croyance, ce mode de prosélytisme est sujet à de graves inconvénients. Comme il est aussi impossible de rendre vraie une idée fausse par la juxtaposition-d’autres idées, que de faire croître des figues sur des ronces en excitant un débordement de la sève, tôt ou tard il arrive que le nouveau converti, apercevant les contradictions dont son esprit fourmille, ou cherche à s’accorder avec lui-même, ce qui le conduit au schisme: ou bien désespère de la vérité, ce qui l’entraîne dans le scepticisme. Ce malheur est déjà arrivé à plusieurs phalanstériens.

Quant à moi, j’ai toujours pensé que l’erreur ne couvrait ordinairement de vérité que le fait même qui lui avait donné naissance, et que, ce fait mis à part, l’erreur restait à jamais inconciliable avec la vérité. C’est pourquoi je déteste le panthéisme logique à l’égal du panthéisme religieux: car si ce dernier est la négation de la morale, l’autre est la négation de la raison. Mais il est des gens qui se croient profonds parce qu’ils ont le cerveau vide; d’autres s’imaginent avoir des idées larges parce que leur vue ne saisit aucune différence; beaucoup s attribuent une grande intelligence parce qu’ils se sentent le cœur chaud et l’âme enfiévrée: tous sont des panthéistes logiques aussi incapables de philosopher que de se connaître, aussi dépourvus de génie que de savoir.

3. — All parties opposed to Fourierism. — Why?

“In accusing Fourierism of being the friend neither of property nor of communism, does not the author resemble a doctor who, in a controversy regarding Catholic theology, reproaches his adversary for being neither atheist, neither mohammedan, nor fetishist? And then, what morality can there be in stirring up against a doctrine that one opposes all the opinions to which one is the most hostile oneself, opinions that one has condemned in advance? Well, sir! What do you care about the hostility of Fourierism to this or that other doctrine, etc.?” (Défense du fouriérisme.)

It is very important, on the contrary, to unveil the charlatanism of the sectarians who, intractable on their pretended dogmas, seek to attract proselytes by toying with all the whims of opinion. I did not reproach the Fourierists for not belonging to any party; I would rather congratulate them on it, if I had to congratulate them on something; I have only said that it was dishonorable of them to flatter alternately the court and the city, the Church and the workshop, while in secret they make fun of all opinions. How can we have faith in men who have accommodations for all systems, who say to the Saint-Simonians: You want free love, the cult of the flesh, the aristocracy of talent, and so do we: enter the phalanstery; — to the Republicans: You demand universal suffrage and the intervention of the people in the government, and so do we: enter the phalanstery; — to the royalists: You are for religion and legitimacy, you love pious traditions and long memories, and so do we: enter the phalanstery; — to the bourgeoisie: We guarantee family and property, trust us, come to the phalanstery; — to the Communists: Why so many disputes? You reject property, and we proscribe the exploitation of man by man; you defend equality, and we preach equivalence: we are co-religionists, your place is in phalanstery?

Besides, there is perhaps less absurdity in this way of reasoning than it seems, and I think that you sense it, Mr. Editor. You cry out to anyone who will listen: Saint-Simonians, Republicans, Jesuits, Carlists, egalitarians and proprietors, you are all imbeciles, who do not even understand your own thoughts. We alone possess what you will eternally seek in vain: the phalanstery embraces everything, explains everything, suffices for everything…

In common practice, and when it is only a question of hiring recruits, this dialectic can up to a certain point be supported, and even offer advantages: the converter having nothing to refute, no error to destroy, no prejudice to fight; all his work with regard to the neophyte consists of a simple superinfusion of ideas and dogmas. Provided that the disciple faithfully retains the master’s profession of faith and knows how to repeat it appropriately, he has received the light: all that remains is to enlist him.

But in theory, and when it is necessary to give reasons for one’s belief, this mode of proselytism is subject to serious drawbacks. As it is as impossible to make a false idea true by the juxtaposition of other ideas, as to make figs grow on brambles by exciting an overflow of sap, sooner or later it happens that the new convert, perceiving the contradictions with which his mind swarms, or seeks to agree with itself, which leads him to schism: or else despairs of the truth, which leads him into skepticism. This misfortune has already happened to several phalansterians.

As for me, I have always thought that error usually only covers with truth the very fact that gave rise to it, and that, this fact apart, error remains forever irreconcilable with truth. This is why I detest logical pantheism as much as religious pantheism: for if the latter is the negation of morality, the other is the negation of reason. But there are people who think they are profound because their brains are empty; others imagine themselves to have broad ideas because their eyesight does not grasp any difference; many attribute great intelligence to themselves because they feel their heart is warm and their soul feverish: all are logical pantheists, as incapable of philosophizing as they are of self-knowledge, as devoid of genius as they are of knowledge.

4. — D’un syllogisme de l’anonyme.

Sur le bruit que les fouriéristes allaient partir pour l’Amérique, je leur disais:

Restez en France, fouriéristes, si le progrès de l’humanité vous touche; il y a plus à faire ici qu’au Nouveau-Monde: sinon, parlez, vous n’êtes que des menteurs et des hypocrites.

A quoi l’anonyme répond:

« Quiconque se dévoue pour une idée prouve, par son dévouement même, qu’il a foi en cette idée.

« Or les fouriéristes, en s’expatriant pour aller fonder un phalanstère au Nouveau-Monde, donnent à l’idée sociétaire une preuve irrécusable de dévouement.

« Donc, les fouriéristes feraient preuve de conviction et de sincérité en allant en Amérique fonder un phalanstère.

« Vous voyez que le syllogisme peut être quelquefois utile pour mettre à nu la calomnie, »

Je regrette fort, monsieur le rédacteur, que votre grand dialecticien d’anonyme n’ait pas entrepris de réhabiliter le fameux syllogisme sur lequel, comme sur une indestructible base, vous aviez cru établir la propriété; c’eût été le meilleur moyen de me réconcilier avec la logique d’Aristote. Mais puisqu’il a trouvé plus commode de vous venger que de vous guérir, il en sera de son syllogisme comme du vôtre.

Qu’ai-je voulu dire dans cette apostrophe aux fouriéristes, jugée calomnieuse par l’anonyme? qu’un citoyen n’a pas le droit, dans son impatience d’utopiste et dans son dépit de sectaire, d’abandonner sa patrie au moment où elle peut avoir besoin de lui, sous prétexte que cette patrie ne veut point suivre ses conseils et adopter ses systèmes; en deux mots, que l’opinion de l’homme doit être subordonnée au devoir du citoyen, et que le dévouement à l’idée doit passer après le dévouement à la patrie.

Il s’agissait donc ici, non de prouver la sincérité des fouriéristes, mais de justifier leur conduite comme Français; et l’anonyme s’en vient faire un syllogisme duquel il résulte, quoi? que les fouriéristes sont de bonne foi dans leur opinionI… Tandis qu’il fallait prouver qu’ils étaient citoyens dévoués, dévoués, dis-je, jusqu’à l’abnégation de leur utopie et à l’ajournement de leurs espérances, ce qui serait le plus grand des dévouements. L’anonyme n’a donc rien fait de ce qu’il aurait dû faire; je dis de plus que son syllogisme implique des conséquences désastreuses, et que par conséquent il ne prouve absolument rien.

Toute la valeur du raisonnement porte sur la vérité de la mineure.

« L’exil volontaire, accepté en vue d’une idée, est une preuve irrécusable de dévouement à cette idée. »

Or vous sentez, monsieur le rédacteur, que cette proposition est Irop générale pour être vraie, et que du moment où il faut y apporter de la distinction, la force de l’argument s’évanouit. Pour que l’exil volontaire soit un acte de dévouement, il faut qu’il soit accompagné de sacrifice, que la patrie le permette, et que les droits des tiers intéressés soient réservés. Sans cela l’exil volontaire n’est plus qu’un acte de fanatisme ou de rébellion. Appellerai-je dévouement l’émigration de ces seigneurs, qui de 89 à 93, sous prétexte de fidélité à leur roi et à leurs nobles devises, abandonnèrent la France et ne revinrent qu’avec l’ennemi? Latour d’Auvergne, Lafayette et tant d’autres qui servirent la liberté, étaient donc moins dévoués que les Polignac, les Calonne, et les Rohan. Appellerai-je dévouement l’obéissance du missionnaire soumis à une puissance occulte et enchaîné par des vœux surhumains? Les jésuites, souverains du Paraguay, étaient donc plus dévoués que ces religieux libres qui se consacraient au rachat des esclaves. Appellerai-je dévouement les pérégrinations intéressées d’un chercheur de fortune ou d’un colporteur de constitution?… Non, non; le dévouement est un acte de vertu calme et réfléchie, étranger à toute passion, à toute intervention de l’amourpropre. Sous ces divers rapports on pouvait, ce semble, douter que la résolution des fouriéristes ne fût que de pur dévouement. Mais que dire, si le parti pris par eux d’aller en Amérique était un acte de haute imprudence, et compromettait non-seulement leur système, mais encore toutes les opinions réformistes? Quelques mots suffiront pour expliquer ma pensée, car j’ai hâte d’en finir avec cette sotte accusation de calomnie.

Soit que votre expédition socialiste réussît, monsieur le rédacteur, soit qu’elle ne réussît pas, l’événement ne prouvait rien, ni pour ni contre le système de Fourier.

Je dis que l’heureux établissement d’un phalanstère ne serait point une preuve de la vérité du système, parce que dans une institution politique ce n’est pas le commencement qu’il faut considérer, mais la fin. Les sociétés de Moïse, de Solon, de Lycurgue, de Rome et des Barbares ont eu leur période de prospérité et de progrès, et ces sociétés ont péri; le système de la propriété dure depuis six mille ans: pendant ce long intervalle, il a produit presque tous les biens dont nous jouissons, les sciences, les arts, l’industrie, la liberté même, et pourtant ce système est à la veille de s’éteindre. Or le philosophe placé au début de la civilisation aurait-il eu droit de prédire à ces beaux commencements un succès inaltérable et une éternelle durée? Non, sans doute: il fallait attendre que le temps eût développé toutes les conséquences des institutions, pour juger si elles ne renfermaient point quelques germes de corruption et de mort.

J’ajoute qu’un essai malheureux ne prouverait pas davantage contre la théorie de Fourier, car que de causes peuvent faire échouer les plus ingénieuses combinaisons! Et dans ce cas, quel triomphe pour les hommes de mauvais vouloir, quel péril pour la raison et la liberté! N’avez-vous pas entendu les conservateurs s’écrier, à la nouvelle qu’un phalanstère allait être fondé à Citeaux: Tant mieux! s’ils ne réussissent pas (et ils espèrent bien que vous ne réussirez pas), l’expérience sera faite, et l’on n’aura plus rien à dire. — Si vous ne réussissez pas, entendez-vous, monsieur le rédacteur? les communistes, les égalitaires, et tous ceux qui demandent l’organisation du travail et la création d’ateliers nationaux, n’auront plus rien à dire; si vous ne réussissez pas, tout ce monde d’idées que depuis quinze ans notre France élabore sera anéanti; notre éducation politique, si chèrement payée, sera nulle, et cette longue et douloureuse expérience perdue. Tant le génie infernal de nos vieux politiques saura étendre à son profit l’induction, et dans une seule tentative condamner toutes les espérances I

L’erreur de Fourier et de ses disciples est d’avoir voulu introduire la réforme dans le monde par un fait isolé, tandis qu’elle doit naître simultanément et partout des principes mêmes de la société: ils ont cru qu’un premier phalanstère établi, l’univers entier viendrait, comme une vaste cristallisation, se mouler sur le prototype. Erreur déplorable, mais naturelle dans un système où l’on conçoit la société plutôt comme une machine que comme un être vivant. La société ne se réforme qu’en croissant et en se développant toujours; et ce fait, le plus éclatant de l’histoire, est la condamnation de toutes les hypothèses qui procèdent par éversion de formes et substitutions de système.

4. — Of a syllogism of the anonym.

Upon hearing the rumor that the Fourierists were going to leave for America, I said to them:

Stay in France, Fourierists, if the progress of humanity affects you; there is more to do here than in the New World. If not, speak up, you are only liars and hypocrites.

To which the anonym responds:

“Anyone who devotes himself to an idea proves, by his very devotion, that he has faith in that idea.

“Now the Fourierists, by expatriating themselves to go and found a phalanstery in the New World, give the societary idea an irrefutable proof of devotion.

“Therefore, the Fourierists would show conviction and sincerity by going to America to found a phalanstery.

“You see that the syllogism can sometimes be useful in laying bare a calumny.”

I very much regret, Mr. Editor, that your great anonymous dialectician did not undertake to rehabilitate the famous syllogism on which, as if on an indestructible basis, you thought you had established property; that would have been the best way to reconcile me with Aristotle’s logic. But since he has found it more convenient to avenge you than to cure you, it will be with his syllogism as it has been with yours.

What did I mean in this apostrophe to the Fourierists, which was judged slanderous by the anonym? That a citizen does not have the right, in his utopian impatience and in his sectarian spite, to abandon his fatherland at the moment when it may need him, under the pretext that this fatherland does not want to follow his advice and adopt his systems; in short, that the opinion of the man must be subordinated to the duty of the citizen, and that devotion to the idea must come after devotion to the fatherland.

It was therefore a question here, not of proving the sincerity of the Fourierists, but of justifying their conduct as Frenchmen; and the anonym comes to make a syllogism from which results… What? That the Fourierists are in good faith in their opinion!… While it was necessary to prove that they were devoted citizens, devoted, I say, up to the abnegation of their utopia and the postponement of their hopes, which would be the greatest devotion. The anonym has therefore done none of what he should have done; I say further that his syllogism implies disastrous consequences, and that consequently he proves absolutely nothing.

The whole value of the reasoning rests on the truth of the minor premise.

“Voluntary exile, accepted in view of an idea, is an irrefutable proof of devotion to this idea.”

Now you sense, Mr. Editor, that this proposition is too general to be true, and that the moment it is necessary to bring distinction to it, the force of the argument vanishes. For voluntary exile to be an act of devotion, it must be accompanied by sacrifice, the country must allow it, and the rights of interested third parties must be reserved. Without this, voluntary exile is no more than an act of fanaticism or rebellion. Shall I call devotion the emigration of these lords, who from ’89 to ’93, under the pretext of fidelity to their king and their noble mottos, abandoned France and only returned with the enemy? Latour d’Auvergne, Lafayette, and so many others who served liberty, were therefore less devoted than the Polignacs, the Calonnes, and the Rohans. Shall I call devotion the obedience of the missionary subjected to an occult power and chained by superhuman vows? The Jesuits, sovereigns of Paraguay, were therefore more devoted than those free monks who devoted themselves to the redemption of slaves. Shall I call devotion the interested peregrinations of a seeker of fortune or a peddler of a constitution?… No, no; devotion is an act of calm and reflective virtue, foreign to all passion, to all intervention of self-love. In these various respects one could, it seems, doubt that the resolution of the Fourierists was anything but pure devotion. But what can we say if the decision taken by them to go to America was an act of great imprudence, and compromised not only their system, but also all reformist opinions? A few words will suffice to explain my thought, for I hasten to put an end to this stupid accusation of slander.

Whether your socialist expedition succeeded, sir, or whether it did not succeed, the event proved nothing, either for or against Fourier’s system.

I say that the happy establishment of a phalanstery would not be a proof of the truth of the system, because in a political institution it is not the beginning that must be considered, but the end. The societies of Moses, of Solon, of Lycurgus, of Rome, and of the Barbarians had their period of prosperity and progress, and these societies perished; the system of property has lasted for six thousand years: during this long interval it has produced almost all the goods we enjoy, the sciences, the arts, industry, even freedom, and yet this system is on the eve of dying off. Now would the philosopher placed at the beginning of civilization have had the right to predict an unalterable success and an eternal duration for these beautiful beginnings? No, no doubt: it was necessary to wait until time had developed all the consequences of the institutions,

I add that an unsuccessful trial would prove no more against Fourier’s theory, for how many causes can cause the most ingenious combinations to fail! And in this case, what a triumph for men of ill will, what a peril for reason and freedom! Didn’t you hear the conservatives exclaim, at the news that a phalanstery was going to be founded at Citeaux: So much the better! If they don’t succeed (and they really hope you won’t), the experiment will be over, and there will be nothing more to say. — If you don’t succeed, do you understand, Mr. Editor? the communists, the egalitarians, and all those who demand the organization of labor and the creation of national workshops, will have nothing more to say; if you don’t succeed, all this world of ideas that our France has been developing for fifteen years will be annihilated; our political education, so dearly paid for, will be nil, and this long and painful experiment doomed. So much will the infernal genius of our old politicians know how to extend induction to its own advantage, and in a single attempt condemn all hopes!

The error of Fourier and his disciples is to have wanted to introduce reform into the world by an isolated fact, while it must be born simultaneously and everywhere from the very principles of society: they believed that a first phalanstery established, the whole universe would come, like a vast crystallization, to mold itself on the prototype. A deplorable error, but a natural one in a system where society is seen more as a machine than as a living being. Society can only reform itself by always growing and developing; and this fact, the most striking in history, is the condemnation of all the hypotheses that proceed by the eversion of forms and substitutions of system.

5. — Sur l’émancipation de la femme. — Que l’opinion fouriériste peut sans crime être rejetée.

Après m’avoir accusé de calomnie, parce que je cherchais à détourner ses confrères d’une démarche, à mon avis imprudente, et qui, dans tous les cas, ne prouverait rien, l’anonyme ne dédaigne pas, dans l’intérêt de sa cause, de recourir à cet honnête moyen, en présentant quelques-unes de mes paroles sous le jour le plus odieux et le plus faux. Ainsi font les hommes de parti et les mauvais gouvernements: ne pouvant vaincre un adversaire, ils l’empoisonnent. Pour cela ils emploient les plus héroïques agents dont le génie de Machiavel ait donné la recette: l’acétate de corruption, et l’oxyde de calomnie. Si le premier ne réussit pas, rarement le second manque son effet. Le fer ne produit pas de plus violents efforts; l’arsenic, la morphine, Vaqua toffana, ne sont rien au prix. Je suppose que mon critique, en dénaturant à dessein ma pensée, a voulu seulement me faire une espièglerie: mais pour Dieu! qu’il cesse de jouer avec ces terribles armes, ou je serai forcé d’user à son égard du seul préservatif que nous ayons contre certains reptiles, dont on ne se défend qu’en l’écrasant sur sa morsure.

Dans une note, où je faisais allusion à certaines théories érotiques, aussi dégoûtantes que ridicules, je disais:

« La différence des sexes élève entre l’homme et la femme une séparation de même nature que celle que la différence des races met entre les animaux. Aussi, loin d’applaudir à ce que l’on appelle aujourd’hui émancipation de la femme, inclineraisje plutôt, s’il fallait en venir à cette extrémité, à mettre la femme en réclusion. »

Là-dessus l’anonyme s’écrie:

« Plaçons en face de cette monstruosité philosophique et sociale, qui ne permet aucun commentaire, la réflexion de Fourier: On peut juger de la civilisation d’un peuple par le degré d’influence dont jouissent les femmes. »

Il est certain que si l’égalité pouvait être convaincue du crime de lèse-galanterie, ce serait fait d’elle et de ses partisans. Mais, grâce à Dieu, l’accusation n’est pas sans réplique; et si dans mes attractions sexuelles (style phalanstérien) je ne suis pas tout à fait le même culte que l’anonyme, il ne faut pas en conclure que je méconnaisse la divinité de la plus belle moitié du genre humain. Inesse feminis aliquid divinum, dit Tacite.

Mais d’abord, qu’y a-t-il d’anti-philosophique à prétendre que dans l’échelle des êtres organisés, le sexe forme la première différence, le premier degré de classification; qu’ensuite et successivement viennent la variété, la race, l’espèce, le genre, l’ordre, etc.? D’où il suit que les rapports de fréquentation et d’amour entre l’homme et la femme, et généralement entre tout mâle et toute femelle, sont d’une nature particulière, distincts de ceux qui existent entre deux individus parfaitement homologues, et n’ont presque rien de commun avec ce que nous appelons amitié et fraternité. C’est mieux ou c’est moins, ce sera ce qu’on voudra; pour le moment, je me borne à soutenir que c’est autre chose. Voilà dans quel sens j’ai dit que l’homme et la femme n’allaient pas de compagnie, qu’entre eux il n’y avait pas véritablement société. Cela signifie que la femme, par nature et par destination, n’est ni associée, ni citoyenne, ni fonctionnaire publique; qu’elle forme avec l’homme, avec cet époux dont elle est le complément animique et physiologique, un tout en deux personnes, et, en retournant le mot de la Genèse, qu’elle et lui sont une seule âme en deux corps différents. Cette doctrine, dont les tendances sont diamétralement opposées à celles de la Vénus fouriériste, n’aura pas sans doute, monsieur le rédacteur, l’avantage de vous plaire; aussi je ne pousserai pas plus loin mes inductions. Ce n’est pas en quelques lignes, d’ailleurs, que se traitent de semblables sujets. Que diriez-vous, en effet, si j’allais affirmer, aussi gratuitement que vous affirmez vous-même la permutation des amours, la fécondité à volonté, le polytypage matrimonial et tant d’autres belles choses; si j’affirmais, dis-je, que la femme a été donnée à l’homme, que l’androgyne primitif a été divisé afin que le citoyen, au sein même de la société, pût vivre solitaire? Nos panthéistes, qui aiment comme ils raisonnent, à tort et à travers, sans discernement, ne me le pardonneraient pas.

Quant à ce que j’ai ajouté, que j’aimerais mieux voir la femme en réclusion qu’émancipée d’une certaine manière, le cas est bien plus délicat; mais il fallait être fouriériste endurci pour ne pas l’entendre. Plutôt prisonnière que courtisane! telle est mon opinion sur l’avenir de la femme, et ma réponse à toutes les théories d’amour libre. Je sais que vous autres phalanstériens regardez en singulière pitié cet exclusivisme conjugal; je sais même que Fourier, qu’on n’accuse pourtant pas d’avoir eu des goûts socratiques, a étendu fort au delà des barrières accoutumées les relations amoureuses, et que ses spéculations sur l’analogie l’avaient conduit à sanctifier jusqu’aux conjonctions unisexuelles; et si vous osez dire que je calomnie, je produirai des preuves et des témoignages. Je n’ignore pas enfin que sous l’influence de quelques idées communistes et saint-simoniennes, dont je suis loin d’accuser d’ailleurs tous les disciples de Saint-Simon et tous les partisans de la communauté, une vapeur de mauvais lieu s’est glissée dans la littérature et a commencé de monter à la tête des jeunes gens et des femmes. Quoi qu’il en soit, si le sentiment que je professe n’est plus aujourd’hui général, ce dont je ne puis répondre, ce sentiment est le mien; j’espère même que plus d’une femme m’en saura gré; car, malgré certain proverbe tombé de la bouche de l’Arétin, et en dépit d’illustres exemples, je ne crois pas que les femmes soient déjà toutes ce que toutes, au dire de ce proverbe, aspirent à devenir. Et si vous prétendez que je me trompe, monsieur le rédacteur, si vous continuez à ameuter contre moi le ban et l’arrière-ban de vos redoutables bayadères, je demande des juges; qu’on me traduise devant une cour d’amour; là, je déduirai mes raisons, et m’expliquerai juridiquement.

5. — On the emancipation of women. — That the Fourierist opinion can without crime be rejected.

After having accused me of slander, because I was trying to divert his colleagues from a step that was, in my opinion, imprudent, and which, in any case, would prove nothing, the anonymous person does not disdain, in the interest of his cause, to resort to this honest means, presenting some of my words in the most odious and false light. This is what party men and bad governments do: unable to defeat an adversary, they poison him. For that they employ the most heroic agents of which the genius of Machiavelli gave the recipe: the acetate of corruption, and the oxide of calumny. If the first does not succeed, the second rarely fails to have its effect. Iron does not produce the most violent efforts; arsenic, morphine, aqua toffana, are nothing at the price. I suppose that my critic, by deliberately distorting my thinking, only wanted to play a trick on me: but by God! Let him stop playing with these terrible weapons, or I will be forced to use the only preservative we have against certain reptiles, which you can only defend against by crushing them where they bite.

In a note, where I alluded to certain erotic theories, as disgusting as they are ridiculous, I said:

“The difference between the sexes raises between man and woman a separation of the same nature as that which the difference between species places between animals. Also, far from applauding what is today called the emancipation of women, I would rather incline, if it were necessary to come to this extremity, to put women in seclusion.”

Thereupon the anonym exclaims:

“Let us place opposite this philosophical and social monstrosity, which allows no comment, the reflection of Fourier: One can judge the civilization of a people by the degree of influence enjoyed by women.”

It is certain that if equality could be convicted of the crime of lèse-galanterie, it would be the end of it and of its partisans. But, thank God, the accusation is not without reply; and if in my sexual attractions (phalansterian style) I am not of quite the same cult as the anonym, it must not be concluded that I misunderstand the divinity of the most beautiful half of the human race. Inesse feminis aliquid divinum, says Tacitus.

But first, what is anti-philosophical in claiming that on the scale of organized beings, sex forms the first difference, the first degree of classification; that then and successively come variety, race, species, genus, order, etc.? From which it follows that the relations of frequentation and love between man and woman, and generally between any male and any female, are of a particular nature, distinct from those that exist between two perfectly homologous individuals, and have almost nothing in common with what we call friendship and brotherhood. It is better or it is less, as you please; for the moment, I confine myself to maintaining that it is something else. This is the sense in which I said that the man and the woman do not go in company, that between them there is no real society. This means that the woman, by nature and by destination, is neither a partner, nor a citizen, nor a public functionary; that she forms with man, with this spouse of whom she is the spiritual and physiological complement, a whole in two persons, and, by turning around the word of Genesis, that she and he are one soul in two different bodies. This doctrine, whose tendencies are diametrically opposed to those of the Fourierist Venus, will doubtless not, Mr. Editor, have the advantage of pleasing you; so I will not push my inductions any further. It is not in a few lines, moreover, that such subjects are treated. What would you say, indeed, if I were going to affirm, as gratuitously as you yourself affirm the permutation of loves, fertility at will, matrimonial polytyping and so many other beautiful things; if I affirmed, I say, that the woman was given to the man, that the primitive androgyne was divided so that the citizen, at the heart even of the company, could live solitary? Our pantheists, who love as they reason, wrongly and without discernment, would not forgive me for it.

As for what I added, that I would rather see the woman in seclusion than in some way emancipated, the case is much more delicate; but one had to be a hardened Fourierist not to hear it. Rather prisoner than courtesan! Such is my opinion on the future of woman, and my answer to all the theories of free love. I know that you phalansterians look with singular pity on this conjugal exclusivism; I even know that Fourier, who is however not accused of having had Socratic tastes, extended amorous relations well beyond the usual barriers and that his speculations on analogy had led him to sanctify even unisexual conjunctions; and if you dare to say that I slander, I will produce proofs and testimonies. Finally, I am aware that under the influence of some communist and Saint-Simonian ideas, of which I am far from accusing all the disciples of Saint-Simon and all the partisans of the community, a vapor from a bad place crept into literature and began to rise to the heads of young men and women. Be that as it may, if the feeling that I profess is no longer general today, which I cannot answer, this feeling is mine; I even hope that more than one woman will be grateful to me for it; for, despite a certain proverb that fell from the mouth of Aretino, and despite illustrious examples, I do not believe that women are already all that all, according to this proverb, aspire to become. And if you claim that I am wrong, sir, if you continue to stir up against me the ranks and rear ranks of your redoubtable bayadères, I ask for judges; let me be brought before a court of love; there, I will deduce my reasons, and explain myself legally. if you continue to stir up against me the ban and the back-ban of your redoubtable bayaderes, I demand judges; let me be brought before a court of love; there, I will deduce my reasons, and explain myself legally. if you continue to stir up against me the ban and the arrière-ban of your redoubtable bayaderes, I demand judges; let me be brought before a court of love; there, I will deduce my reasons, and explain myself legally.

6. — Reproche de variation. — Absurdité de ce reproche.

Le poëte Béranger a dit quelque part: Il y a bien du mal à penser d’un homme qui vaut moins que ses écrits. Or, s’il faut en croire certains critiques qui ne m’ont jamais vu, ce serait précisément ce qui m’arrive. D’une part on attaque la loyauté et la moralité de ma conduite; de l’autre on cherche à me rendre odieux, en me faisant passer pour un homme sans principes et sans conviction.

Ce qui rend ma situation encore plus fâcheuse est la défaveur qui s’attache à toute justification. Rien de plus insupportable qu’un auteur qui se défend: ces sortes d’apologies sont toujours des étalages de la vanité et des plaidoyers de l’amourpropre. Ne craignez rien, pourtant, monsieur le rédacteur; ma défense ne sortira pas de la question générale, et vous ne me connaîtrez pas mieux après m’avoir lu, qu’après les médisances de l’anonyme.

Parlant de ma lettre à M. Blanqui, mon critique s’exprime dans les termes suivants:

« Ce nouveau livre ne démentit son aîné ni sous le rapport du talent ni sous celui de la vigueur des déductions. Mais au point de vue pratique, il mitigeait singulièrement la sauvage fureur du premier… Nous ne savons quelle cause assigner à cette conduite. »

Ce débonnaire anonyme! ne dirait-on pas qu’il souffre de voir ma sauvage fureur un peu mitigée? Sans doute il eût préféré que je compromisse ma cause par une recrudescence de colère et d’invectives. En effet, si telle n’est pas sa pensée secrète, pourquoi cherche-t-il à répandre des nuages sur un revirement qui, dans son point de vue, devait me mériter ses éloges?

J’ai modifié le ton de ma polémique parce qu’il m’a semblé que je le devais. Vous le savez aussi bien que moi, monsieur le rédacteur; il faut traiter le diable selon ses ruses et métamorphoses. Si le malin fait mine d’agneau et patte de velours, il suffit, en guise, de corgée d’un ruban pour lui donner la chasse; mais s’il montre gueule de loup et queue de sanglier, comme M. Boucly dans ses réquisitoires, alors on saisit une fourche et on le tue. Or à présent que la question de la propriété est posée, qu’en dépit de toutes les fins de non-recevoir qu’on apporte le procès s’instruit, et que les riches, malgré leurs airs de matamores, commencent à craindre la grande expropriation, il me semble que c’est le moment de leur faire entendre la raison, et rien que la raison.

Certain journal communiste, à l’occasion de mon projet de pétition à Louis-Philippe, m’avait accusé déjà de modérantisme et presque de flagornerie envers le pouvoir. Et les égalitaires fervents m’avaient aussi témoigné leur mécontentement de ces paroles: J’ai accusé la propriété, je n’ai point calomnié les propriétaires, et de quelques autres où je distinguais entre les abus, et les hommes, plus souvent ignorants que malintentionnés, qui en profitent.

Triste condition d’un écrivain qui vise à la popularité, et qui en même temps veut être juste! Dernièrement M. Ledru-Rollin, se justifiant devant un jury de quelques déclamations inconsidérées, s’écriait avec l’énergie qui lui est ordinaire: Je hais les communistes! Remarquez ce mot; M. Ledru-Rollin ne dit pas: Je hais la communauté, séparant ainsi les hommes de leur opinion, selon le précepte de l’Évangile qui ordonne de haïr le péché et d’aimer le pécheur; M. Ledru-Rollin dit brutalement: Je hais les communistes. N’importe: M. Ledru-Rollin montre une véhémence extraordinaire, ce qui plaît d’abord à la multitude, plus soumise aux passions qu’à la raison; puis il dit au pouvoir de ces gros mots qui réjouissent le cœur des citoyens, et que le public aime toujours à entendre: M. Ledru-Rollin est adoré, et sera porté en triomphe. Et moi, pour avoir modestement écrit: La propriété, c’est le vol; mais les propriétaires peuvent être d’honnêtes gens, je suis Suspect! Le peuple est capricieux comme une femme: il n’y a qu’heur et malheur pour ses amants.

Mais que sont les oscillations de ma conduite auprès des vicissitudes de ma pensée? Ne suis-je pas, au dire de l’anonyme, un renégat de tous les systèmes passés, présents et même futurs, un sophiste sans consistance, indigne d’attirer un seul moment l’attention du public?

Permettez-moi, monsieur le rédacteur, de rappeler ici pour toute réponse la suite de mes publications: ce sera faire le résumé de tout ce qui a été dit jusqu’à ce jour sur la propriété, et fixer l’état actuel de la question.

Dans un premier discours publié en 1839, j’ai présenté le principe de l’inégalité des conditions dans ce qu’il a d’original et de spontané; j’ai montré que dans l’ordre des idées sociales ce principe était la première inspiration de la nature et la première pensée du philosophe; puis, et comme preuve historique de cette proposition, j’ai rappelé le système politico-religieux du plus ancien et du plus célèbre législateur de l’antiquité.

Mais en reprenant la thèse de l’égalité des conditions telle que l’avaient exposée les philosophes anciens et modernes, Platon et Rousseau, je veux dire en la présentant comme idée instinctive, non comme vérité scientifique, je ne faisais que ramener une vieille utopie, qui laissait subsister toutes les objections. L’égalité des conditions est impossible, disait-on; les lois de l’économie’politique, la variété des capacités et des tempéraments s’y opposent; d’autre part, la propriété est attestée par la psychologie, la jurisprudence et l’histoire.

Alors parut mon premier mémoire, dans lequel je démontrai précisément les proposition contraires: que la propriété détruit la justice; qu’elle est une perturbation de l’économie politique; que l’inégalité des conditions n’a pas pour cause l’inégalité de nature, etc.

Ici se présentait une objection. — Tous vos raisonnements sont justes, me disait-on, toute la partie négative de votre dialectique est vraie; mais les faits sont là qui nous commandent et vous démentent; l’histoire contredit la métaphysique; la pratique de tous les temps et de tous les lieux est en opposition avec la théorie.

Aussitôt je prouvai, dans une revue rapide de l’histoire, que le mouvement social et le progrès des sciences, loin de tendre à l’affermissement de la propriété, tendaient au contraire à sa destruction. Ce fut le sujet de ce second mémoire, auquel personne n’a reproché de modification dans la doctrine, mais dont la forme plus calme a scandalisé deux espèces d’hommes: les égalitaires exagérés, qui croient la liberté compromise si l’on ne guillotine la moitié ou les trois quarts des monopoleurs, et les théoriciens du privilége, qui s’effrayent beaucoup moins de la violence que du raisonnement. Mais pour tout lecteur impartial il était évident que la propriété faiblissait, et que dès lors il n’y avait plus à la poursuivre, mais à l’éclairer.

A présent que l’inspiration de la nature ou la raison spontanée, l’économie politique, le droit et l’histoire s’accordent pour condamner la propriété, que reproche-t-on encore à la théorie de l’égalité absolue? d’être hors de la société constituée et des faits accomplis, de briser la chaîne des traditious, de n’avoir ni organisation ni système.

Eh bien! monsieur le rédacteur, j’espère montrer bientôt (et sois-je confondu par tous les apostats de France, si je manque à ma parole!) que l’égalité des biens est aujourd’hui dans les institutions et dans les faits; que pour apparaître dans sa plénitude elle n’attend plus que le développement, opéré avec choix et intelligence, des principes existants; que l’état inconnu vers lequel nous nous sentons emporter avec une force irrésistible est précisément cette organisation égalitaire que l’on affecte de méconnaître, et que déjà il est possible d’en donner la description.

Était-ce donc varier dans mes pensées que de dire, il y a quinze mois: L’égalité des conditions n’est pas seulement une idée instinctive, un sentiment de l’autre monde; c’est aussi une vérité d’économie politique et d’histoire?

Est-ce varier maintenant que d’ajouter: L’égalité des conditions n’est pas seulement une exigence de la théorie, un résultat forcé du mouvement providentiel; c’est encore un fait de pratique gouvernementale?

Sera-ce varier enfin et trahir ma cause que de conclure: Pour achever la réforme, pour obéir aux lois de la raison, de l’économie politique et de l’histoire, pour subvenir aux nécessités administratives et industrielles, il faut traverser normalement ce qui nous reste à parcourir de propriété et d’absolutisme, de corruption et de misère; il faut que la théorie de l’égalité soit officiellement reconnue, que le gouvernement entre dans la réforme et la nation dans le gouvernement; il faut, au lieu d’une phalange d’essai et d’atelier modèle, donner à tout l’organisme social un surcroît de vie et de vigueur?

Voilà, monsieur le rédacteur, quelles variations d’opinion et de conduite j’ai à me reprocher; elles sont consignées dans les quatre publications, celle-ci comprise, qui ont paru sous mon nom, et je défie la calomnie même d’y trouver autre chose.

Montrez-moi une pareille suite dans tout Fourier, et comptez que mon témoignage ne lui manquera pas.

Pourquoi donc faut-il que j’aie à relever la mauvaise foi, ou si vous aimez mieux, l’étrange bévue de l’anonyme, qui, abusant d’un passage assez clair pourtant de mon deuxième mémoire, transforme ce que j’ai dit de la variété de mes études en un aveu effronté de la variation de mes sentiments? Ignore-t-il que pour juger à fond d’un système, il faut en quelque façon y croire, parce que l’on ne conçoit bien que ce que l’on étudie avec passion; que celui-là sait le mieux en philosophie, qui s’est fait le plus de ces croyances artificielles, et que varier de la sorte, ce n’est pas faire preuve de légèreté, mais de persévérance?

On a vu des médecins s’inoculer la peste, des chimistes prendre des poisons, goûter des excréments, respirer des vapeurs mortelles: et, bien loin de leur reprocher la dépravation de leurs goûts, on a loué leur zèle pour la science et leur dévouement au bien public. Et vous n’auriez que des outrages pour celui qui, dans une vue d’instruction générale, se plonge dans les immondices de la philosophie; vous feriez à l’idéologue un crime des inexprimables tortures dont il afflige sa pensée, et pour prix de ses désolantes expériences, vous insulteriez à la loyauté et à la pureté de ses sentiments!

Il faut apprendre à cet anonyme, qui ne paraît pas se douter encore qu’un philosophe expérimente sur des idées comme un physicien sur des corps, ce que c’est que changer d’opinion.

Sans doute il ne se cache aujourd’hui que par égard pour des antécédents qui le gênent, parce que des croyances, hautement professées d’abord, et depuis affaiblies; une conviction qui a fait éclat, et maintenant ébranlée; une position sociale en contradiction avec sa foi nouvelle, ne lui permettent pas d’avouer publiquement ce qu’il est devenu (1). Il est aisé, sous lé masque de l’anonyme, de censurer l’instabilité des opinions humaines, et d’accuser la fragilité de ses semblables. Pour moi, je ne crains pas que l’on recherche ma vie: je n’ai fait avant ma première publication aucune profession de foi solennelle, et suis demeuré libre de tout engagement. Mais que mon adversaire se découvre, s’il l’ose; qu’il dise son nom, sa profession, sa vie; et je lui réponds aussitôt: Vous êtes un apostat.

6. — Reproach of variation. — Absurdity of this reproach.

The poet Béranger said somewhere: It is hard to think of a man who is worth less than his writings. However, if we are to believe some critics who have never seen me, this would be precisely what happens to me. On the one hand they attack the loyalty and morality of my conduct; on the other, they try to make me odious, by making me pass for a man without principles and without conviction.

What makes my situation even worse is the lack of favor that attaches to any justification. Nothing is more intolerable than an author who defends himself: these sorts of apologies are always displays of vanity and pleas of self-esteem. Have no fear, however, Mr. Editor; my defense will not come out of the general question, and you will not know me better after having read me than after the gossip of the anonymous.

Speaking of my letter to M. Blanqui, my critic expresses himself in the following terms:

“This new book belies its elder neither in terms of talent nor in terms of the vigor of the deductions. But from a practical point of view, it singularly mitigated the savage fury of the first… We do not know what cause to assign to this conduct.”

This good-natured anonym! Wouldn’t one say that he suffers from seeing my savage fury somewhat mitigated? No doubt he would have preferred that I compromise my cause by an upsurge of anger and invective. Indeed, if such is not his secret thought, why is he trying to cast clouds over a reversal that, in his view, was to earn me his praise?

I changed the tone of my polemic because I felt I had to. You know it as well as I, Mr Editor; the devil must be treated according to his tricks and metamorphoses. If the evil one pretends to be a lamb with a velvet paw, then a ribbon is sufficient, by way of a whip to chase him away; but if he shows a wolf’s mouth and a boar’s tail, like Mr. Boucly in his indictments, then we grab a pitchfork and kill him. But now that the question of property has been raised, now that, despite all the pleas of inadmissibility that are brought forward, the trial is being heard, and now that the rich, despite their braggadocio airs, are beginning to fear the great expropriation, it seems to me that now is the time to make them listen to reason, and nothing but reason.

A certain communist newspaper, on the occasion of my draft petition to Louis-Philippe, had already accused me of moderation and almost of sycophancy towards power. And the fervent egalitarians had also shown me their dissatisfaction with these words: I have accused property, I have not calumniated the owners, and of some others where I distinguished between the abuses and the men, more often ignorant than malicious, who take advantage of it.

Sad condition for a writer who aims for popularity, and who at the same time wants to be fair! Lately M. Ledru-Rollin, justifying himself before a jury with a few inconsiderate declamations, exclaimed with the energy which is usual for him: I hate the Communists! Notice that word; M. Ledru-Rollin does not say: I hate community, thus separating men from their opinion, according to the precept of the Gospel which commands to hate sin and to love the sinner; M. Ledru-Rollin said bluntly: I hate the Communists. No matter: M. Ledru-Rollin shows an extraordinary vehemence, which first pleases the multitude, more subject to the passions than to reason; then he said to power those swear words that delight the hearts of the citizens, and which the public always loves to hear: M. Ledru-Rollin is adored, and will be carried in triumph. And me, for having modestly written: Property is theft; but the owners can be honest people, I’m Suspect! The people are capricious like a woman: there is only luck and misfortune for her lovers.

But what are the oscillations of my conduct compared to the vicissitudes of my thought? Am I not, according to the anonym, a renegade from all past, present and even future systems, an insubstantial sophist, unworthy of attracting public attention for a single moment?

Allow me, Mr. Editor, to recall here for my whole response the rest of my publications: this will be a summary of all that has been said to date on property, and fix the current state of the question.

In a first speech published in 1839, I presented the principle of the inequality of conditions in what is original and spontaneous about it; I have shown that in the order of social ideas this principle was the first inspiration of nature and the first thought of the philosopher; then, and as historical proof of this proposition, I recalled the politico-religious system of the oldest and most famous legislator of antiquity.

But by taking up the thesis of the equality of conditions as the ancient and modern philosophers, Plato and Rousseau, had exposed it, I mean by presenting it as an instinctive idea, not as a scientific truth, I was only bringing back an old utopia, which allowed all objections to remain. Equality of conditions is impossible, it was said; the laws of political economy, the variety of capacities and temperaments oppose it; on the other hand, property is attested by psychology, jurisprudence and history.

Then appeared my first memoir, in which I demonstrated precisely the contrary propositions: that property destroys justice; that it is a disturbance of political economy; that inequality of conditions is not caused by the inequality of nature, etc.

Here an objection presented itself. — All your reasonings are correct, I was told, all the negative part of your dialectic is true; but the facts are there that command us and give the lie to you; history contradicts metaphysics; the practice of all times and all places is in opposition to theory.

I immediately proved, in a rapid review of history, that the social movement and the progress of science, far from tending to the consolidation of property, tended on the contrary to its destruction. This was the subject of that second memoir, which no one has reproached for modifying the doctrine, but whose calmer form has scandalized two species of men: the exaggerated egalitarians, who believe that freedom is compromised if one does not guillotine half or three-quarters of the monopolists, and the theoreticians of privilege, who are much less afraid of violence than of reason. But for any impartial reader it was obvious that property was weakening, and that henceforth there was no longer any need to pursue it, but to enlighten it.

Now that the inspiration of nature or spontaneous reason, political economy, law, and history agree in condemning property, what is still reproached in the theory of absolute equality? To be outside the constituted society and accomplished facts, to break the chain of traditions, to have neither organization nor system.

Well! Mr. Editor, I hope to show soon (and may I be confounded by all the apostates of France, if I break my word!) that the equality of goods is today in the institutions and in the facts; that to appear in its fullness it only awaits the development, achieved with choice and intelligence, of existing principles; that the unknown state towards which we feel carried with an irresistible force is precisely this egalitarian organization that we pretend to misunderstand, and which it is already possible to describe.

Was it therefore different in my thoughts to say, fifteen months ago: Equality of conditions is not only an instinctive idea, a sentiment from the other world; is it also a truth of political economy and history?

Is it varying now to add: Equality of conditions is not only a requirement of theory, a forced result of the providential movement; is this also a fact of governmental practice?

Will, finally, it be to vary and betray my cause to conclude: To complete the reform, to obey the laws of reason, of political economy and of history, to provide for administrative and industrial necessities, it is necessary to pass normally through what remains for us to cover of property and absolutism, corruption and misery; the theory of equality must be officially recognized, the government must enter into reform and the nation into government; it is necessary, instead of a test phalanx and model workshop, to give to the whole social organism an increase in life and vigor?

Behold, Mr. Editor, what variations of opinion and conduct I have to reproach myself with; they are recorded in the four publications, this one included, that have appeared under my name, and I defy even calumny to find anything else in them.

Show me such a sequence throughout Fourier, and trust that my testimony will not fail him.

Why then do I have to point out the bad faith, or if you like better, the strange blunder of the anonym who, abusing a fairly clear passage from my second memoir, transforms what I said of the variety of my studies into a cheeky admission of the variation of my feelings? Is he ignorant that to judge thoroughly of a system, one must in some way believe in it, because one only conceives well what one studies with passion; that he knows the best in philosophy, who has made the most of these artificial beliefs, and that to vary in this way is not to show proof of levity, but of perseverance?

We have seen doctors inoculate themselves with the plague, chemists take poisons, taste excrement, breathe deadly vapours and, far from reproaching them for the depravity of their tastes, we have praised their zeal for science and their devotion to the public good. And you would have nothing but outrage for him who, with a view to general instruction, immerses himself in the filth of philosophy; you would make the ideologue a criminal by the inexpressible tortures with which he afflicts his thought, and as the price of his desolating experiences, you would insult the loyalty and the purity of his feelings!

It is necessary to teach this anonym, who does not yet seem to suspect that a philosopher experiments on ideas like a physicist on bodies, what it is to change one’s opinion.

No doubt he only hides himself today out of regard for antecedents that bother him, because of beliefs, loudly professed at first, and since weakened; a conviction that has been shattered, and now shaken; a social position in contradiction with his new faith does not allow him to confess publicly what he has become. [1] It is easy, under the mask of the anonym, to censure the instability of human opinions and to accuse the fragility of his fellows. For my part, I am not afraid that my life will be sought after: I made no solemn profession of faith before my first publication, and I remained free of any commitment. But let my adversary reveal himself, if he dares; let him tell his name, his profession, his life; and I answer him immediately: You are an apostate.

Mais que dis-je? ma cause est celle de l’humanité: n’allons pas la rabaisser aux mesquines proportions de l’intérêt personnel. Que sont ces législations, ces cultes, ces philosophies, ces schismes, ces rivalités nationales et ces guerres, sinon la série des expériences que la raison générale devait accomplir sur elle-même pour s’élever à la connaissance du vrai? Que sont nos prétendues sciences morales, politiques et religieuses, sinon l’inventaire de nos aberrations et de nos folies? Il faut qu’il y ait des systèmes, a dit l’Apôtre, oportet hœreses esse, afin que l’homme pénètre les voies de Dieu et les secrets de la nature. Mais on a vu de tout temps des sophisles sans cœur et sans génie se faire des épreuves de l’humanité un sujet de dérision et de calomnie, blasphémer ce qu’ils ne pouvaient entendre, semer le découragement et le doute: esprits lâches et pervers, qui ont fait à eux seuls plus de mal aux nations que tous les imposteurs et les tyrans.

On dirait aujourd’hui que le peuple se recueille et récapitule ses croyances. Les observations ont été nombreuses, les essais multipliés; les malheurs de notre espèce ont epuisé la boite de Pandore: un vaste travail de comparaison et de synthèse commence. Tous les anciens systèmes, rendus pour un moment à la vie, ont leurs représentants: monothéistes, dualistes, panthéistes, matérialistes et mystiques, communistes, propriétaires, aristocrates et republicains, acteurs d’un drame immense, se sont donné rendez-vous dans notre siècle pour le dénoûment. Des théories politiques et religieuses de toute nation, de tout âge et de toute langue repassent en ce moment au creuset de la raison générale; et ce qu’un seul homme entreprendrait en vain, le génie du peuple, l’intelligence colleetive sous nos yeux l’accomplit. Laissez faire ces ouvriers qui n’ont lu ni la Bible, ni Platon, ni Lucrèce, qui ne connaissent Aristote ni Machiavel, mais qui jugent tous les jours et sans appel la sagesse des philosophes et la justice des souverains; laissez-les débattre ces doctrines de communauté, d’égalité, de propriété, d’autorité religieuse et de raison pure, dont la profondeur et la variété vous étonnent; occupez-vous seulement de fournir à cet infatigable tribunal des matériaux et des pièces de conviction, et soyez sans inquiétude sur l’arrêt. Car, comme l’Arbitre suprême embrasse d’une parole toute la vérité, ainsi se formule la foi du genre humain. Dieu qui sonde les reins et les cœurs s’est réservé la connaissance du mérite et du démérite: il a livré au peuple le jugement des opinions. Et qui donc fit autrefois le christianisme de la comparaison des cultes, des lois, des philosophies, si ce n’est le peuple? Pareillement ce sera le peuple qui de tous ces systèmes qui vous scandalisent composera l’égalité.

Mais les sophistes, alliés naturels des exploiteurs et des despotes, s’inscrivent en faux contre les prétentions du peuple; ils opposent à ses droits les passions égoïstes, accusent sa justice de corruption et sa raison d’incompétence. Écoutez ces avocats de mensonge défendre la morale, la religion, la famille, l’ordre public, comme s’ils croyaient en Dieu et se souciaient de religion; comme si, célibataires libertins pour la plupart, ils avaient des mœurs à sauvegarder et une famille à défendre; comme si, ne vivant que d’abus, ils cherchaient sincèrement l’ordre et la liberté!

— « Le peuple, disent-ils, est pauvre: qu’il s’en.prenne à sa paresse et à ses vices, s’il travaillait plus et se conduisait mieux, il ne manquerait de rien.

« Les filles du peuple sont corrompues: la faute en est à leur vanité; ahl nous ne faisons pas violence à leur vertu.

« Mais le peuple est dépravé dans son cœur et dans sa raison: il ne connaît plus ni religion ni morale; le respect de la justice et de l’autorité s’est éteint dans son âme: avide de jouissances, indiscipliné, voleur et vaurien, il ne lui manquait plus que de se faire un jeu de la révolte et du régicide. » Se voir outragé par ces moralistes crapuleux et faussaires! il serait moins odieux d’être souillé par tous les chiens d’une capitale. Est-ce donc que M. Thiers est un Caton et M. Soult un Fabricius? M. Cousin croit-il à la pudeur, et tel autre que je pourrais nommer au désintéressement? Y a-t-il rien de commun entre M. Guizot et ce Spartiate qui se félicitait que le gouvernement n’eût pas besoin de lui? nos magistrats sont-ils tous des L’Hôpital, nos généraux des Bayard, nos journalistes et nos gens de lettres d’honnêtes citoyens vivant de peu? Cette canaille parle de religion; mais

Je ne remarque point qu’ils hantent les églises.

Depuis vingt-cinq ans tout a été par eux mis en œuvre pour corrompre le peuple: histoire, philosophie, romans, pamphlets, gravures, spectacle. La débauche et l’impiété ont eu leurs apôtres, émissaires salariés du vieux libéralisme: et quand le peuple, honteux de tant d’infamie, à peine atteint dans quelques-uns de ses membres par cette boue civilisée, se lève et redemande ses droits, ses mœurs, son Dieu, ils insultent à ses malheurs et le couvrent de leur turpitude. La tribune, la chaire, le barreau, la presse, tout retentit de déclamations contre les sectes atroces, les doctrines parricides, les écrits incendiaires, qui égarent le peuple et menacent la société d’un baptême de sang et de feu.

Il y a longtemps qu’un poëte populaire, dans une situation semblable à la nôtre, s’écriait:

Quel remède opposer à tes coups, langue menteuse?

Tu es plus aiguë que la flèche du guerrier, plus brûlante que les charbons du sacrifice.

Hélas! hélas! que ma servitude est longue! combien de temps mon âme désolée vivra-t-elle encore parmi ses calomniateurs?

Si je demande la paix, Us me menacent; si je veux me justifier, ils me frappent.

— Les pécheurs, disait un autre du même temps (il entendait par Pécheurs les usuriers, traitants, monopoleurs, accapareurs, cumulards, sinécuristes, sophistes à gages, toute la bande des propriétaires), les pécheurs frappent sur le dos du peuple comme sur l’enclume…

Mais ne désespérons pas. Quelque chose me dit que le jour du jugement, le grand jour de la manifestation des consciences approche. Tenons-nous prêts: ne nous laissons point ébranler par ces lâches hypocrisies qui semblent défier la patience même du peuple; et cherchons dans les exemples du passé ce que prépare l’avenir.

Marat périt assassiné: la Convention, qui le méprise, assiste en corps à ses funérailles; de jeunes filles vêtues de blanc entourent le cercueil, et jettent sur le cadavre les fleurs et les parfums; le nom de Dieu est invoqué par des bouches athées sur la tombe de Marat. Deux ans après les gamins de Paris traînent aux gémonies, dans une procession ridicule, l’idole sans culotte.

Les jours de Robespierre sont menacés: les jacobins fanatiques annoncent à la France que l’être suprême a veillé sur les jours de son vertueux pontife; des hécatombes humaines sont offertes en actions de grâces. Quelques semaines s’écoulent, et l’échafaud sert de piédestal au messie de dom Gerle et de Catherine Théo.

Les thermidoriens corrompus et leurs lâches successeurs mettent à l’ordre du jour la haine des rois et la fidélité à la République; tous les ans on célèbre par des pompes indécentes et dignes de peuples sauvages, la mort du dernier monarque. Quinze ans de despotisme font expier à la nation les comédies tyrannicides du Directoire.

Le général Mallet et ses conjurés sont envoyés au supplice: les poètes chantent l’éternité de la dynastie impériale ; un philosophe s’écrie: Dieu au ciel, et Napoléon sur la terre. Et pendant cinq ans l’oint du Seigneur a subi le châtiment de Prométhée.

Un Bourbon tombe sous le poignard de Louvel; mais un fils, Vieudonné, présent d’un archange, lui survit dans le sein maternel. Tous les dévots du temps saluent en cet enfant le flambeau rallumé de Louis XIV et de Henri IV: et depuis douze ans la terre étrangère nourrit cet auguste rejeton.

Cinq fois l’on a vu Louis-Philippe échapper au feu des régicides; cinq fois le gouvernement et ses rhéteurs ont parlé d’une Providence à laquelle ils ne croient pas: attendons ce que cette Providence décidera.

(1) D’après les renseignements qui me sont parvenus, l’auteur de la Défense du fouriérisme est prêtre.

But what am I saying? my cause is that of humanity: let’s not reduce it to the petty proportions of personal interest. What are these legislations, these cults, these philosophies, these schisms, these national rivalries and these wars, if not the series of experiments that the general reason had to perform on itself in order to rise to the knowledge of truth? What are our so-called moral, political and religious sciences, if not the inventory of our aberrations and our follies? There must be systems, said the Apostle, oportet hœreses esse, so that man may penetrate the ways of God and the secrets of nature. But we have always seen sophistry without heart and without genius making the trials of humanity a subject of derision and calumny, blaspheming what they could not understand, sowing discouragement and doubt: cowardly and perverse spirits, who alone have done more harm to the nations than all the impostors and tyrants.

It seems today that the people are gathering up and going over their beliefs. The observations have been numerous, the trials multiplied; the misfortunes of our species have exhausted Pandora’s box: a vast work of comparison and synthesis begins. All the old systems, brought back to life for a moment, have their representatives: monotheists, dualists, pantheists, materialists and mystics, communists, proprietors, aristocrats and republicans, actors in an immense drama, have come together in our century for the denoument. Political and religious theories of all nations, of all ages and of all languages are at this moment returning to the crucible of general reason; and what a single man would undertake in vain, the genius of the people, the collective intelligence accomplishes before our very eyes. Leave these workers alone, who have read neither the Bible, nor Plato, nor Lucretius, who know neither Aristotle nor Machiavelli, but who judge every day and without appeal the wisdom of philosophers and the justice of sovereigns; let them debate those doctrines of community, equality, property, religious authority, and pure reason, the depth and variety of which astonish you; concern yourself only with supplying this indefatigable tribunal with materials and exhibits, and be without anxiety about the judgment. For, as the Supreme Arbiter embraces all truth with a word, so is the faith of the human race formulated. God, who searches minds and hearts, has reserved to himself the knowledge of merit and demerit: he has handed over to the people the judgment of opinions. And who in the past made Christianity out of the comparison of cults, laws, philosophies, if not the people? Similarly it will be the people who will arrange the equality of all these systems that scandalize you.

But the sophists, natural allies of the exploiters and despots, take issue with the pretensions of the people; they oppose selfish passions to its rights, accuse its justice of corruption and its reason of incompetence. Listen to these lying lawyers defend morals, religion, family, public order, as if they believed in God and cared about religion; as if, mostly celibate libertines, they had morals to safeguard and a family to defend; as if, living only on abuse, they sincerely sought order and freedom!

— “The people,” they say, “are poor: let them blame themselves for their laziness and their vices. If they worked more and behaved better, they would want for nothing.

“The daughters of the people are corrupt: the fault lies in their vanity. Ahl We do no violence to their virtue.

“But the people are depraved in their hearts and in their reason: they no longer know either religion or morals; respect for justice and authority was extinguished in their souls: greedy for enjoyment, undisciplined, thieves and rascals, all they needed was to make a game of revolt and regicide.” To see oneself outraged by these villainous and false moralists! it would be less odious to be defiled by all the dogs of a capital. So is M. Thiers a Cato and M. Soult a Fabricius? Does M. Cousin believe in modesty, and any other I could name in disinterestedness? Is there anything in common between M. Guizot and that Spartan who congratulated himself that the government had no need of him? Are our magistrates all L’Hôpitals, our generals Bayards, our journalists and our men of letters, honest citizens living on little? This scoundrel talks about religion; but

I do not notice that they haunt the churches.

For twenty-five years everything has been done by them to corrupt the people: history, philosophy, novels, pamphlets, engravings, spectacle. Debauchery and impiety have had their apostles, salaried emissaries of the old liberalism: and when the people, ashamed of so much infamy, barely affected in a few of their limbs by this civilized muck, rise up and demand their rights, their mores, their God, they insult their misfortunes and cover them with their turpitude. The tribune, the pulpit, the bar, the press, everything resounds with declamations against the atrocious sects, the parricidal doctrines, the incendiary writings, that mislead the people and threaten society with a baptism of blood and fire.

A popular poet long ago, in a situation similar to ours, exclaimed:

What remedy to oppose your blows, lying tongue?

You are sharper than the warrior’s arrow, hotter than the coals of sacrifice.

Alas! Alas! how long my servitude is! how long will my desolate soul still live among her slanderers?

If I ask for peace, they threaten me; if I want to justify myself, they hit me.

— The sinners, said another at the same time (by sinners he meant usurers, traders, monopolists, hoarders, hoarders, sinecurists, hired sophists, the whole gang of landlords), the sinners strike the backs of the people as they would an anvil…

But let’s not despair. Something tells me that the day of judgment, the great day of the manifestation of consciences is approaching. Let us be ready: let us not be shaken by these cowardly hypocrisies that seem to defy the patience of the people; and let us seek in the examples of the past what prepares the future.

Marat perishes assassinated: the Convention, which despises him, attends his funeral in a body; young girls dressed in white surround the coffin, and throw flowers and perfumes over the corpse; the name of God is invoked by atheist mouths at the tomb of Marat. Two years later the urchins of Paris drag to the pillory, in a ridiculous procession, the sans-culotte idol.

The days of Robespierre are threatened: the fanatical Jacobins announce to France that the supreme being has watched over the days of his virtuous pontiff; human hecatombs are offered in thanksgiving. A few weeks go by, and the scaffold serves as a pedestal for the messiah of Dom Gerle and Catherine Théo.

The corrupt Thermidorians and their cowardly successors put hatred of kings and loyalty to the Republic on the agenda; every year the death of the last monarch is celebrated in indecent pomp worthy of savage peoples. Fifteen years of despotism make the nation atone for the tyrannical comedies of the Directory.

General Mallet and his conspirators are sent to execution: the poets sing the eternity of the imperial dynasty; a philosopher exclaims: God in heaven, and Napoleon on earth. And for five years the Lord’s anointed suffered the chastisement of Prometheus.

A Bourbon falls under the dagger of Louvel; but a son, Vieudonné, the present of an archangel, survived him in the maternal womb. All the devout souls of the time salute in this child the rekindled torch of Louis XIV and Henri IV: and for twelve years the foreign land has nourished this august offspring.

Five times we have seen Louis-Philippe escape the fire of the regicides; five times the government and its rhetoricians have spoken of a Providence in which they do not believe: let us wait for what this Providence will decide.

Note:

[1] According to the information that has reached me, the author of the Défense du fouriérisme is a priest.

7. — Reproche d’excitation à la haine et au mépris de l’opinion prétendue républicaine- — Réponse.

« Puis, se retournant contre ses propres amis, contre les divers représentants du parti radical, il les traitai), hommes et journaux, avec non moins d’hostilité et de courroux que les combattants du camp ennemi. Nous ne savons quelle impression doit produire cette conduite sur les admirateurs de l’écrivain. »

Mais pourquoi donc, monsieur le rédacteur, vous autres fouriéristes, vous mêlez-vous toujours des querelles de ménage? Que vous importe les démêlés des radicaux? Laissez-les s’accorder entre eux ou se gourmer, et passez votre chemin. Ne savez-vous pas qu’entre le marteau et l’enclume il ne faut pas mettre le doigt?

Mais il faut me défendre et répondre.

Cette accusation, comme toutes les accusations du monde, contient du faux et du vrai: contre le faux, je proteste; quant au vrai, je m’en glorifie.

1° Je n’ai, que je sache, dans le parti radical et dans la presse ni admirateurs ni amis, j’avoue même que je ne m’en soucie guère. Non que je dédaigne l’admiration et l’amour de qui que ce soit; mais je trouve que le public et la vérité profitent peu à toutes ces amitiés de la presse, à toutes ces admi* rations de parti. Entre écrivains et journalistes, de même qu’entre chaque parti et ses hommes, il y a contrat d’assurance mutuelle pour le débit des ouvrages, l’entreprise des réputations, et ce qui vaut mieux, pour l’exploitation du public. Quant à moi, je le répète, je n’ai point d’amis; d’abord, parce que si je gagne mon procès, je ne veux rien pour ma peine. J’aurai vécu en plaidant, cela me suffit. Plaider est ma fonction dans cette vie: quand, par le succès plus ou moins heureux de mes mémoires, j’ai reçu mon salaire, que puis-je exiger de plus? C’est très-sérieusement, monsieur le rédacteur, que je veux l’égalité.

Et puis, comment mes amis les radicaux m’aimeraient-ils? Je ne les loue jamais, je me moque des chefs, je prêche l’égalité des conditions et l’équivalence des capacités; je crois, je dis et j’imprime que tel ouvrier dépense plus d’esprit à ferrer un cheval que tel feuilletoniste à écrire une nouvelle; je gagerais même, tant je suis convaincu du nivellement incessant des intelligences, que Paris renferme en ce moment moins de savetiers que de gens de lettres. Et je vous dirai en confidence, monsieur le rédacteur, que j’attends impatiemment les dix volumes d’Histoire du Consulat et de l’Empire, annoncés par M. Thiers, pour montrer en une cinquantaine de pages, d’après l’auteur même, que le petit caporal n’était pas un géant.

Or, tous ces auteurs, orateurs, parleurs et hableurs du radicalisme, qui, sans être des Bonaparte, se croient capables au moins d’administrer des provinces et de civiliser les empires; tous ces journalistes dont l’appétit ainsi que l’amour-propre croît en raison directe de l’ignorance, et qui déjà se proposent de régler les affaires du genre humain dans une assemblée générale, ne sauraient s’accommoder de l’égalité absolue, pas plus que de l’équivalence ou de la proportionnalité. Aussi les voiton s’insurger contre toute espèce de socialisme et d’économie: contre M. Michel Chevalier, égalitaire par proportions; contre M. Considérant, égalitaire par équivalences; contre moi, chétif, égalitaire pur et simple, qu’ils ne nomment pas, car il y a de leur part, en ce qui me concerne, conspiration de silence, mais qu’ils désignent par ma devise favorite au procureur du roi.

Et vous venez me reprocher mon ingratitude envers mes amis les radicaux! Parlez donc de mon mépris pour les propriétaires de la presse et les exploiteurs de l’opinion.

Jugeons-les par un exemple.

2° Le National, dans le délire de son impuissant orgueil, ose aspirer à la tyrannie; il rêve d’abandonner Alger et d’enchaîner la presse; c’est-à-dire que le National médite la triple trahison qu’il a lui-même reprochée à Louis-Philippe, auteur désigné des lettres publiées par la Contemporaine.

Le National aspire à la tyrannie: toute sa conduite, depuis le jour de sa fondation, le démontre. Il se constitue l’organe de la France démocrate et radicale, qui ne lui a point donné de mandat et qui le désavoue; il décerne de son autorité privée des récompenses nationales, à Carrel une statue, à Cormenin une médaille, à Garnier-Pagès un monument, à Lamennais une apothéose, à celui-ci une souscription, à cet autre un sabre d’honneur; il écrase les patriotes qui s’opposent à ses envahissements, se réjouit de la condamnation de Thoré, désavoue les ouvriers égalitaires, accable de ses mépris les communistes, étouffe la science de tout son pouvoir, et s’acharne sur les socialistes qui dédaignent de recevoir de lui le mot d’ordre. Enfin il approuve la violation de la charte par M. Thiers, et favorise autant qu’il est en lui l’érection des bastilles, cher objet de ses vœux liberticides.

On a demandé souvent au National de faire connaître son système de politique: il est étonnant qu’on ne l’ait pas deviné. Le National, toujours inspiré du génie de Carrel, admirateur de la Convention et de l’Empire, ayant pour toute doctrine sociale cette pensée de Hobbes, que la guerre est l’état naturel du genre humain, n’a pas d’autre système que le sabre, d’autre gouvernement que les conseils de guerre. Rien de plus simple que cela: tous les ouvriers, agriculteurs, commissionnaires, instituteurs, etc., forment soit des armes spéciales, soit des compagnies hors rang; les travaux répugnants et pénibles sont exécutés par des pionniers, qu’on augmente à volonté en renforçant la discipline. Les filles et femmes sont enrégimentées comme vivandières; les juges, prêtres, maires, adjoints, préfets, tout le personnel administratif, ainsi que le pouvoir exécutif, sont supprimés. Chaque matin un ordre du jour assigne les droits et devoirs de l’homme et du citoyen; la discipline militaire est la règle morale, et un code pénal énergique, avec une procédure expéditive, couronne l’œuvre et lui sert de sanction.

Ne demandez pas au National d’autre plan d’organisation politique: il n’en a pas, et d’ailleurs il ne pourrait en exhiber un sans se mettre en contradiction avec ses actes et ses discours. Sa pensée secrète a été révélée par son plan de défense: Concentrer la révolution dans Paris, et jeter la France sur le Rhin; ce qui veut dire: Organiser une dictature militaire dans la capitale, et tenir toujours les citoyens en cantonnements. De là les flagorneries du National à l’armée, sa haine des pêquins et des bourgeois, son mépris pour les gardes nationaux jusqu’au jour où il leur voit faire des actes d’opposition au gouvernement, ses prétentions à la science stratégique, et son dédain pour les théories industrielles; de là, enfin, le besoin pour lui d’une force intérieure suffisante pour faire exécuter les décrets des consuls, pendant que les masses manœuvreront dans les provinces, ou se battront à la frontière. Aujourd’hui que la réprobation universelle s’est manifestée et contre les bastions et contre l’enceinte continue, le National se tait, et laisse au gouvernement tout l’odieux de l’entreprise; mais il se tient prêt à en profiter, et poursuit, en attendant, ses plans d’usurpation. La fin justifie les moyens: tout devient légitime à qui veut s’emparer du pouvoir.

D’abord, sous prétexte de réforme électorale, le National s’apprête à faire servir la souveraineté du peuple de marchepied à son despotisme. En juin 1841, la Gazette demande au National si, au cas où le peuple réuni en assemblées primaires élirait un roi, lui National accepterait cette élection. Et le républicain répond que OUI, pourvu .qu’on reconnaisse au peuple le droit de supprimer le roi aussi bien que de le créer. Ainsi, dans le système républicain, il suffit d’une formalité électorale pour faire de la royauté une forme de gouvernement légitime. Mais que devient le droit de révision attribué au peuple, si, dans les principes du National et de la Gazette, le pouvoir une fois organisé, il n’y a plus lieu à révision, si les assemblées primaires deviennent inutiles, si la seule proposition de changer la forme du gouvernement est un acte de rébellion? Lorsque la Convention décréta l’abolition de la royauté, un représentant ayant cru devoir, dans l’intérêt de la souveraineté du peuple, réserver le cas où la nation redemanderait un roi, cet amendement souleva un orage terrible; la Convention exigea des excuses qui furent faites à l’instant. Or la conduite que tint en cette occasion la démocratie, la royauté la tiendra à son tour; et voilà comme, sans abandonner leurs principes, les républicains du National peuvent devenir les serviteurs des despotes.

Déjà le National lève des contributions et fait acte d’omnipotence: il mendie, pour payer ses amendes et solder les distinctions qu’il lui plaît d’accorder, le sou du pauvre et de l’ouvrier, donne des instructions à toute la presse républicaine, et centralise dans ses bureaux les opérations démagogiques.

Puis il pose à l’Europe des cas de guerre et des conditions de paix, insulte peuples, gouvernements et rois, afin d’ameuter les nations contre nous, et travaille de toutes ses forces à démolir le gouvernement. C’est ici surtout qu’il faut observer de près l’exécrable machiavélisme de cette feuille.

Dans l’été de 1841, des pluies continuelles font naître des inquiétudes sur la récolte: le National répand et propage le bruit que la moisson est en péril, et que le grain perdra moitié sur la qualité. Ne dites pas que le National répétait la nouvelle sans la garantir et sans la prendre sous sa responsabilité. Le devoir d’un journal patriotique était de démentir de pareils bruits, favorables seulement aux spéculateurs, et de les étouffer dès leur naissance. Mais la politique des brouillons est de semer des défiances et de répandre des alarmes; et qu’importe que le peuple, victime des accaparements, souffre de la disette ou se fasse massacrer dans une émeute pour des subsistances, pourvu que le National règne?

7. — Reproach of incitement to hatred and contempt of so-called republican opinion — Reply.

“Then, turning against his own friends, against the various representatives of the radical party, he treated them, men and newspapers, with no less hostility and wrath than the combatants of the enemy camp. We do not know what impression this conduct must produce on the writer’s admirers.”

But why, Mr. Editor, do you Fourierists always get involved in domestic quarrels? What do you care about the disputes of the radicals? Let them agree with each other or quarrel, and go your way. Don’t you know that you shouldn’t put your finger between a rock and a hard place?

But I must defend myself and respond.

This accusation, like all the accusations in the world, contains both false and true: against the false, I protest; as for the truth, I glory in it.

1. I have, as far as I know, in the Radical Party and in the press neither admirers nor friends. I even confess that I hardly care about them. Not that I disdain anyone’s admiration and love; but I find that the public and the truth profit little from all these friendships of the press, all these party admirations. Between writers and journalists, just as between each party and its men, there is a contract of mutual insurance for the sale of works, the enterprise of reputations, and what is better, for the exploitation of the public. As for me, I repeat, I have no friends; first, because if I win my case, I don’t want anything for my trouble. I will have lived by pleading; that is enough for me. To plead is my function in this life: when, by the more or less happy success of my memoirs, I have received my salary, what more can I demand? I want equality, Mr. Editor, very seriously.

And then, how would my friends the radicals love me? I never praise them, I make fun of leaders, and I preach equality of conditions and equivalence of capacities; I believe, I say, and I print that such a workman spends more wit shoeing a horse than such a feuilletonist writing a story; I would even wager, so convinced am I of the incessant leveling of intelligences, that Paris currently contains fewer cobblers than men of letters. And I will tell you in confidence, Mr Editor, that I am impatiently awaiting the ten volumes of the Histoire du Consulat et de l’Empire, announced by M. Thiers, to show in about fifty pages, according to the author even, that the little corporal was not a giant.

Now, all these authors, orators, talkers and braggarts of radicalism, who, without being Bonapartes, believe themselves capable at least of administering provinces and civilizing empires; all those journalists whose appetite as well as self-esteem grows in direct proportion to their ignorance, and who already propose to regulate the affairs of the human race in a general assembly, cannot accommodate themselves to absolute equality, any more than to equivalence or proportionality. So we see them rising up against every kind of socialism and economy: against M. Michel Chevalier, an egalitarian by proportions; against M. Considerant, egalitarian by equivalence; against me, puny, egalitarian pure and simple, whom they do not name, because there is on their part, as far as I am concerned, a conspiracy of silence,

And you come to reproach me for my ingratitude towards my friends the radicals! Speak then of my contempt for the proprietors of the press and the exploiters of opinion.

Let us judge them by an example.

2. The National, in the delirium of its impotent pride, dares to aspire to tyranny; it dreams of abandoning Algiers and chaining the press; that is to say that the National is meditating on the triple betrayal for which it has itself reproached Louis-Philippe, the designated author of the letters published by La Contemporaine.

The National aspires to tyranny: all its conduct, from the day of its foundation, demonstrates this. It constitutes for itself the organ of democratic and radical France, which has given it no mandate and which disavows it; it awards national rewards by his private authority, to Carrel a statue, to Cormenin a medal, to Garnier-Pagès a monument, to Lamennais an apotheosis, to this one a subscription, to this other a saber of honor; it crushes the patriots who oppose its invasions, rejoices in the condemnation of Thoré, disavows the egalitarian workers, overwhelms the communists with its contempt, stifles science with all his power, and harasses the socialists who disdain to receive their orders from it. Finally he approves of the violation of the charter by M. Thiers, and favors with everything it has within it the erection of the bastilles, dear object of its liberticidal wishes.

The National has often been asked to make known its system of politics: it is surprising that no one has guessed it. The National, always inspired by the genius of Carrel, admirer of the Convention and the Empire, having for its only social doctrine this thought of Hobbes, that war is the natural state of the human race, has no other system than the sword, no government other than councils of war. Nothing could be simpler than that: all workers, farmers, messengers, teachers, etc., form either special arms or non-ranking companies; the repugnant and painful works are carried out by pioneers, who are increased at will by reinforcing the discipline. The girls and women are regimented as vivandières; judges, priests, mayors, deputies, prefects, all administrative staff, as well as the executive power, are abolished. Every morning an agenda assigns the rights and duties of man and citizen; military discipline is the moral rule, and an energetic penal code, with an expeditious procedure, crowns the work and serves as its sanction.

Do not ask the National for another plan of political organization: it has none, and moreover it could not exhibit one without putting itself in contradiction with its acts and its speeches. Its secret thought was revealed by its plan of defense: to concentrate the revolution in Paris, and throw France on the Rhine; which means: to organize a military dictatorship in the capital, and always keep the citizens in billets. Hence the sycophancy of the National to the army, its hatred of the general citizenry and the bourgeois, its contempt for the national guards until the day when it sees them doing acts of opposition to the government, its pretensions to strategic science, and its disdain for industrial theories; hence, finally, its need for an internal force sufficient to carry out the decrees of the consuls, while the masses maneuver in the provinces, or fight on the frontier. Today, as universal reprobation has manifested itself both against the bastions and against the continuous enclosure, the National is silent, and leaves to the government all the odiousness of the enterprise; but it holds itself ready to profit by it, and pursues, meanwhile, its plans of usurpation. The end justifies the means: everything becomes legitimate for those who want to seize power.

First, under the pretext of electoral reform, the National is preparing to use the sovereignty of the people as a stepping stone to its despotism. In June 1841, the Gazette asked the National if, in the event that the people gathered in primary assemblies elected a king, the National would accept this election. And the republican replies that YES, provided that the people recognize the right to eliminate the king as well as to create him. Thus, in the republican system, an electoral formality is enough to make royalty a legitimate form of government. But what becomes of the right of revision attributed to the people, if, in the principles of the National and the Gazette, the power once organized, there is no longer room for revision, if the primary assemblies become useless, if the very proposal to change the form of government is an act of rebellion? When the Convention decreed the abolition of royalty, a representative having thought it necessary, in the interest of the sovereignty of the people, to reserve the case where the nation should reclaim a king, this amendment raised a terrible storm; the Convention demanded an apology, which was immediately made. Now, the conduct that the democracy followed on this occasion, royalty will follow in its turn; and this is how, without abandoning their principles, the republicans of the National can become the servants of despots.

Already the National levies contributions and acts of omnipotence: it begs, to pay its fines and settle the distinctions it pleases to grant, the penny of the poor and the worker, gives instructions to all of the republican press, and centralizes demagogic operations in its offices.

Then it poses to Europe cases of war and conditions of peace, insults peoples, governments and kings, in order to stir up the nations against us, and works with all its might to demolish the government. It is here above all that we must closely observe the execrable Machiavellianism of this sheet.

In the summer of 1841, continual rains gave rise to anxiety about the harvest: the National spread and propagated the rumor that the harvest was in danger, and that the grain would lose half its quality. Do not say that the National repeated the news without guaranteeing it and without taking responsibility for it. The duty of a patriotic journal was to give the lie to such rumors, favorable only to speculators, and to stifle them as soon as they arose. But the policy of the disorganizers is to sow mistrust and spread alarm; and what does it matter if the people, victims of monopolizations, suffer from scarcity or are massacred in a riot for subsistence, as long as the National reigns?

La force des choses, à défaut de bonne volonté, conduit-elle le pouvoir à des mesures financières ou administratives qui favorisent l’émancipation des travailleurs et la cause de l’égalité? Le National s’y oppose avec rage; et plein de zèle pour appuyer les soi-disant fortifications de Paris, il ne retrouve sa verve d’opposition que contre les institutions vraiment libérales et républicaines. Que ne puis-je en ce moment montrer par quels sophismes et quels mensonges il est venu à bout d’égarer l’opinion publique! Mais les bornes de cet écrit, et l’instruction du peuple, trop peu avancée dans cette matière, ne me le permettent pas.

Le National provoque le peuple à l’insurrection et au régicide, puis, à chaque tentative qui se renouvelle contre la vie de Louis-Philippe, il en désavoue et répudie les auteurs.

Le 13 et le 14 décembre 1840, il réchauffe le zèle des gardes nationaux, annonce des manifestations, des protestations, des chants et des cris; il dit que les ministres s’épouvantent de la journée du 15, que quelque chose se prépare. Le 16, il se vante que le repos de la journée n’a été qu’une affaire de température, et que, sans un froid de douze degrés, la France pour la troisième fois se fût délivrée de ses rois. Plus tard, il livre aux méditations de ses lecteurs ce singulier invitatoire: Lorsque la Providence, dans sa bonté, aura appelé à elle trois ou quatre têtes couronnées… Étonnez-vous, après cela, que de misérables dupes s’imaginent entrer dans les vues de la Providence en tirant sur Louis-Philippe, et en faisant de la delivrance du pays une affaire d’assassinatl Mais, le coup manqué, le National s’indigne tout à la fois, et contre les régicides (à cause de leur maladresse, sans doute), et contre les ministres qui osent soupçonner sa vertu. Il se plaint que le gouvernement n’envoie pas aux armées, à la mort, à la gloire, les Barbes et les Alibaud; il se répand en malédictions contre les communistes, dont les théories, selon lui, font les Darmès et les Quénisset; il accuse le pouvoir de laisser le peuple sans religion et sans principes, livré aux jouissances matérielles et au culte du veau d’or. Et c’est lui dont le plus fameux rédacteur, Carre!, a laissé pour testament de mort une profession de foi matérialiste et athée.

Admirez la moralité des ambitieux et des lâches, la moralité du National.

Le National rêve l’abandon de l’Algérie. Dans une série d’articles sur l’Afrique (numéros des 1″, 4, 16 et 22 juin 1841), il a développé la thèse suivante:

Que ni la colonisation par les soldats, ni celle par les Européens concurremment avec les indigènes, ni celle par les Européens seuls, ne conviennent aux intérêts de la France;

Que la nature du climat africain, contraire au tempérament et aux habitudes des hommes d’Europe; les difficultés du défrichement, l’énormité des frais d’installation et d’entretien comparativement à l’exiguïté des produits; l’hostilité naturelle entre les Arabes et les Francs, la répugnance des deux races à se croiser (bien que toutes deux soient d’origine caucasique) ne permettent pas aux colons d’espérer un établissement durable;

Que le meilleur mode de profiter de notre conquête, le seul dont nous puissions faire usage, c’est d’empêcher qu’aucun Européen s’établisse en Algérie; d’entretenir une force militaire suffisante pour imposer aux Arabes et les contraindre au tribut; de veiller par des règlements sur la police, l’industrie et l’agriculture, à ce que ce tribut soit le plus fort possible.

« La conclusion, dit-il, c’est qu’il faut coloniser, cultiver par l’indigène, à l’exclusion de tout Européen propriétaire ou aspirant à le devenir.»

Puis il cite l’Angleterre:

« Le système de colonisation par les indigènes est appliqué dans l’Inde par les Anglais. Là, il est défendu aux citoyens de la Grande-Bretagne d’acquérir des propriétés foncières; là quelque 30,000 soldats européens maintiennent dans l’obéissance 90 millions d’indigènes, répartis dans des contrées immenses et tributaires de la mère patrie. »

Ainsi le National ne veut pas que l’Algérie devienne pour la colonisation une France nouvelle, parce que cette France pourrait échapper un jour au despotisme militaire de la métropole; il ne veut pas que la Méditerranée soit un lac français; il ne veut pas que l’Afrique, qui semble nous avoir été réservée comme la partie du monde la plus difficile et la plus périlleuse, devienne la terre de nos missions civilisatrices, la création de notre patience et de notre industrie. Le National veut que nous exploitions les Arabes comme les Anglais exploitent les Hindous, que nous les fasssions travailler, qu’ils soient nos esclaves.

Donc, suivant le National, il faut arrêter le passage des colons en Algérie, il faut empêcher que la population franque déjà fixée sur le sol africain et devenue propriétaire ne se multiplie, il faut lui donner le désir et le besoin de revenir en France, et la remplacer au plus tôt par des Bédouins, des Marocains, des Kabiles, des nègres, etc.

Mais si les indigènes, las d’être exploités et de servir, conspirent contre les Français; s’ils deviennent assez nombreux pour essayer de la révolte, s’ils se procurent des armes, s’ils appellent à leur secours les Anglais et les Russes?… Alors on procédera par les exécutions militaires, les fusillades en masse, l’incendie et le pillage; alors nos soldats auront une occasion de faire campagne, et nous un prétexte de déclarer la guerre. Et puis, quand nos armes éprouveraient un échec, quand nous serions forcés d’évacuer cette terre de lions et de serpents, n’avons-nous pas sous les yeux l’exemple de Moscou? L’Anglais ne trouverait après nous qu’un pays désolé, couvert de sang et de ruines.

Prosternez-vous devant le génie civilisateur des tyrans, devant le socialisme du National.

Enfin le National poursuit de tous ses efforts l’asservissement de la presse: ce fait est si notoire, qu’il est presque superflu d’en rapporter les preuves.

Quelle est la cause de la mort de Carrel? la haine de la publicité à bon marché, l’amour du monopole. Et qu’on ne dise pas que ce héros du journalisme prétendu républicain ne luttait que contre l’envahissement des feuilles ministérielles; car qui l’empêchait d’imiter la Presse et le Siècle, de diminuer de moitié le prix de son journal? On parlait d’affranchir de l’impôt du timbre le Moniteur et quelques autres: il fallait demander cet affranchissement pour tous; on proposait d’allouer des fonds pour des publications populaires: il fallait faire appel aux bourses patriotes, afin de contre-balancer l’influence du ministère. Mais Carrel et ses adhérents voulaient le statu quo, sauf peut-être l’extension du droit d’insolence, qu’ils s’arrogent exclusivement.

Un jugement de la cour de cassation ordonne aux journalistes d’insérer les réponses aux attaques personnelles qu’ils se permettront contre les citoyens: le National crie (plus haut que ses confrères, car il est plus ami du privilége de calomnier et de médire) que la cour de cassation est vendue au pouvoir, et que la législation de septembre tue la liberté.

Il s’inféode les écrivains radicaux et les publications populaires: c’est ainsi qu’il tient en laisse la plupart des journaux indépendants de province, pour quelques méchantes citations et quelques fournitures de pacotille; qu’il s’est assimilé le Journal du Peuple, aussi déclamatoire aujourd’hui, aussi dépourvu d’idées que son patron, qu’il a infecté de son souffle le petit journal l’Atelier, dont les rédacteurs néochrétiens s’étaient d’abord prononcés pour l’égalité, et depuis, sur les réprimandes du National, se sont déclarés franchement propriétaires.

Ceux qu’il ne peut séduire et s’affilier, il les intimide. Le rédacteur du Populaire, M. Cabet, s’écrie un jour que le National perd la France par son engouement pour les bastilles: il offre de le prouver dans une conférence publique. Vous croyez que la feuille républicaine va répondre? oh! que non; cela est bon pour des communistes. Un émissaire du National vient porter un défi à l’écrivain patriote, qui refuse avec dédain, aux applaudissements de vingt mille ouvriers. — Une autre fois un journaliste de province, radical autant qu’homme du monde, exprime un doute sur le patriotisme du National. Un des frères servants du Parisien court aussitôt exiger de ce douteur malencontreux une rétractation en bonne forme, ou le mettre à la raison. Et quelques jours après, le National annonce que le journal de ••• (j’ai oublié le nom) n’a jamais cessé de professer pour sa rédaction la plus haute estime et de marcher avec lui. J’aime ces façons militaires; cela coûte moins aux crânes que la dialectique, et réussit mieux. Un homme .vous contredit ou vous accuse? On lui dépêche un, deux, trois, quatre ferrailleurs; et s’il ne met les pouces, on le tue.

Laissez passer la justice des assassins, la justice du National!

Non, je ne crois plus à l’authenticité de ces lettres contemporaines; je crois à la lâcheté et à la trahison de ces orateurs et journalistes, qui tous ont fait semblant d’y ajouter foi, et dont pas un n’a eu le courage de dire à la France: Je proteste que Louis-Philippe est un traître; je demande que cet homme soit mis en jugement (1).

Does the force of things, in the absence of good will, lead the governmental power to financial or administrative measures that favor the emancipation of the workers and the cause of equality? The National opposes it with rage; and full of zeal to support the so-called fortifications of Paris, it only regains its flair for opposition to truly liberal and republican institutions. Would that I could show at this moment by what sophisms and what lies it managed to mislead public opinion! But the limits of this work, and the education of the people, which is too little advanced in this matter, do not allow me.

The National provokes the people to insurrection and regicide, then, with each renewed attempt against the life of Louis-Philippe, it disavows and repudiates the perpetrators.

On December 13 and 14, 1840, it warmed up the zeal of the National Guards, announced demonstrations, protests, songs and cries; it says that the ministers are terrified of the day of the 15th, that something is preparing. On the 16th, it boasts that the quiet that day was only a matter of temperature, and that, without a chill of twelve degrees, France for the third time would have delivered herself from her kings. Later, it delivers to the meditations of its readers this singular invitation: When Providence, in its goodness, has called to it three or four crowned heads… Are you surprised, after that, that miserable dupes imagine themselves entering the views of Providence by shooting Louis-Philippe, and by making the deliverance of the country a matter of assassination! But, lacking the coup, the National is indignent, at once, against the regicides (because of their clumsiness, no doubt), and against the ministers who dare to suspect its virtue. It complains that the government does not send to the armies, to death, to glory, the Barbes and Alibauds; it spreads curses against the Communists, whose theories, according to it, create the Darmes and the Quénissets; it accuses the power of leaving the people without religion and without principles, given over to material pleasures and to the cult of the golden calf. And yet its most famous editor, Carrel, left as his last will and testament a profession of faith both materialist and atheist.

Admire the morality of the ambitious and the cowardly, the morality of the National.

The National dreams of abandoning Algeria. In a series of articles on Africa (issues of June 1, 4, 16 and 22, 1841), it developed the following thesis:

That neither colonization by soldiers, nor by Europeans concurrently with the natives, nor by Europeans alone, suits the interests of France;

That the nature of the African climate, contrary to the temperament and habits of the men of Europe; the difficulties of land clearing, the enormity of the installation and maintenance costs compared to the exiguity of the products; the natural hostility between the Arabs and the Franks, the reluctance of the two races to interbreed (although both are of Caucasian origin) do not allow the colonists to hope for a lasting establishment;

That the best mode of profiting from our conquest, the only one we can make use of, is to prevent any European from settling in Algeria; to maintain a military force sufficient to impose on the Arabs and compel them to tribute; to ensure by regulations on the police, industry and agriculture that this tribute is the strongest possible.

“The conclusion,” it says, “is that we must colonize, cultivate through the native, to the exclusion of any European proprietor or anyone who aspires to become one.”

Then it cites England:

“The system of colonization by the natives is applied in India by the English. There, the citizens of Great Britain are forbidden to acquire property in land; there, some 30,000 European soldiers maintain in obedience 90 million natives, distributed in immense regions and tributaries of the mother country.”

Thus the National does not want Algeria to become a new France for colonization, because this France might one day escape the military despotism of the metropolis; it does not want the Mediterranean to be a French lake; it does not want Africa, which seems to have been reserved for us as the most difficult and perilous part of the world, to become the land of our civilizing missions, the creation of our patience and our industry. The National wants us to exploit the Arabs as the English exploit the Hindus, to make them work, to be our slaves.

So, according to the National, we must stop the passage of settlers in Algeria, we must prevent the Frankish population, already established and having become proprietors on African soil, from multiplying, we must give it the desire and the need to return to France, and replace it as soon as possible with Bedouins, Moroccans, Kabiles, Negroes, etc.

But if the natives, weary of being exploited and of serving, conspire against the French; if they become numerous enough to try to revolt, if they get arms, if they call for help to the English and the Russians?… Then we will proceed by military executions, mass shootings, burning and looting; then our soldiers will have an opportunity to campaign, and we will have a pretext to declare war. And then, when our arms would experience a check, when we would be forced to evacuate this land of lions and serpents, do we not have before our eyes the example of Moscow? The English would only find after us a desolate country, covered in blood and ruins.

Bow down before the civilizing genius of tyrants, before the socialism of the National.

Finally, the National pursues with all its efforts the enslavement of the press: this fact is so notorious that it is almost superfluous to bring back the proofs of it.

What is the cause of Carrel’s death? Hatred of cheap advertising, love of monopoly. And let it not be said that this supposedly republican hero of journalism fought only against the invasion of the ministerial papers; for who prevented him from imitating the Presse and the Siècle, from halving the price of his paper? There was talk of freeing the Moniteur and a few others from the stamp duty: this freedom had to be requested for everyone; it was proposed to allocate funds for popular publications: it was necessary to appeal to patriot scholarships, in order to counterbalance the influence of the ministry. But Carrel and his adherents wanted the status quo, except perhaps the extension of the right of insolence, which they arrogate exclusively to themselves.

A judgment of the Court of Cassation orders journalists to insert the answers to the personal attacks they allow themselves against the citizens: the National shouts (louder than its colleagues, because it is more friendly to the privilege of slander and aspersions) that the court of cassation is sold to power, and that the legislation of September kills liberty.

It subordinates radical writers and popular publications: this is how it keeps most of the independent provincial newspapers on a leash, for a few nasty quotations and some cheap supplies; how it assimilated the Journal du Peuple, as declamatory today, as devoid of ideas as its boss, that it infected with its breath the little newspaper the Atelier, whose neo-Christian editors had at first pronounced for equality, and since, after the reprimands of the National, have plainly declared themselves proprietors.

Those it cannot seduce and affiliate with, he intimidates. The editor of the Populaire, M. Cabet, exclaimed one day that the National was ruining France through its infatuation with the bastilles: he offered to prove it in a public lecture. Do you think the Republican paper will respond? Oh, no! that’s good for communists. An emissary from the National comes to challenge the patriotic writer, who disdainfully refuses, to the applause of twenty thousand workers. — Another time a provincial journalist, as much a radical as he was a man of the world, expressed doubt about the patriotism of the National. One of the servant brothers of the Parisian immediately races to demand from this unfortunate doubter a retraction in due form, or to bring him to reason. And a few days later, the National announces that the journal of ••• (I have forgotten the name) has never ceased to profess the highest esteem for its editorial staff and to walk with it. I like these military ways; it costs brains less than dialectics and succeeds better. A man contradicts you or accuses you? One, two, three, four scrap metal workers are dispatched to him; and if he doesn’t give in, you kill him.

Laissez passer the justice of the assassins, the justice of the National!

No, I no longer believe in the authenticity of these contemporary letters; I believe in the cowardice and betrayal of these orators and journalists, who all pretended to believe it, and not one of whom had the courage to say to France: I protest that Louis-Philippe is a traitor; I ask that this man be put on trial. [1]

Un gouvernement militaire, c’est-à-dire l’état de siége à perpétuité, le silence imposé à l’opinion, l’exploitation des Arabes, et par une conséquence inévitable, la désertion de l’Algérie: voilà donc en définitive dans quel ordre d’idées se meut la pensée du National, voilà le but qu’il poursuit de toute l’énergie de sa volonté, de toute la puissance de sa voixl C’est pour cela qu’il endoctrine ou intimide la presse provinciale, pour cela qu’il exploite et 3’asservit les plus belles intelligences du pays, un Arago et un Lamennais (2), pour cela qu’il commande l’abnégation la plus absolue à ceux qu’il domine (3), pour cela qu’il outrage ceux dont la raison dédaigne son fanatisme imbécile, pour cela que depuis huit ans il promène sur la France l’inquiétude et l’effroi. Et c’est pour cela que je retiendrais ma plume, et prostituerais ma franchise!… Non, non, j’aime la publicité, plutôt pour mes idées que pour moi-même; mais j’attendrai dix ans, s’il faut, un lecteur, avant que je l’achète de la presse radicale au prix de mon devoir et de mon indépendance.

Quand je me représente cette machine qu’on appelle un journal, et que je songe à tout le bien qu’elle peut faire, et au mal qu’elle fait presque toujours, je ne sais quoi l’emporte en mon âme de la colère ou du dégoût. Figurez-vous un portevoix immense, ayant son embouchure dans le sombre bureau d’une imprimerie, et se faisant entendre de plus loin que les signaux du télégraphe ne peuvent être aperçus. C’est par là que des crieurs ayant brevet et privilége répandent au loin les vraies et les fausses nouvelles; c’est par ce tube gigantesque qu’à notre grand dommage, mais au grand profit des crieurs, pleuvent sur nous chaque jour les invectives, les mensonges, les calomnies, les faits déguisés, mutilés ou malignement interprétés, les comptes rendus infidèles, les premiers-Paris anarchiques, les inventions de la correspondance, les injures de la réclame, et les obscénités de l’annonce.

Lorsque le quadrupède immonde que les Orientaux proscrivent de leurs tables cherche dans la fange son infecte pâture, tout passe entre ses mâchoires affamées, les excréments d’animaux, les débris de cadavres, les résidus empestés, la vase gluante: le palais de la bête sait choisir ce qui lui plaît; le reste est rejeté par l’animal goulu. Voilà l’image de la fabrique à journaux: l’or que cherchent les crieurs à travers leurs impuretés quotidiennes tombe au fond de la machine; le noir torrent déborde et roule sur le public.

C’est surtout dans les questions de haute politique et de sociabilité qu’il y a plaisir à les entendre. Écoutez le National: il crie à faire trembler les quatre-vingt-six départements: La réforme électorale, la réforme électorale! — C’est bien, lui diton, nous la voulons aussi. Voilà qui est résolu: nous sommes tous électeurs. A présent, si l’on te nommait président de la République, que ferais-tu? Parle, parle, monstre! A bas les niveleurs! à bas les communistes! à bas l’égalité! (Il chante:) Allons, enfants de la patrie… — Quoi! tu ne veux pas de l’égalité; que demandes-tu donc? — La souveraineté du peuple, la réforme électorale! — Et après? réponds, hurleurl — Procureur du roi, saisissez les communistes, les phalanstériens, les égalilaires…

Ahl monseigneur le National s’est fait mouchard! une agence de délation et de provocation est établie rue Lepelletier, n° 3. C’est là qu’on joue à la révolution avec le sang des malheureux dont le funeste égarement vient compromettre chaque année le triomphe de la réforme, et prolonger la vie du système. Essayons, disent les conspirateurs cachés dans l’ombre, essayons d’une émeute; il n’en coûtera que quelques prolétaires: Faciamus experimentum in animâ vili.

Communistes, égalitaires, vous tous patriotes de cœur et d’intelligence, jusqu’à quand serez-vous abusés par ces tartufes politiques, espions sortis de la bande de Héron et de Fouché, singes des Brutus et des Robespierre? Ne pouvezvous un instant secouer vos préjugés funestes, et prêter l’oreille aux leçons de l’expérience, quelle que soit la bouche qui les exprime? Plus de sociétés secrètes: qu’y avez-vous appris qui ne se trouve démontré cent fois mieux dans une foule d’ouvrages spéciaux, et qui ne se dise dans les rues et les carrefours? Les ténèbres sont un méchant moyen de propagande, et si jusqu’à ce jour vous avez rencontré tant d’obstacles, c’est que vous ne vous étiez pas fait connaître. Conspirez à la face du soleil, et bientôt les peuples, juges de vos intentions comme de vos doctrines, se joindront à vous, et vous n’aurez plus à craindre ni délateurs ni faux frères. Plus d’insurrection; car, quel argument que celui-ci, je vous prie: Des oisifs, qui se croient en droit, nous exploitent; un gouvernement, qui ne se comprend pas lui-même, les appuie; donc, au lieu d’envoyer assignation aux exploiteurs et d’adresser des remontrances au pouvoir, il faut tuer les uns et détruire l’autre? Souvenez-vous que toute insurrection est un jugement de chambre ardente, comme toute réaction est un appel du mal jugé. L’ordre social ne se crée que par des démonstrations, je veux dire, des institutions successives, dont il est impossible d’intervertir ou de mutiler la série. Ou plutôt, la société ressemble à un immense tribunal, devant lequel chaque partie est admise à tour de rôle à faire valoir ses témoignages: prétendre en exclure un seul, c’est faire violence à la justice, et entacher d’erreur l’arrêt qui doit suivre. Ainsi, en 89, il était nécessaire qu’à la monarchie absolue succédât pour un temps la monarchie représentative: mais une longue perturbation ayant arrêté le développement normal de cette forme politique, une première fois, après vingt-cinq ans, il fallut y revenir; puis, les nobles et le clergé ayant prétendu l’exploiter à leur profit, force fut encore, en 1830, de renouveler l’expérience. Ce furent quarante années de perdues. Maintenant que le système de monarchie représentative tire à sa fin, c’est le tour d’une démocratie propriétaire, incohérente, querelleuse, babillarde, conquérante ou conquise: à ceci point de milieu. Conquérante, la démocratie périra par dissolution; conquise, par mort violente. Détruisez le gouvernement actuel, et au lieu de cette égalité à laquelle vos cœurs généreux aspirent, vous n’obtiendrez qu’une répétition de la république conventionnelle ou directoriale, interrompue violemment elle-même, il y a quarante-quatre ans, au 18 brumaire. Et comme tout gouvernement veut se maintenir et se croit légitime, vous rencontrerez de nouvelles résistances, plus impitoyables encore et plus acharnées; de sorte qu’après avoir échappé aux balles dynastiques, vous tomberez sous les balles républicaines. Il faut que les destins s’accomplissent. L’ordre à venir ne peut être que le résultat d’une vaste composition d’éléments simples, mais hétérogènes: or, tant que l’humanité obéit à son impulsion instinctive, ou comme l’on dit aujourd’hui, providentielle, ces éléments se poussent et viennent l’un après l’autre se fondre dans le creuset. Les agents du progrès, pendant cette orageuse période, sont la guerre, la révolte, l’ambition, l’envie et la haine. Mais l’humanité, comme l’homme, non-seulement est douée d’instinct, mais capable aussi de réflexion et de jugement: or, dès que l’humanité a conscience d’elle-même, elle a le pouvoir d’abréger ses jours d’épreuve et de réaliser avec connaissance, sans perturbation ni catastrophe, la forme synthétique à laquelle elle est appelée. — Communistes, votre rôle est grand et sublime; vous représentez le plus ancien élément de la synthèse sociale. Aussi pas un législateur, pas un philosophe, pas un socialiste, doué de quelque génie, qui ne vous ait appartenu. Moïse, Pythagore, Minos, Lycurgue, Platon, et une foule d’autres avaient passé par la communauté. Mais, souffrez que je vous le dise, votre existence est dans le passé, non dans l’avenir (4). La communauté, pour parler comme les anciens philosophes, est l’élément passif ou femelle de l’ordre; la propriété en est l’élément actif ou mâle. Et comme nous voyons aujourd’hui la propriété se dénaturer et s’éteindre, de même on a vu jadis la communauté péricliter et disparaitre. Il serait insensé de prétendre ressusciter cette momie. Mais la communauté, comme élément intégrant de la composition qui se prépare et déjà s’effectue, doit avoir ses représentants et ses organes : et telle est, communistes, la raison de votre réapparition. Gardez-vous de prétendre autre chose : vous produiriez plus de mal que vous n’êtes appelés à faire de bien. — Ouvriers, travailleurs, hommes du peuple, qui que vous soyez, l’initiative de la réforme vous appartient. C’est vous qui accomplirez cette synthèse ou composition sociale, qui sera le chef-d’œuvre de la création; et vous seuls pouvez l’accomplir. Car tout ce qui sort du peuple est profondément synthétique; les philosophes seuls ont le talent de la marqueterie. Déjà vous avez compris que le caractère le plus saillant de notre réforme devait être le travail et l’industrie; et j’ai senti mon cœur frémir d’enthousiasme en écoutant la chanson faubourienne:

En avant! courage! 
Marchons les premiers: 
Du cœur à l’ouvrage, 
Braves ouvriers!

Marchez, en chantant, à la conquête du nouveau monde, race prédestinée; travaillez, instruisez-vous les uns les autres, braves ouvriers! Votre refrain est plus beau que celui de Rouget de l’Isle.

A military government, that is to say a state of siege in perpetuity, silence imposed on public opinion, the exploitation of the Arabs and, as an inevitable consequence, the desertion of Algeria: here is, then, in what order of ideas the thought of the National ultimately moves; this is the goal it pursues with all the energy of its will, with all the power of its voice! This is why it indoctrinates or intimidates the provincial press, why it exploits and enslaves the most beautiful intelligences of the country, an Arago and a Lamennais (2), why it commands the most absolute abnegation of those whom it dominates (3), why it insults those whose reason disdains its imbecile fanaticism, why for eight years it has been spreading anxiety and terror over France. And that’s why I would hold back my pen, and prostitute my frankness!… No, no, I like publicity, more for my ideas than for myself; but I will wait ten years, if necessary, for a reader, before I buy it from the radical press at the cost of my duty and my independence.

When I imagine this machine called a newspaper, and think of all the good it can do, and the evil that it almost always does, I don’t know whether anger or disgust carries the day within my soul. Imagine an immense megaphone, having its mouthpiece in the dark office of a printing press, and making itself heard from farther than the signals of the telegraph can be perceived. It is through this that criers with certificates and privileges spread far and wide the true and false news; it is through this gigantic tube that, to our great pity, but to the great profit of the criers, rain down on us every day invectives, lies, slanders, disguised, mutilated or maliciously interpreted facts, unfaithful reports, anarchic premiers-paris, the inventions of correspondence, the insults of advertisements and the obscenities of announcements.

When the filthy quadruped that the Orientals banish from their tables searches in the mire for its foul food, everything passes between its hungry jaws, the excrement of animals, the remains of corpses, the pestilential residues, the sticky slime: the palace of the beast knows how to choose what pleases him; the rest is rejected by the greedy animal. This is the image of the newspaper factory: the gold sought by the criers through their daily impurities falls to the bottom of the machine; the black torrent overflows and rolls over the audience.

It is especially in questions of high politics and sociability that there is pleasure in hearing them. Listen to the National: it shouts to make the eighty-six departments tremble: Electoral reform, electoral reform! — That’s good, we tell it, we want it too. That is resolved: we are all voters. Now, if you were named President of the Republic, what would you do? Speak, speak, monster! Down with the levellers! Down with the Communists! Down with equality! (It sings:) Come on, children of the fatherland… — What! You don’t want equality; so what do you demand? — The sovereignty of the people, electoral reform! — And after? Answer, screamer! — King’s prosecutor, seize the communists, the phalansterians, the equalitarians

Ahl Monsignor the National has become a snitch! An agency of denunciation and provocation is established rue Lepelletier, no. 3. It is there that one plays at the revolution with the blood of the unfortunates whose disastrous bewilderment comes to compromise the triumph of the reform each year, and to prolong the life of the system. Let’s try, say the conspirators hidden in the shadows, let’s try a riot; it will only cost a few proletarians: Faciamus experimentum in animâ vili.

Communists, egalitarians, all of you patriots of heart and intelligence, how long will you be deceived by these political tartuffes, spies from the gang of Héron and Fouché, apes of Brutus and Robespierre? Can’t you for a moment shake off your fatal prejudices and listen to the lessons of experience, whatever the mouth expresses them? No more secret societies. What have you learned there that is not demonstrated a hundred times better in a crowd of special works, and which is not said in the streets and crossroads? Darkness is an evil means of propaganda, and if until now you have encountered so many obstacles, it is because you have not made yourself known. Conspire in the face of the sun, and soon the peoples, judges of your intentions as of your doctrines, will join you, and you will no longer have to fear either informers or false brethren. No more insurrection, for, what kind of argument is this, I beg you: Idle people, who believe themselves in the right, exploit us; a government, which does not understand itself, supports them; so, instead of sending summons to the exploiters and addressing remonstrances to power, we must kill some and destroy the other? Remember that every insurrection is a fiery chamber judgment, as every reaction is an appeal of judged evil. The social order is created only by demonstrations, I mean, by successive institutions, the series of which it is impossible to invert or mutilate. Or rather, society resembles an immense tribunal, before which each party is admitted in turn to put forward its testimonies: claiming to exclude only one is to do violence to justice, and to taint with error the judgment which is to follow. Thus, in ’89, it was necessary that the absolute monarchy be succeeded for a time by the representative monarchy: but, a long disturbance having stopped the normal development of that political form, a first time, after twenty-five years, it was necessary to return; then, the nobles and the clergy having claimed to exploit it for their own profit, it was again necessary, in 1830, to repeat the experiment. It was forty years wasted. Now that the system of representative monarchy is coming to an end, it is the turn of a proprietary, incoherent, quarrelsome, talkative, conquering or conquered democracy: at this midpoint. Conquering, democracy will perish by dissolution; conquered, by violent death. Destroy the current government, and instead of that equality to which your generous hearts aspire, you will obtain only a repetition of the conventional or directorial republic, itself violently interrupted, forty-four years ago, on the 18th of Brumaire. And as every government wants to maintain itself and believes itself legitimate, you will encounter new resistance, even more pitiless and fiercer; so that after escaping the dynastic bullets, you will fall under the republican bullets. The fates must be fulfilled. The order to come can only be the result of a vast composition of simple but heterogeneous elements: now, as long as humanity obeys its instinctive, or as we say today, providential impulses, these elements push each other and come one after the other to melt into the crucible. agents of progress, during this stormy period are war, revolt, ambition, envy and hatred. But humanity, like man, is not only endowed with instinct, but also capable of reflection and judgment: now, as soon as humanity is conscious of itself, it has the power to shorten its days of trial and realize with knowledge, without disturbance or catastrophe, the synthetic form to which it is called. — Communists, your role is great and sublime; you represent the most ancient element of the social synthesis. So there was not a legislator, not a philosopher, not a socialist, endowed with any genius, who did not belong to you. Moses, Pythagoras, Minos, Lycurgus, Plato, and a host of others had passed through community. But, allow me to tell you, your existence is in the past, not in the future. (4) Community, to speak like the ancient philosophers, is the passive or female element of order; property is its active or male element. And as today we see property deformed and dying out, so we once saw community decline and disappear. It would be foolish to pretend to resuscitate this mummy. But community, as an integral element of the composition that is being prepared and already taking place, must have its representatives and its organs: and this, communists, is the reason for your reappearance. Beware of pretending otherwise: you would produce more evil than you are called upon to do good. — Workers, laborers, men of the people, whoever you are, the initiative of reform belongs to you. It is you who will accomplish that synthesis or social composition, which will be the masterpiece of creation; and only you can do it. For everything that comes out of the people is profoundly synthetic; philosophers alone have the talent for marquetry. You have already understood that the most salient feature of our reform should be labor and industry; and I felt my heart quiver with enthusiasm while listening to the song of the Parisian workers:

Ahead! courage!
Let us be the first to march:
From the heart to the work,
Brave workers!

March, singing, to conquer the new world, predestined race; labor, instruct one another, brave workmen! Your refrain is more beautiful than that of Rouget de l’Isle.

Et vous, hommes du pouvoir, magistrats en courroux, propriétaires poltrons, m’avez-vous enfin compris? Votre propriété est indéfendable; mais votre condition acquise, mais le bienêtre de vos enfants et les avantages présents de vos familles, fondés sur un ordre de choses que vous n’avez point fait, sont inviolables et sacrés. Ne craignez rien pour vous ni pour vos jouissances: vos jouissances! il n’y a pas un communiste intelligent, pas un égalitaire digne de ce nom, qui en voulût pour les siens. Les voleurs et les pillards nous sont plus odieux qu’à vous-mêmes, propriétaires enrichis de nos sueurs: ce que nous demandons n’est, donc pas votre abaissement, mais le moyen de vous égaler; c’est l’ordre, le travail, l’éducation et le pain. Votre rôle aujourd’hui, sachez-le bien, est celui d’êmancipateurs du peuple; vos biens sont les nôtres qui vous ont été remis en tutelle, vos fils sont nos frères que vous dotez de notre légitime. Propriétaires! vos pupilles ont grandi; tous les jours l’idée de leurs droits brille plus ardente à leurs yeux éclairés: tremblez qu’ils ne se déclarent émancipés avant l’heure, et qu’une horrible vengeance ne vous fasse expier de trop longues hésitations. Les catastrophes ne sont désormais à craindre que de votre égoïsme et de votre ignorance, conservateurs obstinés: le peuple sait aujourd’hui que l’ordre ne peut être que le fruit d’un développement régulier et jamais interrompu. Car, dans la vie de la société, de même que dans la vie de l’individu, il n’y a pas d’interruption: l’interruption, c’est la mort! mais il n’y a pas non plus d’arrêt, parce que s’arrêter, pour elle, c’est finir. N’espérez donc, ni par concessions ni par raisonnements, nous faire revenir de ce que vous appelez fanatisme et chimères, et qui n’est que le sentiment de nos justes droits: l’enthousiasme qui nous possède, l’enthousiasme de l’égalité, est inconnu de vous. C’est une ivresse plus forte que le vin, plus pénétrante que l’amour, passion ou fureur divine, que le délire des Léonidas, des saint Bernard et des Michel-Ange n’égala jamais. N’écoutez pas les sophistes qui vous rassurent: n’attendez rien de vos tribunaux; ne méprisez point notre pauvreté désarmée; ne comptez ni sur votre or, ni sur le nombre de vos bataillons, ni sur le secours de vos alliés: car, comme le torrent qui gronde, comme la foudre qui dévore, comme la grêle qui tue, ainsi passe la colère du peuple. Ne provoquez pas surtout les éclats de notre désespoir, parce que, quand vos soldats et vos gendarmes réussiraient à nous opprimer, vous ne tiendriez pas devant notre dernière ressource. Ce n’est ni le régicide, ni l’assassinat, ni l’empoisonnement, ni l’incendie, ni le refus du travail, ni l’émigration, ni l’insurrection, ni le suicide: c’est quelque chose de plus terrible que tout cela et de plus efficace, quelque chose qui s’est vu, mais qui ne se peut dire.

Je vous remercie, monsieur le rédacteur, des termes honorables dans lesquels vous vous êtes exprimé plusieurs fois sur mon compte, et je regrette vivement de ne pouvoir y répondre par une opinion plus favorable sur Fourier. Six semaines entières j’ai été le captif de ce bizarre génie; et toutes les fois que j’y songe encore, il me fait rire et m’épouvante. Mais l’habitude que je me suis faite de ne m’arrêter jamais à un système tant qu’il m’en reste d’autres à explorer, me délivra bientôt de cette fascination que les hommes à idée fixe et à volonté forte exercent sur ceux qui les lisent ou qui les écoutent, et je ne doute pas que la même chose vous fût arrivée à vous-même, monsieur le rédacteur, si, au lieu de vous livrer à une propagande prématurée, vous eussiez poursuivi vos études et laissé à votre enthousiasme le temps de se refroidir. Oh I que ne donnerais-je pas pour me rencontrer avec vous sous le même drapeau, combattant pour la même cause 1 Je vous suivrais de loin comme mon chef et mon guide; vous m’encourageriez de la voix et du regard; et si les propriétaires regimbaient encore, vous verriez ce que votre compatriote sait faire.

Je souhaite, monsieur le rédacteur, qu’en voyant votre théorie tous les jours plus fortement ébranlée, vous ne désespériez pas de cette science que vous avez tant aimée, et à laquelle vous avez fait de si grands sacrifices. Et d’ailleurs, ne vivons-nous pas dans un siècle où tout doit se remettre en question, afin que rien ne soit cru désormais, qui ne soit démontré? Aveugle est celui qui se scandalise de nos disputes! Il faut des hommes pour l’attaque et des hommes pour la défense: celui qui prétendrait faire tout à lui seul ne découvrirait rien. Votre rôle, monsieur le rédacteur, est de poser des problèmes: c’est pour cela que vous êtes fouriériste; le mien est de faire des comparaisons et de tirer des conséquences: c’est ainsi que je suis devenu égalitaire.

Défendez toujours, jusqu’à preuve définitive du contraire, votre hypothèse; c’est votre droit : celui qui n’a jamais rien cru hypothétiquement n’a rien appris. Mais n’oubliez pas que si l’hypothèse est la méthode universelle d’invention, la démonstration de la vérité, dans nos pauvres sciences humaines, n’est le plus souvent que l’élimination de l’erreur.

Je suis, monsieur le rédacteur, avec toute la considération que méritent vos talents et votre caractère,

Votre dévoué serviteur,

P.-J. PROUDHON. 
Besançon, 1er janvier, 1842.

And you, men in power, angry magistrates, cowardly proprietors, have you finally understood me? Your property is indefensible; but your acquired condition, the well-being of your children and the present advantages of your families, founded on an order of things that you did not make, are inviolable and sacred. Fear nothing for yourself or for your enjoyments: your enjoyments! There is not an intelligent communist, not an egalitarian worthy of the name, who wants them for his own. Thieves and looters are more odious to us than to you, proprietors enriched by our sweat: what we ask is therefore not your abasement, but the means of equaling you; it is order, wlaborork, education and bread. Your role today, know it well, is that of emancipators of the people; your goods are ours which have been handed over to you in guardianship; your sons are our brothers whom you endow with our legitimacy. Proprietor! Your pupils have grown; every day the idea of their rights shines more ardently in their enlightened eyes: tremble lest they declare themselves emancipated before their time, and lest a horrible vengeance make you expiate your too-long hesitations. Obstinate conservatives, catastrophes are henceforth to be feared only from your selfishness and your ignorance: the people know today that order can only be the fruit of a regular and uninterrupted development. For in the life of society, just as in the life of the individual, there is no interruption: interruption is death! But there is no stopping either, because to stop, for life, is to end. So don’t hope, either by concessions or by reasoning, to bring us back from what you call fanaticism and chimeras, and which is only the feeling of our just rights: the enthusiasm that possesses us, the enthusiasm for equality, is unknown to you. It is an intoxication stronger than wine, more penetrating than love, passion or divine fury, which the delirium of Leonidas, Saint Bernards and Michelangelo never equalled. Do not listen to the sophists who reassure you: do not expect anything from your courts; do not despise our disarmed poverty; do not count on your gold, nor on the number of your battalions, nor on the help of your allies: for, like the torrent that thunders, like the lightning that devours, like the hail that kills, so passes the anger of the people. Above all, do not provoke the outbursts of our despair, because, when your soldiers and your gendarmes succeeded in oppressing us, you would not hold out against our last resource. It is neither regicide, nor assassination, nor poisoning, nor arson, nor refusal of work, nor emigration, nor insurrection, nor suicide: it is something more terrible than all that and more effective, something that has been seen, but which cannot be said.

I thank you, Mr. Editor, for the honorable terms in which you have expressed yourself several times on my account, and I deeply regret not being able to respond to them with a more favorable opinion of Fourier. For six whole weeks I was the captive of that bizarre genius; and every time I still think of it, it makes me laugh and terrifies me. But the habit that I formed of never stopping at one system as long as I had others to explore soon freed me from this fascination that men with fixed ideas and strong wills exert on those who read them or who listen to them, and I have no doubt that the same thing would have happened to you, sir, if, instead of indulging in premature propaganda, you had pursued your studies and left your enthusiasm the time to cool down. Oh! What would I not give to meet with you under the same flag, fighting for the same cause! I would follow you from afar as my leader and my guide; you would encourage me with your voice and your look; and if the proprietors still balked, you would see what your compatriot can do.

I hope, Mr. Editor, that seeing your theory more strongly shaken every day, you will not despair of this science which you have loved so much, and to which you have made such great sacrifices. And besides, don’t we live in a century where everything must be called into question, so that nothing is now believed that is not demonstrated? Blind is he who is scandalized by our disputes! Men are needed for the attack and men for the defence: anyone who pretends to do everything on his own would discover nothing. Your role, Mr. Editor, is to pose problems: that is why you are a Fourierist; mine is to make comparisons and draw conclusions: this is how I became an egalitarian.

Always defend, until there is definitive evidence to the contrary, your hypothesis. I is your right: he who has never believed anything hypothetically has learned nothing. But do not forget that if the hypothesis is the universal method of invention, the demonstration of truth, in our poor human sciences, is most often only the elimination of error.

I am, Mr Editor, with all the consideration your talents and character deserve,

Your devoted servant,

P.-J. PROUDHON.

Besançon, January 1, 1842.

Notes:

(1) Dans la théorie même de l’inviolabilité royale, la Chambre, et par conséquent chaque député individuellement, avait droit de proposer la suspension de Louis-Philippe et de demander une enquête, afin, s’il était reconnu coupable, de pourvoir à son remplacement. Chacun sait que l’inviolabilité ne s’étend qu’aux actes officiels et contre-signes des ministres; mais si le roi meurt, abdique, appelle l’ennemi, rompt, d’une manière quelconque, le pacte social, ses restes ou sa personne rentrent dans le droit commun, en même temps que l’inviolabilité passe à son successeur.

(2) La brochure pour laquelle M. Lamennais a fait un an de prison était une compilation d’articles du National auxquels l’illustre écrivain eut la faiblesse d’ajouter quelques phrases de sa façon, et d’apposer sa signature.

Chacun sait l’usage que le National a fait d’une opinion, plutôt hypothétique qu’absolue, de M. Arago, dans l’affaire des fortifications.

(1) On vient d’en avoir un exemple dans la condamnation de Dupoty. Dupoty, je n’en fais aucun doute, était étranger au crime de Quénisset, et pouvait sortir de l’accusation avec honneur en acceptant sa position d’inculpé et en présentant une défense appropriée à sa situation. Mais le National tenait à faire intervenir la presse dans cette affaire; au lieu de se défendre, Dupoty parla pour ses confrères qui n’étaient point en cause, et, victime de leur égoïsme, après avoir entassé maladresse sur maladresse, l’infortuné journaliste fut condamné.

Un autre enseignement, également relatif à la presse, résulte du procès de Quénisset. Si la fameuse loi de disjonction avait été adoptée, il eût été possible de soustraire Dupoty a la juridiction de la cour des pairs, et de le faire traduire devant un jury, qui probablement l’eût acquitté. En faisant cette observation, je n’ai nullement pour objet de défendre pas plus que d’attaquer la loi de disjonction; il y a trop à dire sur cette matière, et tout n’a pas éié dit encore. Mais il est utile de rappeler ces coups de fortune à une époque où la bonne foi est si rare dans les discussions politiques, autant chez ceux qui rejettent que chez ceux qui proposent.

[4] […]

‘a peu près comme dans mon deuxième mémoire j’avais montré ses tendances égalitaires. Mais il est rare que la même preuve puisse s’appliquer à deux thèses différentes. Et d’abord, l’auteur de l’article attribue au principe communiste ce qui appartient à l’égalité ou a. l’association proprement dite; puis ses exemples de communauté sont on ne peut plus malheureux. Ce sont: 1» l’armée, la garde civique, tout ce qui appartient à la défense nationale. Mais il est évident que toutes ces institutions sont en pleine décadence, qu’elles appartiennent a un autre âge, et doivent disparaître avec la guerre dont elles sont le résultat. — 2° Les hôpitaux, salles d’asile, tous les établissements de charité publique. Mais qui ne voit que tout cela est le produit du mal propriétaire? Quoi de moins social, sous le rapport du droit et de l’hygiène, que les hôpitaux, véritables foyers d’infection; les ateliers de charité, où le travailleur, mal rétribué, n’est pas libre; les salles d’asile, qui témoignent d’un paupérisme dévorant? Et pourquoi n’at-on pas ajouté les prisons? — 3° Quant aux collèges et autres maisons à’éducation publique, il faut faire une distinction. Comme la communauté fut jadis le berceau du genre humain, ainsi l’enfant, détaché du sein de sa mère, avec laquelle son existence restait d’abord confondue, doit, avant de mener une vie propre et d’être réputé homme, passer par une discipline de communauté. Mais à mesure que son éducation s’avance, le jeune homme tend k jouir de la plénitude de sa liberté avec une force irrésistible; aussi voit-on chez lui l’horreur du collège et du pensionnat croître en raison directe de l’âge. Le tort des communistes en ceci consiste donc à prolonger l’enfance du sujet jusqu’à la fin de sa carrière.

›Il ne suffit pas de citer des faits, il faut encore les apprécier.

Notes:

[1] In the very theory of royal inviolability, the Chamber, and consequently each deputy individually, had the right to propose the suspension of Louis-Philippe and to demand an inquiry, in order, if found guilty, to provide for his replacement. Everyone knows that inviolability extends only to official acts and countersigns of ministers; but if the king dies, abdicates, summons the enemy, breaks the social pact in any way whatsoever, his remains or his person revert to common law, at the same time as inviolability passes to his successor.

[2] The pamphlet for which Mr. Lamennais served a year in prison was a compilation of articles from the National to which the illustrious writer had the weakness to add a few sentences in his own way, and to affix his signature.

Everyone knows the use that the National has made of an opinion, rather hypothetical than absolute, of M. Arago, in the matter of the fortifications.

[3] We have just had an example in the conviction of Dupoty. Dupoty, I have no doubt, was a stranger to the crime of Quénisset, and could come out of the accusation with honor by accepting his position as the accused and presenting a defense appropriate to his situation. But the National wanted the press to intervene in this affair; instead of defending himself, Dupoty spoke for his colleagues who were not involved and, victim of their selfishness, after piling up clumsiness upon clumsiness, the unfortunate journalist was condemned.

Another lesson, also relating to the press, results from the Quénisset trial. If the famous law of disjunction had been adopted, it would have been possible to withdraw Dupoty from the jurisdiction of the court of peers and to have him brought before a jury, which would probably have acquitted him. In making this observation, I have no object in defending or attacking the law of disjunction; there is too much to say on this subject and all has not yet been said. But it is useful to recall these strokes of fortune at a time when good faith is so rare in political discussions, as much among those who reject as among those who propose.

[4] In its issue of December 1841, the newspaper la Fraternité has tried to show the communist tendencies of the present society, much as in my second memoir I had shown its egalitarian tendencies. But it is rare that the same proof can apply to two different theses. And first of all, the author of the article attributes to the communist principle what belongs to equality or to association itself; then his examples of community could not be more unfortunate. They are: 1st, the army, the civic guard, all that pertains to national defence. But it is obvious that all these institutions are in full decline, that they belong to another age and must disappear with the war of which they are the result. — 2. Hospitals, asylums, all public charitable establishments. But who does not see that all this is the product of the proprietary evil? What could be less social, in terms of law and hygiene, than hospitals, true centers of infection; the charity workshops, where the worker, badly remunerated, is not free; the asylum rooms, which bear witness to a devouring pauperism? And why weren’t prisons added? — 3. As to the colleges and other houses of public education, a distinction must be made. As community was once the cradle of the human race, so the child, detached from the womb of his mother, with whom his existence remained at first merged, must, before leading a life of his own and being reputed to be a man, pass through a community discipline. But as his education advances, the young man tends to enjoy the fullness of his freedom with an irresistible force; so we see in him the horror of college and boarding school increasing in direct proportion to his age. The fault of the Communists in this therefore consists in prolonging the childhood of the subject until the end of his career.

It is not enough to cite facts, they must also be assessed.

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