P.-J. Proudhon, “Revolutionary Ideas” (1849)

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PRÉFACE DE L’ÉDITEUR.

Ceci est la Révolution de février jugée dans ses phases diverses par l’homme qui, de l’aveu de ses adversaires eux-mêmes, en est la personnification la plus complète.

‘A ce titre, ce livre se recommande à l’attention de quiconque ayant foi dans celte Révolution tient à la comprendre dans son idée, dans sa portée et dans son but.

A proprement parler, ce n’est point un ouvrage dans la vraie acception du mot; car si c’est un tout, ce n’est point un ensemble. Les divers fragments qui le composent n’ont de lien entre eux que la pensée commune qui les a dictés et le critérium de vérité qui guidait l’auteur dans ses appréciations. L’auteur les a écrits le plus souvent au courant de la plume, toujours sous le coup des premières impressions causées par les événements, et parfois comme jouant lui-même un rôle important sur la scène révolutionnaire.

Cette situation d’esprit, qui est habituellement un danger, en ce sens qu’elle laisse le champ libre aux passions, n’en a point été un pour lui. Soumis dans son intelligence comme dans sa conduite politique à une méthode sûre et rationnelle, il n’a mis de Chaleur et de sentiment que dans son style; le logicien le plus sévère et l’impartialité la plus scrupuleuse ne trouveraient pas matière à l’accuser d’avoir manqué aux règles de la dialectique pour faire poser un préjugé, ou d’avoir rompu la série des événements pour faire triompher un parti.

Nous présentons donc hardiment ce livre comme pouvant donner seul la clé de cette charade révolutionnaire qui se joue en France depuis un an et qui se dénouera bientôt. C’en est plus que l’histoire, c’en est le commentaire.

Nous avions essayé, nous, le serviteur de l’idée qui fait la vie de ces pages , de coudre un lambeau à ces lambeaux, ‘et d’y joindre quelques considérations nécessaires, ce nous semblait, à guider lé lecteur? L’auteur ne commence son livre qu’au lendemain du 16 avril. Que faut-il penser des événements qui précèdent cette date devenue célèbre , et qui le deviendra bien plus encore? Voilà, disions-nous, ce qu’on se demandera sans doute, et ce sur quoi il est impossible de ne pas dire quelques mots.

Mais nous avons craint de rompre le fil logique qui unit ces pages, en déposant à côté notre pensée particulière. L’auteur du reste avait ailleurs (4), beaucoup mieux que nous ne pouvions le faire nous-même, exprimé son opinion sur ces événements extraordinaires. Nous n’avions tien de mieux à faire que de nous en référer à lui-même. Ce qu’on va lire n’est donc pas de nous; mais dé lui. Nous nous sommes permis de resserrer en quelques pages, ce qu’il avait dit plus longuement. Voilà à quoi s’est borné notre travail.

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Qui a fait la Révolution de février? quel en est le véritable auteur ?

Certes, ce test point là une question indifférente, car de sa solution dépendent et la moralité et la justice : et la légitimité de l’insurrection qui, en jetant à bas le trône de Louis-Philippe, nous a donné la République.

L’intérêt des passions monarchiques peut seul insinuer que cette Révolution n’est due qu’au hasard de quelques causes indifférentes. Il y a longtemps que tout le monde l’a dit: l’auteur de la Révolution de février, c’est le Peuple.

En effet, ce n’est pas l’Opposition qui, le 22 février, par la bouche de M. Odilon Barrot, se désistait devant le veto des ministres.

Ce n’est pas la garde nationale qui , malgré son sincère amour de la liberté et son dégoût de ce qu’on appelait le système ; malgré l’appui qu’elle a donné par ses armes à la révolte, redoutait une catastrophe autant au moins qu’elle souhaitait la chute du ministère.

Ce n’est pas la presse radicale, puisque le 23 au matin la feuille la plus avancée du parti républicain , posant les conditions auxquelles elle pensait pouvoir garantir le rétablissement de l’ordre, était loin de s’attendre à l’étonnant succès du lendemain.

Enfin ce n’est point l’utopie socialiste, qui, dans toutes ses publications, prêchait aux ouvriers la patience, se défiant d’une République dans laquelle elle ne pouvait voir que l’ajournement indéfini de ses rêveries.

Ce n’est ni un parti ni une secte qui a fait la Révolution ; c’est le Peuple, le Peuple en dehors de tout parti et de toute secte. C’est lui dont la conscience a tout à coup fait explosion et qui, en moins de temps qu’on n’en avait mis en 1830 à bâcler la Charte, a constitué la République. Mais comment le Peuple s’est-il levé? Pour qui, pourquoi a-t-il pris les armes ? Quel a été son but en ce grave événement; — son idée ; nous dirons plus, son droit ?

Il y a dans la réponse à ces questions un profond enseignement. C’est ici qu’il faut étudier la logique du Peuple, supérieure à la logique des philosophes, et qui seule peut nous guider dans les obscurités de l’avenir.

Si dans ces glorieuses journées le Peuple se fût comporté comme n’eût pas manqué de le faire tout homme amoureux de la légalité , il n’y aurait pas eu de révolution. Car, ne craignons pas de l’avouer, tout ce qui s’est fait par le Peuple a été fait en violation de la légalité.

En effet, le 20 février, par le manifeste de l’Opposition qui appelait dans ses rangs la garde nationale, la loi sur les attroupements était violée ! la loi sur la garde nationale, violée. Il n’est même pas sûr que sur ce droit de réunion , objet de tant de querelles, la loi et la jurisprudence ne fussent, quoi qu’on ait dit, pour le ministère : à cet égard, la légalité aurait donc été violée.

Ce n’est pas tout , la minorité de la Chambre, agissant par intimidation sur la prérogative royale, violait la Charte ; l’abdication de Louis-Philippe, que la responsabilité ministérielle devait couvrir, violait la Charte ; la loi de régence était deux fois violée , d’abord par la substitution de la duchesse d’Orléans au duc de Nemours, puis par l’appel fait à Ja nation; enfin le Peuple, faisant prévaloir sa volonté par la force, au lieu de s’en tenir à un acte juridique, comme le voulait l’Opposition, foulait aux pieds toutes les lois.

Et cependant le Peuple n’a point été parjure ! La Révolution, produit d’une série d’illégalités, n’a point été faite contre le droit ; elle est au contraire, dans son principe, marquée au coin de la légitimité la plus haute.

Le Peuple, — nous disons le Peuple un et indivisible, nous n’entendons point par là la multitude, ce qui n’est que pluralité sans unité, — le Peuple raisonne avec une conscience et d’un point de vue supérieur à toute raison individuelle : aussi ses conclusions sont-elles presque toujours autres que celles des légistes.

Le Peuple est souverain. Comme tel, il n’est obligé qu’envers lui-même. Nul ne traite avec lui d’égal à égal ; et lorsqu’il se lève pour sa dignité offensée ou compromise, il est absurde de demander si cette manifestation du Peuple est ou non légale. Une constitution n’est pas un contrat synallagmatique entre roi et Peuple, entre législateur et citoyens, entre mandants et mandataires. C’est le système par lequel le Peuple, homme collectif, organise éternellement ses fonctions, équilibre ses pouvoirs,

Le Peuple done, lorsqu’il apprend que sa liberté est en péril et que le moment est venu pour lui de résister, ne comprend, ne peut comprendre qu’une chose : c’est qu’à lui appartient non pas de protester, mais de décider souverainement, L’Opposition était donc bien ignorante des droits du Peuple et de sa logique, quand voulant, disait-elle, montrer par un exemple que le Peuple était capable de respecter le pouvoir et de protester contre le pouvoir, elle l’invitait à venir avec elle signer une protestation contre le gouvernement. Protester, c’était abdiquer. Quand le Peuple se lève, il entend que c’est lui qui juge et qui exécute.

Le Peuple laissa l’Opposition se renfermer dans les limites étroites de la légalité. Sa protestation, à lui, fut un acte de souveraineté. D’une simple émeute, il fit une Révolution.

Or, s’il est vrai que l’acte du ministère qui interdisait le banquet du 12° arrondissement, légal en soi, n’a été pour le Peuple qu’une occasion; s’il est vrai ensuite que la protestation toute parlementaire des députés de la gauche n’a été qu’un cri d’alarme, sur quoi tombe l’insurrection qui a suivi? Ÿ avait-il raison suffisante de renverser le ministère, de chasser une dynastie, de changer Ja forme du gouvernement , de révolutionner de fond en comble la société? Car c’est là, qu’on y prenne garde, que doivent se trouver la moralité de l’évènement et toute l’idée révolutionnaire.

Il faut le dire bien haut, le mouvement n’était dirigé ni contre le ministère, ni contre le prince, ni même contre le système. Tout cela, à certains égards, était indigne de l’attention du Peuple. Ce que le Peuple a voulu frapper et détruire, c’est la Constitution. Cela résulte des illégalités commises et du progrès des idées et des faits depuis dix-sept ans,

La Révolution de 1830, révolution légale s’il en fut, est essentiellement l’œuvre da la bourgeoisie ; la classe ouvrière n’en avait été que l’instrument, Quant au Peuple lui-même, pris dans son intégralité, il eut sans doute pour but en 1830 de pousser jusqu’au bout l’expérience du gouvernement constitutionnel, œuvre de 1789, Or, dix-sept ans ont suffi pour mener l’expérience à fin et pour démontrer au Peuple toutes les contradictions qui gisaient au fond de la Charte restaurée.

Tout, en effet, était louche et équivoque dans celte Charte de_1830, où tout était pour le prince, et rien pour le Peuple. Sur les choses les plus essentielles ; la Charte était muette, et toujours ce silence était interprété en faveur de la prérogative royale, contre l’intérêt de la masse.

La Charte impliquait que le gouvernement, comme la loi elle-même, ne pouvait être que l’expression de la volonté générale. Le roi était préposé par la nation, non pour modifier cette volonté , mais pour en assurer la sincère exécution. La puissance législative distribuée entre le roi, la Chambre des pairs et la Chambre des députés semblait une combinaison heureuse capable de maintenir l’équilibre. Mais, à tort ou à raison, il arrivait que la loi, que le gouvernement était toujours plus œuvre du roi que des trois pouvoirs et des ministres; en sorte que la nation pouvait se dire souveraine, mais à condition seulement de consentir aux volontés du roi.

Ce mensonge constitutionnel , dénoncé par tous les hommes qui avaient occupé le pouvoir ou qui l’approchaient, a déterminé la Révolution. La difficulté eût été tranchée, qu’on le remarque bien, alors même que la Révolution se serait arrêtée aux manifestations du 22 et du 23, sans aller jusqu’à l’abdication du roi, jusqu’à l’expulsion de la dynastie. La Charte élucidée par l’abolition du gouvernement personnel, le pouvoir changeait de forme.

La question révolutionnaire était posée de cette façon depuis 4830 : en principe et au point de vue constitutionnel , la volonté du prince doit-elle l’emporter sur la volonté du Peuple? Le 22 février, le Peuple avait répondu d’une manière définitive : Non; désormais ce sera ma volonté qui prévaudra.

Tout en s’inclinant devant la souveraineté du Peuple, le gouvernement était devenu l’apanage, la propriété de la classe moyenne. Mais le Peuple : Je veux, dit-il, que les choses changent. Dorénavant les ouvriers, comme les bourgeois, auront part au gouvernement. Tel était le sens de la réforme électorale appuyée dans ces derniers temps par tout le monde.

Or, le gouvernement personnel aboli, la réforme électorale et parlementaire obtenue, le roi restant aux Tuileries, la royauté n’était déjà plus qu’un vain titre, la Révolution était politiquement consommée. Ce qui a suivi_n’a_été qu’une déduction rapide et sans moyens termes de ces deux prémisses : l’abolition du gouvernement personnel et la réforme électorale.

Le parasitisme proscrit dans son incarnation la plus haute : la royauté qui règne; comme le despotisme l’avait été dans son expression la plus complète, la royauté qui gouverne ; comme la vénalité, le privilège et l’agiotage l’avaient été dans leur source la plus profonde, la royauté qui corrompt; la question sociale se trouvait posée de fait et de droit.

Le Peuple, quoi qu’en disent ceux qui ont intérêt à soutenir le contraire, demandait non pas que le gouvernement s’emparât du commerce, de l’agriculture et de l’industrie pour les ajouter à ses attributions, et faire de la nation française une nation de salariés; mais qu’il s’occupât des choses du commerce, de l’agriculture et de V industrie, de de manière à favoriser, suivant les règles de la science, qui sont celles de la justice, le développement de la richesse publique, et à procurer l’amélioration matérielle et morale des classes pauvres. Et le gouvernement de répondre que ces choses n’étaient point de sa compétence , qu’il ne s’en occuperait pas. Mais moi, s’écria le Peuple, je veux que le gouvernement s’en occupe.

Ainsi, là réforme du gouvernement personnel contenait la réforme parlementaire ; la réforme parlementaire contenait la réforme électorale; la réforme électorale impliquait la réforme de la Constitution ; la réforme de la Constitution entrainait l’abolition de la royauté, et À l’abolition de la royauté était synonyme de révolution sociale. Les seuls qui eussent compris la situation, c’étaient d’une part le gouvernement, de l’autre le Peuple. Par le fait seul de la protestation de la gauche , qui devait avoir lieu le 22 février, la_ Révolution tout entière était accomplie; le Peuple n’a fait que dégager l’événement qui était dans la pensée de tout le monde.

Le problème de la reconstitution sociale étant posé, il s’agissait de le résoudre. Cette solution, on ne pouvait l’apprendre que du Peuple. On a vu comment , on généralisant ses idées sur le gouvernement, le Peuple avait conclu tout à coup à une révolution et converti la monarchie en République. Le tort de ceux qui prirent la tête de cette Révolution fut de n’être pas à la hauteur des idées du Peuple.

La Révolution de février n’était pas seulement une négation du principe monarchique, c’était une négation du principe représentatif, de la souveraineté des majorités.

Le gouvernement provisoire , composé en grande partie de juristes, déclara que la France serait constituée en République; mais il y mit pour condition la ratification des citoyens. « Quoi de plus juste en effet, disaient les formalistes de l’Hôtel-de-Ville, que de réserver l’adhésion des départements? Le bon plaisir de quelques centaines d’insurgés pouvait-il annuler le droit de 36 millions d’hommes, et la proclamation faite à Paris de la République obliger les cœurs monarchiques des départements ? N’y avait-il point en cela contradiction au principe républicain? Ne serait-ce point une usurpation flagrante ? »

« Mais, disait de son côté le Peuple, si c’est moi qui ai parlé à Paris, je ne puis me contredire à Bordeaux. Le Peuple est un et indivisible ; il n’est pas majorité et minorité ; il n’est point une multitude ; il ne se scinde pas. Sa volonté ne se compte ni ne se pèse comme des suffrages d’actionnaires : elle est unanime. Partout où il y a division, ce n’est plus le Peuple : les théories représentatives sont une négation de sa souveraineté. Le Peuple est toujours d’accord avec lui-même; tout se tient, tout se lie dans ses décisions ; tous ses jugements sont identiques. Supposer qu’après l’événement du 24 février, préparé, prévu de si loin, accompli par le concours ou l’antagonisme de toutes les idées, la proclamation de la République pût être objet de controverse, c’était frapper de nullité tout ce que, pendant ces trois jours, avait fait le Peuple, ct donner gain de cause à M. Guizot. »

En effet si, après la déclaration du Peuple de Paris, la République devait être remise en question devant les assemblées électorales, cela laissait supposer que la volonté du Peuple n’est pas unanime et que cette volonté n’est autre que la volonté de la majorité. Or, si c’est à la majorité de faire la loi, il faut dire encore que c’est à Ja majorité des majorités, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on revienne au gouvernement personnel; qu’ainsi le gouvernement appartient à la classe moyenne élue par la majorité des assemblées primaires; que la classe moyenne à son four doit respect à sa propre majorité, à la majorité de ses électeurs ; que la majorité des électeurs doit obéir à la majorité des députés, la majorité des députés se soumettre au ministère, lequel est tenu de faire la volonté du roi, qui, en vertu de la majorité, règne et gouverne.

Jamais, avec la théorie représentative, on ne sortira de ce cercle, et c’est justement hors de ce cercle que venait de se placer le Peuple. La loi de majorité, avait-il dit, n’est rien , si ce n’est comme transaction provisoire entre des opinions antagonistes, et en attendant la solution du Peuple.

Ainsi trois questions générales avaient été résolues par la Révolution du 24 février en sens diamétralement contraire à toutes les idées reçues :

1° Question de résistance légale. — Le Peuple l’avait dit une fois pour toutes : Protester, pour lui, est synonyme d’ordonner; blâmer est synonyme de s’op. poser; résister, synonyme de renverser l’objet de sa résistance.

2° Question de réforme. — L’Opposition, tout en demandant les mêmes choses et dans les mêmes termes que l’insurrection, mais ne les envisageant pas séparément et en détail, réservait expressément dans la protestation la monarchie, la Charte, les institutions constitutionnelles, en même temps qu’elle repoussait la réforme sociale. Le Peuple, au contraire, embrassant toutes les réformes demandées en un seul faisceau, avait compris que de ce faisceau résultait une idée nouvelle; il avait tout réduit en poussière, royauté et Constitution.

3° Question de majorité représentative. — Tous les publicistes sont. d’accord que c’est la majorité non du Peuple, mais de ses représentants, qui fait la loi. Le Peuple, au rebours , avait vu que l’autorité des majorités n’est point absolue ; qu’elle est sujette à caution, et que, dans certains cas, il peut arriver que l’intégralité du Peuple soit condamnée par la majorité du Peuple ; qu’il y avait donc lieu à réviser ce principe dans la Constitution nouvelle.

Sans doute, si chaque citoyen prenait pour règle cette logique, nous aboutirions forcément à la guerre civile; mais cette individualité supérieure qu’on appelle le Peuple conclut toujours à la paix et à l’unité. La logique du Peuple est la loi de l’histoire, la source du droit et du progrès , le principe de toute moralité, la source de toute justice. — Interroger le Peuple! là est le secret de l’avenir! Interroger le Peuple! c’est toute la science de la société.

Interroger le Peuple! Le gouvernement qui s’installa le 24 février à l’Hôtel-de-Ville ne sut point le faire, et faute de le savoir, il perdit la Révolution.

Qu’avons–nous vu le lendemain du triomphe populaire? La République transformée en une. démocratie doctrinaire; l’empirisme et l’utopie prenant la place des idées et faisant du Peuple une matière à expérimentation; de petits hommes , de petites idées , de petits discours ; la médiocrité, le préjugé, le doute, et bientôt la colère de la multitude. La volonté du Peuple, qui aurait dû grandir ses chefs, les avait amoindris. On attendait de ces magistrats improvisés, portés sur les ailes de la Révolution, qu’ils ramèneraient la sécurité, ils semèrent l’épouvante; — qu’ils feraient la lumière , ils créèrent le chaos ; — qu’ils sauraient préciser les questions, dire ce que le Peuple voulait et ce qu’il ne voulait pas, ils n’affirmèrent rien, laissèrent tout croire et firent tout craindre. II fallait tout à la fois rassurer la propriété et donner des garanties au prolétariat par la conciliation de leur antagonisme; ils les mirent aux prises, ils soufflèrent la guerre sociale. On comptait sur des actes , ils produisirent l’inertie. On leur demandait du travail, ils formèrent des cadres ; du crédit, ils décrétèrent les assignats ; des débouchés, ils s’en référèrent à l’attitude de la République. Une fois ils nous dirent que l’organisation du travail ne pouvait se faire d’un jour ; une autre fois, que la question était complexe ; quinze jours après, ils nous renvoyèrent au bureau de placements. Le Peuple s’était retiré de ces hommes ; ils l’aimaient cependant, ils daignaient le lui dire. Mais rien, rien, rien ne décelait en eux l’intelligence de ce Peuple, dont ils portaient les destinées. Partout dans leurs actes, au lieu de ces pensées universelles, sublimes, qu‘enfante le Peuple, on ne trouvait que chaudes allocutions, chaleureuses paroles, utopic, routine, contradiction, discorde.

Examinons quelques-uns des actes de ce gouvernement qui avait en main la plus grande Révolution qui se fût jamais accomplie sur la terre, et qui la livra misérablement par son incapacité à ses ennemis.

La première chose dont s’est occupé le gouvernement, c’est d’exclure le drapeau rouge. La Révolution, on ne peut le dissimuler, avait été faite par le drapeau rouge; le gouvernement provisoire décida de garder le drapeau tricolore. En agissant ainsi, il ne faisait les fois que le Peuple, vaincu par la souffrance, veut exprimer, en dehors de cette légalité juridique qui l’assassine, ses vœux et ses plaintes, il marche sous une bannière rouge. Qu’on garde, si l’on veut, le drapeau tricolore, symbole de notre nationalité; mais qu’on se souvienne que le drapeau rouge est-le signe d’une révolution qui sera la dernière. — Le drapeau rouge! c’est l’étendard fédéral du genre humain.

Après l’interdiction du drapeau rouge, est venu le décret d’accusation des ministres. Informer, passe ; mais accuser était absurde, surtout après l’abolition de la peine de mort pour crimes politiques. De plus c’était injurieux au Peuple. Comment! le gouvernement provisoire n’avait pas compris que la Révolution de février était la fin d’une constitution, et non le renversement d’un ministère? Le 22, M. Guizot pouvait être mis en accusation ; mais seulement par les députés de la gauche : son crime alors était de jouer l’existence de la monarchie et de compromettre par un conflit les institutions de juillet, Le 23 encore, M. Guizot, quoique démissionnaire, était responsable du sang versés l’opposition triomphante pouvait lui demander compte de sa résistance intempestive. La victoire du 24 avait absous M, Guizot; elle avait changé pour lui comme pour tout le monde le terrain de la légalité, Elle l’honorait même en un sens; car elle prouvait qu’il avait mieux jugé du Peuple que l’Opposition, M. Guizot ne pouvait être accusé qu’en vertu de la Charte : la Charte détruite, M. Guizot n’était plus justiciable que de sa conscience et de l’histoire : il avait le droit de décliner la compétence de tribunaux républicains.

Faut-il que nous parlions de tous ces décrois incompréhensibles dans lesquels éclate à chaque instant l’inintelligence des hommes de la Révolution ?

Et d’abord à quoi bon un décret pour délier les fonctionnaires de leur serment? Quoi! il ne suffisait pas, pour la conscience des fonctionnaires, d’une révolution qui abolissait la monarchie constitutionnelle, qui non-seulement évinçait la dynastie, qui changeait le principe ! Il fallait aux fonctionnaires l’absolution d’un M. Crémieux. Ce n’était pas savoir le premier mot du catéchisme politique. Louis-Philippe et sa race vivaient encore, c’est vrai; mais la royauté était morte. Or, la royauté morte, vive la République! Cela ne souffrait pas plus de difficulté que de. passer de Louis XVII à Charles X.

El le décret qui garantissait l’organisation du travail? Remarquons ceci, Ce n’était pas la République qui garantissait; c’était le gouvernement provisoire. Mais qu’était-ce, nous vous le demandons, que la garantie d’un provisoire? N’était-ce pas le cas de dire : Le bon billet qu’a La Châtre! Qu’est-il arrivé? que le gouvernement définitif a donné tort au gouvernement provisoire. Il a trouvé que ce n’était pas à lui d’organiser ; un de ses premiers actes a été de décréter la liquidation des ateliers prétendus nationaux et de déclarer vide de sens la pensée de la Révolution. A force de vouloir que l’idée vint de plus haut que la République, le gouvernement a fait la planche à la réaction.

Un décret qu’on peut considérer comme le plus au rebours des idées de la Révolution, ç’a été la création des ateliers nationaux. Le socialisme en a toujours décliné la responsabilité, et il a eu raison. De tous les actes du gouvernement provisoire, c’est celui qu’on peut considérer comme ressemblant le plus à une trahison. Quel meilleur moyen d’en finir avec les aspirations sociales du Peuple, que deles parodier aussi indignement.

Du reste, l’utopie n’est pas exempte de reproches : son idée des ateliers sociaux n’était guère plus raisonnable. Il y avait dans Paris 30,000 tailleurs sans ouvrage. Le Luxembourg leur offrit des ciseaux , des aiguilles, des salles de couture, des presses pour le décatissage… Mais du travail?… — La moitié des imprimeurs chômaient. On parla de créer aux quatre-vingt-dix imprimeries de la capitale un supplément de matériel de trois millions… Mais du travail ?… — Les chantiers de construction étaient fermés. On parle d’en établir d’autres à côté, afin de leur faire concurrence. Mais du travail?… — La librairie ancienne et moderne, classique, politique, religieuse, médicale, regorgeait de livres qui ne se vendaient pas. Le gouvernement parlait de délivrer cinquante nouveaux brevets… Mais des acheteurs ?… — La passementerie, l’orfèvrerie, la chapellerie, tous les corps d’état étaient à bas. Il y avait un remède au chômage : les travailleurs n’avaient qu’à s’associer. Le gouvernement provisoire leur offrait des patentes, parlait de leur fournir des directeurs, des contrôleurs, des inspecteurs, des comptables, des gérants, des commis! Il y en avait de reste. — Mais des capitaux? mais des commandes ? mais des débouchés ?

La moitié des maisons étaient délabrées; le quart des appartements vides. Il fallait augmenter la valeur de cette partie de la propriété foncière. Le gouvernement provisoire proposait des plans pour la construction de casernes, d’hospices, de palais nationaux, afin de loger les ouvriers. Il y revient encore, sous la présidence de Louis-Bonaparte.

Les terres en exploitation étaient mal cultivées ; l’agriculture manquait de bras et de capitaux. Le gouvernement provisoire pensait aux dunes, aux friches, aux bruyères, aux landes, à toutes les terres incultes et stériles !

Voilà sur quelles idées économiques la France a vécu pendant six mois. Les badauds ont pu admirer; le Peuple indigné a fait rentrer tous ces charlatans dans la poudre.

Mais on aurait pu pardonner le charlatanisme et l’ignorance, si à côté de cela ne s’était pas trouvée une déplorable tendance à caresser les préjugés de la multitude. C’est cette manie qui nous a valu le fameux décret sur la réduction des heures de travail et l’abolition des tâches et du marchandage.

L’ouvrier gagnait peu et travaillait beaucoup. On lui avait insinué que, pour son bonheur, il devait travailler moins et gagner davantage. Dans l’économie politique de la routine, c’était irréprochable de raisonnement ; mais le Peuple, lui, aune tout autre logique; il trouve qu’augmentation de travail, diminution de salaire et accroissement de richesses sont trois termes identiques d’une seule et même série. Cela a l’air contradictoire, et pourtant cela est.

Informé que des maîtres faisaient difficulté d’obéir à ses ordres, le gouvernement provisoire rendit de nouveaux décrets, expédia des circulaires, débita des harangues portant en substance : « Que la production pourrait avoir à souffrir de la réduction des heures de travail; mais que la volonté du gouvernement voulait être obéie, et qu’elle le serait, quoi qu’il advint! Que les commissaires eussent à y tenir la main, qu’il y allait de l’égalité et de la fraternité! »

C’était ainsi que le gouvernement provisoire entendait le problème social. Il prenait les entrepreneurs d’industrie pour des seigneurs féodaux, les ouvriers pour des serfs, le travail pour une corvée; il s’imaginait, après tant d’études sur la matière, que le prolétariat moderne résultait de l’oppression d’une caste; il ignorait ou faisait semblant d’ignorer que ce qui a établi les heures de travail, déterminé le salaire, divisé les fonctions, développé la concurrence, constitué le capital en monopole, asservi le corps et l’âme du travailleur, c’est un système de causes fatales, indépendantes de la volonté des maîtres comme de celle des compagnons.

Mais ce qu’il comprenait moins encore, c’est qu’après avoir mis ainsi la main sur le travail, il était obligé d’intervenir dans tous les accidents de la production, de décréter le taux des salaires, puis de forcer la vente, puis de requérir le paiement, puis de fixer la valeur,

A côté de ces non-sens économiques, on fit des non-sens philanthropiques. Tel était le décret qui avait fait des Tuileries les Invalides du Peuple! Nous nous demandons comment il était possible d’accorder cette liste civile de la misère avec l’égalité et la fraternité !

Du reste, d’égalité et de fraternité, le gouvernement provisoire ne se souciait guère. Ce qu’il lui fallait, c’était d’avoir à sa dévotion une armée de prétoriens. C’est pour cela qu’il excitait les passions cupides de ouvrier, qu’il faisait de l’intimidation à la bourgeoisie en soulevant les masses contre elle.

Rappellerons-nous cette incroyable circulaire du ministère de l’instruction publique aux recteurs, qui disait que pour tout citoyen l’instruction primaire suffisait, mais qu’il fallait à la République une élite d’hommes, et que cette élite il fallait la choisir dans tout le Peuple? Une élite d’hommes! Mais il y avait eu jusque-là dans le Peuple une élite plus ou moins réelle qu’on appelait bourgeoisie, et si la Révolution avait été faite, c’était afin que tout le monde fit partie de l’élite. Or, la circulaire du ministre de l’instruction publique venait donner un démenti à la Révolution. Il est vrai que la question, comme le problème économique, était passablement complexe. Comment, sans faire tort aux supériorités naturelles, rendre les citoyens égaux? Le gouvernement provisoire sabrait la difficulté : capacités, incapacités, sujets médiocres, sujets d’élite, qu’importe cela ?

Ce n’est pas tout.

Le gouvernement provisoire décréta que l’intérêt des sommes déposées aux caisses d’épargnes serait porté à 5 pour cent, « attendu, disait-il, que l’intérêt des bons du trésor était aussi de 5 pour cent; que les fruits du travail devaient s’accroître de plus en plus, et que, de toutes les propriétés, l’épargne du pauvre était la plus inviolable et la plus sacrée. » Certes, c’était là un touchant témoignage de ses sentiments d’égalité. Sans doute, si les porteurs de bons du trésor devaient seuls parfaire l’intérêt des caisses d’épargnes; mais si c’était le prolétaire, n’ayant ni bons du trésor ni livret d’épargnes, qui dût payer l’un et l’autre intérêt, n’était-il pas clair qu’en mettant légalité entre les créanciers de la dette flottante, on avait rendu l’inégalité entre les créanciers de l’État et les débiteurs de l’État plus grande qu’auparavant? Il n’y avait dans tout cela qu’un bavardage hypocrite.

Nous ne continuerons pas à examiner les uns après les autres tous les décrets de ce gouvernement qui avait en main l’avenir de l’humanité, et qui, comme la Sybille antique, en a dispersé les feuillets à tous les vents. Tous sont marqués au coin de l’ignorance, de la duplicité, ou, ce qui est pis, de la philanthropie. L’auteur dont nous venons de résumer les opinions a exprimé son jugement sur toutes ces mesures avec une énergie peu commune, quand il dit que toute la politique des dictateurs de Février avait consisté à montrer le poing au capital tout en se prosternant devant la pièce de cent sous.

« Vous voulez, leur disait-il à la fin du mois de mars 1848, vous voulez exterminer les juifs, les rois de l’époque, et vous adorez le veau d’or! Vous dites, ou vous laissez dire, que l’État va s’emparer des chemins de fer, des canaux, de la batellerie, du roulage, des mines, des sels; qu’on établira des impôts sur les riches, impôt somptuaire, impôt progressif, impôt sur les domestiques, les chevaux, les voitures; qu’on réduira les emplois, les traitements, les rentes, la propriété. Vous provoquez la dépréciation de toutes les valeurs financières, industrielles, commerciales; vous tarissez la source de tous les revenus; vous glacez le sang dans les veines au commerce, à l’industrie, et puis vous conjurez le numéraire de circuler ! vous suppliez les riches de ne pas le retenir! Croyez-moi, citoyens dictateurs, si c’est là toute votre science, hâtez-vous de vous réconcilier avec les juifs ! Rentrez dans ce statu quo conservateur, au delà duquel n’espérez rien, et dont vous n’auriez jamais dû sortir. »

Nous ne pouvons mieux faire, pour donner une idée de cette période révolutionnaire aux lecteurs , que leur mettre sous les yeux la fin du chapitre 1er de la Solution du problème social.

« Non, s’écriait l’auteur en s’adressant aux hommes du gouvernement provisoire, vous ne comprenez à rien aux choses de la Révolution, Vous ne connaissez ni sa logique, ni son principe, ni sa justice ; vous ne parlez pas sa langue. Ce que vous prenez pour la voix du Peuple n’est que le mugissement de la multitude, ignorante, comme vous, des pensées du Peuple. Refoulez ces clameurs qui vous envahissent. Respect aux personnes , tolérance pour les opinions : mais dédain pour les sectes qui rampent à vos pieds, et qui ne vous conseillent qu’afin de mieux vous compromettre, Les sectes sont les vipères de la Révolution. Le Peuple n’est d’aucune secte, Abstenez-vous le plus que vous pourrez de réquisitions, de confiscations , surtout de législation, et soyez sobres de destitutions. Conservez intact le dépôt de la République , et laissez la lumière se faire toute seule. Vous aurez bien mérité de la patrie.

« Vous, citoyen Dupont, vous êtes la probité au pouvoir. Restez à votre poste, restez-y jusqu’à la mort; vous serez trop tôt remplacé:

« Vous, citoyen Lamartine, vous êtes la poésie unie à la politique. Restez encore, bien que vous ne soyez pas diplomate ; nous aimons votre style grandiose, et le Peuple vous soufflera.

« Vous, citoyen Arago, vous êtes la science dans le gouvernement. Gardez le portefeuille; assez d’imbéciles vous succéderont.

« Vous, citoyen Garnier-Pagès, vous avez vendu , vous avez aliéné, vous avez emprunté, et vous jouez du reste. Vous direz à l’Assemblée nationale que l’État ne possède plus rien, que son crédit n’a plus d’hypothèque que le patriotisme, que c’est fini. Vous prouverez par votre bilan que le gouvernement n’est possible désormais que par une rénovation de la société; que telle est l’alternative pour le pays : ou la fraternité, ou la mort!

« Vous, citoyens Albert et Louis Blanc, vous êtes un hiéroglyphe qui attend un Champollion ! Restez donc comme figures hiéroglyphiques, jusqu’à ce que vous soyez devinés.

« Vous, citoyens Flocon et Ledru-Rollin, nous rendons justice à l’esprit qui vous pousse. Vous êtes, malgré votre vieux style, la pierre d’attente de la Révolution. Restez donc pour l’intention, mais ne soyez pas si terribles dans la forme. On vous prendrait pour la queue de Robespierre.

« Vous, citoyens Crémieux, Marie, Bethmont , Carnôt, Marrast, vous symbolisez, sous des formes différentes, la nationalité, le patriotisme, l’idéal républicain. Mais vous ne sortez pas du négatif; vous n’êtes connus que tomme démocrates; vos idées sont depuis cinquante ans proscrites. Restez cependant : à défaut des réalités, nous avons besoin des symboles.

« Et vous, les ex-dynastiques, bourgeois peureux come chouettes, ne regrettez pas cette Révolution, qui était depuis longtemps accomplie dans vos idées, et que vos querelles parlementaires ont peut-être fait prématurément éclore. L’enfant né avant terme ne peut rentrer dans le sein de sa mère : il s’agit d’élever la Révolution, non de l’envoyer aux gémonies. Écoutez ce que je n’en vais vous dire, et regardez-le comme la profession de foi du prolétariat. Je vous parlerai avec franchise.

« La Révolution de 1848 est la liquidation de l’ancienne société, le point de départ d’une société nouvelle.

« Cette liquidation est incompatible avec le retour de la monarchie.

« Elle ne se fera pas en un jour; elle durera vingt-cinq ans, cinquante ans, un siècle, peut-être.

a Nous pourrions la faire sans vous, contre vous : nous aimerions mieux qu’elle fût faite par vous. Vous en êtes, pour ainsi dire, par droit d’atnesse, par Ja supériorité de vos moyens, par votre habileté pratique, les syndics naturels. C’est à vous, par excellence, qu’il appartient d’organiser le travail. Nous ne voulons la réforme au préjudice de personne; nous la voulons dans l’intérêt de tout le monde.

« Ce que nous demandons, c’est une certaine solidarité, non-seulement abstraite, mais officielle, de tous les producteurs entre eux, de tous les consommateurs entre eux, et des producteurs avec les consommateurs. C’est la conversion en droit public, non des réveries d’une commission , mais des lois absolues de la science économique. Vous êtes divisés : nous voulons vous réunir, et faire avec vous partie de la coalition. Nous attachons à ce pacte, dont tous nos efforts, toute notre intelligence doivent tendre à déterminer les clauses, la garantie de notre bien-être, le gage de notre perfectionnement moral et intellectuel.

« Que pouvez-vous craindre?

« La perte de vos propriétés? Entendez bien ceci. Il est indubitable que les articles de la nouvelle Charte modifieront votre droit, et qu’une portion de cette neu-propriété, qui vous est si chère, d’individuelle qu’elle est deviendra réciproque. Vous pouvez être expropriés, mais dépossédés jamais, pas plus que le Peuple français ne peut être dépossédé de la France. Et cette nue-propriété, cause unique, selon nous, de tous vos embarras et de nos misères, ne vous sera pas ravie sans indemnité : autrement ce serait confiscation, violence et vol ; ce serait propriété, non réforme.

« Craignez-vous- que les communistes ne prennent vos enfants et vos femmes? Comme s’ils n’avaient pas assez des leurs!.. La communauté n’étant, par essence, rien de défini, est tout ce que l’on voudra. Le meilleur moyen que découvrira la philosophie de créer la liberté, l’égalité et la fraternité sera pour les communistes la communauté. S’effrayer de la communauté, c’est avoir peur de rien.

« Est-ce le retour du vieux jacobinisme uni au vieux babouvisme qui vous épouvante! Nous n’aimons pas plus que vous ces doctrinaires de la démocratie pour qui l’organisation du travail n’est qu’une fantaisie destinée à calmer l’effervescence populaire; ces Cagliostro de la science sociale faisant de la fraternité une honteuse superstition. Et si nos manifestations semblent les défendre, c’est qu’ils représentent momentanément pour nous le principe qui a vaincu en février. .

« Conservateurs, deux politiques, deux routes différentes s’offrent en ce moment à vous.

« Ou bien vous vous entendrez directement avec le prolétariat, sans préoccupation de forme gouvernementale, sans constitution préalable du pouvoir législatif, non plus que de l’exécutif. En fait de politique et de religion, le prolétariat est, comme vous, sceptique.

« L’État, à nos yeux, c’est le sergent de ville, le valet de police du travail et du capital. Qu’on l’organise comme on voudra , pourvu qu’au lieu de commander ce soit lui qui obéisse.

« Dans ce premier cas, la transaction sera tout amiable, et ses articles seront la Constitution de la France, la Charte de 1848.

« Ou bien vous vous rallierez à la démocratie doctrinaire, à cet équivalent du pouvoir royal, nouveau système de bascule entre la bourgeoisie et le prolétariat, qui ne répugne point à une restauration monarchique, et pour qui la majorité des humains est fatalement condamnée à la peine et à la misère.

« Dans ce cas, je vous le dis avec douleur, rien de fait ; et, comme avec Louis-Philippe, ce sera bientôt à recommencer. Vous vous croirez habiles, et vous n’aurez toujours été qu’aveugles, Ce seront encore des 10 août, des 24 janvier, des 2 juin, des 9 thermidor, des journées de prairial et de vendémiaire, des 29 juillet, des 24 février. Vous reverrez des scènes à la Boissy-d’Anglas ; il vous faudra recommencer tous les jours les massacres de Saint-Roch et de Transnonain : ce qui ne vous empêchera pas de tomber à la fin misérablement sous les balles du peuple.

« Citoyens, nous vous attendons avec confiance; soixante siècles de misère nous ont appris à attendre. Nous pouvons, pendant trois mois, vivre avec trois sous de pain par jour et par tête : c’est à vous de voir si vos capitaux peuvent jeûner aussi longlemps que nos estomacs. »

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Ce passage et ce qui le précède nous a semblé une introduction toute naturelle.

Nous avons partagé les fragments qui composent ce volume en trois séries qui correspondent naturellement aux trois premières périodes de la Révolution.

La première commence au lendemain de la funeste journée du 16 avril, et se termine aux élections partielles de juin. C’est la partie la plus dramatique de l’époque révolutionnaire. La réaction, jusque-là timide et se faisant hypocritement petite, entre audacieusement et la tête haute dans l’arène et se mesure sans vergogne avec l’idée qui a triomphé en Février. La victoire reste en balance : Paris nomme en même temps Thiers et Proudhon !

La seconde série commence au lendemain de l’affreuse bataille de juin et nous fait assister à la terreur de l’état de siège. L’idée de Février est un instant renversée par terre , elle se débat sous l’étreinte de son adversaire, qui tente de l’étouffer.

La troisième série s’ouvre la veille de l’élection à la présidence. Cette fois la lutte semble n’être plus entre le socialisme et le capitalisme, mais bien entre la République et la monarchie.

La Révolution recule en apparence; au fond elle avance ; elle se généralise, elle prend de plus en plus possession de l’avenir.


[1] Voir Solution du problème social, 1re livraison.

EDITOR’S PREFACE.

This is the February Revolution judged in its various phases by the man who, by the admission of his adversaries themselves, is its most complete personification.

As such, this book is recommended to the attention of anyone who has faith in this Revolution and wants to understand it in its idea, in its scope and in its goal.

Strictly speaking, it is not a work in the true sense of the word; because if it is a whole, it is not an ensemble. The various fragments that compose it have no link between them other than the common thought that dictated them and the criterion of truth that guided the author in his assessments. The author wrote them most often in the current of his pen, always under the influence of the first impressions caused by events, and sometimes as himself playing an important role on the revolutionary stage.

This state of mind, which is usually a danger, in the sense that it leaves room for passions, was not one for him. Subject in his intelligence as in his political conduct to a sure and rational method, he only put warmth and feeling in his style; the most severe logician and the most scrupulous impartiality would find no reason to accuse him of having failed to follow the rules of dialectic to establish a prejudice or of having broken the series of events to make a party triumph.

We therefore boldly present this book as being able to alone provide the key to this revolutionary charade that has been playing out in France for a year and which will soon be resolved. It is more than the story; it is the commentary.

We, a servant of the idea that gives life to these pages, have tried to sew a shred to these shreds, and to add some considerations that were necessary, it seemed to us, to guide the reader. The author does not begin his book until the day after April 16. What should we think of the events that precede this date, which has become famous and which will become much more so? This, we said, is what we will undoubtedly ask ourselves, and what it is impossible not to say a few words about.

But we feared breaking the logical thread that unites these pages by placing our particular thoughts alongside them. The author had elsewhere, much better than we could do ourselves, expressed his opinion on these extraordinary events. We had nothing better to do than to refer to him. What you will read here is therefore not ours, but from him. We have allowed ourselves to condense into a few pages what he had said at greater length. This is what our work was limited to.

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Who made the February Revolution? Who is the real author?

Certainly, this is not an unimportant question, for on its solution depend the morality, the justice and the legitimacy of the insurrection which, by throwing down the throne of Louis-Philippe, gave us the Republic.

The interest of monarchical passions alone can insinuate that this Revolution is only due to the chance of a few indifferent causes. Everyone has said it for a long time: the author of the February Revolution was the People.

In fact, it was not the Opposition which, on February 22, through the mouth of Mr. Odilon Barrot, withdrew in the face of the ministers’ veto.

It was not the National Guard which, despite its sincere love of liberty and its disgust for what we called the system; despite the support it gave to the revolt with its arms, it feared a catastrophe as much as it wanted the fall of the ministry.

It was not the radical press, since on the morning of the 23rd the most advanced sheet of the Republican Party, setting out the conditions under which it thought it could guarantee the reestablishment of order, was far from expecting the astonishing success of the the following day.

Finally, it was not the socialist utopia, which, in all its publications, preached patience to workers, distrusting a Republic in which it could only see the indefinite postponement of its reveries.

It was neither a party nor a sect that made the Revolution; it was the People, the People outside of any party and any sect. It was they whose consciences suddenly exploded and who, in less time than it took in 1830 to botch the Charter, established the Republic. But how did the People rise up? For whom, why did they take up arms? What was their goal in this serious event; -— their idea ; we will say more, their right?

There is a profound lesson in the answer to these questions. It is here that we must study the logic of the People, superior to the logic of the philosophers, and which alone can guide us in the obscurities of the future.

If in those glorious days the People had behaved as any man who loved legality would not have failed to do, there would have been no revolution. Because, let us not be afraid to admit it, everything that was done by the People was done in violation of legality.

Indeed, on February 20, by the Opposition manifesto that called the national guard into its ranks, the law on gatherings was violated! The law on the national guard, violated. It is not even certain that on this right of assembly, the subject of so many quarrels, the law and jurisprudence were, whatever was said, for the ministry: in this respect, legality would therefore have been violated.

That’s not all, the minority of the House, acting by intimidation on the royal prerogative, violated the Charter; the abdication of Louis-Philippe, which ministerial responsibility was to cover, violated the Charter; the law of regency was twice violated, first by the substitution of the Duchess of Orléans for the Duke of Nemours, then by the appeal made to the nation; finally the People, making their will prevail by force, instead of sticking to a legal act, as the Opposition wanted, trampled all laws underfoot.

And yet the People were not perjured! The Revolution, product of a series of illegalities, was not made against right; on the contrary, in its principle, it is marked by the highest legitimacy.

The People, — we say the People, one and indivisible, we do not mean by this the multitude, which is only plurality without unity, — the People reason with a conscience and from a point of view superior to all individual reason. Therefore their conclusions are almost always different from those of the legal experts.

The People are sovereign. As such, they are only obligated to themselves. No one deals with them as an equal; and when they stands up for their dignity, being offended or compromised, it is absurd to ask whether this demonstration of the People is legal or not. A constitution is not a synallagmatic contract between king and people, between legislator and citizens, between principals and agents. It is the system by which the People, as a collective man, eternally organizes its functions, balances its powers,

The People therefore, when they learn that their liberty is in danger and that the time has come for them to resist, understand and can only understand one thing: it is up to them not to protest, but to decide in a sovereign manner. The Opposition was therefore very ignorant of the rights of the People and its logic, when wanting, it said, to show by an example that the People were capable of respecting the power and of protesting against the power, it invited them to come with it to sign a protest against the government. To protest was to abdicate. When the People stand up, they understand that it is they who judge and execute.

The People allowed the Opposition to confine itself within the narrow limits of legality. Their protest was an act of sovereignty. With a simple riot, they made a Revolution.

Now, if it is true that the act of the ministry that prohibited the banquet of the 12th arrondissement, legal in itself, was only an opportunity for the People; if it is then true that the entirely parliamentary protest of the deputies of the left was only a cry of alarm, what is the basis of the insurrection that followed? Was there sufficient right to overthrow the ministry, to drive out a dynasty, to change the form of government, to revolutionize society from top to bottom? Because it is there, let us be careful, that the morality of the event and the entire revolutionary idea must be found.

It must be said loudly, the movement was directed neither against the ministry, nor against the prince, nor even against the system. All this, in certain respects, was unworthy of the attention of the People. What the People wanted to strike and destroy was the Constitution. This results from the illegalities committed and the progress of ideas and facts over the past seventeen years,

The Revolution of 1830, a legal revolution if ever there was one, was essentially the work of the bourgeoisie; the working class had only been its instrument. As for the People themselves, taken in their entirety, their aim in 1830 was undoubtedly to push the experiment of constitutional government, the work of 1789, to the end. Now, seventeen years were enough to bring the experiment to an end and to demonstrate to the People all the contradictions that lay at the bottom of the restored Charter.

Everything, in fact, was suspicious and equivocal in this Charter of 1830, where everything was for the prince, and nothing for the People. On the most essential things, the Charter was silent, and this silence was always interpreted in favor of the royal prerogative, against the interest of the masses.

The Charter implied that the government, like the law itself, could only be the expression of the general will. The king was appointed by the nation, not to modify this will, but to ensure its sincere execution. Legislative power distributed between the king, the Chamber of Peers and the Chamber of Deputies seemed a fortunate combination capable of maintaining balance. But, rightly or wrongly, it happened that the law, that the government was always more the work of the king than of the three powers and the ministers, so that the nation could call itself sovereign, but only on condition of consenting to the wishes of the king.

This constitutional lie, denounced by all the men who had held power or who were close to it, determined the Revolution. The difficulty would have been resolved, let it be noted, even though the Revolution would have stopped at the demonstrations of the 22nd and 23rd, without going as far as the abdication of the king, or the expulsion of the dynasty. The Charter elucidated by the abolition of personal government, the power changed form.

The revolutionary question has been posed this way since 1830: in principle and from a constitutional point of view, should the will of the prince prevail over the will of the People? On February 22, the People answered definitively: No; from now on it will be our will that will prevail.

While bowing to the sovereignty of the People, the government had become the prerogative, the property of the middle class. But the People, they said: I want things to change. From now on the workers, like the bourgeoisie, will take part in the government. This was the meaning of the electoral reform supported in recent times by everyone.

Now, personal government abolished, the electoral and parliamentary reform obtained, the king remaining in the Tuileries, royalty was already nothing more than an empty title, and the Revolution was politically consummated. What followed was only a rapid and uncompromising deduction from these two premises: the abolition of personal government and electoral reform.

Parasitism proscribed in its highest incarnation, the reigning royalty, as despotism had been in its most complete expression, the royalty that governs; as venality, privilege and stock trading had been in their deepest source, the royalty which corrupts; the social question was posed in fact and in right.

The People, whatever those who have an interest in maintaining the contrary say, were not asking that the government take over commerce, agriculture and industry, in order to add them to its attributions and make the nation French a nation of employees, but that it deal with matters of commerce, agriculture and industry, in such a way as to favor, according to the rules of science, which are those of justice, the development of public wealth, and to provide the material and moral improvement of the poor classes. And the government responded that these things were not within its competence, that it would not take care of them. But I, cried the People, I want the government to take care of it.

Thus, the reform of personal government contained the parliamentary reform; the parliamentary reform contained electoral reform; the electoral reform implied the reform of the Constitution; the reform of the Constitution led to the abolition of royalty, and the abolition of royalty was synonymous with social revolution. The only ones who understood the situation were the government on the one hand, and the People on the other. By the sole fact of the protest of the left, which was to take place on February 22, the entire Revolution was accomplished; the People only highlighted the event that was on everyone’s mind.

The problem of social reconstitution having been posed, it was a matter of resolving it. This solution could only be learned from the People. We saw how, generalizing their ideas about government, the People suddenly concluded a revolution and converted the monarchy into a Republic. The mistake of those who took the lead in this Revolution was to not live up to the ideas of the People.

The February Revolution was not only a negation of the monarchical principle, it was a negation of the representative principle, of the sovereignty of majorities.

The provisional government, composed largely of jurists, declared that France would be constituted as a Republic; but it made the ratification of the citizens a condition. “What could be fairer in fact,” said the formalists of the Hôtel-de-Ville, “than to reserve the adhesion of the departments? Could the good pleasure of a few hundred insurgents annul the rights of 36 million men, and could the proclamation of the Republic made in Paris bind the monarchical hearts of the departments? Was there no contradiction in this to the republican principle? Would this not be a blatant usurpation?”

“But,” said the People for their part, “if it was we who spoke in Paris, we cannot contradict ourselves in Bordeaux. The People are one and indivisible; it is not majority and minority; they are not a multitude; they do not split. Their will is not counted or weighed like shareholder votes: it is unanimous. Wherever there is division, it is no longer the People: representative theories are a negation of their sovereignty. The People always agree with themselves; everything is connected, everything is linked in their decisions; all their judgments are identical. To suppose that after the event of February 24, prepared, predicted for so long, accomplished by the competition or antagonism of all ideas, the proclamation of the Republic could be the subject of controversy, was to nullify all that which, during these three days, the People had done to win Mr. Guizot’s case.”

Indeed, if, after the declaration of the People of Paris, the Republic were to be called into question before the electoral assemblies, this would suggest that the will of the People is not unanimous and that this will is none other than the will of the majority. Now, if it is the majority that makes the law, it must also be said that it is the majority of majorities, and so on until we return to personal government; that thus the government belongs to the middle class elected by the majority of primary assemblies; that the middle class in its turn owes respect to its own majority, to the majority of its voters; that the majority of voters must obey the majority of deputies, the majority of deputies submit to the ministry, which is required to do the will of the king, who, by virtue of the majority, reigns and governs.

With representative theory, we will never escape this circle, and it is precisely outside this circle that the People had just placed themselves. The law of the majority, they said, is nothing, except as a provisional transaction between antagonistic opinions, while awaiting the solution of the People.

Thus three general questions were resolved by the Revolution of February 24 in a sense diametrically opposed to all received ideas:

1. Question of legal resistance. — The People had said it once and for all: To protest, for them, is synonymous with ordering; to blame is synonymous with opposing; to resist, synonymous with overthrowing the object of one’s resistance.

2. Question of reform. — The Opposition, while demanding the same things and in the same terms as the insurrection, but not considering them separately and in detail, expressly reserved in the protest the monarchy, the Charter, the constitutional institutions, at the same time as it rejected social reform. The People, on the contrary, embracing all the reforms requested in a single bundle, had understood that from this bundle resulted a new idea; it had reduced everything to dust, the royalty and the Constitution.

3. Question of representative majority. — All the publicists are agreed that it is the majority, not of the People, but of their representatives, that makes the law. The People, on the contrary, had seen that the authority of majorities is not absolute; that it is subject to caution, and that, in certain cases, it may happen that the entire People is condemned by the majority of the People; that there was therefore reason to revise this principle in the new Constitution.

Without doubt, if every citizen took this logic as a rule, we would necessarily end up in civil war; but this superior individuality which we call the People always concludes in peace and unity. The logic of the People is the law of history, the source of law and progress, the principle of all morality, the source of all justice. — Ask the People! That is the secret of the future! Ask the People! It is the whole science of society.

Ask the People! The government that was installed on February 24 at the Hôtel-de-Ville did not know how to do this, and for lack of knowing it, it lost the Revolution.

What did we see the day after the popular triumph? The Republic transformed into a doctrinaire democracy; empiricism and utopia taking the place of ideas and making the People a subject for experimentation; little men, little ideas, little speeches; mediocrity, prejudice, doubt, and soon the anger of the multitude. The will of the People, which should have empowered their leaders, had diminished them. It was expected of these improvised magistrates, carried on the wings of the Revolution, that they would bring security, but they sowed terror; — that they would shed light, but they created chaos; — that they would know how to clarify the questions, say what the People wanted and what they did not want, but they affirmed nothing, let everything be believed and made everyone fear. It was necessary both to reassure property and to give guarantees to the proletariat by reconciling their antagonism; they pitted them against each other, and they started the social war. We counted on actions, but they produced inertia. They were asked for work, they trained managers; credit, they decreed assignats; for outlets, they referred to the attitude of the Republic on the matter. Once they told us that the organization of labor could not be done in a day; another time, that the question was complex; fifteen days later, they sent us back to the placement office. The People had withdrawn from these men; however, they loved them and deigned to tell them so. But nothing, nothing, nothing detected in them the intelligence of this People, whose destinies they carried. Everywhere in their actions, instead of these universal, sublime thoughts that the People give birth to, we found only warm addresses, enthusiastic speeches, utopianism, routine, contradiction, discord.

Let us examine some of the acts of this government which had in its hands the greatest Revolution that had ever taken place on earth, and which miserably delivered it up to its enemies through its incapacity.

The first thing the government did was exclude the red flag. The Revolution, it cannot be denied, was made by the red flag; the provisional government decided to keep the tricolor flag. By acting in this way, it only did nothing less than eliminate the social question: every time that the People, overcome by suffering, want to express, outside of this juridical legality that assassinates them, their wishes and their complaints, they march under a red banner. Let us keep, if we wish, the tricolor flag, symbol of our nationality; but let us remember that the red flag is the sign of a revolution that will be the last. — The red flag! It is the federal standard of the human race.

After the banning of the red flag, came the decree of accusation of the ministers. To inform, very well; but but to accuse was absurd, especially after the abolition of the death penalty for political crimes. Moreover, it was insulting to the People. How! Had the provisional government not understood that the February Revolution was the end of a constitution, and not the overthrow of a ministry? On the 22nd, Mr. Guizot could be indicted; but only by the deputies of the left: his crime then was to play the existence of the monarchy and to compromise by a conflict the institutions of July. On the 23rd again, Mr. Guizot, although resigned, was responsible for the blood shed; the triumphant opposition could call him to account for his untimely resistance. The victory of the 24th had absolved M. Guizot; it had changed the terrain of legality for him as for everyone, it even honored him in a sense; because it proved that he had judged the People better than the Opposition, Mr. Guizot could only be accused by virtue of the Charter: the Charter destroyed, Mr. Guizot was only liable to his conscience and to history: he had the right to decline the jurisdiction of the republican tribunals.

Should we talk about all these incomprehensible declines in which the unintelligence of the men of the Revolution bursts forth at every moment?

And first of all, what is the point of a decree to release civil servants from their oath? What! It was not enough, for the conscience of the civil servants, a revolution that abolished the constitutional monarchy, which not only ousted the dynasty, but changed the principle! The civil servants needed the absolution of a Mr. Crémieux. This was not knowing the first word of the political catechism. Louis-Philippe and his race still lived, it is true; but royalty was dead. Now, royalty dead, long live the Republic! This suffered no more difficulty than passing from Louis XVII to Charles X.

And the decree that guaranteed the organization of labor? Let us note this, It was not the Republic that guaranteed; it was the provisional government. But what, we ask you, was the guarantee of a provisional plan? Was it not the same as saying: The fine promise I made La Châtre! What happened? The definitive government proved the provisional government wrong. It found that it was not its place to organize; one of its first acts was to decree the liquidation of the so-called national workshops and to declare the thought of the Revolution meaningless. By dint of wanting the idea to come from higher than the Republic, the government has accommodated the reaction.

A decree that can be considered as being the most contrary to the ideas of the Revolution was the creation of the national workshops. Socialism has always declined responsibility for this, and it has been right. Of all the acts of the Provisional Government, this is the one that can be considered as most resembling treason. What better way to put an end to the social aspirations of the People than to parody them so shamefully.

Moreover, the utopia is not exempt from criticism: its idea of social workshops was hardly more reasonable. There were 30,000 tailors without work in Paris. Luxembourg offered them scissors, needles, sewing rooms, presses for stripping… But labor?… — Half of the printers were unemployed. There was talk of creating an additional three million in equipment for the ninety printing works in the capital… But labor?… — The construction sites were closed. There is talk of establishing others alongside them, in order to compete with them. But labor?… — The bookstores, ancient and modern, classical, political, religious, medical, were full of books that did not sell. The government was talking about issuing fifty new patents… But buyers?… — Trimmings, goldsmithing, haberdashery, all trades were at a low point. There was a cure for unemployment: workers just had to band together. The provisional government offered them licenses, talked about providing them with directors, controllers, inspectors, accountants, managers, clerks! There were some left over. — But capital? But orders? But outlets?

Half of the houses were dilapidated; a quarter of the apartments empty. It was necessary to increase the value of this part of the land property. The provisional government proposed plans for the construction of barracks, hospices and national palaces to house the workers. It returned there again, under the presidency of Louis-Bonaparte.

The land in use was poorly cultivated; agriculture lacked hands and capital. The provisional government was thinking of the dunes, the wastelands, the heaths, the moors, all the uncultivated and sterile lands!

These are the economic ideas France lived on for six months. Onlookers were able to admire; the outraged People have turned all these charlatans into powder.

But we could have forgiven the charlatanism and the ignorance, if alongside this there had not been a deplorable tendency to cherish the prejudices of the multitude. It is this mania that earned us the famous decree on the reduction of working hours and the abolition of tasks and bargaining.

The worker earned little and labored much. It was insinuated to him that, for his happiness, he had to labor less and earn more. In the political economy of routine, this was impeccable reasoning; but the People have a completely different logic; they find that increase in labor, decrease in wages and increase in wealth are three identical terms of one and the same series. This seems contradictory, and yet it is.

Informed that masters were having difficulty obeying its orders, the provisional government issued new decrees, sent circulars, delivered harangues stating in substance: “That production could have to suffer from the reduction of working hours; but that the will of the government was to be obeyed, and that it would be obeyed, whatever happened! That the commissioners had to take their hand, that equality and fraternity were at stake!”

This was how the provisional government understood the social problem. It took industrial entrepreneurs for feudal lords, workers for serfs, labor for drudgery; it imagined, after so much study on the subject, that the modern proletariat resulted from the oppression of a caste; it ignored or pretended to ignore that what established working hours, determined wages, divided functions, developed competition, constituted capital as a monopoly, enslaved the body and soul of the worker, is a system of fatal causes, independent of the will of the masters as well as that of the companions.

But what it understood even less was that after having thus got its hands on labor, it was obliged to intervene in all the accidents of production, to decree the rate of wages, then to force the sale, then request payment, then set the value,

Alongside this economic nonsense, philanthropic nonsense was produced. Such was the decree that had made the Tuileries the Invalides of the People! We wonder how it was possible to reconcile this civil list of misery with equality and fraternity!

Besides, the provisional government cared little for equality and fraternity. What it needed was to have an army of Praetorians devoted to it. This is why it excited the greedy passions of the worker, why it intimidated the bourgeoisie by stirring up the masses against it.

Let us remember this incredible circular from the Ministry of Public Education to the rectors, which said that for every citizen primary education was enough, but that the Republic needed an elite of men, and that this elite had to be chosen from all the People. An elite of men! But until then there had been a more or less real elite among the People that we called the bourgeoisie, and if the Revolution had been made, it was so that everyone was part of the elite. However, the circular from the Minister of Public Education gave the lie to the Revolution. It is true that the question, like the economic problem, was quite complex. How, without harming natural superiorities, can we make citizens equal? The provisional government made a mess of the difficulties. Abilities, inabilities, mediocre subjects, elite subjects, — what does that matter?

That is not all.

The provisional government decreed that the interest on sums deposited in savings banks would be increased to 5 percent, “given,” it said, “that the interest on treasury bonds was also 5 percent; that the fruits of labor should increase more and more, and that, of all properties, the savings of the poor were the most inviolable and the most sacred.” Certainly, this was a touching testimony to its feelings of equality. No doubt, if the holders of treasury bonds alone were to perfect the interest of the savings banks, but if it was the proletarian, having neither treasury bonds nor savings account, who had to pay both interest, was it not clear that by establishing equality between the creditors of the floating debt, one had made the inequality between the creditors of the State and the debtors of the State greater than before? There was nothing but hypocritical chatter in all this.

We will not continue to examine one after the other all the decrees of this government, which had the future of humanity in its hands, and which, like the ancient Sybil, scattered its pages to all the winds. All are marked by ignorance, duplicity or, what is worse, philanthropy. The author whose opinions we have just summarized expressed his judgment on all these measures with unusual energy, when he said that the entire policy of the February dictators had consisted of shaking their fist at capital while prostrating themselves before the room. of a hundred cents.

“You want,” he told them at the end of March 1848, “you want to exterminate the Jews, the kings of the era, and you worship the golden calf! You say, or allow it to be said, that the State is going to seize the railways, the canals, the shipping industry, the haulage industry, the mines, the salt; that it will establish taxes on the rich, sumptuary tax, progressive tax, tax on servants, horses, cars; that jobs, salaries, income, property will be reduced. You cause the depreciation of all financial, industrial, commercial values; you dry up the source of all income; you freeze the blood in the veins of commerce, of industry, and then you conjure money to circulate! You beg the rich not to hold it back! Believe me, citizen dictators, if this is all your knowledge, hurry to reconcile yourselves with the Jews! Enter this conservative status quo, beyond which hope for nothing, and from which you should never have left.”

We cannot do better, to give readers an idea of this revolutionary period, than to put before their eyes the end of chapter 1 of The Solution of the Social Problem.

“No,” cried the author, addressing the men of the provisional government, “you don’t understand anything about the revolution. You know neither its principle, nor its logic, nor its justice; you don’t speak its language. What you take for the voice of the People is only the bellowing of the multitude, ignorant like you of the thoughts of the People. Repress these clamors that invade you. Respect for persons, tolerance for opinions; but disdain for the sects that creep at your feet, and which advise you only in order to compromise you better. The sects are the vipers of revolution. The People belong to no sect. Abstain, as much as you can, from requisitions, confiscations, especially from legislation; and be sober from depositions. Keep intact the repository of the Republic, and let the light make itself on its own. You will have deserved well of the Fatherland.

“You, citizen Dupont, you are the probity in power. Stay at your post; remain there until death; you will be replaced too soon.

“You, Citizen Lamartine, you are poetry united with politics. Stay still, although you are not a diplomat. We love this grand style, and the People will prompt you.

“You, citizen Arago, you are the science in the Government. Keep the portfolio: enough fools will come after you.

“You, citizen Garnier-Pagès, you have sold, you have alienated, you have borrowed, and you gamble with the rest. You will tell the National Assembly that the State no longer owns anything, that its credit no longer has any other mortgage than patriotism, that it’s over. You will prove by your balance sheet that Government is only possible henceforth by a renovation of society, and that such is the alternative for the country: Either fraternity, or death!

“You, citizens Albert and Louis Blanc, you are a hieroglyph awaiting a Champollion. So stay as a hieroglyphic figure, until you are worked out.

“You, Flocon and Ledru-Rollin citizens, we do justice to the spirit that drives you. You are, despite your old style, the corner stone of the revolution. So stick to the intention, but don’t be so terrible in the form. We would take you for the tail of Robespierre.

“You, citizens Crémieux, Marie, Bethmont, Carnot, Marrast, you symbolize, in various forms, nationality, patriotism, the republican ideal. But you don’t come out of the negative; you are known only as democrats; your ideas have been prescribed for 50 years. Stay however: failing realities, we need symbols.

“And you, the ex-dynastics, bourgeois fearful as owls, do not regret this revolution that was long since accomplished in your ideas, which your parliamentary quarrels have perhaps brought about prematurely. A child born prematurely cannot return to its mother’s womb: it is a question of raising the revolution, not of sending it to the pillory. Listen to what I am about to tell you, and regard it as the profession of faith of the proletariat. I will speak to you frankly.

“The revolution of 1848 is the liquidation of the old society, the starting point of a new society.

“This liquidation is incompatible with the restoration of the monarchy.

“It will not happen in a day: it will last twenty-five years, fifty years, perhaps a century.

“We could do it without you, against you: we would rather it were done by you. You are, so to speak, by birthright, by the superiority of your means, by your practical skill, the natural trustees. It is up to you, par excellence, to organize labor. We do not want reform to the detriment of anyone; we want it in everyone’s interest.

“What we are asking for is a certain solidarity, not only abstract, but official, of all the producers among themselves, of all the consumers among themselves, and of the producers with the consumers. It is the conversion into public law, not of the reveries of a commission, but of the absolute laws of economic science. You are divided; we want to bring you together and to be part of the coalition with you. We attach to this pact, of which all our efforts, all our intelligence must tend to determine the clauses, the guarantee of our well-being, the pledge of our moral and intellectual improvement.

“What can you fear?

“The loss of your properties? Hear this well. There is no doubt that the articles of the new charter will modify your right, and that a portion of that naked property, which is so dear to you, from being individual as it is, will become reciprocal. You can be expropriated, but never dispossessed, any more than the French people can be dispossessed of France. And that naked property, sole cause, in our opinion, of your embarrassments and our miseries, will not be taken from you without compensation: otherwise it would be confiscation, violence and theft; it would be property, not reform.

“Are you afraid that the Communists will take your children and your wives from you? As if they didn’t have enough of their own!… The community, being in essence nothing defined, is all we want. The best means that philosophy will discover of creating liberty, equality, fraternity, will be for the communists the community. To be afraid of the community is to be afraid of nothing.

“Is it the return of the old Jacobinism united to the old Babouvism that terrifies you?

“We do not like these doctrinaires of democracy any more than you do, for whom the organization of labor is only a fantasy intended to calm popular effervescence; those Cagliostros of social science making fraternity a shameful superstition. And if our demonstrations seem to defend them, it is because they momentarily represent for us the principle that won in February.

“Conservatives, two politics, two different paths are currently available to you.

“Either you will come to an agreement directly with the proletariat, without concern for the form of government, without prior constitution of the legislative power, any more than of the executive. In matters of politics and religion, the proletariat is like you, skeptical. The state, in our eyes, is the sergeant of the city, the police valet of labor and capital. Organize it as you like, provided that instead of commanding, it is he who obeys.

“In this first case, the transaction will be entirely amicable, and its articles will be the constitution of France, the Charter of 1848.

“Or else you will rally to doctrinaire democracy, to this equivalent of royal power, a new system that seesaws between the bourgeoisie and the proletariat, which is not averse to a monarchical restoration, and for which the majority of human beings are fatally condemned to sorrow and to misery.

“In this case, I tell you with sadness, nothing in fact; and as with Louis-Philippe, it will soon have to start again. You will believe yourselves skillful, but you will always have been only blind. It will still be August 10, January 21, June 2, Thermidor 9, Prairial and Vendémiaire days, July 29, February 24. You will again see the scenes at Boissy-d’Anglas: you will have to repeat the massacres of Saint-Roch and Transnonain every day: which will not prevent you from falling miserably in the end under the bullets of the People.

“Citizens, we await you with confidence: sixty centuries of misery have taught us to wait. We can, for three months, live on three pennies of bread a day and per head: it is up to you to see if your capital can last as long as our stomachs.”

_____


This passage and what precedes it seemed a very natural introduction to us.

We have divided the fragments that make up this volume into three series, which naturally correspond to the first three periods of the Revolution.

The first begins the day after the disastrous day of April 16, and ends with the by-elections in June. This is the most dramatic part of the revolutionary era. The reaction, hitherto timid and hypocritically small, boldly enters the arena with its head held high and measures itself shamelessly with the idea that triumphed in February. The victory remains in the balance: Paris appoints Thiers and Proudhon at the same time!

The second series begins the day after the terrible battle of June and makes us witness to the terror of the state of siege. The idea of February is knocked to the ground for an instant; it struggles in the grip of its adversary, who tries to suffocate it.

The third series opens the day before the presidential election. This time the struggle seems to be no longer between socialism and capitalism, but between the Republic and the monarchy.

The Revolution appears to be in retreat; fundamentally, it advances; it becomes more widespread, it takes more and more possession of the future.

[Alfred Darimon.]

FIRST SERIES

April — June 1848

La situation.

17 Avril.

Ce que nous avions prévu, ce que nous avions prédit arrive.

La révolution tourne à la démocratie bourgeoise et doctrinaire : le gouvernement provisoire, composé d’éléments hétérogènes, vient d’opérer sur lui-même une sorte d’épuration. Les hommes restent; les principes sont éliminés. Des fautes graves ont accéléré ce résultat, d’ailleurs inévitable. Nous allons les relater en quelques lignes : ce sera comme le préambule de notre profession de foi.

La victoire du 24 février avait amené au pouvoir trois partis différents, renouvelé de nos anciennes luttes : le parti girondin ou thermidorien, représenté par le National, le parti montagnard, représenté par la Réforme; le parti socialiste-communiste, représenté par Louis Blanc.

La monarchie étant exclue, ces trois partis embrassaient la totalité de l’opinion.

Il semblait donc que le gouvernement provisoire, par l’incohérence même de sa composition, dût exprimer, aux yeux de la France, la conciliation de toutes les idées, de tous les intérêts. La bourgeoisie et le prolétariat, joignant leurs mains sur l’Organisation du travail, comme sur l’évangile de l’avenir, on pouvait croire que le problème de la misère, écarté par le gouvernement déchu, allait être résolu par le nouveau, aimablement et pacifiquement.

Nous venons de voir, pour la millième fois, ce que valent ces conciliations qui ne reposent que sur de vagues sympathies, et qu’aucun principe ne consolide.

La conduite qu’avait à tenir le gouvernement provisoire était pourtant bien simple et toute trouvée. Poser résolument, le problème du prolétariat ; occuper et nourrir les ouvriers; ramener la classe bourgeoise ; puis, en attendant l’Assemblée nationale, faire du statu quo républicain ; voilà ce que le bon sens, d’accord avec la haute politique, commandait au gouvernement provisoire.

Dans une situation ainsi faite, conserver tout c’était marcher.

Eh bien ! ce qui était si simple et si sage, ce qui réunissait à l’avantage du sens commun le mérite de la profondeur, été compris de personne.

A peine chargé du mandat, si nouveau pour elle, de représenter la République, la partie bourgeoise du gouvernement provisoire, s’abandonnant à ses vieilles préoccupations, a commencé de battre en retraite. — De son côté, la fraction révolutionnaire, emportée par l’enthousiasme, de ses souvenirs, se faisant complètement illusion sur la puissance de ses moyens, et tenant, comme elle dit, à engager l’avenir, s’est mise à faire de l’énergie et de l’exclusion. Enfin, le socialisme, non content d’avoir posé son principe, a voulu passer à l’application, ne s’en fiant qu’à lui-même pour l’exécution de son oeuvre.

On sait ce qui est résulté de ces tiraillements. Tout ce qu’a fait le gouvernement provisoire , au point de vue de l’ancienne bourgeoisie, s’est trouvé rétrograde -—tout ce qu’il a entrepris au point de vue révolutionnaire a été contrerévolutionnaire ; — tout ce qu’il a décrété dans l’intérêt du prolétariat a été conçu au rebours des intérêts du prolétariat.

Ainsi, lorsque le gouvernement provisoire , suivant la routine de l’économie bourgeoise, a ouvert un emprunt de 100 millions; lorsque ,.pour prouver la solidité de son crédit, il a payé 50 millions aux rentiers; lorsqu’il a élevé l’intérêt des sommes déposées à la caisse d’épargne ; lorsqu’il a prorogé les compagnies d’assurances, etc., etc., je dis qu’en présence du principe socialiste, qui devait intervenir dans la loi et qui n’est pas intervenu, le gouvernement a agi en sens contraire de son droit et de son devoir.

De même, quand le gouvernement provisoire s’est mis à écrire ces circulaires dictatoriales, qui, en l’an 1848, ne pouvaient guère intimider que des vieilles femmes ; quand, ne pouvant disposer d’un écu ni d’un homme que sous le bon plaisir des départements, il a parlé d’autorité aux départements ; quand, au milieu de la France républicaine d’esprit et de coeur—mais en défiance de la République —il a inventé la réaction, la contre-révolution, comme il inventera bientôt la coalition ; dans toutes ces circonstances, le gouvernement provisoire a agi comme un somnambule. Il nous adonné le spectacle, unique dans l’histoire, d’hommes d’État jouant avec un sérieux ridicule une vieille tragédie. A force de radicalisme rétrospectif, il a compromis les réformes futures : je n’en veux pour preuve que la loi électorale.

Si de l’élément révolutionnaire nous passons à l’élément socialiste, nous rencontrons une égale série d’erreurs et de mécomptes.

Comment ne s’est-il trouvé personne pour dire à M. Blanc : L’organisation du travail, telle que vous l’entendez, vous est interdite, non que la capacité vous manque, mais parce que votre position vous le défend. C’est par l’atelier que vous prétendez attaquer le problème, c’est-à-dire par l’individualisme; tandis que c’est le côté social qui seul peut vous’ donner la solution, c’est-à-dire le crédit. Mais, même à ce point de vue, vous ne pouvez rien entreprendre; membre du gouvernement, vous représentez non plus une classe de la société, mais les intérêts généraux de la société, toute initiative qui servirait un parti plutôt que l’autre sort de vos attributions. Vous appartenez à la bourgeoisie autant qu’au prolétariat. Protégez, encouragez l’émancipation des classes travailleuses ; vous-même n’intervenez pas, ne compromettez pas votre responsabilité, la responsabilité du gouvernement. Attendez qu’une autorité plus haute vous donne à la fois crédit et pouvoir.

L’insuccès des actes du gouvernement provisoire a été général. Aussi les protestations ne se sont pas fait attendre. Les manifestations des 16 et 17 mars ; lés expulsions multipliées des commissaires dans les départements ; en dernier lieu, le soulèvement du 16 avril ; tous ces faits accomplis aux cris de. : Vive la République! Vive le gouvernement provisoire! prouvent aux moins clairvoyants que la France est sincèrement républicaine, mais qu’elle ne supporterait pas une dictature ; que, par révolution, elle entend conciliation ; qu’elle repousse également le doctrinarisme, le jacobinisme et l’utopie; que si cependant, après avoir protesté contre chacune des fractions qui composent le gouvernement provisoire, elle maintient tel qu’il est ce gouvernement, c’est qu’elle ne veut plus souffrir de questions de personnes, et que ces gouvernants ne sont, à ses yeux, que les ministres de ses volontés.

Telle est, selon nous, la vraie situation des choses ; la position du gouvernement provisoire est admirable, et sa force immense ; mais aussi les difficultés qu’il a à vaincre sont infinies. Elles se résument toutes dans cette formule, qui exprime à la fois son rôle et sa règle : concilier la divergence des intérêts par la généralité des mesures.

Mais, comme l’arbre tombe toujours du côté où il penche, la tendance du gouvernement provisoire est actuellement dans le sens de la protestation anti-socialiste du 16 avril. Les encouragements à entrer dans cette voie, les conseils officieux ne lui manquent pas.

Bien des gens s’imaginent, parce que la question sociale a été embrouillée au Luxembourg, que c’en est fait de la question sociale ; que désormais le capital est dispensé de compter avec le travail.

Sous l’impression de cette idée, il est inévitable que le gouvernement provisoire marche à une restauration bourgeoise, au prix de quelques sacrifices accordés à la ferveur des idées sociales.

C’est ce que décèlent déjà, et les réflexions hypocrites des journaux réactionnaires sur la difficulté, l’incertitude, l’impossibilité d’une solution, et les décrets par lesquels le gouvernement provisoire, en même temps qu’il réduit ou supprime les impôts sur le sel, la viande, les boissons, établit d’autres impôts sur les domestiques, les chiens, les vins de qualité, les loyers au-dessus de 800 fr., etc.

L’abolition de l’impôt sur le sel, la viande et les boissons, dans le régime économique actuel, n’est qu’une exagération philanthropique qui coûtera cher à l’État, sans améliorer le sort des travailleurs.

L’établissement d’impôts somptuaires est une fantaisie utopiste qui coûtera cher aux travailleurs, sans emplir les coffres de l’État.

Les décrets du gouvernement provisoire déplacent la misère, comme la banqueroute déplace les capitaux : ils ne remédient à rien. La pression révolutionnaire, aveugle et ignorante, est satisfaite par ces décrets; mais par ces décrets mêmes, le peuple est mystifié. En échange d’un sacrifice apparent, nous avons une restauration réelle : Peuple, tu t’en apercevras bientôt.

Pour nous, bien que nous soyons aussi peu satisfaits du 16 avril que nous l’avions été du 17 mars, nous acceptons le fait accompli. Nous aimons les positions nettes. La triple essence du gouvernement provisoire nous embarrassait. A présent, nous savons à qui parler. C’est la démocratie doctrinaire qui règne et qui gouverne. Nous avions toujours pensé que le prolétariat devait s’émanciper sans le secours du gouvernement : le gouvernement, depuis le 16 avril, pense de même.

Nous sommes d’accord avec le gouvernement!…

The Situation.

April 17, 1848.

What we foresaw, what we have predicted is happening.

The revolution turns to bourgeois and doctrinaire democracy: the provisional government, composed of heterogeneous elements, has just carried out a kind of purification on itself. The men stay; the principles are eliminated. Serious faults accelerated this result, which was moreover inevitable. We are going to relate them in a few lines: it will be like the preamble to our profession of faith.

The victory of February 24 had brought to power three different parties, renewed from our old struggles: the Girondin or Thermidorian party, represented by the National, the Montagnard party, represented by the Reforme, and the Socialist-Communist Party, represented by Louis Blanc.

The monarchy being excluded, these three parties embraced the totality of public opinion.

It seemed therefore that the Provisional Government, by the very incoherence of its composition, should express, in the eyes of France, the conciliation of all ideas, of all interests. The bourgeoisie and the proletariat, joining their hands on the Organization of labor, as on the gospel of the future, we could believe that the problem of misery, put aside by the fallen government, was going to be solved by the new, amiably and peacefully.

We have just seen, for the thousandth time, what these conciliations are worth, which rest only on vague sympathies, and which no principle consolidates.

The conduct that the Provisional Government had to adopt was, however, very simple and ready-made. Resolutely pose the problem of the proletariat; occupy and feed the workers; bring back the bourgeois class; then, while waiting for the National Assembly, maintain the republican status quo; this is what good sense, in harmony with high politics, commanded the Provisional Government.

In such a situation, to preserve everything was to advance.

Well! What was so simple and so wise, uniting to the advantage of common sense the merit of profundity, was understood by no one.

Scarcely had the mandate, so new to it, to represent the Republic been taken on than the bourgeois part of the provisional government, abandoning itself to its old preoccupations, began to beat a retreat. — For its part, the revolutionary fraction, carried away by the enthusiasm of its memories, completely deluding itself about the power of its means, and keen, as it says, to engage the future, set to work with energy and exclusion. Finally, socialism, not content with having laid down its principle, wanted to move on to application, relying only on itself for the execution of its work.

We know what resulted from these tensions. Everything the Provisional Government did from the point of view of the old bourgeoisie was found to be retrograde ; — everything it undertook from the revolutionary point of view was counter-revolutionary; — everything it decreed in the interest of the proletariat was conceived against the interests of the proletariat.

Thus, when the Provisional Government, following the routine of bourgeois economy, opened a loan of 100 millions; when, to prove the solidity of its credit, it paid 50 millions to the rentiers; when it raised the interest of the sums deposited in the savings bank; when it continued the insurance companies, etc., etc., I say that in the presence of the socialist principle, which was to intervene in the law and which did not intervene, the government acted contrary to its right and his duty.

Likewise, when the Provisional Government began to write those dictatorial circulars which, in the year 1848, could intimidate only old women; when, being unable to dispose of a crown or a man except under the good pleasure of the departments, it spoke of authority to the departments; when, in the midst of France, republican in mind and heart — but in distrust of the Republic — it invented reaction, counter-revolution, as it was soon to invent the coalition; in all these circumstances, the Provisional Government acted like a sleepwalker. It gave us the spectacle, unique in history, of statesmen playing an old tragedy with ridiculous seriousness. By dint of retrospective radicalism, it has compromised future reforms: I want for proof of this only the electoral law.

If from the revolutionary element we pass to the socialist element, we encounter an equal series of errors and miscalculations.

How could no one be found to say to M. Blanc: The organization of work, as you understand it, is forbidden to you, not because you lack the capacity, but because your position forbids it. It is through the workshop that you claim to attack the problem, that is to say through individualism; whereas it is the social side which alone can give you the solution, that is to say credit. But, even from this point of view, you cannot undertake anything; a member of the government, you no longer represent a class of society, but the general interests of society, any initiative that would serve one party rather than the other comes out of your remit. You belong to the bourgeoisie as much as to the proletariat. Protect, encourage the emancipation of the working classes; you yourself do not intervene, don’t compromise your responsibility, the government’s responsibility. Wait for a higher authority to give you both credit and power.

The failure of the acts of the provisional government have been general. So the protests were not long in coming. The demonstrations of March 16 and 17; the repeated expulsions of commissioners from the departments; lastly, the April 16 uprising; all these facts accomplished to the cries of: Long live the Republic! Long live the Provisional Government! prove to the less clear-sighted that France is sincerely republican, but that she would not support a dictatorship; that, by revolution, she means conciliation; that she also rejects doctrinarism, Jacobinism and utopia; that if, however, after having protested against each of the factions which make up the provisional government, she maintains this government as it is, it is because she no longer wishes to suffer questions of persons, and because these rulers are, in her eyes, only the ministers of her will.

Such is, according to us, the true situation of things; the position of the Provisional Government is admirable and its strength immense; but also the difficulties it has to overcome are infinite. They are all summed up in this formula, which expresses both its role and its rule: to reconcile the divergence of interests through the generality of measures.

But, as the tree always falls on the side where it leans, the tendency of the provisional government is currently in the direction of the anti-socialist protest of April 16th. Encouragements to enter this path, unofficial advice has not been lacking.

Many people imagine, because the social question has been confused at the Luxembourg, that the social question is over; that henceforth capital is excused from reckoning with labor.

Under the impression of this idea, it is inevitable that the provisional government will march towards a bourgeois restoration, at the price of some sacrifices granted to the fervor for social ideas.

This is what was already indicated, by the hypocritical reflections of the reactionary newspapers on the difficulty, the uncertainty, the impossibility of a solution, and by the decrees by which the provisional government, at the same time as it reduces or suppresses the taxes on salt, meat, drinks, establishes other taxes on servants, dogs, quality wines, rents above 800 fr., etc.

The abolition of the tax on salt, meat and beverages, in the present economic system, is only a philanthropic exaggeration that will cost the State dearly, without improving the lot of the workers.

The establishment of lavish taxes is a utopian fantasy that will cost the workers dearly, without filling the coffers of the state.

The decrees of the provisional government displace misery, as bankruptcy displaces capital: they remedy nothing. Revolutionary pressure, blind and ignorant, is satisfied by these decrees; but by these very decrees the people are mystified. In return for apparent sacrifice, we have real restoration: People, you will soon find out.

For us, although we are as dissatisfied with April 16 as we were with March 17, we accept the fait accompli. We like clear positions. The triple essence of the Provisional Government embarrassed us. Now we know who to talk to. It is doctrinaire democracy that reigns and governs. We had always thought that the proletariat should emancipate itself without the help of the government: the government, since April 16, thinks the same.

We agree with the government!…

Comment les Révolutions se perdent.

22 Avril.

L’économie politique du gouvernement déchu conduisait fatalement le Peuple, par une série d’impossibilités, à là misère.

L’économie politique du gouvernement provisoire conduit également le Peuple, par une autre série d’impossibilités, à la misère, et la République à la banqueroute.

Voilà deux mois que le Peuple ne travaille pas, qu’il ne produit pas, qu’il ne fait point d’échange, qu’il n’acquiert rien. Le Peuple ne vit plus de son travail ; le dernier décret du gouvernement provisoire nous apprend que le Peuple va entamer son épargne. Encore trois mois de ce régime, et nous nous trouvons sans argent, sans produits, sans capitaux. Imus, imus prcœcipites ! Nous courons au précipice avec une vitesse accélérée à chaque minute par l’impulsion des vieux préjugés philanthropiques, par nos hallucinations révolutionnaires, par l’impéritie du gouvernement.

Nous venons de relire le décret par lequel, en attendant l’impôt progressif, une contribution de 1 pour cent est établie sur les créances hypothécaires. Les journaux de la Révolution n’ont pas manqué d’applaudir à ce décret, arraché par la terreur au gouvernement provisoire, et dans lequel les patriotes se plaisent à trouver un engagement pour l’avenir.

Pour nous, nous n’approuvons de ce décret rien, pas même l’intention, et nous nous demandons si les journaux plus ou moins compétents qui s’en félicitent sont les compères des réacteurs?

Le gouvernement provisoire s’est fait ce raisonnement:

La somme des créances hypothécaires passe 12 milliards. Or, si je frappais une contribution de 1 pour cent seulement sur ces 12 milliards, cela me produirait une recette de 120 millions, qui comblerait le déficit laissé au trésor, par l’abolition des droits sur la viande, les boissons, etc.

Cet impôt serait équitable et juste : il épargnerait le pauvre, il tomberait sur le riche. « Jusqu’ici les producteurs, les consommateurs, les propriétaires, ont eu la charge exclusive des grands sacrifices. La justice veut que cette inégalité cesse. Lorsque tous les éléments de la richesse sont atteints, il ne faut pas épargner celui de tous qui est le plus puissant. »

Tels sont les calculs, telle est la politique du gouvernement provisoire.

Calculs d’enfants et politique de gérontes !

Comment le gouvernement provisoire établit-il l’assiette de cet impôt ? Comment prétend-il en opérer le recouvrement? Car, c’est par le mode du recouvrement que nous allons apprécier l’utilité de la mesure.

« Les propriétaires d’immeubles grevés d’hypothèques ou privilèges sont tenus de déclarer, dans le délai de quinze jours, au greffier de la justice, les diverses créances existant sur leurs immeubles. »

Rien de plus simple, en apparence, que cela : Les débiteurs dénonceront leurs créanciers.

Mais les débiteurs ne dénonceront personne et ne feront aucune déclaration :

1° Parce qu’ils n’y ont aucun intérêt. Que leur importe que le quart ou le cinquième des intérêts qu’ils paient pour leurs créances hypothécaires, au lieu d’aller dans la poche de leurs créanciers, aille dans la caisse du receveur général?

2° Parce que la déclaration ordonnée par le gouvernement provisoire n’est rien de moins qu’une délation, et, qui pis est, une délation gratuite, et que la délation répugne à nos moeurs. Que n’ajoutiez-vous, citoyen ministre, dans votre exposé des motifs, que la délation, dans ce cas, serait considérée comme un acte de civisme?

3° Parce que les débiteurs ne voudront pas faire savoir à tous que leurs biens sont hypothéqués, et s’exposer de la sorte à perdre leur crédit. Plutôt que de faire une pareille déclaration, la plupart préféreraient payer 1 pour cent de plus à leurs créanciers. A Paris, il est possible que quelques déclarations soient faites : là, tout passe inconnu dans la foule. En province, c’est autre chose; le paysan, le petit industriel gardera le silence ; vous le tuerez plutôt que de le faire parler.

4° Parce qu’il y a réciprocité de crédit et de débit entre une multitude de citoyens. Or, passez-moi la rhubarbe et je vous passerai le séné : donc, point de déclaration.

f° Parce que le débiteur qui ferait une semblable déclaration se verrait aussitôt refuser crédit par le capitaliste, ou ne l’obtiendrait plus qu’à un taux usuraire. Or, il n’est pas d’entrepreneur d’industrie, de propriétaire agricole, etc., qui, placé dans l’alternative ou défaire faillite par sa décla[ra]tion, pu de déterminer la banqueroute de l’État par son mutisme, ne préfère son intérêt à celui de l’État.

6° Parce qu’enfin le décret en frappant les créances antérieures au 15 avril, et exceptant celles contractées ultérieurement, est injuste. Il est injuste encore, pour les petits rentiers qui ne subsistent que d’un modique revenu, acheté par de longues épargnes ; pension légitime d’une vie consumée en labeur. Il est injuste à l’égard des créanciers qui ne sont pas même payés de leurs renies, et Dieu sait si, dans ces temps déplorables, le nombre en est grand ! Il est injuste enfin, parce qu’il est exorbitant, pour certaines créances résultant de jugements ou arrêts, et qui, par l’enchaînement des obligations se rapportent, comme une lettre de change, à une série de souscripteurs. Exemple :

Par arrêt de la Cour de Lyon, la compagnie l’Union a pris hypothèque sur la compagnie Méridionale pour une somme de 100,000 francs, soit 5,000 francs à payer an trésor. — De son côté, la compagnie Méridionale, par son recours en garantie, a pris hypothèque sur Taffe, expéditeur à Marseille ; soit 5,000 francs à payer encore pour cette hypothèque. — D’autre part, la compagnie l’Union, rendue responsable elle-même par la ville de Colmar et condamnée à 100,000 francs de dommages-intérêts pour retard de transport, est hypothéquée pour 100,000 francs; donc, 5,000 francs à payer de nouveau à l’État.

Si vous épuisez la série, il ne reste rien aux créanciers hypothécaires.

Si vous voulez ne frapper que le créancier définitif, vous trouverez, au lieu d’un créancier, un commettant qui a souffert préjudice : alors point d’impôt, ce qui constituera une exception. Mais une exception en amène une foule d’autres, dont l’ensemble aboutit à ce résultat, que la loi est absurde.

Ainsi donc, pas d’assiette, pas de recouvrement possible pour une pareille contribution. Créanciers et débiteurs s’entendront pour nier la réalité des créances : quand ce relevé des inscriptions accusera 12 milliards, les déclarations des débiteurs répondront: zéro.

Ferez-vous publier le registre des hypothèques? Mettrez-vous la conflagration dans le pays par cette révélation universelle, plus terrible pour les débiteurs que la trompette du dernier jugement? Si le gouvernement provisoire tient à se rendre impopulaire, qu’il en essaie !

Admettons maintenant que l’impôt soit praticable ; que toutes déclarations soient faites ; que l’assiette soit établie; que le fisc encaisse ses 120 millions. Que résultera-t-il de cet impôt?

D’abord une hausse générale de l’intérêt. Donc, en définitive, ce sera toujours sur le producteur, sur le pauvre, que retombera l’impôt, — Etes-vous jamais allé au théâtre de Guignoles? Avez-vous vu polichinelle essayant d’assommer le diable? Il prend ses mesures, il ajuste son coup, il lève son bâton : puis, quand il croit écraser la tête de l’ange de ténèbres, le diable s’esquive et disparaît. C’est l’emblème du riche poursuivi par l’impôt.

Supposons enfin, car il faut aller jusqu’au bout, que le capitaliste, atteint par l’impôt, se résigne débonnairement à payer, et n’élève pas le taux de ses intérêts* Alors, c’est la source de l’épargne qui est tarie.

Dans une société constituée sur les principes de la propriété, du prêt à intérêt, du travail et du commerce libre, les capitaux ne se forment que par l’épargne. La nation n’a pas d’autres économes que ses rentiers. Une partie des rentes est consommée chaque année, sans doute ; mais une autre partie, et la plus forte assurément, est convertie en nouveau capital, servant à son tour d’instrument de production au travail, et produisant intérêt.

Là est la condition fondamentale du progrès de la société.

Or, l’impôt sur les créances hypothécaires, assisté bientôt de l’impôt progressif, arrête la formation des capitaux, arrête le progrès. A ce point de vue, l’impôt établi par le décret du 20 avril est la pire espèce d’impôt. Il place la société tout entière dans la même situation que l’État ; il la réduit à ne pouvoir plus aller en avant, à ne joindre, comme on dit, que les deux bouts ; il la fait vivre au jour la journée, sans avance, sans richesse, sans développement, sans avenir. Une nation arrivée à cet état est une nation perdue.

Avant deux ans, à supposer que nous puissions vivre deux années dans une situation pareille, l’expérience aura démontré à tous :

1° Que l’impôt progressif, l’impôt somptuaire, l’impôt sur les créances hypothécaires, et toute espèce d’impôts sur le revenu, est destructif de la richesse publique, absurde en principe, funeste dans ses résultats ;

2° Qu’en conséquence, ceux qu’on appelle riches sont inattaquables par l’impôt, à peine de’ péril pour la République et d’aggravation de misère pour le pauvre ;

3° Et pour conclusion, que le paupérisme est aussi nécessaire à la société que la richesse et le progrès !

Alors le paupérisme, alors le prolétariat, sera, ainsi que la féodalité mercantile, regardé comme la condition d’existence des nations ; la misère sera chose inviolable et sacrosainte ; la Révolution de février sera, dans toutes ses fins, convaincue d’erreur, et la bourgeoisie restaurée sifflera sur le tombeau de la République.

How Revolutions Are Lost.

April 22, 1848.

The political economy of the deposed government inevitably led the People, by a series of impossibilities, to misery.

The political economy of the Provisional Government also leads the People, by another series of impossibilities, to misery, and the Republic to bankruptcy.

For two months now the People have not labored, they have not produced, they have made no exchange, they have acquired nothing. The People no longer live from their labor; the last decree of the provisional government teaches us that the People are going to dip into their savings. Another three months of this regime, and we find ourselves without money, without products, without capital. Imus, imus prcœcipites! We run to the precipice with a speed accelerated every minute by the impulse of old philanthropic prejudices, by our revolutionary hallucinations, by the incompetence of the government.

We have just re-read the decree by which, pending the progressive tax, a contribution of 1 per cent is established on mortgage debts. The newspapers of the Revolution did not fail to applaud this decree, wrested by terror from the Provisional Government, in which the patriots are pleased to find an engagement for the future.

For us, we do not approve of anything in this decree, not even the intention, and we wonder if the more or less competent newspapers that welcome it are the accomplices of the reactors?

The Provisional Government reasoned in this way:

The sum of mortgage claims passes 12 billion. Now, if I levied a contribution of only 1 per cent on these 12 billions, that would produce a receipt for me of 120 millions, which would make up for the deficit left in the treasury, by the abolition of duties on meat, drinks, &c.

This tax would be fair and just: it would spare the poor, it would fall on the rich. “Up to now the producers, the consumers, the proprietors, have had the exclusive responsibility for the great sacrifices. Justice wants this inequality to end. When all the elements of wealth are attained, one should not spare the one who of all is the most powerful.”

Such are the calculations, such is the policy of the Provisional Government.

Calculations of children and policy of doddering fools!

How does the Provisional Government establish the base for this tax? How does it claim to recover it? Because, it is by the mode of recovery that we are going to appreciate the usefulness of the measure.

“The owners of buildings encumbered with mortgages or privileges are required to declare, within fifteen days, to the clerk of justice, the various claims existing on their buildings.”

Nothing could be simpler, in appearance, than this: Debtors will denounce their creditors.

But the debtors will not denounce anyone and will not make any statement:

1. Because they have no interest in it. What does it matter to them that a quarter or a fifth of the interest they pay on their mortgages, instead of going into the pockets of their creditors, goes into the fund of the Receiver General?

2. Because the declaration ordered by the provisional government is nothing less than an denunciation, and, what is worse, a gratuitous denunciation, and that denunciation is repugnant to our morals. Why did you not add, Citizen Minister, in your explanatory memorandum, that the denunciation, in this case, would be considered an act of good citizenship?

3. Because the debtors will not want to let everyone know that their property is mortgaged, and thus expose themselves to losing their credit. Rather than make such a statement, most would prefer to pay 1 percent more to their creditors. In Paris, it is possible that some statements will be made: there, everything goes unknown in the crowd. In the provinces, it is something else; the peasant, the small industrialist will keep silent; you will kill him rather than make him talk.

4. Because there is reciprocity of credit and debit between a multitude of citizens. Now, pass me the rhubarb and I’ll pass you the senna: therefore, no declaration.

5. Because the debtor who makes such a declaration would immediately see himself refused credit by the capitalist, or would only obtain it at a usurious rate. Now, there is no industrial entrepreneur, agricultural owner, etc., who, placed in the alternative of undoing bankruptcy by his declaration, being able to bring about the bankruptcy of the State by his silence, does not prefer his interest to that of the State.

6. Because, finally, the decree by striking debts prior to April 15, and excluding those contracted subsequently, is unjust. It is also unjust for small rentiers who subsist only on a modest income, purchased by long savings; legitimate pension of a life consumed in toil. It is unjust with regard to creditors who are not even paid by their rents, and God knows that, in these deplorable times, the number of them is great! Finally, it is unjust, because it is exorbitant, for certain debts resulting from judgments or arrests, which, by the sequence of obligations, relate, like a bill of exchange, to a series of subscribers. Example :

By judgment of the Court of Lyons, the company l’Union took a mortgage on the company Méridionale for a sum of 100,000 francs, that is 5,000 francs to be paid to the treasury. — For its part, the Compagnie Méridionale, through its recourse in guarantee, took a mortgage on Taffe, a shipper in Marseilles; or 5,000 francs still to be paid for this mortgage. — On the other hand, the company l’Union, held responsible itself by the town of Colmar and condemned to 100,000 francs in damages for delay in transport, is mortgaged for 100,000 francs; therefore, 5,000 francs to be paid again to the State.

If you exhaust the series, there is nothing left for the mortgagees.

If you want to strike only the final creditor, you will find, instead of a creditor, a principal who has suffered prejudice: then no tax, which will constitute an exception. But one exception leads to a host of others, all of which lead to this result, that the law is absurd.

Therefore, no base, no collection possible for such a contribution. Creditors and debtors will agree to deny the reality of the debts: when this list of registrations will show 12 billion, the declarations of the debtors will answer: zero.

Will you publish the register of mortgages? Will you conflagrate the land through this universal revelation, more terrible to debtors than the trumpet of the last judgment? If the provisional government wants to make itself unpopular, let it try!

Let us now admit that the tax is practicable; that all declarations be made; that the base is established; that the tax authorities collect their 120 million. What will result from this tax?

First a general increase in interest. So, ultimately, it will always be on the producer, on the poor, that the tax will fall. — Have you ever been to the theater at Guignoles? Have you seen Polichinelle trying to knock out the devil? He takes his measurements, he adjusts his stroke, he raises his stick: then, when he thinks he has crushed the head of the angel of darkness, the devil slips away and disappears. It is the emblem of the rich pursued by the tax.

Suppose finally, because we must go all the way, that the capitalist, hit by the tax, resigns himself to pay, and does not raise the rate of his interest. Then, it is the source of savings that has dried up.

In a society constituted on the principles of property, loan at interest, labor and free trade, capital is formed only by saving. The nation has no other stewards than its rentiers. A part of the rents is consumed each year, no doubt; but another part, and certainly the largest, is converted into new capital, serving in its turn as an instrument of production for work, and producing interest.

This is the fundamental condition for the progress of society.

Now, the tax on mortgage debts, soon assisted by the progressive tax, arrests the formation of capital, arrests progress. From this point of view, the tax established by the decree of April 20 is the worst kind of tax. It places society as a whole in the same position as the state; it reduces it to no longer being able to go forward, to making ends meet, as they say; it makes it live from day to day, without advance, without wealth, without development, without future. A nation that has reached this state is a lost nation.

Before two years, assuming that we can live two years in such a situation, experience will have shown everyone:

1. That the progressive tax, the sumptuary tax, the tax on mortgage debts, and all kinds of taxes on income, are destructive of public wealth, absurd in principle, fatal in their results;

2. That consequently, those who are called rich are unassailable by taxation, on pain of danger for the Republic and aggravation of misery for the poor;

3. And, to conclude, that pauperism is as necessary to society as wealth and progress!

Then pauperism, then the proletariat, will be, like mercantile feudalism, regarded as the condition of existence of nations; misery will be an inviolable and sacrosanct thing; the February Revolution will be, in all its aims, convicted of error, and the restored bourgeoisie will whistle past the tomb of the Republic.

Mystification du suffrage universel.

29 Avril.

Comment se fait-il que ceux-là même qui, il y a trois mois, appelaient de tous leurs voeux le suffrage universel, aujourd’hui n’en veuillent plus.

Et comment ceux qui, il y a trois mois, n’avaient point assez de colères contre le suffrage universel, osent-ils aujourd’hui s’en prévaloir?

La même absence de principes, la même mauvaise foi explique cette double contradiction. Les uns se plaignent d’une loterie à laquelle ils ont perdu le pouvoir ; les autres admirent une mécanique qui leur rend leurs privilèges. La belle chose, vraiment, et morale, et grande que la politique !…

Pour nous qui, bien avant la loi Cormenin, protestions contre cette vieille puérilité du suffrage universel, nous avons droit de nous en plaindre, et de la réduire à sa juste valeur.

Le suffrage universel, disions-nous, est une sorte de théorie atomistique par laquelle le législateur, incapable de faire parler le peuple dans l’unité de son essence, invite les citoyens à exprimer leur opinion par tête, viritim, absolument comme le philosophe épicurien explique la pensée, la volonté, l’intelligence, par des combinaisons d’atomes. Comme si de l’addition d’une quantité quelconque de suffrages pouvait jamais sortir l’idée générale, l’idée du Peuple!…

Le moyen le plus sûr de faire mentir le Peuple est d’établir le suffrage universel. Le vote par tête, en fait de gouvernement, et comme moyen de constater la volonté nationale, est exactement la même chose que serait, en économie politique, un nouveau partage des terres. C’est la loi agraire, transportée du sol à l’autorité.

Parce que les auteurs qui les premiers se sont occupés de l’origine des gouvernements, ont enseigné que tout pouvoir a sa source dans la souveraineté nationale, on a bravement conclu que le mieux était de faire voter, de la voix, du croupion, ou par bulletin, tous les citoyens, et que la majorité, absolue ou relative, des suffrages ainsi exprimés, était adéquate à la volonté du peuple. On nous a ramenés aux usages des barbares, qui, à défaut de raisonnement, procèdent par acclamation et élection. On a pris un symbole matériel pour la vraie formule de la souveraineté. La poussière des suffrages a été considérée comme l’essence de la raison populaire!…

Aussi voyez le mécompte. Je prends pour exemple les élections de Paris.

Plus de 400,000 citoyens avaient droit de suffrage dans le département de la Seine. 300,000 à peine ont déposé leurs bulletins.

Pour qui compteront les 100,000 qui se sont abstenus ?

En les regardant comme s’ils n’existaient pas, vous les faites, par cela seul, profiter aux candidats élus, tandis qu’il y a tout autant à parier que s’ils avaient voté, ils auraient fait pencher la balance du côté contraire, ou du moins qu’ils auraient modifié notablement le résultat du vote.

Autre contradiction :

Sur les 300,000 suffrages recueillis, 13 candidats seulement ont réuni plus de la moitié ; les autres, au nombre de 21, n’ont été nommés qu’à des majorités relatives de 144,000 à 104,000 voix.

Comment ces élus de la minorité électorale peuvent-ils se dire représentants du peuple? Quoi ! il y a 200,000 électeurs qui protestent contre la candidature de M. Lamennais; mais parce qu’ils ne se sont pas accordés pour dire quel homme ils voulaient à sa place, M. Lamennais passe malgré eux ! Il se pourrait ainsi, et la loi a prévu le cas, qu’un candidat exclu par 298,000 voix et porté par 2,000 fût député ! El ce député se dirait élu par le suffrage universel ! quelle dérision !

Encore, si les fabricateurs de cette merveilleuse loi électorale avaient su, en faisant appel aux suffrages populaires individuellement exprimés, poser convenablement la question ! S’ils avaient dit aux citoyens :

La classe travailleuse entend participer à tous les avantages de la classe bourgeoise. Cette classe, la plus nombreuse et la plus pauvre, par conséquent la plus forte, est maîtresse du pouvoir. Bourgeois, travailleurs, il s’agit de procéder, d’un commun accord, à une réforme économique intégrale. Vous avez donc à choisir les hommes les plus capables, par leur spécialité, leur modération et leur dévouement, de régler les intérêts de tous.

Il est hors de doute que la question ainsi posée devant les électeurs aurait amené un résultat tout autre.

Au lieu de cela, qu’a fait le gouvernement?

D’abord, par ses manifestes, par ses démonstrations, Ses décrets et ses commissaires, il a posé le casus belli entre les deux castes qui sont censées diviser le peuple, la bourgeoisie et le prolétariat. Ce que voyant, l’immense majorité des citoyens a commencé à se mettre sur la défensive : le commis sans emploi et le banquier en faillite ; l’artisan sans travail comme le propriétaire sans revenu, tout le monde s’est fait bourgeois, personne n’a voulu se ranger dans la catégorie des prolétaires. Dès ce moment, il a été facile de prévoir dans quel sens seraient faites les élections.

Ce n’est pas tout.

Le gouvernement provisoire, avec ses déplorables oscillations, tantôt vers le communisme, tantôt vers les idées conservatrices, provoque tout-à-coup, le 16 avril, un soulèvement de toutes les opinions, et la question électorale se trouve posée de nouveau entre la propriété et la communauté.

Ce fut partie perdue pour la réforme sociale. La masse des citoyens, qui l’aurait acceptée de grand coeur, vient, ou peu s’en faut, de la rejeter, sous le nom du communisme.

La négation du communisme, telle est la vraie signification des élections de 1848. Nous ne voulons point de la communauté du travail, ni de la communauté des femmes, ni de la communauté des enfants ! Les 260,000 voix données à M. de Lamartine ne veulent pas dire autre chose. Est-ce une adhésion aux théories de l’illustre poète, ou une épigramme ?

Vienne donc la nouvelle Assemblée nationale, avec son mandat équivoque. Nous saurons, pour notre part, ramener les citoyens représentants à la question.

La France, leur dirons-nous, ne veut pas de la communauté : qui en doute? Nous n’en voulons pas plus que vous.

Mais, est-ce que cela touche en rien à la question sociale ?

Est-ce qu’il suffit de protester contre la communauté pour éteindre la misère?

Est-ce que le privilège de propriété est aboli?

Est-ce que les bourgeois sont devenus travailleurs ?

Est-ce que les travailleurs sont devenus bourgeois ?

Est-ce que nous en avons moins une dette publique de six milliards, un budget de deux milliards, — car il sera de deux milliards, — plus douze milliards de créances hypothécaires ?

Est-ce que la crise est à sa fin ?

Est-ce que la circulation est rétablie ?

Est-ce que, par l’organisation du travail, le pain est assuré au dedans et au dehors?

Est-ce que nous sommes libres ?

Est-ce que nous sommes égaux?

Est-ce que nous sommes frères?

Bonnes gens, qui avez peur qu’on vous démarie, regardez-y à deux fois avant de vous conjouir dans votre commune insignifiance. Si vous vous imaginez n’être venus que pour appuyer une négation, vous n’avez pas compris votre mandat. Nous n’avons que faire de vos lumières. Allez-vous-en !

Mystification of universal suffrage.

April 29, 1848.

How is it that the very people who, three months ago, were calling for universal suffrage with all their desire, today no longer want it.

And how do those who, three months ago, had not enough anger against universal suffrage, dare to avail themselves of it today?

The same absence of principles, the same bad faith explains this double contradiction. Some complain of a lottery in which they have lost power; the others admire a mechanism that restores their privileges. The beautiful thing, really, and moral, and greater than politics!…

For us who, well before the Cormenin law, protested against this old childishness of universal suffrage, we have the right to complain about it, and to reduce it to its just value.

Universal suffrage, we said, is a kind of atomistic theory by which the legislator, unable to make the people speak in the unity of their essence, invites the citizens to express their opinion per head, viritim, just as the Epicurean philosopher explains thought, will, intelligence, by combinations of atoms. As if from the addition of any quantity of votes could ever come the general idea, the idea of the People!…

The surest way to make the People lie is to establish universal suffrage. The vote by head, in terms of government, and as a means of ascertaining the national will, is exactly the same thing as a new division of lands would be in political economy. It is agrarian law, transferred from the soil to authority.

Because the authors who were the first to deal with the origin of governments taught that all power has its source in national sovereignty, it has been bravely concluded that the best thing was to have all the citizens vote, by voice, from the rump, or by ballot, and that the majority, absolute or relative, of the votes thus cast, was adequate to the will of the people. We have been brought back to the customs of the barbarians, who, in default of reasoning, proceed by acclamation and election. A material symbol has been taken for the true formula of sovereignty. The dust of votes has been considered the essence of popular reason!…

Also see the miscount. Take the Paris elections as an example.

More than 400,000 citizens had the right to vote in the department of the Seine. Barely 300,000 cast their ballots.

For whom will count the 100,000 who abstained?

By looking at them as if they did not exist, you make them, by that alone, benefit the elected candidates, while it is just as safe a bet that if they had voted, they would have tipped the scales in the opposite direction, or at least that they would have significantly modified the result of the vote.

Another discrepancy:

Of the 300,000 votes received, only 13 candidates received more than half; the others, 21 in number, were only appointed by relative majorities of 144,000 to 104,000 votes.

How can these elected representatives of the electoral minority call themselves representatives of the people? What! There are 200,000 electors protesting against the candidacy of M. Lamennais; but because they did not agree to say which man they wanted in his place, M. Lamennais passes despite them! So it could happen, and the law provided for the case, that a candidate excluded by 298,000 votes and supported by 2,000 was a deputy! And this deputy would say he was elected by universal suffrage! What derision!

Still, if the fabricators of this marvelous electoral law had been able, by appealing to the popular votes individually expressed, to properly pose the question! If they had said to the citizens:

The working class intends to share in all the advantages of the bourgeois class. This class, the most numerous and the poorest, consequently the strongest, is master of power. Bourgeois, workers, it is a question of proceeding, by mutual agreement, to an integral economic reform. You have therefore to choose the men most capable, by their specialty, their moderation and their devotion, of regulating the interests of all.

There is no doubt that the question posed in this way before the voters would have produced quite a different result.

Instead, what did the government do?

First, by its manifestos, by its demonstrations, its decrees and its commissars, it posed the casus belli between the two castes that are supposed to divide the people, the bourgeoisie and the proletariat. Seeing this, the vast majority of the citizens began to put themselves on the defensive: the unemployed clerk and the bankrupt banker; the craftsman without work like the proprietor without income, everyone became bourgeois, no one wanted to fall into the category of proletarians. From that moment, it was easy to foresee in what direction the elections would go.

That is not all.

The provisional government, with its deplorable oscillations, sometimes towards communism, sometimes towards conservative ideas, suddenly provoked, on April 16, an uprising of all opinions, and the electoral question found itself posed again between property and the community.

It was a lost game for social reform. The mass of citizens, who would have accepted it wholeheartedly, have just, or almost, rejected it, under the name of communism.

The negation of communism, such is the true meaning of the elections of 1848. We do not want the community of work, nor the community of women, nor the community of children! The 260,000 votes given to M. de Lamartine mean nothing else. Is it an adherence to the theories of the illustrious poet, or an epigram?

Then comes the new National Assembly, with its equivocal mandate. We will be able, for our part, to bring the citizen representatives back to the question.

France, we will tell them, does not want the community: who can doubt it? We don’t it any want more than you.

But, does this have anything to do with the social question?

Is it enough to protest against community to extinguish misery?

Is the privilege of property abolished?

Have the bourgeois become laborers?

Have the laborers become bourgeois?

Do we have any less a public debt of six billion, a budget of two billion—because it will be two billion—plus twelve billion in mortgage claims?

Is the crisis over?

Is circulation restored?

Is bread guaranteed inside and outside by the organization of labor?

Are we free?

Are we equal?

Are we brothers?

Good people, who are afraid of being thinned out, look twice before congratulating yourselves in your common insignificance. If you imagine that you only came to support a denial, you have not understood your mandate. We don’t care about your insights. Go away !

La réaction.

29 Avril.

La question sociale est ajournée. Le 16 avril a mis au néant les candidatures socialistes. La cause du prolétariat, dénoncée avec tant d’éclat dans les barricades de Février, vient d’être perdue en première instance, dans les élections d’avril. A l’enthousiasme du peuple a succédé la consternation : c’est la bourgeoisie qui réglera, comme auparavant, la condition des travailleurs.

Tout le mal est venu de l’insuffisance du Luxembourg et de la faiblesse du ministère de l’intérieur, nous le disons pour la dernière fois.

Que MM. Blanc et Ledru-Rollin se pardonnent à eux-mêmes comme nous leur pardonnons ! Ils ont laissé ruiner la France et vendre le prolétariat. Mais ils sont à bas ; par conséquent ils sont des nôtres. Après la bataille de Cannes, lorsque Varron eut perdu la dernière année de la République, le sénat lui vola des remerciements pour n’avoir pas désespéré de la patrie. Que MM. Blanc et Ledru-Rollin nous disent qu’ils ne désespèrent pas de l’émancipation du prolétariat, et nous sommes prêts à leur adresser nos félicitations fraternelles.

Ce qui importe aujourd’hui, c’est de bien juger de la situation.

Depuis quelque temps on commence à se douter, dans les journaux du gouvernement provisoire, que la révolution de Février n’a été jusqu’ici, pour ses représentants, qu’une sorte de revue rétrospective de la première révolution. Les deux partis qui divisent le pouvoir s’attaquent, se menacent sous les dénominations de girondins et de montagnards. On s’accuse réciproquement, en haut lieu, de restauration et de contre-révolution. La conscience de leurs hallucinations rétrogrades arrive peu à peu à nos moniteurs improvisés. Rien de plus instructif, de plus significatif que leurs récriminations mutuelles. Si la réaction lève la tête, c’est au sein du gouvernement. S’il se trame des complots contre le gouvernement sorti des barricades, c’est dans les antichambres des ministres. Si le pouvoir, tiraillé dans tous les sens, et par ses manifestes communistes, et par ses inclinations doctrinaires, fait fuir les capitaux, tue le crédit, inquiète les ouvriers, désole la propriété ; si l’organisation du travail fait que toute la France se croise les bras, la faute en est à cette démocratie à double face, qui règne et gouverne. Tout le chemin que, depuis deux mois, nous avons fait en arrière, nous l’avons fait sous l’inspiration des souvenirs contraires de l’ancienne république. C’est 93, avec toutes ses dissensions, qui nous régit ; quant à 1848, c’est encore le livre fermé de sept sceaux.

Il y a là un phénomène de psychologie sociale qui vaut la peine d’être approfondi. Ce phénomène s’est produit à toutes les époques révolutionnaires ; c’est ce qui en a suscité tous les périls et déterminé les catastrophes.

Les démocrates de 93, faisant de la république avec leurs souvenirs de collège, après s’être dévorés les uns les autres, ont retardé la révolution d’un demi-siècle. Certes Robespierre n’eut à se reprocher ni l’ambition et la vénalité de Mirabeau, ni les hésitations de La Fayette, ni la faiblesse de Péthion, ni l’insouciance de Vergniaud, ni les vices de Danton, ni le fanatisme de Marat. Mais Robespierre était Spartiate : c’est lui qui décida la contre-révolution.

Les démocrates de 1848, faisant de la république avec leurs souvenirs parlementaires, ont fait également reculer la révolution d’un demi-siècle. Je n’accuse ni leur patriotisme, ni leur bonne volonté, ni leur désintéressement. Tout leur tort est de n’être que des imitateurs; ils se sont crus hommes d’État parce qu’ils copiaient de vieux modèles !

Quelle est donc cette préoccupation étrange qui, en temps de révolution, fascine les esprits les plus fermes, et, alors que leurs aspirations ardentes les portent vers l’avenir, leur fait constamment évoquer le passé? D’où vient que le Peuple, au moment même où il rompt avec les institutions établies, se replonge et s’enfonce plus avant dans la tradition ? La société ne se répète pas ; mais on dirait qu’elle marche à reculons, comme le cordier qui file sa corde. Ne sauraitelle regarder du côté où elle va?

Ce n’est point ici le lieu de traiter à fond ce problème difficile, qui touche aux profondeurs de notre nature, et relève immédiatement des principes les plus abstraits de la métaphysique. Bornons-nous à dire, d’après les travaux récents de la philosophie, que le phénomène dont il s’agit a sa source dans la constitution de notre entendement, et qu’il s’explique par la loi d’identité des contraires, loi qui est la base de la création, aussi bien que de la logique. Et cela posé, revenons au fait.

Pour organiser l’avenir, règle générale et constatée par l’expérience, les réformateurs commencent donc toujours par regarder le passé. De là, la contradiction qui se découvre perpétuellement dans leurs actes ; de là aussi l’immense danger des révolutions.

Ainsi, le jour où le Peuple renverse une royauté, tout aussitôt il la remplace par une dictature. Il y a là tout à la fois souvenir, souvenir déduit de plus loin que la royauté renversée ; et contradiction, puisque c’est l’absolutisme pris pour sauvegarde contre l’absolutisme.

Le reste à l’avenant. La Convention eut ses proconsuls, Napoléon ses préfets. Le gouvernement provisoire a ses commissaires. Rien n’est changé dans les choses : nous n’avons qu’une mutation de personnages. Chacun peut voir aujourd’hui ce que nous coûte cette comédie restaurée. Les commissaires du gouvernement provisoire, précisément parce qu’ils n’étaient que des souvenirs, ont donné le signal de la réaction : ils avaient reçu le mot d’ordre de leurs chefs.

C’est aux chants de la Marseillaise et des vieux hymnes républicains qu’a été faite la révolution de février. Souvenir encore, et de plus contradiction.

Contradiction, dis-je; car, remarquez cela, la Révolution de 1848 n’a point inspiré de poète. L’idée sociale, anti-lyrique, à ce qu’il semble, a été obligée de se produire sous le rythme de l’idée politique. C’est que l’épopée est finie pour nous, quoi qu’on ait dit ; et, si trivial que cela paraisse, nous sommes condamnés à faire une besogne, non de héros, mais de commis. Les princes de la nouvelle République ne seront point gens d’épée, mais gens de plume. La Révolution de 1848, révolution économique, est ce qu’il y a de plus bourgeois. C’est l’atelier, le comptoir, le ménage, la caisse, les choses du monde les plus prosaïques, et qui prêtent le moins à l’énergie révolutionnaire et aux grandes paroles. Comment exprimer en vers et mettre en musique la participation de l’ouvrier aux bénéfices, l’association du travail et du capital, l’équilibre entre l’importation et l’exportation? Organiser la circulation et le crédit, augmenter la production, creuser le débouché, déterminer les nouvelles formes de sociétés industrielles, tout cela ne comporte pas le tempérament de 1793; bon gré, malgré, il faut nous résigner à n’être que des péquins.

La Marseillaise jure avec l’idée qu’elle représente ; elle froisse nos inclinations les plus intimes ; au lieu d’éclairer les citoyens, elle les étourdit. Ce contre-sens coûte à la République des sommes énormes, sans parler de la sécurité. Chanter la Marseillaise, c’est faire en même temps de la réaction et de la provocation.

Parmi les causes qui ont accéléré la chute de la monarchie constitutionnelle, il faut compter en première ligne la fatigue, le dégoût des débats parlementaires. Eh bien! la catastrophe était à peine consommée, le corps-de-garde du Palais-Royal fumait encore, que déjà la France se couvrait de clubs. La fièvre parlementaire, au lieu de s’éteindre, est devenue générale. Pour une tribune, nous en avons dix mille, et quelles tribunes ! Jamais on ne vit pareille confusion du don des langues. Les pavés des barricades, comme les pierres de Deucalion, sont devenus des orateurs. Tout le monde parle comme Démosthènes ; il est vrai qu’on raisonne comme La Palisse. J’ai vu, dans une réunion de cinq cents citoyens, décider en cinq minutes, avec des tonnerres d’applaudissements, les plus formidables questions d’économie politique, des questions auxquelles je suis sûr que personne dans l’honorable assemblée n’entendait mot. J’ai vu les motions les plus folles accueillies d’enthousiasme ; des propositions puériles passer à l’unanimité. Le gouvernement provisoire ne pouvait manquer d’y faire droit. Plusieurs ont été sanctionnées par ses décrets.

Contradiction et réminiscence ! On joue aux petits parlements, comme aux petits ateliers et à la petite guerre. Mais, ô travailleurs ! ce n’est pas dans les clubs qu’il faut livrer bataille, à la propriété ; c’est dans vos ateliers, c’est sur le marché. Nous étudierons bientôt avec vous cette stratégie nouvelle. Laissez aux bourgeois la politique et l’éloquence. La rhétorique des clubs ne peut rien vous apprendre. Tout ce verbiage est une offense à la raison pratique, à la gravité du travail, au sérieux des affaires, au silence de l’étude, à la dignité de l’esprit. Souvenez-vous que sous Napoléon, cet homme qui par la guerre symbolisait le travail, on ne faisait point de discours. Les clubs ne sont ni de notre siècle, ni de notre génie, ni de nos moeurs. Cette agitation factice tombera d’elle-même par l’ennui et la désertion ; s’il en était autrement, les maux qui en résulteraient pour vous sont incalculables.

Un des premiers actes du gouvernement provisoire, celui dont il s’est applaudi le plus, est l’application du suffrage universel. Le jour même où le décret était promulgué, nous écrivions ces propres paroles, qui pouvaient alors passer pour un paradoxe : « Le suffrage universel est la contrerévolution [1]. »

On peut juger, d’après l’événement, si nous nous sommes trompés. Les élections de 1848 ont été faites, à une immense majorité, parles prêtres, par les légitimistes, parles dynastiques, par tout ce que la France renferme de plus conservateur, de plus rétrograde. Cela ne pouvait être autrement.

Était-il donc si difficile de comprendre qu’il existe dans l’homme deux instincts, l’un pour la conservation, l’autre pour le progrès ; que chacun de ces deux instincts n’agit jamais que dans le sens des intérêts de l’autre; qu’ainsi chaque individu, jugeant les choses au point de vue de son intérêt privé, entend par progrès le développement de cet intérêt ; que cet intérêt étant en sens contraire de l’intérêt collectif, la somme des suffrages, au lieu d’exprimer le progrès général, indique la rétrogradation générale?

Nous l’avons dit et nous le répétons : la République est la forme de gouvernement dans laquelle toutes les volontés demeurant libres, la nation pense, parle et agit comme un seul homme. Mais, pour réaliser cet idéal, il faut que tous les intérêts privés, au lieu d’agir en sens contraire de la société, agissent dans la direction de la société, ce qui est impossible avec le suffrage universel. Le suffrage universel est le matérialisme de la République. Plus on emploiera ce système, jusqu’au jour où la révolution économique ne sera pas un fait accompli, plus on rétrogradera vers la royauté, le despotisme et la barbarie, et cela d’autant plus sûrement que les votes seront plus nombreux, plus raisonnés, plus libres.

Vous accusez l’impéritie, l’indifférence du prolétaire ! Mais c’est justement ce qui condamne votre théorie. Que diriez-vous d’un père de famille qui remettrait à ses enfants mineurs la libre disposition de ses biens, et puis qui, ruiné par eux, accuserait l’inexpérience de leur jeunesse? Et quel argument contre vous que l’indifférence du prolétariat !

Parce qu’il ne s’est pas trouvé un grain de sens commun dans tout le gouvernement provisoire ; parce qu’on s’était flatté de soutenir la fantaisie révolutionnaire par la raison du grand nombre, nous voilà en pleine réaction bourgeoise ! Il va être sursis pendant cinquante ans à l’émancipation du prolétariat ! Nous payons cher notre engouement pour des romanciers et des harangueurs. Et si nous n’étions les premiers coupables, je dirais que des ministres qui, sans principe, sans nulle raison de droit, abusant d’une dictature temporaire, ont livré le salut du peuple aux hasards de ce monstrueux scrutin, devraient être déchus de leurs droits civiques.

D’un côté le gouvernement provisoire établit des impôts de luxe; de l’autre, il donne au peuple la comédie gratis. Souvenir et contradiction.

L’impôt somptuaire diminue le travail du pauvre de tout ce qu’il ôte à la consommation du riche ; et il diminue la recette de l’État de tout ce qu’il ôte au travail du premier et à la jouissance du second. Triple déficit, triple misère, voilà le résultat de l’impôt de luxe.

Les spectacles gratuits, précisément parce qu’ils sont gratuits, font tort au travail et à la moralité du peuple ; de plus, ils sont un piège à sa bonne foi, puisque l’argent que le spectateur ne donne pas au bureau, il le portera au receveur des contributions, qui paiera les comédiens ! La ruine, toujours la ruine.

Un jour, un arrêté, émané de la préfecture de police, ordonne de changer les noms des rues et des monuments. Le lendemain, une pétition, signée dans les clubs, demande que les restes d’Armand Carrel et de Godefroi Cavaignac soient déposés au Panthéon. Contradiction et plagiat!

A des noms historiques on substitue des noms historiques; à des hommes d’autres hommes ; à des idoles d’autres idoles. C’est toujours, avec la même idolâtrie, le même vandalisme. Qui donc a le droit de détruire les monuments nationaux? Pères Loriquets du jacobinisme, apprenez à vos électeurs à écrire leurs bulletins, et laissez le Palais-Royal s’appeler le Palais-Royal !

On l’a dit, et avec raison : les farces rétrospectives du gouvernement provisoire nous ont plus fait perdre en deux mois que les invasions de 1814 et 1815.

Que sera-ce donc, quand de la farce nous en serons venus à la tragédie ? La bourgeoisie va venir irritée, résolue d’en finir avec le socialisme. L’oeuvre de la réaction, commencée par le parti radical, va se “continuer en sens diamétralement opposé, et avec une énergie égale, par le parti bourgeois. Nous avons eu notre 21 janvier, notre 31 mai, notre 9 thermidor : nous aurons notre 2 prairial. La masse prolétaire est prête à marcher; la garde nationale, aidée de l’armée, à faire résistance. Tous les acteurs sont à leur poste, tout pleins de leur rôle. Les Romme, les Goujon, les Duquesnois, les Soubrany, sont prêts pour le sacrifice. Ce sont MM. Ledru-Rollin, Flocon, Albert, Louis Blanc. Le Boissyd’Anglas est tout trouvé : c’est M. de Lamartine ; M. de Lamartine, qui, tout plein de son histoire, fut d’abord avec la Montagne, et qui, toujours fidèle à ses dramatiques récits, se tourne maintenant du côté de la Gironde.

L’idée vague d’une nouvelle et inévitable terreur circule dans l’air et agite les âmes. Les ouvriers se disent que la révolution est à recommencer ; et qui peut prévoir com- ‘ ment la révolution recommencée finira? Le gouvernement, par ses lois de finance, qui démolissent la propriété sans aucun avantage pour le prolétariat, que l’Assemblée nationale ne pourra pas laisser subsister sans danger pour le pays, et qu’elle ne pourra pas abolir sans provoquer une insurrection, le gouvernement provisoire semble s’attacher à rendre la terreur inévitable.

La terreur, en 93, n’avait pour cause que la résistance d’une minorité aristocratique imperceptible, L’existence de la société, d’ailleurs garantie par les riches conquêtes de la révolution et par l’insolidarité générale des existences, n’avait rien à redouter de la terreur. En 1848, la terreur aurait pour cause l’antagonisme des deux classés de citoyens, l’une plus forte par le nombre, plus redoutable par la pauvreté; l’autre supérieure par la richesse et l’intelligenceToutes deux ne subsistant que par la circulation des produits et la mutualité des rapports, il est infaillible que dans un pareil conflit la société périsse.

Que les premiers actes de l’Assemblée nationale révèlent des desseins de réaction ; qu’un vote imprudent allume la colère du peuple ; qu’une prise d’armes ait lieu ; que la Représentation nationale soit violée, et puis, que sous la pression d’une autre dictature le mouvement cesse tout-à-fait, la France sera comme une ruche enveloppée de flammes, où les abeilles étouffées, brûlées, s’entre-tuent de leurs aiguillons.

Alors, quand le gouvernement sera sans ressources ;

Quand la nation aura dévoré son avance ;

Quand le pays sera sans production et sans commerce ;

Quand Paris affamé, bloqué parles départements, n’expédiant plus, ne payant pas, restera sans arrivages ;

Quand les ouvriers démoralisés par la politique des clubs et par le chômage des ateliers nationaux, se feront soldats pour vivre ;

Quand un million de prolétaires sera croisé contre la propriété ;

Quand l’État requerra l’argenterie et les bijoux des citoyens pouf les envoyer à la Monnaie ;

Quand les perquisitions domiciliaires seront l’unique mode de recouvrement des contributions ;

Quand le paysan, faute de numéraire, paiera l’impôt en nature ;

Quand, par la rareté des denrées, on aura supprimé les barrières et porté le dernier coup à l’industrie nationale ;

Quand des bandes affamées parcourront le pays et organiseront la maraude ;

Quand le vagabondage sera devenu la condition commune ;

Quand le paysan, le fusil chargé, gardant sa récolte, abandonnera la culture ;

Quand les ouvrières, domptées par la faim, se seront toutes livrées ;

Quand la prostitution, le chagrin, la misère, les auront rendues furieuses ;

Quand des troupeaux de femmes, suivant les colonnes des gardes nationaux mobiles, célébreront les fêtes de la République par d’horribles bacchanales ;

Quand la première gerbe aura été pillée, la première maison forcée, la première église profanée, la première torche allumée, la première femme violée ;

Quand le premier sang aura été répandu ; quand la première tête sera tombée ;

Quand l’abomination de la désolation sera par toute la France ;

Oh ! alors vous saurez ce que c’est qu’une révolution provoquée par des avocats, accomplie par des artistes, conduite par des romanciers et des poètes !

Néron, jadis, fut artiste, artiste lyrique et dramatique, amant passionné de l’idéal, adorateur de l’antique, collecteur de médailles, touriste, poète, orateur, bretteur, sophiste, un Don Juan, un Lovelace, un gentilhomme plein d’esprit, de fantaisie, de sympathie, en qui regorgeait la vie et la volupté. C’est pour cela qu’il fut Néron !…

Réveillez-vous de votre sommeil, Montagnards, Girondins, Feuillants, Cordeliers, Muscadins, Jansénistes et Babouvistes ! Vous n’êtes pas à six semaines des événements que je vous annonce. Criez : — Vive la République ! A bas les masques! — Puis tournez-vous et marchez!

[1] Voir Solution du problème social, 2« livraison. Paris, chez Garnier frères, libraires, Palais-National.

The Reaction.

April 29, 1848.

The social question is deferred. On April 16, the socialist candidacies were wiped out. The cause of the proletariat, announced with so much brilliancy on the barricades of February, has just been lost at the first instance, in the elections of April. The enthusiasm of the people has been succeeded by consternation: it is the bourgeoisie that will regulate, as before, the condition of the workers.

All the evil came from the inadequacy of Luxembourg and the weakness of the Ministry of the Interior. We say this for the last time.

Let MM. Blanc and Ledru-Rollin forgive themselves as we forgive them! They let France be ruined and the proletariat be sold out. But they have been brought down; therefore they are of our party. After the battle of Cannes, when Varro had lost the last year of the Republic, the senate robbed him of thanks for not having despaired of the homeland. Let MM. Blanc and Ledru-Rollin tell us that they do not despair of the emancipation of the proletariat, and we are ready to offer them our fraternal congratulations.

What matters today is to judge the situation correctly.

For some time now people have begun to suspect, in the journals of the Provisional Government, that the February revolution has hitherto been, for its representatives, only a sort of retrospective review of the first revolution. The two parties that divide the power attack each other, threaten each other under the names of Girondins and Montagnards. They accuse each other, in high places, of restoration and counter-revolution. Awareness of their retrograde hallucinations gradually reaches our improvised monitors. Nothing is more instructive, more significant than their mutual recriminations. If the reaction raises its head, it is within the government. If there are conspiracies against the government emerging from the barricades, it is in the antechambers of the ministers. If power, torn in all directions, by its communist manifestos and by its doctrinaire inclinations, scares away capital, kills credit, worries the workers, desolates property; if the organization of labor makes all of France fold its arms, the fault lies with this two-sided democracy, which reigns and governs. All the progress that, for two months, we have made back, we have done it under the inspiration of the contrary memories of the old republic. It is 93, with all its dissensions, that governs us; as for 1848, it is still the closed book of seven seals.

There is a phenomenon of social psychology here that is worth exploring. This phenomenon has occurred in all revolutionary epochs; this is what has caused all its perils and determined its catastrophes.

The democrats of 93, making a republic with their memories of college, after devouring each other, delayed the revolution for half a century. To be sure, Robespierre did not have to reproach himself for the ambition and venality of Mirabeau, nor the hesitations of La Fayette, nor the weakness of Pethion, nor the carelessness of Vergniaud, nor the vices of Danton, nor the fanaticism of Marat. But Robespierre was a Spartan: it was he who decided the counter-revolution.

The democrats of 1848, making the republic with their parliamentary memories, also set back the revolution by half a century. I accuse neither their patriotism, nor their goodwill, nor their disinterestedness. Their entire wrong is to be only imitators; they thought they were statesmen because they copied old models!

What then is this strange preoccupation that, in times of revolution, fascinates the firmest minds and, when their ardent aspirations carry them towards the future, makes them constantly evoke the past? How does it come about that the People, at the very moment when they break with established institutions, plunge back and sink deeper into tradition? Society does not repeat itself; but one would say that it walks backwards, like the ropemaker spinning his rope. Can’t it look where it is going?

This is not the place to deal in depth with this difficult problem, which touches the depths of our nature, and comes directly under the most abstract principles of metaphysics. Let us confine ourselves to saying, according to recent works of philosophy, that the phenomenon in question has its source in the constitution of our understanding, and that it is explained by the law of the identity of opposites, a law that is the basis of creation, as well as of logic. And that being said, let’s get back to the point.

To organize the future, as a general rule and proven by experience, the reformers therefore always begin by looking at the past. Hence the contradiction that perpetually reveals itself in their acts; hence also the immense danger of revolutions.

Thus, the day the People overthrow a royalty, they immediately replace it with a dictatorship. There is there all at once a memory, a memory deduced from further than the overthrow of royalty; and a contradiction, since it is absolutism taken as a safeguard against absolutism.

The rest is in keeping. The Convention had its proconsuls, Napoleon his prefects. The provisional government has its commissioners. Nothing is changed in things: we only have a mutation of characters. Everyone can see today what this restored comedy costs us. The commissioners of the provisional government, precisely because they were only memories, gave the signal for reaction: they had received the watchword from their leaders.

It was to the songs of the Marseillaise and the old republican hymns that the February revolution was made. Remembrance again, and moreover a contradiction.

Contradiction, I say; for notice that the Revolution of 1848 did not inspire a poet. The social idea, anti-lyrical, it seems, has been forced to produce itself under the rhythm of the political idea. It’s because the epic is over for us, whatever people have said; and, trivial as it may seem, we are condemned to do a job, not of heroes, but of clerks. The princes of the new Republic will not be men of the sword, but men of the plume. The Revolution of 1848, an economic revolution, is the most bourgeois. It is the workshop, the counter, the household, the cash register, the most prosaic things in the world, which lend themselves least to revolutionary energy and grand words. How to express in verse and set to music the participation of the worker in the profits, the association of labor and capital, the balance between import and export? To organize circulation and credit, to increase production, to widen the market, to determine the new forms of industrial societies, all this does not imply the temperament of 1793; whether we like it or not, we must resign ourselves to being nothing but ordinary folks.

The Marseillaise clashes with the idea it represents; it offends our most intimate inclinations; instead of enlightening the citizens, it stuns them. This nonsense costs the Republic enormous sums, not to mention security. To sing the Marseillaise is to react and provoke at the same time.

Among the causes that have accelerated the fall of the constitutional monarchy, we must count in the first line fatigue, disgust with parliamentary debates. Well! The catastrophe had scarcely been consummated, the corps-de-garde of the Palais-Royal was still smoking, and France was already covered with clubs. The parliamentary fever, instead of dying out, has become general. From one tribune, we have ten thousand, and what tribunes! Never have we seen such a confusion of the gift of tongues. The paving stones of the barricades, like the stones of Deucalion, became speakers. Everyone speaks like Demosthenes; it is true that we reason like La Palisse. I have seen a meeting of five hundred citizens decide in five minutes, with thunderous applause, the most formidable questions of political economy, questions of which I am sure no one in the honorable assembly heard a word. I have seen the craziest motions received with enthusiasm; puerile proposals pass unanimously. The Provisional Government could not fail to do so. Many have been sanctioned by its decrees.

Contradiction and reminiscence! We play at small parliaments, as at small workshops and at small war. But, O workers! It is not in the clubs that one must give battle to property; it is in your workshops, it is on the market. We will soon study this new strategy with you. Leave politics and eloquence to the bourgeois. Club rhetoric can teach you nothing. All this verbiage is an offense to practical reason, to the seriousness of labor, to the seriousness of business, to the silence of study, to the dignity of the mind. Remember that under Napoleon, this man who symbolized labor through war, there was no speech. Clubs are neither of our century, nor of our genius, nor of our mores. This factitious agitation will fall of itself through boredom and desertion; if it were otherwise, the evils that would result from it for you are incalculable.

One of the first acts of the Provisional Government, the one for which it was most applauded, was the application of universal suffrage. The very day the decree was promulgated, we wrote these own words, which could then pass for a paradox: “Universal suffrage is the counter-revolution.” [1]

One can judge, according to the event, if we were mistaken. The elections of 1848 have been made, by an immense majority, by the priests, by the legitimists, by the dynastics, by all that is most conservative and retrograde in France. It couldn’t be otherwise.

Was it then so difficult to understand that there exist in man two instincts, one for conservation, the other for progress; that each of these two instincts never acts except in the direction of the interests of the other; that thus each individual, judging things from the point of view of his private interest, understands by progress the development of this interest; that this interest being contrary to the collective interest, the sum of the votes, instead of expressing general progress, indicates general retreat?

We have said it and we repeat it: the Republic is the form of government in which all wills remaining free, the nation thinks, speaks and acts as a single man. But, to realize this ideal, it is necessary that all private interests, instead of acting contrary to society, act in the direction of society, which is impossible with universal suffrage. Universal suffrage is the materialism of the Republic. The more we use this system, until the day when the economic revolution is an accomplished fact, the more we will retrograde towards royalty, despotism and barbarism, and this all the more surely as the votes will be more numerous, more reasoned, freer.

You accuse the incompetence, the indifference of the proletarian! But this is precisely what condemns your theory. What would you say of a father of a family who would hand over to his minor children the free disposal of his property, and then who, ruined by them, would blame the inexperience of their youth? And what an argument against you is the indifference of the proletariat!

Because not a speck of common sense has been found throughout the Provisional Government; because we had flattered ourselves that we supported the revolutionary fantasy by reason of the great number, here we are in full bourgeois reaction! The emancipation of the proletariat will be suspended for fifty years! We are paying dearly for our infatuation with novelists and haranguers. And if we were not the first culprits, I would say that the ministers who, without principle, without any legal reason, abusing a temporary dictatorship, delivered the salvation of the people to the hazards of this monstrous ballot should be stripped of their civic rights.

On the one hand the provisional government establishes luxury taxes; on the other, it gives the people comedy for free. Memory and contradiction.

The sumptuary tax diminishes the work of the poor by all that it takes away from the consumption of the rich; and it diminishes the receipts of the State by all that it takes away from the labor of the first and the enjoyment of the second. Triple deficit, triple misery, this is the result of the luxury tax.

The free spectacles, precisely because they are free, harm the labor and the morality of the people; moreover, they are a trap for their good faith, since the money that the spectator does not give to the office, he will take it to the collector of contributions, who will pay the actors! Ruin, always ruin.

One day, an order issued by the police headquarters ordered the names of streets and monuments to be changed. The next day, a petition, signed in the clubs, asks that the remains of Armand Carrel and Godefroi Cavaignac be deposited in the Pantheon. Contradiction and plagiarism!

Historical names are replaced by historical names; men by other men; idols by other idols. It is always, with the same idolatry, the same vandalism. Who has the right to destroy national monuments? Pères Loriquets of Jacobinism, teach your voters to write their ballots, and let the Palais-Royal be called the Palais-Royal!

It has been said, and with good reason: the retrospective farces of the Provisional Government cost us more in two months than the invasions of 1814 and 1815.

What will it be then, when from farce we have come to tragedy? The bourgeoisie will come, irritated, determined to put an end to socialism. The work of reaction, begun by the radical party, will continue in a diametrically opposed direction, and with equal energy, by the bourgeois party. We had our January 21, our May 31, our 9 Thermidor: we will have our 2 Prairial. The proletarian mass is ready to march; the national guard, aided by the army, to resist. All the actors are at their posts, full of their roles. The Rommes, the Goujons, the Duquesnois, the Soubranys are ready for the sacrifice. These are MM. Ledru-Rollin, Flocon, Albert, Louis Blanc. Boissy d’Anglas has it all figured out: it is M. de Lamartine; M. de Lamartine, who, full of his history, was first with the Mountain, and who, always faithful to his dramatic stories, now turns to the side of the Gironde.

The vague idea of a new and inevitable terror circulates in the air and stirs souls. The workers say to themselves that the revolution is to be started again; and who can foresee how the renewed revolution will end? The government, through its finance laws, which demolish property without any advantage for the proletariat, which the National Assembly will not be able to allow to subsist without danger to the country, and which it will not be able to abolish without provoking an insurrection, the provisional government seems to endeavor to make terror inevitable.

The terror, in 93, was caused only by the resistance of an imperceptible aristocratic minority. The existence of society, moreover guaranteed by the wealthy conquests of the revolution and by the general lack of solidarity of existence, had nothing to fear from the terror. In 1848, the terror would have as its cause the antagonism of the two classes of citizens, one stronger by number, more redoubtable by poverty; the other superior by wealth and intelligence. Both subsisting only by the circulation of products and the mutuality of relations, it is infallible that in such a conflict society will perish.

Let the first acts of the National Assembly reveal intentions of reaction; let an imprudent vote kindle the anger of the people; let a taking up of arms takes place; let the National Representation be violated, and then, allow, under the pressure of another dictatorship, the movement to cease altogether: France will be like a hive enveloped in flames, where the suffocated, burnt bees kill each other with their stingers.

So, when the government is destitute;

When the nation has devoured its advance;

When the country will be without production and without trade;

When starving Paris, blocked by the departments, no longer shipping, not paying, will remain without deliveries;

When the workers, demoralized by the politics of the clubs and by unemployment in the national workshops, become soldiers for a living;

When a million proletarians will be crossed against property;

When the State requires the silverware and jewels of the citizens to send them to the Mint;

When home searches will be the only method of collecting contributions;

When the peasant, for want of cash, will pay the tax in kind;

When, because of the scarcity of foodstuffs, the barriers have been removed and the last blow dealt to national industry;

When hungry bands roam the country and organize the marauding;

When vagrancy has become the common condition;

When the peasant, with his gun loaded, guarding his harvest, abandons cultivation;

When the workers, tamed by hunger, have all given themselves up;

When prostitution, sorrow, misery, will have made them furious;

When herds of women, following the columns of Mobile National Guards, will celebrate the feasts of the Republic with horrible bacchanals;

When the first sheaf has been plundered, the first house broken into, the first church desecrated, the first torch lit, the first woman raped;

When the first blood has been shed; when the first head has fallen;

When the abomination of desolation will be through all France;

Oh! Then you will know what a revolution is, provoked by lawyers, accomplished by artists, led by novelists and poets!

Nero was once an artist, a lyrical and dramatic artist, a passionate lover of the ideal, an adorer of the antique, a collector of medals, a tourist, a poet, an orator, a swordsman, a sophist, a Don Juan, a Lovelace, a gentleman full of wit, fantasy, sympathy, in whom life and voluptuousness abounded. That is why he was Nero!…

Wake up from your sleep, Montagnards, Girondins, Feuillants, Cordeliers, Muscadins, Jansenists and Babouvists! You are not six weeks away from the events that I am announcing to you. Shout: — Long live the Republic! Down with the masks! — Then turn and march!

[1] See Solution of the Social Problem, 2nd issue. Paris, at Garnier frères, booksellers, Palais-National.

Aux Patriotes.

3 Mai.

Demain est le jour de l’ouverture de l’Assemblée nationale.

Comment nous arrivent les élus des départements?

Comment le peuple de Paris va-t-il recevoir les représentants de la France ?

La méfiance et la dérision seules répondent. Je cherche des frères, et je ne rencontre partout que des conspirateurs ! La guerre civile n’est déjà plus dans les prévisions ; elle est un fait. Elle n’est plus redoutée comme le plus horrible des maux ; elle est acceptée comme une nécessité. A la campagne comme à la ville, on fabrique de la poudre, on fond des balles, on apprête des armes. Les chefs donnent le mot d’ordre et lancent leurs manifestes. Vous n’entendez proférer de toutes parts que cette parole de mort : II faut en finir !

Le bourgeois est résolu d’en finir avec le prolétaire, qui, de son côté, est résolu d’en finir avec le bourgeois. Le travailleur veut en finir avec le capitaliste, le salarié avec l’entrepreneur, les départements avec Paris, les paysans avec les ouvriers. Dans tous les coeurs, la colère et la haine ; dans toutes les bouches, la menace. Quelle est donc la cause de cette discorde? Les élections.

Le suffrage universel a menti au Peuple.

La Révolution de février avait été faite par l’opposition de tous les partis au gouvernement déchu, par le dégoût général d’une royauté couronnée d’infamie, par le concours de tous les esprits dans l’idée d’une réforme à la fois politique et sociale. La Révolution de février, résultat de dix-huit années de querelles parlementaires, de protestations réformistes, de critiques économiques, concluait nécessairement a une organisation républicaine, à une fusion plus intime des différentes classes de la société. On comptait, et l’on avait droit de compter que la nouvelle représentation nationale serait l’expression de l’idée révolutionnaire,: c’est le pandémonium de toutes les idées contre-révolutionnaires. Le bon plaisir d’une majorité électorale veut faire rebrousser chemin aux événements; des hommes, qui jamais sans la République n’auraient eu le droit de suffrage, au nom de la République et en vertu de leur droit de suffrage, demandent un roi !…

Le signal de cette rétrogradation est parti du gouvernement provisoire. Les listes du National sont là qui l’accusent.

Ils avaient une telle inintelligence de la révolution, un tel effroi du peuple, ces républicains amateurs, ces gentilshommes de la démocratie, qu’à peine arrivés au pouvoir, ils ont fait appel à toutes les médiocrités du pays. Le pays leur a envoyé ses médiocrités. Le succès passe leur espoir et déjà les dévore d’inquiétude. Ils sentent que leur rôle est fini. Quel parti ne les dédaigne? Ils sont si petits, si minces, si équivoques, qu’entre le despotisme et la République, l’oeil le plus perçant ne les distingue pas. Je ne crois même point qu’on les haïsse ; et pourtant, ils ont enchaîné les destinées de la France !

C’est à vous, patriotes sans intrigue, demeurés tels après février que vous étiez avant février, c’est à vous que je m’adresse. De la résolution que vous allez prendre dépendra peut-être la vie ou la mort de dix millions d’hommes.

Votre colère est juste, votre indignation est légitime. J’ai versé, comme vous, des pleurs de rage à la vue de cette réaction perfidement commencée, et qui à l’escobarderie ajoute le massacre. Mais, citoyens, ce n’est pas par des représailles sanglantes que vous vengerez la mémoire de vos frères : la passion ne doit point entrer dans les décisions de l’homme d’État. Car, dans l’anarchie universelle où nous sommes en l’absence de pouvoirs réguliers, de principes reconnus, je dis, citoyens, que chacun de vous doit se considérer comme homme d’état.

Considérez d’abord quelle est la situation du pays.

La France, depuis soixante-dix jours, ne travaille pas. Savez-vous ce que cela signifie, pour une nation, ne pas travailler ? Figurez-vous un homme qui ne mange plus, qui ne boit rien, qui ne digère pas ; en qui le sang a cessé de circuler, le coeur de battre, le poumon de se soulever, la chaleur de renaître ; un homme en qui le foyer vital est éteint. Cet homme n’existe plus, il est mort !

Voilà l’image de notre patrie ! — Pour nous plus de travail, plus de production. Plus de circulation, plus de consommation. La vie collective ne se renouvelle plus ; l’impôt ne rentre pas; le pouvoir n’est plus écouté; la force publique se démoralise ; le lien social se relâche : encore quelques jours de cet état funeste, et le mouvement s’arrêtera, le corps du peuple tombera en dissolution.

La Pologne et l’Italie, que nous avons juré de défendre ; la Pologne et l’Italie, ces deux soeurs de la France, maintenant écrasées sous les armes de leurs bourreaux, en vain nous tendent leurs mains désolées. Nous n’irons point au secours ni de l’Italie ni de la Pologne. Savez-vous pourquoi ? C’est qu’il nous faudrait, avec cent mille soldats, cent millions de francs, et que nous n’avons pas cent mille centimes .dont nous puissions équiper et approvisionner une armée.

Nous ne pourrions plus même nous défendre, si une coalition de rois venait, comme il y a 60 ans, s’abattre sur nous. Savez-vous encore pourquoi ? C’est que nous ne produisons plus en travaillant de quoi subsister jusqu’au jour où il nous faudrait mourir en combattant.

Patriotes, que la réaction irrite, voudriez-vous assassiner la patrie? Voudriez-vous poignarder votre mère!… C’est pourtant ce que vous allez faire, si vous recommencez les barricades. Encore 70 jours d’immobilité, et c’en est fait de la Révolution, c’en est fait du peuple.

Ayez pitié de la France, ayez pitié du prolétariat, ayez pitié de cette bourgeoisie elle-même, dont vous ne pouvez concevoir les tortures. Ne voyez-vous pas que c’est sa ruine qui la rend furieuse ? la ruine, la banqueroute, la hideuse banqueroute, et puis la honte, et puis la misère : voilà ce que la bourgeoisie exaspérée poursuit dans le sang du prolétariat.

Voulez-vous donc, pour venger 150 de vos frères, faire promener l’ange exterminateur sur tout le pays ? Les funérailles de la patrie ! Est-ce là l’indemnité que vous réservez aux parents des victimes !…

Telle ne doit pas être votre politique, citoyens. Tuer des hommes est la pire méthode de combattre des principes. C’est par l’idée seulement que nous pouvons triompher de l’idée. Or, l’idée, vous la portez en vous-mêmes, comme vous possédez en vous-mêmes les moyens de la réaliser.

Quoi ! vous savez vous compter, vous savez vous organiser pour le combat, et vous ne savez pas vous organiser pour le travail !

Quoi ! vous vous donneriez rendez-vous, au nombre de cent mille, pour attaquer le gouvernement, et vous ne sauriez vous donner rendez-vous, au nombre de cent mille, pour attaquer le privilège !

Vous n’avez d’attraction que pour détruire; vous êtes sans sympathies dès qu’il s’agit de créer!…

Citoyens, la patrie est en danger !

Je propose qu’un comité provisoire soit institué pour l’organisation de l’échange, du crédit et de la circulation entre les travailleurs ;

Que ce comité se mette en rapport avec des comités analogues, établis entre les principales villes de France ;

Que, par les soins de ces comités, une représentation du prolétariat soit formée à Paris, imperium in imperio, en ace de la représentation bourgeoise ;

Qu’une société nouvelle soit fondée au milieu de la société ancienne ;

Que la charte du travail soit immédiatement mise à l’ordre du jour, et les principaux articles définis dans le plus bref délai;

Que les bases du gouvernement républicain soient arrêtées, et des pouvoirs spéciaux délégués aux représentants des travailleurs.

Citoyens, la République est aux abois ; le gouvernement ne peut rien pour vous, mais vous pouvez tout pour vousmêmes : j’en fais serment devant Dieu et devant les hommes!

Jusqu’à ce que nous ayons épuisé les moyens économiques, je proteste contre les moyens de violence. Que le sang inutilement versé retombe sur la tête des agitateurs !

Allusion aux événements récents de Rouen. (N. de l’éd.)

To the Patriots.

May 3, 1848.

Tomorrow is the opening day of the National Assembly.

How do the elected representatives of the departments come to us?

How will the people of Paris receive the representatives of France?

Distrust and derision alone respond. I am looking for brothers, and I only meet conspirators everywhere! Civil war is no longer in the forecast; it is a fact. It is no longer dreaded as the most horrible of evils; it is accepted as a necessity. In the country as in the city, powder is made, bullets are melted, weapons are prepared. The chiefs give the watchword and launch their manifestos. You hear uttered on all sides only this word of death: We must put an end to it!

The bourgeois is determined to put an end to the proletarian, who, for his part, is resolved to put an end to the bourgeois. The worker wants to do away with the capitalist, the employee with the entrepreneur, the departments with Paris, the peasants with the workers. In all hearts, anger and hatred; in every mouth, the threat. What is the cause of this discord? The elections.

Universal suffrage lied to the People.

The February Revolution had been brought about by the opposition of all parties to the deposed government, by the general disgust for a royalty crowned with infamy, by the concurrence of all minds in the idea of a reform that was both political and social. The February Revolution, the result of eighteen years of parliamentary quarrels, reformist protests, economic criticisms, necessarily concluded in a republican organization, in a more intimate fusion of the different classes of society. We counted, and we had the right to count, on the fact that the new national representation would be the expression of the revolutionary idea: it is the pandemonium of all counter-revolutionary ideas. The good pleasure of an electoral majority wants to turn events back; men, who without the Republic would never have had the right of suffrage, in the name of the Republic and by virtue of their right of suffrage, ask for a king!…

The signal for this retreat came from the Provisional Government. The lists of the National are there who accuse him.

They had such a lack of understanding of the revolution, such a fear of the people, these amateur republicans, these gentlemen of democracy, that as soon as they came to power, they appealed to all the mediocrities of the country. The country sent them its mediocrities. Success surpasses their hope and already devours them with anxiety. They feel that their role is over. What party does not disdain them? They are so small, so slender, so equivocal, that between despotism and the Republic, the keenest eye cannot distinguish them. I don’t even believe they are hated; and yet, they chained the destinies of France!

It is to you, patriots without intrigue, remaining such after February as you were before February, it is to you that I address myself. On the resolution you take will perhaps depend the life or death of ten million men.

Your anger is just, your indignation is legitimate. I shed, like you, tears of rage at the sight of this reaction treacherously begun, and which to the trickery adds massacre. But, citizens, it is not by bloody reprisals that you will avenge the memory of your brothers: passion must not enter into the decisions of the statesman. For, in the universal anarchy in which we find ourselves in the absence of regular powers, of recognized principles, I say, citizens, that each of you must consider yourself a statesman.

First consider what the situation in the country is.

France, for seventy days, has not labored. Do you know what it means for a nation not to labor? Imagine a man who no longer eats, who drinks nothing, who does not digest; in whom the blood has ceased to circulate, the heart to beat, the lungs to heave, the warmth to be reborn; a man in whom the vital focus is extinguished. This man no longer existsl he is dead!

This is the image of our country! — For us, no more labor, no more production. No more traffic, no more consumption. Collective life is no longer renewed; the tax does not come in; the power is no longer listened to; the public force is demoralized; the social bond is loosened: a few more days of this disastrous state, and the movement will stop, the body of the people will fall into dissolution.

Poland and Italy, which we have sworn to defend; Poland and Italy, those two sisters of France, now crushed under the arms of their executioners, in vain stretch out their desolate hands to us. We will not go to the aid of either Italy or Poland. Do you know why? It is because we would need, with a hundred thousand soldiers, a hundred million francs, and we do not have a hundred thousand centimes with which to equip and supply an army.

We could no longer even defend ourselves if a coalition of kings came, as 60 years ago, to descend on us. Do you still know why? It is because we no longer produce by laboring enough to subsist until the day when we would have to die fighting.

Patriots, who are irritated by the reaction, would you like to assassinate the homeland? Would you like to stab your mother!… Yet that is what you will do, if you begin the barricades again. Another 70 days of immobility, and it is over for the Revolution, it’s over for the people.

Have pity on France, have pity on the proletariat, have pity on this bourgeoisie itself, whose tortures you cannot conceive. Don’t you see that it is her ruin that makes her furious? Ruin, bankruptcy, hideous bankruptcy, and then shame, and then misery: this is what the exasperated bourgeoisie pursues in the blood of the proletariat.

Would you then, to avenge 150 of your brothers [1], have the exterminating angel parade over the whole country? The funeral of the homeland! Is this the indemnity you reserve for the parents of the victims!…

This must not be your policy, citizens. Killing men is the worst method of fighting principles. It is by the idea alone that we can triumph over the idea. However, the idea, you carry it in yourselves, as you possess in yourselves the means of realizing it.

What! You know how to count yourself, you know how to organize yourself for the fight, and you don’t know how to organize yourself for labor!

What! You would meet, to the number of a hundred thousand, to attack the government, and you could not meet, to the number of a hundred thousand, to attack privilege!

You are attracted only to destruction; you are without sympathy when it comes to creating!…

Citizens, the homeland is in danger!

I propose that a provisional committee be instituted for the organization of exchange, credit and circulation among the workers;

Let this committee get into touch with similar committees established between the principal towns of France;

Let, through the care of these committees, a representation of the proletariat be formed in Paris, imperium in imperio, in face of the bourgeois representation;

Let a new society be founded in the midst of the old society;

Let the charter of labor be immediately put on the agenda, and the main articles defined as soon as possible;

Let the bases of the republican government be fixed, and special powers delegated to the representatives of the workers.

Citizens, the Republic is at bay; the government can do nothing for you, but you can do everything for yourselves: I swear to it before God and before men!

Until we have exhausted the economic means, I protest against the means of violence. May the blood shed uselessly fall on the heads of the agitators!

[1] Allusion to recent events in Rouen. (Original editor’s note.)

Séance d’ouverture de l’Assemblée nationale.

4 Mai.

L’Assemblée nationale s’est constituée, au bruit du canon, du tambour, des fanfares, entourée de toutes les pompes guerrières.

Dans ces jours où l’imagination est séduite par les sens, le coeur entraîné par l’imagination, la raison absorbée par le sentiment; où l’esprit se croit infini parce qu’il est vide, l’âme n’a plus d’attrait que pour les épanchements de la sensibilité, pour les illusions de l’espérance. La réflexion semble avoir perdu ses droits, le jugement dépose son autorité. C’est l’oeuvre des baisers Lamourette, c’est l’instant des réconciliations perfides.

Mais bientôt l’enthousiasme s’apaise ; le sentiment s’évanouit comme une caresse : à la place des idées sympathiques, la raison revient poser ses questions redoutables.

Eh bien! que va-t-elle_faire, cette Assemblée nationale, si laborieusement éclose, si impatiemment attendue, et sur qui reposent tant d’espérances contraires?Nos députés sontils franchement républicains? sont-ils socialistes? ont-ils la ferme résolution de renouveler de fond en comble le vieil édifice social? Le gouvernement provisoire, qui vient de remettre entre leurs mains ses pouvoirs, a-t-il eu crédit de les transfigurer au soleil de la révolution !

Pourquoi ne leur a-t-il pas fait prêter serment?…

Vous demandez ce que fera l’Assemblée nationale?

D’abord elle vérifiera ses pouvoirs, nommera son président, composera ses bureaux, répondra par une adresse à un discours de la couronne, blâmera, approuvera, reprochera, récriminera!—Que ne puisse-t-elle abroger en masse, d’un seul coup, et sans exception, tous les actes du gouvernement provisoire, et remettre les choses au point où elles étaient le 25 février l Ce serait la marche la plus sûre, la plus simple, la plus expéditive, la plus rationnelle, la seule utile. Mais la censure de l’Assemblée nationale ne sera pas de cette force.

Puis l’Assemblée nationale s’occupera de la Constitution.

Elle parlera présidence, veto, responsabilité, division des pouvoirs, centralisation, municipalités, etc. — Puisse-t-elle encore être assez bien inspirée pour voler, après lecture, sans discussion, sans amendement, comme un seul homme, d’emblée et d’enthousiasme, la première constitution venue qui lui sera proposée. Pour ce qu’une pareille constitution durera, et pour ce qu’elle vaudra, l’Assemblée nationale ne saurait aller trop vile. Les représentants coûtent 25 fr. par jour, et le peuple ne travaille pas !

Après cela l’Assemblée nationale causera d’affaires.

C’est-à-dire que, sous le nom d’économie politique, elle s’occupera d’économie domestique, d’économie de boutique appliquée à l’État, comme on en fait en Angleterre, en France, partout depuis quarante siècles. Elle distribuera des terres, en Algérie et ailleurs ; elle créera des banques agricoles ; elle légiférera sur les marques de fabrique ; elle remaniera l’impôt, les assurances, les mines, etc. etc.; elle se livrera à toutes sortes de spéculations obscures, embrouillées, scabreuses et vilaines. — Puissent les représentants de la République passer sur ces discussions comme sur braise ! Les questions d’affaires sont mortelles à la conscience du député : souvenez-vous des chemins de fer !..:

Enfin l’Assemblée nationale s’occupera de philanthropie.

Crèches, tours, salles d’asile, hôpitaux, hôtels des invalides du peuple, taxe des pauvres, caisses d’épargnes, récompenses à la vertu, encouragements aux artistes, fermes modèles, systèmes pénitentiaires, banques de crédit pour les travailleurs, écoles industrielles, professionnelles, commerciales, agricoles, seront l’objet de ses préoccupations les plus respectables. Pour prouver au peuple toute sa bonne volonté, elle ira jusqu’à créditer M. Considérant de 4 millions et d’une lieue carrée de terrain pour l’essai d’un phalanstère. Quel bonheur, si la République pouvait, à ce prix, être quitte du socialisme !…

Mais la question sociale ! direz-vous ; la vraie question sociale ? les représentants de la révolution auraient-ils la pensée de l’écarter ! Qu’y a-t-il de commun entre le phalanstère et la question sociale !

La question sociale !

Je vous conseille d’en faire tout d’abord votre deuil. Là question sociale ne sera pas à l’ordre du jour dans l’Assemblée nationale.

Est-ce que cette assemblée oserait regarder en face le privilège ?

Est-ce qu’elle est de force et de taille à porter la main sur l’arche sainte ?

Est-ce qu’elle aurait le courage d’abolir la dernière des royautés, celle dont l’abolition seule rendra les dynasties impossibles, la royauté de l’or !

Est-ce qu’elle se déciderait, l’Assemblée nationale, à prononcer la liquidation de l’ancienne société ?

Est-ce qu’elle pourrait comprendre, après ses immenses travaux politiques, économiques et philanthropiques, que la réforme sociale est l’abolition de la politique ? — que l’économie politique est le contraire de l’économie domestique ; — que la philanthropie est un corollaire de la misère?

Non, l’Assemblée nationale ne peut rien, ne veut rien, ne sait rien !

Elle ne peut devenir quelque chose, et faire, oeuvre de révolution, qu’autant qu’elle y sera sollicitée, provoquée, forcée, par une puissance en dehors d’elle, qui prenne l’initiative et donne le branle.

Une assemblée législative statue sur des faits ; elle ne les produit pas.

Eu d’autres termes, l’organisation du travail ne doit pas partir du pouvoir ; elle doit être SPONTANÉE.

C’est pourquoi nous reproduisons ici la proposition que nous avons faite hier :

« Qu’un comité provisoire soit institué à Paris, pour l’organisation de l’échange, du crédit et de la circulation entre les travailleurs ;

« Que ce comité se mette en rapport avec des comités semblables établis dans les principales villes ;

« Que par les soins de ces comités, une représentation des travailleurs soit formée, imperium in imperio, en face de la représentation bourgeoise ;

« Que le germe de la société nouvelle soit jeté au milieu de la société ancienne ;

« Que la charte du travail soit immédiatement mise à l’ordre du jour, et les principaux articles définis dans le plus bref délai ;

« Que les bases du gouvernement républicain soient arrêtées, et des pouvoirs spéciaux accordés à cet effet aux mandataires des travailleurs. »

C’est ainsi seulement que nous ferons tête à la réaction ; que nous procurerons le salut de la République, et l’émancipation du prolétariat.

Opening Session of the National Assembly.

May 4, 1848.

The National Assembly was formed, to the sound of cannon, drums and brass bands, surrounded by all the pomp of war.

In these days when the imagination is seduced by the senses, the heart carried away by the imagination, the reason absorbed by the feeling; when the mind believes itself infinite because it is empty, the soul no longer has any attraction except for the outpourings of sensibility, for the illusions of hope. Reflection seems to have lost its rights, judgment lays down its authority. It is the work of Lamourette kisses; it is the moment of perfidious reconciliations.

But soon the enthusiasm subsides; sentiment vanishes like a caress: in place of sympathetic ideas, reason returns to pose its formidable questions.

Well! What will this National Assembly do, so laboriously hatched, so impatiently awaited, on which rest so many contrary hopes? Are our deputies frankly republicans? Are they socialists? Do they have the firm resolution to renew the old social edifice from top to bottom? Has the provisional government, which has just placed its powers in their hands, had the credit of transfiguring them in the sun of the revolution!

Why hasn’t it made them take an oath?…

You ask what the National Assembly will do?

First it will verify its powers, appoint its president, compose its offices, respond with an address to a speech from the crown, blame, approve, reproach, recriminate! Why can’t it repeal en masse, at a single stroke, and without exception, all the acts of the Provisional Government, and put things back to the point where they were on February 25? But the censure of the National Assembly will not be of this strength.

Then the National Assembly will concern itself with the Constitution.

It will speak of the presidency, veto, responsibility, division of powers, centralization, municipalities, etc. — May it still be well enough inspired to steal, after reading, without discussion, without amendment, like a single man, from the outset and with enthusiasm, the first constitution that will be proposed to it. For as long as such a constitution will last, and for what it will be worth, the National Assembly cannot go too cheap. Representatives cost 25 fr. a day, and the people do not labor!

After that the National Assembly will discuss business.

That is to say, under the name of political economy, it will concern itself with domestic economy, shop economy applied to the State, as has been done in England, in France, everywhere for forty centuries. It will distribute land, in Algeria and elsewhere; it will create agricultural banks; it will legislate on trademarks; it will reorganize the tax, the insurances, the mines, &c. etc.; it will indulge in all sorts of obscure, confused, scabrous and ugly speculations. — May the representatives of the Republic pass over these discussions as if they were on fire! Questions of business are fatal to the conscience of the deputy: remember the railways!…

Finally, the National Assembly will concern itself with philanthropy.

Crèches, towers, asylums, hospitals, hostels for the invalids of the people, poor tax, savings banks, rewards for virtue, encouragement to artists, model farms, penitentiary systems, credit banks for workers, industrial, vocational, commercial and agricultural schools, will be the object of its most respectable concerns. To prove to the people all its good will, it went so far as to credit M. Considerant with 4 million and a square league of land for the trial of a phalanstery. What happiness, if the Republic could, at this price, be free from socialism!…

But the social question! you will say; the real social question? Would the representatives of the revolution think of putting it aside! What do the phalanstery and the social question have in common!

The social question!

I advise you to mourn it first. The social question will not be on the agenda in the National Assembly.

Would this assembly dare to look privilege in the face?

Is it strong and tall enough to lay its hands on the holy ark?

Would it have the courage to abolish the last of the kingships, the one whose abolition alone will make dynasties impossible, the kingship of gold!

Would the National Assembly decide to order the liquidation of the old society?

Could it understand, after its immense political, economic and philanthropic labors, that social reform is the abolition of politics? — that political economy is the opposite of domestic economy; — that philanthropy is a corollary of misery?

No, the National Assembly can do nothing, wants nothing, knows nothing!

It can only become something, and do the work of revolution, as much as it will be solicited, provoked, forced to do so, by a power outside itself, which takes the initiative and gives the impetus.

A legislative assembly decides on facts; it does not produce them.

In other words, the organization of labor should not start from power; it must be SPONTANEOUS.

This is why we reproduce here the proposal we made yesterday:

“Let a provisional committee be instituted in Paris, for the organization of exchange, credit and circulation among the workers;

“Let this committee get in touch with similar committees established in the principal towns;

“Let, by the care of these committees, a representation of the workers be formed, imperium in imperio, before the bourgeois representation;

“Let the germ of the new society be sown in the midst of the old society;

“Let the charter of labor be immediately put on the agenda, and the main articles defined as soon as possible;

“Let the bases of the republican government be fixed, and special powers granted for this purpose to the agents of the workers.”

It is only thus that we will face the reaction; that we will procure the salvation of the Republic, and the emancipation of the proletariat.

Question étrangère.

13 Mai.

Notre diplomatie est sans idée, notre politique extérieure sans principe, sans but, sans moyens. Nos hommes d’état seraient incapables de prendre une résolution, autant que de la motiver. Ils ne sauraient dire, dans cette foule de questions de droit international qui surgissent, ni de quel côté se trouve l’intérêt de la France, ni en quoi consiste cet intérêt ; ce qu’apporte, ce qu’impose au système européen la dernière révolution. Comme ils ne comprennent pas le peuple, ils n’ont rien à communiquer au peuple. Et ce qu’il y a de plus triste, c’est que, fussent-ils en mesure de définir le nouveau droit, ils sont dépourvus des moyens de le défendre. La parole de la France est nulle dans les conseils de l’Europe, et son épée brisée n’est redoutée de personne.

Que sont, je le demande, et les formules de l’enthousiasme et les figures de l’éloquence, devant la gravité matérielle des événements? Que nous importe le talent d’un Lamartine, là où il faudrait le positivisme, oserai-je le dire, d’un Talleyrand ? Et la grande devise : Liberté, Egalité, Fraternité! tirez de là, je vous prie, une solution diplomatique !

Avez-vous le droit, ou ne l’avez-vous pas, d’exiger de l’Autriche qu’elle retire ses soldats de l’Italie, et qu’elle abandonne ses prétentions à la suzeraineté de ce pays? Quels motifs, quels arguments produisez-vous?… Il ne suffit pas de dire : l’Italie nous est sympathique, l’Italie est la soeur de la France, l’Italie doit être libre comme nous sommes libres. Tout cela, souffrez que je le dise, est du mysticisme, et de la pire espèce de mysticisme, car c’est du mysticisme révolutionnaire, comme la corruption des meilleures choses est la pire des corruptions. — Je demande quel est, dans la question italienne, votre principe, votre droit, votre intérêt, en un mot, vos motifs? Et quand vous aurez exposé des motifs, je demande quels sont vos moyens ? Pas de divagations : vos faits, des raisons, des titres. L’ancien gouvernement ne voulait pas intervenir en Italie : pourquoi ce qui pouvait être toléré hier, ne peut-il plus l’être aujourd’hui? Et s’il ne vous est pas possible de le souffrir, êtes-vous en mesure de l’empêcher?…

La Révolution de février, je le sais, a changé toute la politique : droit civil, droit public, droit des gens, reposent désormais sur de nouveaux principes. Pour intervenir en Italie, il vous plaît de dire que l’Italie est notre alliée : comment cela? Qu’est-ce qui fait une alliance? comment, à quel titre, pour quel objet, réel, immédiat, déterminé, sommes-nous, par le fait d’une insurrection, les alliés d’un peuple? Et, reprenant la question de plus haut, quelle est, en politique, la règle des alliances ?

Suivant les uns notre alliée naturelle est l’Angleterre ; suivant les autres c’est l’Allemagne. Pourquoi pas la Russie? pourquoi pas l’Espagne, le Piémont, la Suisse, la Belgique, qui gravitent autour de nous, comme une couronne de satellites?… Quels sont, enfin, nos alliés naturels? Qu’est-ce qu’un allié naturel ? Et les peuples qui ne sont pas alliés naturels, que seront-ils vis-à-vis de nous? des étrangers? autant vaut dire des ennemis!… Nous avons donc pour ennemis naturels tous les peuples qui ne sont pas nos alliés naturels ! Quelle confusion ! Quelle discorde ! M. de Lamartine prophétisait en 1840 que l’Orient pouvait seul nous donner la clé du problème européen : eh bien ! qu’est-ce que le mystérieux, le fabuleux Orient, révèle aujourd’hui à. M. de Lamartine ? La question des alliances internationales n’est jamais sortie de la routine. Les caprices princiers, les convenances dynastiques, l’ambition et la vanité des chefs de gouvernements, le fanatisme des opinions, l’engouement des masses, voilà ce qui gouverne la politique des nations. La diplomatie est une des formes du commerce anarchique, voleur et faussaire : à part le style, c’est le même charlatanisme, le même esprit de chicane, la même hypocrisie, la même mauvaise foi.

Figurez-vous un épicier de la rue Saint-Martin écrivant à son correspondant de Marseille :

« Il y a retard de vingt-quatre. heures dans le transport « de vos caisses de savon (elles devraient être rendues en temps moral). J’ai retenu le tiers de la voiture (il se monte à 300 fr.).

« Je vous laisse pour compte vos riz, cafés et sucres at« tendu que j’ai constaté du déficit sur les quantités (et que je n’en ai plus l’emploi).

« Je n’acquitterai pas votre mandat, parce qu’il est dans mes habitudes d’obtenir remise de 4 pour cent sur « toutes mes commandes, et que vous avez omis de me faire jouir de cette remise (dont-il n’avait pas été question). Je recevrai vos huiles, mais sous bonification de 10 pour cent (d’autant que, depuis ma demande, cette marchandise a baissé sur la place de 10 pour cent.) »

Voilà tout l’esprit de notre diplomatie. Traduisez cela dans la prose poétique de M. de Lamartine ou dans le style philosophique de M Guizot, et vous aurez un chef-d’oeuvre de diplomate.

Aurons-nous la paix? aurons-nous la guerre? — Question insoluble, impénétrable mystère à nos hommes d’état. La paix ? elle est impossible, car elle est sans racines, sans garanties. La paix est comme le crédit : pour se soutenir, elle a besoin d’hypothèques et non pas d’hypothèses ; elle demande des gages, non des châteaux en Espagne. La paix n’est point affaire de convenance et de tempérament : c’est de toutes les choses humaines la plus substantielle, celle qui, par conséquent, exige au plus haut degré des raisons de fait et de droit, des éléments réels et positifs.

Où donc sont nos gages de paix avec l’Europe ? Quelle communauté d’idées, d’inclinations, d’intérêt, la rattache à nous? Quelle obligation nécessaire, entre les puissances européennes, remplace pour elle le pacte de 1815 ?… Notre paix est plus fragile qu’une toile d’araignée. Je veux croire que le gouvernement déchu est pour beaucoup dans cette destruction des éléments de la paix. C’était la politique du vieux roi de spéculer sur la confusion et le désordre. Mais il s’agit de réparer l’oeuvre de M. Guizot : or quelles- sont à cet égard, les idées de ses successeurs? Croient-ils avoir fort avancé l’alliance de la Prusse, de l’Allemagne et de l’Italie, parce qu’ils nous les montrent — en peinture — qui se donnent la main ?… La guerre ? elle nous est aussi impossible que la paix. Ce n’est pas tout que d’avoir des hommes, des chevaux, des munitions, de l’argent, — et nous n’en avons pas,— pour faire la guerre : il faut à la guerre, comme à la paix, des principes, des motifs, une idée, un intérêt. Autrement la guerre est immorale, et ne tarde pas à se tourner en défaite par la démoralisation. Nos pères, en 93, savaient pourquoi ils faisaient la guerre, et ils ont vaincu ; mais nous, pourrions-nous dire pourquoi nous la ferions? Il se peut que l’idée, le motif, l’intérêt ; il se peut que le fait et le droit existent ; mais quels sont-ils ? Qu’on les définisse, qu’on les publie. J’interroge l’opinion, je consulte les actes du gouvernement : au lieu de motifs, à la place d’un intérêt sérieux et réel, je ne vois que le trouble de nos pensées, le désespoir de la situation.

Ce n’est pas un motif suffisant, à mes yeux, pour déclarer un peuple notre allié, et commencer à son profit une guerre de propagande, que la similitude des révolutions, l’analogie du gouvernement et des appétences, le point d’honneur des nationalités. Ce sont là des sujets d’appréciation dont il est bon de tenir compte; ce ne sont pas des motifs. Pourquoi, au point de vue de notre intérêt, de l’intérêt français, présent, positif, immédiat, devons-nous soutenir l’Italie contre l’Autriche, la Pologne contre la Russie? En quoi cela nous touche-t-il? quel est notre intérêt dans ces conflits de peuples étrangers? Qu’y pouvons-nous gagner? qu’y pouvons-nous perdre? Car, songez-y : si nous n’y avons qu’un intérêt de sympathie ; si nous ne pouvons motiver notre intervention que sur le vain sentiment de l’égalité et de la fraternité humanitaire, nous sommes sans intérêt véritable, et notre intervention est injuste. Je crois, pour ma part, et je me hâte de le déclarer, que la ruine de la nationalité polonaise, et la compression de la liberté en Italie, compromettent l’intérêt le plus positif de la France. Mais cet intérêt, il faut, avant d’agir, le mettre en lumière, le démontrer à tous les regards, en faire le sujet de tous vos manifestes. Or rien, dans les actes du gouvernement, ne fait connaître cet intérêt, sans lequel cependant toute intervention armée de notre part dans les affaires de l’Europe serait d’avance frappée d’immoralité, et suivie infailliblement d’une honteuse déroute. Allons-nous donc jouer, gratuitement et pour la satisfaction des utopistes humanitaires, le rôle de dons Quichottes de la civilisation?…

Ainsi, dans l’absence totale de principes, dans l’ignorance profonde où nous sommes de nos intérêts, la paix et la guerre nous sont aussi impossibles l’une que l’autre, et nous offrent un égal danger.

Dans cette paix véritablement absurde, car tout ce qui n’a ni principes, ni idées, ni gage de conservation, ni élément de durée, est absurde ; dans cette douloureuse expectative des événements, la France, incertaine d’elle-même, se consume dans son inertie, comme un glaçon au soleil de juillet. Nous mourons de fièvre lente; nous ne produisons plus; nous n’échangeons pas; nous écoulons notre capital par la contrebande ; encore quelques mois de cette léthargie, et nous nous dévorerons les uns les autres. Est-ce pour échapper à la famine que nous irons nous jeter sur l’étranger?

Quant à la guerre, aussi longtemps qu’un principe joint à un grand intérêt ne viendra pas lui donner la moralité qui lui manque, elle ne peut aboutir, quelle que soit la fortune des bataillons,! qu’à un résultat funeste. Vainqueurs, elle nous rapporte, pour solution du problème social, le gouvernement militaire ; vaincus, elle nous attire, avec l’étranger, une restauration. Est-ce pour Napoléon II ou Henri V, que nous aurons fait des barricades?…

Cependant la Pologne immolée crie vengeance ; l’Italie est foulée aux pieds de ses bourreaux ; le roi de Piémont s’arrête, le pape recule, l’empereur d’Autriche intrigue, le roi de Prusse marchande, l’Angleterre étend sur l’Europe le réseau de sa marchandise, et la France regarde ! l’Amérique et la Grande Bretagne enlèvent à vil prix ce qui nous reste de produits, et se pourvoient pour des années : le chômage, l’importation forcée qui en est la suite, donnent le coup de grâce à notre industrie. Sur tous les points la liberté succombe, là-bas par la guerre, ici par la grève !

Pour mettre fin à cette situation déplorable, la vieille routine révolutionnaire a décidé de faire, quoi? une manifestation pour la Pologne !

Une manifestation ! Et qu’est-ce qu’elle prouvera, cette manifestation? Quel sera son programme, son idée, son moyen, sa formule, sa solution? Qu’apprendra-t-elle aux représentants? Quelle conviction, quelle foi fera-t-elle passer dans leur âme?

Patriotes, je vous le dis pour la seconde fois : les circonstances ont fait de vous tous des hommes d’État. Il ne vous est pas permis de parler comme de fades humanitaires, ni d’agir comme des clubistes sans cervelle.

Revenons aux principes.

Pour faire la guerre, de même que pour conserver la paix, il faut des motifs.

Les motifs, vous les connaîtrez par les moyens.

Quels sont les moyens de la guerre? Quels sont les moyens de la paix?

La richesse, les capitaux.

Or, les capitaux se forment par le travail ;

Le travail, divisé et engrené comme il l’est dans l’économie des sociétés modernes, a pour base la circulation ;

La circulation a pour condition le crédit réciproque.

Organisez la circulation par la réciprocité du crédit, et vous aurez le travail et les capitaux; vous aurez les instruments de la paix et de la guerre.

Vous serez invincibles dans la paix; vous n’aurez rien à craindre ni de la concurrence au dehors, ni de la stagnation au dedans; parce que la concurrence organisée sur le principe de réciprocité vous ouvre en vous-mêmes un débouché infini, qu’ainsi votre production devient infinie, et votre capitalisation infinie.

Vous serez invincibles à la guerre : 1° du côté des moyens, parce que votre capital se formant par la circulation collective et non plus par l’épargne individuelle, et la circulation augmentant toujours, voire richesse sera inépuisable ; — 2° du côté des principes, parce qu’en organisant chez vous la circulation par la réciprocité du crédit et l’égalité de l’échange, vous résolvez, par là même, la question du commerce international, et vous vous créez, par cette solution, un intérêt positif dans les affaires de l’étranger, comme vous créez à l’étranger un intérêt positif dans les vôtres.

Et quand tous les États, entraînés par votre exemple, forcés par la nécessité, plus puissante que le canon et les protocoles, auront organisé chez eux la circulation, et par le fait, créé à votre exemple la liberté et l’égalité entre leurs citoyens; — quand, par cette organisation, ils seront devenus, ainsi que vous, inattaquables dans leurs pays, invincibles à la paix et à la guerre, alors l’ALLIANCE sera universelle, la paix sera incorruptible, et la guerre impossible.

Foreign Question.

May 13, 1848.

Our diplomacy is without idea, our foreign policy without principle, without goal, without means. Our statesmen would be incapable of making a resolution, as much as of motivating it. They cannot say, regarding this multitude of questions of international right that arise, either on which side lies the interest of France or in what this interest consists; what the latest revolution brings, what it imposes on the European system. As they do not understand the people, they have nothing to communicate to the people. And what is more sad is that, were they able to define the new right, they are deprived of the means of defending it. The word of France is void in the councils of Europe, and its broken sword is feared by no one.

What are, I ask, both the formulas of enthusiasm and the figures of eloquence, in the face of the material gravity of events? What does the talent of a Lamartine matter to us, where the positivism, dare I say it, of a Talleyrand is needed? And the great motto: Liberty, Equality, Fraternity! draw from this, I beg you, a diplomatic solution!

Have you the right, or have you not, to demand of Austria that it withdraw its soldiers from Italy, and that it abandon its pretensions to the suzerainty of that country? What motives, what arguments do you produce?… It is not enough to say: Italy is sympathetic to us, Italy is the sister of France, Italy must be free as we are free. All this, allow me to say it, is mysticism, and of the worst kind of mysticism, for it is revolutionary mysticism, as the corruption of the best things is the worst corruption. — I ask what is, in the Italian question, your principle, your right, your interest, in a word, your motives? And when you have given reasons, I ask what are your means? No ramblings: your facts, reasons, titles. The former government did not want to intervene in Italy: why can what could be tolerated yesterday not be tolerated today? And if it is not possible for you to suffer it, are you able to prevent it?…

The February Revolution, I know, changed all politics: civil right, public right, international right are now based on new principles. To intervene in Italy, it pleases you to say that Italy is our ally. How is that? What makes an alliance? How, by what title, for what real, immediate, determined object are we, by the fact of an insurrection, the allies of a people? And, taking up the question above, what is the rule of alliances in politics?

According to some, our natural ally is England; according to the others it is Germany. Why not Russia? Why not Spain, Piedmont, Switzerland and Belgium, which gravitate around us, like a crown of satellites?… Who, finally, are our natural allies? What is a natural ally? And the peoples who are not natural allies, what will they be with regard to us? Strangers? As much to say enemies!… We therefore have as natural enemies all the peoples who are not our natural allies! What confusion! What discord! M. de Lamartine prophesied in 1840 that the Orient alone could give us the key to the European problem. Well! What does the mysterious, the fabulous Orient, reveal today to M. de Lamartine? The question of international alliances has never left the realm of routine. Princely caprices, dynastic proprieties, the ambition and vanity of heads of government, the fanaticism of opinions, the infatuation of the masses, these are what govern the politics of nations. Diplomacy is one of the forms of anarchic, thieving and counterfeiting commerce: apart from the style, it is the same charlatanism, the same spirit of chicanery, the same hypocrisy, the same bad faith.

Imagine a grocer in the rue Saint-Martin writing to his correspondent in Marseilles:

“There is a delay of twenty-four hours in the transportation of your soap cases (they should be returned in moral time.) I have retained a third of the cartage (it amounts to 300 fr.)

“I’ll leave you your rice, coffee and sugar for your account, since I noticed a deficit in the quantities (and I no longer have the use of them.)

“I will not discharge your mandate, because it is my custom to obtain a discount of 4 per cent on all my orders, and you have omitted to give me this discount (which had not been mentioned). I will receive your oils, but with a bonus of 10 per cent (all the more so since, since my request, this merchandise has fallen on the spot by 10 per cent.)”

That is the whole spirit of our diplomacy. Translate that into the poetic prose of M. de Lamartine or into the philosophical style of M. Guizot, and you will have a diplomatic masterpiece.

Will we have peace? Will we have war? — An insoluble question, an impenetrable mystery for our statesmen. Peace? it is impossible, because it is without roots, without guarantees. Peace is like credit: to support itself, it needs mortgages and not hypotheses; it asks for pledges, not castles in Spain. Peace is not a matter of convenience and temperament: it is the most substantial of all human things, which, consequently, requires in the highest degree reasons of fact and of right, real and positive elements.

Where are our pledges of peace with Europe? What community of ideas, of inclinations, of interests binds it to us? What necessary obligation, between the European powers, replaces for it the pact of 1815?… Our peace is more fragile than a spider’s web. I want to believe that the fallen government has a lot to do with this destruction of the elements of peace. It was the old king’s policy to speculate on confusion and disorder. But it is a question of repairing the work of M. Guizot. Now what are the ideas of his successors in this respect? Do they believe that they have greatly advanced the alliance of Prussia, Germany and Italy, because they show them to us — in painting — joining hands?… War? It is as impossible for us as peace. It is not enough to have men, horses, ammunition, money — and we have none — to wage war: war, like peace, requires principles, motives, an idea, an interest. Otherwise war is immoral, and is quick to turn into defeat by demoralization. Our fathers, in 93, knew why they were waging war, and they won; but we, could we say why we would do it? It may be that the idea, the motive, the interest; it may be that the fact and the right exist; but what are they? Define them, publish them. I question public opinion, I consult the acts of the government: instead of motives, instead of a serious and real interest, I see only the confusion of our thoughts, the despair of the situation.

There is not a sufficient reason, in my eyes, to declare a people our ally, and to begin a war of propaganda for its own profit, in the similarity of revolutions, the analogy of government and appetites, the point of honor of nationalities. These are subjects of judgment that it is good to take into account; they are not motives. Why, from the point of view of our interest, of the present, positive, immediate French interest, must we support Italy against Austria, Poland against Russia? How does this affect us? What is our interest in these conflicts of foreign peoples? What can we gain from it? What can we lose? Because, think about it: if we have only a sympathetic interest in it; if we can only justify our intervention on the vain feeling of equality and humanitarian fraternity, we are without real interest, and our intervention is unjust. I believe, for my part, and I hasten to declare it, that the ruin of Polish nationality, and the compression of liberty in Italy, compromise the most positive interest of France. But this interest, it is necessary, before acting, to bring it to light, to demonstrate it to all eyes, to make it the subject of all your manifestos. Now, nothing in the acts of the government makes known this interest, without which, however, any armed intervention on our part in the affairs of Europe would be marked in advance with immorality, and followed infallibly by a shameful rout. Are we therefore going to play, gratuitously and for the satisfaction of humanitarian utopians, the role of Don Quixotes of civilization?…

Thus, in the total absence of principles, in our profound ignorance of our interests, peace and war are each as impossible for us as the other, and present us with an equal danger.

In this truly absurd peace, for everything that has neither principles, nor ideas, nor pledge of preservation, nor element of duration, is absurd; in this painful expectation of events, France, uncertain of itself, is consumed in its inertia, like an icicle in the July sun. We die of slow fever; we no longer produce; we don’t trade; we dispose of our capital by smuggling; a few more months of this lethargy, and we will devour each other. Is it to escape starvation that we will throw ourselves abroad?

As for war, as long as a principle joined to a great interest does not come to give it the morality that it lacks, it can succeed, whatever the fortune of the battalions, only in a disastrous result. Victorious, it brings us back, as a solution to the social problem, the military government; defeated, it attracts to us, with the foreigner, a restoration. Is it for Napoleon II or Henri V, that we will have raised barricades?…

However, immolated Poland cries out for vengeance; Italy is trampled under the feet of its executioners; the King of Piedmont halts, the Pope retreats, the Emperor of Austria intrigues, the King of Prussia trades, England extends the network of its commerce over Europe, and France watches! America and Great Britain take away at a low price what remains of our products, and provide for themselves for years: unemployment, the forced importation that is the consequence, give the deathblow to our industry. On all points liberty succumbs, there by war, here by the strike!

To put an end to this deplorable situation, the old revolutionary routine has decided to do what? A demonstration for Poland!

A demonstration! And what will this demonstration prove? What will be its program, its idea, its means, its formula, its solution? What will it teach the representatives? What conviction, what faith will it pass through their souls?

Patriots, I tell you for the second time: circumstances have made statesmen of you all. You are not allowed to speak like bland humanitarians, nor act like brainless club-goers.

Back to the principles.

To wage war, as well as to keep the peace, you need motives.

The motives, you will know them by the means.

What are the means of war? What are the means of peace?

Wealth, capital.

Now, capital is formed by labor;

Labour, divided and interconnected as it is in the economy of modern societies, is based on circulation;

Circulation is conditional on reciprocal credit.

Organize circulation by the reciprocity of credit, and you will have labor and capital; you will have the instruments of peace and war.

You will be invincible in peace; you will have nothing to fear either from competition without, or from stagnation within; because competition organized on the principle of reciprocity opens up an infinite outlet within yourselves, so that your production becomes infinite, and your capitalization infinite.

You will be invincible in war: 1. on the side of means, because your capital being formed by collective circulation and no longer by individual savings, and circulation always increasing, even wealth will be inexhaustible; — 2. on the side of principles, because by organizing the circulation in your country through the reciprocity of credit and the equality of exchange, you resolve, by that very fact, the question of international trade, and you create for yourself, by this solution, a positive interest in foreign affairs, as you create abroad a positive interest in yours.

And when all the States, carried along by your example, forced by necessity, more powerful than the canon and the protocols, will have organized the circulation among them, and by the fact, created with your example liberty and equality between their citizens; — when, by this organization, they will have become, like you, unassailable in their countries, invincible to peace and war, then the ALLIANCE will be universal, peace will be incorruptible, and war impossible.

Ce que la Révolution doit à la Littérature.

27 Mai.

Il y a à peu près deux mois, lorsque la révolution, aujourd’hui livrée à l’intrigue, était au plus fort de l’utopie, une députation de la société des gens de lettres fut à l’Hôtel-de-Ville trouver M. Bûchez, remplissant alors les fonctions de maire, et lui tint ce discours : La société des gens de lettres demande que la République organise les hommes d’intelligence.

— C’est bien, répondit M. Bûchez ; les hommes d’intelligence seront organisés.

Les honorables écrivains qui s’avisèrent de cette étonnante pétition, n’appartenaient point à la haute littérature ; je dis haute littérature, comme on dit haute finance, entendant par là cette catégorie d’écrivains en privilège de corrompre la raison et les moeurs publiques, aux émoluments annuels de 10 à 100,000 fr. C’étaient de braves travailleurs, aussi déshérités de la renommée que de la fortune, mais qui comprenaient vaguement que, sachant lire et écrire, ils pouvaient, dans une République socialiste, être bons à quelque chose. Ce n’étaient pas des roués, à coup sûr ; c’étaient des littérateurs de bonne foi.

Aujourd’hui, MM. Alexandre Dumas et Victor Hugo, qui savent mieux que personne à quoi s’en tenir sur la valeur de la spécialité littératuriste, et qui n’augurent rien de bon de l’organisation de la littérature, s’en viennent, sous le masque républicain, à l’aide de calomnies ramassées dans les égouts de la liste civile, protester contre toute espèce d’organisation. Envoyer les socialistes à Charenton, c’est la moindre chose pour MM. les notables de la phraséurgie. A propos de patrie, de famille, de propriété, ces grands patriotes, ces types du père de famille, ces parangons de modestie, après nous avoir signalés aux balles citoyennes, nous vouent à l’exécration de la postérité.

N’est-ce pas le cas de se demander ce qu’il y a de commun entre la révolution et la littérature, ce qu’a fait pour la République, et de quelle utilité peut être à la société, dans l’avenir, cette espèce de parasites vulgairement appelés gens de lettres ?

Et d’abord, qu’est-ce que la littérature au temps où nous sommes? N’est-il pas vrai que la vogue dont elle jouit encore, elle la doit à nos moeurs traditionnelles, à notre culte des souvenirs? La littérature est découronnée. Ce n’est plus ce sceptre porté autrefois par les âmes poétiques, c’est un brevet depuis longtemps tombé dans le domaine public, dédaigné de tous les hommes d’intelligence positive, mais exploité par quelques chevaliers d’industrie qui s’efforcent de faire croire à la supériorité de leur talent, par cette considération qu’ils ne sont propres à rien.

Sous peine d’ignorance et de grossièreté, tout le monde sait écrire, tout le monde est littérateur. Aussi, en y regardant de près, trouve-t-on que les notabilités littéraires n’ont d’admirateurs que parmi les illettrés ou les imbéciles. Eux-mêmes n’ont garde de se prendre au sérieux. Trouvez-moi des littérateurs qui s’estiment. Demandez à MM. Guizot et Thiers, historiens positifs, cherchant avant tout la philosophie et la fidélité dans l’histoire, ce qu’ils pensent des histoires de MM. Michelet et Lamartine ? à V- Cousin ce qu’il pense de Lamennais? à Ponsard ce qu’il pense de Hugo? à Sainte-Beuve quel cas” il fait de J. Janin? à Scribe quelle est son opinion sur A. Dumas?

Ces messieurs ne se font entre eux compliment, quand par hasard cela leur arrive, que dans l’intérêt de la corporation. Mais n’est-il pas temps que nous ne soyons plus dupes de ces mimes?Est-ce que le métier de gens de lettrés n’est pas de tous celui qui exige le moins d’apprentissage? Et, pour, quiconque en a essayé, n’est-il pas vrai que dans cet exercice le développement intellectuel est en raison inverse de l’habileté phrasière ? Mettez-vous bien cela là, travailleurs : il faut cent fois plus d’intelligence pour construire une machine à vapeur que pour écrire cent chapitres de Balsamo; et tel patron du Rhône qui ne sait pas lire dépense plus d’esprit. en faisant une course, qu’il n’y en a dans toutes les Orientales.

La littérature n’est que l’art d’agencer des mots et des périodes. Par elle-même, elle ne possède ni idée ni puissance : c’est un instrument incapable, à lui seul, de produire quoi que ce soit. Je ne connais à la littérature, comme à l’art oratoire, qu’un genre de mérite : c’est de donner de l’effronterie dans une assemblée. Aussi est-il remarquable que tous les littérateurs qui ont eu la bonne foi de reconnaître le vide de l’art d’écrire se sont tous jetés, qui dans l’histoire et les chroniques, qui dans la philosophie, qui dans l’économie politique. Il n’y a pas un honnête homme, aujourd’hui moins qu’autrefois, qui estime la profession d’homme de lettres.

De studieux ouvriers, dans ces derniers temps, ont cru faire merveille de prouver que le travailleur était capable de littérature autant que d’industrie. Le peuple cite avec orgueil les Poney, les Reboul, les Savinien Lapointe et une foule d’autres, dont les récréations poétiques valent, à mon gré, les chefs-d’oeuvre des maîtres. Si ces muses prolétaires n’ont eu d’autre prétention que de prouver l’insignifiance de la littérature, j’applaudis de tout mon coeur à leurs efforts; mais si l’on entend que la capacité littéraire soit le sommet de l’intelligence, je proteste contre cette indigne prostitution. Qui travaille de ses mains, pense, parle et écrit tout à la fois; et si, dans la république de l’esprit, il existe; des places réservées pour les intelligences supérieures, l’homme de style doit, céder la place à l’homme d’action.

Je voudrais bien que l’on me définisse la valeur, soit d’utilité, soit d’échange, et en dehors des idées qu’il doit exprimer, d’un artiste de style. Qu’est-ce qu’un écrivain, je dis de premier ordre, qui, en politique, ne sait exprimer rien de positif et d’immédiat ; qui, en économie politique, ne sait ni compter ni se rendre compte, et met partout de brillantes analogies à la place des faits ; qui, en histoire, ne réussit qu’à vous émouvoir, et qui, à force d’émotions, vous fatigue et vous blase ; qui, en philosophie, ne vous donne que des phrases sonores au lieu de lois réelles, déduites de l’observation et de l’analyse ; qui, en matière d’art, ne juge que sous l’inspiration de la fantaisie, sans pouvoir jamais comprendre que la fantaisie elle-même doit toujours se ramener à l’idée ?

On distingue, pour échappera la rigueur des conséquences, la littérature sérieuse, dont les produits ne trouvent en général pas d’écoulement, d’avec la littérature de pacotille, seule capable d’enrichir ses exploitants. On demande pour la première les gratifications de l’État; on abandonne l’autre aux entrepreneurs de journalisme.

On ne voit pas que cette distinction est la négation même de la littérature. Qu’est-ce que la littérature sérieuse, en effet? C’est l’histoire, la philosophie, la morale, les sciences naturelles, la politique, l’économie sociale, la jurisprudence, l’archéologie, la grammaire ; c’est tout ce que la raison humaine agite et découvre, tout, dis-je, hormis la littérature. Jadis, quand la raison, tirant son savoir d’elle-même au lieu de le demander à l’expérience, pullulait de préjugés et d’erreurs, la forme dominant sur le fonds, la littérature était souveraine. Aujourd’hui, le monde a tourné; la raison subjugue l’imagination; le fonds l’emporte en tout sur la forme ; la littérature est traitée en courtisane. La sévérité de la science ne souffre plus celte parure de langage, ces finesses de diction de toutes ces merveilles de l’art oratoire, qui firent les délices des Grecs et des Latins, et dont on abrutit la jeunesse de nos écoles.

Et voilà pourquoi la littérature, expulsée par les hautes sciences; déchue de la plus belle partie de son domaine, a été forcée de descendre aux choses triviales et ignobles ; pourquoi elle cherche de nouvelles ressources dans les détails, de ménage, dans la cuisine, le boudoir, la prison, l’orgie, le bagne, le mauvais lieu. Ce que quelques-uns déplorent comme l’abaissement et la corruption de la littérature, n’est que la preuve de fait de sa nullité.

Ainsi, ce que la littérature a la prétention d’ajouter à la science, la science le dédaigne ; ce qu’elle fait pour relever l’objet de ses nouvelles prédilections, achève delà dégrader; L’histoire romantique, mystique et sophistique, est aussi méprisée que le roman historique, magnétique et philanthropique. On ne comprend plus rien à l’histoire depuis qu’elle est écrite par des rimeurs et des dramaturges ; on ne comprend plus rien à la société depuis que les feuilletonistes et les romanciers en ont entrepris la description.

Voilà un siècle et demi que la littérature oscille du genre descriptif au genre passionnel, s’enfonçant toujours plus dans le bavardage. Elle n’ose devenir logicienne et savante : elle serait quelque chose, elle ne serait plus. Aussi voyons-nous que les femmes excellent en littérature, à mesure qu’elle perd en réalité et en profondeur. Pour prolonger sa misérable existence, cette littérature efféminée appelle à son aide le paradoxe et Je scandale; elle se roule dans l’horrible, l’impur et le faux; elle fouille les mystères tour à tour obscènes et atroces de la Ligue, de la Régence, de Louis XV, de 93, de 1840. Elle cherche des effets factices en transformant les mots, en reversant les idées, retournant les proverbes, confondant les caractères, associant les contraires, unissant l’impiété à l’Évangile, Fénelon à Voltairej Gassendi à Descartes, la chair à l’esprit. Les littérateurs de bonne foi crient à la décadence, à la profanation, à l’abus. Ils protestent contre les novateurs en faveur de la vieille religion du Parnasse. Pauvres gens de lettres I qui ne voient pas que ces prétendus novateurs ont bien plus qu’eux l’instinct de conservation : car c’est pour conserver la littérature qu’ils la font servir d’expression à tout ce que l’humanité présente de plus dégoûtant.

Quand la société avait peu d’idées, que la somme des idées était, pour ainsi dire, égale à celle des vocables, la littérature était l’expression , j’ai presque dit la législatrice de la société.

Maintenant que la somme des idées surpasse à la fois et le nombre des mots, et celui des combinaisons graphiques ou syntaxiques auxquelles ils peuvent donner lieu, la littérature ne peut plus servir à exprimer de la société que sa nudité, à en montrer que la turpitude.

Je prends pour exemple la révolution de février.

Est-ce la littérature qui a préparé cette révolution?

Est-ce la littérature qui en exprimera le but, les tendances, la loi?

Est-ce la littérature qui viendra la justifier, qui la vengera de ses ennemis?

Quand est-ce que M. Victor Hugo a pris la défense des droits du travail?

Quand est-ce que M. Alexandre Dumas s’est fait connaître par ses idées, par ses moeurs républicaines ?

Qu’ont-ils fait l’un et l’autre, pour la révolution, sinon de calomnier les révolutionnaires?—Et qu’est-ce qu’ils nous veulent aujourd’hui, ces aligneurs de rimes, ces enfileurs de dialogues ?

La science sociale a été, depuis vingt ans, étudiée par d’autres qu’eux;

La révolution a été faite malgré eux ;

Le droit du travail est revendiqué en ce moment contré eux;

La famille n’a pas encore lavé les impuretés dont ils l’ont couverte.

Et ils viennent nous parler de patrie, de famille, de travail, de propriété!…

Reconnaissons, à cette suprême vilenie, la moderne littérature ! A force de broyer la corruption, elle a fini par corrompre les littérateurs. Montrez-moi quelque part des consciences plus vénales, des esprits plus indifférents, des âmes plus pourries que dans la caste lettrée ? Combien en connaissez-vous dont la vertu soit restée hors d’atteinte ? Qui est-ce qui, depuis (rente ans, nous a versé à pleins bords le relâchement des moeurs, le mépris du travail, le dégoût du devoir, l’outrage à la famille, si ce n’est la gent littéraire? Qui a puisé avec le plus d’impudeur à la caisse des fonds secrets? Qui a le plus séduit les femmes, amolli la jeunesse, excité la nation à toutes les sortes de débauches ? Qui a donné le spectacle des apostasies les plus éhontées ? Qui a délaissé le plus lâchement les princes, après en avoir mendié les faveurs? Qui se rallie avec le plus d’empressement, aujourd’hui, à la contre-révolution? Des littérateurs, toujours des littérateurs !

Que leur importent la sainteté de la religion, la gravité de l’histoire, la sévérité de la morale? Ils passent, comme des filles perdues, de la légitimité à l’usurpation, de la monarchie à la république, de la politique au socialisme, de l’athéisme à la religion. Tout leur va, pourvu qu’ils en retirent de la vogue et de l’argent. Quelle soif de distinction ! quelle fureur de jouir ! mais surtout quelle hypocrisie ! Nommez-les, Parisiens, nommez-les pour vos représentants. Flagorneurs du peuple, flagorneurs de la bourgeoisie, flagorneurs des rois, flatteurs de tous les pouvoirs, toujours prêts à saluer l’amphytrion où l’on dîne ; ce qu’ils vous demandent, au nom de la patrie, du travail, de la famille, de la propriété, c’est de l’or, du luxe, des voluptés, des honneurs et vos femmes.

What the Revolution Owes to Literature.

May 27, 1848.

About two months ago, when the revolution, now given over to intrigue, was at the height of utopia, a deputation from the society of men of letters went to the Hôtel-de-Ville to find M. Bûchez, then fulfilling the functions of mayor, and made this speech to him: The society of men of letters demands that the Republic organize the men of intelligence.

— Very well, replied M. Buchez; the men of intelligence will be organized.

The honorable writers who thought of this astonishing petition did not belong to high literature; I say high literature, as we say high finance, meaning by that this category of writers with the privilege of corrupting reason and public mores, with annual emoluments of 10 to 100,000 fr. They were brave workers, as deprived of fame as of fortune, but who vaguely understood that, knowing how to read and write, they could, in a socialist republic, be good for something. They weren’t roués, for sure; they were litterateurs in good faith.

Today, Messrs. Alexandre Dumas and Victor Hugo, who know better than anyone what to believe about the value of the literary specialty, and who do not bode well for the organization of literature, come, under the republican mask, with the help of calumnies picked up in the sewers of the civil list, to protest against any kind of organization. Sending the Socialists to Charenton is the least thing for the notable gentlemen of the phraseurgy. On the subject of homeland, family, property, these great patriots, these types of the father of a family, these paragons of modesty, after having pointed us out to the citizens’ bullets, condemn us to the execration of posterity.

Is this not the place to ask what there is in common between the revolution and literature, what has been done for the Republic by this species of parasites vulgarly called men of letters, and of what utility it can be to society in the future?

And first of all, what is literature in our time? Is it not true that the vogue which it still enjoys owes it to our traditional mores, to our cult of memories? Literature is broken. It is no longer the scepter once carried by poetic souls, it is a patent long since fallen into the public domain, disdained by all men of positive intelligence, but exploited by a few knights of industry who strive to make people believe in the superiority of their talent, by this consideration that they are fit for nothing.

Under pain of ignorance and rudeness, everyone knows how to write, everyone is a writer. Also, looking closely, we find that literary notabilities have admirers only among the illiterate or the imbeciles. They themselves are careful not to take themselves seriously. Find me writers who esteem themselves. Ask Messrs. Guizot and Thiers, positive historians, seeking above all philosophy and fidelity in history, what they think of the stories of MM. Michelet and Lamartine? Ask V. Cousin what he thinks of Lamennais? Ask Ponsard what he thinks of Hugo? Ask Sainte-Beuve what case he make for J. Janin? Ask Scribe what is his opinion of A. Dumas?

These gentlemen pay each other compliments, when by chance it occurs to them, only in the interest of the corporation. But isn’t it time we weren’t taken in by these mimes anymore? And, for anyone who has tried it, isn’t it true that in this exercise intellectual development is inversely related to phrasal skill? Get that right there, workers: it takes a hundred times more intelligence to build a steam engine than to write a hundred chapters of Balsamo; and such a patron of the Rhone who cannot read expends more wit by running an errand, than there are in all the Orientales.

Literature is only the art of arranging words and periods. By itself, it possesses neither idea nor power: it is an instrument incapable, on its own, of producing anything whatsoever. I know of only one kind of merit in literature, as in the art of oratory: it is to give effrontery in an assembly. It is also remarkable that all the writers who have had the good faith to recognize the void of the art of writing have all thrown themselves, some into history and chronicles, some into philosophy, some into political economy. There is not an honest man, today less than formerly, who esteems the profession of man of letters.

Studious workmen, in recent times, have thought they would do wonders to prove that the worker was as capable of literature as of industry. The people quote with pride the Poneys, the Rebouls, the Savinien Lapointes and a crowd of others, whose poetic recreations are worth, in my opinion, as much as the masterpieces of the masters. If these proletarian muses had no other pretension than to prove the insignificance of literature, I wholeheartedly applaud their efforts; but if we mean that literary ability is the summit of intelligence, I protest against this unworthy prostitution. Whoever works with his hands, thinks, speaks and writes all at the same time; and if, in the republic of the mind, there exist places reserved for higher intelligences, the man of style must give way to the man of action.

I would very much like someone to define for me the value, either in utility or in exchange, and apart from the ideas that he must express, of an artist of style. What is a writer, I say of the first order, who, in politics, does not know how to express anything positive and immediate; who, in political economy, knows neither how to count nor account for himself, and everywhere puts brilliant analogies in the place of facts; who, in history, succeeds only in moving you, and who, by dint of emotions, tires and bores you; who, in philosophy, only gives you sonorous sentences instead of real laws, deduced from observation and analysis; who, in matters of art, judges only under the inspiration of fantasy, without ever being able to understand that fantasy itself must always be reduced to the idea?

We distinguish, to escape the rigor of the consequences, serious literature, whose products generally do not find a flow, from shoddy literature, the only one capable of enriching its operators. We ask for the first the gratifications of the State; we leave the other to the entrepreneurs of journalism.

We do not see that this distinction is the very negation of literature. What, in fact, is serious literature? It is history, philosophy, morals, natural sciences, politics, social economy, jurisprudence, archaeology, grammar; it is all that human reason agitates and discovers, everything, I say, apart from literature. Formerly, when reason, drawing its knowledge from itself instead of asking for it from experience, swarmed with prejudices and errors, the form dominating over the substance, literature was sovereign. Today the world has turned; reason subjugates the imagination; substance prevails in everything over form; literature is treated like a courtesan. The severity of science no longer tolerates this adornment of language, these subtleties of diction from all these marvels of oratorical art, which were the delights of the Greeks and the Latins, and with which the youth of our schools are stupefied.

And that is why literature, expelled by the higher sciences; fallen from the finest part of her domain, was forced to descend to trivial and ignoble things; why she seeks new resources in the details, in the housework, in the kitchen, the boudoir, the prison, the orgy, the penal colony, the bad place. What some deplore as the humiliation and corruption of literature is only the proof of fact of its nullity.

Thus, what literature claims to add to science, science disdains; what it does to raise the object of its new predilections completes the degradation. The romantic, mystical and sophistical story is as despised as the historical, magnetic and philanthropic novel. We no longer understand anything about history since it was written by rhymers and playwrights; we no longer understand anything about society since serial writers and novelists began to describe it.

For a century and a half, literature has oscillated from the descriptive genre to the passionate genre, sinking deeper and deeper into chatter. It dares not become a logician and scholar: it would be something, it would no longer be. So we see that women excel in literature, as it loses in reality and in depth. To prolong its miserable existence, this effeminate literature calls to its aid paradox and scandal; it rolls around in the horrible, the impure and the false; it searches the mysteries by turns obscene and atrocious of the League, of the Regency, of Louis XV, of 93, of 1840. It seeks artificial effects by transforming words, reversing ideas, turning proverbs upside down, confusing characters, associating opposites, uniting impiety with the Gospel, Fénelon with Voltaire, Gassendi with Descartes, flesh with spirit. Litterateurs of good faith cry out against the decadence, profanation, abuse. They protest against the innovators in favor of the old religion of Parnassus. Poor men of letters! who do not see that these so-called innovators have much more of an instinct for conservation than they do: for it is to preserve literature that they make it serve as an expression of all that is most disgusting in humanity.

When society had few ideas, when the sum of ideas was, so to speak, equal to that of words, literature was the expression, I almost said the legislator of society.

Now that the sum of ideas exceeds both the number of words, and that of the graphic or syntactic combinations to which they can give rise, literature can no longer serve to express society except in its nakedness, to show its turpitude.

Take the February Revolution as an example.

Is it literature that prepared this revolution?

Is it literature that will express its aim, its tendencies, its law?

Is it literature that will come to justify it, that will avenge it on its enemies?

When did Mr. Victor Hugo take up the defense of the rights of labor?

When did M. Alexandre Dumas make himself known for his ideas, for his republican mores?

What have they both done for the revolution, if not to slander the revolutionaries? And what do they want from us today, these rhyme aligners, these dialogue stringers?

Social science has been studied by others for twenty years;

The revolution was made in spite of them;

The right to work is claimed at this time against them;

The family has not yet washed away the impurities with which they covered her.

And they come to talk to us about homeland, family, labor, property!…

Let us recognize, by this supreme villainy, modern literature! By dint of crushing corruption, it ended up corrupting the literati. Show me somewhere more venal consciences, more indifferent spirits, more rotten souls than in the educated caste! How many do you know whose virtue has remained beyond reach? Who, for the past three years, has poured out on us laxity of morals, contempt for labor, disgust with duty, outrage to the family, if not the literary people? Who had drawn most immodesty from the fund of secret materials? Who has most seduced women, softened youth, excited the nation to all kinds of debauchery? Who gave the spectacle of the most shameless apostasies? Who has abandoned princes in the most cowardly manner, after begging their favors? Who rallies most eagerly today to the counter-revolution? Literary men, always the literary men!

What do they care about the sanctity of religion, the gravity of history, the severity of morals? They pass, like lost girls, from legitimacy to usurpation, from the monarchy to the republic, from politics to socialism, from atheism to religion. Anything suits them, as long as they get fashion and money out of it. What a thirst for distinction! What fury to enjoy! But above all what hypocrisy! Name them, Parisians, name them for your representatives. Flatterers of the people, flatterers of the bourgeoisie, flatterers of kings, flatterers of all powers, always ready to salute the host where they dine; what they ask of you, in the name of the fatherland, of labor, of the family, of property, is gold, luxury, pleasures, honors and your wives.

Programme révolutionnaire.

AUX ÉLECTEURS DE LA SEINE.

Paris, 30 mai 1848.

Citoyens,

Puisque mes amis politiques et socialistes le veulent, je consens de nouveau à tenter la fortune des élections , et je vous adresse ma profession de foi. Elle résumera sans équivoque, et d’une façon intelligible à tous , mes idées sur la Révolution; mes espérances pour l’avenir. Vous ne me nommerez pas, citoyens : ni vous, dont je sollicite en ce moment le suffrage, n’avez encore eu le temps de me connaître ; ni le gouvernement, qui peut-être aurait dû appuyer ma candidature, n’a le loisir de me comprendre. Mais, électeurs de Paris, vous n’en êtes pas moins le premier jury de la terre ; et ce que votre prudence n’accordera pas à une première vue, je ne désespère pas, à un second examen, de l’obtenir de votre sagesse.

La révolution de février a mis en question toute la société. Dans un moment aussi solennel, toute profession de foi, pour être sincère, doit être complète ; il ne suffit même pas qu’elle soit complète, il faut qu’elle soit motivée. Vous excuserez donc, citoyens, la longueur de ces explications. Je ne suis pas de ceux pour qui une profession n’est qu’un acte diplomatique , où, avec des formulés générales, on paraît promettre beaucoup , tandis qu’en réalité l’on ne promet rien du tout.

Le système social, qu’il s’agit de réformer et de refondre, embrasse trois ordres d’idées :

La famille,

L’économie publique, La forme du gouvernement.

Je vais, sur chacun de ces points, vous dire ce que je pense.

Revolutionary Program

TO THE VOTERS OF THE SEINE REGION

Paris, May 30, 1848.

Citizens,

Since my political and socialist friends desire it, I again consent to try my fortune in the elections, and I address to you my profession of faith. It will summarize without equivocation, and in an fashion intelligible to all, my ideas on the Revolution and my hopes for the future. You will not appoint me, citizens: neither you, whom I solicit for the vote, nor the government, which might support my candidacy, have the time to understand me. But, voters of Paris, you are nonetheless the first jury of the earth, and what your prudence will not grant at first sight, I do not despair, will elicit your wisdom on the second examination.

The revolution of February put all of society into question. In such a solemn moment, a profession of faith, in order to be sincere, must be complete; it is not even enough that it is complete, it is necessary that it be justified. You will excuse then, citizens, the length of these explanations. I am not one of those for whom a profession is only a diplomatic act, where, with vague formulas, one appears to promise much, while in reality one promises nothing.

The social system, that which it is a question of reforming and refounding, embraces three orders of ideas:

The family, public economy, and the form of government.

On each of these points, I will tell you what I think.

I. — LA FAMILLE.

J’écrivais, il y a deux ans , parlant des rapports de la famille et de la propriété :

« C’est surtout dans la famille que se découvre le sens « profond de la propriété. La famille et la propriété marchent de front, appuyées l’une sur l’autre, n’ayant l’une et l’autre de signification et de valeur que par le rapport qui les unit.

« Avec la propriété commence le rôle de la femme. Le ménage, cette chose toute idéale et que l’on s’efforce en vain de rendre ridicule, le ménage est le royaume de la femme, le monument de la famille. Otez le ménage, ôtez cette pierre du foyer, centre d’attraction des époux, il reste des couples, il n’y a plus de familles. Voyez, dans les grandes villes, les classes ouvrières tomber peu à peu, par l’instabilité du domicile, par la pauvreté du ménage et le manque de propriété, dans le concubinage et la crapule ! Des êtres qui ne possèdent rien, qui ne tiennent à rien et vivent au jour le jour, ne se pouvant rien garantir, n’ont que faire de s’épouser : mieux vaut ne pas s’engager que de s’engager sur le néant. La classe prolétaire est donc Vouée à l’infamie : c’est ce qu’exprimait au moyen âge le droit du seigneur, et chez les Romains l’interdiction du mariage aux prolétaires.

« Or, qu’est-ce que le ménage, par rapport à la société ambiante, sinon tout à la fois le rudiment et la forteresse de la propriété? Le ménage est la première chose que rêve la jeune fille; ceux qui parlent tant d’attraction et qui veulent abolir le ménage devraient bien expliquer cette dépravation de l’instinct du sexe. Pour moi, plus j’y pense, et moins je puis me rendre compte, hors de la famille et du ménage, de la destinée de la femme. Courtisane ou ménagère (ménagère, dis-je, et non pas servante), je n’y vois pas de milieu : qu’a donc cette alternative de si humiliant? En quoi le rôle de la femme , chargée de la conduite du ménage, de tout ce qui se rapporte à la consommation et à l’économie, est-il inférieur à celui de l’homme, dont la fonction propre est le commandement de l’atelier, c’est-à-dire le gouvernement de la production et de l’échange ? » (Système des Contradictions économiques, tom. II, chap. X.)

La famille est en progrès dans l’humanité , comme l’industrie, l’art, la science, la morale, la philosophie. Elle s’élève de la communauté ou promiscuité des sexes, condition primitive de la société, à une polygamie déjà exclusive ; puis de cette polygamie au mariage monogame, dont les caractères fondamentaux, quoi qu’on en dise et quoi qu’on fasse, sont la perpétuité et l’inviolabilité. La mort, et certains cas graves, dont la détermination est ce que la philosophie morale présente de plus délicat et de plus difficile, peuvent seuls rompre le mariage.

La révolution de 1848 n’atteint donc pas la famille, ne peut pas l’atteindre. Toute son influence à cet égard consiste à procurer de plus en plus l’idéal de la famille, en réformant la base économique sur laquelle elle repose.

Je protesterais donc contre toute loi, civile ou fiscale, qui aurait pour objet de restreindre ou limiter la puissance paternelle, le principe d’hérédité, la faculté de donation et de testament. L’égalité et la fraternité n’ont pas besoin, selon moi, de telles sauvegardes. Le budget peut et doit se procurer d’autres ressources. Et quant au divorce, je ne crois pas, dans la corruption présente de nos moeurs, qu’il nous convienne de rien préjuger sur cette matière scabreuse ; je regarderais toute loi sur le divorce comme un encouragement au libertinage et un pas rétrograde.

I. — THE FAMILY

I wrote two years ago, speaking of the relations of the family and property:

But it is above all in the family that the profound sense of property is discovered. The family and property advance side by side, supported by one another, both having significance and of value only through the relation that unites them.

With property, the role of woman begins. The household, that ideal thing, which one strives in vain to render ridiculous: the household is the kingdom of the woman, the monument of the family. Take away the household, take away that cornerstone, center of attraction for the spouses, there will remain couples, but there are no longer families. See, in the great cities, the working classes fall little by little, through the instability of residence, the futility of the household and the lack of property, into cohabitation and villainy! Beings who possess nothing, who hold onto nothing and live from day to day, being able to guarantee nothing, no longer have any need to marry: better not to commit than to commit with nothing. Thus the working class is given over to infamy: it is this that was expressed in the Middle Ages the right of the seigneur, and among the Romans the interdiction of marriage to the proletarians.

Now, what is the household in relation to the surrounding society, if not at once the rudiment and the fortress of property? The household is the first thing that the young girl dreams of: those who speak so much of attraction and who want to abolish the household, must explain well this depravity of the instinct of the sex. For me, the more I think about it, the less I can account, outside of the family and the household, for the destiny of woman. Concubine or housewife (housewife, I say, and not servant), I see no middle ground: what is then so humiliating about this alternative? In what way is the role of the woman, charged with the conduct of the household, of all that is related to consumption and saving, inferior to that of the man, whose proper function is the command of the workshop, that is, the government of production and exchange? (System of Economic Contradictions, Volume II, chap. X.)

The family is in progress in humanity, like industry, art, science and moral philosophy. It rises from the community or promiscuity of the sexes, the primitive condition of society, to a polygamy that is already exclusive, then from this polygamy to monogamous marriage, the basic character of which, whatever one may say of it, is one of perpetuity and inviolability. Death, and certain severe cases, the determination of which is the most delicate and difficult matter that moral philosophy presents, can alone break a marriage.

The revolution of 1848 therefore does not touch the family, cannot touch it. Its entire influence in this regard is to elicit the ideal more and more from the family, reforming the economic base on which it rests.

So I would protest against any law, civil or tax, that would aim to restrict or limit parental authority, the principle of inheritance, the ability to give gifts and testaments. Equality and fraternity do not need, in my view, such safeguards. The budget can and must obtain other resources. And as for divorce, I do not believe that, in our present state of moral corruption, it suits us to prejudge anything concerning this scabrous issue; I view all divorce law as an encouragement to libertinism and a step backwards.

II. — L’ÉCONOMIE PUBLIQUE.

Je suis, vous ne l’ignorez pas, citoyens, l’homme qui a écrit ces paroles: La propriété, c’est le vol!

Je ne viens point me rétracter, à Dieu ne plaise ! Je persiste à regarder celte définition brûlante comme la plus grande vérité du siècle. Je n’ai nulle envie non plus d’insulter à vos convictions : tout ce que je demande, c’est de vous dire comment, partisan de la famille et du ménage, adversaire de la communauté, j’entends que la négation de la propriété est nécessaire encore à l’abolition de la misère, à l’émancipation du prolétariat. C’est par les fruits qu’on doit juger une doctrine : jugez donc de ma théorie par ma pratique.

Lorsque je dis : La propriété, c’est le vol ! je ne pose pas un principe, je ne fais qu’exprimer une conclusion. Vous comprendrez tout à l’heure l’énorme différence.

Or, si la définition de la propriété telle que je l’énonce n’est que la conclusion, ou plutôt la formule générale du système économique, quel est donc le principe de ce système, quelle en est la pratique, quelles en sont les formes?

Mon principe , cela va vous paraître étonnant, citoyens, mon principe, c’est le vôtre, c’est la propriété elle-même.

Je n’ai pas d’autre symbole, pas d’autres principes que ceux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : La liberté, l’égalité, la sûreté, lu propriété.

Comme la Déclaration des droits , je définis la liberté , le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.

Comme la Déclaration des droits encore, je définis, provisoirement, la propriété, le droit de disposer librement de ses revenus, des fruits de son travail et de son industrie.

Voilà tout mon système : liberté de conscience, liberté de la presse, liberté du travail, liberté du commerce, liberté de l’enseignement, libre concurrence, libre disposition des fruits de son travail et de son industrie, liberté à l’infini, liberté absolue, la liberté partout et toujours?

C’est le système de 89 et 93 ; le système de Quesnay, de Turgot, de J.-B. Say ; le système que professent tous les jours, avec plus ou moins d’intelligence et de bonne foi, les divers organes de nos partis politiques, le système des Débats, de la Presse, du Constitutionnel, du Siècle, du National, de la Réforme, de la Gazette ; c’est votre système à vous, enfin, électeurs.

Simple comme l’unité, vaste comme l’infini, ce système se sert à lui-même et aux autres de critérium. D’un mot il se fait comprendre, et il force les adhésions ; personne ne veut d’un système où la liberté souffrirait la moindre atteinte. D’un mot il se fait reconnaître et éloigne toute erreur : quoi de plus aisé que de dire ce qui est ou n’est pas de la liberté ?…

La liberté donc, rien de plus, rien de moins. Le laisses faire , laisses passer, dans l’acception la plus littérale et la plus large ; conséquemment la propriété, en tant qu’elle découle légitimement de cette liberté, voilà mon principe. Pas d’autre solidarité entre les citoyens que celle des accidents résultant de force majeure : pour tout ce qui regarde les actes libres, les manifestations de la pensée réfléchie, insolidarité complète, absolue.

Ce n’est pas là du communiste, certes ;

Ce n’est pas le gouvernement de Méhémel-Ali ;

Ce n’est pas de la dictature ;

Ce n’est pas l’intervention de l’État dans toutes les fonctions civiles , et jusque dans la famille ;

Ce n’est ni du Babeuf, ni du Saint-Simon, ni du Fourier.

C’est la foi de Franklin, de Washington, de La Fayette, de Mirabeau, de Manuel, de Casimir Périer, d’Odilon Barrof, de Thiers. Cela vous paraît-il rassurant ou compromettant?

Mais, direz-vous, à ce point de vue, comment résoudre le problème posé par la révolution de février? Cela revient à dire : Qu’est-ce qui, dans l’ordre des faits économiques, gêne encore l’exercice de la liberté , de la liberté individuelle, comme de la liberté générale ?

Ma réponse sera franche et catégorique. Je dirai quelles sont les entraves dont il s’agit, selon moi, de débarrasser la liberté, car il est évident que nous ne nous sentons pas libres, et quels sont les moyens d’y parvenir : ce que je proposerais de faire, si j’étais représentant du peuple; ce que je ferais si j’étais ministre ; ce que je prendrais pour système de politique au dedans et au dehors si j’étais gouvernement ; ce que je conseillerais au peuple de demander à l’Assemblée nationale, la première fois qu’il ira la visiter, si mes conseils pouvaient prévaloir auprès du peuple ; ce que j’engage enfin tous les amis du peuple à étudier, discuter, développer et répandre, et dont je ne cesserai de poursuivre l’application, jusqu’à ce que l’on me fasse voir que je me trompe, et qu’il existe d’autres moyens, plus directs, plus opportuns, plus spécifiques, plus décisifs, plus révolutionnaires, de nous tirer de l’abîme.

Et d’abord, ne faisons pas comme les médecins écologistes, qui, à force de rechercher la cause des maladies, finissent par oublier les maladies elles-mêmes et laissent mourir leurs malades. Ne remontons pas la chaîne sans fin des causes et des effets ; considérons le fait en lui-même et disons : La cause du mal, c’est le mal. La cause de la crise, c’est la crise. Le travail est suspendu, les ateliers sont fermés, les magasins restent pleins, le débouché n’appelle plus le produit, le capital fuit, le numéraire se cache, le commerce tombe , l’impôt ne rentre plus, l’État approche delà banqueroute, l’ouvrier à jeun se tord dans le désespoir ; en un mot, la CIRCULATION est nulle : voilà la crise.

La société ne vit plus, comme autrefois, sur la propriété individuelle ; elle vit sur un fait plus générique, elle vit sur la circulation. Toutes les maladies qui affligent aujourd’hui le corps social peuvent se rapporter à une cessation, à un trouble de la fonction circulatoire. Si donc la circulation se fait mal, si elle est entravée, s’il suffit du moindre accident politique pour la faire cesser tout à fait, c’est que l’appareil est mal établi, c’est que la circulation est gênée dans ses mouvements, c’est qu’elle souffre dans son organisme.

Sur quoi repose la circulation dans l’économie de la société? — Sur le numéraire , sur l’argent.

Quel en est le moteur ! — L’argent.

Qui ouvre et qui ferme la porte du marché aux produits? — L’argent.

Qui est le roi des échanges, l’étalon du commerce , le type des valeurs? — L’argent.

L’argent est donc nécessaire, indispensable à la circulation?

La routine, à cette question, dit oui, la science dit non.’

Les produits s’échangent contre les produits, dit la science économique. C’est-à-dire que l’échange doit être libre, direct, immédiat, égal.

Les produits s’échangent contre de l’argent, dit la routine. C’est-à-dire que l’argent n’est qu’un intermédiaire, un instrument d’agiotage, une entrave à la liberté des échanges. De plus, comme l’argent ne fonctionne pas pour rien, la circulation, dans ce système, est sujette à une déperdition continuelle de valeurs, ce qui entretient tout à la fois la consomption et la pléthore dans les diverses parties du corps social.

L’argent est donc un obstacle à la circulation, une entrave à. la liberté du commerce et de l’industrie, et par lui-même, comme organe superflu, comme fonction parasite, et parce qu’il coûte, comme cause de déperdition.

Se passer de numéraire , supprimer l’intérêt du capital circulant, telle est donc la première entrave à la liberté que je propose de détruire par la constitution d’une Banque d’Échange.

J’ai exposé ailleurs (1), fort au long, les principes et la théorie de cette Banque, dont la formule ou l’idée-mère est la généralisation de la lettre de change. J’ai dit quelle se serait, dans le nouveau système de crédit, l’agent de circulation, quel en serait le mode, le gage et la garantie. J’ai prouvé que l’économie qui en résulterait pour le pays, rien que sur les escomptes , serait d’au moins 400 millions. Je ne reviendrai pas sur ce projet, sur lequel je ne demande, pas mieux que de voir s’exercer toutes les sévérités de la critique.

Mais la Banque d’Échange ne peut exister que par la volonté de tous les citoyens, comme elle emprunte sa puissance de leur libre adhésion. Or, cette libre adhésion de tous les producteurs et consommateurs , ce consentement mutuel de 35 millions de citoyens, qu’aucune propagande ne parviendrait peut-être en vingt ans à déterminer, il dépend du gouvernement de l’obtenir en une semaine ; il dépend, dis-je, du gouvernement de terminer en une semaine la Révolution.

Que le gouvernement rende, au nom du peuple, les décrets suivants :

II. — PUBLIC ECONOMY

I am, as you are well aware, citizens, the man who wrote these words: Property is theft!

I do not come to retract them, heaven forbid! I persist in regarding this provocative definition as the greatest truth of the century. I have no desire to insult your convictions either: all that I ask, is to tell you how I — partisan of the family and the household, and adversary of communism that I am — understand that the negation of property is necessary for the abolition of poverty, for the emancipation of the proletariat. It is by its fruits that one must judge a doctrine: judge then my theory by my practice.

When I say, Property is theft! I do not propose a principle; I do nothing but express one conclusion. You will understand the enormous difference presently. However, if the definition of property that I state is only the conclusion, or rather the general formula of the economic system, what is the principle of that system, what is its practice, and what are its forms?

My principle, which will appear astonishing to you, citizens, my principle is yours; it is property itself.

I have no other symbol, no other principle than those of the Declaration of the Rights of Man and of the Citizen: Liberty, equality, security, property.

Like the Declaration of Rights, I define liberty as the right to do anything that does not harm others.

Again, like the Declaration of Rights, I define property, provisionally, as the right to dispose freely of one’s income, the fruits of one’s labor and industry.

Here is the entirety of my system: liberty of conscience, liberty of the press, liberty of labor, free trade, liberty in education, free competition, free disposition of the fruits of labor and industry, liberty ad infinitum, absolute liberty, liberty for all and always.

It is the system of 89 and 93; the system of Quesnay, of Turgot, of J.-B. Say; the system that is always professed, with more or less intelligence and good faith, by the various organs of the political parties, the system of the Débats, of the Presse, of the Constitutionnel, of the Siècle, of the Nationale, of the Rèforme, of the Gazette; in the end it is your system, voters.

Simple as unity, vast as infinity, this system serves for itself and for others as a criterion. In a word it is understood and compels adhesion; nobody wants a system in which liberty is the least bit undermined. One word identifies and wards off all errors: what could be easier than to say what is or is not liberty?

Liberty then, nothing more, nothing less. Laissez faire, laissez passer, in the broadest and most literal sense; consequently property, as it rises legitimately from this liberty, is my principle. No other solidarity between citizens than that which rises accidentally from force majeur: for all that which relates to free acts, and manifestations of reflective thought, complete and absolute insolidarity.

This is not communism, certainly;

This is not the government of Mehmet-Ali;

This is not a dictatorship;

This is not state intervention in all civil functions and even in the family;

This has nothing to do with Babeuf or Saint-Simon, nor with Fourier.

This is the faith of Franklin, Washington, La Fayette, Mirabeau, Manuel, Casimir Perier, Odilon Barrot, Thiers. Does this seem reassuring or compromising to you?

But, you say, from this point of view, how to solve the problem posed by the revolution of February? That is to say: What is it, in the economic order, that still restricts the exercise of freedom, individual as well as general?

My answer will be frank and categorical. I shall tell you what are the barriers of which it is a matter, I believe, of ridding liberty — because it is clear that we do not feel free — and what are the means to achieve this: what I would propose to do, if I were to represent the people; what would I do if I was minister; what it is that I understand as the political system, domestic and foreign; if I were the in government, what I would advise the people to ask the National Assembly, at their first opportunity to visit, if my counsels should prevail with the people; what, finally, I would wish that all friends of the people should study, discuss, develop and spread, and what I will continue trying to implement until I see that I am wrong and that there are other, more direct, more timely, more specific, more decisive, more revolutionary means for pulling ourselves out of the abyss.

First of all, let us not act as do those doctors of etiology, who, in their drive to seek the cause of the disease, eventually forget the diseases themselves, and let their patients die. Let us not revisit the endless chain of causes and effects; let us consider the fact in itself and say: the cause of the disease is the disease. The cause of the crisis is the crisis. Labor is suspended, the workshops are closed, the shops remain empty, the market no longer calls for the product, capital flees, currency hides itself, commerce falls, no more income tax comes in, the State approaches bankruptcy, the hungry worker twists in despair; in a word, CIRCULATION is null: that is the crisis.

Society no longer lives, as in other times, on individual property; it lives on a more generic fact, it lives on circulation. All the maladies that today afflict the body politic can be traced to a cessation, to a disturbance in the circulatory function. Thus, if the circulation is poor, if it is cut off, if the least political accident suffices to make everything grind to a halt, it is because the apparatus is poorly established, it is because the circulation is restricted in its movement, it is the victim of its own organization.

On what does circulation in the economy of society depend? On currency, on money.

What is the motor? — Money.

Who is the king of exchange, the standard of commerce, the model of values? — Money.

Is money thus necessary, indispensable to circulation?

Routine, to this question, says yes; science says no.

Products exchange for products, says economic science. That is to say, exchange must be free, direct, immediate, equal.

Products exchange for money, says routine. That is to say, money is nothing but an intermediary, an instrument of agiotage, a hindrance to the liberty of exchange. Moreover, as money no longer functions for anything, circulation, in this system, is subject to a continual loss of value, producing simultaneous starvation and plenty in the different parts of the body politic.

Money is thus an obstacle to circulation, an obstacle to the liberty of commerce and industry; in itself, a superfluous organ and a parasitic function; and in what it costs, a cause of loss. To do without cash, to abolish the interest on circulating capital: such is the first obstacle to freedom that I propose to destroy by the establishment of a Bank of Exchange.

I have explained elsewhere [1], at great length, the principles and theory of the Bank, whose formula or mother-idea is the generalization of the bill of exchange. I have said what would be the agency, the mode, the pledge, and the guarantee of circulation in the new credit system. I have proven that the savings that would result for the country, on the discounts alone, would be at least 400 million. I will not dwell on this project, for which I have asked nothing more than to have it subjected to the most rigorous critique.

But the Bank of Exchange can only exist by the will of all citizens, as it relies for its power on their voluntary membership. However, this voluntary membership of all producers and consumers, the mutual consent of 35 million citizens, which propaganda might not achieve in twenty years, it remains only for the government to obtain in a week; it remains, I say, for the government to complete the Revolution in a week.

May the government render, on behalf of the people, the following decrees:

1er DÉCRET. — Réforme banquière.

« Attendu que l’échange direct, sans numéraire, sans intérêts, est de droit naturel et d’utilité publique ;

« l. La Banque de France joint à ses attributions celles de Banque d’Echange.

« 2. La commission d’escompte, pour tous les négociants, entrepreneurs, etc., qui adhéreront aux statuts de la Banque d’Echange, est fixée provisoirement à 1 pour cent.

« 3. La commission, intérêt compris, pour tous négociants, etc., qui préféreront l’ancien mode d’échange et circulation sous la garantie du numéraire, est et demeure fixée à 5 pour cent. »

Est-ce créer un papier-monnaie? Est-ce forcer le cours de billets sans gage ? Est-ce du communisme, de l’expropriation, de la confiscation, de la banqueroute ? Cela ne vaut-il pas mieux cent fois que les comptoirs de garantie, et la conversion frauduleuse des dépôts faits à la caisse d’épargne en rentes sur l’État, et l’ajournement des bons du trésor, et les prolongations d’échéances, et l’impôt somptuaire, et la confiscation des successions collatérales , et toutes ces lois d’extorsion et de spéculation financière, dont notre gouvernement conservateur s’est rendu coupable depuis le 24 février ?

Les détenteurs de numéraire garderont leurs écus : nous ne les leur prendrons pas, nous n’en voulons point. Qu’ils en disposent à leur gré, qu’ils les vendent, les échangent, les fondent, personne n’y trouvera à redire. C’est le fruit de leur travail et de leur industrie ! Mais comme le commerce est libre, que la République ne reconnaît pas de droits féodaux, que la concurrence est le remède naturel au monopole, les capitalistes pourraient-ils trouver mauvais que les producteurs s’abstinssent de leur entremise ? Nous ne les empêchons pas d’exercer leur industrie ; nous ne défendons pas le prêt à intérêt; nous ne supprimons point l’usage de la monnaie ; nous ne portons atteinte ni à la liberté , ni à la propriété. Nous demandons seulement que la concurrence soit ouverte entre le principe monarchique et individualiste représenté par la monnaie, et le principe républicain et mutuelliste, représenté par la Banque d’Échange. Nous demandons que ceux qui ne veulent plus payer tribut aux capitalistes pour la circulation de leurs produits , ne soient pas forcés de le payer, quand ils peuvent faire autrement.

1st decree. — Banking reform.

“Whereas direct exchange, without cash, without interest, is of natural right and of public utility;

“I. The Banque de France adds to its powers those of Bank of Exchange.

“2. The discount commission for all merchants, contractors, etc., who adhere to the statutes of the Exchange Bank, is provisionally fixed at 1 per cent.

“3. The commission, interest included, for all merchants, etc., who prefer the old mode of exchange and circulation under the guarantee of money, is and remains fixed at 5 per cent.”

Is this creating a paper currency? Is this forcing the price of bills without pledge? Is it communism, expropriation, confiscation, bankruptcy? Is not a hundred times better than the counters of guarantee, and the fraudulent conversion of deposits made in the savings bank into annuities on the State, and the adjournment of treasury bonds, and the extensions of maturities, and the sumptuary tax, and the confiscation of collateral estates, and all those laws of extortion and financial speculation, of which our conservative government has been guilty since the 24th of February?

Holders of cash will keep their crowns: we will not take them from them; we do not want them. Whether they dispose of them as they please, whether they sell them, exchange them, melt them, no one will find fault with them. It is the fruit of their labor and their industry! But as trade is free, as the Republic does not recognize feudal rights, as competition is the natural remedy for monopoly, could the capitalists find it wrong that the producers abstain from their intervention? We do not prevent them from exercising their industry; we are not advocating lending at interest; we do not suppress the use of money; we infringe neither liberty nor property. We only ask that competition be opened between the monarchical and individualistic principle represented by money, and the republican and mutualist principle, represented by the Bank of Exchange. We ask that those who no longer want to pay tribute to the capitalists for the circulation of their products, not be forced to pay it, when they can do otherwise.

2e DÉCRET. — Conversion et remboursement de la dette.

L’État représente la totalité des citoyens.

En outre, au point de vue du budget, l’État est l’administrateur d’une partie notable de la fortune publique.

Il y a donc obligation pour l’État de chercher, dans l’intérêt des citoyens qu’il représente, les moyens de gouvernement les plus économiques, comme aussi d’opérer sur ses dépenses toutes les réductions possibles.

Or, l’État trouvant à la Banque d’Echange, sur ses titres d’emprunt, des valeurs qui ne lui coûteraient rien d’intérêt,, il est de son devoir d’aviser au remboursement de la dette publique, ou tout au moins à la conversion des rentes, dont le montant dépassera bientôt 400 millions. D’un autre côté, il ne serait pas juste que, tandis que les capitalistes, qui avaient leurs capitaux engagés dans le commerce, en perdent le revenu, ou du moins sont forcés, par la concurrence de la Banque d’Échange, d’abaisser le taux de l’intérêt à 1 pour cent et même au-dessous, les prêteurs de l’État, par un privilège sans motifs, continuassent de recevoir 3, 4, 4 1/2 et 5 pour cent?

Il y a donc ici pour l’État nécessité d’économie et nécessité de justice de mettre les rentes sur l’État d’accord avec le taux des escomptes, en attendant le remboursement définitif.

Je coudrais, en conséquence, que le gouvernement rendît encore le décret suivant, qui n’est qu’un corollaire du premier :

« Attendu que par l’organisation de l’échange direct des produits sans, l’intermédiaire de l’argent et sans intérêt, l’Etat, comme tout citoyen, a la faculté de se procurer des fonds a 1 pour cent de commission, eu maximum ;

« Considérant qu’il est juste de donner aux contribuables, dont les capitaux, jusqu’à présent engagés dans les opérations commerciales et industrielles, se trouvent désormais hors de service, une compensation légitime;

« Attendu que la loi doit être égale pour tous :

« Les rentes servies par l’Etat aux divers taux de 3, 4, 4 4/2 et 5 seront converties en rentes 1 pour cent, taux de la Banque d’Echange, jusqu’à remboursement définitif.

« L’exécution du présent décret est confiée au ministre des finances. »

Je vous le demande de nouveau, électeurs, est-ce là delà banqueroute? est-ce de l’expropriation, de la communauté, du phalanstère? Êtes-vous bien sûrs que le gouvernement actuel, en substituant dans la vieille ornière, au lieu de rembourser la dette ou tout au moins de réduire la rente, comme il en a la faculté et comme je le propose, n’arrivera pas à une banqueroute dans laquelle tout périra à la fois, le commerce, le capital, le travail et l’État ?

Les rentiers, les déposants à la caisse d’épargne, les communes, les porteurs de bons du trésor, au lieu d’un intérêt à 5 pour cent, n’auront plus qu’un intérêt de 1 pour cent!… Qui en doute? et quel mal y a-t-il à cela? Sommes-nous donc obligés d’emprunter à 5 quand nous pouvons emprunter à 1 ? Devons-nous payer 5 pour cent d’intérêt aux porteurs de livrets de caisse d’épargnes pour la peine que l’État se donne de garder leurs économies? Et puisque, par l’organisation de l’échange, sans intermédiaire et sans intérêt, nous nous trouvons dans la position d’un emprunteur à qui deux capitalistes offriraient leurs fonds, l’un à 5 pour cent, l’autre à 1 pour cent, pouvons-nous être taxés d’injustice parce que nous donnons la préférence au meilleur marché ?

Que les rentiers, les déposants de la caisse d’épargnes , les porteurs de bons du trésor, et tous les créanciers de la dette flottante, soient remboursés, intégralement remboursés, nous le pouvons sans nous faire tort : loin de là, par ce remboursement, nous nous enrichissons. Qu’on ne fasse aucune retenue ; que la propriété soit respectée, mais que le travail soit libre.

2nd decree. — Conversion and repayment of debt.

The state represents all of the citizens.

Moreover, from the point of view of the budget, the State is the administrator of a considerable part of the public fortune.

There is therefore an obligation for the State to seek, in the interest of the citizens it represents, the most economical means of government, and also to make all possible reductions in its expenditure.

Now, the State finding in the Bank of Exchange, on its debt securities, securities that would cost it nothing in interest, it is its duty to advise on the reimbursement of the public debt, or at least on the conversion of the rents, the amount of which will soon exceed 400 millions. On the other hand, would it not be just that, while the capitalists, who had their capitals engaged in commerce, should lose the income thereof, or at least be compelled by the competition of the Bank of Exchange to lower the rate of interest to 1 per cent.

There is therefore here for the State the need for economy and the need for justice to put the rents on the State in line with the rate of the discounts, pending final reimbursement.

I would therefore like the government to issue the following decree, which is only a corollary of the first:

“Whereas by the organization of the direct exchange of products without the intermediary of money and without interest, the State, like any citizen, has the faculty of procuring funds at 1 per cent commission, at most;

“Considering that it is just to give taxpayers, whose capital, hitherto engaged in commercial and industrial operations, is henceforth out of service, a legitimate compensation;

“Whereas the law must be equal for all:

“The annuities paid by the State at the various rates of 3, 4, 4 1/2 and 5 will be converted into 1 per cent annuities, at the rate of the Exchange Bank, until final reimbursement.

“The execution of this decree is entrusted to the Minister of Finance.”

I ask you again, voters, is that bankruptcy? Is it expropriation, community, phalanstery? Are you quite sure that the present government, by substituting in the old rut, instead of reimbursing the debt or at least reducing the rent, as it has the option and as I propose, will not arrive at a bankruptcy in which everything will perish at once, commerce, capital, labor and the State?

Rentiers, depositors in the savings bank, communes, holders of treasury bonds, instead of interest at 5 per cent, will only have interest of 1 per cent!… Who can doubt it? And what is wrong with that? So are we obligated to borrow at 5 when we can borrow at 1? Do we have to pay 5 per cent interest to savings passbook holders for the trouble the state takes to keep their savings? And since, by the organization of the exchange, without intermediary and without interest, we find ourselves in the position of a borrower to whom two capitalists would offer their funds, one at 5 per cent, the other at 1 per cent, can we be taxed with injustice because we give preference to the cheapest?

That the pensioners, the depositors of the savings bank, the holders of treasury bonds, and all the creditors of the floating debt, be reimbursed, fully reimbursed, we can do it without doing ourselves wrong: far from it, by this reimbursement, we enrich ourselves. Let there be no restraint; let property be respected, but let labor be free.

3e DÉCRET. — Crédit foncier.

Si l’État, si la totalité des citoyens a le droit incontestable de s’exonérer de ses dettes, voire même de changer de créanciers, quand il y trouve avantage, chaque, citoyen qui se trouve dans le même cas a aussi le même droit.

Ajoutons, comme précédemment, que les capitaux prêtés à l’État et ceux engagés dans le commerce ne devant plus produire, après l’établissement de la Banque d’Echange, qu’un intérêt de 1 pour cent, il est de toute justice que les capitaux engagés dans l’industrie et l’agriculture, et prêtés sur hypothèques, soient ramenés au même taux. Ce qui serait injuste, ce serait que les créanciers hypothécaires, jouissant comme tous les citoyens du bénéfice obtenu par la réduction du taux des escomptes et l’allégement de l’impôt, ils ne donnassent, à leur tour, aucune compensation sur leurs propres revenus. Je proposerais donc encore de rendre le décret suivant :

« Attendu que la propriété est sacrée et inviolable ;

« Attendu que la banqueroute doit être rayée du vocabulaire français ;

« Considérant que le taux de l’escompte et celui des rentes de l’État ont été fixés provisoirement, en maximum, a 1 pour cent; —Que ce chiffre doit être considéré comme taux légal de l’intérêt, jusqu’à réduction nouvelle ; — Qu’une immense amélioration en doit résulter pour le commerce et la consommation; —Que les prêteurs sur hypothèques jouissent, comme tous les citoyens, de cette importante amélioration ; — Qu’il est juste, par conséquent, qu’ils contribuent pour leur part à la fortune publique.

« L’Etat garantit à tous les créanciers hypothécaires le remboursement de leurs capitaux.

« Ce remboursement sera effectué, soit par annuités de 5 pour cent, soit intégralement en une fois, à la convenance de l’emprunteur.

« Jusqu’à parfait remboursement, il sera payé au créancier, chaque année, à titre d’intérêt, 4 pour cent sur la somme due.

« L’exécution du présent décret est confiée aux soins des citoyens grevés d’hypothèques, qui adhéreront aux statuts de la Banque d’Echange. ».

La conversion des créances hypothécaires en créances remboursables par annuités et sauf intérêt de 1 pour cent, produirait pour tout le pays une économie de plus de 1,200 millions.

Eh bien! y a-t-il là ombre d’injustice? Les créanciers auraient-ils le droit de se plaindre ? Les débiteurs seraient-ils des gens de mauvaise foi? Pouvons-nous, producteurs, être condamnés à subir éternellement la suzeraineté du numéraire? à payer à tout jamais l’aubaine du capital?….. Par la Banque d’Échange, l’échange, affranchi de tout péage, fait lui-même fonction de capital, fonction de numéraire.

Or, la concurrence est libre depuis 1789, non-seulement entre les industriels, mais entre les capitalistes : quelle loi, divine ou humaine., pourrait nous enlever le bénéfice de cette concurrence? Et lorsque cette bienfaisante concurrence, comme une découverte inattendue, comme un moteur dont la puissance serait infinie et la dépense nulle, vient changer toutes les conditions de la production et de l’échange , et bouleverser l’économie de la société ; au nom de quel principe nous ferait-on perdre , pendant une seule minute, le bénéfice de l’invention ?

Comparez maintenant, dans sa moralité et dans ses effets, le décret que je dépose ici avec celui rendu par M. Garnier-Pagès sur les créances hypothécaires. M. Garnier-Pagès a agi précisément comme le voulait Barbes : il a entrepris de frapper une contribution sur les riches ; il n’a fait que prouver son incapacité par une sottise et une injustice. Le riche, en tant que capitaliste, est invulnérable à l’impôt : cela est désormais connu de tous les économistes. Mais il n’y a plus de riches, et en organisant la délation entre créanciers et débiteurs, M. Garnier-Pagès n’a réussi qu’à démoraliser les consciences, rendre plus introuvables les capitaux et frapper au hasard les créanciers malhabiles à se soustraire au recensement. Cependant M. Garnier-Pagès est au pouvoir, et Barbes, le loyal Barbes est en prison !

Comparez encore l’effet que produirait sur la population des campagnes la conversion des créances hypothécaires au moyen de la Banque d’Echange, avec celui obtenu par un autre décret du même Garnier-Pagès, je veux parler de celui qui augmentait de 45 centimes la contribution foncière. L’hostilité des paysans à l’égard de la République est là pour répondre. Et puis, remarquez la contradiction. C’est dans le temps même que l’on s’occupe de crédit agricole que l’on augmente l’impôt agricole !…

Et M. Garnier-Pagès, cet élu de la bourgeoisie, ce routinier de la finance, qui a, plus que personne, plus que les théories de M. Louis Blanc, plus que les circulaires de M. Ledru-Rollin, désorganisé la République, discrédité la Révolution, compromis la propriété, accéléré la banqueroute, M. Garnier-Pagès est un conservateur! Et nous, qui ne songeons qu’à rembourser la propriété, nous sortîmes des partisans de la loi agraire, des communistes !…

3rd decree. — Land-credit.

If the State, if all the citizens have the indisputable right to exonerate themselves from their debts, or even to change creditors, when it finds it advantageous, each citizen who is in the same situation also has the same right.

Let us add, as before, that the capital lent to the State and that engaged in commerce no longer having to produce, after the establishment of the Bank of Exchange, but an interest of 1 per cent, it is only fair that the capital engaged in industry and agriculture, and lent on mortgages, should be reduced to the same rate. What would be unfair would be if the mortgage creditors, enjoying like all citizens the benefit obtained by the reduction in the rate of discounts and the relief of the tax, they should not, in their turn, give any compensation out of their own income. I would therefore still propose to issue the following decree:

“Whereas property is sacred and inviolable;

“Whereas bankruptcy must be removed from the French vocabulary;

“Considering that the rate of the discount and that of the State annuities have been fixed provisionally, at the most, at 1 per cent; —That this figure must be considered as the legal rate of interest, until further reduction; — That an immense improvement must result from it for commerce and consumption; —That mortgage lenders enjoy, like all citizens, this important improvement; “That it is right, therefore, that they contribute their share to the public fortune.”

“The State guarantees all mortgage creditors the repayment of their capital.

“This repayment will be made either in installments of 5 per cent, or in full at once, at the convenience of the borrower.

“Until full repayment, it will be paid to the creditor, each year, as interest, 1 per cent on the sum due.

“The execution of this decree is entrusted to the care of citizens burdened with mortgages, who will adhere to the statutes of the Bank of Exchange.”

The conversion of mortgage debts into debts repayable by annual installments and except interest of 1 per cent, would produce for the whole country a saving of more than 1,200 millions.

Well! Is there a shadow of injustice here? Would creditors have the right to complain? Are the debtors people in bad faith? Can we, producers, be condemned to eternally submit to the suzerainty of cash, to forever pay the windfall of capital?… Through the Bank of Exchange, exchange, freed from any toll, itself functions as capital, as cash.

Now, competition has been free since 1789, not only between industrialists, but between capitalists: what law, divine or human, could deprive us of the benefit of this competition? And when this beneficent competition, like an unexpected discovery, like an engine whose power would be infinite and whose expense would be expense zero, changes all the conditions of production and exchange, and upsets the economy of society; in the name of what principle would we be made to lose, for a single minute, the benefit of invention?

Compare now, in its morality and in its effects, the decree that I deposit here with that returned by Mr. Garnier-Pagès on the hypothecary debts. M. Garnier-Pagès acted precisely as Barbes wanted: he undertook to levy a tax on the rich; he only proved his incapacity by folly and injustice. The rich, as a capitalist, is invulnerable to taxes: this is now known to all economists. But there are no more rich people, and by organizing denunciation between creditors and debtors, Mr. Garnier-Pagès has only succeeded in demoralizing consciences, making capital more untraceable and randomly striking creditors who are unskilled in evading the census. However, M. Garnier-Pagès is in power, and Barbes, the loyal Barbes is in prison!

Compare again the effect that the conversion of mortgage debts by means of the Bank of Exchange would produce on the population of the countryside, with that obtained by another decree of the same Garnier-Pagès, I mean that which increased the land tax by 45 centimes. The hostility of the peasants towards the Republic is there to answer. And then notice the contradiction. It is at the same time that we deal with agricultural credit that we increase the agricultural tax!…

And M. Garnier-Pagès, this elected representative of the bourgeoisie, this routine finance man, who more than anyone, more than the theories of M. Louis Blanc, more than the circulars of M. Ledru-Rollin, has disorganized the Republic, discredited the Revolution, compromised property, accelerated bankruptcy, M. Garnier-Pagès is a conservative! And we, who think only of reimbursing property, we came out of the partisans of the agrarian law, of the communists!…

4e DÉCRET. — Echéances et remboursements.

« La Banque fait l’escompte en numéraire, au taux de 5 pour cent; — en bons d’échange à 4 pour cent.

« En conséquence, et par les mêmes considérations, précédemment développées, tout adhérent à la Banque d’Echange devra jouir sur tous paiements et remboursements d’obligations par lui souscrites antérieurement à l’existence de la Banque, d’une remise égale à la différence entre l’intérêt stipulé au profit du créancier et la commission perçue par la Banque d’Echange, pour tout le temps qui se serait écoulé jusqu’au terme de l’obligation, depuis l’installation de la Banque. »

Il arrive ici précisément la même chose que dans le cas d’une réduction de droits. Supposons qu’un décret, de gouvernement abolisse tout-à-coup, comme cela a eu lieu en 1847 pour les céréales, les droits de transit à la frontière, de navigation, de circulation, tous les droits de régie, en un mot, Tout consommateur aurait le droit, quels que fussent ses engagements avec l’entrepreneur et le fabricant, d’obtenir une réduction proportionnelle sur le prix des produits et services.

L’organisation de la Banque d’Échange est un événement en dehors des prévisions des parties, qui vient faire baisser partout la redevance du capital, et qui, par conséquent, doit profiter immédiatement à tous les citoyens loueurs de capitaux, acquéreurs, de numéraire, acheteurs à terme, même spéculateurs sur les fonds publics, etc. Où donc serait l’injustice? En quoi la propriété serait-elle violée? En quoi la famille, la morale publique outragée ?

Pour l’exécution de ce décret, s’en rapportera la diligence des débiteurs.

Si le gouvernement de février, en prenant possession du pouvoir, avait trouvé dans les caves de l’Hôtel-de-Ville, dans les souterrains des Tuileries, dans les casemates de Vincennes et du Mont Valérien, un capital de 100 milliards :

Si, avec le secours de ce capital, il avait créé une Banque où toutes les valeurs du commerce, portant deux signatures et représentant une valeur réelle, acceptée et livrée, auraient été reçues à l’escompte au taux de 1 pour cent, intérêt et commission compris ;

Si, non content de restaurer le commerce et l’industrie, menacés de périr par la désertion des capitaux et la trahison du numéraire, il avait remboursé la dette de l’État et dégrevé le budget de 400 millions de rentes annuelles ;

Si, se mettant ensuite aux lieu et place des créanciers hypothécaires, il avait remboursé leurs 14 milliards de créances, fondé sur de nouvelles bases le crédit agricole, et réduit l’intérêt des prêts sur hypothèques, comme celui des escomptes, à 1 pour cent ;

Si, par cette fortune inespérée, faisant baisser sur tous les points le loyer des capitaux, il avait ordonné qu’il serait fait remise à fous débiteurs, par leurs créanciers, sur les obligations et remboursements à échoir, delà différence d’intérêt, du jour d’institution de la Banque d’Echange jusqu’au terme des obligations ;

Le gouvernement, par chacune de ces dispositions, aurait-il fait chose juste? Aurait-il compromis la fortune publique? Sa politique aurait-elle été imprudente ou déloyale? Et parce que, sans demander rien à personne, sans taxe extraordinaire, sans contribution exceptionnelle, sans emprunt, sans mesure coercitive, sans confiscation, sans banqueroute, sans al teinte à la propriété, sans escobarderie gouvernemenlale, par le seul fait de la découverte d’un trésor immense, il aurait répandu à pleines mains, dans la nation, la richesse, le bien-être, la sécurité et la liberté ; parce qu’il aurait détruit la féodalité mercantile, l’aristocratie financière, le bon plaisir de l’argent ; parce qu’il aurait affranchi le travail, débarrassé la circulation de ses entraves, nivelé, à force de richesse, toutes les fortunes, serait-on en droit de l’accuser de communisme, de terrorisme et d’anarchie?

Or, telle est précisément la situation dans laquelle je propose de mettre le gouvernement, par l’institution de la Banque d’Echange.

L’organisation de l’échange agit sur les relations économiques exactement comme ferait un capital qui s’augmenterait d’autant plus qu’on lui emprunterait davantage. L’échange est, comme le travail, un mode de créer de la richesse avec rien. C’est pour cela que l’échange est le rival du capital, en ce qui concerne la circulation, la commandite et toutes les opérations du crédit.

Organiser l’échange, c’est organiser la baisse indéfinie, jusqu’à extinction, sur le loyer des capitaux; c’est organiser la victoire du travail sur le capital, quelque forme qu’il prenne, capital monnaie et capital instrument, capital mobilier et capital immobilier, capital matériel et capital moral ou métaphysique.

Et comme l’organisation de l’échange dans l’ordre économique entraîne une organisation analogue des fonctions dans l’ordre politique, il s’ensuit que la forme du gouvernement résulte encore de la forme du crédit, en sorte que organiser le crédit, la mutualité, l’échange, c’est organiser la République.

La Révolution est là tout entière. Et la ruine de l’ancien système est si complète, nous sommes arrivés si bas dans cette chute, qu’on peut hardiment défier qui que ce soit de relever le crédit sur son ancienne base et de sauver le pays par les moyens connus.

J’ai dit comment, par la Banque d’Echange, la circulation était à l’instant même rétablie , la rente convertie ou remboursée , le crédit agricole fondé, les intérêts des débiteurs, pour leurs obligations à échoir, sauvegardés.

Poursuivons cette série de réductions, et en contemplant les bienfaits du principe qui a vaincu en février, apprenons à défendre la Révolution, apprenons à aimer la République.

Aux décrets dont j’ai donné l’analyse, je proposerais donc d’ajouter les suivants.

4th decree. — Maturities and repayments.

“The Bank discounts cash at the rate of 5 per cent; — in vouchers at 4 per cent.

“Consequently, and by the same considerations, previously developed, any member of the Exchange Bank shall enjoy on all payments and reimbursements of obligations by him subscribed prior to the existence of the Bank, a discount equal to the difference between the interest stipulated for the benefit of the creditor and the commission received by the Exchange Bank, for all the time which would have elapsed until the end of the obligation, since the installation of the Bank.”

Precisely the same thing happens here as in the case of a duty reduction. Suppose a government decree suddenly abolishes, as happened in 1847 for cereals, the rights of transit at the frontier, of navigation, of circulation, all management rights, in a word, Every consumer would have the right, whatever his commitments with the contractor and the manufacturer, to obtain a proportional reduction in the price of products and services.

The organization of the Bank of Exchange is an event beyond the forecasts of the parties, which comes to lower everywhere the royalty of capital, and which, consequently, must immediately benefit all the citizens lessors of capital, acquirers of cash, buyers on term, even speculators on public funds, etc. Where would be the injustice? How would property be violated? How would the family, public morality be outraged?

For the execution of this decree, the diligence of the debtors will depend on it.

If the February government, on taking possession of power, had found in the cellars of the Hôtel-de-Ville, in the underground passages of the Tuileries, in the casemates of Vincennes and Mont Valérien, a capital of 100 billion:

If, with the help of this capital, it had created a Bank where all commercial securities, bearing two signatures and representing real value, accepted and delivered, would have been received at a discount at the rate of 1 per cent, including interest and commission;

If, not content with restoring commerce and industry, threatened with perishing by the desertion of capital and the treachery of cash, it had repaid the debt of the State and relieved the budget of 400 million annual rents;

If, then putting itself in the place and place of the mortgage creditors, he had repaid their 14 billion in claims, founded agricultural credit on new bases, and reduced the interest on loans on mortgages, like that on discounts, to 1 per cent;

If, by this unexpected fortune, lowering on all points the rent of capital, it had ordered that all debtors should be forgiven by their creditors of the obligations and repayments falling due, beyond the difference of interest, from the day of institution of the Bank of Exchange until the term of the obligations;

Would the government, by each of these provisions, have done the right thing? Would it have compromised the public fortune? Would its policy have been reckless or disloyal? And because, without asking anything of anyone, without extraordinary taxes, without exceptional contributions, without loans, without coercive measures, without confiscation, without bankruptcy, without infringement of property, without governmental trickery, by the mere fact of the discovery of an immense treasure, it would have poured out wealth, well-being, security and liberty with both hands, on the nation; because it would have destroyed mercantile feudalism, financial aristocracy, the pleasure of money; because it would have liberated labor, rid circulation of its shackles, leveled, by dint of wealth, all fortunes, would one have the right to accuse it of communism, terrorism and anarchy?

Now, such is precisely the situation in which I propose to put the government, by the institution of the Bank of Exchange.

The organization of exchange acts on economic relations exactly as capital does, which would increase more the more one borrowed from it. Exchange is, like labor, a way of creating wealth out of nothing. This is why exchange is the rival of capital, as far as circulation, sponsorship and all credit operations are concerned.

To organize exchange is to organize the indefinite reduction, until extinction, of the rent of capital; it is to organize the victory of labor over capital, whatever form it takes, money capital and instrument capital, movable capital and real estate capital, material capital and moral or metaphysical capital.

And since the organization of exchange in the economic order entails an analogous organization of functions in the political order, it follows that the form of government still results from the form of credit, so that to organize credit, mutuality, exchange, is to organize the Republic.

The Revolution is there entirely. And the ruin of the old system is so complete, we have come so low in this fall, that anyone can be boldly challenged to raise credit on its old basis and save the country by the known means.

I have said how, through the Bank of Exchange, circulation was instantly re-established, rent converted or repaid, agricultural credit founded, the interests of debtors, for their obligations to fall due, safeguarded.

Let us continue this series of reductions, and by contemplating the benefits of the principle that conquered in February, let us learn to defend the Revolution, let us learn to love the Republic.

To the decrees of which I have given the analysis, I would therefore propose to add the following.

5e DÉCRET. — Intérêts et dividendes des sociétés par actions.

« Considérant que les capitalistes-actionnaires, faisant partie de sociétés anonymes et en commandite pour l’exploitation des diverses branches du commerce et de l’industrie, profitent, comme les autres citoyens, de la diminution des impôts, et du dégrèvement des charges qui pesaient auparavant sur l’agriculture et le commerce; —Qu’il est juste, par conséquent, qu’ils contribuent pour leur part a ce dégrèvement, par une réduction analogue sur l’intérêt des actions quTs ont souscrites; — Qu’agir autrement ce serait créer, en faveur desdits actionnaires, un privilège sans droit ; — Qu’au surplus rien ne serait plus facile dans beaucoup de cas, que d’établir, a coté de ces sociétés, des entreprises rivales, commanditées par la Banque d’Echange ;

« Attendu la connexité et l’identité des espèces;

« Les intérêts et dividendes sont réduits, dans toute société par actions, à 1 pour cent, ensemble, du capital versé, et seront acquittés à ce taux, s’il y a lieu, jusqu’à remboursement définitif.

« Le présent décret, applicable a toutes entreprises formées par actions ponr l’exploitation des mines, canaux, chemins de fer, transports, messageries, constructions, salines, produits chimiques, filatures, verreries, etc., etc., est confié pour l’exécution à la diligence des directeurs, gérants, comptables, associés, et porteurs d’actions industrielles desdites compagnies. »

Je vous le demande de nouveau , lecteurs, et je vous le demanderai jusqu’à la fin, où est ici la spoliation? où est le communisme ? Est-ce là ce système d’absorption et d’exploitation par l’Etat, dont la menace était une folie, dont la réalisation est impossible ? Faire jouir les entreprises par actions des bienfaits de l’échange direct, du crédit mutuel, sans numéraire et sans intérêt ; dégrever la grande et la petite industrie , le haut et le bas commerce , des tributs qui les écrasent, et sous forme d’escomptes, et sous forme d’impôts, et sous forme d’agiotage ; donner l’essor au travail et l’a vie aux fabriques en réduisant sans cesse les frais fixes de la production, n’est-ce pas la vraie formule du progrès, la vraie théorie de la liberté?

5th decree. — Interest and dividends from joint-stock companies.

“Considering that the capitalist-shareholders, forming part of public limited companies and in limited partnerships for the exploitation of the various branches of commerce and industry, profit, like other citizens, from the reduction in taxes, and from the reduction of the charges that weighed previously on agriculture and commerce; — That it is right, consequently, that they should contribute their part to this relief, by an analogous reduction on the interest of the shares which have subscribed; — That to act otherwise would be to create, in favor of the said shareholders, a privilege without right; — That, moreover, nothing would be easier in many cases than to establish, alongside these societies, rival enterprises, sponsored by the Bank of Exchange;

“Whereas relatedness and identity of species;

“Interest and dividends are reduced, in any joint-stock company, to 1 per cent, together, of the paid-up capital, and will be paid at this rate, if necessary, until final reimbursement.

“This decree, applicable to all companies formed by shares for the exploitation of mines, canals, railways, transport, couriers, constructions, saltworks, chemical products, spinning mills, glassworks, etc., etc., is entrusted for execution to the diligence of the directors, managers, accountants, partners, and holders of industrial shares of the said companies.”

I ask you again, readers, and I will ask you until the end, where is the spoliation here? Where is the communism? Is this the system of absorption and exploitation by the State, the threat of which was madness, the realization of which is impossible? To make joint-stock companies enjoy the benefits of direct exchange, mutual credit, without cash and without interest; to relieve large and small industry, high and low commerce, from the tributes that crush them, in the form of discounts, and in the form of taxes, and in the form of agiotage; to give impetus to work and life to factories by constantly reducing the fixed costs of production, is this not the true formula of progress, the true theory of liberty?

6e DÉCRET. — Loyers de maisons.

La loi civile a distingué les biens en meubles et immeubles.

L’économie politique, qui considère les biens, non dans leur forme extérieure , mais au point de vue de la production, les confond tous dans la même catégorie, sous le nom de capitaux.

L’identité des capitaux , comparés entre eux au point de vue de la production et du droit qu’ils donnent au propriétaire d’en tirer un revenu, est sensible, notamment entre les maisons et les actions de la société en commandite. — Une société par actions se forme pour la construction dune rue, de tout un quartier, et pour la location et exploitation des bâtiments. D’après l’article 518 du Code civil, ces bâtiments sont immeubles par nature , et chaque propriétaire peut et doit, en conséquence, être réputé propriétaires d’immeubles. Mais d’après l’article 529, l’action, qui est ici le titre de propriété, est meuble aussi par nature, en sorte que le même propriétaire peut, à bon droit, et relativement au même objet, être considéré comme propriétaire de meuble et d’immeuble.

Le Code civil contient donc , au moins dans l’espèce qui nous occupe, une distinction fâcheuse , contre laquelle le Code de commerce proteste en vain. La Banque d’Echange vient à propos faire cesser ce malentendu.

« Attendu, dirait le gouvernement, qu’il y a identité entre les actions d’une sociélé formée pour l’exploitation d’une mine et lés actions d’une société pour la construction d’un bâtiment; entre le capital engagé dans des machines et le capital engagé dans des maisons;

« Attendu que la construction d’un édifice n’est autre chose qu’un acte d’échange entre les architectes, tailleurs de pierres, maçons, charpentiers, menuisiers, plâtriers, ferblantiers, briquetiers, vitriers, serruriers, etc., et le capitaliste qui achète leurs services;

« Attendu qu’au moyen de la Banque d’Echange, tous producteurs peuvent et doivent se considérer comme capitalistes ; qu’il leur est ainsi facultatif d’acquérir, individuellement ou collectivement, moyennant crédit sur caution, avances sur consignations, escompte de leurs factures, etc., le travail -des ouvriers constructeurs, et de se procurer des habitations commodes et à bas prix ;

« Considérant que la réduction de l’intérêt sur l’instrument de circulation, a entraîné successivement une réduction équivalente sur la rente de l’Etat, sur les obligations hypothécaires et les actions de commandite ; qu’une réduction analogue sur l’intérêt des capitaux engagés dans les propriétés bâties en est la conséquence nécessaire; qu’il y aurait injustice à ce qu’il en fût autrement ;

« Par ces motifs :

« Le prix des loyers sur tout le territoire de la République, est réduit à 1 pour cent de la valeur actuelle des maisons, déduction faite de l’amortissement des frais d’entretien et des contributions.

» Une expertise sera faite, par les agents voyers, architectes et ingénieurs des villes et des départements, accompagnés des maires, et en présence des propriétaires, a l’effet de reconnaître la valeur des propriétés bâties, en l’état qu’elles se trouvent; d’en fixer le revenu légal, et d’assigner à chaque compartiment sa valeur locative.

« L’intérêt ou loyer ainsi fixé sera payé par le locataire jusqu’à liquidation et remboursement intégral de l’immeuble, après quoi il sera pourvu par l’Etat, sur nouveau plan, à sa restauration définitive.

» Les baux échus sont prolongés de deux ans, à la convenance des locataires.

« Le présent décret sortira son effet a partir du 24 février 4848. Son exécution est confiée a la diligence des locataires, qui tous devront justifier de leur adhésion à la Banque d’Echangé, à peine d’être déchus du bénéfice que leur assure le présent décret.

« Les propriétaires qui n’auront point adhéré aux statuts de la Banque d’Echange, outre qu’ils ne pourront exiger de loyers supérieurs à ceux fixés par les procès-verbaux d’expertise, ne pourront non plus exiger le paiement en numéraire de leurs termes que jusqu’à concurrence de la moitié.

« Il sera fait état aux locataires des sommes qu’ils auront payées en trop pour les jours de location écoulés depuis le 24 février 4848 jusqu’à la promulgation de la présente loi. »

Ce décret parle de lui-même et n’a pas besoin de justification.

Sur 400,000 négociants, marchands, fabricants, ouvriers, producteurs de toute espèce, voyageurs, rentiers, etc , qui habitent le département de la Seine, les propriétaires ne sont pas 15,000, pas 1 sur 30. S’il était question de sacrifices à faire à l’intérêt général, certes, on ne pourrait accuser le décret de frapper le grand nombre au profil de quelques-uns, comme il arrive si souvent en matière budgétaire. Loin de là, ce serait une minorité imperceptible sacrifiée à l’intérêt de l’immense majorité.

Mais il ne s’agit point ici de sacrifice, il ne s’agit que de justice.

La propriété bâtie, au lieu de continuer son jeu de pompe aspirante sur la production, ne prélève plus que son propre amortissement. Les loyers baissent partout de 25 à 30 pour cent, la population entière est déchargée d’un poids énorme ; et le propriétaire n’a point à se plaindre, pas plus que le capitaliste, pas plus que le rentier, pas plus que le porteur d’actions. Il profite, comme tout le monde, du bon marché général ; il doit subir par conséquent, comme tout le monde, et pour ce qui le concerne, les effets de la concurrence que l’échange fait au capital.

Pensez-vous, citoyens, que vos affaires en iraient plus mal, si demain le législateur, en même temps qu’il vous rouvrirait le crédit et le débouché, en même temps qu’il vous ferait jouir d’une immense réduction sur le prix de toutes choses, vous apprenait qu’à partir du 24 février, au lieu de 12 mois de loyer que vous avez à payer chaque année, vous n’en aurez plus que 8? Cette réduction vous arrivant comme un rafraîchissement à un malade, ne serait-elle pas pour vous, dans cette crise affreuse, d’un immense soulagement? Vous croiriez-vous en communauté de ménage avec les Icariens, les Phalanstériens, les Égalitaires, parce que vous jouiriez comme eux d’un dégrèvement sur votre loyer? Diriez-vous que c’est la ruine de la France , le signal de la banqueroute et de la détresse du pays? Préfèreriez-vous, à cette munificence de la banque d’échange, une augmentation de votre patente, de votre contribution personnelle, mobilière, locative, avec toutes les angoisses d’une restauration dynastique? Croyez-moi : ceux qui nient la propriété, qui savent ce qu’ils nient et ce qu’ils affirment, ne veulent pas autre chose que la liberté du travail par l’abolition de l’intérêt du capital.

6th decree. — House rents.

Civil law distinguished movable and immovable property.

Political economy, which considers goods, not in their external form, but from the point of view of production, confounds them all in the same category, under the name of capitals.

The identity of the capitals, compared with each other from the point of view of production and of the right which they give to the owner to derive a revenue from them, is perceptible, notably between the houses and the shares of the limited partnership. — A joint-stock company is formed for the construction of a street, an entire district, and for the rental and operation of buildings. According to article 518 of the Civil Code, these buildings are immovable by nature, and each owner can and must, consequently, be considered owners of immovables. But according to article 529, the action, which is here the title deed, is also movable by nature, so that the same owner can, with good right, and with respect to the same object, be considered as owner of movable and immovable.

The Civil Code therefore contains, at least in the case which occupies us, an unfortunate distinction, against which the Commercial Code protests in vain. The Bank of Exchange comes about to put an end to this misunderstanding.

“Whereas, the Government would say, there is identity between the shares of a company formed for the exploitation of a mine and the shares of a company for the construction of a building; between the capital engaged in machines and the capital engaged in houses;

“Whereas the construction of a building is nothing but an act of exchange between architects, stonemasons, masons, carpenters, joiners, plasterers, tinsmiths, brickmakers, glaziers, locksmiths, etc., and the capitalist who buys their services;

“Whereas by means of the Bank of Exchange, all producers can and must consider themselves as capitalists; that it is thus optional for them to acquire, individually or collectively, by means of credit on surety, advances on consignments, discount of their invoices, etc., the work of the building workers, and to procure convenient and low-priced dwellings;

“Considering that the reduction in interest on the instrument of circulation has successively led to an equivalent reduction on the State pension, on the mortgage bonds and the limited partnership shares; that a similar reduction on the interest of the capital engaged in the built properties is the necessary consequence of it; that it would be unjust if it were otherwise;

“For these reasons:

“The price of rents throughout the territory of the Republic is reduced to 1 per cent of the current value of the houses, after deducting the depreciation of maintenance costs and contributions.

“An expert assessment will be made, by the agent-surveyors, architects and engineers of the cities and the departments, accompanied by the mayors, and in the presence of the owners, to the effect of recognizing the value of the built properties, in the state that they are; to fix the legal income, and to assign to each compartment its rental value.

“The interest or rent thus fixed will be paid by the tenant until liquidation and full reimbursement of the building, after which it will be provided by the State, on a new plan, for its final restoration.

“Expired leases are extended for two years, at the convenience of the tenants.

“This decree will come into effect from February 24, 1848. Its execution is entrusted to the diligence of the tenants, who must all prove their membership of the Bank of Exchange, on pain of being deprived of the benefit guaranteed to them by this decree.

“The owners who have not adhered to the statutes of the Bank of Exchange, in addition to the fact that they cannot demand rents higher than those fixed by the report of the assessment, cannot either demand payment in cash of their terms only up to the amount of half.

“The tenants will be informed of the sums that they will have paid in excess for the days of rental elapsed since February 24, 1848 until the promulgation of this law.”

This decree speaks for itself and needs no justification.

Out of 400,000 merchants, merchants, manufacturers, workmen, producers of all kinds, travellers, rentiers, etc., who live in the department of the Seine, the owners are not 15,000, not 1 in 30. If it were a question of sacrifices to be made in the general interest, certainly, one could not accuse the decree of striking the great number for the profile of a few, as so often happens in budgetary matters. Far from it, it would be an imperceptible minority sacrificed to the interest of the immense majority.

But it is not a question here of sacrifice, it is only a question of justice.

Built property, instead of continuing its suction-pump game on production, only takes its own amortization. Rents fall everywhere by 25 to 30 percent, the entire population is relieved of an enormous burden; and the proprietor has no more to complain about, no more than the capitalist, no more than the rentier, no more than the bearer of shares. He benefits, like everyone else, from the general good market; he must consequently undergo, like everyone else, and as far as he is concerned, the effects of the competition that exchange makes for capital.

Do you think, citizens, that your affairs would be worse off if tomorrow the legislator, at the same time as he would reopen credit and outlets to you, at the same time as he would make you enjoy an immense reduction in the price of all things, taught you that from February 24, instead of 12 months’ rent which you have to pay each year, you will only have 8? This reduction coming to you like a refreshment to a sick person, would it not be an immense relief to you in this dreadful crisis? Would you believe in a community of household with the Icarians, the Phalansterians, the Egalitarians, because you would enjoy, like them, a reduction on your rent? Would you say that it is the ruin of France, the signal of the bankruptcy and the distress of the country? Would you prefer, to this munificence of the exchange bank, an increase in your patent, in your personal, movable, rental contribution, with all the anguish of a dynastic restoration? Believe me: those who deny property, who know what they deny and what they affirm, want nothing other than liberty of labor through the abolition of interest on capital.

7e DÉCRET. — Fermages ou rente foncière.

Lorsque la réforme des taxes et péages qui grèvent la production, qui arrêtent la circulation, qui rendent impossible la consommation, aura été largement inaugurée : 1° par l’abaissement de l’escompte de 8 à 1 pour cent; 2° par le remboursement de la dette publique ; 3° par l’extinction ou la conversion des créances hypothécaires ; 4° par les remises sur remboursements à échéances ; 5° par la fixation à 1 pour cent des intérêts et dividendes des actions de commandite ; 6° par la tarification des loyers : alors le moment sera venu de réduire aussi le prix des baux agricoles, d’éteindre la rente foncière, en un mot de racheter la terre, de rembourser la propriété,

Le remboursement de la propriété, telle est la conséquence légitime, inévitable, d’une institution de crédit fondée sur l’absence du numéraire et la nullité de l’intérêt.

Ni le fermier ne pouvait être laissé dans une pire condition que celle faite au commerçant et à l’industriel; ni le propriétaire foncier ne pouvait conserver un privilège désormais incompatible avec l’économie générale ; ni le pays ne devait souffrir que l’agriculture fût abandonnée plus longtemps à la misère du métayage t au hasard de la petite culture, au bon plaisir de la routine.

Ainsi, sans rien préjuger sur l’organisation ultérieure de l’agriculture, et me renfermant exclusivement dans la période de transition, je proposerais de décréter par une loi :

Que le taux du fermage pour les terres, prairies, vignobles, etc., de toute qualité, fût réduit de 25 pour cent sur la moyenne des vingt dernières années;

Que les baux fussent prolongés de trois ans, à la convenance des fermiers ;

Que la valeur des propriétés affermées fût calculée en prenant le fermage alloué comme » pour cent du capital ;

Que lorsque, par l’accumulation des annuités, le propriétaire serait rentré dans la valeur de son immeuble, augmentée d’une prime de 20 pour cent, à titre d’indemnité, la propriété fit retour a la société centrale d’agriculture, chargée de pourvoir, par la création de compagnies locales, a l’organisation agricole ;

Que l’obligation de cultiver étant la condition sine quâ non du droit de la propriété, toute terre non cultivée ferait de même retour à la société ;

Que les fermages actuellement échus seraient acquittés moitié en billets d’échange, moitié en numéraire, a la convenance des fermiers;

Qu’à l’expiration du remboursement, les propriétaires, et après eux les fermiers, auraient privilège de gestion et de direction sur la propriété ;

Que l’exécution de cette loi fût confiée à la diligence des parties intéressées.

Qu’est-ce que cette opération de rachat, rendue inévitable par l’immédiateté de l’échange et par lés” conséquences qui en résultent, la démonétisation de la monnaie; la dépréciation du numéraire, l’abolition des taxes prélevées par le capital, le remboursement de la dette publique, l’extinction de l’usure hypothécaire, le nouveau régime d’édilité ; qu’est-ce, dis-je, que ce rachat du sol, dont l’unique but est dé centraliser l’exploitation agricole et dé rendre plus solidaires les diverses parties du territoire,’ sans rien ôter à la liberté et à la responsabilité du laboureur,—a de commun avec la communauté et la loi agraire? Qu’est-ce que la famille peut avoir à en redouter? Qu’est-ce que le principe d’hérédité, le droit de tester, en peuvent souffrir ?

Voulez-vous que l’agriculture double ses produits? Voulez-vous donner à vos ouvriers lé pain, la viande, le vin, tous les objets de consommation, en un mot, à bon marché? Abolissez les taxes qui écrasent le paysan ; organisez le crédit agricole par la banque d’échange, et centralisez l’exploitation du territoire par le rachat. Alors vous verrez les bras se reporter d’eux-mêmes vers l’agriculture : le paysan, assuré de vivre au grand air et au soleil, ne viendra pas chercher l’ombre de nos villes. Alors vous aurez l’équilibre entre les fonctions, l’équivalence entre les produits, l’égalité entre les fortunes. Vous comprendrez que la propriété, réduite ainsi à sa juste mesure, n’est pas autre chose que le droit de consommation; et sans être plus communiste que moi-même, vous direz avec moi que la propriété,, le péage perçu au nom du capital, le dernier des droits féodaux, est un vol !

0 vous, Montagnards, qui n’avez jamais eu que des intentions , et pas une idée, apprenez donc enfin votre métier de révolutionnaires 1 Vous cherchez la liberté, l’égalité, la fraternité ! Vous voulez organiser le travail ! Et vous n’avez d’instrument que la force, d’autorité que la dictature, de principe que la terreur, de théorie que les baïonnettes !… Du 25 février au 23 avril, vous avez eu le pouvoir, et vous n’avez su l’employer que pour le perdre. Vous vouliez frapper le capital, et votre fiscalité routinière n’a su atteindre que le travail. Vous ne saviez pas par où il fallait prendre le capital. Vous étiez devant lui comme une meute altérée de sang en présence d’un hérisson. Fiez-vous-en, une fois, à un homme du métier. Organisez l’échange, l’échange direct , sans numéraire; sans intérêt : et tous ces péages qui arrêtent la circulation, toutes ces taxes qui, sous mille formes, aspirent au profit du parasitisme le plus pur de la richesse sociale tombent sans retour. Au lieu d’attaquer le publicain dans son coffre-fort, attaquez-le dans son industrie. Abaissez les barrières, déliez les bras du travailleur, rognez les ongles au privilège, coupez les vivres au monopole, et puis laissez le producteur jouir de son produit, disposer à son gré du fruit de son travail et de son industrie. Laissez faire, laissez passer, faites place à la liberté : le reste vous sera donné par surcroît.

Est-il donc si difficile de comprendre que c’est par l’argent, par cette fatale chaîne du numéraire , que le travail est inféodé au capital, et la société matérialisée? qu’une fois le travail rendu libre comme la pensée par l’organisation de l’échange, toutes les causes d’inégalité, tous les privilèges , tous les monopoles disparaissent ? que ce premier problème résolu nous donne la clé de tous les autres, depuis le problème de l’impôt jusqu’à celui de la valeur, depuis le problème de la souveraineté jusqu’à celui de la certitude?

Si, par une organisation que le bon sens appelle, que la théorie affirme, que l’expérience atteste, l’échange des produits contre les produits s’opérait d’une manière directe, sans intermédiaire et sans prélèvement, la mutualité du crédit opérant comme capital, comme capital inépuisable et gratuit, la circulation n’aurait pas à supporter une taxe de 400 millions sur ses escomptes, et l’usure financière serait impossible.

L’État pouvant escompter gratuitement ses rentrées, ne serait pas dans la nécessité d’augmenter indéfiniment sa dette et de payer 400 millions de rentes, et l’usure budgétaire serait impossible.

L’industrie et l’agriculture , trouvant des fonds à 1 pour cent au plus et tout frais compris, ne seraient pas écrasées sous une dette permanente et toujours croissante de 14 milliards, et l’usure hypothécaire serait impossible.

Les compagnies par actions , n’ayant à payer non plus pour tous intérêts et dividendes que 1 pour cent, prendraient un nouvel essor et feraient jouir le pays de tous les bénéfices annoncés par leurs programmes, et l’usure commanditaire serait impossible.

Les habitants des villes et des campagnes, grâce à la facilité des constructions, verraient diminuer leurs loyers de 50 et 80 pour cent, restaurer, embellir leurs habitations, et l’usure locative serait impossible.

Le fermier, mettant le marché en main au propriétaire que la loi obligerait d’exploiter ou de faire exploiter à peine de retrait de la propriété, obtiendrait une réduction du tiers, de moitié, de trois quarts, sur le fermage, et l’usure territoriale serait impossible.

Et comme l’abolition de l’usure serait commune à tous, au capitaliste banquier, au rentier de l’État, au créancier hypothécaire, au porteur d’actions, au propriétaire de maisons et de terres ; que chacun d’eux profiterait, comme tous les autres, du bon marché qui en résulterait sur tous les produits ; que d’ailleurs la suppression des intérêts et péages établis sur la circulation impliquerait remboursement immédiat et par annuités de tous les capitaux prêtés ou loués à usure : la Banque d’Échange, en faisant jouir le travailleur de ses incontestables droits, ne ferait pas banqueroute au capitaliste, ne ruinerait personne.

Or, l’usure, soit la redevance payée au capital, ainsi abolie dans l’escompte, la rente, le crédit foncier, la commandite, les loyers et les fermages; toute autre espèce de privilège, cumul, monopole, traitement, sinécure ou parasitisme, se trouve désormais sans prétexte et devient impossible.

La douane, par exemple, serait impossible, les 25 millions qu’elle coûte chaque année seraient épargnés, et la contrebande ne serait plus un délit, car il n’y aurait plus de contrebande. En effet, la production nationale étant dégrevée de plus de 3 milliards 200 millions pour frais généraux de circulation, prêts sur hypothèques, impôts, loyers, commandites et fermages, soit environ de 30 pour cent, elle n’aurait plus rien à craindre delà concurrence étrangère.; dans tous les cas, nos importations devant toutes être payées en papier d’échange , c’est-à-dire en produits, notre capital n’aurait plus à craindre d’être entamé par l’usure du dehors, et son intégralité serait assurée. Le problème de la balance du commerce serait résolu. Du reste, les employés de la douane n’auraient rien à redouter pour leur existence de la réforme : le commerce, l’agriculture et l’industrie, plus prospères que jamais, les auraient bientôt absorbés.

Avec la douane, tous droits analogues, de navigation, circulation, transit, octrois, etc., devraient être également abrogés , ou du moins réduits dans une large mesure. Ce serait l’objet d’un 8e DÉCRET, que je voudrais confier, pour l’exécution, aux citoyens les moins suspects de mollesse à l’encontre de la douane, aux libres-échangistes.

7th decree. — Farm rent or ground rent.

When the reform of taxes and tolls that burden production, that stop circulation, that make consumption impossible, will have been largely inaugurated: 1st, by lowering the discount from 8 to 1 per cent; 2nd, by the repayment of the public debt; 3rd, by extinguishing or converting mortgage claims; 4th, by discounts on repayments at maturity; 5th, by setting interest and dividends on limited partnership shares at 1 per cent; 6th, by the scaling of rents: then the time will have come to also reduce the price of agricultural leases, to extinguish land rent, in a word to buy back the land, to reimburse property.

The reimbursement of property, such is the legitimate, inevitable consequence of a credit institution based on the absence of cash and the nullity of interest.

Neither could the farmer be left in a worse condition than that done to the tradesman and the industrialist; nor could the landowner retain a privilege henceforth incompatible with the general economy; nor should the country allow agriculture to be abandoned any longer to the misery of share-cropping, to the hazard of small-scale farming, to the good pleasure of routine.

Thus, without prejudging anything about the subsequent organization of agriculture, and confining myself exclusively to the transition period, I would propose to decree by law:

That the rate of rent for land, meadows, vineyards, etc., of any quality, be reduced by 25 per cent on the average of the last twenty years;

That the leases be extended for three years, at the convenience of the tenants;

That the value of the leased properties should be calculated by taking the rent allocated as a per cent of the capital;

That when, by the accumulation of the annuities, the owner would have returned in the value of his building, increased by a premium of 20 per cent, by way of indemnity, the property returned to the central society of agriculture, charged with providing, by the creation of local companies, for the agricultural organization;

That the obligation to cultivate being the sine qua non condition of the right of property, all uncultivated land would likewise return to society;

That the rents currently due would be paid half in exchange notes, half in cash, at the convenience of the farmers;

That at the expiration of the repayment, the proprietors, and after them the tenants, would have privilege of management and direction on the property;

That the execution of this law be entrusted to the diligence of the interested parties.

What does this redemption operation, made inevitable by the immediacy of the exchange and by the resulting consequences, the demonetization of money; the depreciation of cash, the abolition of taxes levied on capital, the reimbursement of the public debt, the extinction of mortgage usury, the new system of aedility; what, I say, does this redemption of the soil, the sole aim of which is to decentralize agricultural exploitation and to make the various parts of the territory more united, without taking anything away from the freedom and responsibility of the laborer, — have in common with community and the agrarian law? What can the family have to fear? What can the principle of heredity, the right to bequeath, suffer?

Do you want agriculture to double its products? Would you give your workmen bread, meat, wine, all articles of consumption, in a word, cheaply? Abolish the taxes that crush the peasant; organize the agricultural credit through the exchange bank, and centralize the exploitation of the territory by repurchase. Then you will see the arms turning themselves towards agriculture: the peasant, assured of living in the open air and in the sun, will not come to seek the shade of our cities. Then you will have balance between functions, equivalence between products, equality between fortunes. You will understand that property, thus reduced to its proper measure, is nothing other than the right of consumption; and without being more communist than myself, you will agree with me that property, the toll collected in the name of capital, the last of the feudal rights, is a theft!

Oh you, Montagnards, who have only ever had intentions, and not an idea, learn your trade as revolutionaries at last! You are seeking liberty, equality, fraternity! You want to organize labor! And you have no instrument but force, no authority but dictatorship, no principle but terror, no theory but bayonets!… From February 25 to April 23, you had power, and you knew how to use it only to lose it. You wanted to tax capital, and your routine taxation only managed to touch labor. You didn’t know where to get the capital. You were in front of it like a pack thirsty for blood in the presence of a hedgehog. Trust things, once, to a skilled person. Organize exchange, direct exchange, cashless; without interest: and all those tolls that stop traffic, all these taxes that, in a thousand forms, aspire to the profit of the purest parasitism of social wealth fall irretrievably. Instead of attacking the publican in his safe, attack him in his industry. Lower the barriers, untie the arms of the laborer, trim the nails for privilege, cut off the provisions for the monopoly, and then let the producer enjoy his product, dispose as he pleases of the fruit of his labor and his industry. Laissez faire, laissez passez, make room for liberty: the rest will be given to you in addition.

Is it then so difficult to understand that it is by money, by this fatal chain of cash, that labor is subjugated to capital, and society materialized? That once labor has been made free like thought by the organization of exchange, all causes of inequality, all privileges, all monopolies disappear? That this first problem solved gives us the key to all the others, from the problem of taxation to that of value, from the problem of sovereignty to that of certainty?

If, by an organization that common sense calls for, that theory affirms, that experience attests, the exchange of products for products took place in a direct manner, without intermediary and without deduction, the mutuality of credit operating as capital, as inexhaustible and free capital, circulation would not have to support a tax of 400 million on its discounts, and financial usury would be impossible.

The State being able to discount its receipts free of charge, would not be in the need to increase its debt indefinitely and to pay 400 million rents, and budgetary wear and tear would be impossible.

Industry and agriculture, finding funds at 1 percent at the most and all expenses included, would not be crushed under a permanent and ever increasing debt of 14 billions, and mortgage usury would be impossible.

Joint-stock companies, having to pay no more for all interest and dividends than 1 per cent, would take a new impetus and would make the country enjoy all the profits announced by their programs, and mortagage usury would be impossible.

The inhabitants of the towns and the countryside, thanks to the ease of construction, would see their rents reduced by 50 and 80 per cent, their homes restored and embellished, and rental wear and tear would be impossible.

The farmer, putting the market in hand to the owner whom the law would oblige to exploit or have exploited under penalty of withdrawal of the property, would obtain a reduction of one-third, one-half, three-quarters, on the rent, and territorial usury would be impossible.

And as the abolition of usury would be common to all, to the capitalist banker, to the rentier of the State, to the mortgage creditor, to the bearer of shares, to the owner of houses and lands; that each of them would profit, like all the others, from the good market which would result from it on all the products; that, moreover, the abolition of interest and tolls established on circulation would imply immediate reimbursement and in annual installments of all capital loaned or rented for usury: the Bank of Exchange, by making the worker enjoy his incontestable rights, would not bankrupt the capitalist, would not ruin anyone.

Now, usury, that is, the royalty paid to capital, thus abolished in the discount, the rent, the land credit, the sponsorship, the rents and the rents; any other kind of privilege, accumulation, monopoly, salary, sinecure or parasitism, is henceforth found without pretext and becomes impossible.

Customs, for example, would be impossible, the 25 million it costs each year would be saved, and smuggling would no longer be an offence, because there would be no more smuggling. In fact, national production being reduced by more than 3 billion 200 million for general circulation costs, loans on mortgages, taxes, rents, sponsorships and rents, that is to say approximately 30 per cent, it would no longer have anything to fear from foreign competition; in any case, our imports all having to be paid for in paper exchange, that is to say, in products, our capital would no longer have to fear being damaged by usury from outside, and its integrity would be assured. The balance of trade problem would be solved. Moreover, customs employees would have nothing to fear for their existence from the reform: commerce, agriculture and industry, more prosperous than everm wiykd soon be absorbed.

With customs, all analogous rights of navigation, circulation, transit, attributions, etc., should also be abrogated, or at least reduced to a large extent. This would be the subject of an 8th decree, which I would like to entrust, for the execution, to the citizens least suspected of softness against the customs, to the free traders.

9e DÉCRET. — Traitements et cumuls.

Le gouvernement, sous la République aussi bien que sous la monarchie, a toujours reculé devant les demandes réitérées de réduction de traitements de ses fonctionnaires : pourquoi cela? Parce qu’il ne serait pas juste , parce qu’il n’est pas possible que les fonctionnaires de l’État, chacun suivant son mérite et sa dignité, jouissent d’une existence inférieure à celle des ouvriers, commerçants, industriels et propriétaires, ayant des facultés égales et une position analogue.

Autrement, personne ne voudrait servir l’État, et le gouvernement serait livré à des esclaves. Un facteur rural peut-il gagner moins qu’un tailleur? Un directeur des Postes, de Sèvres, de la Régie, des Gobelins, un préfet, peut-il être moins payé qu’un directeur de compagnie de chemin de fer ou de mine ? Un président dé cour d’appel doit-il être au-dessous d’un avocat? Un ministre plus mal logé qu’un banquier?…

Dans le système actuel, les économies sur les traitements sont impossibles : avec la Banque d’Échange, ces considérations n’existent plus. Les capitalistes, rentiers, propriétaires, commerçants, industriels et autres, qui tiraient la majeure partie de leurs revenus de l’intérêt de leurs capitaux, ne seraient plus un objet d’envie et un argument de l’ambition. Tout au contraire, ce seraient eux qui viendraient réclamer une compensation.à leurs redevances perdues; et comme, cette fois, l’intérêt des bourgeois serait d’accord avec celui du Peuple, le gouvernement serait forcé de s’exécuter devant la volonté générale.

C’est eh prévision de cet inévitable résultat de la Banque d’Échange , que je proposerais à l’Assemblée de rendre le décret suivant :

« Attendu que, par l’organisation de l’échange, les capitalistes ayant des fonds engagés dans le commerce, les rentiers de l’État, les prêteurs sur hypothèque, les porteurs d’actions, et les propriétaires d’immeubles ont vu successivement diminuer et annihiler la productivité de leurs capitaux ; — Que tous ensemble ont été mis dans la nécessité d’exploiter et faire valoir eux-mêmes leurs propriétés, à peine de manger le fonds et de perdre le revenu, ou même d’être déchus de leur titre; — Que les entrepreneurs d’industrie ont été forcés, à leur tour, de baisser le prix de leurs produits par la concurrence de l’étranger ; —Que de celte réduction progressive des intérêts, rentes, loyers, fermages, dividendes et bénéfices, ainsi que du travail des capitalistes et propriétaires, il est résulté une augmentation, considérable dans la richesse publique et dans le bien-être des particuliers ; — Que cette amélioration a profité aux fonctionnaires de l’État, comme à tous les citoyens; — Qu’il est juste, par conséquent, que lesdits fonctionnaires y contribuent, d’autant plus que leurs fonctions sont essentiellement improductives :

« Le maximum de traitement des fonctionnaires de l’État est fixé à 40,000 francs.

« Les traitements inférieurs à 4 0,000 francs existant a ce jour, seront réduits dans les proportions ci-après :

De 25 francs à 20 francs, par jour, 1/3

De 20 francs à 45 francs, — 1/4

De 45 francs à 40 francs, — 1/5

De 40 francs à 7 francs 50 centimes, — 1/6

De 7 francs 50 centimes a 5 francs , — 1/7

De 5 francs à 4 francs, — 1/8

De 4 francs a 3 francs 50 centimes, — 1/10

De 3 francs 50 centimes à 3 francs, — 1/12

De 3 francs a 2 francs 50 centimes, — 1/15

De 2 francs 50 centimes à 2 francs, — 1/20

« Les pensions seront réduites suivant la même échelle de proportion.

« Tout cumul d’emploi, lorsque la somme des traitements réunis dépassera 2,400 francs, est interdit.

« Le chiffre fixé pour chaque traitement et salaire ne pourra jamais être rehaussé,

« La réduction sur les salaires ne descendra provisoirement que jusqu’à 2 francs. Mais l’État ne garantit à ses employés aucun minimum : il admet en principe, et partout, avec l’égalité de l’échange, la libre concurrence, la sous-enchère et le marchandage, en un mot la réduction à l’infini. »

9th decree. — Salaries and accumulations.

The government, under the Republic as well as under the monarchy, has always recoiled before repeated demands for a reduction in the salaries of its civil servants. Why is that? Because it would not be just, because it is not possible that the functionaries of the State, each according to his merit and his dignity, enjoy an existence inferior to that of workmen, merchants, manufacturers and owners, having equal faculties and an analogous position.

Otherwise, no one would want to serve the state, and the government would be delivered to slaves. Can a rural postman earn less than a tailor? Can a director of the Post Office, of Sèvres, of the Régie, of the Gobelins, a prefect be paid less than a director of a railway company or a mine? Should a president of a court of appeal be below a lawyer? A minister worse off than a banker?…

In the current system, savings on salaries are impossible: with the Bank of Exchange, these considerations no longer exist. The capitalists, rentiers, proprietors, merchants, industrialists and others, who derived the greater part of their income from the interest on their capital, would no longer be an object of envy and an argument for ambition. On the contrary, it would be they who would come to claim compensation for their lost royalties; and as, this time, the interest of the bourgeois would agree with that of the people, the government would be forced to carry out the general will.

It is in anticipation of this inevitable result of the Bank of Exchange, that I would propose to the Assembly to issue the following decree:

“Whereas, by the organization of exchange, the capitalists having funds engaged in trade, the rentiers of the State, the lenders on mortgages, the holders of shares, and the owners of buildings have seen successively diminish and annihilate the productivity of their capitals; — That all together have been put under the necessity of exploiting and asserting their properties themselves, on pain of eating up the fund and losing the revenue, or even being stripped of their title; — That industrial entrepreneurs have been forced, in their turn, to lower the price of their products by competition from abroad; —That from this progressive reduction of interest, rents, rents, rents, dividends and profits, as well as of the labor of the capitalists and proprietors, there has resulted an increase, considerable in public wealth and in the well-being of individuals; — That this improvement has benefited the functionaries of the State, as well as all citizens; — That it is right, therefore, that the said officials contribute to it, especially since their functions are essentially unproductive:

“The maximum salary of civil servants is fixed at 40,000 francs.

“Salaries of less than 40,000 francs existing to date will be reduced in the following proportions:

From 25 francs to 20 francs, per day, 1/3

From 20 francs to 45 francs, — 1/4

From 45 francs to 40 francs, — 1/5

From 40 francs to 7 francs 50 centimes, — 1/6

From 7 francs 50 centimes to 5 francs, — 1/7

From 5 francs to 4 francs, — 1/8

From 4 francs to 3 francs 50 centimes, — 1/10

From 3 francs 50 centimes to 3 francs, — 1/12

From 3 francs to 2 francs 50 centimes, — 1/15

From 2 francs 50 centimes to 2 francs, — 1/20

“Pensions will be reduced on the same scale of proportion.

“Any combination of jobs, when the sum of the combined salaries exceeds 2,400 francs, is prohibited.

“The figure fixed for each salary and wage can never be raised,

“The reduction on wages will only go down temporarily to 2 francs. But the State does not guarantee its employees any minimum: it admits in principle, and everywhere, with equality of exchange, free competition, underbidding and bargaining, in a word, reduction to infinity.”

10e DÉCRET. — Offices ministériels et tarifs.

Réduire les traitements des employés de l’État, de même que diminuer les escomptes, les impôts, les intérêts de capitaux, les bénéfices de monopoles, c’est la même chose que diminuer les frais généraux de la production, et conséquemment augmenter la richesse publique. D’après ce principe, et par tous les motifs précédemment exprimés, l’État ou la société qu’il représente serait donc encore en droit de rechercher et d’exiger une économie analogue sur les honoraires, commissions et tarif des offices ministériels, notaires, avoués, huissiers, greffiers, agents de change, courtiers de commerce, commissaires-priseurs et autres emplois dont les titulaires, bien que personnellement responsables et indépendants de l’État, relèvent pourtant de l’État.

Par la même raison encore, l’État devrait imposer une réduction égale aux compagnies de chemins de fer, de crocheteurs, de modaires, à toutes corporations exerçant, par privilège, des services publics ou des fonctions libres. La chose est facile, et ce serait justice.

Je voudrais donc qu’il fût rendu un décret portant réduction de 20, 25 et même 50 pour cent, suivant les cas, de tous ces tarifs; et j’ai la science et la conscience que le gouvernement aurait fait chose utile, juste et de bon exemple.

10th decree. — Ministerial offices and tariffs.

To reduce the salaries of the employees of the State, just as to diminish the discounts, the taxes, the interest on capital, the profits of monopolies, is the same thing as to diminish the general costs of production, and consequently to increase the public wealth. According to this principle, and for all the reasons previously expressed, the State or the society that it represents would therefore still be entitled to seek and demand a similar economy on the fees, commissions and tariffs of ministerial offices, notaries, attorneys, bailiffs, clerks, stockbrokers, commercial brokers, auctioneers and other positions whose holders, although personally responsible and independent of the State, nevertheless come under the State.

For the same reason again, the State should impose an equal reduction on railway companies, locksmiths, moderators, on all corporations exercising, by privilege, public services or free functions. The thing is easy, and it would be justice.

I would therefore like a decree to be issued reducing all these tariffs by 20, 25 and even 50 per cent, depending on the case; and I have the science and the consciousness that the government would have done something useful, just and of good example.

11° DÉCRET. — Appointements et salaires.

S’il est vrai que réduire les intérêts du capital et le budget de l’État ce soit diminuer les frais généraux de la production, et que diminuer les frais généraux de la production ce soit augmenter la richesse générale ; il faut dire aussi, et c’est le corollaire de toutes les propositions précédentes, que, dans ce régime d’égalité de l’échange, où ni le capital, ni le privilège, ni le parasitisme ne prélèvent rien, où l’État est ramené au strict nécessaire, et l’impôt à sa plus juste et plus simple expression , où le producteur reçoit l’équivalent de son produit, dans cette situation, dis-je, il faut dire que plus le salaire diminue, plus le travailleur s’enrichit.

En effet, diminution de salaire est synonyme d’augmentation de travail : puisque, si vous exprimez par 5 francs ou par 5 schellings, ou par 80 batz, ou par 25 grammes d’argent, ou ce qui revient au même , mais qui est beaucoup plus exact et qui ne varie jamais, par dix heures de travail, la même quantité de drap, de toile ou de calicot, que vous exprimiez auparavant par 6 francs, ou 6 schellings, ou 40 batz, ou 30 grammes d’argent, ou douze heures de travail, il est clair qu’à cette.réduction de la quantité qu’on appelle salaire, correspond une augmentation équivalente de cette autre quantité qu’on appelle produit. Et si la réduction a lieu pour tout le monde et sans exception, il est-évident encore qu’à celte réduction générale des salaires correspondra une augmentation générale de la production collective ; que si, par exemple, la somme des réductions ainsi opérées sur les salaires, est d’un milliard, l’accroissement du produit national sera d’un milliard. .

Ce qui produit la misère n’est donc pas la baisse générale des salaires, c’est leur abaissement inégal et partiel. C’est en ce sens qu’on peut dire que certaines classes d’ouvriers gagnent trop, tandis que d’autres gagnent trop peu; l’inégalité, ou pour mieux dire, le défaut de proportion qui résulte des privilèges, monopoles, agiotages, surproductions, etc., rendant les uns exploiteurs des autres , absolument comme le capitaliste est exploiteur de l’industriel.

C’est donc aux travailleurs que je fais appel en ce moment : c’est à leur justice, àleur patriotisme que je m’adresse. Eux, pour qui s’est faite la Révolution de février ; eux qui ont arboré l’antique bannière républicaine , avec la devise Liberté, Egalité, Fraternité, voudront-ils à leur tour devenir exploiteurs, et, par égoïsme, par hypocrisie, par mauvaise foi, et, par un calcul stupide, voudront-ils arrêter la Révolution? Qu’ils le disent au plus vite, car de leur réponse dépend l’avenir de leurs enfants, l’avenir de la société ; et j’atteste, pour ma part, que leur refus rendrait impossible toute amélioration de la classe ouvrière.

Je proposerais donc que la mesure indiquée par les deux décrets précédents , relativement aux employés de l’État, ainsi qu’aux officiers ministériels et aux corporations privilégiées, fût généralisée et étendue à toutes les classes de travailleurs;

Qu’en conséquence, INVITATION fût adressée par le gouvernement à tous entrepreneurs, fabricants, commerçants, extracteurs, artisans, ouvriers, producteurs de toute espèce, de réduire spontanément leurs appointements et salaires, suivant l’échelle proposée pour les salariés de l’État.

Les salaires réduits ne pourraient jamais être rehaussés : la société admet en principe que la réduction du salaire étant synonyme d’augmentation du produit, doit être irrévocable et indéfinie.

Il serait indispensable, pour le bon ordre et la bonne réglée que les ateliers, manufactures, établissements industriels, etc., publiassent l’état comparatif de leurs appointements et salaires, antérieurement et postérieurement au décret.

Faute par les manufacturiers, industriels, commerçants, entrepreneurs, agriculteurs, artisans, commis , contremaîtres, ouvriers de tout genre et de toute espèce, de se rendre à son invitation fraternelle, le gouvernement devrait déclarer la question sociale insoluble , et la Révolution de février non-avenue.

11th decree. — Salaries and wages.

If it is true that to reduce the interests of capital and the budget of the State is to diminish the general costs of production, and that to reduce the general costs of production is to increase general wealth; it must also be said, and this is the corollary of all the preceding propositions, that in this regime of equality of exchange, where neither capital, nor privilege, nor parasitism levy anything, where the State is reduced to what is strictly necessary, and taxation is reduced to its fairest and simplest expression, where the producer receives the equivalent of his product, in this situation, I say, it must be said that the more the wages decrease, the richer the worker becomes.

In fact, a decrease in wages is synonymous with an increase in work: since, if you express by 5 francs or by 5 shillings, or by 80 batz, or by 25 grams of silver, or what amounts to the same, but which is much more exact and which never varies, per ten hours of work, the same quantity of cloth, linen or calico, which you previously expressed by 6 francs, or 6 shillings, or 40 batz, or 30 grams of silver, or twelve hours of labour, it is clear that to this reduction in the quantity that is called wages, corresponds an equivalent increase in that other quantity that is called product. And if the reduction takes place for everyone and without exception, it is still evident that to this general reduction of wages will correspond a general increase in collective production; that if, for example, the sum of the reductions thus effected on wages is one billion, the increase in the national product will be one billion.

What produces misery, therefore, is not the general fall in wages, it is their unequal and partial lowering. It is in this sense that one can say that certain classes of workers earn too much, while others earn too little; the inequality, or to speak more correctly, the lack of proportion that results from privileges, monopolies, speculation, overproduction, etc., making some exploiters of others, just as the capitalist is the exploiter of the industrialist.

It is therefore to the workers that I am appealing at this moment: it is to their justice, to their patriotism that I am addressing myself. They, for whom the February Revolution was made; will they who raised the old republican banner, with the motto Liberty, Equality, Fraternity, want in their turn to become exploiters, and, out of selfishness, hypocrisy, bad faith, and, out of a stupid calculation, will they want to stop the Revolution? Let them say it as soon as possible, because on their answer depends the future of their children, the future of society; and I attest, for my part, that their refusal would make any improvement of the working class impossible.

I would therefore propose that the measure indicated by the two preceding decrees, relative to the employees of the State, as well as to the ministerial officers and to the privileged corporations, should be generalized and extended to all classes of workers;

That consequently, INVITATION be addressed by the government to all entrepreneurs, manufacturers, traders, extractors, artisans, workers, producers of all kinds, to spontaneously reduce their salaries and wages, according to the scale proposed for the employees of the State.

Reduced wages could never be raised: society admits in principle that the reduction of wages, being synonymous with an increase in product, must be irrevocable and indefinite.

It would be indispensable, for good order and good rule, that the workshops, factories, industrial establishments, etc., publish the comparative statement of their salaries and wages, before and after the decree.

Failing by the manufacturers, industrialists, merchants, entrepreneurs, farmers, artisans, clerks, foremen, workmen of every kind and every species, to yield to its fraternal invitation, the government should declare the social question insoluble, and the February Revolution void.

12e DÉCRET. — Fixation des prix. — Marques de fabrique.

Si, comme on n’en saurait douter, la classe ouvrière et ses chefs, actuellement les bourgeois, répondaient à l’appel du gouvernement sur la question des salaires, alors ce serait le cas de constater officiellement, par une tarification gênéraie des prix, la remise à laquelle chaque citoyen et la société toute entière ont droit sur la vente des divers produits par les réductions de salaires et d’intérêts qu’ils ont subies.

En termes techniques, il y aurait lieu, après avoir déterminé le débit de chaque citoyen envers la société, par la fixation des appointements et salaires, de déterminer son crédit par la fixation du prix des choses. Nous touchons à la question la plus délicate de toute l’économie politique. Il s’agit d’exécuter sur le prix des marchandises la même opération de mutuellisme que nous avons faite sur leur échange.

Par la Banque d’Échange, par le principe de réciprocité qui en fait la base, nous avons organisé l’échange des produits, directement, et sans frais. Mais ces produits, d’après les lois de la Banque, doivent être facturés, livrés, acceptés, et leur remboursement convenu de part et d’autre ; c’est-à-dire que la valeur d’échange de ces produits contradictoirement débattue, a dû recevoir son expression préalable et définitive. Sans cette fixation préalable du prix, le billet de commerce est non-avenu, conséquemment l’escompte et la circulation en est impraticable, par cette raison de droit que la vente, ainsi que l’échange, n’existe que lorsqu’on est convenu de la chose et du prix. Actuellement il s’agit, par une mesure de garantie mutuelle, de déterminer le prix des choses, de telle sorte que la réduction du prix à payer pour chaque objet assure une compensation au moins égale à la réduction opérée sur le salaire.

Je dis que l’État ne doit procéder ici qu’avec prudence et circonspection, ne rien exiger par contrainte, borner son initiative à éclairer les citoyens, les inviter à concourir librement à ses vues, en organisant eux-mêmes la vente et l’achat sur le principe de mutualité, attendre enfin, de la libre adhésion des producteurs, ou, à défaut, de leur concurrence duement sollicitée, la production des faits nouveaux, qui devront servir de prémisses à la partie positive des réformes.

Voici, par aperçu, en quoi consisterait ce nouveau pacte de mutualité, dont le décret devrait présenter in extenso les statuts.

Il serait formé une Société mutuelle pour les ventes et achats entre tous fabricants, artisans, entrepreneurs, ouvriers, directeurs de compagnies, gérants de société, producteurs quelconques, qui adhéreraient aux statuts de la société.

Les conditions d’admission dans la société seraient les suivantes?

1° L’associé s’engagerait à faire connaître le prix de revient de ses produits suivant leurs qualités et espèces, décomposé de la manière suivante : a Matières premières. Indication de leur nature et de leur prix. b Main-d’oeuvre ou salaires, y compris les appointements

de l’entrepreneur ; c Frais généraux (impôts, commissions d’escompte, amortissement et entretien de machines et ustensiles, loyers, frais de bureaux, avaries, etc.) d Retenue ou prime d’assurance pour incendie, intempérie, inondation, risques de navigation, grêle, gelée, épizootie, maladie, vieillesse, chômage, incapacité de travail, en un mot, tous accidents de force majeure quelconques. Les économies obtenues par l’habileté personnelle, comme par les méthodes, procédés, inventions et applications particulières à l’exploiteur, resteraient en dehors.

Le tarif des .prix ainsi décomposés pour chaque produit serait placardé dans les magasins de l’entrepreneur et chaque produit porterait une marque indiquant le nom du fabricant, le lieu de fabrication, la nature, la qualité, et le prix de la marchandise.

2° Cette publication faite, le fabricant ou entrepreneur s’engagerait en outre à livrer, au prix de revient ainsi établi, à tous consommateurs faisant comme lui partie de la société mutuelle pour les ventes et achats, et à toute réquisition, ses produits et services : toute réserve faite, en faveur de l’exploitant, des bénéfices obtenus par son habileté et sa méthode particulière, et en faveur des co-associés, de donner la préférence à tous producteurs, faisant ou non partie de la société, dont les prix offriraient plus d’avantage. Une loi spéciale réglerait, dans ce système, les droits et privilèges des inventeurs qui mettraient leurs découvertes à la disposition de la Société.

Sans doute, après la réduction générale des intérêts de capitaux et salaires d’ouvriers, la baisse se ferait naturellement sur tous les produits, et l’on peut croire que la formation de la nouvelle société dont je parle n’ajoutera guère à la sécurité du public et des consommateurs. Mais je ferai observer qu’il ne suffit pas d’obtenir une réduction telle quelle du prix des produits, qu’il faut arriver sur ce point à une réduction exacte et officielle, comme nous sommes arrivés à une réduction officielle des salaires ; que lé but de la révolution sociale est de révéler la société à elle-même, en la forçant de se rendre compte de tout par poids et mesures ; qu’il est temps de sortir du chaos mercantile, où le travailleur est aventuré comme dans un coupe-george, et qui ne profite qu’à l’agiotage et à la fraude.

J’ajoute que la légalisation du prix, ou la constitution de la valeur, expression la plus haute de la liberté et de la mutualité, forme la transition nécessaire entre les lois négatives et les lois positives de l’économie sociale. Ceci me conduit à la troisième partie de ce programme, à la forme de gouvernement.

12th decree. — Fixing of prices. — Trademarks.

If, as there can be no doubt, the working class and its leaders, currently the bourgeois, answered the call of the government on the question of wages, then it would be the case to officially establish, by a general scaling of prices, the discount to which each citizen and society as a whole are entitled on the sale of the various products by the reductions in wages and interest that they have suffered.

In technical terms, it would be necessary, after having determined the debit of each citizen towards society, by fixing salaries and wages, to determine his credit by fixing the price of things. We touch on the most delicate question in all of political economy. It is a question of carrying out on the price of commodities the same operation of mutualism that we have carried out on their exchange.

Through the Bank of Exchange, through the principle of reciprocity that forms its basis, we have organized the exchange of products, directly, and free of charge. But these products, according to the laws of the Bank, must be invoiced, delivered, accepted, and their reimbursement agreed on by both sides; that is to say that the exchange value of these contradictorily debated products had to receive its prior and definitive expression. Without this prior fixing of the price, the commercial note is void, consequently the discount and the circulation of it is impracticable, for this legal reason that the sale, as well as the exchange, only exists when the thing and the price have been agreed. At present it is a question, by a measure of mutual guarantee, of determining the price of things,

I say that the State must proceed here only with prudence and circumspection, not to demand anything by constraint, to limit its initiative to enlightening the citizens, to invite them to contribute freely to its views, by organizing the sale and purchase themselves on the principle of mutuality, to finally wait, from the free adhesion of the producers, or, failing that, from their duly solicited competition, the production of new facts, which will have to serve as premises for the positive part of the reforms.

Here is an overview of what this new pact of mutuality would consist of, the statutes of which should be presented in extenso in the decree.

A Mutual Society would be formed for sales and purchases between all manufacturers, craftsmen, contractors, workers, company directors, company managers, any producers, who would adhere to the statutes of the society.

The requirements for admission into the society would be as follows?

1. The partner undertakes to make known the cost-price of its products according to their qualities and species, broken down as follows:

a. Raw materials. Indication of their nature and price.

b. Labor or wages, including salaries of the contractor;

c. Overheads (taxes, discount commissions, depreciation and maintenance of machinery and utensils, rent, office costs, damage, etc.)

d. Deduction or insurance premium for fire, bad weather, flood, navigational risks, hail, frost, epizootic disease, illness, old age, unemployment, incapacity for work, in a word, all accidents of force majeure whatsoever.

The savings obtained by personal skill, as well as by the methods, processes, inventions and applications peculiar to the exploiter, would remain outside.

The list of prices thus broken down for each product would be posted in the stores of the contractor and each product would bear a mark indicating the name of the manufacturer, the place of manufacture, the nature, the quality, and the price of the goods.

2. This publication having been made, the manufacturer or entrepreneur would further undertake to deliver, at the cost price thus established, to all consumers who, like him, are part of the mutual society for sales and purchases, and at any request, his products and services: all reservations made, in favor of the operator, of the profits obtained by his skill and his particular method, and in favor of the co-partners, to give preference to all producers, whether or not part of the society, whose prices would offer more advantage. A special law would regulate, in this system, the rights and privileges of inventors who would place their discoveries at the disposal of the Society.

Undoubtedly, after the general reduction of the interest on capital and wages of workmen, the decrease would be made naturally on all the products, and one can believe that the formation of the new company of which I speak will hardly add to the safety of the public and the consumers. But I will point out that it is not enough to obtain a reduction as such in the price of products, that on this point it is necessary to arrive at an exact and official reduction, as we have arrived at an official reduction in wages; that the aim of the social revolution is to reveal society to itself, by forcing it to realize everything by weight and measure; that it is time to emerge from the mercantile chaos, in which the laborer has ventured as into a death-trap, and which only profits speculation and fraud.

I would add that the legalization of price, or the constitution of value, the highest expression of freedom and mutuality, forms the necessary transition between the negative laws and the positive laws of the social economy. This brings me to the third part of this program, the form of government.

III. — FORME DE GOUVERNEMENT.

Cette profession de foi, ou ce programme révolutionnaire, que je regrette d’avoir fait si long, il ne tient qu’à vous, citoyens électeurs, d’y voir une charte économique»

Le premier décret proposé à vos suffrages, celui relatif à l’établissement de la Banque d’Échange, et qui, par ses conséquences, engendre tous les autres, serait, à ce point de vue, l’article organique de la nouvelle charte.

Les décrets suivants, depuis le n° 2 jusqu’au n° 12, qui tous impliquent réduction ou abrogation de quelque partie de l’ancien système économique, nous les appellerions articles résolutifs.

Le dernier de ces articles a, de plus, un caractère essentiellement transitoire.

Les décrets suivants seraient pour nous les articles constitutifs ; il me suffira, pour aujourd’hui, d’en énoncer l’esprit général, le but et l’objet.

Qui ne voit que l’organisation mutuelliste dé l’échange, de la circulation, du crédit, des ventes et achats, l’abolition des taxes et péages de toute nature qui grèvent là production et mettent l’interdit sur les marchandises, poussent irrésistiblement les producteurs, chacun suivant sa spécialité, vers une centralisation analogue à celle de l’État, mais dans laquelle personne n’obéit ni ne dépend, et où tout le monde est libre et souverain?

La cause première de ce mouvement centralisateur est dans l’inégalité des facultés industrielles comme des moyens de production.

Ainsi, il est fatal que la gratuité de l’escompte amenant l’extinction des créances hypothécaires, la réduction progressive des loyers, fermages et salaires, et finalement la liquidation des propriétés, la société toute entière, un être de raison, se trouve tout à coup, par le seul fait de l’affranchissement du commerce et do l’industrie, substituée aux anciens détenteurs de capitaux et propriétaires. L’économie publique inclinerait donc au communisme, soit à la dictature industrielle-agricole, si l’État, poursuivant son initiative révolutionnaire, développant toujours son principe de libre travail comme de libre échange, ne consolidait les résultats précédemment obtenus par une application supérieure du principe de mutualité.

Si, par exemple, l’État, en même temps qu’il procurerait aux agriculteurs l’extinction de leurs dettes, la réduction de leurs fermages, le remboursement du sol, exigeait de toutes les exploitations agricoles, privées ou corporatives, qu’elles s’assurassent mutuellement contre les inégalités de qualité du sol et contre tous les désavantages de culture, aussi bien que contre les accidents de la température et les ravages du feu, de l’eau et des insectes ; s’il faisait de cette mutuelle assurance la condition des avantages qu’il offre par la Banque d’Échange ; il est évident que, dans ce système, toutes les exploitations restant indépendantes et libres, la responsabilité étant complète, la solidarité n’existant que pour les inégalités de la nature et les accidents de force majeure, les salaires, appointements et bénéfices pourraient être uniformes sans que l’État intervînt dans l’exploitation, et que l’industrie agricole pourrait être aussi fortement centralisée que l’est aujourd’hui l’administration, mais avec cette différence, qu’ici la centralisation est encore hiérarchique, tandis que là elle serait de plein saut libérale, elle serait égalitaire.

Ce que je dis de l’agriculture aurait également lieu pour les autres industries, extractive, industrielle, commerciale. Le même mouvement, la même loi, gouverne toutes les formes de l’activité humaine.

On conçoit, d’après cela, ce que je veux dire, quand je propose de consigner au Bulletin des Lois les décrets suivants, dont il ne s’agit plus que de développer les motifs, et de rédiger les articles :

13e DÉCRET. — Centralisation de l’industrie extractive.

14e DÉCRET. — Centralisation de l’industrie manufacturière.

15e DÉCRET. — Centralisation de l’industrie commerciale.

16e DÉCRET. — Centralisation de l’industrie agricole.

17e DÉCRET. — Centralisation des sciences, lettres et arts.

Chacune de ces grandes catégories nommerait son ministre, formerait son administration centrale, supporterait les frais qui lui seraient propres, et en serait débitée par la Banque. L’État lui-même n’aurait point à intervenir, il ne paraîtrait nulle part.

L’organisation, dans chacune de ces cinq grandes catégories, serait essentiellement démocratique ; les nominations seraient faites à la majorité, soit relative, soit absolue, ou à des majorités plus fortes, suivant l’objet et les circonstances. Les appointements et salaires, depuis le salaire de l’apprenti jusqu’au traitement du ministre, seraient l’objet d’une révision incessante.

Restent maintenant à régler, par autant de lois spéciales, les objets d’utilité publique qui intéressent toute la nation, et ne se rapportent, en particulier, pas plus à l’une qu’à l’autre des catégories industrielles.

Ces objets sont :

1° L’enseignement, que je voudrais libre, combiné avec l’apprentissage dont il n’est que l’auxiliaire, rendu moins abstrait par des applications constantes, et soumis à l’élection des citoyens.

2° Les travaux publics, où je demanderais plus de connaissance pratique, et surtout plus de responsabilité.

3° La statistique, qui existe à peine, sans laquelle l’État et la société n’ont qu’une existence instinctive, et, ne pouvant se rendre compte de rien, naviguent d’écueil en écueil, de naufrage en naufrage.

4° La justice, unique dans sa forme, et à deux degrés seulement de juridiction. La science économique prouve combien est fausse, et l’expérience combien est funeste, cette distinction de justice civile, justice administrative, justice commerciale. Au lieu de vingt tribunaux différents, il suffirait, ce me semble, de deux, le tribunal d’instance et la cour de cassation. Aussi bien, avec la simplification économique de la nouvelle charte, n’avons-nous que faire de ces variétés de la chicane.

En fait de justice criminelle, je repousserais, provisoirement, l’abolition de la peine de mort..

5° Les cultes. — Je crois à la vérité du christianisme, comme à celle du bouddhisme et du mahométisme, ni moins ni plus. La religion est sortie des entrailles de l’humanité ; elle est d’origine populaire ; elle appartient au peuple. C’est le système des idées sociales présentées sous une forme symbolique, et dont quelques-unes échappent encore à notre intelligence. Tant que la religion aura vie dans le peuple, je veux qu’elle soit respectée extérieurement et politiquement. Je voterais donc contre l’abolition du salaire des ministres du culte. Eh! pourquoi, avec ce bel argument que ceux-là seuls qui veulent de la religion n’ont qu’à la payer, ne retrancherait-on pas du budget social toutes les allocations pour travaux publics ? Pourquoi le paysan bourguignon paierait-il les routes de la Bretagne, et l’armateur lyonnais les subventions de l’Opéra?… Je ne parle pas des considérations politiques, bien plus puissantes encore, et qui ne sauraient échapper à personne.

Mais comme je ne veux point que le salaire affecté au culte soit un motif à l’hypocrisie , à l’imbécillité, à la paresse, je demanderais 1° que tout ecclésiastique qui voudra contracter mariage et quitter les ordres soit admis au mariage civil ; 2° que toute cure et succursale dont les paroissiens, à la majorité des quatre cinquièmes des citoyens et pères de famille, demanderaient la suppression, fût irrévocablement supprimée ; — Qu’aucun culte nouveau ne fût salarié par l’État.

Par ces deux moyens, serait amenée l’extinction progressive des cultes et le règne définitif de la vraie religion de l’humanité, qui est la raison et la justice.

6° La santé publique. — Je n’ai pas besoin de m’expliques là-dessus. Il ne doit y avoir rien de commun , quant au salaire , entre le médecin et le malade, pas plus qu’entre le prêtre et le laïque, entre le professeur et l’élève. Soumettre les médecins à la générosité des malades, c’est en faire des assassins.

7° L’armée.—Abolition immédiate de la conscription et des remplacements ; obligation pour tout citoyen de faire, pendant un ou deux ans, le service militaire ; et application de l’armée aux services administratifs et travaux d’utilité publique.

8° La police est la fonction qui, sans intervenir dans aucune autre, sans se mêler ni du budget, ni des dépenses, ni de la nomination des fonctionnaires, ni de l’administration publique ou des affaires extérieures, surveille, avertit, dénonce, poursuit et réprime. La police, c’est le ministère public, c’est l’État. L’État, dans une société bien organisée, doit se réduire peu à peu à ne représenter plus que lui-même, à rien.

Pendant le temps des sessions de l’Assemblée nationale, en qui réside alors toute la souveraineté, l’État, représenté par ses avocats généraux, assiste à foules les délibérations et répond, comme mandataire intérimaire de l’Assemblée, à toutes les interpellations qui lui sont faites. Les hommes d’État ne traitent point d’égal à égal avec les représentants, ils ne sont que leurs fondés de pouvoir pour le temps où l’Assemblée n’est pas réunie, et tenus, par conséquent, de rendre compte de leur gestion et de présenter leurs rapports sur la marche des pouvoirs publics et des corporations industrielles.

Les crédits affectés à ces différents services sont votés par la nation ou par ses délégués, réunis en assemblée générale, et sur les états de dépenses fournis par chaque bureau ou ministère. Leur administration est organisée sur le principe démocratique, et indépendante de l’État, qui doit se renfermer exclusivement dans ses attributions. Convergence et indépendance, telle est la loi universelle de la société, pour les fonctions d’utilité publique, comme pour les diverses catégories de la production et de l’échange.

Les députés à l’Assemblée nationale sont nommés par chaque catégorie de producteurs et de fonctionnaires, proportionnellement au nombre de leurs membres. L’élection par circonscription territoriale est supprimée. Elle ne peut servir que comme moyen d’arriver à la représentation corporative et professionnelle.

Il ne faut pas, comme on l’a dit, que le délégué à l’Assemblée nationale ne représente que le peuple ; cette représentation abstraite ne répondrait à rien de réel ; elle nous ferait retomber toujours dans l’aliénation de la souveraineté, dans l’aristocratie.

Le mandataire du Peuple doit représenter un intérêt positif, il doit avoir spécialité et caractère.

C’est quand le mandataire du Peuple sera l’expression du travail organisé que le Peuple aura une véritable représentation, une véritable élite. Hors de là , vous ne trouverez jamais que déception, impuissance, gaspillage, corruption, arbitraire.

Électeurs, gardes nationaux et bourgeois :

C’est le socialisme qui a fait la Révolution de Février.

Le socialisme, en faisant cette Révolution, a prouvé qu’il entendait l’opérer pacifiquement. Avant de renverser l’État de Juillet, élu de la bourgeoisie, le socialisme a commencé par étendre sa base d’opération et planter son drapeau sur toute l’Europe. La question sociale est posée à Paris , à Londres, à Rome, à Milan, à Genève, à Berlin, à Vienne, à Munich, à Breslau , à Cracovie ; de Cadix à Moscou ; sur la Seine, sur le Rhin, sur le Danube. Grâce au socialisme, vous n’aurez pas la guerre. Les vieux coalisés sont aux prises avec l’organisation du travail ; le prolétariat, partout insurgé, ne laisse plus de chance à la guerre. Cette politique vaut bien celle de Guizotet de Talleyrand!…

III.—FORM OF GOVERNMENT.

it is up to you, citizen-voters, to see in this profession of faith, this revolutionary program, which I regret having made so long, an economic charter.

The first decree proposed to your votes, that relating to the establishment of the Bank of Exchange, which, by its consequences, leads to all the others, would be from this point of view, the organic section of the new charter.

The following decrees from No. 2 to No. 12, all of which involve reduction or repeal of some part of the old economic system, we would call resolutive articles.

The last of these articles, moreover, is essentially transitory.

The following decrees would be for us the articles of incorporation; it will suffice for now for me to to state their general spirit, purpose and object.

Who does not see that the mutualist organization of exchange, of circulation, of credit, of buying and selling, the abolition of taxes and tolls of every nature that place burdens on production and bans on goods, irresistibly pushes the producers, each following his specialty, towards a centralization analogous with that of the State, but in which no one obeys, no one is dependent, and everyone is free and sovereign?

The primary cause of this centralizing movement is in the inequality of industrial faculties as means of production.

Thus, it is inevitable that, free discount bringing the extinction of mortgages, the gradual reduction of rents, rents and wages, and ultimately the disposition of properties, the entire society, a being of reason, is suddenly, by the mere posting of trade and industry, substituted for the former holders of capital and proprietors. The public economy will thus incline to communism, namely to  industrial-agricultural dictatorship, if the State, continuing its groundbreaking initiative, still developing its principle of free labor and that f free trade, did not consolidate the results obtained previously by a superior principle of mutuality.

If, for example, the State, at the same time as it procured for agriculturists the extinction of their debts, the reduction of their rents, the reimbursement of the soil, demanded of all agricultural exploitations, private or corporative, that they mutually insure themselves against inequalities in the quality of the soil and against all the disadvantages of cultivation, as well as against the accidents of temperature and the ravages of fire, water, and insects; if it made this mutual insurance the condition of the advantages that it offered through the Bank of Exchange; it is evident that, in this system, all the exploitations remaining independent and free, the responsibility being complete, the solidarity existing only for the inequalities of nature and the accidents of force majeure, the wages, salaries and profits could be uniform without the State intervening in the exploitation, and that the agricultural industry could be as strongly centralized as the administration is today, but with this difference, that here the centralization is still hierarchical, while there it would be completely liberal, it would be egalitarian.

What I say regarding agriculture is also important for other industries, mining, industrial, commercial. The same movement, the same law governs all forms of human activity:

It develops from this, what I mean when I propose to record in the Bulletin of Acts the following decrees, of which it is only a matter of developing the motives and writing the articles:

13th Decree. — Centralization of industry.

14th Decree. — Centralization of manufacturing.

15th Decree. — Centralization of commercial industry.

16th Decree. — Centralization of agricultural industry.

17th Decree. — Centralization of the sciences, humanities and arts.

Each of these broad categories would appoint its minister, form its central administration, and bear its own costs, which would be charged by the Bank. The State itself could not intervene in these; it appears nowhere in them.

The organization in each of these five major categories, mainly democratic appointments, would be made by majority vote, either by relative or absolute majorities or higher, depending on the purpose and circumstances. Salaries and wages, from the salary of an apprentice up to that of a minister, would be subject to constant revision.

It now remains to regulate, by so many special laws, the objects of public utility that concern the whole nation, and do not relate, in particular, any more to one than to the other of the industrial categories.

These objects are:

1st. Education, which I would wish to be free, combined with the apprenticeship of which it is only an auxiliary, made less abstract by constant application and submitted to the election of citizens.

2nd. Public works, where I would demand more knowledge, and above all more responsibility.

3rd. Statistics, which barely exist, without which the State and society have only an instinctive existence and, in their inability to render account of anything, navigate from one pitfall to the next, from one shipwreck to the next.

4th. Justice, unique in form, and with only two degrees of jurisdiction. Economic science proves how false, and experience how disastrous is this distinction between civil justice, administrative justice, and commercial justice. Instead of twenty different courts, a mere two, I think, would suffice: the Court of Magistrates and the Court of Cassation. Moreover, with the economic simplification of the new charter, we have nothing to do with these varieties of chicanery.

In fact of Criminal Justice, I would defer, provisionally, abolition of the death penalty.

5th. Cults. — I believe in the truth of Christianity neither more nor less than that of Buddhism and Mahometism. Religion has emerged from the bowels of humanity, it is popular, it belongs to the people. It is the system of social ideas presented in a symbolic form, some of which are beyond even our intelligence. While religion has life in the people, I want it to be respected externally and politically. I therefore vote against the abolition of the salary of ministers of religion. Eh! Why, with this beautiful argument, that only those who want religion to have to pay, do we not deduct it from all social budget allocations for public works! Why does the Burgundian farmer pay for roads in Bretagne, and the amateur subventions to the Lyon Opera!… I do not speak of the political considerations, much more powerful yet, that do not escape anyone.

But as I do not want the salary assigned to worship to be a motive for hypocrisy, imbecility, laziness, I would ask 1. that any ecclesiastic who wishes to contract marriage and leave orders be admitted to civil marriage; 2. that any cure and branch of which the parishioners, by a majority of four-fifths of the citizens and fathers of families, would request the suppression, be irrevocably suppressed; — That no new cult should be salaried by the State.

By these two means would be brought about the progressive extinction of the cults and the definitive reign of the true religion of humanity, which is reason and justice.

6th. Public Health. — I need not explain that. There should be nothing common about the salary, between doctor and patient, nor between the priest and the secular, between teacher and student. To submit doctors to the generosity of patients is to make them their murderers.

7th. The army. — Immediate abolition of conscription and replacements; obligation of every citizen to make, for one or two years military service, implementation of the military services and administrative work of public utility.

8th. The police is the function that, without intervening in any other, without interfering or budget or spending or the appointment of officials or public administration or external affairs, monitors, warns, denounces, pursues, and punishes. The police, the public ministry, is the State. The State, in a well organized society, must be reduced gradually to represent nothing more than itself, to nothing.

During the time of the sessions of the National Assembly, in which then resides all sovereignty, the State, represented by its advocates general, attends all the deliberations and responds, as interim representative of the Assembly, to all the interpellations that are made to it. Statesmen do not deal as equals with representatives, they are only their proxies for the time when the Assembly is not in session, and are therefore required to render an account of their management and to present their reports on the progress of public powers and industrial corporations.

The appropriations allocated to these different services are voted by the nation or by its delegates, meeting in general assembly, and on the statements of expenditure provided by each office or ministry. Their administration is organized on the democratic principle, and independent of the State, which must confine itself exclusively to its attributions. Convergence and independence, such is the universal law of society, for the functions of public utility, as for the various categories of production and exchange.

Members of the National Assembly are appointed by each category of producers and officials, in proportion to the number of their members. The election by territorial district is eliminated. It can only serve as a means to achieve corporate and professional representation.

It is not necessary, as has been said, that the delegate to the National Assembly represent only the People; this abstract representation would correspond to nothing real; it would always make us fall back into the alienation of sovereignty, into aristocracy.

The representative of the People must represent a positive interest, it must have character and specialty.

It is when the representative of the people is the expression of organized labor, that the People will have a real representation, a true elite. Apart from that, you never find anything but disappointment, impotence, waste, corruption, arbitrariness.

Voters, National Guardsmen and bourgeois:

It is socialism that made the Revolution of February.

Socialism, in making this revolution, has proven that it intended to operate peacefully. Before overthrowing the State of July, elected by the bourgeoisie, socialism began by expanding its base of operations and planting its flag across Europe. The social issue is raised in Paris, London, Rome, Milan, Geneva, Berlin, Vienna, Munich, Breslau, in Krakow; from Cadiz to Moscow, on the Seine, Rhine, the Danube. Thanks to socialism, you have no war. The old coalition is grappling with the organization of labor; the proletariat, insurgent everywhere, no longer leaves a chance for war. This policy is just as good as that of Guizot and Talleyrand! …

(1) Voir Résumé de la question sociale (Banque d’Echange). l vol, in-18, chez Garnier frères, Palais-National.

[1] See Summary of the Social Question (Bank of Exchange). l vol, in-18, chez Garnier frères, Palais-National.

SECOND SERIES

July — August 1848

Au Rédacteur en chef du _Représentant du peuple_.

Paris, 5 juillet 1848.

Monsieur le rédacteur,

Je trouve dans votre numéro d’hier, parmi beaucoup d’excellentes choses, des paroles malheureuses auxquelles il m’est impossible de m’associer.

Vous dites, répondant au Journal des Débats :

« Et n’allez pas faire semblant de croire que nous essayons d’excuser l’insurrection ; nous déclarons, au contraire, cette insurrection coupable, parce qu’elle n’avait pas de motifs légitimes, parce que, etc. Donc, le gouvernement a fait son devoir en étouffant l’insurrection dès l’origine et sans ménagement aucun. — Mais, tout en condamnant les insurgés, nous ne voulons pas être injustes, etc. »

De telles paroles, monsieur le rédacteur, dépassent la mesure du blâme que je crois possible de déverser sur les événements des 23, 24, 25 et 26 juin.

Il en est d’une insurrection comme d’un homicide. Elle peut, suivant les circonstances, être légitime ou criminelle; mais elle peut aussi n’être ni l’un ni l’autre, c’est-à-dire qu’elle peut être, pour parler comme la loi, excusable.

L’homicide commis à la guerre, pour la défense de la patrie, est un acte légitime qui honore même son auteur.

L’homicide commis dans un but de vengeance personnelle ou de cupidité, est un crime que la loi punit de mort.

L’homicide qui arrive à la suite d’une provocation, dans le cas de la légitime défense, etc., est excusable. La loi ni la morale ne l’approuvent : elles ne le poursuivent pas, elles le pardonnent.

C’est ainsi que je juge les derniers événements.

L’insurrection, dont tant de citoyens ont été de part et d’autre victimes, a-t-elle eu pour motif une violation flagrante, de la part du gouvernement ou de l’Assemblée nationale, du principe républicain? Non. Donc cette insurrection, qu’aucun motif suffisant ne justifie, n’était pas légitime. Voilà un premier point.

A-t-elle été le fait des instigations de l’étranger, conduite dans un but dynastique et dirigée contre la République? En ce cas, l’insurrection aurait été un crime, un attentat contre lequel il faudrait appeler la vindicte de la loi. Or, on ne sait pas encore que tel ait été le véritable caractère de cette déplorable collision.

Mais, si la révolte des 23, 24, 25 et 26 juin a surgi tout à coup comme un accident de la misère; si la lutte, soutenue pendant ces quatre malheureuses journées, n’a été qu’un éclat du désespoir ; si l’instruction prouve que, malgré l’or répandu, malgré les embauchements dynastiques, l’immense majorité des insurgés se composait d’ouvriers démoralisés par le chômage, égarés par la faim, déçus dans leurs espérances, irrités, à tort ou à raison, contre le pouvoir : s’il était vrai enfin, que le gouvernement, que l’Assemblée nationale elle-même, trompés d’abord sur le véritable sens de l’émeute, eussent porté au comble, par une politique fatale, l’exaspération de ces hommes, dont le cri de ralliement était : Du pain ou du plomb! oh! alors, il faudrait reconnaître que la guerre civile qui vient d’ensanglanter le berceau de la République a été un affreux malheur, mais que, grâce au ciel ! il n’y a point de coupables, qu’il n’y a que des victimes.

Un chômage de quatre mois s’est converti subitement en un casus belli, en une insurrection contre le gouvernement de la République : voilà, en quelques mots, toute la vérité sur ces funèbres journées. Mais, quoi qu’on ait dit, quoi que répande tous les jours encore l’égoïste et impitoyable calomnie, la générosité, la haute moralité des classes travailleuses n’ont point péri dans le fratricide. Le dénûment des insurgés, la misère des prisonniers, le respect des propriétés, qui, s’il faut en croire de nombreux rapports, n’aurait pas été toujours aussi grand du côté de la répression que du côté de l’émeute, sont là qui l’attestent.

Le prolétaire anglais vit noblement de la taxe du pauvre, le compagnon allemand, chargé d’argent et de nippes, ne rougit pas de mendier, d’atelier en atelier, le viaticum, la passade; le lazarille espagnol fait plus, il demande la caritad au bout de son escopette. L’ouvrier français demande du travail ; et si, au lieu de travail, vous lui offrez une aumône, il s’insurge, il vous tire des coups de fusil. J’aime mieux l’ouvrier français, et je me glorifie d’appartenir à cette race fière, inaccessible au déshonneur.

De grâce, monsieur le rédacteur, ne répandons pas le sel et le vinaigre sur des plaies saignantes ; ne portons pas le désespoir dans ces consciences assombries, dont l’égarement a été déplorable, mais qui, après tout, ne sont point criminelles. Ayons pitié de ces pauvres blessés, qui se cachent et meurent sur la paille, en proie à la gangrène, soignés par des enfants sans pain, et des épouses folles de misère. Demain, jeudi, sera un jour de deuil public, consacré aux funérailles des _victimes_ de l’insurrection. N’hésitons pas à confondre dans nos regrets, sous ce nom commun de victimes, ceux qui sont morts pour la défense de l’ordre, et ceux qui sont tombés en combattant contre la misère. Si le droit était de ce côté-ci des barricades, il était aussi de ce côté-là. L’épouvantable carnage auquel nous avons assisté ressemblait à ces tragédies antiques, où le devoir et le droit se trouvaient en opposition, et qui partageaient les dieux. Pleurons sur nos frères de la garde nationale, pleurons sur nos frères de l’insurrection, et ne condamnons personne. Espérons que la justice, une fois éclairée sur les faits qui ont précédé, accompagné et suivi l’insurrection, se relâchera de la sévérité de la loi, et que le décret de déportation désormais sans objet, comme sans moralité, sera révoqué.

Agréez, monsieur le rédacteur, ma salutation fraternelle.

P.-J. _Proudhon_.

To the Editor-in-Chief of the Représentant du peuple.

Paris, July 5, 1848.

Dear Editor,

I find in your number yesterday, among many excellent things, unfortunate words with which I find it impossible to associate myself.

You say, responding to the Journal des Débats:

“And don’t go pretending that we’re trying to excuse the insurrection; we declare, on the contrary, this insurrection culpable, because it had no legitimate motives, because, etc. So the government did its duty by suppressing the insurgency right from the start and without any hesitation. — But, while condemning the insurgents, we do not wish to be unjust, etc.”

Such words, Mr. Editor, exceed the measure of blame that I believe possible to lay down on the events of June 23, 24, 25 and 26.

It is with an insurrection as with a homicide. It may, according to the circumstances, be legitimate or criminal; but it can also be neither, that is to say, it can be, to speak like the law, excusable.

Homicide committed in war, in defense of the country, is a legitimate act that even honors its author.

Homicide committed for personal revenge or greed is a crime punishable by law.

Homicide that happens as a result of provocation, in the case of self-defense, etc., is excusable. Neither law nor morality approves of it: they do not pursue it, they forgive it.

This is how I judge recent events.

Did the insurrection, of which so many citizens on both sides were victims, have as its motive a flagrant violation, on the part of the government or of the National Assembly, of the republican principle? No. So this insurrection, which no sufficient reason justifies, was not legitimate. This is a first point.

Was it the result of foreign instigation, conducted for a dynastic purpose and directed against the Republic? In this case, the insurrection would have been a crime, an attack against which one would have to call the vindictiveness of the law. However, we do not yet know that such was the true character of this deplorable collision.

But, if the revolt of June 23, 24, 25 and 26 arose suddenly like an accident of misery; if the struggle, sustained during these four unhappy days, was only a flash of despair; if the investigation proves that, in spite of the widespread gold, in spite of the dynastic hirings, the immense majority of the insurgents was composed of workmen demoralized by unemployment, led astray by hunger, disappointed in their hopes, irritated, rightly or wrongly, against the power: if it were finally true, that the government, that the National Assembly itself, deceived at first on the true meaning of the riot, had carried to the climax, by a fatal policy, the exasperation of these men, whose rallying cry was: Bread or lead! Oh! Then it would be necessary to recognize that the civil war which has just bloodied the cradle of the Republic was a frightful misfortune, but that, — thanks to heaven! — there are no culprits, only victims.

Four months of unemployment suddenly turned into a casus belli, an insurrection against the government of the Republic: here, in a few words, is the whole truth about those funereal days. But, whatever has been said, whatever selfish and pitiless calumny still spreads every day, the generosity, the high morality of the working classes have not perished in fratricide. The destitution of the insurgents, the misery of the prisoners, the respect for property, which, if numerous reports are to be believed, would not have always been as great on the side of repression as on the side of the riot, are there to attest to this.

The English proletarian lives nobly on the poor man’s tax, the German compagnon, laden with money and clothes, does not blush to beg, from workshop to workshop, the viaticum, the passade; the Spanish lazarille does more, he asks for the caritad at the end of his escopette. The French worker asks for work; and if, in the workplace, you offer him alms, he rebels, he shoots you. I prefer the French workman, and I pride myself on belonging to that proud race, inaccessible to dishonor.

Please, Mr. Editor, let’s not sprinkle salt and vinegar on bleeding wounds; let us not bring despair to those darkened consciences, whose error has been deplorable, but who, after all, are not criminal. Let us have pity on these poor wounded, who hide and die on the straw, prey to gangrene, cared for by children without bread, and wives mad with misery. Tomorrow, Thursday, will be a day of public mourning, dedicated to the funeral of the victims of the insurrection. Let us not hesitate to mix in our regrets, under this common name of victims, those who died in the defense of order, and those who fell fighting against poverty. If right was on this side of the barricades, it was also on that side. The terrible carnage that we have witnessed resembled those ancient tragedies, where duty and right were in opposition, and which divided the gods. Let us weep for our brothers in the National Guard, let us weep for our brothers in the insurrection, and condemn no one. Let us hope that justice, once enlightened on the facts that preceded, accompanied and followed the insurrection, will relax from the severity of the law, and that the decree of deportation henceforth without object, as without morality, will be revoked.

Accept, Mr Editor, my fraternal greeting.

P.-J. Proudhon.

Au Rédacteur du _Représentant du peuple_.

11 Juillet.

Monsieur le Rédacteur,

Dans son numéro du 6 courant, le journal l’ Union reproduit la lettre que j’avais eu l’honneur de vous écrire le jour précédent, lettre qui avait pour but l’excusabilité de l’insurrection des 23, 24, 25 et 26 juin.

Mais, tout en s’associant à ma douleur, l’Union répudie ma doctrine. Voici ses paroles :

« Non, la situation de l’ouvrier la plus mauvaise et la plus désespérée ne saurait jamais être une excuse de révolte de coups de fusil. La doctrine de M. Proudhon n’est autre chose qu’une déclaration permanente de guerre sociale. En des questions de cette nature, le plus ou le moins de misère ou de bien-être ne saurait être une règle de conduite morale. En définitive, c’est, le libre arbitre qui prononce ; et si la misère est par elle-même un droit de tuer, celui qui souffre est juge du moment où il peut en sûreté de conscience exercer ce droit. Faites une société quelconque, république ou monarchie, avec ce principe!… »

Certes, si j’avais exprimé des idées pareilles à celles que m’impute le journal auquel je réponds, je serais un abominable homme. Heureusement il ne m’en coûte rien pour désavouer de si horribles pensées. Le critique est tout à fait hors de la question.

Je disais, dans la lettre reproduite par l’Union : Si le droit était de ce coté-ci des barricades, il était aussi de ce côté-là. Et tout entier à la douleur que m’inspirent les maux de la patrie, je me suis arrêté là. J’ai négligé de dire quel était ce droit qui, à mes yeux, rendait l’insurrection sinon justifiable, du moins excusable. C’est cette omission de ma part qui fait toute la Valeur des arguments de mon antagoniste.

Sans doute, et il ne m’en coûte rien de l’avouer, la doctrine que je professe sur les tristes événements de juin est une déclaration permanente de guerre sociale, comme le dit mon critique ; mais cette doctrine , quelle est-elle ? où l’ai-je trouvée? qui l’a le premier proclamée? quel en est l’auteur? qui s’en est fait l’éditeur responsable?

J’appelle sur tout ceci l’attention du lecteur : je ne redoute pas son jugement.

N’est-il pas vrai que, depuis le 24 février, le droit au travail est devenu un droit constitutionnel, au même titre que la liberté de la presse, le vote de l’impôt, le droit de se réunir sans armes, le suffrage universel ; au même titre que la liberté et la propriété.

Le gouvernement provisoire l’a formellement reconnu : il n’a pu se constituer, se soutenir, faire un peu d’ordre ,’ préparer les élections, protéger l’Assemblée nationale, demeurer conservateur, en dépit de son origine révolutionnaire, qu’à ce prix.

Ce qu’a fait le gouvernement provisoire, le pays l’a ratifié; l’Assemblée nationale le proclame.

L’article 2 du projet de Constitution, soumis en ce moment aux délibérations de l’Assemblée, porte expressément : « La Constitution garantit à tous les citoyens la liberté, l’égalité, la sûreté, l’instruction, le _travail_, la propriété, l’assistance. »

Remarquez l’ordre dans lequel sont énumérées ces garanties : la propriété arrive après le _travail_, où elle a sa source et sa légitimité.

L’article 7 confirme l’article 2 ;

« Le _droit au travail_ est celui qu’a tout homme de vivre « en travaillant. — La société doit, par les moyens productifs et généraux dont elle dispose, et qui seront _organisés_ ultérieurement, fournir du travail aux hommes valides qui ne peuvent s’en procurer autrement. »

Quels sont, après le gouvernement provisoire, après le pays, après la révolution de février, les auteurs de ces deux articles? Sont-ce des socialistes? Sont-ce les citoyens Pierre Leroux, Louis Blanc, Proudhon ou Caussidière?

En aucune façon, les auteurs de ces articles sont MM.Cormenin, A. Marrast, Lamennais, Vivien, de Tocqueville, Dufaure, Martin (de Strasbourg), Coquerel, Gorbon, Tourret, Voirhaye, Dupin aîné, Gustave de Beaumont, Vaulabelle, O. Barrot, Pages (de l’Ariège), Dornès, Considérant.

Certes, depuis M. de Cormenin, l’anti-socialiste, l’antidémocrate, l’anti-universitaire, l’anti-gallican, jusqu’à M. Considérant, le défenseur éternel, le défenseur quand même du capital et de la propriété, il était impossible de former une réunion d’hommes animés de sentiments plus pacifiques, plus conservateurs, plus en garde contre le progrès, plus timorés en matière de révolution.

Et pourtant c’est cette commission, organe de l’Assemblée nationale, organe de la pensée de février, qui a fait passer, dans la nouvelle déclaration des droits et des devoirs, le droit au travail ; c’est même uniquement en vue de ce droit qu’a été faite la déclaration; et je défie l’Assemblée nationale, avec ses 400,000 baïonnettes, de la supprimer.

Il ne s’agit donc plus aujourd’hui, comme paraît le croire l’Union, de savoir si le pauvre qui demande l’aumône a le droit de tuer le riche qui la refuse; une pareille proposition est si monstrueuse, que toute protestation à cet égard est superflue. Il s’agit de savoir si cent mille citoyens, dont vous avez reconnu _constitutionnellement_ le droit au travail, sont excusables d’avoir pris les armes pour le maintien de ce droit, violé ou travesti. A cet égard, je n’ai que l’embarras des exemples.

Lorsque, sous le dernier gouvernement, M. de Genoude refusait l’impôt, se laissait saisir, excitait les citoyens à faire comme lui, sur ce motif que l’impôt n’étant pas voté librement par tous les citoyens, l’impôt était illégal, M. de Genoude organisait l’insurrection, et cela en toute sécurité de conscience. Il se peut que M. de Genoude fût dans l’erreur; mais on conviendra que si ses raisons eussent été vraies, si, comme il le prétendait, la constitution était violée, on conviendra , dis-je, que le refus de l’impôt eût été de droit, et, si le gouvernement avait envoyé cent mille hommes pour contraindre les citoyens, que l’insurrection eût été excusable.

Pourtant, il ne s’agissait là que de l’impôt.

Lorsque, le 22 février, M. Barrot convoqua la garde nationale de Paris, cette 12e légion qu’aujourd’hui l’on désarme, à une réunion que le ministre déclarait illicite, et que lui, Barrot, soutenait être légale, il organisait l’insurrection. La garde nationale s’est insurgée à la voix de M. Barrot ; de celte insurrection est sortie la République : quelqu’un oserait-il soutenir que l’insurrection était condamnable?

Et pourtant, le droit de réunion, revendiqué par M. Barrot , n’était pas même un droit constitutionnel ; c’était un simple droit de nature, limité par la police , et sur lequel planaient les doutes les plus sérieux.

Lorsqu’en 1830, MM. Thiers, Guizot, Laffitte, Dupont (de l’Eure) et leurs amis protestèrent contre les ordonnances qui suspendaient les libertés publiques, garanties par la charte, ils préparaient, l’événement l’a démontré, une insurrection. De celte insurrection est sortie la Révolution de juillet : dira-t-on que cette Révolution était illégitime.

Et pourtant, l’article 14 de la Charte, sur lequel se fondait Charles X, était douteux, à tel point que cet article a été depuis réformé.

Toutes ces insurrections ont été tour à tour justifiées, glorifiées, applaudies: la victoire a fait leur légitimité.

Je suis moins absolu, moins enthousiaste dans mes jugements.

Je crois qu’en février, comme en 1830, la patience d’un excès de pouvoir eût été pour notre pays tout aussi méritoire, et surtout d’une meilleure politique. Je crois qu’en supportant quelques années de plus M. de Polignac d’abord, et plus tard M. Guizot, la France n’aurait rien perdu dans le développement de sa richesse et de ses libertés ; je crois, dis-je, que les avantages de la Révolution de juillet ne valent pas ce que le gouvernement de juillet nous a fait perdre ; et je ne suis pas éloigné de penser aussi qu’un peu plus de longanimité de la part de M. Barrot n’eût mieux valu pour nous que le brusque éclat du 24 février. Je ne justifie donc pas les deux révolutions, je les excuse. Mais une fois accomplies, je me range à leurs principes ; c’est pour cela que je suis républicain, et républicain socialiste, entendez-vous, inflexible et intraitable.

Eh bien ! je raisonne absolument de même sur l’insurrection de juin. Je ne l’eusse point approuvée, même victorieuse : je ne suis pas sûr que dans le tumulte qui en eût été la suite, le bien qu’espéraient les insurgés n’eût pas été balancé par des maux plus grands encore. — Mais aussi je ne condamne pas plus cette insurrection , que je ne condamne l’insurrection de février et de juillet : je l’excuse.

Je l’excuse, dis-je, et pourquoi? Parce que le droit au travail, droit constitutionnel, garanti par le Gouvernement provisoire, posé par l’Assemblée nationale, est depuis quatre mois indignement violé.

Etait-ce respecter le droit au travail que de faire remuer de la boue par cent mille hommes, d’en enrégimenter vingt-cinq mille autres sous ce prétexte que l’Etat n’étant, ne pouvant et ne voulant être ni agriculteur, ni voiturier, ni industriel, ni commerçant, n’avait pas de travail à donner aux ouvriers ?

Était-ce respecter le droit au travail que d’appeler une aumône déguisée le salaire de cent mille ouvriers employés aux ateliers nationaux, alors que ce salaire, d’après le texte formel de la constitution, qui garantit le travail, n’était en réalité qu’une juste indemnité.

Oui, je l’affirme hardiment, et malheur à qui pourrait le méconnaître, le droit au travail, conquis par la révolution de Février, reconnu par tout le peuple, promis par le gouvernement et la constitution, est violé depuis quatre mois.

Ou rayez-le du pacte social, ou plaignez ceux que vous avez réduits à le revendiquer les armes à la main, et après les avoir fusillés, ne les calomniez pas.

Oh ! je le sais aussi bien que vous : il est difficile de conduire une société, république ou monarchie, à qui l’on reconnaît des droits comme ceux-ci :

Liberté de conscience,

Liberté d’examen,

Liberté de la presse,

Suffrage universel,

Vote de l’impôt,

Egalité devant la loi,

Participation à tous les emplois,

Droit de réunion,

Droit à l’instruction,

Droit au travail,

Droit à la propriété,

Droit à l’assistance.

La garantie de tous ces droits est, comme leur conciliation, un immense problème, qui fera mourir à la peine plus d’un législateur. Et quand on songe que chacun de ces droits implique, comme sanction pénale, le droit d’insurrection, on est tenté de désespérer du salut de notre pauvre humanité.

Mais, je vous le déclare : contre la philosophie, contre la liberté et l’égalité, contre les constitutions et les insurrections, vous n’avez de refuge que dans l’absolutisme de l’Eglise et de l’Etat : si vous, rédacteur de l’Union, vous aviez tiré cette conséquence et posé cette alternative, votre argument aurait valu contre la société, mais non pas contre moi. Moi ! je ne suis qu’un raisonneur qui pèse chaque jour, au trébuchet de la dialectique, les idées et les événements. Je vous le dis en vérité : Vous venez ici, et vous allez là ; vous ne pouvez ni vous arrêter, ni rétrograder, et votre droit, votre morale, changent et se modifient à chaque pas que vous faites dans votre inévitable route. Il est étrange que vous me rendiez responsable des décrets de celte Providence que vous confessez et que j’adore.

To the Editor of the Représentant du peuple.

11 July, 1848.

Mr Editor,

In its issue of the 6th instant, the newspaper the Union reproduces the letter that I had the honor of writing to you the day before, a letter which had as its object the excusability of the insurrection of June 23, 24, 25 and 26.

But, while associating itself with my pain, the Union repudiates my doctrine. Here are its words:

“No, the worst and most desperate situation of the worker can never be an excuse for revolt with gunshots. M. Proudhon’s doctrine is nothing but a permanent declaration of social war. In questions of this nature, more or less misery or well-being cannot be a rule of moral conduct. Ultimately, it is free will that decides; and if misery is in itself a right to kill, the one who suffers is the judge of the moment when he can in sure of conscience exercise this right. Make any society whatsoever, republic or monarchy, with this principle!…”

Certainly, if I had expressed ideas like those imputed to me by the newspaper to which I am replying, I would be an abominable man. Fortunately it costs me nothing to disavow such horrible thoughts. The critic is quite out of the question.

I said, in the letter reproduced by the Union: If right was on this side of the barricades, it was also on that side. And completely filled with the pain that the ills of my country inspire in me, I stopped there. I neglected to say what was this right which, in my eyes, made the insurrection if not justifiable, at least excusable. It is this omission on my part that makes all the value of my antagonist’s arguments.

No doubt, and it costs me nothing to admit it, the doctrine that I profess on the sad events of June is a permanent declaration of social war, as my critic says. But what is this doctrine? Where did I find it? Who first proclaimed it? Who is the author? Who made himself the responsible publisher?

I call the reader’s attention to all this: I do not fear his judgment.

Is it not true that, since February 24, the right to work has become a constitutional right, in the same way as the freedom of the press, the tax vote, the right to meet without arms, universal suffrage; like liberty and property.

The Provisional Government has formally recognized this: it was only able to constitute itself, support itself, create a little order, prepare for the elections, protect the National Assembly, remain conservative, despite its revolutionary origins.

What the Provisional Government did, the country ratified; the National Assembly proclaims it.

Article 2 of the draft Constitution, submitted at this moment to the deliberations of the Assembly, bears expressly: “The Constitution guarantees to all citizens liberty, equality, security, instruction, work, property, assistance.”

Notice the order in which these guarantees are listed: ownership comes after work, where it has its source and legitimacy.

Article 7 confirms Article 2;

“The right to work is that which every man has to live by working. — Society must, by the productive and general means at its disposal, and which will be organized later, provide work for able-bodied men who cannot obtain it otherwise.”

Who are, after the Provisional Government, after the country, after the February Revolution, the authors of these two articles? Are they socialists? Are they citizens Pierre Leroux, Louis Blanc, Proudhon or Caussidière?

Not at all. The authors of these articles are Messrs. Cormenin, A. Marrast, Lamennais, Vivien, de Tocqueville, Dufaure, Martin (from Strasbourg), Coquerel, Gorbon, Tourret, Voirhaye, Dupin aîné, Gustave de Beaumont, Vaulabelle, O. Barrot, Pages (from Ariège), Dornès, Considerant.

Certainly, from M. de Cormenin, the anti-socialist, the anti-democrat, the anti-university, the anti-Gallican, down to M. Considerant, the eternal defender, the defender come what may of capital and property, it was impossible to form a meeting of men animated by sentiments more pacific, more conservative, more on guard against progress, more timorous in matters of revolution.

And yet it is this commission, organ of the National Assembly, organ of the thought of February, that passed, in the new declaration of the rights and the duties, the right to work; it is even solely with a view to this right that the declaration was made; and I defy the National Assembly, with its 400,000 bayonets, to suppress it.

It is therefore no longer a question today, as the Union seems to believe, of knowing whether the poor man who asks for alms has the right to kill the rich man who refuses them; such a proposition is so monstrous that any protest in this respect is superfluous. It is a question of knowing whether one hundred thousand citizens, whose right to work you have recognized constitutionally, are excusable for having taken up arms to maintain this right, violated or distorted. In this respect, I have only the embarrassment of examples.

When, under the last government, M. de Genoude refused the tax, let himself be seized, incited the citizens to do as he did, on the ground that the tax not being voted freely by all the citizens, the tax was illegal, M. de Genoude organized the insurrection, and that with complete security of conscience. It may be that M. de Genoude was in error; but it will be agreed that if his reasons had been true, if, as he claimed, the constitution was violated, it will be agreed, I say, that the refusal of the tax would have been right, and, if the government had sent a hundred thousand men to constrain the citizens, that the insurrection would have been excusable.

Yet that was only a question of the tax.

When, on February 22, M. Barrot summoned the National Guard of Paris, that 12th legion which is now being disarmed, to a meeting that the minister declared illicit, and which he, Barrot, maintained was legal, he was organizing the insurrection. The National Guard rose up at the voice of M. Barrot; out of this insurrection sprang the Republic: would anyone dare to maintain that the insurrection was condemnable?

And yet, the right of assembly, claimed by M. Barrot, was not even a constitutional right; it was a simple right of nature, limited by the police, and over which hovered the most serious doubts.

When in 1830, MM. Thiers, Guizot, Laffitte, Dupont (de l’Eure) and their friends protested against the ordinances that suspended public liberties, guaranteed by the charter, they were preparing, as the event demonstrated, an insurrection. From this insurrection came the Revolution of July: will it be said that this Revolution was illegitimate?

And yet, Article 14 of the Charter, on which Charles X relied, was doubtful, so much so that this article has since been reformed.

All these insurrections have been in turn justified, glorified, applauded: victory has given them legitimacy.

I am less absolute, less enthusiastic in my judgments.

I believe that in February, as in 1830, the patience of an excess of power would have been just as meritorious for our country, and above all of a better policy. I believe that by supporting M. de Polignac a few more years first, and later M. Guizot, France would have lost nothing in the development of her wealth and her liberties; I believe, I say, that the advantages of the July Revolution are not worth what the government of July caused us to lose; and I am also not far from thinking that a little more patience on the part of M. Barrot would have been better for us than the sudden outburst of February 24th. I therefore do not justify the two revolutions, I excuse them. But once accomplished, I agree with their principles; that’s why I’m a republican, and a socialist republican, you must understand, inflexible and intractable.

Well! I reason in absolutely the same way about the insurrection of June. I would not have approved of it, even if it were victorious: I am not sure that in the tumult that followed, the good the insurgents hoped for would not have been balanced by still greater evils. But also I do not condemn this insurrection any more than I condemn the insurrection of February and July: I excuse it.

I excuse it, I say, and why? Because the right to work, a constitutional right, guaranteed by the Provisional Government, laid down by the National Assembly, has been shamefully violated for four months.

Was it respecting the right to work to have a hundred thousand men stir up mud, to enlist twenty-five thousand others under the pretext that the State, being unable and unwilling to be either agriculturist, carrier, industrialist or merchant, had no work to give to the workers?

Was it respecting the right to work to call a disguised alms the salary of a hundred thousand workers employed in the national workshops, when this salary, according to the formal text of the constitution, which guarantees work, was in reality only a just indemnity.

Yes, I affirm it boldly, and woe to whoever could misunderstand it, the right to work, conquered by the revolution of February, recognized by all the people, promised by the government and the constitution, has been violated for four months.

Either strike it out of the social pact, or pity those whom you have reduced to claiming it with arms in hand, and after having shot them, do not slander them.

Oh! I know it as well as you: it is difficult to lead a society, republic or monarchy, in which one recognizes rights like these:

Freedom of conscience,

Freedom of examination,

Freedom of press,

Universal suffrage,

Vote on taxation,

Equality before the law,

Participation in all jobs,

Right of assembly,

Right to education,

Right to work,

Right to property,

Right to assistance.

The guarantee of all these rights is, like their reconciliation, an immense problem, which will kill more than one legislator. And when we consider that each of these rights implies, as penal sanction, the right of insurrection, we are tempted to despair of the salvation of our poor humanity.

But, I tell you: against philosophy, against liberty and equality, against constitutions and insurrections, you have no refuge except in the absolutism of the Church and the State: if you, as editor of the Union, had drawn this conclusion and posed this alternative, your argument would have been valid against society, but not against me. Me! I am only a reasoner who weighs every day, at the trebuchet of dialectics, ideas and events. I tell you the truth: You come here, and you go there; you can neither stop nor backslide, and your right, your morals, change and change with every step you take on your inevitable road. It is strange that you make me responsible for the decrees of this Providence which you confess and which I adore.

Le 15 juillet.

8 Juillet.

Le terme ! voici le terme ! Comment allons-nous payer le terme?…

Depuis cinq mois nous ne faisons rien ? nous n’avons rien reçu, rien livré, rien vendu ! L’industrie est à bas ! le commerce à bas ! le crédit à bas ! le travail à bas!…

Plus d’ouvrage, plus d’argent, plus de ressources ! Le terme est échu ; les tailles sont pleines ; les couverts d’argent , les bijoux des femmes, la montre du mari, le plus beau du linge, tout est au Mont-de-Piété ! Comment pourrions-nous encore payer le terme? Comment ferons-nous pour vivre?…

Que les auteurs des ordres impitoyables ; que les grands politiques qui ont repris la tradition exécrée de Saint-Merri et de Transnonain ; que ceux qui ont dit qu’il valait mieux, pour la dignité de l’Assemblée nationale, au lieu d’une conciliation pacifique , le massacre de dix mille citoyens; que ces républicains honnêtes, comme ils se nomment, qui sont venus à la République en parjures, qui la servent en parjures , qui en sortiront parjures ; que ceux-là répondent aujourd’hui à la plainte de la bourgeoisie désespérée, s’ils peuvent !

Allez donc, maintenant, gardes nationaux égarés, allez demander à vos prétendus conservateurs, du travail, du crédit, du pain ! Ce qu’ils ont à vous offrir, pour vous, pour vos femmes et vos enfants, c’est du sang et des cadavres !…

Et que leur importe ? Ne seront-ils pas ministres dans quinze jours?…

Il ne s’agit plus de sauver le prolétaire : le prolétaire n’existe plus, on l’a jeté à la voirie. Il faut sauver la bourgeoisie : la petite bourgeoisie de la faim, la moyenne bourgeoisie de la ruine, la haute bourgeoisie de son infernal égoïsme. La question est aujourd’hui, pour la bourgeoisie, ce qu’elle était le 23 juin pour le prolétariat.

Nous ne faillirons pas à nos principes. La force des choses, la plus grande des divinités antiques, l’inflexible Némésis, a fait de ces principes un ordre absolu pour le salut du peuple.

Lorsque l’État, surpris par une révolution dont il eut le tort de ne pas reconnaître tout de suite le véritable caractère, se trouva dans l’impossibilité de payer la dette flottante, de rembourser les bons du trésor et les livrets de la caisse d’épargne, que fit-il ? Il eut recours à la consolidation ; il convertit en rentes les bons qu’il ne pouvait plus payer, les dépôts qu’il ne pouvait rendre. L’Assemblée nationale discute aujourd’hui même les deux décrets relatifs à cette opération. C’est-à-dire que l’État, débiteur insolvable, demande remise d’une partie de la dette et crédit pour le surplus. Personne ne le trouva mauvais ; la nécessité en faisait une loi.

Lorsque la banque de France se trouva dans l’incapacité de satisfaire à toutes les demandes de remboursement de ses billets et se vit un moment sur le gouffre béant de la banqueroute, que fit-elle encore? Elle obtint un décret qui donnait à son papier cours forcé, c’est-à-dire qu’au lieu de donner crédit aux citoyens, elle le leur demanda. Personne ne s’est plaint du décret qui sauva la banque : le salut public , la nécessité en faisait une loi.

Ce n’est plus l’État seulement, ce n’est plus la banque de France qui est dans l’impossibilité de remplir ses engagements : c’est la masse entière des locataires, dans toute la France.

Serait-il donc injuste que les locataires obtinssent des propriétaires : 1° un ajournement du terme ; 2° une remise sur le montant des loyers ?

J’ose le dire : non-seulement cela ne serait point injuste, cela est de nécessité publique.

La cessation du commerce et de l’industrie provenant d’un événement de force majeure, nous a placés tous, locataires et propriétaires, dans des conditions exceptionnelles, prévues d’ailleurs et expliquées dans tous les traités de jurisprudence.

Nous n’avons rien produit, nous ne devons rien.

Pour 400,000 locataires domiciliés dans le département de la Seine, on ne compte pas 20,000 propriétaires, 1 sur 20.

Quand l’État réduit sa dette et suspend ses paiements ; quand la banque arrête ses remboursements ; quand le marchand, le fabricant, l’entrepreneur n’écoulent plus leurs produits, ne trouvent plus l’emploi de leurs services, les propriétaires de maisons seraient-ils bien venus à exiger, comme en temps ordinaire, l’acquittement de leurs loyers ? Est-ce que la Révolution et les conséquences de la Révolution ne doivent pas peser également sur tous? Et si, à la stagnation générale des affaires, s’ajoute la dépréciation universelle des valeurs, n’est-il pas évident que les locataires ont droit, non-seulement à une prorogation de terme, mais à une réduction sur le prix du loyer?…

Est-ce là du communisme ou de la simple équité?

Et si le propriétaire osait se plaindre qu’on lui fait banqueroute , ne serions-nous pas en droit de lui répondre que ce n’est pas nous, locataires, qui faisons banqueroute, que c’est la force des choses?… Or, ce qui est vrai du locataire, l’est, et au même titre, du fermier. Le fermier ne vend plus ses denrées ou les vend à vil prix. Le blé est à 10 francs l’hectolitre, le vin à 3 centimes le litre. Les frais de production du blé et du vin ne sont pas couverts par les prix de vente. Comment le fermier pourrait-il donc payer le propriétaire et acquitter l’impôt? Est-ce sa faute si la Révolution est venue interrompre toutes les transactions?…

Que si, enfin, les propriétaires d’immeubles ne peuvent, en bonne justice, se refuser d’abord à une prorogation de paiement, puis à une réduction des baux en faveur des locataires et fermiers ; si l’État, en consolidant la dette flottante, en donnant cours forcé aux billets de la Banque de France, en frappant une contribution sur les créances hypothécaires, et élevant le tarif des droits de mutations pour les gros héritages , a donné le premier le signal de cette réduction universelle, ou, pour mieux dire, de cette réciprocité de crédit, pourquoi les rentiers de l’État, si exactement payés jusqu’ici, resteraient-ils seuls privilégiés ? Serait-ce donc leur faire tort que de leur demander à leur tour, au nom des contribuables locataires, fermiers et propriétaires, le crédit d’une fraction de leurs rentes?…

Mais si tous les citoyens se font mutuellement crédit de quelque chose ; le propriétaire de maison , d’une partie de ses loyers ; le propriétaire fermier, d’une partie du fermage; le créancier hypothécaire , d’une partie de ses intérêts ; le rentier de l’État, d’une fraction de sa rente ; n’est-il pas évident que cette mutualité équivaut à une espèce d’organisation du crédit, et que si l’on entrait franchement dans cette route, on aboutirait à la reprise immédiate du travail et des affaires?…

Que la garde nationale qui s’est dévouée pour l’ordre dans ces jours néfastes y réfléchisse : c’est son salut que nous lui proposons, dans ces quelques lignes.

Nous engageons donc tous les locataires et fermiers à s’entendre et à présenter à l’Assemblée nationale’ une pétition fortement motivée, une pétition qui soit, non pas une supplique, mais un ordre.

Cette pétition, rédigée en forme de décret, de manière à ce que l’Assemblée nationale n’eût rien à faire qu’à y joindre sa sanction, dirait en substance ;

Vu l’urgence et le péril imminent;

Considérant que le salut du peuple est la loi suprême ;

Considérant que la rente de la terre est un privilège gratuit, qu’il appartient à la société de révoquer ;

Considérant qu’il est du droit de l’Etat de régler le taux des usures et le revenu des capitaux ;

Considérant que les intérêts de l’État, des fermiers, locataires, emprunteurs sur gage ou hypothèque, sont identiques et solidaires ;

Considérant que le seul moyen d’échapper au péril de la situation, de ranimer le travail, de sauver la famille et la propriété, est dans une vaste opération de crédit réciproque ;

L’Assemblée nationale décrète :

Art. 1er — A dater du 15 juillet 1848 jusqu’au 15 juillet 1851, il sera fait remise, par tous propriétaires de maisons, sur le prix de leurs loyers, du tiers des sommes dues, savoir : un sixième pour le locataire, et un sixième pour .’État.

Art. 2.— A dater de la même époque, et pendant le même laps de temps, il sera fait remise par tous les propriétaires fonciers du tiers de leurs fermages, savoir : un sixième pour le fermier, et un sixième pour l’État.

Art. 3. —A dater du 45 juillet 1848, jusqu’au 15 juillet 1851, il sera fait remise par tous créanciers hypothécaires du tiers des intérêts qui leur sont dus, savoir : uu sixième pour le débiteur, et un sixième pour l’État.

Art. 4—Les fermiers, locataires et débiteurs qui désireront jouir de la réduction que leur accorde le décret sur le prix des loyers et fermages, devront faire connaître leurs baux aux percepteurs de leurs cantons et receveurs, qui seront chargés d’établir l’état des remises. La déduction du tiers sera opérée par les fermiers, locataires et débiteurs, sur chaque terme échu de leurs obligations et contrats, et le sixième revenant a l’Etat sera versé par eux aux bureaux des contributions.

Art. 5.—Indépendamment de la retenue sus-mentionnée, le paiement des termes échus ou a écheoir du 15 juillet au 15 octobre 1848 est ajourné de trois mois, et sera réparti par quart sur les termes suivants, à partir du 15 janvier 1849.

Art. 6.—Les baux a ferme et à loyer, ainsi que les obligations hypothécaires sujettes à la retenue ci-devant stipulée, sont prorogés jusqu’au 15 juillet 1851.

Art. 7. — Il sera retenu aux rentiers de l’État, sur chaque trimestre à échoir du 15 juillet 1848 au 15 juillet 1854, un tiers de leur rente.

Art. 8.—L’impôt foncier de 45 centimes et celui sur les créances hypothécaires sont abolis.

Les droits sur les boissons seront réduits des trois quarts, et ramenés a une forme unique.

Art. 9.—L’État, au moyen des sommes qui lui seront versées pendant les trois années à courir du 15 juillet 1848 au 15 juillet 1851, par suite des retenues a opérer sur les fermages, loyers, créances hypothécaires et fonds publics, sommes qui s’élèveront à plusieurs milliards, sera chargé de réorganiser sur des bases nouvelles le crédit public, l’assurance, la circulation, les transports et les mines.

Gardes nationaux, rien n’est plus facile pour vous que de sauver votre fortune , de relever vos affaires, d’assurer le bien-être de vos familles, l’émancipation du travailleur : il ne s’agit que d’établir momentanément un impôt sur le revenu, en y intéressant le fermier, le locataire, le débiteur. Gardes nationaux, portez, pour voir, ces voeux à l’Assemblée nationale, et vous verrez bientôt quels sont vos amis et vos ennemis.

The 15th of July.

July 8, 1848.

The term! Here is the term! How are we going to pay what is due?…

We haven’t done anything for five months? We have received nothing, delivered nothing, sold nothing! Industry is down! Trade down! Credit down! Labor down!…

More work, more money, more resources! The term has expired; the accounts are full; the silver cutlery, the women’s jewelry, the husband’s watch, the finest linen, everything is at the pawnshop! How could we still pay the term? How will we live?…

Let the authors of ruthless orders; let the great politicians who have taken up the execrated tradition of Saint-Merri and Transnonain; let those who have said that it would be better, for the dignity of the National Assembly, instead of a peaceful conciliation, to massacre ten thousand citizens; let those honest republicans, as they call themselves, who came to the Republic in perjury, who serve it in perjury, who will leave it in perjury; let these respond today to the complaint of the desperate bourgeoisie, if they can!

Go, then, now, misguided National Guardsmen, go and ask your so-called conservatives for work, credit, bread! What they have to offer you, for you, for your wives and your children, is blood and corpses!…

And what do they care? Will they not be ministers in a fortnight?…

It is no longer a question of saving the proletarian: the proletarian no longer exists, they have been thrown into the garbage. The bourgeoisie must be saved: the petty bourgeoisie from hunger, the middle bourgeoisie from ruin, the upper bourgeoisie from its infernal selfishness. The question is today, for the bourgeoisie, what it was on June 23 for the proletariat.

We will not fail in our principles. The force of things, the greatest of the ancient divinities, the inflexible Nemesis, made these principles an absolute order for the salvation of the people.

When the State, surprised by a revolution whose true character it made the mistake of not immediately recognizing, found itself unable to pay the floating debt, to reimburse the treasury bonds and the passbooks of the savings bank, what did it do? It resorted to consolidation; it converted into annuities the bonds that it could no longer pay, the deposits that he could no longer return. The National Assembly is today discussing the two decrees relating to this operation. That is to say that the State, an insolvent debtor, asks for the remission of part of the debt and a credit for the surplus. No one found it bad; necessity made it a law.

When the Banque de France found itself unable to meet all the demands for reimbursement of its banknotes and saw itself for a moment in the yawning abyss of bankruptcy, what else did it do? It obtained a decree that gave its paper legal tender, that is to say, instead of giving credit to the citizens, it demanded it from them. No one complained of the decree that saved the bank: public safety, necessity made it a law.

It is no longer the State alone, it is no longer the Bank of France which is unable to fulfill its commitments: it is the entire mass of tenants, throughout France.

Would it therefore be unjust for tenants to obtain from landlords: 1) an adjournment of the due date; 2) a discount on the amount of rent?

I dare to say it: not only would that not be unjust, it is of public necessity.

The cessation of trade and industry resulting from an event of force majeure, has placed us all, tenants and owners, in exceptional conditions, provided for elsewhere and explained in all the treatises of jurisprudence.

We have produced nothing; we owe nothing.

For 400,000 tenants domiciled in the Seine department, there are not 20,000 owners, 1 in 20.

When the State reduces its debt and suspends its payments; when the bank stops its repayments; when the merchant, the manufacturer, the entrepreneur no longer sells their products, no longer finds use for their services, would the owners of houses really come to demand, as in ordinary times, the payment of their rents? Shouldn’t the Revolution and the consequences of the Revolution weigh equally on everyone? And if, to the general stagnation of business, is added the universal depreciation of values, is it not obvious that tenants are entitled, not only to an extension of term, but to a reduction in the price of rent?…

Is this communism or simple fairness?

And if the landlord dared to complain that he was being bankrupted, would we not be entitled to answer him that it is not us, tenants, who are going bankrupt, that it is the force of things?… Now, what is true of the tenant is also true, and in the same way, of the farmer. The farmer no longer sells his commodities or sells them at a low price. Wheat is at 10 francs per hectolitre, wine at 3 centimes per litre. Wheat and wine production costs are not covered by the selling prices. How, then, could the farmer pay the landlord and discharge the tax? Is it his fault if the Revolution came to interrupt all transactions?…

But if, finally, the owners of buildings cannot, in good justice, first refuse an extension of payment, then a reduction of the leases in favor of the tenants and farmers; If the State, by consolidating the floating debt, by giving forced circulation to the notes of the Banque de France, by striking a contribution on mortgage claims, and raising the tariff of transfer duties for large inheritances, was the first to give the signal for this universal reduction, or, to put it better, for this reciprocity of credit, why should the rentiers of the State, so exactly paid up to now, remain the only privileged ones? Would it therefore be doing them wrong to ask them in their turn, in the name of the taxpayers of tenants, farmers and landowners, for the credit of a fraction of their rents?…

But if all the citizens give each other credit for something; the house owner, part of his rents; the landowner, part of the rent; the hypothecary creditor, of part of his interest; the annuitant of the State, of a fraction of his annuity; Is it not obvious that this mutuality is equivalent to a kind of organization of credit, and that if we entered frankly on this road, we would end up with the immediate resumption of work and business?…

Let the National Guard, which devoted itself to order in these disastrous days, think about it: it is its salvation that we offer it, in these few lines.

We therefore urge all tenants and tenants to agree and present to the National Assembly a strongly reasoned petition, a petition that is not a petition, but an order.

This petition, drawn up in the form of a decree, so that the National Assembly had nothing to do but to attach its sanction to it, would say in substance:

Considering the urgency and the imminent danger;

Considering that the salvation of the people is the supreme law;

Considering that land rent is a gratuitous privilege, which it is up to society to revoke;

Considering that it is the right of the State to regulate the rate of usury and the income from capital;

Considering that the interests of the State, of farmers, tenants, borrowers on pledge or mortgage, are identical and solidary;

Considering that the only means of escaping the peril of the situation, of reviving work, of saving family and property, is in a vast operation of reciprocal credit;

The National Assembly decrees:

Art. 1st — From July 15, 1848 until July 15, 1851, all owners of houses shall be remitted one-third of the sums due on the price of their rents, namely: one-sixth for the tenant, and one-sixth for the State.

Art. 2. — From the same period, and during the same period of time, all the landed proprietors will be given back a third of their rents, namely: one-sixth for the tenant, and one-sixth for the State.

Art. 3. — From July 15, 1848, to July 15, 1851, all mortgage creditors shall remit one-third of the interest due to them, namely: one-sixth for the debtor, and one-sixth for the State.

Art. 4 — Farmers, tenants and debtors who wish to enjoy the reduction granted to them by the decree on the price of rents and rents, must make known their leases to the collectors of their cantons and receivers, who will be responsible for establishing the state of the discounts. The deduction of one-third will be made by the tenant farmers, tenants and debtors, on each due term of their obligations and contracts, and the sixth due to the State will be paid by them to the tax offices.

Art. 5. — Independent of the above-mentioned deduction, the payment of the terms due or due from July 15 to October 15, 1848 is postponed for three months, and will be divided by quarter over the following terms, from January 15, 1849.

Art. 6. — The farm and rental leases, as well as the mortgage obligations subject to the withholding stipulated above, are extended until July 15, 1851.

Art. 7. — There shall be deducted from State pensioners, for each quarter falling from July 15, 1848, to July 15, 1854, one-third of their pension.

Art. 8. — The property tax of 45 centimes and that on mortgage claims are abolished.

Beverage duties will be cut by three-quarters, and brought back to a single form.

Art. 9. — The State, by means of the sums which will be paid to it during the three years to run from July 15, 1848 to July 15, 1851, as a result of the deductions to be made from farm rents, house rents, mortgage debts and public funds, sums that will amount to several billions, will be charged with reorganizing on new bases public credit, insurance, circulation, transport and mines.

National Guards, nothing is easier for you than to save your fortune, to restore your business, to ensure the well-being of your families, the emancipation of the worker: it is only a question of temporarily establishing a tax on the income, by interesting the farmer, the tenant, the debtor. National Guards, take these wishes to the National Assembly, and you will soon see who your friends and your enemies are.

Loi sur les Clubs et la Presse.

9 Août.

Est-ce là faire droit? Est-ce là comme on juge ? s’écriait Chicaneau en fureur.

Nous pouvons bien dire maintenant : Est-ce là comme on légifère?

Il y a quelques jours, l’Assemblée nationale avait à faire une loi sur les clubs.

La réaction exigeait que les clubs fussent supprimés : le gouvernement, d’ailleurs aux ordres de la réaction, le souhaitait aussi. Mais la révolution était là, qui demandait, elle, le maintien des clubs.

Comment faire donc pour annihiler les clubs, tout en ayant l’air de les maintenir?

La commission Dupin, Coquerel et Compagnie s’est chargée de résoudre le problème.

La commission a proposé, l’Assemblée nationale a adopté le décret dont la teneur se résume ainsi :

L’article 2 enlève aux clubs la liberté, la qualité, le lieu.

L’article 3 leur ôte la vie privée.

L’article 4 les place sous la surveillance de la haute police.

L’article 5 leur ôte la sécurité, en leur imposant pour garantie d’ordre la sui-dénonciation, le suicide.

L’article 6 leur interdit la parole.

L’article 7 leur défend l’action.

Une société est un être moral, ou elle n’est pas. Comme être moral, elle ne subsiste, elle ne vit que par les conditions qui font la vie de l’homme même ; la liberté, la qualité, l’individualité, le lieu, le temps, la sécurité, la pensée, la parole et l’action.

Qu’est-ce donc qu’une société qui ne peut se constituer que sous le bon plaisir de l’autorité ; à qui il est défendu de prendre un nom et de se qualifier ; qui n’a pas le droit de paraître dans les lieux publics, et qui néanmoins est obligée d’admettre à ses séances le public ; une société qui n’a pas de vie privée ; qui ne délibère que sous l’oeil de la police ; qui ne peut discuter rien de ce qui fait ombrage au pouvoir; qui, après avoir délibéré, ne peut prendre de conclusions ; une société qui ne pense, ne parle, n’agit pas?

Une pareille société est moins qu’un rassemblement sur les places publiques; c’est une pantomime sans idée, jouée par des aveugles-muets. Voilà les clubs, tels que l’Assemblée nationale les a faits, entraînée par l’éloquence des Sénard, des Coquerel.

Le mensonge, la mauvaise foi, la bouffonnerie dans la loi ! c’est ce qu’il était réservé à la démocratie de nous apprendre…

Aujourd’hui, il s’agissait de la liberté de la presse, la liberté delà presse, toujours la première remise en question, à la suite des jongleries révolutionnaires.

Croyez-vous que le gouvernement de février soit si ingrat que d’en vouloir à la liberté de la presse ! Oh ! non : ce qu’il demande, ce sont des _garanties_ contre la licence de la presse.

Des garanties, dites-vous? quoi ? est-ce que le Code pénal est aboli? les lois de 1819 et 1830 ne sont-elles pas là? Qu’est-il besoin d’autre chose que d’en changer le style, et d’en accommoder les articles aux exigences républicaines ?

Les garanties que demande le gouvernement contre la presse, c’est d’abord un cautionnement.

— Voyez, dit M. Sénard, nous ne demandons que la caution de l’amende que le journaliste peut encourir, 24,000 f. ! — Mais le cautionnement, c’est comme la douane, une prohibition, ce n’est pas une garantie ; — mais 24,000 francs sont plus difficiles à trouver aujourd’hui que 100,000 francs le 22 février; — mais la plus forte des amendes ne doit pas, selon vous-même, dépasser 6,000 francs ; — mais vous avez pour garantie de l’amende la contrainte par corps ; — mais vous ne pouvez poser en principe dans une loi que la loi sera violée!

Il y a autre chose, M. le ministre, dans ces 24,000 francs, qu’une garantie ! dites la vérité.

— Nous demandons, dit alors le ministre, une garantie contre la presse anarchique, contre la presse socialiste, contre cette mauvaise presse qui réclame le droit au travail ; contre la presse à 5 centimes, qui s’adresse spécialement à des hommes qui n’ont pas assez d’argent pour s’abonner ! Quant à la presse sérieuse, à la presse grave, qui se constitue au capital de 4 ou 500,000 francs; à cette presse qui s’honore autant par sa moralité que par son patriotisme, nous ne songeons pas à l’inquiéter.

Voyez le Constitutionnel, le Siècle, les Débats, la Gazette de France, tous les journaux dynastiques, légitimistes, anti-socialistes, les entendez-vous se plaindre du gouvernement? Est-ce que les procureurs-généraux les tracassent? Est-ce que nous nous méfions de leurs tendances? Est-ce qu’ils conspirent? Est-ce qu’ils trompent, par de fausses espérances, le prolétariat ?

Un journal qui ne pourrait trouver crédit de 24,000 francs, nous le regardons comme un journal anarchique, impie, ennemi de la famille et de la propriété.

24,000 francs ! — Voilà, pour nous, le critérium du génie, de la vertu et du patriotisme !

24,000 francs ! —Nous déclarons ennemi de la société et de la République tout journal qui, avant d’exister, ne déposera pas à notre caisse des consignations 24,000 francs !

24,000 francs ! — C’est, sous la République, le cens électoral de la presse. De 100,000 francs qu’il était sous la monarchie, nous l’avons abaissé à 24,000 francs, et vous vous plaignez!..

A nous donc les ouvriers, les travailleurs, les prolétaires ! A nous les pauvres ! A nous le denier de la veuve ! A nous les fondateurs en haillons de la République ! A nous les héros, maintenant désarmés, des barricades ! A nous les calomniés de février, de mars, d’avril, de mai, de juin!..

Il s’agit de prouver que vous êtes d’honnêtes gens, en vous cotisant pour former au journal du Peuple une caution de 24,000 francs.

Vous vous croyiez de braves citoyens, des coeurs généreux, de vrais patriotes ! — Mais, sachez-le bien, vous tous qui ne demandez à la République que la liberté, à la propriété que du travail : vous ne serez un parti sérieux, honnête, digne dé considération, estimé du gouvernement, que lorsque vous aurez formé entre vous tous 24,000 francs.

C’est un ministre du 24 février, c’est le citoyen _Sénard_, qui vous le déclare au nom de la République.

Law on the Clubs and the Press.

August 9, 1848.

Is this doing right? Is that how we judge? cried Chicaneau in a rage.

We can well say now: Is this how we legislate?

A few days ago, the National Assembly had to pass a law on the clubs.

The reaction demanded that the clubs be abolished: the government, moreover, under the orders of the reaction, also wanted it. But the revolution was there, which demanded the maintenance of the clubs.

How then to annihilate the clubs, while appearing to maintain them?

The Dupin, Coquerel et Compagnie commission took on the task of solving the problem.

The commission proposed, the National Assembly adopted the decree, the contents of which can be summarized as follows:

Article 2 takes away from the clubs the liberty, the quality, the place.

Section 3 takes away their privacy.

Article 4 places them under the surveillance of the high police.

Article 5 deprives them of security, by imposing on them, as a guarantee of order, sui-dénonciation, suicide.

Article 6 prohibits them from speaking.

Article 7 forbids them the action.

A society is a moral being, or it is not. As a moral being, it subsists, it lives only through the conditions that make the life of man himself; liberty, quality, individuality, place, time, security, thought, word and deed.

What then is a society that can only be constituted under the good pleasure of authority; to which it is forbidden to take a name and qualify itself; which has no right to appear in public places, and which nevertheless is obliged to admit the public to its sittings; a society that has no privacy; that deliberates only under the eye of the police; that cannot discuss anything that overshadows power; who, after having deliberated, cannot come to any conclusions; a society that does not think, speak or act?

Such a society is less than a gathering in the public squares; it is a pantomime without idea, played by blind-mutes. Here are the clubs, such as the National Assembly has made them, carried along by the eloquence of the Sénards, the Coquerels.

Lies, bad faith, buffoonery in the law! This is what democracy was reserved to teach us…

Today, it was about the freedom of the press, the freedom of the press, always the first to be questioned, following the revolutionary jugglery.

Do you believe that the government of February is so ungrateful as to have a grudge against the freedom of the press! Oh, no! What it asks for are guarantees against the license of the press.

Guarantees, you say? What? Is the penal code abolished? Are not the laws of 1819 and 1830 there? What else is needed but to change its style, and to adapt its articles to republican demands?

The guarantees that the government asks for against the press is first of all a security deposit.

— See, said M. Sénard, we only ask for security for the fine that the journalist may incur, 24,000 francs! — But security is like customs, a prohibition, it is not a guarantee; — but 24,000 francs are more difficult to find today than 100,000 francs on February 22; — but the heaviest of the fines should not, according to you, exceed 6,000 francs; — but you are guaranteed the fine by imprisonment; — but you cannot posit in a law that the law will be violated!

There is something else, Minister, in these 24,000 francs, than a guarantee! Tell the truth.

— We ask, said the minister then, for a guarantee against the anarchic press, against the socialist press, against this bad press that demands the right to work; against the 5-cent press, which is aimed especially at men who don’t have enough money to subscribe! As for the serious press, the serious press, which constitutes a capital of 4 or 500,000 francs; for this press which is honored as much by its morality as by its patriotism, we do not dream of disturbing it.

Look at the Constitutionnel, the Siècle, the Débats, the Gazette de France, all the dynastic, legitimist, and anti-socialist journals. Do you hear them complaining about the government? Are the attorneys general bothering them? Do we distrust their tendencies? Are they conspiring? Do they deceive the proletariat with false hopes?

A newspaper that could not find credit for 24,000 francs, we regard it as an anarchic, impious newspaper, an enemy of the family and of property.

24,000 francs! — Here, for us, is the criterion of genius, virtue and patriotism!

24,000 francs! — We declare as an enemy of society and of the Republic any newspaper that, before existing, will not deposit 24,000 francs in consignments in our fund!

24,000 francs! — It is, under the Republic, the electoral quota of the press. From 100,000 francs it was under the monarchy, we have lowered it to 24,000 francs, and you complain!…

To us, then, the workers, the laborers, the proletarians! To us the poor! To us the denier of the widow! To us the ragged founders of the Republic! To us the heroes, now disarmed, of the barricades! To us the slandered of February, March, April, May, June!…

It is a question of proving that you are honest people, by contributing yourselves to form a deposit of 24,000 francs for the Journal du Peuple.

You thought you were brave citizens, generous hearts, true patriots! — But know this well, all of you who ask nothing of the Republic but liberty, of property nothing but labor: you will not be a serious party, honest, worthy of consideration, esteemed by the government, until you have formed between you all 24,000 francs.

It is a minister of February 24, it is the citizen Sénard, who declares it to you in the name of the Republic.

Les Malthusiens.

10 Août.

Le docteur Malthus, un économiste, un Anglais, a écrit ces propres paroles :

« Un homme qui naît dans un monde déjà occupé, si sa famille n’a pas le moyen de le nourrir, ou si la société n’a « pas besoin de son travail, cet homme, dis-je, n’a pas le moindre droit à, réclamer une portion quelconque de nourriture : il est réellement de trop sur la terre. Au « grand banquet de la nature, il n’y a point de couvert mis « pour lui. La nature lui commande de s’en aller, et ne « tardera pas à mettre elle-même cet ordre à exécution. »

En conséquence de ce grand principe, Malthus recommande, sous les menaces les plus terribles, à tout homme qui n’a pour vivre ni travail ni revenu, de s’en aller, surtout de ne pas faire d’enfants. La famille, c’est-à-dire l’amour, comme le pain, sont, de par Malthus, interdits à cet homme-là.

Le docteur Malthus était, en son vivant, ministre du saint Évangile, de moeurs douces, philanthrope, bon mari, bon père, bon bourgeois, croyant à Dieu autant qu’homme de France. Il mourut, le Ciel lui fasse paix ! en 1834. On peut dire qu’il a le premier, sans s’en douter, réduit à l’absurde toute l’économie politique, et posé la grande question révolutionnaire, la question entre le travail et le capital.

Chez nous, où la foi à la Providence est restée vive, malgré l’indifférence du siècle, le peuple dit, par manière de proverbe, et c’est en cela que nous nous distinguons de l’Anglais : Il faut que tout le monde vive! — Et notre peuple, en disant cela, croit être aussi bon chrétien, aussi conservateur des bonnes moeurs et de la famille, que feu Malthus.

Or, ce que le peuple dit en France, les économistes le nient, les gens de lois et les gens de lettres le nient; l’Église, qui se prétend chrétienne, et de plus gallicane, le nie ; la presse le nie, la haute bourgeoisie le nie, le gouvernement, qui s’efforce de la représenter, le nie.

La presse, le gouvernement, l’Église, la littérature, les économistes, la grande propriété, tout, en France, s’est fait anglais, tout est malthusien. C’est au nom de Dieu et de sa sainte providence, au nom de la morale, au nom des intérêts sacrés de la famille, qu’on soutient qu’il n’y a point de place, dans le pays, pour tous les enfants du pays, et qu’on insinue à nos femmes d’être moins fécondes. En France, malgré le voeu du peuple, malgré la croyance nationale, le boire et le manger sont réputés privilège, le travail privilège, la famille privilège, la patrie privilège.

M. Antony Thourel disait l’autre jour que la propriété sans laquelle il n’est ni patrie, ni famille, ni travail, ni moralité, serait irréprochable le jour où elle cesserait d’être un privilège. C’était dire assez clairement que pour abolir tous les privilèges, qui mettent, pour ainsi dire hors la loi ; hors l’humanité, une partie du peuple, il fallait, avant tout, supprimer le privilège fondamental et changer la constitution de la propriété.

M. A. Thouret s’exprimait en cela comme nous-mêmes, comme le Peuple. L’État, la presse, l’économie politique ne l’entendent pas ainsi : ils s’accordent à vouloir que la propriété , sans laquelle, au dire de M. Thouret, point de travail, point de famille, point de République, demeure ce qu’elle a toujours été, un privilège.

Tout ce qui se fait, qui se dit, qui s’imprime aujourd’hui et depuis vingt ans, se fait, se dit et s’imprime en conséquence de la théorie de Malthus.

La théorie de Malthus, c’est la théorie de l’assassinat politique, de l’assassinat par philanthropie , par amour de Dieu. — Il y a trop de monde au monde : voilà le premier article de foi de tous ceux qui, en ce moment, au nom du Peuple, règnent et gouvernent. C’est pour cela qu’ils travaillent de leur mieux à diminuer le monde. Ceux qui s’acquittent le mieux de ce devoir, qui pratiquent avec piété, courage et fraternité les maximes de Malthus, sont les bons citoyens, les hommes religieux; — ceux qui protestent, sont des anarchistes, des socialistes, des athées.

Le crime inexpiable de la révolution de février est d’avoir été le produit de cette protestation. Aussi, on lui apprendra à vivre à cette révolution qui promettait de faire vivre tout le monde. — La tache originelle, indélébile de la République, c’est d’avoir été proclamée par le peuple, anti-malthusien. C’est pour cela que la République est si particulièrement odieuse à ceux qui furent et qui veulent redevenir les complaisants et les complices des rois, grands mangeurs d’hommes, disait Caton. On la monarchisera votre République, on lui fera dévorer ses enfants.

Là est tout le secret des souffrances, des agitations et des contradictions de notre pays.

I” Les économistes ont les premiers parmi nous, par un inconcevable blasphème, érigé en dogme de la Providence la théorie de Malthus. Je ne les accuse pas plus que je ne les calomnie. Les économistes sont en cela de la meilleure foi, comme de la meilleure intention du monde. Ils ne demanderaient pas mieux que de faire le bonheur du genre humain ; mais ils ne conçoivent pas comment, sans une organisation quelconque-de l’homicide, l’équilibre entre la population et les subsistances pourrait exister.

Demandez à l’Académie des sciences morales. Un de ses membres les plus honorables, que je ne nommerai pas, bien qu’il s’honore de ses opinions, comme doit faire tout honnête homme, étant préfet de je ne sais quel département, s’avisa un jour, dans une proclamation, de recommander à ses administrés de ne plus faire autant d’enfants à leurs femmes. Grand scandale parmi les curés et les commères, qui traitèrent cette morale académique de morale de cochons ! Le savant dont je parle n’en était pas moins, comme tous ses confrères, un défenseur zélé de la famille et de la morale : mais, observait-il avec Malthus, au banquet de la nature, il n’y a pas de place pour tout le monde.

M. Thiers, membre aussi de l’Académie des sciences morales, disait dernièrement au comité des finances, que s’il était ministre, il se bornerait à traverser courageusement, stoïquement, la crise, se renfermant dans les dépenses de son budget, faisant respecter l’ordre, et se gardant avec soin de toute innovation financière, de toute idée socialiste, telle que notamment le droit au travail, comme de tout expédient révolutionnaire. Et tout le comité d’applaudir.

En rapportant cette déclaration du célèbre historien et homme d’État, je n’ai nulle envie, on le sent bien, d’incriminer ses intentions. Dans la disposition actuelle des esprits je ne réussirais qu’à servir l’ambition de M. Thiers, s’il lui en restait. Ce que je veux faire remarquer, c’est que M. Thiers, en s’exprimant de la sorte, témoignait, peut-être sans y penser, de sa foi à Malthus.

Entendez bien ceci, je vous prie. — Ce sont deux millions, quatre millions d’hommes qui périront de misère et de faim; si l’on ne trouve moyen de les faire travailler. C’est un grand malheur, assurément, et nous en gémissons tous les premiers, vous disent les malthusiens : mais qu’y faire ? Il vaut mieux que quatre millions d’hommes périssent que de compromettre le privilège ; ce n’est pas la faute du capital, si le travail chôme ; au banquet du crédit, il n’y a pas de place pour tout le monde.

Ils sont courageux, ils sont stoïques, les hommes d’État de l’école de Malthus, quand il s’agit de sacrifier les travailleurs par millions. — Tu as assassiné le pauvre, disait le prophète Elie au roi d’Israël, et puis tu t’es emparé de son héritage. Oecidisti et possedisti. Il faut aujourd’hui renverser la phrase, et dire à ceux qui possèdent et qui gouvernent : Vous avez le privilège du travail, le privilège du crédit, le privilège de la propriété, comme dit M. Thouret; et c’est parce que vous ne vouiez pas vous en dessaisir, que vous répandez comme l’eau la vie du pauvre : Possedisti et occidisti !

Et le peuple, sous la pression des baïonnettes, se consume lentement ; se meurt sans soupir et sans murmure : le sacrifice s’accomplit dans le silence. Courage ! travailleurs ; soutenez-vous les uns les autres : la Providence finira par vaincre la fatalité. Courage ! vos pères les soldats de la République, étaient encore plus mal que vous aux sièges de Gênes et de Mayence.

M. Léon Faucher, combattant pour le cautionnement des journaux, pour le maintien des douanes sur la presse, raisonnait aussi comme Malthus. — Le journal sérieux, disait-il, le journal qui mérite considération et estime, est celui qui s’établit au capital de 4 à 500,000 francs. Le journaliste qui n’a que sa plume est comme l’ouvrier qui n’a que ses bras. S’il ne trouve moyen de faire acheter ses services ou créditer son entreprise, c’est signe que l’opinion le condamne : il n’a pas le moindre droit à prendre la parole devant le pays : au banquet de la publicité, il n’y a pas de place pour tout le monde.

Ecoutez Lacordaire, ce flambeau de l’église, ce vase d’élection du catholicisme. Il vous dira que le socialisme est l’antéchrist.—Et pourquoi Je socialisme est-il l’antéchrist ? — Parce que le socialisme est l’ennemi de Malthus, et que le catholicisme, par une transformation dernière, s’est fait malthusien.

L’Évangile nous dit, s’écrie le tonsuré, qu’il y aura toujours des pauvres : Pauperes semper habébitis vobiscum ; et qu’en conséquence la propriété, en tant qu’elle est privilège et qu’elle fait des pauvres, est sacrée. Le pauvre est nécessaire à l’exercice de la charité évangélique : au banquet d’ici-bas, il ne saurait y avoir place pour tout le monde.

Il feint d’ignorer, l’infidèle, que pauvreté, dans la langue sainte, signifie toute espèce d’affliction et de peine, et non pas chômage et prolétariat. Et comment celui qui allait partout dans la Judée, criant : Malheur aux riches ! eût-il pu l’entendre autrement? Malheur aux riches ! dans la pensée de Jésus-Christ, c’était malheur aux malthusiens.

Si le Christ vivait de nos jours, il dirait aux Lacordaire et consors : « Vous êtes de la race de ceux qui, dans tous les temps, ont versé le sang des justes, depuis Abel jusqu’à Zacharie. Votre loi n’est pas ma loi ; votre Dieu n’est pas mon Dieu! » Et les Lacordaire crucifieraient le Christ comme séditieux et comme athée.

Le journalisme presque tout entier est infecté des mêmes idées.—Que le National, par exemple, nous dise s’il n’a pas toujours cru, s’il ne croit pas encore que le paupérisme, dans la civilisation, est éternel ; que l’asservissement d’une partie de l’humanité est nécessaire à la gloire de l’autre ; que ceux qui prétendent le contraire sont de dangereux rêveurs qui méritent d’être fusillés ; que telle est la raison d’état ? Car, si telle n’est pas la pensée secrète du National, si le National veut sincèrement, résolument l’émancipation des travailleurs, pourquoi ces anathèmes, pourquoi celte colère contre les socialistes purs, contre ceux qui, depuis dix et vingt ans, demandent cette émancipation ?

Qu’ils daignent aussi, afin que le Peuple les connaisse, faire leur profession de foi économique, ces bohémiens de la littérature, aujourd’hui sbires du journalisme, calomniateurs à prix fixe, courtisans de tous les privilèges, panégyristes de tous les vices, parasites vivant aux dépens d’autres parasites, qui né parlent tant de Dieu que pour dissimuler leur matérialisme ; de la famille que pour couvrir leurs adultères; et qu’on verrait par dégoût du mariage, caresser des guenons, s’ils ne trouvaient plus de malthusiennes.

Faites des filles, nous les aimons, chantent ces infâmes, en parodiant le poète. Mais abstenez-vous de faire des garçons : au banquet de la volupté il n’y a pas de place pour tout le monde.

Le gouvernement était inspiré de Malthus, lorsqu’ayant cent mille ouvriers disponibles auxquels il donnait un salaire gratuit, il se refusait à les employer en travaux utiles; — lorsqu’ensuite, après la guerre civile, il demandait pour eux une loi de transportation. Avec les dépenses des prétendus ateliers nationaux, avec les frais de guerre, de procédure, de prison, de transport, on pouvait donner aux insurgés du travail pour six mois, et changer tout notre régime économique. Mais le travail est un monopole ; mais on ne voulait pas que l’industrie révolutionnaire fit concurrence à l’industrie du privilège : au chantier de la nation, il n’y a pas de place pour tout le monde.

La grande industrie ne laisse rien à faire à la petite : c’est la loi du capital, c’est Malthus.

Le commerce en gros s’empare peu à peu du commerce de détail : c’est Malthus.

La grande propriété envahit, s’agglomère les plus pauvres parcelles : c’est Malthus.

Bientôt la moitié du peuple dira à l’autre :

La terre et ses produits sont ma propriété ;

L’industrie et ses produits sont ma propriété ;

Le commerce et les transports sont ma propriété ;

L’Etat est ma propriété.

Vous qui ne possédez ni réserve ni propriété ; qui n’êtes point fonctionnaire public, et dont le travail nous est inutile, _allez-vous-en_! Vous êtes réellement de trop sur la terre : au soleil de la République, il n’y a pas de place pour tout le monde.

Qui viendra me dire que le droit de travailler et de vivre n’est pas toute la Révolution?

Qui viendra me dire que le principe de Malthus n’est pas toute la contre-révolution?

Et c’est pour avoir publié de telles choses, c’est pour avoir énergiquement signalé le mal, et cherché de bonne foi le remède, que la parole m’a été ôtée par ordre du gouvernement, du gouvernement qui représente la Révolution !

C’est pour cela que j’ai vu passer sur moi, muet, le déluge des calomnies, des trahisons, des lâchetés, des hypocrisies, des outrages, des désertions et des défaillances de tous ceux qui haïssaient ou qui aimaient le peuple ! C’est pour cela que j’ai été, pendant un mois entier, livré aux chacals de la presse et aux chats-huants de la tribune ! Jamais homme, ni dans le passé, ni dans le présent, ne fut l’objet d’autant d’exécration que je le suis devenu, pour ce seul fait que je fais la guerre aux anthropophages.

Calomnier qui ne pouvait répondre, c’était fusiller un prisonnier. Carnassiers de Malthus, je vous reconnais là ! Poursuivez donc ; nous avons plus d’un compte à régler encore. Et si la calomnie ne vous suffit pas, employez le fer et le plomb. Vous pouvez me tuer : nul ne peut éviter son sort, et je suis à votre discrétion. Mais vous ne me vaincrez pas : vous ne persuaderez pas au peuple, moi vivant, moi tenant une plume, que, hormis vous, il y ait quelqu’un de trop sur la terre. J’en fais le serment devant le Peuple et devant la République !

The Malthusians.

August 10, 1848.

Doctor Malthus, an economist, an Englishman, wrote these words:

“A man who is born in a world already occupied, if his family has no means of supporting him or if society has no need of his work, this man, I say, has not the least right to claim any portion of nourishment: he is really too many on earth. At the great banquet of nature, there is no place set for him. Nature commands him to go away, and will not be long in carrying out this order herself.”

In consequence of this great principle, Malthus recommends, under the most terrible threats, to every man who has neither work nor income to live on, to go away, above all not to have children. The family, that is to say love, like bread, are, by Malthus, forbidden to this man.

Doctor Malthus was, during his lifetime, a minister of the Holy Gospel, of gentle morals, a philanthropist, a good husband, a good father, a good bourgeois, believing in God as much as any man of France. He died in 1834. Heaven give him peace! We can say that he was the first, without suspecting it, to reduce the whole of political economy to absurdity, and to pose the great revolutionary question, the issue between labor and capital.

At home, where faith in Providence has remained strong, despite the indifference of the century, the people say, by way of a proverb, and it is in this that we differ from the English, Everyone must live! — And our people, saying that, think they are as good Christians, as conservative of good morals and of the family, as the late Malthus.

Now, what the people say in France, the economists deny, the lawyers and the men of letters deny; the Church, which claims to be Christian, and moreover Gallican, denies it; the press denies it, the high bourgeoisie denies it, the government, which strives to represent it, denies it.

The press, the government, the Church, literature, the economists, the large estates, everything in France has become English; everything is Malthusian. It is in the name of God and of his holy providence, in the name of morality, in the name of the sacred interests of the family, that it is maintained that there is no place, in the country, for all children of the country, and that it is insinuated that our women should be less fertile. In France, despite the wishes of the people, despite national beliefs, food and drink are considered privileges, labor a privilege, family a privilege, homeland a privilege.

M. Antony Thourel said the other day that property, — without which there is neither country, nor family, nor work, nor morality, — would be irreproachable the day when it ceased to be a privilege. This was to say quite clearly that in order to abolish all privileges, which put a part of the people, so to speak, outside the law, apart from humanity, it was necessary, above all, to abolish the fundamental privilege and to change the constitution of property.

M. A. Thouret expressed himself in this like ourselves, like the people. The State, the press, and political economy do not understand things in this way: they agree in wanting that property, — without which, according to M. Thouret, there is no labor, no family, no Republic, — to remain what it has always been, a privilege.

Everything that is done, that is said, that is printed today, and for the last twenty years, is done, said and printed as a consequence of the theory of Malthus.

The theory of Malthus is the theory of political assassination, of assassination for philanthropy, for the love of God. — There are too many people in the world: here is the first article of faith of all those who, at this moment, in the name of the People, reign and govern. That is why they are working their best to diminish the world. Those who discharge this duty best, who practice with piety, courage and fraternity the maxims of Malthus, are the good citizens, the religious men; — those who protest are anarchists, socialists, atheists.

The inexpiable crime of the February Revolution is that it was the product of this protest. So, we will be taught to live with this revolution that promised to make everyone live. — The original, indelible mark of the Republic is to have been proclaimed anti-Malthusian by the people. This is why the Republic is so particularly odious to those who were and who want to become again complacent, the accomplices of kings, great eaters of men, as Cato said. We will make your Republic a monarchy, we will make it devour its children.

There lies the whole secret of the sufferings, agitations and contradictions of our country.

The economists were the first among us, by an inconceivable blasphemy, to erect the theory of Malthus into a dogma of Providence. I neither accuse them nor slander them. The economists have the best faith in this, as well as the best intention in the world. They would like nothing better than to make the human race happy; but they do not conceive how, without some organization of homicide, the balance between population and subsistence could exist.

Ask the Academy of Moral Sciences. One of its most honorable members, whom I will not name, although he prides himself on his opinions, as every honest man ought to do, being prefect of I don’t know what department, took it into his head one day, in a proclamation, to recommend to his constituents not to have so many children with their wives. Great scandal among the priests and the gossips, who treated this academic morality as the morality of pigs! The scholar of whom I speak was nonetheless, like all his colleagues, a zealous defender of the family and of morals: but, he observed with Malthus, at the banquet of nature there is no place for everyone.

M. Thiers, also a member of the Academy of Moral Sciences, said recently to the finance committee that if he were a minister, he would limit himself to getting through the crisis courageously, stoically, confining himself to the expenditure of his budget, instilling respect for order, and guarding carefully against any financial innovation, any socialist idea, such as in particular the right to work, as well as any revolutionary expedient. And the whole committee applauded.

In reporting this statement by the famous historian and statesman, I have no desire, as one can well sense, to incriminate his intentions. In the present disposition of minds, I would only succeed in serving the ambition of M. Thiers, if he had any left. What I want to point out is that M. Thiers, in expressing himself in this way, testified, perhaps without thinking about it, to his faith in Malthus.

Understand this, please. — Two million, four million men will perish of misery and hunger if we don’t find a way to make them work. It is a great misfortune, assuredly, and we are all the first to groan about it, the Malthusians will tell you. But what are we to do about it? It is better that four million men perish than to compromise privilege; it is not the fault of capital if labor is unemployed; at the banquet of credit, there is no room for everyone.

They are brave, they are stoic, the statesmen of the school of Malthus, when it comes to sacrificing workers by the millions. — You murdered the poor man, said the prophet Elijah to the king of Israel, and then you seized his inheritance. Oecidisti and possessedisti. Today we must reverse the phrase, and say to those who possess and who govern: You have the privilege of labor, the privilege of credit, the privilege of property, as M. Thouret says; and it is because you did not want to part with it that you spilled the life of the poor like water: Possedisti et occidisti!

And the people, under the pressure of the bayonets, are slowly consumed; they die without a sigh or a murmur: the sacrifice is accomplished in silence. Courage, workers! support each other. Providence will eventually overcome fate. Courage! Your fathers, the soldiers of the Republic, were worse off than you at the sieges of Genoa and Mainz.

M. Léon Faucher, fighting for the security of newspapers, for the maintenance of customs on the press, also reasoned like Malthus. — The serious newspaper, he said, the newspaper that deserves consideration and esteem, is the one that establishes itself with a capital of 4 to 500,000 francs. The journalist who has only his pen is like the worker who has only his arms. If he cannot find a way to have his services purchased or his enterprise credited, it is a sign that public opinion condemns him: he has not the slightest right to speak before the country: at the banquet of publicity, there is not room for everyone.

Listen to Lacordaire, that torch of the Church, that chosen vessel of Catholicism. He will tell you that socialism is the antichrist. — And why is socialism the antichrist? — Because socialism is the enemy of Malthus, and because Catholicism, by a final transformation, has become Malthusian.

The Gospel tells us, exclaims the tonsured, that there will always be poor people: Pauperes semper habebitis vobiscum; and that consequently property, insofar as it is a privilege and makes poor people, is sacred. The poor are necessary for the exercise of evangelical charity: at the banquet here below, there cannot be room for everyone.

He pretends to ignore, the infidel, that poverty, in the holy language, means every kind of affliction and pain, and not unemployment and the proletariat. And how he who went all over Judea, crying: Woe to the rich! could he have heard it otherwise? Woe to the rich! in the mind of Jesus Christ, it was woe to the Malthusians.

If Christ lived today, he would say to the Lacordaires and their associates: “You are of the race of those who, in all times, shed the blood of the just, from Abel to Zacharias. Your law is not my law; your God is not my God!” And the Lacordaires would crucify the Christ as seditious and as atheist.

Almost all journalism is infected with the same ideas. Let the National, for example, tell us if it has not always believed, if it still does not believe, that pauperism in civilization is eternal; that the enslavement of one part of humanity is necessary for the glory of the other; that those who claim otherwise are dangerous dreamers who deserve to be shot; that such is the reason of state? For, if such is not the secret thought of the National, if the National sincerely and resolutely wants the emancipation of the workers, why these anathemas, why this anger against the pure socialists, against those who, for ten or twenty years, have been demanding this emancipation?

Let them also deign, so that the People may know them, to make their profession of economic faith, these bohemians of literature, today henchmen of journalism, slanderers at a fixed price, courtiers of all privileges, panegyrists of all vices, parasites living at the expense of other parasites, who speak so much of God only to conceal their materialism; of the family only to cover their adulteries; and that one would see, out of disgust for marriage, caressing apes, if they no longer find themselves Malthusians.

Make girls, we love them, sing these infamous characters, parodying the poet. But refrain from making boys: at the banquet of voluptuousness there is no place for everyone.

The government was inspired by Malthus, when having a hundred thousand workers available to whom it gave a free salary, it refused to employ them in useful work; — when afterwards, after the civil war, it asked for a law of transportation for them. With the expenses of the so-called national workshops, with the expenses of war, of procedure, of prison, of transport, we could give the insurgents work for six months, and change our entire economic system. But labor is a monopoly; but we didn’t want revolutionary industry to compete with the industry of privilege: at the building site of the nation, there is no place for everyone.

Big industry leaves little to do: it is the law of capital, it is Malthus.

Wholesale trade is gradually taking over retail trade: it is Malthus.

Large estates invaded and agglomerated the poorest plots: it is Malthus.

Soon half the people will say to the other:

The earth and its products are my property;

Industry and its products are my property;

Trade and transport are my property;

The state is my property.

You who own neither reserve nor property; who are not a public functionary, and whose work is useless to us, go away! You are really too many on earth: in the sun of the Republic, there is no place for everyone.

Who will tell me that the right to work and to live is not the whole of the Revolution?

Who will tell me that the principle of Malthus is not the whole of the counter-revolution?

And it is for having published such things, it is for having energetically pointed out the evil, and sought the remedy in good faith, that my speech was taken from me by order of the government, of the government that represents the Revolution!

This is why I saw pass over me, mute, the deluge of calumnies, betrayals, cowardice, hypocrisies, outrages, desertions and failures of all those who hated or who loved the people! That’s why I was, for a whole month, given over to the jackals of the press and the owls of the gallery! Never a man, neither in the past nor in the present, was the object of so much execration as I have become, for the sole fact that I make war on cannibals.

To slander who could not answer was to shoot a prisoner. Carnivores of Malthus, I recognize you there! Continue then; we have more than one score to settle yet. And if slander is not enough for you, use iron and lead. You can kill me: no one can avoid his fate, and I am at your discretion. But you will not defeat me: you will not persuade the people, while I am alive, while I hold a pen, that, apart from you, there is someone who is too many on earth. I swear it before the People and before the Republic!

La Calomnie.

12 Août.

Lecteurs, rassurez-vous. Ce n’est pas de moi que je parle ; ce n’est pas ma réputation, mon honneur traîné sur la claie que je veux venger. Que je sois le successeur de Cartouche, de Mandrin, de Lacenaire, comme disent mes biographes ; que le Constitutionnel et ses adeptes m’appellent le théoricien du vol; que le grand Coquerel, de son prénom Athanase, déclare mes propositions dignes de la cour d’assises et du bagne; que celui-ci me fasse bâtard et celui-là souteneur d’une prostituée ; que ceux qui jouissent à la fois et de la mère, et de la fille, et de la soeur, et dé la nièce, et de la servante, me dénoncent comme un destructeur de la famille ; que des libertins et des renégats mettent le comble à l’horreur publique en me signalant comme matérialiste et athée : il s’agit bien de ces misères ! Quand la Révolution est en péril, quand la faim décime le Peuple, je n’ai pas le loisir d’entretenir le public de mes injures personnelles. Le flot de la calomnie passera : les idées que je défends ne passeront pas.

La calomnie à la République : voilà l’objet de mes préoccupations et de mes terreurs.

Calomnie d’en haut et-calomnie d’en bas ; calomnie de la gauche et calomnie de la droite ; calomnie aux feux croisés, en tirailleurs, par pelotons et par mitraille ! c’est la calomnie qui nous tue., républicains, la calomnie qui nous abîme, dans l’âme et dans le corps.

Les calomniateurs de la République, ce sont tout à la fois ceux qui la gouvernent sans la comprendre ; ceux qui la déchirent, parce qu’ils la comprennent ; ceux qui la trahissent et qui l’exploitent, parce qu’ils se jouent de tout, de la République, comme de la monarchie et de la religion.

A tout seigneur, tout honneur : je commence par le National.

En m’adressant au National, je saurai distinguer les personnes de la chose, séparer les écrivains de l’imprimé, les journalistes de la feuille qui est leur organe collectif, comme dit M. Léon Faucher. La conspiration de calomnie qui s’acharne sur moi ne m’empêchera pas d’être juste , même envers des ennemis.

Le National est depuis vingt ans une pépinière de célébrités.

La France littéraire s’honorera toujours des Thiers et des Mignet : pour ma part, je dois à leurs ouvrages plus d’une sorte de reconnaissance.

La République est fière d’Armand Carrel, de son talent autant que de sa bravoure et de son caractère.

Les Magnin, les Taillefer, les Génin, les Bastide, quoique avec moins d’éclat, font honneur au pays, autant qu’au journal qui les mit en lumière. — M. Armand Marrast, après avoir été dix ans le prince de la presse quotidienne, promet à la République un homme d’autant de caractère que d’esprit. J’avoue cependant que je l’aimerais encore mieux derrière son pupitre de journaliste qu’au fauteuil de la présidence… S’il est un écrivain que j’honore de l’approbation de ma conscience et de ma raison, c’est ce philosophe , aussi profond que modeste, aussi éminent par le style que par la science, M. Littré. — La mort de Dornès, enfin, a répandu sur le National un reflet impérissable de patriotisme.

Comment donc se fait-il qu’avec tant de ressources, avec des esprits si puissants, le National n’ait jamais été, depuis qu’il existe, au point de vue des idées, que le plus inintelligent et le plus inintelligible des journaux?

Ah! c’est que le National n’est pas l’organe d’une doctrine : c’est une collection de sentiments, un éclectisme d’opinions. Le National est comme l’Académie, une compagnie de beaux esprits et de génies supérieurs, mais qui, par elle-même et précisément parce que ce n’est qu’une compagnie, est incapable de produire une idée.

Voilà pourquoi le National et son parti n’a jamais su le premier mot de la République à laquelle il travaillait avant février, et qu’il ne cesse de démolir depuis février ; — voilà pourquoi l’avènement du National, de ses opinions et de ses hommes, au gouvernement de la République, a paru au peuple un contre-sens, une usurpation : pourquoi, en deux mots, le National, usurpateur de la République, est devenu le calomniateur de la République.

Je ne connais point les rédacteurs actuels du National : je suppose qu’ils sont en tout dignes de leurs prédécesseurs. Mais j’affirme, sans que je veuille du reste incriminer leurs intentions, que leur feuille, en dissimulant, travestissant comme elle fait tous les jours, la question révolutionnaire, fait oeuvre de calomnie et détruit la République.

La République , préparée , fondée par vingt années de discussions économiques et sociales, auxquelles le National n’a jamais voulu prendre la moindre part, la République est une chose : le National veut qu’elle soit autre.

Le National ne comprend point la République comme idée positive : il n’y voit, n’y a jamais vu qu’une négation, la Charte constitutionnelle, moins le roi. — Lorsque M. Thiers, se tenant dans la sphère des principes, posait son fameux axiome : Le roi règne et ne gouverne pas, il définissait la république du National. Plus matérialiste que M. Thiers, le National, après avoir supprimé le principe, voulut aussi supprimer le symbole ; mais comme, à part la destruction du symbolisme monarchique, le système du iVational ne diffère essentiellement en rien de celui de M. Thiers, à peine la royauté expulsée, le National s’est fait partisan de ce qui ressemble le plus à une royauté, il s’est fait partisan de la présidence, et la République, pour lui, a été constituée. Otez la personne royale, ôtez la prérogative royale, et le National, que Louis-Philippe aimait, parce qu’il l’avait deviné, est tout aussi juste-milieu, aussi doctrinaire, aussi conservateur et rétrograde que M. Guizot.

Depuis 1830, nous n’avons cessé de lui dire : La République, c’est le socialisme. Et le Peuple, dont la voix consacre toutes les vérités, le Peuple à fini par crier, comme nous, en février et depuis février : Vive la République démocratique et sociale !

A cette manifestation décisive, qu’a opposé le National? Il s’est fait écrire une lettre de dix lignes par un homme célèbre, chéri du Peuple, défenseur de la propriété dans un intérêt de doctrine, comme nous en sommes l’adversaire dans un intérêt de doctrine ; lettre dans laquelle cet homme célèbre, M. de Lamennais, déclarait qu’il n’était pas communiste ! Pour se soustraire au jugement du Peuple, le National tire en cause une grande renommée ; quand on lui parle économie sociale, il vous répond métaphysique ; il oppose définition à définition, et il croit en avoir fini avec la critique ! Le Peuple n’a point été dupe du sophisme : il a demandé avec un redoublement d’énergie l’organisation du travail, la République démocratique et sociale.

Combien de fois, chiffres en main, n’avons-nous pas dit au National : Prenez garde, la société est établie sur une erreur de compte. Ce qui engendre le paupérisme, c’est qu’on applique à la nation,,à l’être collectif, les principes de l’économie domestique ; c’est qu’on suppose dans la société un bénéfice qui n’existe pas ; c’est que le travailleur, sur qui le capital et le privilège prélèvent ce bénéfice, ne peut pas racheter son produit, et que le travailleur ne rachetant pas son produit, il y a nécessairement stagnation, grève, puis dépréciation, faillite et banqueroute ; c’est, en un mot, que par la rente et l’intérêt des capitaux, sans que personne soit coupable de maléfice et de mauvaise foi, le travailleur est volé!…

Au lieu de vérifier le fait, le National, qui se connaît peu, à ce qu’il paraît, en comptabilité, et dont le .spiritualisme rougirait de descendre à ces vilenies de produit net et de produit brut, le National s’est d’abord renfermé dans un superbe silence ; et quand enfin il a daigné s’occuper des questions économiques, c’a été pour consacrer purement et simplement la productivité du capital, précisément la cause du paupérisme, une fiction, un mensonge !

Toute la révolution, selon nous, consiste à supprimer un mot, un seul mot de l’article 8 de la déclaration des droits :

« La propriété consiste dans le droit de jouir et de disposer de ses biens, _de ses revenus_, des fruits de son travail, de son intelligence et de son industrie. »

Le revenu, disons-nous, n’est qu’une hypothèse, dont l’analyse économique démontre la fausseté, dont la républicanisation du crédit entraîne fatalement l’abolition. Ou la Révolution est absurde et la République un non-sens, ou bien par le droit de propriété vous ne pouvez plus à l’avenir entendre autre chose que le droit de disposer des fruits de son travail, de son intelligence et de son industrie, qui est tout ce qu’entend, tout ce que demande le Peuple. C’est par erreur et surprise que le mot revenus s’est glissé dans la déclaration des droits de Robespierre, c’est cette erreur qui a fait, qui fera toujours avorter la République.

Le National, qui est girondin, thermidorien, malthusien, partisan du produit net, qui ne veut pas de la gratuité du crédit, qui sera royaliste, quand on lui aura démontré qu’entre la royauté et le socialisme il n’y a pas de moyen terme, le National se borne à répondre que nous sommes des anarchistes, des ambitieux; que nous légitimons le vol, que nous détruisons la famille et la propriété !…

La calomnie, toujours la calomnie !..

Nous, républicains, nous qui depuis vingt ans avons arbore notre drapeau, proclamé nos principes, publié notre profession de foi, c’est nous que le National, qui n’a ni prévu, ni compris la République, taxe d’exagération, de fausse politique, de menées coupables, de tendances anti* sociales ! C’est nous qui perdons la cause du Peuple, qui compromettons le droit au travail, par nos définitions et nos manifestes ! C’est nous qui produisons la détresse publique ! C’est nous qui attisons la guerre civile ! Si la République est suspecte à la bourgeoisie, aux capitaux, à la propriété, c’est nous qui avons fait le mal, en dénonçant à tous le principe, l’objet et la signification de la République ! Si les prétendants réussissaient dans leurs complots, c’est nous qui les aurions ramenés !…

Il faut convenir, pourtant, qu’il s’agit de bien autre chose aujourd’hui que d’un remaniement de la charte.

Le principe de la République, ainsi que vient de le reconnaître l’Assemblée nationale par un vote unanime, est le principe de la souveraineté du peuple et du suffrage universel.

Cela veut dire que, sous la République, il n’y a d’autres droits que ceux qui ont été garantis par le peuple, d’autre gouvernement que celui du peuple, d’autre justice que celle du peuple, d’autre force que le peuple, d’autres fonctionnaires que les élus du peuple.

Et comme le peuple n’est vraiment souverain et législateur qu’autant que tous les citoyens participent également à la loi et à l’exercice du pouvoir, il s’ensuit que l’égalité, condition essentielle de la souveraineté, est le deuxième principe républicain- Dans le système qui doit surgir de pareils principes, l’inégalité des conditions, le monopole, la vénalité des charges, la distinction des castes sont impossibles ; et il est vrai de dire que, ou le privilège, si quelque part on le souffre, tuera la République, ou la République, si elle suit son principe, emportera le privilège.

Ainsi donc, pour employer des termes moins abstraits, le travail, comme droit et comme devoir, pour tout le monde ; la propriété, comme instrument de travail et comme rémunération, pour tout le monde : voilà ce que veut, ce que doit être la République. C’est encore l’Assemblée nationale qui, dans le même vote, l’a ainsi décidé. Quelques théoriciens , pensant que la propriété impliquait nécessairement privilège, niaient la propriété et demandaient en conséquence que la propriété n’existât pour personne. L’Assemblée nationale a résolu le problème d’une autre manière : elle a pensé qu’il valait mieux que le privilège de propriété fût étendu à tous ; que chaque citoyen devînt, de fait comme de droit, propriétaire ; que tout le monde fût intéressé à la propriété. En conséquence, elle a déclaré le principe de la propriété inviolable, se réservant de le définir lors du vote de la constitution.

Mais, pour que le travail soit en même temps garanti et rendu obligatoire à tous ; pour que chaque citoyen acquière la propriété, et, après l’avoir acquise, ne la puisse plus perdre : il faut remanier de fond en comble noire régime économique ; il faut refaire , non pas seulement notre constitution politique, mais notre constitution sociale.

Sur quels principes et d’après quelles lois devra s’opérer cette réorganisation ?

Voilà ce que le socialisme cherche depuis vingt ans, et ce qui soulève les malédictions du National.

Le travail qui, sous le nom de socialisme, s’est accompli dans les idées dès avant la révolution de 1830, n’a eu d’autre but que de définir le régime républicain, d’en déterminer les conditions, d’en poser les bases. Maintes fois nous avons averti le National, organe prétendu de la république sous le dernier règne. Le National n’a jamais voulu nous entendre ; il s’est obstiné dans son éclectisme constitutionnel; il a repoussé toute discussion.

En vain nous lui disions : La question aujourd’hui n’est plus politique ; elle est économique. La féodalité mercantile, la pire des aristocraties, envahit la société et fait rétrograder la civilisation jusque par delà Charlemagne. Dans cette France, ou l’égalité est indigène, la capital écrase, absorbe la petite industrie, le petit commerce, les petites fortunes, un peuple de citoyens se transforme, à vue d’oeil, en un peuple d’esclaves. D’autant plus nous produisons, d’autant plus nous sommes pauvres : et quand après avoir longtemps travaillé, longtemps produit, nous ne possédons plus rien, le capital alors s’arrête, renvoie les ouvriers, et dit : On ne travaille plus. Notre activité, si intelligente, si féconde, nous rend la vie de plus en plus laborieuse, de plus en plus précaire, de plus en plus misérable. Nous perdons tour à tour, par ce mécanisme, la propriété, la sécurité, l’égalité, le travail, la famille, l’amour même. Que ferez-vous donc, hommes du National, après que vous aurez chassé Louis-Philippe et supprimé un article de la charte?

A ces interpellations positives, réitérées, le National n’a jamais daigné répondre, ou s’il y a répondu, c’a été pour nous reprocher que nous corrompions l’esprit du peuple en ne lui parlant que d’intérêts matériels !

Et aujourd’hui, surpris par un événement qu’il a provoqué, mais qu’il n’a pas produit, mis en demeure d’organiser la République, sommé par tous les partis de déclarer sa pensée, il bégaie, il murmure, il échange des protocoles avec ses confrères dynastiques, parfois il accuse les réactionnaires, plus souvent, presque toujours, il calomnie les républicains.

Le National, qui n’a pas donné, en vingt ans, un quart d’heure à la question sociale, un quart d’heure à la République, nous déclare , du haut de son incapacité, ennemis de la République ! Il voudrait dissimuler, ruser avec l’opinion : faire à la fois du socialisme et du privilège ; jouer à la bascule avec le travail et le capital, accorder le Christ et Bélial, persuader aux volés qu’ils sont eux-mêmes les voleurs, éterniser l’équivoque et la misère ! Comme si la question révolutionnaire n’était pas, depuis vingt ans, posée ; comme si.la révolution de Février n’était pas la fin d’un régime de privilège, de corruption, de gâchis, et le commencement d’un régime fondé sur la science et l’égalité ; comme si l’idée-mère de cette révolution était chose nouvelle; comme si, en pareille circonstance, la dissimulation n’était pas trahison !

Dites-nous donc de grâce, gens du National, ce que vous entendez par ce mot de république? Définissez, s’il vous plaît, le droit au travail, le droit de propriété, la souveraineté du peuple, le suffrage universel, la démocratie, la liberté et l’égalité? Ne perdez point de temps; nous avons déjà trop attendu : Qu’est-ce que la République ? pourquoi avez-vous fait la République ?

La République crie au National : marche ! marche ! Et le National répond à la République : arrête ! arrête ! La République va trop vite pour le National : il ne s’était pas attendu à cette fougue. Il trouve que nous sommes impatients ; il vient de se mettre à la question, il commence seulement ses études! N’a-t-il pas déjà fait nommer un comité de travailleurs? ordonné une enquête sur les travailleurs? envoyé M. Blanqui, avec plusieurs économistes, en tournée dans les départements, pour faire un rapport sur la situation des travailleurs? Tous les jours ne s’essaie-t-il pas aux réformes ? N’est-ce pas lui ou ses hoirs qui a donné cours forcé aux billets de banque, converti en rentes les bons du trésor et les livrets des caisses d’épargne ; inventé l’impôt de quarante-cinq centimes ; fait, défait, refait l’impôt sur les boissons ; tâté de l’impôt progressif et de l’impôt somptuaire ; proposé, retiré, annoncé de nouveau l’impôt sur le revenu; ajourné la réduction de l’impôt sur le sel; engagé ou vendu les forêts de l’Etat? N’a-t-il pas, en toute occasion, protesté contre les assignats et le papier-monnaie, préparé la loi sur les assurances? N’est-il pas en train de racheter les chemins de fer ? N’a-t-il pas contracté l’emprunt à 65? — A 65 ! Certes les prêteurs ne s’exposent guère ! Vienne une banqueroute : on trouvera bien moyen d’obtenir, de notre fortuné pays, un concordat à 65 !…

Et la République ne veut pas attendre ! la République, dans les angoisses de la grève et de la faim, ose lever là tête ! Gardes nationaux et soldats, feu ! sur la République démocratique et sociale !

Il nous demandait, hier, si nous avions quelque chose à ajouter aux aménités dont nous l’avons gratifié, il y a sept ans, dans une brochure intitulée : Avertissement aux propriétaires!

Ceci nous remet en mémoire que le National, à une époque où il ne disposait pas de la force publique, se contentait de nous signaler pour nos idées républicaines, au procureur du roi. Nous en retrouverions au besoin les pièces. Le National se faisant éclaireur du parquet pour le salut du privilège, et désignant du doigt, comme la justice divine dans le tableau de Prudhon, les adversaires du revenu net! Quel souvenir nous rappelez-vous là !

Ah ! républicains du National, nous ne pensions pas être prophète, lorsque déplorant votre aveuglement fatal, et prévoyant dès lors le désespoir d’une multitude égarée , nous écrivions, en 1839 :

« L’opulence et la misère, compagnes inséparables, croîtront dans une progression sans fin ; le capital envahira tout; le paysan ruiné vendra son héritage… La misère et l’abrutissement des prolétaires seront au comble : on ne les empêchera pas de s’instruire ; mais ils ne pourront vivre sans travailler, et quand ils ne travailleront pas, ils ne mangeront rien… Le mérite des femmes ne sera plus que le tarif de la beauté ; leur droit le plus sacré , de se livrer au plus offrant. Les riches les posséderont toutes, parce qu’eux seuls pourront les payer : les pauvres auront pour épouses les êtres disgraciés et les rebuts de la luxure…

« Cependant il se rencontrera des âmes fières, des hommes qui refuseront de découvrir leurs fronts devant le veau d’or : ceux-là voudront entrer en compte avec les favoris de la fortune.—Comment êtes-vous si riches et sommes-nous si pauvres ? — Nous avons travaillé, répondront les riches ; nous avons épargné, nous avons acquis… — Nous travaillons plus que vous ; comment se fait-il que nous n’acquérions jamais rien?—Nous avons hérité de nos pères?— Ah ! vous invoquez la possession, la transmission, la prescription ! Eh bien ! nous appelons la force. Propriétaires, défendez vous !

« Et il y aura des combats et des massacres, et quand force sera demeurée à la loi, quand les révoltés seront détruits, on écrira sur leurs tombes : ASSASSINS, tandis ce que leurs victimes seront glorifiées MARTYRS ! » (De la célébration du dimanche.)

Et dans cet Avertissement aux propriétaires que vous osez citer, ne disions-nous pas, en 1842, aux prolétaires déjà irrités :

« Maintenant que le système de monarchie représentative tire à sa fin, c’est le tour d’une démocratie bourgeoise, incohérente, querelleuse , babillarde… —Détruisez le gouvernement actuel, et au lieu de cette égalité à laquelle vos coeurs généreux aspirent, vous n’obtiendrez qu’une répétition de la démocratie conventionnelle ou directoriale, interrompue violemment elle-même il y a quarante-quatre ans, au 18 brumaire. Et comme tout gouvernement veut se maintenir et se croit légitime, vous rencontrerez de nouvelles résistances, plus impitoyables et plus acharnées, de sorte qu’après avoir échappé aux balles dynastiques, vous tomberez sous les balles républicaines. Il faut que les destins s’accomplissent… »

Puis nous ajoutions, en invitant les ouvriers à la patience et à la paix, et en redisant avec eux la chanson faubourienne ;

« En avant, courage ! 

« Marchons les premiers : 

« Du coeur à l’ouvrage,

« Braves ouvriers ! »

« Marchez, en chantant, à la conquête du nouveau monde, race prédestinée ! Travaillez, instruisez-vous les uns les autres, braves ouvriers ! Votre refrain est plus beau que celui de Rouget de l’Isle ! »

Hélas ! nous ne pouvons plus aujourd’hui dire aux travailleurs : Marchez en chantant à la conquête du nouveau monde, race prédestinée ! Plus de travail, plus de chansons !

Nous leur dirons plutôt :

Allez en deuil, le crêpe au bras, le drapeau noir flottant, les femmes-en pleurs, les enfants répétant en choeur la romance de misère : Cinq sous! allez au National, race désespérée ! allez lui demander ce qu’il a fait de la République.

La fenaison a été belle , la moisson est riche , la vigne luxuriante, les campagnes joyeuses. La jolie paysanne ne demande qu’à échanger ses fruits, ses fromages, ses volailles, contre les modes et les passementeries de vos ouvrières. Le laboureur, le vigneron, regorgeant de bien, est prêt à vous payer des dons de la nature les produits de votre industrie et de vos arts. Mais le privilège, retirant ses écus, a jeté l’interdit sur le travail et sur l’échange ; les communications sont coupées entre la ville et la campagne. C’est pourquoi l’abondance ruine le paysan, pendant que la grève tue l’ouvrier. Allez au National, allez lui demander quand il lui plaira de vous donner la République !

O Cavaignac ! nous t’aimons tous du fond du coeur, pour ton frère, pour toi ! Nous ne t’accusons pas : tu as été l’instrument de la fatalité ; tu n’es pas plus coupable du meurtre de nos frères que les balles de tes soldats. Sois donc le Washington de la France socialiste et républicaine, et garde-toi de te faire le Monck de ces égoïstes. Méfie-toi : quelque chose nous dit que la trahison t’environne, qu’autour de toi se trament des complots contre le Peuple et contre les travailleurs. Souviens-toi bien que les prétendants sont désormais impossibles. Eh ! lequel d’entre eux serait de force à nous garantir le travail et la propriété?…

Le travail ! ce n’est point un cadeau de roi : c’est un présent de la République.

Calumny.

August 12, 1848.

Readers, rest assured. I’m not talking about myself; it is not my reputation, my honor dragged on the hurdle that I want to avenge. Let me be the successor of Cartouche, of Mandrin, of Lacenaire, as my biographers say; let the Constitutionnel and its followers call me the theoretician of theft; let the great Coquerel, by his first name Athanase, declare my proposals worthy of the court of assizes and the penal colony; let this one make me a bastard and that one the pimp of a prostitute; let those who enjoy both the mother, and the daughter, and the sister, and the niece, and the servant, denounce me as a destroyer of the family; let libertines and renegades drive public horror to its height by signaling me as a materialist and atheist: it is indeed a question of these miseries! When the Revolution is in danger, when hunger decimates the People, I have no time to entertain the public with my personal insults. The flood of calumny will pass: the ideas that I defend will not pass.

Calumny to the Republic: this is the object of my preoccupations and my terrors.

Calumny from above and calumny from below; calumny from the left and calumny from the right; calumny in the crossfire, in skirmishers, by platoons and by grapeshot! it is calumny that kills us, republicans, calumny that damages us, in soul and in body.

The slanderers of the Republic are at the same time those who govern it without understanding it; those who tear it up, because they understand it; those who betray it and who exploit it, because they make fun of everything, the Republic, as well as the monarchy and religion.

Credit where credit is due: I begin with the National.

In addressing myself to the National, I will know how to distinguish people from things, to separate writers from the printed word, journalists from the paper that is their collective organ, as M. Léon Faucher says. The conspiracy of calumny that is hounding me will not prevent me from being just, even towards enemies.

The National has been a breeding ground for celebrities for twenty years.

Literary France will always be honored by Thiers and Mignet: for my part, I owe more than one kind of recognition to their works.

The Republic is proud of Armand Carrel, of his talent as much as of his bravery and character.

The Magnins, the Taillefers, the Génins, the Bastides, although with less brilliance, do honor to the country as much as to the newspaper that brought them to light. — M. Armand Marrast, after having been the prince of the daily press for ten years, promises the Republic a man of as much character as wit. I admit, however, that I would like him even better behind his journalist’s desk than in the chair of the presidency… If there is a writer whom I honor with the approval of my conscience and my reason, it is this philosopher, as profound as he is modest, as eminent in style as in science, M. Littré. — The death of Dornes, finally, cast upon the National an imperishable reflection of patriotism.

How then is it that with so many resources, with such powerful minds, the National has never been, since its existence, from the point of view of ideas, anything but the most unintelligent and the most unintelligible of newspapers?

Ah! it is that the National is not the organ of a doctrine: it is a collection of sentiments, an eclecticism of opinions. The National is like the Academy, a company of fine minds and superior geniuses, but which, by itself and precisely because it is only a company, is incapable of producing an idea.

That is why the National and its party never knew the first word of the Republic for which it was working before February, and which it has not ceased to demolish since February; — that is why the advent of the National, of its opinions and of its men, to the government of the Republic, seemed to the people a misconception, a usurpation: why, in short, the National, usurper of the Republic, has become the slanderer of the Republic.

I do not know the present editors of the National: I suppose that they are in every way worthy of their predecessors. But I affirm, without wanting to incriminate their intentions, that their paper, by concealing, disguising as it does every day, the revolutionary question, is doing a work of slander and destroying the Republic.

The Republic, prepared, founded by twenty years of economic and social discussions, in which the National never wanted to take the slightest part, the Republic is one thing: the National wants it to be something else.

The National does not understand the Republic as a positive idea: it sees in it, has never seen in it, anything but a negation, the Constitutional Charter, minus the king. — When M. Thiers, standing in the sphere of principles, laid down his famous axiom: The king reigns and does not govern, he was defining the republic of the National. More materialistic than M. Thiers, the National, after suppressing the principle, also wanted to suppress the symbol; but as, apart from the destruction of monarchical symbolism, the system of the National does not differ essentially in any way from that of M. Thiers, hardly has royalty been expelled, than the National has made itself a partisan of what most resembles royalty, it made itself a partisan of the presidency, and the Republic, for it, was constituted. Take away the royal person, take away the royal prerogative, and the National,  which Louis-Philippe loved, because he had figured it out, is just as middle-ground, as doctrinaire, as conservative and retrograde as M. Guizot.

Since 1830, we have never ceased to tell it: The Republic is socialism. And the People, whose voice consecrates all truths, the People ended up shouting, like us, in February and since February: Long live the democratic and social Republic!

To this decisive demonstration, what did the National oppose? It had a ten-line letter written to him by a famous man, beloved of the People, defender of property in the interest of doctrine, as we are its adversary in the interest of doctrine; a letter in which this famous man, M. de Lamennais, declared that he was not a communist! To evade the judgment of the People, the National calls into question a great reputation; when you talk to it about social economy, it answers metaphysics; it opposes definition to definition, and it thinks that it is done with criticism! The People were not taken in by the sophism: they demanded with renewed energy the organization of labor, the democratic and social Republic.

How many times, figures in hand, have we not said to the National: Take care, society is established on an error of accounting. What engenders pauperism is the application to the nation, to the collective being, of the principles of domestic economy; it is that we suppose in society a benefit which does not exist; it is that the worker, frp, whom capital and privilege take this profit, cannot redeem his product, and because the worker not redeeming his product, there is necessarily stagnation, strikes, then depreciation, failures and bankruptcy; it is, in a word, because by the rent and the interest of capital, without anyone being guilty of witchcraft and bad faith, the worker is robbed!…

Instead of verifying the fact, the National, which knows little, it seems, of accounting, and whose spiritualism would blush to descend to these villainies of net product and gross product, the National has at first enclosed itself in a superb silence; and when it finally deigned to concern itself with economic questions, it was purely and simply to consecrate the productivity of capital, precisely the cause of pauperism, a fiction, a lie!

The whole revolution, in our view, consists in removing one word, one word, from Article 8 of the Bill of Rights:

“Property consists in the right to enjoy and dispose of one’s goods, of one’s income, of the fruits of one’s labor, of one’s intelligence and of one’s industry.”

Income, we say, is only a hypothesis, the falsity of which is demonstrated by economic analysis, and the republicanization of credit inevitably leads to its abolition. Either the Revolution is absurd and the Republic nonsense, or else by the right of property you can no longer mean anything other than the right to dispose of the fruits of one’s labor, intelligence and industry, which is all that the People hear, all that the People ask for. It was by mistake and surprise that the word income slipped into Robespierre’s declaration of rights, it is this error that has made, which will always make the Republic abort.

The National, which is Girondin, Thermidorian, Malthusian, partisan of the net product, which does not want free credit, which will be royalist, when it has been shown that between royalty and socialism there is no middle term, the National limits itself to answering that we are anarchists, ambitious; that we legitimize theft, that we destroy family and property!…

Calumny, always calumny!

We Republicans, we who for twenty years have hoisted our flag, proclaimed our principles, published our profession of faith, it is we who the National, which has neither foreseen nor understood the Republic, tax with exaggeration, false policy, culpable intrigues, anti-social tendencies! It is we who doom the cause of the People, who compromise the right to work, by our definitions and our manifestos! It is we who produce public distress! It is we who stir up civil war! If the Republic is suspect to the bourgeoisie, to capital, to property, it is we who have done the wrong, by announcing to everyone the principle, the object and the meaning of the Republic! If the pretenders succeeded in their plots, we would have brought them back!…

It must be admitted, however, that it is a question of much more today than a revision of the charter.

The principle of the Republic, as the National Assembly has just recognized by a unanimous vote, is the principle of the sovereignty of the people and of universal suffrage.

This means that, under the Republic, there are no other rights than those that have been guaranteed by the people, no other government than that of the people, no other justice than that of the people, no other power than the people, no other civil servants than the elected representatives of the people.

And since the people are truly sovereign and legislator only insofar as all citizens participate equally in the law and in the exercise of power, it follows that equality, the essential condition of sovereignty, is the second republican principle. In the system that must arise from such principles, inequality of conditions, monopoly, venality of office, distinction of castes are impossible; and it is true to say that either privilege, if it is tolerated somewhere, will kill the Republic, or the Republic, if it follows its principle, will take away the privilege.

So then, to use less abstract terms, labor, as a right and as a duty, for everyone; property, as an instrument of labor and as remuneration, for everyone: this is what the Republic wants, what must be. It is again the National Assembly that, in the same vote, so decided. Some theorists, thinking that property necessarily implied privilege, denied property and therefore demanded that property should not exist for anyone. The National Assembly solved the problem in another way: it thought it better that the privilege of property should be extended to all; that each citizen should become, de facto as well as de jure, a proprietor; that everyone was interested in property. Consequently, it declared the principle of inviolable property, reserving to define it during the vote on the constitution.

But, so that labor is at the same time guaranteed and made compulsory for all; so that each citizen acquires property, and, after having acquired it, cannot lose it any more: it is necessary to remodel our economic system from top to bottom; we must remake, not only our political constitution, but our social constitution.

On what principles and according to what laws should this reorganization take place?

This is what socialism has been seeking for twenty years, and what raises the curses of the National.

The work that, under the name of socialism, was accomplished in ideas even before the revolution of 1830, had no other aim than to define the republican regime, to determine its conditions, to lay down the basics. Many times we have informed the National, the so-called organ of the republic under the last reign. The National never wanted to listen to us; it persisted in its constitutional eclecticism; it rejected any discussion.

In vain we said to it: The question today is no longer political; it is economical. Mercantile feudalism, the worst of aristocracies, invades society and makes civilization retreat even beyond Charlemagne. In this France, where equality is indigenous, capital crushes, absorbs small industry, small trade, small fortunes, a people of citizens is transformed, visibly, into a people of slaves. The more we produce, the poorer we are and when, after having worked for a long time, produced for a long time, we no longer possess anything, then capital stops, dismisses the workers, and says: We no longer work. Our activity, so intelligent, so fruitful, makes our life more and more laborious, more and more precarious, more and more miserable. We lose in turn, by this mechanism, property, security, equality, labor, family, even love. What will you do then, men of the National, after you have expelled Louis-Philippe and suppressed an article of the charter?

To these repeated positive interpellations, the National has never deigned to respond, or if it has responded, it was to reproach us for corrupting the minds of the people by speaking to them only of material interests!

And today, surprised by an event that it provoked, but which it did not produce, put on notice to organize the Republic, summoned by all parties to declare its thoughts, it stutters, it murmurs, it exchanges protocols with its dynastic colleagues, sometimes it accuses the reactionaries, more often, almost always, it slanders the republicans.

The National, which has not given, in twenty years, a quarter of an hour to the social question, a quarter of an hour to the Republic, declares us, from the height of its incapacity, enemies of the Republic! It would like to dissemble, to trick public opinion, to pursue socialism and privilege at the same time; playing seesaw with labor and capital, granting Christ and Belial, persuading the robbed that they themselves are thieves, eternalizing ambiguity and misery! As if the revolutionary question had not been posed for twenty years; as if the February Revolution were not the end of a regime of privilege, corruption and waste, and the beginning of a regime based on science and equality; as if the main idea of this revolution were something new; as if, in such circumstances, dissimulation were not treason!

Please tell us, people of the National, what you mean by this word republic? Please define the right to work, the right to property, the sovereignty of the people, universal suffrage, democracy, liberty and equality? Do not waste time; we have already waited too long: What is the Republic? Why did you make the Republic?

The Republic shouts to the National: March! March! And the National responds to the Republic: Stop! Stop! The Republic is going too fast for the National. It had not expected this passion. It finds that we are impatient; it has just put the question to itself, it is only beginning its studies! Hasn’t it already had a workers’ committee appointed? Ordered an investigation of the workers? Sent M. Blanqui, with several economists, on a tour of the departments, to report on the situation of the workers? Doesn’t it try its hand at reform every day? Was it not it or its heirs who gave forced circulation to banknotes, converted treasury bonds and savings bank passbooks into annuities; invented the tax of forty-five centimes; done, undone and redone the beverage tax; tried the progressive tax and the sumptuary tax; proposed, withdrawn and re-announced the income tax; postponed the salt tax reduction; pledged or sold state forests? Did it not, on all occasions, protest against assignats and paper money, prepare the law on insurance? Isn’t it buying up the railroads? Didn’t it take out the loan at 65? — At 65! Certainly the lenders hardly expose themselves! Bankruptcy will come: we will find a way to obtain, from our fortunate country, a concordat at 65!…

And the Republic does not want to wait! the Republic, in the anguish of strikes and hunger, dares to raise its head! National guards and soldiers, fire! on the Democratic and Social Republic!

It asked us yesterday if we had anything to add to the amenities we gave it seven years ago in a brochure entitled: Warning to the Proprietors!

This reminds us that the National, at a time when it did not have the police force, was content to report us for our republican ideas, to the king’s prosecutor. We would find the parts if necessary. The National making itself a scout for the prosecution for the salvation of privilege, and pointing with his finger, like divine justice in Prudhon’s picture, the adversaries of net revenue! What memory do you remember there!

Ah! Republicans of the National, we did not think we were prophets when, deploring your fatal blindness, and therefore foreseeing the despair of a bewildered multitude, we wrote in 1839:

“Opulence opulence and misery, inseparable companions, will increase in an endless progression; capital will invade everywhere. The bankrupt peasant will sell his inheritance… The misery and brutalization of the proletarians will be at its height: they will not be prevented from learning; but they will not be able to live without working, and when they do not work, they will eat nothing… The merit of women will no longer be anything but an evaluation of their beauty, their most sacred right, to be surrendered to the highest bidder. The wealthy will possess them all, because they alone can pay; the poor will be left with the disgraced and the cast-offs of luxury…

However, they will sometimes encounter some proud souls, men who refuse to bow down before the golden calf. Those will want to compare accounts with the favorites of fortune. — Why are you so rich and we are so poor? — We have labored, respond the rich; we have saved, and we have acquired. — We labor as much as you, how is it that we never acquire anything? — We have inherited from our fathers. — Ah! You invoke possession, transmission, prescription. Well! We call on force. Proprietors, defend yourselves !

And there will be combats and massacres; and when force has again been established as law, when the rebels have been destroyed, they will write on their tombs ASSASSINS, while their victims will be glorified as MARTYRS. (from The Celebration of Sunday)

And in this Warning to the Proprietors that you dare to quote, did we not say, in 1842, to the already irritated proletarians:

“Now that the system of representative monarchy draws to an end, it is the turn of a bourgeois, incoherent, quarrelsome, talkative democracy… — Destroy the present government, and instead of that equality to which your generous hearts yearn, you will only obtain a repetition of conventional or managerial democracy, itself violently interrupted forty-four years ago, on 18 Brumaire. And as every government wishes to maintain itself and believes itself to be legitimate, you will encounter new resistance, more pitiless and fiercer, so that after having escaped the dynastic bullets, you will fall under the republican bullets. Destinies must be fulfilled…”

Then we added, inviting the workers to patience and peace, and repeating with them the faubourian song;

“Forward, courage!
“Let us go first:
“From the heart to the work,
“Brave workers!”

“March, singing, to conquer the new world, predestined race! Labor, educate one another, brave workers! Your refrain is more beautiful than that of Rouget de l’Isle!”

Alas! Today we can no longer say to the workers: March singing to conquer the new world, predestined race! No more work, no more songs!

Instead, we will tell them:

Go in mourning, crepe on the arm, black flag waving, women in tears, children repeating in chorus the romance of misery: Five sous! Go to the National, desperate race! Go ask it what it has done with the Republic.

The haymaking was fine, the harvest is rich, the vines luxuriant, the countryside joyful. The pretty peasant woman asks only to exchange her fruits, her cheeses, her poultry, for the fashions and trimmings of your workers. The plowman, the vine-grower, abounding in the good, is ready to pay you with the gifts of nature for the products of your industry and your arts. But privilege, withdrawing its crowns, has placed a ban on labor and on exchange; communications are cut between the city and the countryside. This is why abundance ruins the peasant, while the strike kills the worker. Go to the National, ask it when it pleases it to give you the Republic!

O Cavaignac! We all love you from the bottom of our hearts, for your brother, for you! We do not accuse you: you were the instrument of fate; you are no more guilty of the murder of our brothers than the bullets of your soldiers. So be the Washington of socialist and republican France, and take care not to make yourself the Monck of these selfish people. Beware: something tells us that treason surrounds you, that around you are plots against the People and against the workers. Remember that suitors are now impossible. Well! Which of them would be strong enough to guarantee us labor and property?…

Labor! it is not a gift from a king: it is a present from the Republic.

Le National.

15 Août.

Mon âme est triste à mourir, disait le Christ au Jardin des Oliviers : ôtes-moi ce calice amer !

C’est le sentiment que nous éprouvions ce matin, à la lecture du National. — Ceci, bien entendu, sans aucune comparaison de nous avec l’Homme-Dieu, pas plus que du National avec Judas.

Le brave journal fait le plaisant. L’idée d’une liquidation générale de la société le fait rire : la République est si prospère ! son crédit si bien établi !… Il ricane le socialisme, le proudhonisme, sans s’apercevoir que le isme ne s’accole pas mieux à notre nom qu’à nos idées, et que cet essai malheureux de barbarisme est déjà pour nous une justification. — Il ergote, le pauvre National, comme un clerc de procureur :

« Si, dit-il, nous travaillons à détruire la République, a elle existe donc ! Mais si elle existe, pourquoi nous dece mander quand il nous plaira de la donner? Elle n’existe ce donc pas encore ? mais si elle n’existe pas encore, nous ce n’avons donc pas travaillé à l’établir ! Et si nous n’avons pas ce travaillé à l’établir, nous ne la détruisons donc point !… »

Vous connaissez sans doute, ami lecteur, ce fameux syllogisme, type du genre : Il pleut; or il ne pleut pas ; donc il pleut ! Vous avez tout le secret de la dialectique du National.

Ce qui indisposé notre trop spirituel confrère, c’est que, dans je ne sais quel entrefilet, nous aurions parlé, peut-être étourdiment, de certains faits de nature à compromettre la dignité du National, et offensants pour sa personne. Il nous somme de faire connaître ces certains faits. Le National mitonnerait-il contre nous un petit procès en diffamation et calomnie ? Ceci serait un peu plus sérieux que l’incroyable épisyllogisme de tout-à-l’heure. Car, remarquez bien : Si nous n’articulons pas certains faits dont nous l’avons menacé, le National nous poursuit en calomnie. Et si nous articulons lesdits faits, le National nous poursuit, à plus forte raison, en calomnie. Comment sortir de là ? C’est un si terrible raisonneur que le National !

Les faits ! les faits ! — Certes nous sommes à plaindre s’il nous faut donner le bilan des faits et gestes du National! La citation serait longue, et longue la kyrielle. Pourtant nous essaierons d’en dire quelque chose, au risque du procureur du roi, pardon, du procureur de la République. On commettrait de plus fortes méprises avec le National.

Depuis 1830, le National poursuit de sa réprobation, de sa haine, le socialisme. Cela est-il vrai, oui ou non? Voilà un premier fait. Et pourtant le socialisme, c’est la République. Qu’en dit le National ?

En 1842, nous reprochions au National de repousser la colonisation de l’Algérie, et, par une conséquence nécessaire, de rêver l’abandon de notre conquête. Nous lui citions, à cette occasion, ses numéros des ler, 4,16 et 22 juin 1841. Voilà un deuxième fait. — Le National persiste-t-il aujourd’hui dans son opinion de 1841, ou bien la désavouet-il ? Il nous fera plaisir de nous le dire : nous serions heureux de retirer cet article du chapitre de nos griefs.

Le National, en 1841, était contraire à la liberté de la presse. Il nous dénonçait, à plusieurs reprises, notamment à l’occasion du procès Quénisset, pour nos critiques sociales; il applaudissait à la condamnation de Thoré. Et c’est sous l’influence, sous le gouvernement du National, que l’Assemblée constituante vient de voter, en 1848, un code de la presse qui ne cède en rien à celui de septembre. Voilà des faits. Le National nous dira-t-il s’il approuve cette législation d’inquisiteurs, conséquemment s’il rétracte son intolérance de 1841 vis-à-vis des idées socialistes? — Encore une fois, nous ne demandons pas mieux que d’enregistrer les explications du National; nous ne voulons pas le juger sans l’entendre, comme en usent avec les insurgés de juin ses commissions militaires.

Nous reprochions au National, en 1842, de faire servir la souveraineté du peuple et le suffrage universel de marchepied à un despotisme militaire. Nous lui citions ses propres paroles sur la mort d’Armand Carrel, qu’il avait, disait-il, salué premier consul. — Nous lui rappelions qu’en juin 1841, interrogé par la Gazette de France, si, au cas où le peuple, réuni en assemblées primaires, élirait un roi, lui, National, accepterait cette élection, il avait répondu, Oui ! — Ce sont des faits. Actuellement le National est le grand promoteur de la _présidence_, et, Dieu merci, les généraux ne manquent pas au gouvernement. Le National nous dira-t-il où il entend s’arrêter sur cette pente monarchico-militaire ? Ce que nous lui en disons est pour éviter toute calomnie : le National, en un mot, est-il encore ou n’est-il plus royaliste?

Un des sujets les plus graves de reproches que la démocratie ait le droit de faire au National est l’embastillement de Paris. M. Bastide, par une générosité de sentiments qui l’honore, a revendiqué pour lui seul la responsabilité de cet acte ; M. Armand Marrast, par une générosité non moins louable, n’a jamais, quoique innocent, songé à décliner cette responsabilité. M. Marrast comprenait que ce qui sort du journal appartient au journal ; que la critique doit s’arrêter à la porte des bureaux, et jamais, sous la feuille, ne rechercher de noms propres. Nous ferons comme M. Marrast. Les forts détachés servent, depuis février, de prison aux socialistes et de casernes aux armées de la bourgeoisie : toujours des faits! — Le National nous dira-t-il quel usage il prévoit devoir faire, pour l’avenir, des fortifications de Paris.

On demandait au National quel était son système de politique et de régénération sociale ? Et nous répondions, en 1842, que le National, ce pensant, avec Hobbes, que la guerre est l’état naturel du, genre humain, n’avait pas d’autre système que le sabre, d’autre gouvernement que les conseils de guerre. Rien de plus simple, disions-nous. Tous les ouvriers, agriculteurs, commissionnaires, instituteurs, etc., forment soit des armes spéciales, soit des compagnies hors rang. Les travaux répugnants et pénibles sont exécutés par des pionniers, qu’on multiplie à volonté en renforçant la discipline. Les filles et femmes sont enrégimentées comme vivandières. Chaque matin un ordre du jour assigne les droits et devoirs de l’homme et du citoyen ; la discipline militaire est la règle morale, et un code pénal énergique, avec une procédure expéditive, couronne l’oeuvre!…

En écrivant cela, nous prophétisions, quoi ? grand Dieu ! Ces ateliers nationaux, à la suite desquels sont arrivées les commissions militaires. Or, les ateliers nationaux ne sont pas, cela est aujourd’hui démontré, le fait de Louis Blanc ; l’idée des ateliers nationaux n’est pas sortie du Luxembourg. .Louis Blanc, les délégués, les ouvriers en masse n’ont cessé de protester contre ces prétendus ateliers, organisés sous le ministère et avec la permission de M. Marie, alors ministre des. travaux publics. — Qui donc a inventé les ateliers nationaux, puisque ce n’est pas Louis Blanc, qui? Ceux-là apparemment qui, plus tard, ont créé les commissions militaires. Le National voudrait-il nous éclairer sur ce double fait?…

Les économistes français, excités par l’exemple de Cobden, se mettent à prêcher le libre échange. Quel parti a pris le National dans cette grande controverse, qui intéressait à la fois le commerce, l’industrie, le capital du pays? Nous l’avons vu , et notre édification a été grande ! Le National, sans y rien entendre, penchait secrètement pour la suppression des barrières ; mais Louis-Philippe et plusieurs ministres partageaient la même opinion : dès lors le National a fait volte-face ; il est devenu infidèle à sa conviction, et cette conviction était mie erreur ! Le public tout entier a vu le fait. — Le National serait-il présentement à même de nous dire s’il est ou non partisan du libre échange, et pourquoi?

C’est le défaut absolu d’idées sociales et économiques qui a conduit le National, et la République avec lui, dans cet abîme de contradictions , de sang et de honte où nous sommes plongés!

Avant février, le National était voltairien : c’était un fait. Depuis, nous l’avons vu quotidiennement devenir ignorantin : c’est un autre fait. Lequel des deux est le National ? voltairien ou ignorantin? Nous, qui ne sommes ni l’un ni l’autre, et qui ne calomnions personne, nous serions heureux d’entendre la réponse du National.

Le commerce arrêté, le travail suspendu, la République ruinée, le trésor public ne se remplissant que d’emprunts, l’État livré aux usuriers, le National, qui résumait autrefois sa politique révolutionnaire dans cette phrase énergique : Concentrer la révolution dans Paris, et jeter la France sur le Rhin, le National a été forcé de renier ses théories et ses promesses ; il s’est trouvé , en présence de l’Europe attentive, aussi impuissant, aussi couard que Louis-Philippe.

En 1848, comme en 1830, la Pologne a été abandonnée : le National, qui avait déchiré les traités de 1815, s’est mis à les recoudre. Nous dira-t-il, du moins, comme l’a fait pendant dix-huit ans Louis-Philippe, si la nationalité polonaise périra ou ne périra pas ?

L’Italie est abandonnée : le National offre aux Milanais, conjointement avec l’Angleterre, sa médiation. Quelle honte ! M. Guizot est à Londres ; Metternich est à Londres ; le sang des Italiens crie vengeance contre le roi de Piémont et contre l’empereur ; le National est au pouvoir!… et les traités de 1815 subsistent toujours !

L’Espagne démocratique n’attend qu’un mot, un signe de nous, pour expulser à jamais de son territoire Isabelle, Christine, Montpensier et l’Anglais. Entre la République ibérienne et la République française, si nous voulons, plus de Pyrénées ! Cela ne tient qu’au National. Le National serait-il devenu partisan des mariages espagnols?

Non, non, jamais, jamais en France, Jamais, l’Anglais ne régnera!

C’était le chant du National avant février. Depuis février, le National est partisan de l’alliance anglaise : le lion parle comme le mouton!… M. Thiers serait-il donc président du conseil?… Hélas! oui : M. Thiers et le National ont fait ensemble un mariage morganatique. C’est pour cela que la question sociale est fusillée, la liberté étranglée, lé gouvernement livré aux dynastiques, et la République vendue aux Hébreux! C’est pour cela que nous faisons des emprunts à 65!…

Dame ! ce dit-on au comité des finances, quand on n’a point d’argent et qu’on ne peut pas se passer d’argent, on fait de bonnes conditions aux capitalistes et l’on se procure de l’argent!…

Qu’en pense le National?

Ecoutez bien ceci, gens du National. Nous ne savons qui fera la liquidation de la société, si ce sera le citoyen Proudhon où le citoyen Cabet. Mais ce qui est sûr, c’est que vous poussez de foutes vos forces à la déclaration de faillite. Or, vous nous permettrez de vous le dire : de deux choses l’une, ou le National trahit la République, ou il n’est que la doublure du Représentant du Peuple.

The National.

August 15, 1848.

My soul is sad to death, said Christ in the Garden of Olives: take away this bitter chalice!

This is the feeling we felt this morning, reading the National. — This, of course, without any comparison of us with the Man-God, any more than of the National with Judas.

The brave newspaper makes the joke. The idea of a general liquidation of society it him laugh: the Republic is so prosperous! Its credit so well established!… It sneers at socialism, at Proudhonism, without noticing that ism is no better attached to our name than to our ideas, and that this unfortunate attempt at barbarism is already a justification for us. — It quibbles, the poor National, like a prosecutor’s clerk:

“If,” it said, “we are working to destroy the Republic, then it exists! But if it exists, why ask us when it pleases us to give it? So it doesn’t exist yet? But if it does not yet exist, we have therefore not worked to establish it! And if we have not worked to establish it, then we are not destroying it!…”

You are no doubt familiar, dear reader, with this famous syllogism, a type of the genre: It is raining; but it is not raining; so it is raining! You have the whole secret of the dialectic of the National.

What annoys our too witty colleague is that, in I don’t know what paragraph, we should have spoken, perhaps thoughtlessly, of certain facts likely to compromise the dignity of the National, and offensive to his person. It is up to us to make known these certain facts. Would the National concoct a small lawsuit against us for defamation and slander? This would be a little more serious than the incredible episyllogism just now. Because, notice well: If we do not articulate certain facts with which we have threatened it, the National pursues us for slander. And if we articulate the said facts, the National pursues us, for all the more reason, for slander. How to escape from that? The National is such a terrible reasoner!

The facts! The facts! — Certainly we are to be pitied if we have to give the balance sheet of the actions of the National! The quotation would be long, and long the string. However, we will try to say something about it, at the risk of the king’s prosecutor, sorry, of the public prosecutor. We would make bigger mistakes with the National.

Since 1830, the National has pursued socialism with its reprobation, its hatred. Is this true, yes or no? This is a first fact. And yet socialism is the Republic. What does the National say?

In 1842, we reproached the National with pushing back the colonization of Algeria, and, by a necessary consequence, with dreaming of abandoning our conquest. We quoted, on this occasion, its issues of June 1, 4, 16 and 22, 1841. Here is a second fact. — Does the National persist today in its opinion of 1841, or does it repudiate it? It will be our pleasure to tell us: we would be happy to withdraw this article from the chapter of our grievances.

Thee National, in 1841, was against the freedom of the press. It denounced us on several occasions, notably during the Quénisset trial, for our social criticism; he applauded the condemnation of Thore. And it was under the influence, under the government of the National, that the Constituent Assembly had just voted, in 1848, a press code which in no way yielded to that of September. These are facts. Will the National tell us if it approves of this inquisitor’s legislation, consequently if it retracts its intolerance of 1841 vis-à-vis socialist ideas? — Once again, we would like nothing better than to record the National’s explanations; we do not want to judge him without hearing him, as his military commissions do with the June insurgents.

We reproached the National, in 1842, with making the sovereignty of the people and universal suffrage serve as a stepping stone to military despotism. We quoted to it its own words on the death of Armand Carrel, whom it had, it said, greeted as First Consul. — We reminded it that in June 1841, when questioned by the Gazette de France, if, in the event that the people, gathered in primary assemblies, elected a king, it, the National, would accept this election, it had replied, Yes! — These are facts. At present the National is the great promoter of the presidency, and, thank God, there is no lack of generals in the government. Will the National tell us where it intends to stop on this monarchico-military slope? What we say to it about it is to avoid all calumny: in a word, is the National still royalist or is it no longer?

One of the most serious reproaches that the democracy has the right to make to the National is the embastillement of Paris. M. Bastide, by a generosity of feelings that honors him, claimed for himself alone the responsibility for this act; M. Armand Marrast, by a no less laudable generosity, never, although innocent, thought of declining this responsibility. M. Marrast understood that what comes out of the newspaper belongs to the newspaper; that criticism should stop at the office door, and never, under the sheet, look for proper names. We will do like M. Marrast. The detached forts have served, since February, as prisons for the Socialists and as barracks for the armies of the bourgeoisie: still facts! — Will the National tell us what use it foresees having to make of the fortifications of Paris in the future?

We asked the National what was its system of politics and social regeneration? And we answered, in 1842, that the National, thinking, with Hobbes, that war is the natural state of the human race, had no other system than the sword, no other government than the councils of war. Nothing could be simpler, we said. All the workers, farmers, messengers, teachers, etc., form either special arms or non-ranking companies. The repugnant and painful works are carried out by pioneers, who are multiplied at will by reinforcing discipline. The girls and women are regimented as vivandières. Every morning an agenda assigns the rights and duties of man and citizen; military discipline is the moral rule, and an energetic penal code, with an expeditious procedure, crowns the work!…

In writing this, we were prophesying, what? Good Lord! These national workshops, following which came the military commissions. However, the national workshops are not, it is shown today, the act of Louis Blanc; the idea of national workshops did not come out of the Luxembourg. Louis Blanc, the delegates, the workers en masse never ceased to protest against these so-called workshops, organized under the ministry and with the permission of M. Marie, then minister of public works. — Who invented the national workshops, since it wasn’t Louis Blanc? Who? Those apparently who later created the military commissions. Would the National want to enlighten us on this double fact?…

The French economists, excited by the example of Cobden, began to preach free trade. What part did the National take in this great controversy, which concerned commerce, industry, and the capital of the country all at once? We have seen it, and our edification has been great! The National, without hearing anything about it, secretly leaned towards the suppression of the barriers; but Louis-Philippe and several ministers shared the same opinion: from then on the National turned around; it became unfaithful to its conviction, and this conviction was a mistake! The whole public has seen the fact. — Would the National now be in a position to tell us whether or not it supports free trade, and why?

It is the absolute lack of social and economic ideas which has led the National, and the Republic with it, into this abyss of contradictions, blood and shame into which we are plunged!

Before February, the National was Voltairian: this was a fact. Since then, we have seen it daily become ignorantin: that is another fact. Which of the two is the National? Voltairean or ignorantin? We, who are neither, and who slander no one, would be happy to hear the response from the National.

Trade stopped, work suspended, the Republic ruined, the public treasury filled only with loans, the State delivered to usurers, the National, which formerly summed up its revolutionary policy in this energetic phrase: To concentrating the revolution in Paris, and to throw France on the Rhine, the National was forced to deny its theories and its promises; it found itself, in the presence of attentive Europe, as impotent, as cowardly as Louis-Philippe.

In 1848, as in 1830, Poland was abandoned: the National, which had torn up the treaties of 1815, began to stitch them back together. Will it tell us, at least, as Louis-Philippe did for eighteen years, whether the Polish nationality will perish or not?

Italy is abandoned: the National offers the Milanese, jointly with England, its mediation. What a shame! M. Guizot is in London; Metternich is in London; the blood of the Italians cries out for vengeance against the King of Piedmont and against the Emperor; the National is in power!… and the treaties of 1815 still stand!

Democratic Spain is only waiting for a word, a sign from us, to expel Isabelle, Christine, Montpensier and the Englishman forever from its territory. Between the Iberian Republic and the French Republic, if we want, more Pyrenees! It only depends on the National. Has the National become a supporter of Spanish marriages?

No, no, never, never in France.
Never will English reign!

This was the song of the National before February. Since February, the National has been a supporter of the English alliance: the lion speaks like a sheep!… Could M. Thiers be then president of the council?… Alas! Yes. M. Thiers and the National have made a morganatic marriage together. It is for this that the social question is shot, liberty strangled, the government handed over to the dynastics, and the Republic sold to the Hebrews! That’s why we borrow at 65!…

Why! So they say on the finance committee, when you have no money and you can’t do without money, you make good conditions for the capitalists and you get money!…

What does the National think?

Listen to this, people of the National. We do not know who will liquidate society, whether it will be Citizen Proudhon or Citizen Cabet. But what is certain is that you are pushing hard to declare bankruptcy. However, you will allow us to tell you: one of two things will occur, either the National betrays the Republic, or it is only the understudy of the Représentant du Peuple.

Les Procès de Presse.

20 Août.

Tu tonnes, Jupiter, donc tu as tort.

Ce qui a perdu, l’une après l’autre, toutes les religions, c’est l’imbécillité des dieux, nous voulons dire l’absurdité du dogme et le fanatisme du prêtre.

Ce qui perd tous les états, c’est l’aveuglement du pouvoir.

Le Représentant du peuple a été saisi, ce matin, pour la troisième fois depuis trois jours ! Saisi pourquoi? Ecoutez ceci, lecteur !

La première saisie, celle de notre numéro du 16 , aurait eu pour prétexte ou motif, d’après ce que nous a dit le commissaire de police, une attaque à la propriété, résultant de la publication d’une lettre signée J. _Etex_, statuaire et peintre, membre de l’Institut, dans laquelle il est dit :

ce Oui, je le répète avec vous, toute propriété qui n’est ce pas le fruit du travail de celui qui la possède, et dont on ce jouit sans l’avoir gagnée de sa sueur, de ses peines, est un ce vol fait à la société. »

Le citoyen Etex ne nie, n’attaque, ne discute point la propriété. Il se borne à la définir. Dans son opinion, il n’y a d’autre propriété que celle qui est le fruit du travail. La propriété ainsi conditionnée , il la déclare inviolable , il la défend : toute autre propriété, dont l’origine ne se ramène point au travail, lui semble un vol !

Le citoyen procureur de la République a vu là-dedans une prédication anarchique, attentatoire à la propriété. Il y a donc pour lui deux propriétés : une propriété qui est le fruit du travail, et que sans doute il permet qu’on préconise, et une autre propriété qui n’est pas le fruit du travail, et dont la discussion, suivant la jurisprudence du parquet, est interdite. Et c’est parce que le citoyen Etex s’est avisé de qualifier cette dernière espèce de propriété, que nous sommes saisis !

Mais vous, qui défendez la propriété acquise sans travail, qui ne voulez pas qu’on la qualifie, qu’on la discute, pourriez-vous nous en montrer les titres ? Oseriez-vous nous dire quelle est cette propriété qui ne vient pas du travail, qui vient d’ailleurs que du travail? Etes-vous bien sûr qu’en la défendant vous ne trahissez pas la justice, vous ne compromettez pas la paix publique ? Nous vous appointons à la barre de l’Assemblée nationale, le jour où sera discutée la déclaration des droits et la définition de la propriété.

Nous saurons si vous n’avez pas fait abus de pouvoir, si vous n’avez pas violé la loi et outragé la morale publique, en saisissant un journal qui, discutant la loi avant qu’elle fût faite, a cru pouvoir dire ce qu’il entendait par vol, ce qu’il entendait par propriété ! Certes , nous savions que la révolution de février avait été faite _par_ les travailleurs : mais vous nous prouvez aujourd’hui que dans l’opinion de certaines gens, elle n’existe pas roua les travailleurs. Il y a des propriétés qui ne viennent pas du travail : Sic vos non vobis.

La seconde saisie exécutée contre nous a eu pour cause l’insertion d’une lettre écrite de la Conciergerie. On nous reproche d’avoir, par cette insertion, excité à la haine d’une des classes de la société. Nous avons relu cette lettre, et nous avons trouvé que si elle excitait à quelque chose, c’était-à la pitié pour les malheureux incarcérés à la: suite de l’insurrection de juin. Nous avons pleuré sur leurs souffrances, sur leur dénuement et leur désespoir, nous avons peint leur sublime résignation, leur courage héroïque : voilà notre délit. Mais admirez la profonde sagacité du parquet. Il y a, dit-il, deux classes de citoyens comme il y a deux espèces de propriétés : la classe de ceux qui possèdent sans travailler et la classe de ceux qui, en travaillant, ne possèdent pas.

La Révolution de février a été faite pour étendre le bénéfice de la propriété, par le travail, à tout le monde.

L’insurrection de juin a été le produit de la même idée.

Mais les socialistes , partisans de l’universalisation de la propriété, ont été vaincus : et ceux de leurs partisans qu’on n’a pas fusillés ont été condamnée à la transportation.

Lors donc que le Représentant du Peuple, organe connu de la République démocratique et sociale, excité la pitié en faveur des transportés, il excite indirectement la haine contre les vainqueurs, contre tous ceux qui ont le privilège de posséder quelque chose. Lorsque le Représentant du Peuple révèle les atrocités et les infamies de quelques misérables mêlés parmi les rangs de la garde nationale, c’est comme s’il accusait tous les gardes nationaux, tous les bourgeois, de ces atrocités. Donc il y a excitation.

Procureur sans entrailles ! et quels sont ceux que le Représentant du Peuple excite à la pitié, à la compassion, si ce n’est vous et vos pareils? Donc, pour conclure votre raisonnement, c’est votre propre haine que nous cherchons à exciter contre vous! Sentez-vous l’absurdité, maintenant!

Oui, il y a en ce moment des prolétaires qui souffrent et qui pleurent, et des aristocrates qui jouissent et qui triomphent ; oui, nous plaignons les premiers, et nous implorons pour eux la pitié des autres : vous, vous ne savez pas que les pousser tous, ceux-là au. désespoir, et ceux-ci à l’endurcissement.

Quelle république, que celle où il est défendu de pleurer !

Le troisième délit dont on nous accuse, et qui a motivé la saisie de ce matin, est aussi fondé.

Dans un article intitulé : Enquête sur les événements de juin, — et pourquoi ne ferions-nous pas, nous aussi, une enquête? — nous aurions de nouveau _excité_ à la haine entre plusieurs classes de citoyens, plus à la haine et au mépris du gouvernement. Comme c’est commode, entre les mains d’un procureur expert, que l’excitation ! Mais voici qui est instructif.

D’après les termes précis de l’article incriminé, les classes de citoyens que nous aurions excitées à la haine les unes des autres, sont les légitimistes, les bonapartistes, les orléanistes , les chefs de la féodalité financière, dont notre enquête signale l’action partout présente, sous le drapeau socialiste, dans les événements de juin. Les carlistes, les bonapartistes, les orléanistes, classes de citoyens! classes ayant une existence reconnue, une existence légale ! classes honnêtes, qu’il est défendu de troubler dans l’accomplissement de leurs complots ; classes parlementaires, qui s’entendent au mieux avec les procureurs de la République, et qui ont la main haute dans le gouvernement !…

Les légitimistes, les bonapartistes, les orléanistes, les capitalistes, les égoïstes : tout ce qui conspire la ruine de la République, voilà ceux que le procureur de la République protège de ses réquisitoires ; voilà ceux qu’on défend d’attaquer, à peine d’excitation à la haine du gouvernement!…

C’est juste ; vous avez raison, citoyen procureur. Nous ne sommes pas en République ; tout ceci n’est qu’un intérim. _La France veut un roi_ : ce sera Henri V, Bonaparte ou Joinville, peu importe, pourvu que le nouvel élu jure, sur les saints Evangiles, d’exterminer les socialistes, les derniers des chrétiens. Et voilà pourquoi, jusqu’à conclusion du marché, les bonapartistes, les légitimistes, les orléanistes ayant un droit égal, sont trois classes de citoyens également respectables, au mépris et à la haine desquelles toute excitation doit être, de par la loi de la République, réprimée sévèrement.

Pardon, encore une fois, monsieur le futur procureur du roi : vous pouvez désormais discontinuer vos poursuites. A bon entendeur, demi-mot. Nous ne combattrons plus vos orléanistes, vos bonapartistes, vos henriquinquistes, nous les discuterons !

Mais dépêchez-vous. — Au train dont vont les choses, nous craignons fort que votre nouvelle monarchie ne passe plus vite encore que la dictature de Cavaignac. Le -24 février nous avait reportés, d’un saut, au 10 août 1792. Nous avons eu, depuis, coup sur coup, notre 31 mai, notre 9 thermidor, notre 2 prairial, notre 18 brumaire.

Une affiche sur les crieurs publics, signée Ducoux, et que nous venons de lire, nous ramène à 1834. Il nous reste à parcourir, pour être rendus au 24 février, quatorze ans : en aurons-nous pour quatorze jours?

The Press Trials.

August 20,1848.

You thunder, Jupiter, so you are wrong.

What all the religions have lost, one after another, is the imbecility of the gods, we mean the absurdity of dogma and the fanaticism of the priest.

What destroys all states is the blindness of power.

The Représentant du peuple has been seized this morning for the third time in three days! Seized why? Listen to this, reader!

The first seizure, that of our issue of the 16th, would have had for pretext or reason, according to what the commissioner of police told us, an attack on property, resulting from the publication of a letter signed J. Etex, sculptor and painter, member of the Institute, in which it is said:

“Yes, I repeat it with you, any property that is not the fruit of the labor of the one who owns it, and which one enjoys without having earned it with his sweat, his pains, is a theft made from society.”

Citizen Etex does not deny, attack, or discuss property. He limits himself to defining it. In his opinion, there is no other property than that which is the fruit of labor. Property thus conditioned, he declares it inviolable, he defends it: all other property, the origin of which does not come down to labor, seems to him a theft!

The citizen public prosecutor saw in this an anarchic preaching, detrimental to property. There are therefore two properties for him: a property that is the fruit of labor, and which no doubt he allows us to advocate, and another property that is not the fruit of work, and the discussion of which, according to the case law of the prosecution, is prohibited. And it is because the citizen Etex took it into his head to qualify this last species of property, that we are seized!

But you, who defend property acquired without labor, who do not want it to be qualified, to be discussed, could you show us the titles? Would you dare to tell us what is this property that does not come from labor, that comes from elsewhere than from labor? Are you quite sure that by defending it you are not betraying justice, you are not compromising the public peace? We appoint you to the bar of the National Assembly on the day when the declaration of rights and the definition of property will be discussed.

We shall know if you have not abused your power, if you have not violated the law and outraged public morality, by seizing a newspaper which, discussing the law before it was made, believed it could say what it meant by theft what it meant by property! Certainly, we knew that the February revolution had been made by the workers: but you are proving to us today that in the opinion of certain people, it does not exist for the workers. There are properties that do not come from labor: Sic vos non vobis.

The second seizure executed against us was caused by the insertion of a written letter from the Conciergerie. We are reproached for having, by this insertion, excited the hatred of one of the classes of society. We reread this letter, and we found that if it excited anything, it was pity for the unfortunates imprisoned in the aftermath of the June insurrection. We wept over their suffering, over their destitution and despair, we painted their sublime resignation, their heroic courage: this is our offence. But admire the profound sagacity of the parquet. There are, it says, two classes of citizens just as there are two kinds of property: the class of those who own without laboring and the class of those who, while laboring, do not own.

The February Revolution was made to extend the benefit of property, through labor, to everyone.

The June uprising was the product of the same idea.

But the socialists, partisans of the universalization of property, were vanquished: and those of their partisans who were not shot were condemned to transportation.

When, therefore, the Représentant du Peuple, a known organ of the democratic and social Republic, arouses pity in favor of those transported, it indirectly excites hatred against the victors, against all those who have the privilege of possessing something. When the Représentant du Peuple reveals the atrocities and infamies of a few wretches mixed up among the ranks of the National Guard, it is as if it were accusing all the National Guards, all the bourgeois, of these atrocities. So there is excitement.

Gutless prosecutor! And who are those whom the Représentant du Peuple excites to pity, to compassion, if not you and your equals? So, to conclude your reasoning, it is your own hatred that we seek to excite against you! Feel the absurdity, now!

Yes, at this moment there are proletarians who are suffering and crying, and aristocrats who are enjoying and triumphing; yes, we pity the first, and we implore for them the pity of the others: you, you do not know anything but to push them all, those to the despair, and these to hardness.

What a republic, that where it is forbidden to cry!

The third offense of which we are accused, and which motivated the seizure this morning, is also justified.

In an article entitled: Enquête sur les événements de juin, — and why shouldn’t we, too, make an inquiry? — we would again have excited to hatred several classes of citizens, more to hatred and contempt of the government. How convenient, in the hands of an expert prosecutor, that excitement! But here is what is instructive.

According to the precise terms of the incriminated article, the classes of citizens whom we would have aroused to hatred of one another are the Legitimists, the Bonapartists, the Orleanists, the leaders of financial feudalism, of whom our investigation points out the action is present everywhere, under the socialist flag, in the events of June. The Carlists, the Bonapartists, the Orleanists, classes of citizens! Classes having a recognized existence, a legal existence! Honest classes, whom it is forbidden to disturb in the accomplishment of their plots; parliamentary classes, who get on best with the public prosecutors, and who have the upper hand in the government!…

The Legitimists, the Bonapartists, the Orleanists, the capitalists, the egoists: all those who conspire to ruin the Republic, these are those whom the public prosecutor protects from his indictments; these are the ones who are forbidden to attack, on pain of incitement to the hatred of the government!…

It is just ; you are right, citizen prosecutor. We are not in the Republic; this is all just an interim. France wants a king: it will be Henri V, Bonaparte or Joinville, it does not matter, provided that the newly elected swears, on the holy Gospels, to exterminate the socialists, the last of the Christians. And that is why, until the bargain is concluded, the Bonapartists, the Legitimists, the Orleanists, having equal rights, are three equally respectable classes of citizens, to whose contempt and hatred all excitement must be, by the law of the Republic, severely repressed.

Excuse me, once again, future king’s prosecutor: you can now discontinue your pursuits. A good hearer, half-word. We will no longer fight your Orleanists, your Bonapartists, your Henriquinquists; we will discuss them!

But hurry. — At the rate things are going, we are very much afraid that your new monarchy will pass even more quickly than the dictatorship of Cavaignac. February 24 had brought us back, in one leap, to August 10, 1792. Since then, we have had, one after the other, our May 31, our 9 Thermidor, our 2 Prairial, our 18 Brumaire.

A poster on town criers, signed Ducoux, and which we have just read, takes us back to 1834. We still have fourteen years to go to reach February 24: will we have fourteen days?

Proposition relative à un Emprunt national.

ET A LA RÉUNION DE LA BANQUE DE FRANCE AU DOMAINE PUBLIC PRÉSENTÉE LE 22 AOUT 1848 À L’ASSEMBLÉR NATIONALE,

Citoyens Représentants,

L’ordre règne à Paris et dans toute la France. Il y règnera, malgré les complots réactionnaires, tant qu’il plaira à nous et au gouvernement.

Et cependant la confiance ne revient pas.

Les affaires restent stagnantes ; le travail diminue tous les jours; la débâcle se généralise ; le capital , soit qu’il s’effraie, soit qu’il conspire, s’obstine à se cacher.

La misère est au comble : le Peuple meurt littéralement de faim. Les secours que fait distribuer l’administration épuisée sont de 42 centimes et demi par jour et par personne. |

Et l’hiver arrive à grands pas!

L’audace des factions croît avec la détresse publique. De toutes parts on n’entend parler que de: complots; les partisans de la monarchie ont fondé sur le désespoir du Peuple l’espoir des prétendants !

Les nations amies de la France expirent sous le sabre, ou se débattent dans l’oppression, sans que nous puissions leur prêter secours. Le même. charme qui arrête les bras de nos ouvriers, enchaîne à la frontière les pieds de nos soldats. Nous qui devrions servir aux Peuples de vengeurs et de guides, nous sommes cloués au pilori de notre impuissance.

La Révolution de Février devait être une ère de régénération morale, politique, économique : grâce à une poignée de sectaires dont l’influence rétrograde retient dans la routine le gouvernement et l’opinion, la Révolution de Février, depuis six mois, manque à ses promesses.

Une nation ne peut, ne doit emprunter qu’à elle-même : le préjugé du monopole nous livre aux usuriers.

Une nation qui s’emprunte , qui se fait à elle-même une avance, peut se prêter tout ce-qu’elle veut et sans intérêt. Nous payons 7 pour cent le loyer de l’argent qu’on nous prête, et nous n’en trouvons pas au dixième de nos besoins.

Qui dit, par rapport à une nation, prêt ou emprunt, dit augmentation de travail, augmentation de crédit par conséquent. Avec le régime de l’usure, plus nous empruntons plus nous nous discréditons ; plus, par. une conséquence inévitable, diminue chez nous le travail.

Le crédit, la circulation et l’escompte sont des fonctions essentiellement sociales, restées jusqu’à ce jour anarchiques, et que la Révolution de Février avait promis d’organiser et centraliser démocratiquement. Comment se fait-il que ces fonctions soient encore à la merci de quelques détenteurs du numéraire , d’une imperceptible caste d’hommes d’argent? — La société, chose monstrueuse ! est comme un corps qui n’aurait pas de centre de gravité et serait livré à des attractions antagonistes ; et comme la Révolution a été faite précisément contre cet antagonisme , les tendances anarchiques comprimées , et l’action centrale n’existant pas, la société se trouve à la fois sans direction et sans mouvement.

Nous avons épuisé, —cela devait être, c’était écrit! —tous les moyens connus de l’usure et de l’impôt ; la pratique des financiers est à bout ; il ne nous reste qu’à nous résigner et à joindre les mains!

Citoyens, LA PATRIE EST EN DANGER ! Or, à une situation désespérée, il faut un remède héroïque.

Je vous propose une mesure capable, dans mon opinion, de sauver la patrie, de mettre fin à la crise, à cette inertie mortelle et déshonorante de notre commerce ; de notre industrie, de notre politique, capable enfin de remettre et de lancer la Révolution dans son ornière !.…

Que l’Assemblée nationale sanctionne les deux décrets suivants :

I. — EMPRUNT DE DEUX MILLIARDS.

Art. 1er — Une nation qui se prête ou qui se fait crédit à elle-même, ne fait en réalité qu‘augmenter sa production. D’après ce principe :

Art. 2.— Le peuple français, représenté par l’État, emprunte au peuple français , représenté par la totalité des citoyens, une somme de peux milliards de francs, dans la forme et aux conditions suivantes.

Art. 3.— L’emprunt sera effectué au moyen d’une émission de papier de crédit, qui sera faite par l’État, successivement et jusqu’à concurrence de deux milliards.

Art. 4. — Le papier de crédit ainsi émis sera représentatif d’une somme à verser par les contribuables, de là manière ci-après.

Mode de versement.

Art. 5.—Tout contribuable dont la cote de contributions directes, l’impôt de 45 centimes et les centimes additionnels non compris, dépassera 40 francs, sera soumis à l’emprunt.

Tout contribuable dont la cote de contributions directes sera au-dessous de 40 francs, sera exempté de l’emprunt.

Art. 6. — Les versements à faire par les contribuables soumis à l’emprunt seront : Pour les cotes de

10 à 25 francs, 2 fois le montant de la contribution.

25 à 50 — 3 fois id. . id.
50 à 75 — 4 fois id. id.
75 à 400 — 5 fois id. id.
100 à 450 — 6 fois id. id.
150 à 200 — 7 fois id. . id.
200 à 300 — 8 fois id. id.
300 à 500 — 9 fois id. id.
500 et au-dessus, 40 fois id. id.

Art. 7.—Les versements seront effectués moitié au moins en numéraire, dans les quatre années à partir de la promulgation du présent décret, et en huit termes égaux , exigibles de six mois en six mois.

11 sera facultatif aux contribuables soumis à l’emprunt de se libérer en un ou plusieurs paiements, avant l’expiration de la quatrième année,

Art. 8.— Jusqu’à libération entière, l’intérêt de la somme due ou restant à payer sera acquitté par le contribuable au taux de 5 pour cent, et ajouté à ses contributions.

Réciproquement, sur les versements effectués, le même intérêt sera payé au contribuable par l’Etat, et déduit de la cote de ses contributions. ‘

Art. 9.—Tous contribuables sujets à l’emprunt, qui justifieront de dettes et obligations hypothécaires, chirographaires ou de commandite, obtiendront décharge de l’emprunt, das le rapport de leur passif avec leur actif, ledit actif estimé cent fois le montant de la contribution. © Art. 40.—La portion d’emprunt ainsi défalquée sera imputable au créancier, et le débiteur qui aura obtenu décharge demeurera caution de Ja différence et recevra pour le créancier quittance du versement.

Si la somme des dettes égale ou surpasse la valeur de la propriété, estimée comme il a été dit article 9, le créancier ou les créanciers supporteront seuls l’emprunt, conformément à l’article 5.

Art. A4.—Tout contribuable, sujet ou nor à l’emprunt, qui justifiera de dettes hypothécaires , chirographaires , ou de commandite, sera déchargé du montant de sa contribution directe, dans le rapport : de son passif avec son actif, ledit actif estimé cent fois le montant ” dela contribution.

La partie ainsi défalquée sera imputable aux créanciers, et le débiteur demeurera caution et recevra pour eux quittance du paiement.

Toutefois la défalcation, et, par suite, l’imputation à faire aux créanciers sur la contribution directe, ne pourra jamais dépasser les trois quarts de cette contribution.

La présente disposition n’aura d’effet que pour les quatre années, à courir du jour du décret.

Art. 42.—Tous porteurs de rentes inscrites avant la promulgation du présent décret seront affranchis de l’emprunt, mais soumis à un

impôt du quart de la rente, pendant les quatre années à partir du décret. — 150 —

Émission des billets.

Art. 13.—Les billets de crédit émis par l’État porteront le titre de. Bons d’emprunt.

Ils seront à la coupure de 40, 20, 60, 100, 200, 500, 4,000 francs.

Art. 44.—L’émission aura lieu mensuellement , pendant les trois années à partir de la promulgation du décret, jusqu’a concurrence de la somme de deux milliards.

Cette émission sera, pour chacun des quatre premiers‘ mois de la série, de 400 millions ; pour les antres mois, de 50 millions.

Art. 45.—Les bons d’emprunt seront tous versés par l’Etat, et en compte courant, à la Banque de France, soit la Banque nationale de France, ainsi qu’il est porté au décret ci-joint. .

Art. 16.—Les bons d’emprunt émis par l’État, hypothéqués sur les biens et les revenus de l’Etat; timbrés, signés et endossés par la Banque nationale, gagés par les recouvrements de l’emprunt, seront réputés billets de Banque, et, comme tels, versés dans la circulation générale, par la voie ordinaire de l’escompte et du crédit, soit contre bonnes valeurs de commerce, soit contre titres authentiques de propriété.

Les effets de commerce, représentatifs de produits vendus et livrés et les titres de propriété servant d’hypothèques, s’ajoutant ainsi au gage métallique des billets, en complèteront la solidité.

Art. 17. — L’intérêt des escomptes et crédits faits en bons d’emprunt à la Banque nationale sera de 3 pour cent l’an, commission comprise, sans toutefois que l’escompte puisse ètre moindre , pour les valeurs à courte échéance, de 4/2 pour cent.

Art. 18.—Les bons d’emprunt n’aurent pas cours forcé.

Ils seront, à toute réquisition des porteurs, remboursables par là Banque, en espèces, sauf retenue de 5 pour cent.

Art. 19.— Après l’expiration de la quatrième année, à dater du. présent décret, les bons d’emprunt seront retirés de la circulation au fur et à mesure de leur rentrée dans les comptoirs , et remplacés par les billots ordinaires de la Banque, qui, dès ce moment, arrêtera le taux de son intérêt pour les crédits et escomptes en billets à 3 pour cent, et pour ceux en numéraire 3 et demi pour cent.

Art. 20.—A partir de la même époque, l’intérêt à payer par l’Etat, pour les fonds provenant de l’emprunt, sera réduit de 5 pour cent à 3 pour cent, taux de la Banque.

Remboursement de l’emprunt.

Art. 21. —Le remboursement des sommes versées à l’emprunt aura lieu de trois manières différentes, qui pourront, suivant les circonstances, être soit successivement, soit simultanément employées.

1° Conversion en rentes;

2° Remise sur l’impôt;

3° Remboursement par la Banque.

Art. 22.—La conversion en rentes 3 pour cent des sommes versées à l’emprunt sera accordée à tout créancier de l’État qui en fera la demande. ct

Ari. 23.— Tous versements inférieurs à 25 francs, seront remboursés au moyen d’une réduction annuelle sur la contribution directe , calculée de manière à ce que le remboursement intégral ait lieu, au plus tard, dans les quatre années à partir du dernier versement.

Art, 24. — Sur les versements supérieurs à 25 francs, pareille somme sera d’abord déduite du montant du versement et remboursée en quatre annuités, par la remise sur l’impôt, ainsi qu’il est dit ay précédent article.

Art. 25. — Le surplus des sommes versées, et qui n’aura pas été converti en rentes, ou remboursé par la voie de l’impôt , sera remboursé par la Banque nationale, eu quatre annuités, de manière que lé remboursement total de l’emprunt soit effectué, au plus tard à l’expiration de la huitième annéé qui suivra lé dernier versement.

Art. 26. — Pour favoriser, autant que possible , les créanciers de l’Etat qui voudraieñt rentrer promptement dans leurs fonds , et augmenter la circulation des valeurs, il sera distribué par l’Etat à ses créanciers, après le dernier versement, des titres d’emprunt nominatifs et à souche, susceptibles d’endossement, et payables à la Banque nationale aux échéaness prévues par l’article 85.

Art. 27. — Les propriétaires, entrepreneurs, industriels, commerçants, fabricants, etc., soumis à l’une des quatre contributions directes et porteurs de titres d’emprunt, demeurent garants envers leurs créanciers du remboursement des sommes avancées pour eux par ces derniers, en exécution des articles 9 et 40 du présent décret.

Emploi des fonds et destination de l’emprunt.

Art. 28.— Les sommes versées en numéraire, pour l’ emprunt, seront livrées à la Banque nationale et aux comptoirs des départements, et ajoutées au capital métallique de la Banque, pour servir de gage aux bons de l’emprunt, et assurer leur acceptation par fous les citoyens.

Art. 29. — Quant aux deux milliards de valeurs résultant du fait même de l’émission et de l’acceptation des bons d’emprunt; l’application en sera déterminée ainsi qu’il suit:

1° Déficit à prévoir sur les budgets de 4848 et 4849. 300,000,000
2° Dégrèvements sur diverses contributions, 100 millions par année, pendant les quatre années de l’emprunt. 400,000,000

3° Primes et encouragements à l’industrie, 40 pour cent sur les salaires d’ouvriers des deux sexes em ployés dans les ateliers, chantiers, usines, fabriques et manufactures, pendant les trois mois à courir de la promulgation du décret. 50,000,000

4° Rachat de canaux, chemins de fer et mines ; travaux de reboisement, endiguement, etc. . . . . 350,000,000

5° Crédits sur immeubles ruraux, d’après les conditions qui seront fixées par la loi sur le crédit hypothécaire et les statuts de la Banque nationale, 450 mil lions par an pendant quatre ans. 600,000,000

6° Crédit au commerce et à l’industrie, 50 millions par an pendant quatre ans. . 200,000,000

7° Disponible. 400,000,000

Total. 2,000,000,000

ll. — RÉUNION DE LA BANQUE DE FRANCE AU DOMAINE PUBLIC.

Art. 1er, La circulation des valeurs est une fonction essentiellement sociale.

L’anarchie dans cette fonction est la seule cause des crises financières, commerciales et industrielles.

En conséquence : _

Art. 2. — La Banque de France est déclarée institution d’utilité publique.

Elle est réunie au domaine de la nation, et fonctionne à son compte. Elle prend le titre de Banque nationale de France.

Art. 3.— Une commission, nommée par l’Assemblée nationale et prise dans son sein, procèdera immédiatement à la liquidation de la Banque de France.

Les actions seront remboursées d’après le cours moyen des douze derniers mois, en rentes sur l’État.

Art. 4. — L’administration de la Banque de France, reformée par l’Assemblée nationale, est placée sous la surveillance de chacun des Représentants du peuple et de la Chambre de commerce de Paris.

Dans les départements, les chambres de commerce et les conseils municipaux ont de droit la surveillance des opérations des comptoirs.

Art. 5.—La Banque est indépendante du gouvernement central, et placée hors de son action.

Aucun ministre ou fonctionnaire publie ne peut faire partie ni du conseil d’administration de la Banque nationale , ni du conseil de surveillance, ‘ °

Art. 6. — Les opérations de la Banque nationale embrassent le crédit agricole et industriel, aussi bien que l’escompte et la circulation.

Art. 7. — Le taux de l’intérêt, pour les crédits et escomptes, sera fixé provisoirement à la Banque nationale , à partir du recouvrement de l’emprunt, à 3 pour cent, sur les sommes versées en billets, et 3 et demi pour cent sur celles versées en numéraire.

Art. 8.—Le nombre d’annuités par lesquelles il sera facultatif aux emprunteurs sur hypothèque de se libérer, non compris la première année, pour laquelle l’intérêt seul sera perçu et retenu d’avance, ne pourra excéder vingt.

Art. 9.— Une loi spéciale, ainsi que les nouveaux statuts de la Banque nationale, détermineront les règles et conditions du crédit foncier.

Art. 10.— Les bénéfices réalisés par la Banque nationale seront ajoutés à son capital, jusqu’à ce que ce capital, en monnaie et lingots, ait atteint le chiffre d’au moins 4,500 millions, et suffise à toute la circulation du pays.

Ce capital réalisé, le produit de la Banque pourra être appliqué aux dépenses publiques, ou le taux de l’intérêt être réduit aux frais d’administration.

THIRD SERIES

September — December 1848

Manifeste du PEUPLE

PATRIOTES,

Nous sommes les élus de vos suffrages ;

Nous venons à vous comme des suppliants, la branche d’olivier à la main, la consternation dans le coeur.

Qu’avons-nous fait de cette révolution que vous aviez confiée à notre garde, si pleine d’espérance et si pure, aux élections d’avril et de juin?

La presse muselée, l’ouvrier démoralisé, le Peuple des barricades calomnié, l’Assemblée nationale décimée, les républicains de la veille traduits devant les conseils de guerre, condamnés, déportés, proscrits, suspects ; le règne du sabré substitué au règne de la loi ; une parole sardonique et froide remplaçant chez l’homme du pouvoir une parole pompeuse et vide ; un état de siège qui se prolonge, qui ne finira que par la volonté du Peuple, et le Peuple est dans les fers ! une constitution monarchique dont toute la pensée se résume en ces mots, refus de travail à l’ouvrier ! la misère, le désespoir, le sang des pères, les larmes des mères, les cris des orphelins ; à côté, le capital réactionnaire et conspirateur qui rit et triomphe… vous répondent !

Ah ! sans doute nous ne formons dans l’Assemblée nationale qu’une minorité imperceptible ; nous n’avons rien pu empêcher, nous ne pouvons rien, et, devant la conspiration des égoïsmes, toutes nos protestations resteront impuissantes. Mais une grande responsabilité n’en pèse pas moins sur nos fêtes ; et nous croirions avoir démérité de la République et de votre estime, patriotes, si dans ces circonstances décisives, où l’union seule et la discipline font notre force, nous ne pensions pas à nous rapprocher de vous.

Le succès de la contre-révolution nous a rejetés sur la défensive : c’est la défense qu’il s’agit en ce moment d’organiser, en attendant que nous puissions organiser la victoire. Et c’est comme gage de bataille que nous venons demander à votre patriotisme un dernier effort, l’acte de vertu suprême du chrétien et du citoyen, la PATIENCE !

La patience est le tout de l’homme : patience au travail et patience à l’étude, patience à la guerre, patience dans la persécution. C’est la patience qui lait les héros et les génies, qui donne la victoire au droit sur la force, à la pauvreté sur la fortune. C’est la patience qui fait les peuples libres, les grands peuples. Les complots, les provocations à la révolte vous environnent : que le Peuple soit, comme Dieu, patient parce qu’il est tout puissant et immortel, patiens quia mternus, dit l’Ecriture.

Donnez-nous donc, ô travailleurs, nos frères, donnez-nous pour quelque temps encore la patience ; écoutez nos paroles de paix et de sacrifice, et nous vous promettons en échange justice pour vous, honte et condamnation pour vos ennemis.

Nous venons, contre un gouvernement qui méconnaît son origine et sa fin, mais que nous ne désespérons pas de ramener encore, reprendre l’oeuvre commencée, il y a dix-huit ans, par Godefroy Cavaignac, contre le gouvernement à jamais infâme de Louis-Philippe.

En fondant le PEUPLE, organe de la pensée ouvrière, nous venons constituer l’unité des travailleurs en présence de l’anarchie des privilèges, poser l’idée révolutionnaire, l’idée progressive, en face des projets réactionnaires, des idées rétrogrades. La Révolution de février, qui devait satisfaire à tous les voeux du Peuple trompé en juillet, la Révolution de février n’est déjà plus, comme celle de 1830, comme celle de 89 et 92, qu’une étape dans la route de notre émancipation ; ce sera la dernière.

Nous ne sommes d’aucune secte, d’aucune école : nous ne jurons par l’autorité de personne. Nous sommes du Peuple. Au Peuple seul, disait Platon, il appartient de créer des mots et des formules : toute expression, toute conception individuelle est une prison pour la pensée du Peuple.

Le Peuple a nommé la République démocratique et sociale :

Nous sommes de la République démocratique et sociale.

Nous avons, comme le Peuple, pour principe la liberté, pour moyen l’égalité, pour but la fraternité.

La liberté, c’est-à-dire l’âme, la vie, le mouvement, la spontanéité, progressive dans son développement, infinie, absolue dans son essence et son idéal ;

L’égalité, progressive et absolue ;

La fraternité, progressive et absolue. Toute notre science consiste à épier les manifestations du Peuple, à solliciter sa parole, à interpréter ses actes. Interroger le Peuple, c’est pour nous toute la philosophie, toute la politique.

Nous voulons la famille, et nous la voulons pour tout le monde. Qui donc, parmi nous, hommes du Peuple, a jamais attaqué la famille? Qui ne sait que l’homme de labeur est aussi, et par excellence, l’homme d’amour?… Nos yeux ont cherché les ennemis de la famille, et nous avons trouvé que ces ennemis de la famille étaient précisément les nôtres.

Vous, dont l’ambition est de gagner de quoi nourrir une femme et la rendre heureuse, voulez-vous savoir quels sont les ennemis de la famille? Portez le flambeau chez votre voisin le capitaliste, le rentier, l’homme de bourse, le gros salarié, le parasite, l’intrigant, l’oisif; pénétrez dans sa vie intime; interrogez sa femme, sa bonne, son petit garçon, et vous saurez quel est celui qui, par son égoïsme avare, par ses amours désordonnées, corrompt les moeurs publiques et dissout la famille. C’est la misère qui fait l’ouvrier libertin et fornicateur ; chez lui il y a horreur naturelle du vice et entraînement à la vertu. C’est le luxe qui rend le riche incestueux et adultère : la satiété et la paresse sont en lui des agents indomptables de désordre.

Nous voulons le mariage monogame, inviolable et sans tache, contracté en toute liberté d’amour, dégagé de motifs sordides, résoluble seulement par la mort ou la trahison. Où donc trouverez-vous cet idéal de mariage, si ce n’est parmi vous, ouvriers et ouvrières? Les riches, non plus que le rois, ne connaissent l’amour en mariage.

Nous voulons le travail, comme droit et comme devoir;, et sous la garantie de la Constitution , pour tout le monde. Le droit à l’assistance, dont on nous entretient avec une philanthropie hypocrite, n’est que le corollaire, la sanction du droit au travail, c’est l’indemnité du chômage.

N’est-il pas étrange que nous en soyons réduits à de pareilles professions de foi ?

Le Sauvage fait la guerre au Sauvage afin de ne pas travailler. Le plus grand mal qu’il souhaite à son ennemi est de cultiver un champ; Et nous, parce que nous demandons à travailler, on nous traite de Sauvages!…

Le Grec et le Romain, grands travailleurs au commencement, mais engoués de politique, mirent les nations dans la servitude afin de se décharger sur elles du travail, et de vaquer sans distraction à leurs exercices parlementaires. La politique, dit Virgile, fut le métier des enfants de la louve : Tu regere imperio populos, Romane, mémento ; hoe tibi erunt artes. C’était un principe, parmi les publicistes de l’antiquité, que l’homme de travail ne pouvait être un homme politique : aussi, loin de refuser le travail au prolétaire , ils le lui imposaient de force. — Aujourd’hui, nos politiques ne veulent ni travailler ni nous donner le travail. Ils voudraient tout pour eux, le travail et le gouvernement.

Au moyen âge , le système , le point de vue , les idées, tout se modifie. La caste féodale , non plus qu’autrefois la caste praticienne, ne prend part active au travail : elle le laisse au vilain. Mais, au lieu de contraindre, elle se fait payer. Par lettres-patentes (voilà l’origine de ce que nous appelons patentes), et moyennant redevance, à tous ceux qui voudront travailler le seigneur donne crédit de la terre, crédit du commerce, de l’industrie et des arts, crédit, en un mot, du travail : absolument comme le Juif et le Lombard donnaient crédit de leur argent. Le peuple travailleur, après un long esclavage, avait tellement pris goût à la besogne, que la caste oisive en était venue à penser qu’au lieu d’exiger de lui le travail, elle pouvait le lui vendre ! C’est le principe de tout le droit féodal.

De nos jours, sous ce régime de bancocratie, ne travaille pas qui veut, même en payant. L’ouvrier a beau laisser à son exploiteur 10, 20 et 50 pour cent de son salaire légitime : il n’obtient pas de travail. Le travail, autrefois privilège de l’esclave, est devenu le privilège du propriétaire. On se battait jadis pour ne pas travailler, c’était la guerre sociale; on se bat aujourd’hui pour travailler, c’est la guerre sociale. La civilisation est allée d’un pôle à l’autre : on se tuait d’abord parce qu’il n’y avait pas de loisir pour tout le monde, et cela pouvait se comprendre ; on se tue maintenant parce qu’il n’y a pas de travail pour tout le monde, et cela ne se comprend plus.

Nos capitalistes législateurs refusent de reconnaître le droit au travail : Peuple, encore une fois, nous te demandons la patience!…

Pour nous conformer au langage vulgaire, et afin d’éviter toute calomnie, toute équivoque, nous dirons que nous voulons la propriété, la propriété, c’est-à-dire la libre disposition pour chacun des fruits de son travail, de son industrie et de son intelligence.

Mais nous voulons la propriété, comme le travail, pour tout le monde, parce que, dans la société, la faculté de produire est comme la faculté d’acquérir, infinie.

Nous voulons la propriété, moins l’usure, parce que l’usure est l’obstacle au développement de la production, à l’accroissement et à l’universalisation de la propriété.

On a dit que la propriété ainsi entendue, ainsi dépouillée de ce qui en fait le privilège et l’abus, n’était plus la propriété. — Hommes de pratique encore plus que de théorie, nous laissons cette discussion aux savants ; il nous suffit, en maintenant la possession individuelle, de l’affranchir de toute inégalité et monopole.

Nous voulons, pendant cette époque de transition, que la révolution de Février a inaugurée, le respect de la propriété acquise, sauf la réduction progressive du privilège. Quel est donc, parmi nous, celui qui prêche la confiscation et le vol ? Les doctrines les plus hardies sur la propriété ont circulé parmi le Peuple : combien ont-elles fait de pillards ?… Nous avons cherché les voleurs, et nous les avons trouvés, avec les impudiques et les adultères, à la cour de l’ex-roi, dans la pairie, à la chambre des députés, aux ministères, partout, excepté parmi les travailleurs. Nul n’est plus ennemi du vol que celui qui travaille. C’est contre le vol privilégié qu’a été faite la révolution de Février : avis aux instigateurs et fauteurs de contre-révolution.

Nous voulons le maintien du principe d’hérédité, c’est-à-dire la transmission naturelle du père au fils des instruments et des produits du travail, non la transmission du monopole, du droit du seigneur. En quoi le principe d’hérédité, qui relie les générations et fait la force de la famille, sera-t-il contraire à l’égalité et à la fraternité, lorsqu’il ne servira plus à transmettre et accumuler des privilèges ?

Famille, travail, propriété sans usure et sans abus, en d’autres termes, gratuité du crédit, identification du travailleur et du capitaliste; hérédité des droits, non des privilèges ; tels sont les éléments de notre droit public, de notre science sociale.

Or, la base économique de la société ainsi modifiée, tout revire, tout change dans la société. Les causes de misère deviennent cause de richesse ; les agents d’inégalité et d’antagonisme , agents d’harmonie et de fraternité. Sous ce nouvel horizon, les idées, la philosophie s’élargissent et se réforment ; la science et l’art prennent une autre signification, un autre style ; la religion est expliquée.

La France a montré, dans ces derniers temps, combien elle était religieuse, religieuse dans le coeur et dans la raison. La religion, dans notre incomparable pays, est le ferment secret de tout ce qui a vie, autorité et durée. Les questions économiques, si vastes qu’elles se posent, ne suffisent pas à notre intelligence contemplative et pleine de tendresse ; les grands problèmes de la philosophie nous laissent indifférents et tristes ; l’idée pure ne peut nous ravir. Il faut à notre âme quelque chose de plus que le nombre et la mesure, quelque chose au-delà même de l’idée.

Où sont; parmi nous, les matérialistes et les athées? Nous avons regardé autour de nous, et nous ne les avons découverts que parmi ceux qui nous calomnient et nous persécutent. Voyez-vous cet être froid et laid, subtil et souple comme le serpent, railleur, chiffreur, sans pudeur, qui d’une voix argentine conclut toujours aux mesures impitoyables; qui ne veut pas du droit au travail ; qui vous parle de la Providence, et qui adore la fatalité ; qui ne voit dans la religion qu’un instrument de politique, dans la loi qu’une convention, dans la Révolution qu’un fait ! Cet homme-là,, c’est un matérialiste, c’est un impie;

Oui, nous voulons la religion : mais que personne ne s’y trompe. La religion, pour nous, n’est pas la symbolique : c’est le contenu, le mot de la symbolique. Pour découvrir la vraie religion, il faut recommencer notre exégèse, montrer philosophiquement, à l’aide des nouvelles données sociales, le surnaturalisme dans la nature, le ciel dans la société, Dieu dans l’homme. C’est quand la civilisation nous apparaîtra comme une perpétuelle apocalypse, et l’histoire comme un miracle sans fin ; quand, par la réforme de la société, le christianisme aura été élevé à sa deuxième puissance, que nous connaîtrons la religion. Alors aussi nos calomniateurs, arrachés à leurs mythes, sauront quel est notre Dieu, quelle est notre foi…

Nous voulons comme forme de gouvernement et de société la République. Nous sommes les irréconciliables ennemis de la royauté, de tout ce qui y touche, de tout ce qui y ressemble. La royauté est une vieille fiction dont le sens est depuis longtemps connu, dont la restauration serait un outrage à la raison publique, à la dignité nationale. La royauté est le contraire de tout ce que nous voulons et que nous attendons de la République.

La République est l’égalité coordonnée des fonctions et des personnes : la royauté n’en est que la hiérarchie et la subalternisation.

La République exclut la distinction des castes : la royauté ne peut se passer de castes. A la féodalité nobiliaire, elle a substitué la féodalité mercantile : pourquoi aurions-nous chassé Louis-Philippe, le type, l’élu de la caste bourgeoise, si nous devions conserver une bourgeoisie, si nous voulions cultiver cette semence de laquelle a surgi la pire espèce de royauté, la royauté constitutionnelle?

La République est l’organisation du suffrage universel : avec la royauté, ce suffrage n’est qu’une loterie. — Nous dirons plus tard ce que nous entendons par ces mots : Organisation du suffrage universel.

La République suppose, avec la division des fonctions, l’indivisibilité du pouvoir. — Nous prouverons que le support le plus ferme du despotisme, la pierre angulaire des monarchies, se trouve justement dans cette distinction des pouvoirs en législatif, exécutif et judiciaire ; distinction où la liberté, l’égalité, la responsabilité, le suffrage universel, la souveraineté populaire, les principes de justice et d’ordre, périssent tous.

La République est la centralisation du crédit, du commerce, de l’industrie, de l’agriculture, aussi bien que de la police et de l’enseignement : la royauté n’en est que l’anarchie ou le vasselage.

La République est un régime de responsabilité et de droit : la royauté ne subsiste que par la faveur et la corruption.

La République est, comme là religion, essentiellement expansive et universelle, embrassant le monde et l’éternité; — La royauté, toujours personnelle, locale, stationnaire, vivant chez soi et pour soi, la royauté est l’ennemie du genre humain et du progrès.

La République dirait à l’Autrichien : a Je veux que tu sortes de l’Italie ! » Et l’Autrichien en sortirait. Elle dirait au Scythe : « Je veux que tu laisses ma Pologne chérie ! » Et le Scythe reprendrait la route du désert. — La royauté dit aux tyrans : « Frères, combien me donnerez-vous, et je vous livre l’Italie et la Pologne?… »

Aux tendances bourgeoises du gouvernement et de l’Assemblée nationale ; aux restrictions apportées à l’exercice du droit de suffrage ; aux entraves jetées sur la liberté d’association et la liberté de la presse ; au projet de constitution monarchique soumis aux délibérations des représentants du Peuple ; à la guerre faite aux idées sociales ; aux pactes conclus avec les usuriers ; à l’abandon des nationalités polonaise et italienne ; aux transactions entamées avec les gouvernements aristocratiques de l’Europe, il est facile de juger que notre pays est en pleine voie de restauration royaliste. A peine l’hercule populaire a tranché une tête de dynastie que de ce tronc exécré il en surgit de nouvelles, repullulat hydra ! Là est en ce moment le péril, là doit se porter l’effort de notre résistance.

Républicains, comptez sur nous!… Mais si vous voulez que notre dévouement soit utile, qu’il nous soit permis à notre tour de compter sur votre appui. Et cet appui, quel est-il? nous vous le répétons en finissant, cet appui, ce qui fait votre force et la nôtre, c’est la patience.

Gardez-vous de céder aux perfides instigations de ceux qui vous poussent à la révolte et à la guerre civile : la guerre civile est le seul moyen de succès qu’ait en ce moment la royauté. Les choses, par la combinaison providentielle des événements, sont arrivées à ce point, que si le Peuple reste quelque temps immobile, la royauté, avec son infernal cortège, est perdue à jamais.

Patience donc, citoyens ; aucune vérité sur les hommes et sur les choses ne vous sera par nous dissimulée, aucune résolution timide suggérée. Mais, encore une fois, patience! c’est tout l’avenir du Peuple, et le salut de la République.

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Le journal le Peuple, auquel ce Manifeste servait de spécimen, a publié son premier numéro le 2 septembre. Ce Manifeste devait être signé de plusieurs représentants du peuple qui reculèrent devant les circonstances. N. de l’Éd.)

Manifesto of The People

Patriots,

We are those elected by your votes;

We come to you like supplicants, olive branch in hand, dismay in our hearts.

What did we do with this revolution that you entrusted to our care, so full of hope and so pure, during the elections of April and June?

The press muzzled, the worker demoralized, the People of the barricades slandered, the National Assembly decimated, the republicans of the day before brought before the war tribunals, condemned, deported, banished, suspects; the reign of the sword replaced the reign of the law; a sardonic and cold word replacing in the man of power a pompous and empty word; a prolonged state of siege, which will only end by the will of the People, and the People are in irons!  A monarchical constitution whose entire thought is summed up in these words: refusal of labor to the worker! Poverty, despair, the blood of fathers, the tears of mothers, the cries of orphans; next door, reactionary and conspiratorial capital that laughs and triumphs… answers you!

Ah! no doubt we only form an imperceptible minority in the National Assembly; we could not prevent anything, we can do nothing, and, faced with the conspiracy of selfishness, all our protests will remain powerless. But a great responsibility nonetheless weighs on our celebrations; and we would believe we had deserved the Republic and your esteem, patriots, if in these decisive circumstances, where union and discipline alone are our strength, we did not think of getting closer to you.

The success of the counter-revolution has thrown us back onto the defensive: it is the defense that we need to organize at the moment, while we wait until we can organize victory. And it is as a pledge of battle that we come to demand of your patriotism one last effort, the supreme act of virtue of the Christian and the citizen, Patience!

Patience is the whole of man: patience in work and patience in study, patience in war, patience in persecution. It is patience that breeds heroes and geniuses, that gives victory to right over force, to poverty over fortune. It is patience that makes free peoples, great peoples. Plots, provocations to revolt surround you: may the People be, like God, patient because they are all-powerful and immortal, patiens quia aeternus, says the Scripture.

Give us then, O workers, our brothers, give us patience for a little longer; listen to our words of peace and sacrifice, and we promise in return justice for you, shame and condemnation for your enemies.

We come, against a government which does not know its origin and its end, but which we do not despair of bringing back again, to resume the work begun, eighteen years ago, by Godefroy Cavaignac, against the forever infamous government of Louis-Philippe.

By founding the People, an organ of workers’ thought, we come to constitute the unity of workers in the face of the anarchy of privileges, to pose the revolutionary idea, the progressive idea, in the face of reactionary projects, retrograde ideas. The February Revolution, which was to satisfy all the wishes of the People deceived in July, the February Revolution is already, like that of 1830, like that of 89 and 92, only a stage on the road to our emancipation; it will be the last.

We are of no sect, of no school: we swear by the authority of no one. We are of the People. It is up to the People alone, said Plato, to create words and formulas: every expression, every individual conception is a prison for the thought of the People.

The People have named the Democratic and Social Republic:

We are of the Democratic and Social Republic.

We, like the People, have liberty as a principle, equality as a means and fraternity as our goal.

Liberty, that is to say the soul, life, movement, spontaneity, progressive in its development, infinite, absolute in its essence and its ideal;

Equality, progressive and absolute;

Fraternity, progressive and absolute. All our science consists of watching out for the demonstrations of the People, of soliciting their words, of interpreting their actions. Questioning the People is for us the whole of philosophy, the whole of politics.

We want family, and we want it for everyone. Who among us, men of the People, has ever attacked the family? Who does not know that the man of toil is also, and par excellence, the man of love?… Our eyes sought the enemies of the family, and we found that these enemies of the family were precisely ours.

You, whose ambition is to earn enough to feed a wife and make her happy, do you want to know who the enemies of the family are? Carry the torch to your neighbor, the capitalist, the rentier, the stockbroker, the big earner, the parasite, the intriguer, the idler; penetrate into his intimate life; question his wife, his maid, his little boy, and you will know who it is who, through his miserly selfishness, through his disordered loves, corrupts public morals and dissolves the family. It is poverty that makes the worker a libertine and fornicator; in him there is a natural horror of vice and training towards virtue. It is luxury that makes the rich incestuous and adulterous: satiety and laziness are indomitable agents of disorder in him.

We want monogamous marriage, inviolable and without stain, contracted in complete freedom of love, free from sordid motives, resolvable only by death or betrayal. Where will you find this ideal of marriage, if not among yourselves, workers? The rich, no more than the kings, know love in marriage.

We want labor, as a right and as a duty, and under the guarantee of the Constitution, for everyone. The right to assistance, which we are told with hypocritical philanthropy, is only the corollary, the sanction of the right to work, is unemployment compensation.

Isn’t it strange that we are reduced to such professions of faith?

The Savage makes war on the Savage in order not to labor. The greatest evil he wishes upon his enemy is to cultivate a field. And we, because we ask to labor, we are called Savages!…

The Greek and the Roman, great workers at the beginning, but infatuated with politics, placed the nations in servitude in order to unload the labor on them, and to attend without distraction to their parliamentary exercises. Politics, says Virgil, was the profession of the she-wolf’s children: Tu regere imperio populos, Romane, memento; hoe tibi erunt artes. It was a principle, among the publicists of antiquity, that the working man could not be a political man: therefore, far from refusing work to the proletarian, they imposed it on him by force. — Today, our politicians neither want to work nor give us work. They would like everything for themselves, work and government.

In the Middle Ages, the system, the point of view, the ideas, everything changed. The feudal caste, takes no more active part in the work than the patrician caste did previously: it leaves it to the villein. But, instead of coercing, it gets paid. By letters patent (this is the origin of what we call patents), and for a fee, to all those who want to work the lord gives credit for the land, credit for commerce, industry and the arts, credit, in in a word, for labor: absolutely as the Jew and the Lombard gave credit for their money. The working people, after a long slavery, had acquired such a taste for labor that the idle caste had come to think that instead of demanding work from them, it could sell it to them! This is the principle of all feudal right.

Nowadays, under this regime of bankocracy, no everyone who wishes can labor, even if they pay. The worker may leave his exploiter 10, 20 and 50 percent of his legitimate salary: he does not get work. Labor, once the privilege of the slave, has become the privilege of the owner. We used to fight not to labor, it was social war; today we are fighting to labor, it is social war. Civilization went from one pole to the other: people were first killing each other because there was no leisure for everyone, and that could be understood; we are now killing ourselves because there is no labor for everyone, and that is no longer understandable.

Our capitalist legislators refuse to recognize the right to work: People, once again, we ask you for patience!…

To conform to the common language, and in order to avoid any slander, any ambiguity, we will say that we want property, property, that is to say the free disposition by each of the fruits of his labor, of his industry and his intelligence.

But we want property, like work, for everyone, because, in society, the faculty of production is like the faculty of acquisition, infinite.

We want property, without usury, because usury is the obstacle to the development of production, to the increase and universalization of property.

It has been said that property thus understood, thus stripped of what makes it privilege and abuse, was no longer property. — Men of practice even more than of theory, we leave this discussion to the scholars; it is enough for us, by maintaining individual possession, to free it from all inequality and monopoly.

We want, during this period of transition, which the revolution of February inaugurated, respect for acquired property, except for the progressive reduction of privilege. Who among us is there who preaches confiscation and theft? The boldest doctrines on property have circulated among the People: how many plunderers have they made?… We searched for thieves, and we found them, with the harlots and adulterers, in the court of the ex- king, in the peerage, in the chamber of deputies, in ministries, everywhere, except among the workers. No one is more hostile to theft than he who labors. It was against privileged theft that the February revolution was made: notice to the instigators and makers of counter-revolution.

We want to maintain the principle of heredity, that is to say the natural transmission from father to son of the instruments and products of labor, not the transmission of monopoly, of the right of the lord. How will the principle of heredity, which links generations and gives strength to the family, be contrary to equality and fraternity, when it is no longer used to transmit and accumulate privileges?

Family, labor, property without usury and without abuse, in other words, free credit, identification of the worker and the capitalist; inheritance of rights, not privileges; these are the elements of our public law, of our social science.

Now, the economic base of society thus modified, everything turns around, everything changes in society. The causes of misery become the cause of wealth; agents of inequality and antagonism, become agents of harmony and fraternity. Under this new horizon, ideas and philosophy are expanding and reforming; science and art take on another meaning, another style; religion is explained.

France has shown, in recent times, how religious it is, religious in heart and in reason. Religion, in our incomparable country, is the secret leaven of everything that has life, authority and duration. Economic questions, however vast they arise, are not enough for our contemplative and tender intelligence; the great problems of philosophy leave us indifferent and sad; the pure idea cannot delight us. Our soul needs something more than number and measure, something beyond even the idea.

Where are, among us, the materialists and the atheists? We looked around us, and we found them only among those who slander us and persecute us. Do you see this cold and ugly being, subtle and supple like the snake, mocking, ciphering, without shame, who in a silvery voice always concludes with pitiless measures; who does not want the right to work; who speaks to you of Providence, and who adores fatality; who sees in religion only a political instrument, in the law only a convention, in the Revolution only a fact! This man is a materialist, he is impious;

Yes, we want religion: but let no one be deceived. Religion, for us, is not the symbolism: it is the content, the word of the symbolism. To discover true religion, we must start our exegesis again, showing philosophically, with the help of new social data, supernaturalism in nature, heaven in society, God in man. It is when civilization will appear to us as a perpetual apocalypse, and history as an endless miracle; when, through the reform of society, Christianity has been raised to its second power, we will know religion. Then also our slanderers, torn from their myths, will know what our God is, what our faith is…

We want the Republic as a form of government and society. We are the irreconcilable enemies of royalty, of everything related to it, of everything that resembles it. Royalty is an old fiction whose meaning has long been known, the restoration of which would be an outrage to public reason, to national dignity. Royalty is the opposite of everything we want and expect from the Republic.

The Republic is the coordinated equality of functions and people: royalty is only hierarchy and subalternization.

The Republic excludes the distinction of castes: royalty cannot do without castes. For noble feudalism, it substituted mercantile feudalism: why would we have expelled Louis-Philippe, the type, the chosen one of the bourgeois caste, if we had to preserve a bourgeoisie, if we wanted to cultivate this seed from which arose the worst kind of royalty, constitutional royalty?

The Republic is the organization of universal suffrage: with royalty, this suffrage is only a lottery. — We will say later what we mean by these words: Organization of universal suffrage.

The Republic supposes, with the division of functions, the indivisibility of power. — We will prove that the firmest support of despotism, the cornerstone of monarchies, is found precisely in this distinction of legislative, executive and judicial powers; a distinction where liberty, equality, responsibility, universal suffrage, popular sovereignty, the principles of justice and order, all perish.

The Republic is the centralization of credit, commerce, industry, agriculture, as well as the police and education: royalty is only anarchy or vassalage.

The Republic is a regime of responsibility and law: royalty only exists through favor and corruption.

The Republic is, like religion, essentially expansive and universal, embracing the world and eternity; — Royalty, always personal, local, stationary, living at home and for itself, royalty is the enemy of humankind and progress.

The Republic would say to the Austrian: “I want you to leave Italy!” And the Austrian would ;eave. She would say to the Scythian: “I want you to leave my darling Poland!” And the Scythian would return to the desert road. — Royalty says to the tyrants: “Brothers, how much will you give me, and I will hand over Italy and Poland to you?…”

By the bourgeois tendencies of the government and the National Assembly; restrictions placed on the exercise of the right to vote; by the restrictions placed on freedom of association and freedom of the press; by the draft monarchical constitution submitted to the deliberations of the representatives of the People; by the war against social ideas; by the pacts concluded with usurers; the abandonment of Polish and Italian nationalities; by the transactions initiated with the aristocratic governments of Europe, it is easy to judge that our country is in the midst of a royalist restoration. The popular Hercules has barely cut off the head of a dynasty when from this execrated trunk new ones emerge, repullulat hydra! This is the danger at this moment; this is where the effort of our resistance must be directed.

Republicans, count on us!… But if you want our dedication to be useful, let us in turn count on your support. And what is this support? we repeat to you in closing, this support, what makes your strength and ours, is patience.

Be careful not to give in to the perfidious instigations of those who push you to revolt and civil war: civil war is the only means of success that royalty has at the moment. Things, by the providential combination of events, have reached this point that if the People remain immobile for some time, royalty, with its infernal procession, is lost forever.

Patience therefore, citizens; no truth about men and things will be hidden from you by us, no timid resolution suggested. But, once again, be patient! it is the entire future of the People, and the salvation of the Republic.

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Note: The newspaper Le Peuple, for which this Manifesto served as a specimen, published its first issue on September 2. This Manifesto should have been signed by several representatives of the people who backed away from the circumstances. (Editor’s note.)

La Présidence.

Novembre.

Muse du pamphlet, du pamphlet révolutionnaire, coiffe ton bonnet phrygien, brandis ta pique, et chantons la Marseillaise l A moi Desmoulins, à moi Rouget de l’Isle, à moi Chénier, Paul-Louis, Béranger, Cormenin ! prêtez-moi vos traits et vos flammes. Vieux Lamennais, n’as-tu point encore quelques Paroles pour les Croyants? Viens aussi, jeune poète qui mis en rimes sanglantes la misère du travailleur. La contre-révolution s’approche, assise sur un sac d’écus, pleine du vin de la colère des rois. Faubouriens, aux armes! Montagnards, ceignez vos écharpes !… Et toi, Lagrange, mon ami, qui juras de mourir pour la souveraineté du Peuple, prends tes capsules et ton fusil ! Que le tocsin sonne ! que les lampions, les lampions s’allument comme dans les nuits de février ! que le Choeur des Girondins, que le Chant du Départ retentissent, que la voix du cornet à piston remplisse mon coeur d’un saint enthousiasme ! J’entends les cris des monarchiens, des valets du capital, des exploiteurs du prolétariat : Fêtons, célébrons, esclaves, la venue de notre maître ! Noël, noël, nous allons nommer le PRÉSIDENT ! Noël, noël, VIVE LE ROI !….

Mais non, amis, pas d’émotion ! C’est le carnaval dynastique. Restons chez nous, rougis et bleus ! et puisque Dieu l’a voulu, et que les hommes le permettent, regardons par la fenêtre, les bras croisés, cette descente de la Courtille !

I. Que la présidence, c’est la monarchie.

Tu l’as dit, Cavaignac, et je l’ai entendu de mes oreilles : La France va prouver, par le choix de son président, si elle est républicaine ou non.

Vous croyiez donc, vous autres, la question de la République résolue par le coup de balai de février? — Pauvres sots !

Vous la croyiez résolue par la manifestation du 17 mars? — Imbéciles !

Vous la croyiez résolue parles élections d’avril, première application du suffrage universel ? — Insipides !

Vous la croyiez résolue, le 5 mai, par l’adhésion des plénipotentiaires du Peuple ? — Qui ? messieurs de l’Assemblée nationale? vos représentants? Est-ce qu’ils sont engagés à quelque chose? est-ce qu’ils ont prêté serment?…

Vous croyiez la question de la République jugée, confirmée par le vote de la Constitution? — Mais la Constitution, c’est la question.

La Constitution, vous dis-je, n’a fait que poser au pays la question de la République. A présent c’est au pays et au paysan à la résoudre. Nous saurons dans six semaines si la France est républicaine ou non!…

Bravo, constituants ! Vous voulez que votre fille demeure vierge, et vous commencez par la marier? Prenez-vous donc la République pour une Victoria, que vous lui mettez pour condition ce qui fera d’elle une monarchie? Et vous prétendez que nous l’aimions, votre matrone ! que nous, fils de la Liberté, nous ayons foi dans sa vertu ! que nous prenions son drap de noces pour notre drapeau? Avez-vous oublié ce que chantait la Vivandière, au retour de Moscou :

Quand au nombre il fallut céder

La victoire infidèle, Que n’avais-je pour vous guider

Ce qu’avait la PUCELLE !

Ah! citoyens représentants, que votre Constitution se sent des lieux que vous avez fréquentés trop longtemps !… Je veux dire l’école des Charles, non autre chose. Vous excitez, dans le pays, la fringale monarchique ; le pays vous répondra par une monarchie.

Chaque pays, chaque guise. En France, le Peuple, qui se soucie peu des subtilités parlementaires, mais qui a l’ouïe fine et la langue affilée, le Peuple ne sait, ne comprend qu’une chose : c’est que celui qui commande les autres, qui agit, qui exécute, en un mot qui gouverne, celui-là est le maître de la maison. Et quand on lui parle d’une demoiselle de bonne maison qui a besoin d’un protecteur, d’un ami, pour lui tenir compagnie, gérer et administrer ses biens, la conduire dans le monde, veiller-sur elle la nuit, le Peuple comprend tout de suite qu’il faut la marier! Marion pleure, Marion crie, Marion veut qu’on la marie !

Votre président sera roi, vous dis-je, ou ne sera rien du tout. Et si vous voulez causer un moment, je m’engage à vous le faire voir, clair comme eau de roche.

Vous seriez-vous par hasard imaginé, nos Solons et nos Lycurgùes, que le Peuple ayant à marier sa fille, la République, irait lui donner un manant tel que vous ou moi? — Cavaignac, Lamartine, Ledru-Rollin ou Thomas Diafoirus? — Qui, un soldat, un rimeur, un bachelier! président de la République ! Fous que vous êtes ! Est-ce que le Peuple connaît ce monde-là? Est-ce qu’il s’inquiète de leurs galons ou de leurs diplômes?… Ce qu’il faut au Peuple, pour la République, ce qu’il demande, c’est un bon mâle, de forte encolure et de noble race.

Le Peuple s’inquiète peu, croyez-moi, de la distinction du législatif et de l’exécutif. L’exécutif, pour lui, c’est tout. Autre sans doute sera le notaire, autre le fiancé. Pourvu que le président fasse vite et bien, il aura, au jugement du Peuple, assez d’esprit. Sa virilité fera son mérite, et habet mea mentula mentem! Votre législatif, c’est un eunuque, quelque chose au dessous de rien!

Eh ! dites-moi : Jamais despote manqua-t-il de législations, de constitutions et de traditions pour contenir sa fougue et modérer sa jeunesse? Gela pourtant ne fit jamais le moindre tort au despotisme.

Les lois de Moïse, la charte du peuple juif, étaient écrites bien avant qu’ils eussent des rois. Gela n’empêcha point les melks hébreux d’être rois dans toute la force du terme, et rois despotes. Pourtant, les bourgeois d’Israël n’avaient entendu ordonner que la puissance executive ; ils s’étaient réservé le greffe.

La loi des XII tables et toute la Constitution romaine existaient depuis longtemps lorsque vinrent les Césars, qui ne firent qu’ajouter le titre, ‘ancien dans la République, d’empereur, à celui de consul, que portaient auparavant les chefs du pouvoir exécutif. Les Césars en furent-ils moins des AUTOCRATES, très bons, très pieux, très cléments , très augustes, je le veux ; mais enfin des autocrates ? Or, l’ autocratie, la plénitude de la puissance executive, était la même chose que l’ autonomie, la plénitude du pouvoir législatif : les magnanimes empereurs le firent bien voir !

Est-ce que la Russie n’a pas ses institutions, ses lois, ses castes, etc., contre lesquelles lutte depuis deux siècles le génie des Pierre-le-Grand, des Catherine et des Nicolas? — Eh bien ! Nicolas, c’est un monarque absolu, uu despote.

Croyez-vous qu’en France, avant 89, il n’y eût ni constitution, ni parlement, ni loi?.. Et cependant le roi, parce qu’il faisait les choses, parce qu’il avait seul le droit de les faire, était réputé la loi vivante. Si veut le roi, si veut la loi! c’était encore un despote. Et quand la Constitution semi-républicaine de 1790 eût été faite, Louis XVI, chef du pouvoir exécutif de par cette Constitution, était encore si bien le maître, malgré le contrat paraphernal qui le liait, qu’il lui suffisait, pour avoir raison de la République, de lui répondre, lorsqu’elle lui faisait quelque amoureuse instance : Je ne veux pas ! et se tenir coi !…

Est-ce que le système constitutionnel n’existait pas tout formé, et les matériaux des codes, les principes de l’administration n’étaient-ils pas là, quand arriva Bonaparte? Estce que la Constitution de l’an VIII, que jura d’observer le général, oeuvre de Sieyès, n’était pas le résumé des idées et de l’expérience antérieure? Est-ce qu’à tout prendre, Bonaparte ne gouverna pas uniquement en vertu des lois, des moeurs, des institutions qu’il n’avait point faites, et qu’il avait trouvées ?—Mais il avait le pouvoir exécutif, et bien qu’on ne l’eût donné d’abord à la République que comme tuteur, il fit d’elle tout ce qu’il voulut… Il fut empereur et despote.

La Charte de 1814, et celle de 1830, ne furent-elles pas tour à tour le préliminaire obligé de l’avènement des deux dernières dynasties? N’avait-on pas eu soin de stipuler que le roi ne pourrait rien faire qui ne fût prévu dans le contrat? Mais il était dit aussi que le chef de l’État exercerait le droit conjugal; et que reste-t-il au père de la fille, quand le mari et la femme couchent ensemble?. . Je maintiens que la puissance royale fut plus grande encore, sous les deux dernières dynasties, qu’elle n’avait été sous l’ancien régime. Ne savez-vous pas que toute obligation suppose réciprocité? Plus vous gênez l’étalon, plus vous enflammez sa vertu.

Vous croyez énerver votre président parce que vous lui mettez des entraves ! Je vous dis, moi, que vous ne faites qu’irriter sa fougue, et la rendre plus irrésistible. Ne vous ai-je pas entendu tous, dire, à propos de la présidence, comme cela se disait autrefois de la monarchie constitutionnelle, que le président, tout-puissant pour le bien, serait impuissant pour le mal? comme si, en fait de gouvernement, pas plus qu’en fait de mariage, l’homme pouvait répondre de ses oeuvres !… Sauriez-vous, par hasard, le secret de faire à volonté des garçons ou des filles?…

Votre président sera tout-puissant, cela suffit. Le Peuple, qui sait très bien qu’en telle affaire qui peut pense, le Peuple se rit de vos distinctions. Le futur sera vigoureux, je vous en avertis. Ce n’est pas tout, il sera noble. N’ayez crainte que le Peuple, qui s’y connaît, fasse pour sa pupille une mésalliance.

On déclame, on plaisante à tort et à travers, sur Louis Bonaparte. Quelques-uns, comme Antony Thouret, vont jusqu’à l’indignation. Pour moi, après y avoir réfléchi, je suis de l’avis du prince : je trouve que son véritable titre à la présidence est justement de n’être rien de ce que ses envieux lui demandent, ni homme de guerre, ni homme d’affaires, ni homme d’état. Son titre, à lui, c’est d’être Napoléon. La France, monarchique jusqu’à la moelle, ne demande rien de plus. N’oubliez donc pas que le président de la République est avant tout le mari de la République : le reste lui viendra avec le mariage. Ceux-là ont grand tort, à mon sens, qui, confondant, comme dit le proverbe, le bon Dieu avec les prunes, s’en vont fouiller la vie du candidat, calomnier ses intentions, préjuger ses principes, ou bien encore lui demander un programme !…

Quoi ! cet écervelé veut régner sur la France ! s’écrie un républicain badaud, à qui il faudrait un grand homme pour gouverner l’État ! lui qui entrant un matin dans Strasbourg, en culotte jaune et petit chapeau, aux cris de Vive l’empereur ! se laissa prendre dans un cul-de-sac comme un blaireau dans un terrier !

Lui qui faillit allumer la guerre entre deux nations amies, pour prix de l’hospitalité que lui donnait l’une, et du pardon que lui avait dédaigneusement accordé l’autre !

Lui qui, coupable du même crime que le duc d’Enghien, aurait dû être traité comme le duc d’Enghien, si le gouvernement suisse et le gouvernement français avaient fait justice !

Lui que plus tard nous avons vu revenir en France par Boulogne, un aiglon sur le poing, comme un varlet de fauconnerie !

Lui que la cour des pairs envoya pour sa, santé au fort de Ham, aux sifflets et aux éclats de rire de tous les Parisiens!

Lui qui, grâce à quelque connivence du pouvoir, s’évada de prison, déguisé en blouse, une planche sur l’épaule, et cassa sa pipe en passant sur le pont-levis, comme il l’a raconté dans l’histoire de son évasion, écrite par lui-même, édition Temblaire, prix un sou!…

Lui qui depuis fut sergent de ville à Londres !

Qui joua la comédie à Eglington !

Qui, par deux fois, monté à la tribune de l’Assemblée nationale, s’en tira comme madame Mansion, Qui ne dit ni oui ni non !

Il est drôle le Napoléon, avec sa pipe cassée ! avec son aigle ! avec sa culotte de peau !…

Mais, reprend un autre, au langage plus parlementaire, sans doute son altesse est comme le perroquet de Normandie, qui, s’il ne chante pas, n’en pense pas moins. A défaut d’une campagne d’Italie, d’un traité de Gampo-Formio, d’une expédition d’Egypte, nous aurons au moins un programme ?

Nous connaissons les idées de M. de Lamartine ; nous savons, à peu près, ce que veut le citoyen Ledru-Rollin, ce que veulent Messieurs Thiers et Mole. Cavaignacet Bugeaud, si leur politique laisse à désirer, peuvent invoquer leurs états de service. Mais Louis Bonaparte?…

Je demande à Louis Bonaparte :

S’il renonce aux droits que lui conférait certain sénatus-consulte de 1804, invoqué par lui contre Louis-Philippe, lors de l’expédition de Strasbourg ? conséquemment, s’il prétend faire relever sa candidature d’autre chose que de la volonté du Peuple?

Si, n’ayant pas voté sur les principaux articles de la Constitution, il croit pouvoir, en sûreté de conscience, prêter serment à la Constitution ?

S’il accepte la République démocratique, une et indivisible, telle qu’elle est définie par la Constitution ; ou s’il est pour la République démocratique et sociale ?

S’il est vrai qu’il se laisse ou se fasse appeler Monseigneur?

S’il croit à la durée de la paix en Europe, et pourquoi ? S’il serait partisan de l’intervention en Italie, en Pologne et ailleurs, et sur quoi il fonderait, devant l’opinion du pays et la diplomatie européenne, l’utilité pour nous et la légitimité de cette intervention ?

S’il est vrai qu’il ait pris, au sujet de sa candidature, les conseils de l’Angleterre et de la Russie, comme le bruit en court ; ou s’il s’en tient au bon plaisir des électeurs français? S’il a un système de crédit à substituer au système actuel, qui, au moment du péril, trahit à la fois le pays et l’État, et quel est ce système ?

S’il considère toute espèce de papier-monnaie comme une contrefaçon des assignats, et comment il pense résoudre le problème du crédit agricole ?

S’il croit possible de réduire l’effectif de l’armée, de diminuer le chiffre du budget, et comment?

S’il admet le droit au travail, ou s’il le repousse? Quelles sont ses idées sur le recrutement, la colonisation, l’organisation judiciaire, le conseil d’État, les libertés communales et départementales, la liberté de la presse, la liberté de l’enseignement, l’impôt progressif? etc., etc.

Si, après avoir vu les hommes de la gauche, de la droite, du centre,— on dit même les socialistes ! — il compte faire un gouvernement de conciliation, ou un gouvernement d’exclusion ? Dans l’un et l’autre cas, où sont ses sympathies, ses préférences?…

— Bah ! interrompt là-dessus un républicain du lendemain, bien connu du Charivari, Jérôme Paturot, vous demandez au prince Louis son programme ! Vous l’avez ce programme ; c’est l’ Extinction du paupérisme, un volume in-32, Paris, rue Neuve-des-Petits-Champs, n° 36. — L’extinction du paupérisme, entendez-vous? Que demandez-vous de plus? L’Empereur y a rêvé vingt ans, sans pouvoir résoudre le problème. Or, ce que n’a pu faire Napoléon-leGrand, Napoléon-le-Jeune l’accomplira. Car Napoléon-le-Jeune est socialiste, communiste même, ne vous en déplaise. Voici son système.

Il pose en principe, page 5, que la prospérité d’un pays dépend de la prospérité générale.

A côté de ce principe lumineux, fécond, il pose cette mineure, non moins merveilleuse, pages 6, 7, 8, 9, — que le commerce, l’industrie, l’agriculture, l’administration, sont minés par un vice organique, lequel vice organique consiste principalement dans la division égalitaire des propriétés.

Il conclut par la nécessité, pour sauver le. pays, de recréer la grande propriété, et d’organiser le travail sur des bases nouvelles.

Cette organisation, suivant le réformateur napoléonien, sera la suivante :

Dans chaque département et commune, les ouvriers et prolétaires nommeront des prud’hommes, à raison d’un prud’homme par dix ouvriers ;

Il y aura pour dix prud’hommes un directeur ; Et pour dix directeurs un gouverneur. Les prud’hommes auront le grade de sous-officier ; les directeurs celui de capitaine ; les gouverneurs celui de colonel.

Les ouvriers seront considérés comme simples soldats. — Ils seront organisés militairement. (Page 28.)

Il sera formé par eux des colonies agricoles, auxquelles seront livrés les 6 millions 127,000 hectares de terres actuellement incultes. Ces colonies serviront tout à la fois de réservoirs pour l’industrie libre, qui y prendra les ouvriers dont elle aura besoin, et de déversoirs pour le trop-plein de la population. (Pag. 26.)

Les prud’hommes seront chargés, conjointement avec les maires des communes, d’envoyer à ces colonies les hommes que l’industrie libre ne pourra occuper ; et réciproquement de fournir à l’industrie les sujets dont elle pourra avoir besoin. (Pag. 27.)

Les colons seront logés dans des barraques en torchis et clayonnage, de 4 m. 60 sur 2 m. 90. La discipline y sera sévère; la vie SALUTAIRE (sic), mais rude; l’entretien le plus simple possible. Le logement, la solde, la nourriture, l’habillement, réglés d’après le tarif de l’armée (pag. 30), et bornés au strict nécessaire. (Pag. 96.)

Les individus sans ouvrage trouveront dans ces établissements à utiliser leurs forces et leur intelligence au profit de la communauté. (Pag. 23.)

Les colonies, lorsqu’elles seront en plein rapport, devant donner, grâce à la modicité de la solde, d’immenses bénéfices, ces bénéfices seront employés à acheter de nouvelles terres; car, observe l’auteur avec une souveraine raison, tout système qui ne renferme pas en lui-même un moyen d’accroissement continuel est défectueux. (Pag. 32.)

Les colonies agricoles auront donc la facilité d’étendre leur domaine, de multiplier leurs établissements, (page 33), au détriment, bien entendu, de la propriété privée, qui devra peu à peu disparaître.

Ainsi, tandis que par notre loi égalitaire les propriétés se divisent de plus en plus — ce qui nous rapproche de plus en plus du régime démocratique, — le communisme napoléonien reconstruira la grande propriété et la grande culture. (Page 33.)

Et quand il ne restera plus en France de terres à acheter et de propriété à envahir, la compagnie établira des succursales en Algérie, en Amérique même (page 34) : le globe entier y passera. Partout où il y aura un hectare de terre à défricher et à acquérir, la communauté de Louis-Napoléon sera là avec ses capitaux, avec son armée de travailleurs, avec son incessante activité. (Ibid.)

Pour organiser de la sorte le travail, et convertir le pays en communautés militaires, il en coûtera, toutes rectifications faites aux calculs du prince Louis, environ 160 MILLIONS PAR AN au pays (voir le devis de son altesse impériale, pages 35 à 43.)—Cette somme de 160 millions sera acquittée, comme de justice et de raison, par k propriété rurale et industrielle, puisque c’est à l’intention de cette propriété, et pour la débarrasser du prolétariat, que doivent être fondées les colonies agricoles.

Vous demandez à Napoléon-Louis Bonaparte son programme, son système ? Il existe, je vous le répète, ce programme ; il était, en septembre dernier, à sa quatrième édition. Enlevé qu’il est par les habitants des campagnes, .qui tous applaudissent aux idées du futur empereur, il n’est pas étonnant que les représentants du Peuple, à Paris, n’en aient pas connaissance.

Ah ! vous ne vouliez point de l’organisation anodine de Louis Blanc ! Eh bien ! vous serez organisés, haut la baguette, par M. le constable.

Ah ! vous ne vouliez pas du phalanstère ! Eh bien ! Napoléon-le-Jeune vous fera loger dans des barraques !

Ah! vous ne vouliez de la communauté pas plus que de la conscription ! Eh bien ! vous serez tous soldats, soldats à vie, comme Napoléon sera président. Vos femmes seront cantinières; vos garçons, tambours ; vos filles, à douze ans, feront l’oeil aux tourlourous.

Ah ! vous vous plaigniez des 4S centimes de la République ! Vous paierez 90 avec l’empereur.

Ah ! vous trouviez que c’était trop lourd, un budget de 1840 millions ! Vous l’aurez de deux milliards, plus la communauté de gamelle.

Ah! ah ! gaillards ! on vous apprendra ce que c’est que la liberté, l’égalité et la fraternité !

Ainsi dit Jérôme Paturot.

Honte à la France ! hurle à ces mots un montagnard à barbe rouge et cheveux plats : honte et malédiction ! Nous sommes toujours la même race, vaniteuse, hypocrite el lâche! Et nous osons nous attribuer l’initiative de la civilisation et du progrès ! Nous qui depuis quatorze siècles avons baisé la semelle de 60 tyrans ; nous qui avons massacré nos frères les Albigeois et les Huguenots, coupables d’avoir revendiqué la liberté de conscience ; nous qui avons proscrit l’industrie de notre pays, parce qu’elle protestait contre le pape ; nous que l’avarice seule a faits révolutionnaires en 89, et qui, repus des biens nationaux, sommes vite revenus au despotisme ; nous qui avons délaissé les Vauban et les Turgot, pendant que nous caressions les Louvois et les abbés Terray ; nous qui laissons mourir de faim nos inventeurs et nos artistes ; nous qui ne subsistons que de contrefaçons et de plagiats : nous qui n’avons aujourd’hui ni constitution nationale, ni philosophie nationale, ni art national, qui avons laissé périr jusqu’à notre littérature nationale ; nous qui avons adoré et flétri tour à tour la Légitimité, la République, l’Empire, la Restauration, la Quasi-Restauration, aussi incapables de vivre avec nos rois que de nous passer de rois; nous qui n’avons jamais su que jouer à cache-cache avec la liberté !—A quoi nous sert-il d’avoir produit Montaigne, Rabelais, Bayle, Descartes, Molière, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Buffon, Diderot, Dalembert, Condillac, Condorcet, Volney, la série la plus riche, la plus éclatante de libres penseurs ? L’agitation philosophique n’a jamais été chez nous qu’une dispute de marguillers, le mouvement politique qu’une querelle de robins et de gentillâtres. Les premiers soldats de la liberté, dans la rue : au coin du feu, valets de cour et rats d’église.

Viens donc, Napoléon, viens prendre possession de cette race de tartufes, de ce peuple de courtisans. Ils disent de toi que tu n’es qu’un crétin, un aventurier, un fou. Tu as fait la police et joué la comédie ; tu as toute l’étoffe, à la férocité près qui n’est plus de notre âge, des Néron et des Caligula. Viens, te dis-je, tu es l’homme qu’il nous faut. Viens mettre à la raison ces bourgeois ; viens prendre leur dernier enfant et leur dernier écu ! Viens venger le socialisme, le communisme, le fouriérisme, le cabétisme ! Viens : les apostats de tous les règnes sont là qui t’attendent, prêts à te faire litière de leurs consciences comme de leurs femmes ! Ton oncle Jérôme disait, dans sa pétition à Louis-Philippe, qu’il ne demandait plus, en rentrant en France, qu’à vivre et mourir en citoyen français. Mais toi, tu l’as compris : ta famille était réservée pour de plus grandes choses; il manquait une gloire au nom des Bonaparte. Viens terminer nos discordes en prenant nos libertés ! Viens consommer la honte du Peuple français ! Viens, viens, viens !…

A ces invectives, à ces sarcasmes, Napoléon-Louis n’a qu’une chose à dire, mais à laquelle je défie qu’on trouve de réplique : La France est en folie ; il lui faut un HOMME !.. A défaut d’homme, elle ne reculerait pas pour un âne !…

Que parlez-vous de titres, de programmes, de solutions financières, de droit au travail, de respect à la propriété ? – Napoléon nous tombe comme Priape dans la Guerre des Dieux. Dès qu’il paraît, les autres ne sont auprès de lui que des polissons

Voulez-vous maintenant que je vous dise la raison de tout ceci, ce qui fait qu’en ce moment nous éprouvons un si grand besoin de nous donner un roi ! Je vais vous satisfaire. Mais, auparavant, laissez-moi vous Conter un apologue.

II. Que le principe de la monarchie, comme de l’anarchie, c’est la politique.

Sur la fin du moyen-âge, il parut un livre, un livre étrange, écrit en latin, ayant pour titre De auforibilitate papas, c’est-à-dire, de la possibilité pour les chrétiens de se passer de pape.

Dans cet écrit, consciencieux, impartial, savant, fort de logique et d’autorités, l’auteur se plaçant au point de vue de certains sectaires, examinait ce qu’il adviendrait de l’église romaine, du catholicisme tout entier, et, par suite de la religion elle-même, si, comme le voulaient Jean Hus et les autres, on supprimait le pape.

Et il prouvait, et il arrivait à cette conclusion, qui est le fond de toute la controverse que soutint plus tard le grand Bossuet contre les églises protestantes :

Que si l’autorité du pape était ébranlée, l’Église de Rome, dont le pape est l’évêque particulier, perdrait immédiatement sa primauté entre les églises :

Qu’alors le catholicisme, manquant de centré visible et d’unité, ne serait plus qu’un assemblage d’églises indépendantes, égales en autorité et juridiction;

Qu’aucune de ces églises ne pouvant être jugée, remontrée ni condamnée par les autres, la foi perdrait son caractère d’universalité, et de chose nécessaire et universelle, deviendrait chose individuelle et locale ;

Que par le mouvement incessant et la curiosité indiscrète de l’esprit humain, la foi chrétienne, n’ayant plus ni gouvernement ni paradigme traditionnel, serait livrée au changement, à l’instabilité, aux innovations, et conséquemment tendrait à une inévitable dissolution ;

Que le lien ecclésiastique venant à se rompre, et lés esprits n’ayant plus de guide, le dogme chrétien, parcourant toute la chaîne des hérésies, aboutirait, par une insensible dégradation, au déisme ;

Que le déisme conduisait fatalement au panthéisme ;

Que le panthéisme n’était qu’une étape sur la route de l’athéisme ;

Que l’athéisme se résolvait dans le pyrrhonisme, et finalement le pyrrhonisme dans le nihilisme, dans la négation de Dieu, de l’homme et de l’univers !

En sorte que, suivant le raisonnement de ce théologien, delà reconnaissance du pape et de ses sandales, dépendait l’existence, non seulement du catholicisme, non seule-. ment encore de la foi chrétienne, mais de la religion naturelle, mais de la raison et de la philosophie.

Si bien enfin, qu’entre la croyance à l’infaillibilité du pape et le pyrrhonisme le plus absolu, le plus absurde, il n’y avait pas de moyen terme où la raison pût s’établir; qu’il fallait choisir entre l’un ou l’autre, à peine de rester dans le libertinage, c’est-à-dire de n’être qu’un mauvais plaisant et un raisonneur de mauvaise foi.

Et chose singulière, l’événement a justifié la prévision de ce théologien. Partout où l’esprit s’est insurgé contre le pape, soit au nom de l’autorité spirituelle locale, comme ont fait, en France, les Gallicans; soit au nom du libre examen, comme il est arrivé pour les protestants ; soit par une distinction entre le fait et le droit, comme le voulaient les jansénistes ; on a vu la foi catholique et chrétienne se résoudre peu à peu en un pur déisme ; et comme le déisme n’est, comme toutes les opinions de juste-milieu, qu’une hypocrisie, l’immense majorité des nations a été plongée tout à coup dans l’indifférence et le libertinage. Il n’y a pas un ministre de la confession d’Augsbourg qui reconnaisse la divinité du Christ : demandez à M. Athanase Coquerel ! — il n’y en a pas un qui ait le courage de se déclarer pyrrhonien. C’est la même chose pour les catholiques. On parle de religion, on invoque le Christ, on prie Dieu, on se recommande à l’Éternel, on espère en l’Être suprême. Hypocrisie ! hypocrisie ! nous ne croyons plus à rien ; nous n’adorons que notre fantaisie et notre bon plaisir ; il n’y a pas plus de foi que de bonne foi, ni en deçà du Rhin, ni au-delà.

Et ce qui est vrai en Europe du pape, est vrai en Asie du grand lama, vrai du muphti, vrai de tout sacerdoce et de toute religion. Partout où vous supprimez l’autorité visible, vous anéantissez la foi ; et, la foi anéantie, ou vous arrivez au néant, ou vous créez l’arbitraire, le libertinage.

Cependant, comme il répugne également à la raison de se précipiter dans le doute absolu, ou d’admettre l’infaillibilité du pape, et que d’autre part l’expérience et la logique ont démontré des millions de fois qu’entre ces extrêmes il n’est point de parti honorable, de station possible, que c’est là une vérité passée en force de chose jugée, le premier dogme de toute philosophie, force a été de chercher, HORS de cette ligne fatale, un point solide où pût s’accrocher la raison.

Et voici ce qu’on a découvert.

On s’est aperçu que cette fatalité logique, qui conduit invinciblement la raison à l’esclavage par la superstition, ou au suicide par le doute, avait sa cause dans une certaine maladie ou-hallucination de la pensée, connue dans l’école sous le nom d’ONTOLOGIE. L’ontologie, voilà ce qui faisait le désespoir des pauvres chrétiens fautant que des libres penseurs : c’était le cauchemar de la raison et des sociétés. Qu’est-ce, me direz-vous, que l’ontologie ?

L’ontologie est cette hypothèse que personne ne s’était avisé de contester jusque-là, tant elle semble naturelle ! et qui consiste à affirmer la distinction substantielle de la matière et de l’esprit!… Je n’ai nulle envie, croyez-le bien, de vous embourber dans cette ornière métaphysique ; j’en ai déjà trop dit pour un pamphlet. Je répète seulement, et j’en atteste l’expérience des quatre derniers siècles, et le libertinage du nôtre, que pour quiconque croit à l’ontologie, pour quiconque admet la réalité, soit de la matière , soit de l’esprit, soit de ces deux natures ensemble , mais séparées, pour celui-là, point de milieu : ou bien il est le serviteur du pape, ou il est le disciple de Pyrrhon.

Pour ceux, au contraire, qui ne reconnaissent point l’autorité de l’ontologie, qui considèrent la matière et l’esprit, non plus comme des substances réelles, mais comme les deux faces générales de I’ÊTRE ; pour ceux-là, dis-je, l’affranchissement est complet. Ils n’ont plus rien à redouter ni des indulgences du pape, ni des séductions de Méphistophèles. Leur dialectique, établie sur un terrain solide, marche sans broncher à la construction de la science humaine, à l’intelligence de la religion et du progrès.

Dans un autre ordre d’idées, celui dont nous nous occupons aujourd’hui, il arrive quelque chose de tout à fait semblable.

Depuis quatorze siècles, la France s’est posée la question, de auferibilitate régis, — s’il est possible de se passer de roi ? — sans avoir pu jusqu’à présent la résoudre.

L’inclination secrète du pays, l’indocilité du caractère national pousse sans cesse les esprits vers la démocratie ; l’expérience et la théorie les ramènent continuellement au despotisme, à l’autorité d’un seul. Il est démontré, pour quiconque y a voulu voir, qu’entre le bon plaisir monarchique et l’anarchie universelle, deux extrêmes également inadmissibles, il n’y a pas de position tenable : ceux qui l’ont cru ont été frappés du sobriquet de doctrinaires ; ils ont perdu une fois déjà la République, et trois ou quatre fois la Monarchie.

Ainsi, d’une part, nous ne cessons de démolir la royauté; de l’autre l’anarchie, dernier terme de la démocratie, nous fait horreur. La monarchie, en France, est impossible ; la république impossible; tous les termes mitoyens impossibles ; nous ne pouvons ni vivre ni mourir, et comme pour attester notre indélébile contradiction, nous prenons pour devise à la fois la liberté et l’ordre! — Sortez de là !!!

C’est une pauvre philosophie que d’accuser tour à tour des oscillations révolutionnaires de notre malheureux pays, tantôt la sottise, tantôt le machiavélisme des princes, ou la corruption des ministres, comme de s’en prendre à la violence des passions démocratiques et à la division des démagogues. C’est toujours alléguer le fait en explication du

fait, prouver la révolution par la révolution. Ce qui amène la tyrannie et la mauvaise foi du monarque, c’est l’impossibilité organique du système; ce qui produit l’anarchie des démocrates, ce qui fait qu’en ce moment même le Peuple français, républicain de coeur et d’esprit, va nommer, en jurant et maugréant, un président de la République, et recommencer la restauration de la royauté, c’est encore la même impossibilité. Pourrions-nous donc, une fois, sortir de cette alternative fatale, bien autrement intéressante pour le Peuple que la querelle des papistes et des protestants?

Je connais votre impatience, ami lecteur, et je ne veux pas vous faire attendre.

Ce qui produit la situation fâcheuse où nous sommes en ce moment, après y être déjà tombés tant de fois, c’est une certaine maladie de l’opinion, connue dès la haute antiquité, et qu’Àristote, grand philosophe, grand historien, grand naturaliste, a nommée POLITIQUE.

Là politique est dans les affaires humaines ce qu’est l’on tolbgie dans la question du salut : c’est une hypothèse qui faisant du gouvernement une chose, non de raison, mais d’habileté; non de science, mais de sentiment (appelez ce sentiment comme vous voudrez, ambition, orgueil, dévouement pu patriotisme), tend continuellement à distinguer dans l’Etat deux personnes, deux volontés, l’une qui pensai l’autre qui exécute.

Or, s’il est une chose prouvée dans la philosophie et dans l’histoire, c’est que, de quelque manière que se fasse le partage, quelque équilibre que l’on mette entre les attributions; qu’on fasse la nation tout entière législatrice et souveraine, et le roi simple mandataire de ses volontés; ou bien que le despote veuille et ordonne seul ce qu’auront à exécuter ensuite tous les citoyens; ou bien, enfin, que la puissance législative soit confiée à une ou plusieurs assemblées de représentants, et la puissance executive à un conseil de directeurs ou de ministres ; toujours, par cela mente qu’il y aura distinction, il y aura opposition, antagonisme, impossibilité» toujours il y aura révolution et catastrophe. La pensée et l’action doivent être dans le gouvernement, comme dans l’homme, indivisiblement unies : voilà le point de départ delà nouvelle critique. En conséquence de ce principe, l’Assemblée nationale, représentant la nation, exerce tous les pouvoirs, le pouvoir exécutif comme le pouvoir législatif, non point par délégation à des ministres, comme le supposaient et l’amendement Grévy et l’amendement Flocon, comme le supposent encore la plupart des démocrates, mais par elle-même, en divisant le travail entre ses comités, lesquels nomment chacun leur ministre et leurs agents, sauf ratification et contrôle de l’Assemblée.

De plus, tous les citoyens étant égaux, tous étant censés, par conséquent, participer au gouvernement et à la loi, il résulte que le gouvernement et la loi doivent découler d’une science exacte et mathématique, qui n’ait plus rien de personnel, d’occasionnel, de circonstanciel, mais qui, absolue dans ses principes et ses conclusions, implique le consentement et l’adhésion de tous les citoyens, ce mode de participation au gouvernement et à la loi étant le seul possible dans une démocratie de 36 millions d’hommes!

Voilà, encore une fois, ce qu’ont dit, sur la politique, les nouveaux réformateurs, plus connus généralement sous le nom de socialistes.

Les socialistes sont opposés aux politiques, comme les idéalistes,-ceux qui nient l’ontologie, le sont aux matérialistes et aux psycologues. Pour les premiers, la politique est tour à tour et indifféremment anarchie ou arbitraire ; comme l’ontologie est pour les idéalistes, tour à tour et indifféremment , le culte des indulgences ou le doute absolu. Quant aux politiques, l’arbitraire est tout ce qu’ils veulent : sans l’arbitraire, en effet, il est évident qu’ils ne seraient rien.

Le socialisme aspire à gouverner la société par une science positive : la politique n’est que fantaisie.

Le socialisme dit, par exemple : Tant que le salaire du travailleur ne sera pas égal à son produit, le travailleur sera spolié, et la production, au lieu de donner la richesse, créera la misère. Cela est démontré, cela est aussi sûr que deux et deux font quatre. Il faut donc trouver une formule d’opération industrielle qui, en respectant toutes les libertés, faisant la part de toutes les aptitudes, donne le moyen d’équilibrer le travail et le salaire. — C’est possible, dit la politique, mais ces choses-là ne sont pas bonnes à dire; il faut s’en référer à la tradition révolutionnaire. Occupons-nous de dégommer les ministres et de changer les préfets !

Le socialisme dit : La vraie et réelle fraternité des nations consiste dans la libre communication de leurs idées, dans la circulation de leurs produits et dans le juste équilibre de leurs échanges. Tant que vous n’aurez pas, d’un seul coup et par une même opération d’économie générale, aboli les douanes et garanti le travail national, les peuples, quoi que vous fassiez, seront divisés d’intérêts, séparés par des barrières : ils seront ennemis. — C’est encore possible, répond la politique ; mais je ne connais rien à votre balance du commerce, et je m’en soucie comme de cela. Commençons par déchirer les traités de 1815 ; marchons au secours de l’Italie et de la Pologne ; envoyons une garnison à Ancône !…

Le socialisme dit encore : Il faut centraliser le crédit, réduire le taux de l’intérêt, organiser l’échange direct et mutuel.

Car le droit au travail n’est autre chose que le droit au capital ;

Le droit au capital, aujourd’hui que tout est approprié, ne peut s’exercer, pour ceux qui ne possèdent rien, que par le crédit ;

Et le crédit, là où manque l’hypothèque, c’est l’échange.

Tant que vous n’aurez pas trouvé moyen de créer la richesse pour tous parla facilité de la circulation, l’extension du débouché, la gratuité de l’échange, le peuple sera misérable, mal nourri, mal logé, mal vêtu, vicieux, crapuleux, ignorant, sujet à toutes lés infirmités du corps et de l’âme. Cela est prouvé par A plus B, c’est certain comme une proposition d’algèbre. .

— Et qu’y a-t-il de commun entre l’algèbre et moi, s’écrie sur ce coup la politique? Je ne connais rien à vos x. Je m’en vais décréter 400 millions d’assignats, tant pis pour les derniers porteurs ! prendre un milliard aux riches, tant pis pour les citoyens qui ne seront pas pauvres ! abolir l’hérédité, tant pis pour les pauvres qui ont des parents riches ! imposer les objets de luxe, tant pis pour les ouvriers de luxe ! faire des ateliers nationaux, tant pis pour l’industrie libre I la liberté n’est pas nationale. Je m’y connais, allez, en économie politique ! Ne porte-t-elle pas mon nom ? ne suis-je pas sa marraine?…

Le socialisme reprend : Les affaires d’une nation doivent être administrées comme celles d’une société anonyme, suivant les règles de la science économique et de la comptabilité, par des agents dont les attributions soient rigoureusement définies, relevant directement de l’assemblée des actionnaires, et contrôlés à toute heure par un conseil de surveillance. L’autorité doit rester une, impersonnelle; les fonctions être séparées, le travail divisé, les emplois coordonnés…

— Je vous dis que l’économie politique est la servante de la politique, répond celle-ci, et vous, vous êtes un endormeur du peuple, vous n’êtes point révolutionnaire. Je vous parle constitution, constitution, entendez-vous? c’est-à-dire séparation des pouvoirs, et vous me répondez par la séparation des emplois!… Il s’agit de gouvernement, et vous vous occupez d’équilibre ! Nous sommes dans la hiérarchie, et vous faites de l’économie !… Laissez donc, socialisme rêveur, le monde aller comme il va, et mêlez-vous de vos affaires !

— Ah ! s’écrie alors le socialisme, politique menteuse, politique hypocrite, je te connaisse sais ce que tu demandes !

Tu es aujourd’hui ce que tu étais il y a soixante ans; tu veux toujours recommencer l’histoire ; sous le nom de démocratie, c’est la royauté que tu appelles. Tiens, te reconnais-tu dans ce tableau prophétique? Regarde :

Epoques parallèles dé l’histoire de France. 1789-1800 1848.

Louis XVI, roi LOUIS-PHILIPPE, roi.

Mirabeau Lamartine.

Lafayette Cavaignac.

Robespierre Ledru-Kollin.

Banas. Thiers.

BONAPARTE, empereur. BONAPARTE, empereur.

Est-il clair, à présent, qu’en votant pour la présidence lu votes pour la monarchie ? Est-il clair que Lamartine, Cavaignac et Ledru-Rollin, qui ne s’en doutent guère, te mènent droit à Bonaparte ? Veux-tu, oui ou non, politique maudite, être du Peuple? veux-tu être socialiste?…

Il est deux choses que les moins éclairés du Peuple on comprises : c’est, d’un côté, que la présidence est la pierre d’attente de la monarchie, tous les démocratent l’avouent ; d’autre part, que, pour opérer une révolution, il faut des principes. En 89, la révolution était plus spécialement politique ; elle a eu ses principes politiques qui nous régissent encore. En 1848, la révolution est plus particulièrement économique et sociale ; l’idée politique étant épuisée, il faut donc découvrir de nouveaux principes, absolus en théorie, mais que la société appliquera selon la mesure de ses forces et de ses besoins.

Les démocrates, conduits par leur lanterne politique, n’en sont pas là.

Ainsi, après des votes réitérés contre la présidence, ils votent la Constitution, c’est-à-dire la présidence, puisque sans distinction des pouvoirs, en un mot sans présidence, il n’y a pas de Constitution ; — c’est-à-dire qu’ils votent la monarchie.

Ceux qui ne votent pas s’abstiennent ; c’est-à-dire que sur la question monarchique, nettement posée, par la Constitution, ils n’ont pas le mot à dire, ils sont indifférents.

Et ceux, en très petit nombre — dix ou douze ! — qui ont voté contre la Constitution, n’en trouvent pas moins très bon, très légitime, très démocratique, de poser ensuite une candidature à la présidence, c’est-à-dire d’adhérer à la Constitution ! Le principe est sacrifié à l’homme, la politique immolée à la politique !

Quant aux principes qui doivent régir la société nouvelle, les démocrates s’en inquiètent peu, ou plutôt ils les nient. Ils déclarent qu’ils sont avant tout hommes politiques, qu’ils veulent vivre de la vie politique. Seulement, comme le Peuple n’est pas tout à fait du même sentiment, ils se disent, en murmurant, qu’il serait IMPOLITIQUE de repousser ouvertement le socialisme, et vite ils publient un manifeste, le plus socialiste, à les en croire, de tous les manifestes.

Lisez plutôt :

Organisation du travail par l’État;

Item des banques par l’État; Exploitation des chemins de fer par l’État ;

Item des canaux par l’État;

Item des mines par l’État;

Item des assurances par l’État; Colonisation par l’État ; Apprentissage par l’État ; Etc., etc., etc.. par l’État. Rien par les citoyens, tout par l’État !

En vain le socialisme leur crie que ce qu’ils veulent est monarchie pure, pur despotisme : ils n’entendent pas. L’État, par lui-même, est improductif; il ne travaille point: n’importe, on le fera organisateur. L’État est obéré : c’est lui qui donnera crédit. Les travaux confiés à l’État coûtent 50 pour cent plus qu’ils ne valent : on chargera l’État des exploitations les plus difficiles.

Ajoutez à ce système des inventions comme celles-ci :

Abolition des octrois, — qu’on remplacera par une autre taxe :

Abolition de l’impôt indirect, — précisément le seul normal, le seul conforme aux principes, le seul démocratique et égalitaire, quand on l’aura établi sur sa véritable base.

Substitution de l’impôt direct et progressif à tous les autres : — ce qui est précisément encore reconnaître la suzeraineté du capital et consacrer le privilège.

Le socialisme dit qu’il faut faire PRODUIRE au Peuple, par la réforme économique, la liberté, l’égalité et la fraternité, comme il produit, par le travail, la richesse. La politique confisque la liberté, prend d’une main à la propriété ce qu’elle donne de l’autre au prolétariat ; j et elle appelle cela du socialisme.

Gomment est-il possible que le Peuple, étourdi, démoralisé, tiraillé en tous sens, ne prenne à la fin une résolution funeste?

Comment, pour ne parler ici que de politique, alors que la prudence et les principes commanderaient de s’abstenir en masse, et de renvoyer à l’Assemblée nationale la nomination du président de la République, comment la nation ne tomberait-elle pas dans le piège tendu à sa bonne foi? Comment, échapperait-elle à la contradiction? Comment, après avoir voté la République en avril, ne voterait-elle pas la Monarchie en décembre ? Gomment, à une question mal posée, ferait-elle une réponse raisonnable?…

C’est en vain que le socialisme, qui, lui, cherche la paix avant tout, qui ne veut triompher que par la discussion, qui ne s’adresse qu’à la raison , montre les conséquences funestes du vote politique sur la présidence, l’essor donné aux espérances royalistes, les coups d’État, la guerre civile !

La politique ne veut rien entendre. Suivant elle, l’agitation est nécessaire à la vie politique ; il lui faut de l’éclat, des manifestations, du mouvement. Quand elle n’y trouve pas matière à portefeuilles, elle y trouve matière à discourir : elle a son compte, elle est satisfaite.

Ce que cherche la politique , hélas 1 à moins que le bon sens populaire ne vienne déjouer ses intrigues, elle l’obtiendra. La Constitution y passera. Examinons, s’il vous plaît, ce chef-d’oeuvre de la politique.

III. — Que la Constitution, en organisant les pouvoir», a organisé la discorde.

En faisant la Constitution, l’Assemblée nationale, il faut lui rendre cette justice, a montré plus de bonne volonté que de jugement. Elle a pris toutes les précautions imaginables pour empêcher l’usurpation du président. Elle a enlacé, emmaillotté, garrotté le chef du pouvoir exécutif, de manière à faire de lui un instrument passif, docile et obéissant. Par malheur, l’Assemblée nationale ne s’est pas aperçue que ses précautions tournaient contre elle-même , et qu’en vertu des principes qu’elle a elle-même posés, si le président de la République , le jour de son arrivée au pouvoir, s’emparait de l’autorité et jetait les représentants par la fenêtre, il ne ferait, après tout, que se conformer à la Constitution, violée dans ses propres articles et par ses propres auteurs.

Si j’étais président de la République , voici la harangue que je ferais pour ma bien-venue à l’Assemblée nationale :

a Citoyens représentants,

« La Constitution est renfermée tout entière dans les articles 20 et 43, que je vais vous rappeler :

« Art. 20. Le Peuple français délègue le POUVOIR LÉGISLATIF aune assemblée unique.

« Art. 43. Le Peuple français délègue Je POUVOIR EXÉCUTIF à un citoyen qui reçoit le titre de président de la République.

« Ces deux articles préexistaient à votre mandat. Ils résultaient, en fait, de la volonté du Peuple qui demandait une Constitution et qui vous a envoyés pour en faire une ; en droit, du principe reconnu par vous, article 19, et hors duquel il n’y a pas de Constitution, savoir, que la séparation des pouvoirs est la première condition d’un gouvernement libre.

« Or, la Constitution que vous avez faite, citoyens représentants, est d’un bout’ à l’autre la violation de ce principe, de ce droit et de ce fait. Et le premier acte de mon autorité sera de revendiquer vis-à-vis de vous les droits que je tenais du Peuple avant que je fusse désigné par ses suffrages, avant même que vous eussiez proclamé la Constitution, droits que vous avez arbitrairement, abusivement, frauduleusement sacrifiés et méconnus.

o Par votre article 49 , vous obligez le président de la République à prêter serment, à la Constitution, en présence de l’Assemblée nationale.

« Je suis prêt à jurer devant Dieu et les hommes, mais à condition que vous prêterez à votre tour serment entre mes mains. Car les pouvoirs de l’État sont égaux, émanés tous deux du suffrage universel, également soumis à la Constitution, et réciproquement responsables, comme double manifestation de la souveraineté du Peuple. Pourquoi, je vous le demande, le président de la République serait-il tenu de jurer quand les représentants ne jurent pas ?

« Par votre article 48, vous limitez la durée de la présidence à quatre ans, de même que, par l’article 31, vous avez borné à trois années la durée de votre propre mandat. A cela je n’ai rien à dire. Mais vous ajoutez que le président de la République ne pourra être réélu qu’au bout de quatre autres années, pendant que les représentants demeurent, eux, toujours et indéfiniment rééligibles.

« Je serais indigne des suffrages du Peuple si je ne m’opposais à cette inégalité de conditions entre les pouvoirs, à cette insultante contradiction. Ou je suis votre égal, citoyens représentants, ou je. ne suis rien : je m’en réfère à l’article 19.

« Vous dites, article 50 : Le président dispose de la force armée sans pouvoir jamais la commander en personne.

« Je vous demanderai, citoyens, comment vous accordez ensemble la libre disposition et la privation de l’autorité ; l’interdiction du commandement et la qualité de chef du pouvoir exécutif, et, qui plus est, de chef responsable ? Qui donc commandera, si je ne commande? Sera-ce vous, citoyens? sera-ce le pouvoir législatif? Entre vous et moi, il n’existe pas, il ne peut exister d’autorité mitoyenne : je der mande la réforme de cet article.

« L’article 53 porte :

« Le président de la République négocie et RATIFIE les traités. — MAIS, ajoute-t-il aussitôt, aucun traité n’est définitif qu’après avoir été approuvé par l’Assemblée nationale,

« Quelle différence, je vous prie, mettez-vous entre l’ approbation et la ratification?… Évidemment, ce n’est plus ici le pouvoir exécutif qui exécute , c’est l’Assemblée. Car l’approbation , c’est tout. Que diriez-vous d’un conseil de surveillance qui, dans une société en commandite, ferait acte d’administration? Vous diriez que dans cette société les pouvoirs ne sont pas divisés, mais confondus ; que suisreilr lance et gérance étant même chose, ne sont plus rien… Je demande , sur l’article 53 , que le second paragraphe soit supprimé.

« Art. 54. Il veille à la défense de l’État, MAIS il ne peut entreprendre aucune guerre sans le consentement de l’Assemblée nationale.

a Donc encore, c’est l’Assemblée nationale qui veille à la défense de l’État ; ce n’est pas le président de la République, qui n’est plus qu’une sentinelle en faction devant l’ennemi.

« Ou conservez par devers vous tous les pouvoirs, citoyens Représentants; ou bien, si la charge vous semble trop lourde, et que vous teniez à la Constitution, vous supprimerez le second membre de cet article, qui, sans cela, serait une violation flagrante du principe constitutionnel.

« Art. 55. Il a le droit de faire grâce, MAIS il ne peut exercer ce droit qu’après avoir pris l’avis du conseil d’Etat. — Les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi.

« Toujours des mais ! — Mais le conseil d’État est votre créature, citoyens Représentants ; mais le conseil d’État est un bureau établi par vous, afin de vous assister dans vos travaux ; mais si le président de la République doit, pour l’exercice de son autorité, prendre l’avis du conseil d’État, le président de la République n’est plus que le procureur de l’Assemblée nationale ! Croyez-moi, rayez ce mais et ce qui s’ensuit.

« Par les articles 57 et 58, sous prétexte que vous seuls avez le droit de légiférer, vous ôtez au président de la République le droit de faire opposition à vos décrets, alors même qu’il les trouverait inexécutables, et ne lui accordez qu’un mois pour la promulgation.

o Ceci est de la tyrannie, citoyens Représentants. Si vous pensiez que le chef du pouvoir exécutif dût répondre de l’exécution de lois qu’il n’aurait point faites, tandis que les auteurs mêmes de la loi demeuraient irresponsables, il fallait retenir par devers vous l’exécutif aussi bien que le législatif, et supprimer la Constitution. Citoyens, vous allez faire de deux choses l’une : ou vous accorderez le veto au président de la République ; ou bien, à défaut du veto, vous vous donnerez à vous-mêmes une seconde Chambre pour contrôle et contrepoids ; sans cela, nous ne pouvons marcher d’accord et je déclare dès aujourd’hui que je m’oppose à la promulgation de vos lois, je ne les exécuterai pas.

«Art. 59. — A défaut de promulgation par le président de la République, dans le délai déterminé par l’article précédent, il y sera pourvu par le président de l’Assemblée nationale.

« Usurpation de pouvoirs, conflit d’autorités. Je vous défends, citoyens Représentants, de promulguer quoi que ce soit; sinon, je m’oppose à vos délibérations.

« Art. 65. Il a le droit de suspendre, pour un délai qui ne pourra excéder trois mois, les agents du pouvoir exécutif élus par les citoyens.

« Suis-je donc le chef an pouvoir exécutif, ou n’en suis-je que l’instrument? Suis-je responsable ou non?… Je demande formellement la suppression de cette incidente, pour un délai qui ne pourra excéder trois mois.

« Il ne peut les révoquer que de l’avis du conseil d’État.

« Je vous défends, une fois pour toutes, à vous et à votre conseil d’État de vous ingérer dans mes attributions.

«Art. 68. Le président de la République, les ministres, etc, sont responsables.

« Je vous rappelle, citoyens Représentants, au principe de la séparation et de l’égalité des pouvoirs. — Ou le président de la République ne répondra de l’exécution que comme l’Assemblée nationale répond de la législation ; c’est-à-dire que sa personne sera déclarée constitutionnellement inviolable, et élevée au-dessus de toute responsabilité effective ; ou bien il participera à la confection de la loi, et la loi résultera du concours des deux pouvoirs, comme disait notre ancien droit public : Lex fit consensu populi et constitutione régis. Vous ne pouvez sans injustice, sans péril pour l’autorité présidentielle et pour l’ordre public, le vouloir autrement.

« Toute mesure par laquelle le président de la République dissout l’Assemblée nationale, la proroge, ou empêche l’exercice de son mandat est un crime de haute trahison.

« Ajoutez donc, citoyens Représentants :

« Tout empiétement de la part de l’Assemblée nationale « dans les attributions du président de la République ; « toute usurpation de ses pouvoirs, tout empêchement « à l’exercice de son autorité, est un crime de haute « trahison. »

« Par ce seul fait, le Président est déchu,… le pouvoir exécutif revient de plein droit à l’Assemblée nationale.

« Je demande la radiation de ces mots : Le pouvoir exécutif revient de plein droit à l’Assemblée nationale, comme inconstitutionnels, et impliquant cette idée anarchique que le pouvoir exécutif est une délégation du législatif.

Art. 75. Le conseil d’État est consulté sur les projets de loi du gouvernement.

« Oui, si tel est le bon plaisir du président de la République. »

ail (Je conseil d’État) propose les règlements d’administration publique.

« Oui, encore, lorsqu’il en sera requis par le Président. »

« Il fait seul ceux de ces règlements à l’égard desquels l’Assemblée nationale lui a donné une délégation spéciale.

« Je renouvelle à votre conseil d’État, toutes inhibitions et défenses d’intervenir en rien dans l’administration, dont je suis seul chef plénipotentiaire et responsable.

« Tels sont les principaux articles de la Constitution pour lesquels je requiers une révision immédiate, avec les modifications indiquées par moi.

a Mais ce n’est pas tout, Citoyens,

« Le décret du 28 octobre, par lequel vous avez fixé le jour de*mon élection, et auquel je dois l’insigne honneur de représenter devant vous le peuple français, ce décret renferme une série de nullités sur lesquelles j’appelle votre attention patriotique.

a Le jour où vous avez voté la Constitution, citoyens Représentants, ce jour-là, bien que non encore appelé, bien que non élu, j’existais. J’existais, dis-je, avec la plénitude de mes droits, comme l’enfant au sein de sa mère existe avec la plénitude des droits du fils de famille. Vous n’étiez plus alors, en attendant ma venue, que les dépositaires de mon autorité, que vous deviez conserver intacte, et me remettre dans son intégrité. Comment donc avez-vous pu, en votant le décret pour la nomination du président de la République et la mise à exécution du pacte national, vous réserver pour un temps indéfini, l’exercice d’une partie de mes pouvoirs? Comment avez-vous pu donner et retenir? faire à la fois du provisoire et du définitif; d’un côté amoindrir mon autorité, et puis confisquer le reste ?

« Vous dites dans votre décret :

« Art. 6. Aussitôt après qu’il aura été proçlamp pur l’Assemblée nationale, le président de la République exercera les pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution, à l’exception toutefois des droits qui lui sont attribués par les articles 55, 56,57 et 58, le droit de promulgation étant réservé au président de l’Assemblée nationale.

« Usurpation !

« L’Assemblée.nationale constituante conservera, jusqu’à l’installation de la prochaine assemblée législative, tous les pouvoirs dont elle est saisie aujourd’hui, sauf le pouvoir exécutif, confié au président.

« Usurpation !

« Art. 7. Jusqu’à la constitution définitive du conseil d’Etat, une commission de trente membres, élus par l’Assemblée, dans les bureaux, au scrutin secret et à la majorité relative, exercera les pouvoirs attribués au conseil d’État par les articles 54, 64 et 79 de la Constitution«

Constitution« !

« En vain prétendez-vous que les lois organiques font partie intégrante de la Constitution, que jusqu’à ce que ces lois soient votées, votre mission n’est pas remplie, et que vous gardez la plénitude de vos pouvoirs.

« Les lois organiques sont des lois comme foutes les autres, ainsi que vous l’a dit un homme qui s’y entend, l’honorable M. Barrot. Toutes les lois sont de nature organique, vous dis-je, regardez-y de plus près, et vous en resterez convaincus.

« Elles sont si bien organiques, qu’il ne vous est pas possible de déterminer rationnellement le nombre, l’objet ni l’importance de celles auxquelles vous prétendez réserver cette qualification, et que le provisoire que vous avez arbitrairement créé pourrait ne jamais finir !

« Ou plutôt, la seule chose qui soit véritablement organique, c’est la séparation de nos pouvoirs respectifs. Hors de là, toute loi est loi, indistinctement, et comme telle doit être délibérée en commun entre l’Assemblée nationale qui la vote, et le président de la République, seul responsable dé l’exécution.

« En saisissant le pouvoir qui m’est confié par la Constitution, je déclare donc solennellement, à l’Assemblée nationale et au Peuple, qu’à dater de ce jour la Constitution est en vigueur, et que vos pouvoirs sont expirés. Je vous invite, en conséquence, Citoyens, à vous dissoudre, et à faire place à l’Assemblée législative qui doit vous succéder immédiatement. Des ordres sont donnés pour faire fermer le lieu de vos séances!.. »

Croit-on que l’Assemblée nationale constituante eût quelque chose à répliquer à cela? Et si la politique, qui n’est autre chose que la tactique de l’arbitraire, qui ne vit que de division de pouvoirs et de conflits d’autorités ; si cette politique qui, après six mois de bavardage, est enfin accouchée de la Charte-Marrast, digne soeur de la Charte-Bérard, devait prévaloir dans les conseils du pays, croit-on que le Peuple dût protester contre les prétentions du président et remuer un pavé pour la défense de ce chef-d’oeuvre ?

A Dieu ne plaise que j’excite le Peuple au mépris, pas plus qu’à l’émeute, pour ce chiffon de papier qu’il appelle aujourd’hui sa CONSTITUTION ! Et puisque nous sommes condamnés, de par la politique, à prendre parti sur cette ridicule question de la présidence, puisque nous avons la main forcée, à Dieu ne plaise que je conseille aux citoyens de rester dans l’inaction.

La politique l’a voulu : il faut voter! Votons donc, non pour choisir, mais pour protester. Votons, puisque la monarchie est à nos portes, et que chaque vote qui se dérobe donne une chance de plus au candidat monarchique. Votons, par égard pour nos législateurs, par respect pour l’ordre et la paix publique ! Votons : mais n’oublions pas que si, aux termes de la Constitution, la présidence, la royauté, aurait tout droit contre l’Assemblée nationale, ce droit tombe devant la souveraineté du Peuple, qui seul peut dire en quelle mesure il entend donner son pouvoir et conférer son autorité.

The Presidency.

November.

Muse of the pamphlet, of the revolutionary pamphlet, put on your Phrygian cap, brandish your pike, and let’s sing the Marseillaise! To me Desmoulins, to me Rouget de l’Isle, to me Chénier, Paul-Louis, Béranger, Cormenin! lend me your features and your flames. Old Lamennais, don’t you still have a few words for believers? Come too, young poet who put the misery of the worker into bloody rhymes. The counter-revolution approaches, seated on a sack of crowns, full of the wine of the wrath of kings. Faubouriens, to arms! Mountaineers, gird your scarves!… And you, Lagrange, my friend, who swore to die for the sovereignty of the People, take your capsules and your rifle! Let the tocsin ring! let the lanterns, the lanterns light up like in the February nights! may the Choir of the Girondins, may the Song of Departure resound, may the voice of the cornet fill my heart with holy enthusiasm! I hear the cries of the monarchists, the lackeys of capital, the exploiters of the proletariat: Let us celebrate, let us celebrate, slaves, the coming of our master! Christmas, Christmas, we are going to appoint the PRESIDENT! Christmas, Christmas, LONG LIVE THE KING!….

But no, friends, no emotion! It’s the dynastic carnival. Let’s stay at home, blushing and blue! and since God willed it, and men allow it, let us look out of the window, with crossed arms, at this descent of the Courtille!

I. That the presidency is the monarchy.

You said it, Cavaignac, and I heard it with my ears: France will prove, by the choice of its president, whether it is republican or not.

So you people believed that the question of the Republic was resolved by the February sweep? — Poor fools!

Did you think it was resolved by the demonstration of March 17? – Fools !

Did you think it was resolved by the April elections, the first application of universal suffrage? — Tasteless!

Did you believe it was resolved, on May 5, by the accession of the People’s Plenipotentiaries? – Who ? gentlemen of the National Assembly? your representatives? Are they committed to something? did they take an oath?…

Did you believe the question of the Republic was judged, confirmed by the vote on the Constitution? — But the Constitution is the question.

The Constitution, I tell you, has only posed to the country the question of the Republic. Now it is up to the country and the peasant to resolve it. We will know in six weeks if France is republican or not!…

Well done, constituents! You want your daughter to remain a virgin, and you start by marrying her off? Do you then take the Republic for a Victoria, which you put as a condition which will make it a monarchy? And you pretend that we loved her, your matron! May we, sons of Liberty, have faith in her virtue! that we take his wedding cloth for our flag? Have you forgotten what La Vivandière sang on her return from Moscow:

When it came to numbers it was necessary to give in

The unfaithful victory, What did I not have to guide you

What the MAID had!

Ah! citizen representatives, that your Constitution feels like places you have frequented for too long!… I mean the Charles school, nothing else. You excite, in the country, the monarchical craving; the country will answer you with a monarchy.

Every country, every taste. In France, the People, who care little about parliamentary subtleties, but who have keen hearing and a sharp tongue, the People only know and understand one thing: it is that he who commands others, who acts , who executes, in a word who governs, he is the master of the house. And when we talk to her about a young lady from a good house who needs a protector, a friend, to keep her company, manage and administer her property, lead her out into the world, watch over her at night, the People immediately understand that they must marry her! Marion cries, Marion screams, Marion wants to be married off!

Your president will be king, I tell you, or will be nothing at all. And if you want to chat for a moment, I promise to show it to you, crystal clear.

Would you have by any chance imagined, our Solons and our Lycurgies, that the People having to marry off their daughter, the Republic, would go and give her a manant such as you or me? — Cavaignac, Lamartine, Ledru-Rollin or Thomas Diafoirus? — Who, a soldier, a rhymer, a bachelor! President of the Republic ! Crazy as you are! Do the People know this world? Does he worry about their stripes or their diplomas?… What the People need, for the Republic, what they ask for, is a good male, of strong neck and noble race .

The People are little worried, believe me, about the distinction between the legislative and the executive. The executive, for him, is everything. Another will undoubtedly be the notary, another the fiancé. Provided that the president acts quickly and well, he will, in the judgment of the People, have enough spirit. His virility will make his merit, and habet mea mentula mentem! Your legislature is a eunuch, something below nothing!

Hey! tell me: Has a despot ever lacked legislation, constitutions and traditions to contain his ardor and moderate his youth? This, however, never did the slightest harm to despotism.

The laws of Moses, the charter of the Jewish people, were written long before they had kings. This did not prevent the Hebrew melks from being kings in the full force of the term, and despot kings. However, the bourgeoisie of Israel had only heard orders from the executive power; they had reserved the registry for themselves.

The law of the XII tables and the entire Roman Constitution had existed for a long time when the Caesars came, who only added the title, ancient in the Republic, of emperor, to that of consul, which had previously been borne by the heads of the executive power. . Were the Caesars any less AUTOCRATS, very good, very pious, very clement, very august, I want that; but finally autocrats? Now, autocracy, the fullness of executive power, was the same thing as autonomy, the fullness of legislative power: the magnanimous emperors made this clear!

Doesn’t Russia have its institutions, its laws, its castes, etc., against which the genius of Peter the Great, Catherine and Nicholas has been fighting for two centuries? – Well ! Nicolas is an absolute monarch, or despot.

Do you believe that in France, before 89, there was no constitution, no parliament, no law? And yet the king, because he did things, because he alone had the right to do them to do, was deemed the living law. If the king wants, if the law wants! he was still a despot. And when the semi-republican Constitution of 1790 was made, Louis XVI, head of the executive power by this Constitution, was still so completely the master, despite the paraphernal contract which bound him, that it was enough for him to be right to the Republic, to respond to her, when she made some loving request to him: I don’t want to! and hold still!…

Didn’t the constitutional system exist ready-made, and weren’t the materials of the codes, the principles of administration there, when Bonaparte arrived? Was the Constitution of Year VIII, which the general swore to observe, the work of Sieyès, not the summary of ideas and previous experience? Didn’t Bonaparte, all in all, govern solely by virtue of laws, customs, and institutions that he had not made, and that he had found?—But he had executive power, and well Although he had initially been given to the Republic only as a guardian, he did with it everything he wanted… He was emperor and despot.

Were not the Charter of 1814, and that of 1830, in turn the necessary preliminary to the advent of the last two dynasties? Had we not taken care to stipulate that the king could not do anything that was not provided for in the contract? But it was also said that the head of state would exercise conjugal rights; and what is left for the girl’s father when the husband and wife sleep together? . I maintain that the royal power was even greater, under the last two dynasties, than it had been under the old regime. Don’t you know that every obligation presupposes reciprocity? The more you hinder the stallion, the more you inflame his virtue.

You think you’re pissing off your president because you’re putting obstacles in his way! I tell you that you only irritate his passion and make it more irresistible. Have I not heard you all say, about the presidency, as was formerly said about the constitutional monarchy, that the president, omnipotent for good, would be powerless for evil? as if, in matters of government, any more than in matters of marriage, man could answer for his works!… Do you know, by chance, the secret of having boys or girls at will?…

Your president will be all-powerful, that is enough. The People, who know very well that in such a matter who can think, the People laugh at your distinctions. The future will be vigorous, I warn you. That’s not all, he will be noble. Do not be afraid that the People, who know their stuff, will make a misalliance for their ward.

We declaim, we joke wildly, about Louis Bonaparte. Some, like Antony Thouret, go as far as indignation. For me, after thinking about it, I am of the prince’s opinion: I find that his true title to the presidency is precisely to be nothing of what his envious people ask of him, neither a man of war, nor a man of businessman, nor statesman. His title is to be Napoleon. France, monarchical to the core, asks for nothing more. So don’t forget that the President of the Republic is above all the husband of the Republic: the rest will come to him with marriage. Those are very wrong, in my opinion, who, confusing, as the proverb says, the good Lord with the plums, go to search the life of the candidate, slander his intentions, prejudge his principles, or even ask him a program !…

What ! this brainless person wants to reign over France! exclaims an onlooker Republican, who would need a great man to govern the State! he who entered Strasbourg one morning, in yellow breeches and a little hat, to the cries of Long live the emperor! let himself be caught in a dead end like a badger in a burrow!

He who almost started war between two friendly nations, as a price for the hospitality that one gave him, and the forgiveness that the other had disdainfully granted him!

He who, guilty of the same crime as the Duke of Enghien, should have been treated like the Duke of Enghien, if the Swiss government and the French government had done justice!

Him whom we later saw returning to France via Boulogne, an eaglet on his fist, like a falconry varlet!

He whom the court of peers sent for his health to the fort of Ham, to the whistles and bursts of laughter of all the Parisians!

He who, thanks to some connivance of those in power, escaped from prison, disguised in a blouse, with a board on his shoulder, and broke his pipe while passing over the drawbridge, as he recounted in the story of his escape, written by himself, Temblaire edition, price a penny!…

He who has since been a town sergeant in London!

Who played the comedy at Eglington!

Who, twice, mounted the platform of the National Assembly, got away with it like Madame Mansion, Who said neither yes nor no!

Napoleon is funny, with his broken pipe! with his eagle! with her skin panties!…

But, continues another, in more parliamentary language, undoubtedly his highness is like the parrot of Normandy, who, if he does not sing, thinks no less. In the absence of an Italian campaign, a treaty of Gampo-Formio, an Egyptian expedition, will we at least have a program?

We know the ideas of M. de Lamartine; we know, more or less, what citizen Ledru-Rollin wants, what Messrs. Thiers and Mole want. Cavaignacet Bugeaud, if their policy leaves something to be desired, can invoke their service records. But Louis Bonaparte?…

I ask Louis Bonaparte:

If he renounces the rights conferred on him by certain senatus-consulte of 1804, invoked by him against Louis-Philippe, during the Strasbourg expedition? consequently, if he claims to base his candidacy on something other than the will of the People?

If, having not voted on the main articles of the Constitution, he believes he can, with security of conscience, take an oath to the Constitution?

If he accepts the Democratic Republic, one and indivisible, as defined by the Constitution; or if he is for the democratic and social Republic?

If it is true that he lets himself be called Monseigneur?

If he believes in the duration of peace in Europe, and why? If he would be in favor of intervention in Italy, in Poland and elsewhere, and on what would he base, in view of the opinion of the country and European diplomacy, the usefulness for us and the legitimacy of this intervention?

If it is true that he took advice from England and Russia regarding his candidacy, as is rumored; or if he sticks to the pleasure of French voters? If he has a system of credit to substitute for the present system, which, in the moment of peril, betrays both the country and the State, and what is this system?

If he considers all kinds of paper money as a counterfeit of assignats, and how does he think he will solve the problem of agricultural credit?

If he believes it is possible to reduce the strength of the army, to reduce the budget figure, and how?

If he admits the right to work, or if he rejects it? What are his ideas on recruitment, colonization, judicial organization, the council of state, municipal and departmental freedoms, freedom of the press, freedom of education, progressive taxation? etc., etc.

If, after having seen the men of the left, the right, the center, we even say socialists! — does he intend to create a government of conciliation, or a government of exclusion? In either case, where are his sympathies, his preferences?…

– Well ! interrupts a republican of the next day, well known to Charivari, Jérôme Paturot, on this point, you ask Prince Louis his program! You have this program; it is the Extinction of Pauperism, a volume in-32, Paris, rue Neuve-des-Petits-Champs, n° 36. — The Extinction of Pauperism, do you hear? What more do you want? The Emperor dreamed about it for twenty years, without being able to resolve the problem. Now, what Napoleon the Great could not do, Napoleon the Younger will accomplish. Because Napoleon the Younger is a socialist, even a communist, no offense. Here is his system.

He posits, page 5, that the prosperity of a country depends on general prosperity.

Alongside this luminous, fruitful principle, he poses this minor, no less marvelous, pages 6, 7, 8, 9, — that commerce, industry, agriculture, administration, are undermined by an organic vice , which organic vice consists mainly in the egalitarian division of properties.

He concludes with the necessity, to save the. country, to recreate large property, and to organize work on new bases.

This organization, according to the Napoleonic reformer, will be as follows:

In each department and commune, workers and proletarians will appoint industrial tribunals, at the rate of one industrial tribunal per ten workers;

There will be one director for every ten industrial tribunals; And for ten directors a governor. The industrial tribunal will have the rank of non-commissioned officer; the directors that of captain; governors that of colonel.

The workers will be considered simple soldiers. — They will be organized militarily. (Page 28.)

Agricultural colonies will be formed by them, to which the 6 million 127,000 hectares of currently uncultivated land will be delivered. These colonies will serve both as reservoirs for free industry, which will take the workers it needs, and as outlets for the overflow of the population. (Page 26.)

The industrial tribunals will be responsible, jointly with the mayors of the communes, for sending to these colonies the men that free industry cannot employ; and conversely to provide the industry with the subjects it may need. (Page 27.)

The settlers will be housed in 4 m cob and wattle barracks. 60 by 2 m. 90. Discipline will be severe there; life HEALTHY (sic), but harsh; the simplest possible maintenance. Accommodation, pay, food, clothing, regulated according to army rates (page 30), and limited to what is strictly necessary. (Page 96.)

Individuals without work will find in these establishments to use their strengths and their intelligence for the benefit of the community. (Page 23.)

The colonies, when they are in full production, must give, thanks to the modest pay, immense profits, these profits will be used to buy new lands; because, observes the author with sovereign reason, any system which does not contain within itself a means of continual growth is defective. (Page 32.)

Agricultural colonies will therefore have the ease of extending their domain, of multiplying their establishments, (page 33), to the detriment, of course, of private property, which will gradually have to disappear.

Thus, while through our egalitarian law properties are divided more and more – which brings us closer and closer to the democratic regime – Napoleonic communism will rebuild great property and great culture. (Page 33.)

And when there will no longer be any land left in France to buy and property to invade, the company will establish branches in Algeria, in America itself (page 34): the entire globe will pass through. Wherever there is a hectare of land to clear and acquire, the community of Louis-Napoléon will be there with its capital, with its army of workers, with its incessant activity. (ibid.)

To organize the work in this way, and convert the country into military communities, it will cost, all rectifications made to the calculations of Prince Louis, approximately 160 MILLION PER YEAR to the country (see the estimate of his imperial highness, pages 35 to 43. )—This sum of 160 million will be paid, as a matter of justice and reason, by rural and industrial property, since it is for the benefit of this property, and to rid it of the proletariat, that agricultural colonies must be founded .

Do you ask Napoleon-Louis Bonaparte about his program, his system? There is, I repeat, this program; Last September, it was in its fourth edition. Abducted as it is by the inhabitants of the countryside, who all applaud the ideas of the future emperor, it is not surprising that the representatives of the People, in Paris, are unaware of it.

Ah! you didn’t want Louis Blanc’s innocuous organization! Well ! You will be organized, hands down, by Mr. Constable.

Ah! you didn’t want the phalanstery! Well ! Napoleon the Younger will have you housed in barracks!

Ah! you didn’t want the community any more than you wanted conscription! Well ! you will all be soldiers, soldiers for life, just as Napoleon will be president. Your women will be canteenkeepers; your boys, drums; your daughters, at twelve years old, will make eyes at the tourlourous.

Ah! you were complaining about the 4S cents of the Republic! You will pay 90 with the emperor.

Ah! you thought it was too heavy, a budget of 1840 million! You’ll get it for two billion, plus the mess community.

Ah! ah! fellows! we will teach you what freedom, equality and fraternity are!

So says Jérôme Paturot.

Shame on France! shouts a mountain man with a red beard and flat hair at these words: shame and curse! We are still the same race, vain, hypocritical and cowardly! And we dare to take the initiative for civilization and progress! We who for fourteen centuries have kissed the soles of 60 tyrants; we who massacred our brothers the Albigensians and the Huguenots, guilty of having demanded freedom of conscience; we who proscribed the industry of our country, because it protested against the Pope; we whom avarice alone made revolutionaries in 89, and who, fed up with national goods, quickly returned to despotism; we who abandoned the Vaubans and the Turgots, while we caressed the Louvois and the Abbots Terray; we who let our inventors and our artists die of hunger; we who subsist only on counterfeits and plagiarisms: we who today have no national constitution, no national philosophy, no national art, who have allowed even our national literature to perish; we who have adored and condemned in turn Legitimacy, the Republic, the Empire, the Restoration, the Quasi-Restoration, as incapable of living with our kings as of doing without kings; we who have never known how to play hide and seek with freedom!—What good does it do us to have produced Montaigne, Rabelais, Bayle, Descartes, Molière, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Buffon, Diderot, Dalembert, Condillac, Condorcet, Volney, the richest, most dazzling series of free thinkers? For us, philosophical agitation has never been anything other than a dispute between churchwardens, the political movement nothing more than a quarrel between robins and gentlemen. The first soldiers of freedom, in the street: by the fireside, court servants and church rats.

Come then, Napoleon, come and take possession of this race of tartufes, of this people of courtiers. They say you’re just a moron, an adventurer, a madman. You acted as police and acted; you have all the makings, except for the ferocity which is no longer of our age, of Nero and Caligula. Come, I tell you, you are the man we need. Come and bring these bourgeois to reason; come and take their last child and their last crown! Come and avenge socialism, communism, Fourierism, cabetism! Come: the apostates of all kingdoms are there waiting for you, ready to make you a litter of their consciences as of their women! Your uncle Jérôme said, in his petition to Louis-Philippe, that he only asked, upon returning to France, to live and die as a French citizen. But you understood it: your family was reserved for greater things; there was a lack of glory in the name of the Bonapartes. Come and end our discord by taking our liberties! Come and consume the shame of the French people! Come, come, come!…

To these invectives, to these sarcasms, Napoleon-Louis has only one thing to say, but to which I defy anyone to find a reply: France is mad; she needs a MAN!.. In the absence of a man, she would not back down for a donkey!…

What are you talking about titles, programs, financial solutions, the right to work, respect for property? – Napoleon falls to us like Priapus in the War of the Gods. As soon as he appears, the others are nothing but pranks around him

Now would you like me to tell you the reason for all this, why at this moment we feel such a great need to give ourselves a king! I will satisfy you. But first, let me tell you an apologue.

II. That the principle of monarchy, like anarchy, is politics.

At the end of the Middle Ages, a book appeared, a strange book, written in Latin, with the title De auforibilitate papas, that is to say, on the possibility for Christians to do without a pope.

In this writing, conscientious, impartial, learned, strong in logic and authority, the author placing himself from the point of view of certain sectarians, examined what would become of the Roman church, of Catholicism as a whole, and, as a result of religion itself, if, as Jean Hus and the others wanted, the pope was removed.

And he proved, and he arrived at this conclusion, which is the basis of all the controversy that the great Bossuet later maintained against the Protestant churches:

That if the authority of the pope were shaken, the Church of Rome, of which the pope is the particular bishop, would immediately lose its primacy among the churches:

That then Catholicism, lacking visible center and unity, would be nothing more than an assembly of independent churches, equal in authority and jurisdiction;

Since none of these churches could be judged, reproached or condemned by the others, the faith would lose its character of universality, and as a necessary and universal thing, would become an individual and local thing;

That through the incessant movement and indiscreet curiosity of the human spirit, the Christian faith, no longer having either government or traditional paradigm, would be given over to change, to instability, to innovations, and consequently would tend towards inevitable dissolution;

That the ecclesiastical bond coming to be broken, and the spirits no longer having a guide, Christian dogma, running through the entire chain of heresies, would end, through an imperceptible degradation, in deism;

That deism led inevitably to pantheism;

That pantheism was only a step on the road to atheism;

That atheism was resolved in Pyrrhonism, and finally Pyrrhonism in nihilism, in the negation of God, man and the universe!

So that, following the reasoning of this theologian, on the recognition of the pope and his sandals, depended the existence, not only of Catholicism, not alone. still of the Christian faith, but of natural religion, but of reason and philosophy.

So finally, that between the belief in the infallibility of the Pope and the most absolute, the most absurd Pyrrhonism, there was no middle ground where reason could be established; that it was necessary to choose between one or the other, on pain of remaining in libertinage, that is to say of being only a bad joker and a reasoner in bad faith.

And singularly, the event justified this theologian’s prediction. Wherever the spirit has rebelled against the pope, either in the name of local spiritual authority, as the Gallicans did in France; either in the name of free examination, as happened for the Protestants; either by a distinction between fact and law, as the Jansenists wanted; we have seen the Catholic and Christian faith resolve little by little into a pure deism; and as deism is, like all middle-ground opinions, nothing more than a hypocrisy, the immense majority of nations were suddenly plunged into indifference and libertinism. There is not a minister of the Augsburg confession who recognizes the divinity of Christ: ask Mr. Athanase Coquerel! — there is not one who has the courage to declare himself a Pyrrhonian. It’s the same thing for Catholics. We talk about religion, we invoke Christ, we pray to God, we commend ourselves to the Eternal, we hope in the Supreme Being. Hypocrisy! hypocrisy! we no longer believe in anything; we only adore our fantasy and our good pleasure; there is no more faith than good faith, neither on this side of the Rhine nor beyond.

And what is true in Europe of the pope, is true in Asia of the great lama, true of the muphti, true of every priesthood and every religion. Wherever you suppress visible authority, you destroy faith; and, with faith destroyed, you either arrive at nothingness, or you create arbitrariness, libertinage.

However, as it is equally repugnant to reason to rush into absolute doubt, or to admit the infallibility of the pope, and as on the other hand experience and logic have demonstrated millions of times that between these extremes there is no honorable course, no possible station, that this is a truth which has become res judicata, the first dogma of all philosophy, it was necessary to seek, OUTSIDE this fatal line, a solid point where could hold on to reason.

And here is what we discovered.

We realized that this logical fatality, which invincibly leads reason to slavery through superstition, or to suicide through doubt, had its cause in a certain disease or hallucination of thought, known in the school under the name ONTOLOGY. Ontology is what caused the despair of poor Christians as well as free thinkers: it was the nightmare of reason and societies. What, you will ask me, is ontology?

Ontology is this hypothesis that no one had thought to challenge until now, because it seems so natural! and which consists of affirming the substantial distinction between matter and spirit!… I have no desire, believe me, to bog you down in this metaphysical rut; I have already said too much for a pamphlet. I only repeat, and I attest to the experience of the last four centuries, and the libertinism of ours, that for anyone who believes in ontology, for anyone who admits the reality, whether of matter, or of spirit, or of these two natures together, but separated, for this one, there is no middle ground: either he is the servant of the Pope, or he is the disciple of Pyrrho.

For those, on the contrary, who do not recognize the authority of ontology, who consider matter and spirit, no longer as real substances, but as the two general faces of BEING; for these, I say, the emancipation is complete. They no longer have anything to fear from the indulgences of the Pope, nor from the seductions of Mephistopheles. Their dialectic, established on solid ground, works unflinchingly towards the construction of human science, the understanding of religion and progress.

In another order of ideas, the one with which we are concerned today, something quite similar happens.

For fourteen centuries, France has asked itself the question of auferibilitate régis — whether it is possible to do without a king? — without having been able to resolve it until now.

The secret inclination of the country, the indocility of the national character constantly pushes minds towards democracy; experience and theory continually bring them back to despotism, to the authority of a single person. It is demonstrated, for anyone who wanted to see it, that between monarchical good pleasure and universal anarchy, two equally inadmissible extremes, there is no tenable position: those who believed it were hit with the nickname of doctrinaires; they have already lost the Republic once, and the Monarchy three or four times.

So, on the one hand, we continue to demolish royalty; on the other, anarchy, the last term of democracy, horrifies us. Monarchy in France is impossible; the republic impossible; all adjacent terms impossible; we can neither live nor die, and as if to attest to our indelible contradiction, we take as our motto both freedom and order! — Get out of there!!!

It is a poor philosophy to accuse in turn of the revolutionary oscillations of our unfortunate country, sometimes the stupidity, sometimes the Machiavellianism of princes, or the corruption of ministers, as well as to attack the violence of democratic passions and to the division of demagogues. It is always to allege the fact in explanation of the

fact, prove revolution by revolution. What brings about the tyranny and bad faith of the monarch is the organic impossibility of the system; which produces the anarchy of the democrats, which means that at this very moment the French people, republican in heart and spirit, will appoint, swearing and grumbling, a President of the Republic, and begin again the restoration of the royalty is still the same impossibility. Could we then, once, escape from this fatal alternative, much more interesting for the People than the quarrel between the Papists and the Protestants?

I know your impatience, dear reader, and I don’t want to keep you waiting.

What produces the unfortunate situation in which we find ourselves at the moment, after having already fallen into it so many times, is a certain disease of opinion, known since ancient times, and which Aristotle, great philosopher, great historian, great naturalist, named POLITICS.

Politics is in human affairs what we believe in the question of salvation: it is a hypothesis which makes government a thing, not of reason, but of skill; not of science, but of feeling (call this feeling what you will, ambition, pride, dedication or patriotism), continually tends to distinguish in the State two people, two wills, one who thinks the other who executes.

Now, if there is one thing proven in philosophy and in history, it is that, whatever way the division is made, whatever balance we put between the attributions; that we make the entire nation legislator and sovereign, and the king simple agent of its wishes; or the despot alone wishes and orders what all the citizens will then have to carry out; or, finally, that legislative power be entrusted to one or more assemblies of representatives, and executive power to a council of directors or ministers; always, because there will be distinction, there will be opposition, antagonism, impossibility, there will always be revolution and catastrophe. Thought and action must be indivisibly united in government, as in man: this is the starting point of the new criticism. As a result of this principle, the National Assembly, representing the nation, exercises all powers, the executive power as well as the legislative power, not by delegation to ministers, as assumed by both the Grévy amendment and the Flocon amendment, as most democrats still suppose, but by itself, by dividing the work between its committees, which each appoint their minister and their agents, unless ratified and controlled by the Assembly.

Moreover, all citizens being equal, all being supposed, consequently, to participate in the government and the law, it follows that the government and the law must arise from an exact and mathematical science, which no longer has anything personal , occasional, circumstantial, but which, absolute in its principles and conclusions, implies the consent and adhesion of all citizens, this mode of participation in government and in the law being the only one possible in a democracy of 36 millions of men!

This, once again, is what the new reformers, generally known as socialists, said about politics.

Socialists are opposed to politicians, just as idealists, those who deny ontology, are to materialists and psychologists. For the former, politics is alternately and indifferently anarchy or arbitrary; as ontology is for idealists, alternately and indifferently, the cult of indulgences or absolute doubt. As for politicians, arbitrariness is all they want: without arbitrariness, in fact, it is obvious that they would be nothing.

Socialism aspires to govern society through positive science: politics is just fantasy.

Socialism says, for example: As long as the worker’s salary is not equal to his product, the worker will be robbed, and production, instead of providing wealth, will create misery. This is demonstrated, this is as certain as two and two make four. We must therefore find a formula for industrial operation which, while respecting all freedoms, taking into account all abilities, provides a means of balancing work and salary. — It’s possible, said the politician, but these things are not good to say; we must refer to revolutionary tradition. Let’s take care of getting rid of the ministers and changing the prefects!

Socialism says: The true and real brotherhood of nations consists in the free communication of their ideas, in the circulation of their products and in the just balance of their exchanges. As long as you have not, at once and through the same general economic operation, abolished customs and guaranteed national work, the people, whatever you do, will be divided by interests, separated by barriers. : they will be enemies. “It’s still possible,” replies the politician; but I know nothing about your balance of trade, and I worry about it like that. Let’s start by tearing up the treaties of 1815; let us march to the aid of Italy and Poland; let’s send a garrison to Ancona!…

Socialism also says: We must centralize credit, reduce the interest rate, organize direct and mutual exchange.

Because the right to work is nothing other than the right to capital;

The right to capital, today that everything is appropriated, can only be exercised, for those who own nothing, through credit;

And credit, where mortgage lacks, is exchange.

As long as you have not found a way to create wealth for all through ease of circulation, the extension of markets, free exchange, the people will be miserable, poorly fed, poorly housed, poorly clothed, vicious, villainous, ignorant, subject to all infirmities of body and soul. This is proven by A plus B, sure as an algebra proposition. .

—And what do algebra and me have in common? Politics cries out at this point. I don’t know anything about your x’s. I’m going to decree 400 million assignats, too bad for the last bearers! take a billion from the rich, too bad for the citizens who will not be poor! abolish heredity, too bad for the poor who have rich parents! tax luxury items, too bad for luxury workers! do national workshops, too bad for free industry! freedom is not national. I know a lot about political economy! Doesn’t it have my name? am I not his godmother?…

Socialism resumes: The affairs of a nation must be administered like those of a limited company, following the rules of economic science and accounting, by agents whose attributions are rigorously defined, reporting directly to the assembly of shareholders, and controlled at all times by a supervisory board. Authority must remain one, impersonal; functions be separated, work divided, jobs coordinated…

— I tell you that political economy is the servant of politics, replies the latter, and you, you are a sleeper of the people, you are not revolutionary. I’m talking to you about the constitution, the constitution, do you hear? that is to say separation of powers, and you answer me with the separation of jobs!… It is about government, and you are concerned with balance! We are in the hierarchy, and you are saving money!… So, dreamy socialism, let the world go as it goes, and mind your own business!

—Ah! then cries socialism, lying politics, hypocritical politics, I know you, I know what you are asking!

You are today what you were sixty years ago; you always want to start the story again; under the name of democracy, it is royalty that you call for. Hey, do you recognize yourself in this prophetic painting? Look at :

Parallel eras of French history. 1789-1800 1848.

Louis XVI, king LOUIS-PHILIPPE, king.

Mirabeau Lamartine.

Lafayette Cavaignac.

Robespierre Ledru-Kollin.

Banas. Thiers.

BONAPARTE, emperor. BONAPARTE, emperor.

Is it clear now that by voting for the presidency you are voting for the monarchy? Is it clear that Lamartine, Cavaignac and Ledru-Rollin, who hardly suspect it, are leading you straight to Bonaparte? Do you want, yes or no, cursed politics, to be of the People? do you want to be a socialist?…

There are two things that the less enlightened people understand: on the one hand, the presidency is the cornerstone of the monarchy, all democrats admit it; on the other hand, that to bring about a revolution, principles are needed. In 89, the revolution was more especially political; it had its political principles which still govern us. In 1848, the revolution was more particularly economic and social; the political idea being exhausted, it is therefore necessary to discover new principles, absolute in theory, but which society will apply according to the measure of its strengths and its needs.

The Democrats, led by their political lantern, are not there yet.

Thus, after repeated votes against the presidency, they vote for the Constitution, that is to say the presidency, since without distinction of powers, in a word without presidency, there is no Constitution; — that is to say, they vote for the monarchy.

Those who do not vote abstain; that is to say that on the monarchical question, clearly posed by the Constitution, they have no say, they are indifferent.

And those, in very small numbers — ten or twelve! — who voted against the Constitution, nevertheless find it very good, very legitimate, very democratic, to then apply for the presidency, that is to say, to adhere to the Constitution! The principle is sacrificed to man, politics immolated to politics!

As for the principles which should govern the new society, the democrats are little worried about them, or rather they deny them. They declare that they are above all politicians, that they want to make a living in politics. Only, as the People are not quite of the same feeling, they say, murmuring, that it would be IMPOLITIC to openly reject socialism, and quickly they publish a manifesto, the most socialist, according to them, of all the manifestos.

Read instead:

Organization of work by the State;

Item of banks by state; State operation of railways;

Item of channels by state;

Item of mines by State;

State insurance item; Colonization by the State; State learning; Etc., etc., etc. by the State. Nothing by the citizens, everything by the State!

In vain socialism shouts to them that what they want is pure monarchy, pure despotism: they do not hear. The State, by itself, is unproductive; he doesn’t work: it doesn’t matter, we’ll make him an organizer. The State is burdened: it is he who will give credit. The work entrusted to the State costs 50 percent more than it is worth: the State will be responsible for the most difficult operations.

Add to this system inventions like these:

Abolition of grants, — which will be replaced by another tax:

Abolition of indirect tax – precisely the only normal one, the only one consistent with principles, the only democratic and egalitarian one, when it has been established on its true basis.

Substitution of direct and progressive tax for all others: — which is precisely still recognizing the suzerainty of capital and consecrating the privilege.

Socialism says that we must make the People PRODUCE, through economic reform, liberty, equality and fraternity, just as they produce, through work, wealth. Politics confiscates freedom, takes with one hand from property what it gives with the other to the proletariat; j and she calls it socialism.

How is it possible that the People, dazed, demoralized, torn in all directions, do not in the end take a disastrous resolution?

How, to speak here only of politics, when prudence and principles would dictate abstaining en masse, and referring the nomination of the President of the Republic to the National Assembly, how could the nation not fall into the trap set for his good faith? How could she escape the contradiction? How, after having voted for the Republic in April, could it not vote for the Monarchy in December? How, to a poorly asked question, would she give a reasonable answer?…

It is in vain that socialism, which seeks peace above all, which only wants to triumph through discussion, which addresses itself only to reason, shows the disastrous consequences of the political vote on the presidency, the boost given to royalist hopes, the coups d’état, the civil war!

Politics doesn’t want to hear anything. According to her, agitation is necessary for political life; it needs brilliance, demonstrations, movement. When she doesn’t find something to talk about, she finds something to talk about: she has what she wants, she’s satisfied.

What politics seeks, alas, unless popular common sense comes to thwart its intrigues, it will obtain. The Constitution will pass there. Let us, please, examine this masterpiece of politics.

III. — That the Constitution, by organizing power, has organized discord.

In making the Constitution, the National Assembly, it must be done justice, showed more good will than judgment. She took every precaution imaginable to prevent the usurpation of the president. She embraced, swaddled, garrotted the head of the executive power, so as to make him a passive, docile and obedient instrument. Unfortunately, the National Assembly did not realize that its precautions were turning against itself, and that by virtue of the principles it itself laid down, if the President of the Republic, on the day of his arrival in power, seizes authority and throws representatives out the window, he would, after all, only conform to the Constitution, violated in its own articles and by its own authors.

If I were President of the Republic, here is the speech I would make to welcome me to the National Assembly:

a Citizen representatives,

“The Constitution is entirely contained in articles 20 and 43, which I will remind you of:

” Art. 20. The French people delegate LEGISLATIVE POWER to a single assembly.

” Art. 43. The French people delegate EXECUTIVE POWER to a citizen who receives the title of President of the Republic.

“These two articles pre-existed your mandate. They resulted, in fact, from the will of the People who demanded a Constitution and who sent you to create one; in law, from the principle recognized by you, article 19, and outside of which there is no Constitution, namely, that the separation of powers is the first condition of a free government.

“However, the Constitution that you have made, citizen representatives, is from start to finish the violation of this principle, this right and this fact. And the first act of my authority will be to claim vis-à-vis you the rights that I held from the People before I was designated by their votes, even before you had proclaimed the Constitution, rights that you have arbitrarily, abusively, fraudulently sacrificed and unrecognized.

o By your article 49, you oblige the President of the Republic to take an oath, to the Constitution, in the presence of the National Assembly.

“I am ready to swear before God and men, but on condition that you in turn take the oath before my hands. Because the powers of the State are equal, both emanating from universal suffrage, equally subject to the Constitution, and reciprocally responsible, as a double manifestation of the sovereignty of the People. Why, I ask you, would the President of the Republic be required to swear when the representatives do not swear?

“By your article 48, you limit the duration of the presidency to four years, just as, by article 31, you limited the duration of your own mandate to three years. To that I have nothing to say. But you add that the President of the Republic can only be re-elected after four more years, while the representatives remain always and indefinitely re-electable.

“I would be unworthy of the votes of the People if I did not oppose this inequality of conditions between the powers, this insulting contradiction. Either I am your equal, citizen representatives, or I. am nothing: I refer to article 19.

“You say, article 50: The president has the armed force without ever being able to command it in person.

“I will ask you, citizens, how you grant together free will and deprivation of authority; the prohibition of command and the quality of head of the executive power, and, what is more, of responsible head? Who will order, if I do not order? Will it be you, citizens? will it be the legislative power? Between you and me, there does not exist, there cannot exist any joint authority: I ask for the reform of this article.

“Article 53 states:

“The President of the Republic negotiates and RATIFIES the treaties. — BUT, he immediately adds, no treaty is final until it has been approved by the National Assembly,

“What difference, please, do you put between approval and ratification?… Obviously, it is no longer the executive power which executes here, it is the Assembly. Because approval is everything. What would you say about a supervisory board which, in a limited partnership, would act as administrator? You would say that in this society the powers are not divided, but combined; that suisreilr launch and management being the same thing, are no longer nothing… I ask, on article 53, that the second paragraph be deleted.

” Art. 54. He sees to the defense of the State, BUT he cannot undertake any war without the consent of the National Assembly.

a So again, it is the National Assembly which ensures the defense of the State; it is not the President of the Republic, who is nothing more than a sentinel on guard before the enemy.

“Or retain all powers before you, citizen Representatives; or, if the burden seems too heavy to you, and you value the Constitution, you will delete the second member of this article, which, without it, would be a flagrant violation of the constitutional principle.

” Art. 55. He has the right to pardon, BUT he can only exercise this right after having obtained the opinion of the Council of State. — Amnesties can only be granted by law.

“Always buts!” — But the Council of State is your creature, Citizen Representatives; but the Council of State is an office established by you, in order to assist you in your work; but if the President of the Republic must, for the exercise of his authority, take the opinion of the Council of State, the President of the Republic is no more than the prosecutor of the National Assembly! Trust me, scratch that but and what follows.

“By articles 57 and 58, under the pretext that you alone have the right to legislate, you deprive the President of the Republic of the right to oppose your decrees, even if he finds them unenforceable, and grant him only one month for promulgation.

o This is tyranny, Citizen Representatives. If you thought that the head of the executive power had to answer for the execution of laws that he had not made, while the very authors of the law remained irresponsible, you had to hold the executive as well as the legislative, and abolish the Constitution. Citizens, you will do one of two things: either you will grant the veto to the President of the Republic; or, failing the veto, you will give yourself a second Chamber for checks and balances; without this, we cannot walk in agreement and I declare today that I am opposed to the promulgation of your laws, I will not execute them.

“Art. 59. — In the absence of promulgation by the President of the Republic, within the period determined by the preceding article, it will be provided for by the President of the National Assembly.

“Usurpation of powers, conflict of authorities. I forbid you, citizen Representatives, from promulgating anything; otherwise, I object to your deliberations.

” Art. 65. He has the right to suspend, for a period which may not exceed three months, the agents of the executive power elected by the citizens.

“Am I then the head of the executive power, or am I only its instrument? Am I responsible or not?… I formally request the deletion of this incident, for a period which cannot exceed three months.

“He can only revoke them in the opinion of the Council of State.

“I forbid you, once and for all, to you and your Council of State from interfering in my attributions.

“Art. 68. The President of the Republic, ministers, etc., are responsible.

“I remind you, citizen Representatives, of the principle of separation and equality of powers. — Or the President of the Republic will only answer for the execution as the National Assembly answers for the legislation; that is to say, his person will be declared constitutionally inviolable, and elevated above all effective responsibility; or he will participate in the making of the law, and the law will result from the collaboration of the two powers, as our ancient public law said: Lex fit consensu populi et constitutione régis. You cannot want it otherwise without injustice, without danger to presidential authority and public order.

“Any measure by which the President of the Republic dissolves the National Assembly, prorogues it, or prevents the exercise of his mandate is a crime of high treason.

“Add then, citizen Representatives:

“Any encroachment on the part of the National Assembly “in the powers of the President of the Republic; “any usurpation of its powers, any impediment to the exercise of its authority, is a crime of high treason. »

“By this fact alone, the President is deposed,… executive power returns by right to the National Assembly.

“I request the deletion of these words: The executive power returns by right to the National Assembly, as unconstitutional, and implying this anarchic idea that the executive power is a delegation of the legislative.

Art. 75. The Council of State is consulted on government bills.

“Yes, if it is the pleasure of the President of the Republic. »

ail (I Council of State) proposes public administration regulations.

“Yes, again, when required by the President. »

“He alone makes those of these regulations with regard to which the National Assembly has given him a special delegation.

“I renew to your Council of State, all inhibitions and prohibitions against intervening in any way in the administration, of which I am the sole plenipotentiary head and responsible.

“These are the main articles of the Constitution for which I require immediate revision, with the modifications indicated by me.

a But that’s not all, Citizens,

“The decree of October 28, by which you fixed the day of my election, and to which I owe the signal honor of representing the French people before you, this decree contains a series of nullities to which I draw your patriotic attention .

a The day you voted for the Constitution, Citizen Representatives, that day, although not yet called, although not elected, I existed. I existed, I say, with the fullness of my rights, as the child in his mother’s breast exists with the fullness of the rights of the son of a family. You were then, while awaiting my arrival, only the depositaries of my authority, which you had to keep intact, and restore me to its integrity. How then were you able, by voting the decree for the appointment of the President of the Republic and the implementation of the national pact, to reserve for an indefinite time, the exercise of part of my powers? How were you able to give and withhold? make both provisional and definitive; on the one hand diminish my authority, and then confiscate the rest?

“You say in your decree:

” Art. 6. As soon as he has been proclaimed by the National Assembly, the President of the Republic will exercise the powers conferred on him by the Constitution, with the exception, however, of the rights attributed to him by articles 55, 56, 57 and 58, the right of promulgation being reserved to the President of the National Assembly.

“Usurpation!”

“The National Constituent Assembly will retain, until the installation of the next legislative assembly, all the powers with which it is seized today, except the executive power, entrusted to the president.

“Usurpation!”

” Art. 7. Until the definitive constitution of the Council of State, a commission of thirty members, elected by the Assembly, in the offices, by secret ballot and by relative majority, will exercise the powers attributed to the Council of State by the articles 54, 64 and 79 of the Constitution“

Constitution“!

“In vain do you claim that organic laws are an integral part of the Constitution, that until these laws are passed, your mission is not fulfilled, and that you retain the fullness of your powers.

“Organic laws are laws like any other, as a man who understands them, the honorable Mr. Barrot, told you. All laws are organic in nature, I tell you, look more closely, and you will remain convinced.

“They are so organic that it is not possible for you to rationally determine the number, the object or the importance of those to which you claim to reserve this qualification, and that the provisional that you have arbitrarily created could never end !

“Or rather, the only thing that is truly organic is the separation of our respective powers. Beyond that, every law is law, without distinction, and as such must be deliberated jointly between the National Assembly which votes for it, and the President of the Republic, who is solely responsible for its execution.

“By seizing the power entrusted to me by the Constitution, I therefore solemnly declare, to the National Assembly and the People, that as of this day the Constitution is in force, and that your powers have expired. I therefore invite you, Citizens, to dissolve yourselves, and to make way for the Legislative Assembly which must succeed you immediately. Orders are given to close the place of your sessions!..”

Do we believe that the National Constituent Assembly had anything to respond to this? And if politics, which is nothing other than the tactic of the arbitrary, which lives only by division of powers and conflicts of authority; if this policy which, after six months of chatter, finally gave birth to the Marrast Charter, worthy sister of the Bérard Charter, were to prevail in the councils of the country, it is believed that the People had to protest against the pretensions of the president and move a stone in defense of this masterpiece?

God forbid that I incite the People to contempt, nor to riot, for this scrap of paper which today they call their CONSTITUTION! And since we are condemned, by politics, to take sides on this ridiculous question of the presidency, since our hand is forced, God forbid that I advise citizens to remain in inaction.

Politics wanted it: we must vote! Let us therefore vote, not to choose, but to protest. Let’s vote, since the monarchy is at our doors, and each vote that slips away gives one more chance to the monarchical candidate. Let us vote, out of consideration for our legislators, out of respect for order and public peace! Let us vote: but let us not forget that if, under the terms of the Constitution, the presidency, the royalty, would have every right against the National Assembly, this right falls before the sovereignty of the People, who alone can say to what extent they intend to give its power and confer its authority.

Manifeste électoral du PEUPLE.

Le comité électoral central, composé des délégués des quatorze arrondissements de la Seine, à l’effet de préparer l’élection du président de la République, vient de terminer ses opérations.

Le citoyen Raspail, représentant du Peuple, a été désigné à l’unanimité pour le candidat à la présidence du parti républicain, démocratique et social.

Le comité central publiera incessamment sa circulaire aux électeurs.

Pour nous, qui avons adhéré d’esprit et de coeur à cette candidature ; qui, dans cette circonstance, avons jugé nécessaire, pour la dignité de nos opinions, de nous séparer des autres fractions moins avancées de la démocratie, nous croyons devoir rappeler ici quels sont nos principes : ce sera la meilleure manière de justifier notre conduite.

Nos principes!

De tout temps les hommes qui, pour arriver au pouvoir, ont recherché le suffrage populaire, ont abusé les masses par de prétendues déclarations de principes qui, dans le fond, n’ont jamais été que des déclarations de PROMESSES !

De tout temps les ambitieux et les intrigants ont promis au Peuple, en phrases plus ou moins sonores :

La liberté, l’égalité, la fraternité ;

Le travail, la famille, la propriété, le progrès ;

Le crédit, l’instruction, l’association, l’ordre et la paix ;

La participation au gouvernement, l’équitable répartition de l’impôt, l’administration honnête et à bon marché, la justice juste, l’égalité progressive des fortunes, l’affranchissement du prolétariat, l’extinction de. la misère !

Il ont tant promis, qu’après eux, il faut l’avouer, il ne reste rien à promettre.

Mais aussi qu’ont-ils, tenu? C’est au Peuple de répondre : Rien!..

Les vrais amis du Peuple doivent changer d’allure désormais. Ce que le Peuple attend de ses candidats, ce qu’il leur demande, ce ne sont plus des promesses, ce sont des _moyens_.

C’est sur les moyens qu’ils proposent qu’il faut juger les hommes : c’est ainsi que nous demandons qu’on nous juge.

Démocrates-socialistes, nous ne sommes, à vrai dire, d’aucune secte, d’aucune école ! Ou plutôt, s’il fallait à toute force nous classer nous-mêmes, nous dirions que nous sommes de l’école critique. Le socialisme n’est point pour nous un système ; c’est tout simplement une protestation. Toutefois, nous croyons que des travaux socialistes il s’est dégagé un ensemble de principes et d’idées en opposition avec la routine économique, et qui ont passé dans la foi populaire : et c’est pour cela que nous nous disons socialistes. Faire profession de socialisme, et ne rien accepter du socialisme, comme le font de plus habiles, ce serait nous moquer du peuple et abuser de sa crédulité…. Ce n’est pas tout d’être républicain ; ce n’est pas tout de reconnaître que la République doit s’entourer d’institutions sociales ; ce n’est pas tout d’écrire sur son drapeau : République démocratique et sociale, il faut marquer nettement la différence de l’ancienne société d’avec la nouvelle ; il faut dire ce qu’a produit de positif le socialisme; en quoi et pourquoi la révolution de Février, qui en est l’expression, est une révolution sociale. Rappelons d’abord le dogme fondamental, le dogme pur du socialisme.

Le socialisme a pour but l’affranchissement du prolétariat et l’extinction de la misère, c’est-à-dire l’égalité effective des conditions parmi les hommes. Sans égalité, il y aura toujours misère, toujours prolétariat.

Lé socialisme, égalitaire avant tout, est donc la formule démocratique par excellence. Si des politiques moins sincères éprouvent quelque répugnance à l’avouer, nous respectons leur réserve ; mais il faut qu’ils le sachent, à nos yeux ils ne sont point démocrates.

Or, quelle est la cause de l’inégalité ?

Cette cause, selon nous, a été mise en lumière par toutes les critiques socialistes qui se sont succédé, notamment depuis Jean-Jacques ; cette cause est la réalisation dans la société de cette triple abstraction : Capital, -— travail, — talent.

C’est parce que la société s’est divisée en trois catégories de citoyens correspondantes aux trois termes de cette formule; c’est-à-dire parce que l’on a fait une classe des capitalistes ou propriétaires, une autre classe des travailleurs, et une troisième classe des capacités, que l’on est arrivé constamment à la distinction des castes, et que la moitié du genre humain a été l’esclave de l’autre. Partout où l’on a prétendu séparer de fait, organiquement, ces trois choses, le capital, le travail et le talent, le travailleur a été asservi : il s’est appelé tour à tour esclave, serf, paria, plébéien, prolétaire ; — le capitaliste a été exploiteur : il se nommait tantôt patricien ou noble, tantôt propriétaire ou bourgeois ; — l’homme de talent a été un parasite, un agent de corruption et de servitude ; ç’a été d’abord le prêtre, plus tard le clerc, aujourd’hui le fonctionnaire public, toute espèce de capacité et de monopole.

Le dogme fondamental du socialisme consiste donc à résoudre la formule aristocratique : Capital-Travail-Talent “en celle-ci plus simple : TRAVAIL! — à faire, par conséquent, que tout citoyen soit en même temps, au même titre et dans un même degré, capitaliste, travailleur, et savant ou artiste.

Le producteur et le consommateur, dans la réalité des choses comme dans la science économique, c’est toujours le même personnage, considéré seulement de deux points de vue différents. Pourquoi n’en serait-il pas de même du capitaliste et du travailleur? du travailleur et de l’artiste? Sér parez .ces qualités dans l’organisation sociale, vous créez fatalement les castes, l’inégalité , la misère ; unissez-les, au contraire, dans chaque individu : vous avez l’égalité , vous, avez la République.

C’est encore ainsi que dans l’ordre politique doivent s’effacer un jour toutes ces distinctions de gouvernants et gouvernés, administrateurs et administrés, fonctionnaires publics et contribuables, etc. Il faut, par le développement de l’idée sociale , que chaque citoyen soit tout : car, s’il n’est pas tout, il n’est pas libre ; il souffre oppression et exploitation en quelque endroit.

Quel est donc le MOYEN d’opérer cette grande fusion? Le moyen, il est indiqué par le mal même. Et d’abord, tâchons de mieux définir encore, s’il est possible, le mal.

Puisque le prolétariat et la misère ont pour cause organique la division de la société en deux classes : l’une qui travaille et ne possède pas; l’autre qui possède et ne travaille pas, qui, par conséquent, consomme sans produire ; il s’ensuit que le mal dont souffre la société consiste dans cette fiction singulière, que le capital est, par lui-même, productif ; tandis que le travail, par lui-même, ne l’est pas. En effet, pour que les conditions fussent égales, dans cette hypothèse de la séparation du travail et du capital , il faudrait que , comme le capitaliste recueille par son capital, sans travailler ; de même le travailleur pût recueillir par son travail, sans capital. Or, c’est ce qui n’arrive pas. Donc l’égalité, la liberté, la fraternité sont impossibles dans le régime actuel ; donc Ja misère et le prolétariat sont la conséquence fatale de la constitution présente de la propriété.

Quiconque le sait et ne l’avoue pas, ment également à la bourgeoisie et au prolétariat ;

Quiconque sollicite les suffrages du Peuple et dissimule avec lui, n’est ni socialiste ni démocrate. Nous le répétons :

La productivité du capital, ce que le christianisme a condamné sous le nom d’USURE, telle est la vraie cause de la misère, le vrai principe du prolétariat, l’éternel obstacle à l’établissement de la République. Point d’équivoque, point d’imbroglio, point d’escobarderie ! Que ceux qui se disent démocrates-socialistes signent avec nous cette profession de foi ; qu’ils adhèrent à notre communion : à ce signe, mais à ce signe seulement, nous reconnaîtrons en eux des frères, de véritables amis du Peuple ; nous souscrirons à tous leurs actes.

Et maintenant, le moyen d’extirper le mal, de faire cesser l’usure, quel est-il? Sera-ce d’attaquer le produit net, de nous emparer du revenu ? sera-ce , en professant le plus grand respect pour la propriété , de ravir par l’impôt, à mesure qu’elle s’acquiert par le travail et se consacre par la loi, la propriété?

C’est ici surtout que les vrais amis du Peuple se distinguent de ceux qui ne veulent que commander au Peuple ; c’est ici que les vrais socialistes se séparent de leurs perfides imitateurs.

Le moyen de détruire l’usure , ce n’est pas, encore une fois, de confisquer l’usure ; c’est d’opposer principe à principe, c’est, en un mot, d’organiser le crédit.

Organiser le crédit, pour le socialisme, ce n’est point emprunter à intérêt, puisque ce serait toujours reconnaître la suzeraineté du capital ; c’est organiser la solidarité des travailleurs entre eux, c’est créer leur garantie mutuelle, d’après ce principe d’économie vulgaire, que tout ce qui aune valeur d’échange peut être un objet d’échange, peut, par conséquent, donner matière à crédit.

De même que le banquier fait crédit de ses écus au négociant qui lui en paie intérêt;

Le propriétaire foncier crédit de sa terre au paysan qui lui paie un fermage ;

Le propriétaire de maison crédit d’un logement au locataire qui en paie loyer ;

Le marchand crédit de sa marchandise à la pratique qui achète à terme ; .

De même le travailleur fait crédit de son travail au patron qui le paie à la fin du mois ou à la fin de la semaine. Tous tant que nous sommes, nous nous faisons réciproquement crédit de quelque chose : ne dit-on pas, vendre à crédit, travailler à crédit, boire, manger à crédit ?

Donc, le travail .peut donner crédit de lui-même, il peut être créancier comme le capital.

Donc encore deux ou plusieurs travailleurs peuvent se faire crédit de leurs produits respectifs, et s’ils s’entendaient pour des opérations suivies de ce genre , ils auraient organisé entre eux le crédit.

C’est ce qu’ont admirablement compris les associations ouvrières, qui spontanément, sans commandite, sans capitaux, se forment à Paris et à Lyon, et par cela seul qu’elles se mettent en rapport les unes avec les autres, qu’elles se font crédit, organisent, comme l’on dit, le travail. En sorte que, organisation du crédit, organisation du travail, association, c’est une seule et même chose. Ce n’est pas une école, ce n’est pas un théoricien qui dit cela : c’est le fait actuel, le fait révolutionnaire qui le prouve. Ainsi l’application d’un principe conduit le Peuple à la découverte d’un autre, une solution obtenue amène toujours une autre solution.

Si donc il arrivait que les travailleurs s’entendissent sur tous les points de la République, s’organisassent de la même manière, il est évident que, maîtres du travail, et produisant incessamment, par le travail, de nouveaux capitaux, ils auraient bientôt reconquis, parleur organisation et leur concurrence, le capital aliéné ; ils attireraient à eux, d’abord la petite propriété , le petit commerce et la petite industrie; puis la grande propriété et les grandes entreprises ; puis les exploitations les plus vastes, les mines, les canaux, les chemins de fer : ils deviendraient les maîtres de tout par l’adhésion successive des producteurs et la liquidation des propriétés, sans spoliation ni rançonnement des propriétaires.

Par cette organisation du travail et du crédit s’opérerait l’alliance de l’agriculture et de l’industrie, maintenant en perpétuel antagonisme. Car, qui peut faire crédit au laboureur, si ce n’est l’industriel? Et quel sera le débouché de l’agriculture, si ce n’est l’industrie?

Telle est l’oeuvre commencée spontanément sous nos yeux par le Peuple, oeuvre qu’il poursuit avec une admirable énergie , à travers toutes les difficultés de la chicane et les plus affreuses privations. Et il ne faut pas se lasser de le dire, ce ne sont pas les chefs d’école qui ont commencé ce mouvement, ce n’est pas l’État qui a donné la première impulsion, c’est le Peuple. Nous ne sommes ici que ses interprètes. Notre foi, la foi démocratique et sociale, n’est déjà plus une utopie, c’est une réalité. Ce n’est point notre doctrine que nous prêchons ; ce sont les idées populaires que nous prenons pour thèmes de nos développements. Ceux-là ne sont pas des nôtres, qui le méconnaissent, qui nous parlent d’association et de République, et qui n’osent avouer pour leurs frères les vrais socialistes, les vrais républicains.

Dévoués depuis dix ans à cette idée, nous n’avons pas attendu le triomphe du Peuple pour nous ranger avec lui ; nous n’avons pas attendu la résurrection du Christ, pour croire à la divinité de sa mission.

Que le gouvernement, que l’Assemblée nationale, que la bourgeoisie elle-même nous protège et nous assiste dans l’accomplissement de notre oeuvre, nous en serons reconnaissants, mais qu’on ne cherche plus à. nous distraire de ce que nous regardons comme les vrais intérêts du Peuple ; qu’on n’essaie pas de nous leurrer par de vains semblants de réforme. Nous sommes trop éclairés pour être encore dupes; nous savons mieux comment va le monde que les hommes politiques qui nous honorent de leurs remontrances.

Nous serions heureux que l’État, par des allocations prises sur le budget, contribuât à l’émancipation des travailleurs : nous ne verrions qu’avec méfiance ce que l’on appelle organisation du crédit par l’État, et qui n’est, selon nous, que la dernière forme de l’exploitation de l’homme par l’homme. Nous repoussons le crédit de l’État, parce que l’État, endetté de huit milliards, ne possède pas un centime dont il puisse donner crédit ; parce que sa commandite ne repose que sur un papier à cours forcé ; parce que le cours forcé entraîne fatalement la dépréciation , et que la dépréciation atteint toujours le travailleur de préférence au propriétaire ; — parce que nous, producteurs associés ou en voie d’association, nous n’avons besoin ni de l’État, ni de cours forcé pour organiser nos échanges ; parce qu’enfin le crédit par l’État est toujours le crédit par le capital, non le crédit par le travail, toujours la monarchie, non la démocratie.

Dans le système qu’on nous propose, et que nous repoussons de toute l’énergie de nos convictions, l’État, pour donner crédit , doit au préalable se procurer des capitaux. Ces capitaux, il faut qu’il les demande à la propriété, parla voie de l’impôt. C’est donc toujours revenir au principe, alors qu’il s’agit de le détruire ; c’est déplacer la richesse tandis qu’il faudrait la créer ; c’est retirer la propriété, après l’avoir déclarée par la Constitution inviolable. Que d’autres, aux idées moins avancées et moins suspectes, à la morale moins méticuleuse, appuient de telles idées, nous n’accuserons point leur tactique. Quant à nous, qui ne faisons point la guerre aux riches, mais aux principes; nous que la contrerévolution ne cesse de calomnier, nous devons être plus rigoristes. Nous sommes des socialistes, nous ne sommes pas des spoliateurs.

Nous ne voulons pas de l’impôt progressif, parce que l’impôt progressif est la consécration du produit net, et que nous voulons abolir, par l’association, le produit net; — parce que si l’impôt progressif n’enlève pas au riche la totalité de son revenu, il n’est qu’une concession faite au prolétariat, une sorte de rachat du droit d’usure, en un mot une déception ; et que s’il prend tout le revenu, il est la confiscation de la propriété, l’expropriation sans indemnité préalable et sans utilité publique.

Que ceux-là donc qui se disent, avant tout, hommes politiques, invoquent l’impôt progressif comme une représaille vis-à-vis de la propriété, comme un châtiment à l’égoïsme bourgeois : nous respectons leurs intentions, et si jamais il leur est donné d’appliquer leurs principes, nous laisserons passer la justice de Dieu. Pour nous, représentants de ceux qui ont tout perdu au régime du capital, l’impôt progressif, précisément parce qu’il est une restitution forcée, nous est interdit ; nous n’en ferons jamais la proposition au Peuple. Nous sommes des socialistes, des hommes de réconciliation et de progrès ; nous ne demandons ni réaction, ni loi agraire.

Nous ne voulons pas de l’impôt sur les rentes de l’État, parce que cet impôt n’est, comme l’impôt progressif, vis-à-vis des rentiers, qu’une confiscation, et vis-à-vis du Peuple, qu’une transaction, une duperie. Nous croyons que l’État a le droit de rembourser ses dettes, par conséquent d’emprunter à plus faible intérêt : nous ne pensons pas qu’il lui soit permis, sous prétexte d’impôt, de manquer à ses engaments. Nous sommes des socialistes, nous ne sommes pas des banqueroutiers.

Nous ne voulons pas de l’impôt sur les successions, parce que cet impôt n’est aussi qu’un retrait delà propriété, et que la propriété étant un droit constitutionnel reconnu de tout le monde, il faut respecter en elle le voeu de la major rite ; parce que ce serait une atteinte à la famille ; parce que nous n’avons que faire, pour émanciper le prolétariat, de cette nouvelle hypocrisie. La transmission des biens, sous la loi de l’association, ne s’appliquant point aux instruments du travail, ne peut devenir une cause d’inégalité. Laissez donc aller la fortune du propriétaire défunt à sa parenté la plus éloignée, souvent la plus pauvre. Nous sommes des socialistes, nous ne sommes pas des captateurs de successions.

Nous ne voulons pas de l’impôt sur les objets de luxe, parce que ce serait frapper les industries de luxe ; parce que les produits de luxe sont l’expression même du progrès ; parce que, sous l’empire du travail et avec la subordination du capital, le luxe doit descendre à tous les citoyens sans exception. Pourquoi, après avoir encouragé la propriété, punirions-nous de leur jouissance les propriétaires? Nous sommes des socialistes, nous ne sommes pas des envieux.

L’impôt est la contribution de chaque travailleur aux charges de la communauté : l’impôt a donc pour base naturelle le produit. Ce sont quelques centimes pour cent à ajouter au prix de revient de tout ce qui circule et qui se consomme. Quant à la terre et aux capitaux, ils ne peuvent être imposés qu’autant qu’ils sont appropriés : la contribution directe n’est autre chose que le prix de la tolérance accordée au propriétaire. Puis donc que dans l’association universelle la propriété de la terre et des instruments de travail est une propriété squale, il s’ensuit que l’impôt direct doit être à peu près aboli, comme consécration du privilège, signe de féodalité et d’usure. C’est tout le contraire de ce que nous proposent les néophytes de la démocratie sociale.

Les frais de perception de l’impôt coûtent en ce moment à l’État plus de 50 millions. — Avec l’association, telle que le Peuple l’a conçue et telle qu’il l’exécute, ces frais peuvent et doivent se réduire à rien. Qu’en disent les nouveaux socialistes, défenseurs officieux, mais peu intelligents, de la propriété?

La douane, c’est-à-dire la protection du travail national, coûte au pays vingt-six millions. Avec l’organisation du crédit, telle que la suppose le principe socialiste, les Peuples auraient tout à la fois le libre échange et l’égal. échange. Le travail serait protégé par cela seul qu’il ne pourrait se donner que contre du travail : la protection coûterait zéro. Ce n’est pas une simple révision des tarifs de douane que demande le socialisme, à l’exemple de ses jeunes amis : c’est leur complète abolition.

Nous ne voulons pas de l’exploitation par l’État des mines, des canaux et des chemins de fer : c’est toujours de la monarchie, toujours du salariat. Nous voulons que les mines, les canaux, les chemins de fer, soient remis à des associations ouvrières, organisées démocratiquement, travaillant sous la surveillance de l’État, aux conditions établies par l’État, et sous leur propre responsabilité. Nous voulons que ces associations soient des modèles proposés à l’agriculture, à l’industrie et au commerce, le premier noyau de cette vaste fédération de compagnies et de sociétés, réunies dans le commun lien de la République démocratique et sociale. x

Nous ne voulons pas plus du gouvernement de l’homme par l’homme que de l’exploitation de l’homme par l’homme : ceux qui prennent si vite la formule socialiste y ont-ils réfléchi?

Nous voulons l’économie dans les dépenses de l’État, de même que nous voulons la fusion complète, dans le travailleur, des droits de l’homme et du citoyen, des attributs du capital et du talent. C’est pour cela que nous demandons certaines choses que le socialisme indique, et que les hommes qui se prétendent plus spécialement politiques ne comprennent pas.

La politique tend à spécialiser et multiplier indéfiniment les emplois ; le socialisme tend à les fondre les uns dans les autres.

Ainsi, nous croyons que la presque totalité des travaux publics peut et doit être exécutée par l’armée ; que cette participation aux travaux publics est le premier tribut que doit payer à la patrie la jeunesse républicaine ; qu’en conséquence le budget de la guerre et celui des travaux publics font double emploi. C’est une économie de plus de 100 millions; la politique ne s’en soucie pas.

On parle d’enseignement professionnel. — Nous croyons que l’école d’agriculture, c’est l’agriculture ; l’école des arts, métiers et manufactures, c’est l’atelier; l’école du. commerce, c’est le comptoir ; l’école des mines, c’est la mine ; l’école de navigation, c’est le navire ; l’école d’administration, c’est l’administration, etc.

L’apprenti est aussi nécessaire au travail que le compagnon : pourquoi le mettre à part dans une école? Nous voulons la même éducation pour tous : à quoi bon ces écoles, qui, pour le Peuple, ne sont que des écoles d’aristocrates, et pour nos finances un double emploi? Organisez l’association, et du même coup, tout atelier devenant école, tout travailleur est maître, tout étudiant apprenti. Les hommes d’élite se produisent aussi bien et mieux au chantier qu’à la salle d’étude.

Même chose dans le gouvernement.

Il ne suffit pas de dire que l’on est opposé à la présidence, si l’on n’abolit les ministères, éternel objet de l’ambition politique. Ç’est à l’Assemblée nationale d’exercer, par l’organisation de ses comités, le pouvoir exécutif, comme elle exerce, par ses délibérations en commun et ses votes, le pouvoir législatif. Les ministres, sous-secrétaires d’Etat, chefs de division, etc., font double emploi avec les représentants, dont la vie désoeuvrée, dissipée, livrée à l’intrigue et à l’ambition, est une cause incessante d’embarras pour l’administration, de mauvaises lois pour la société, de stériles dépenses pour l’Etat.

Que nos jeunes recrues se le mettent dans l’esprit ; le socialisme est le contraire du gouvernementalisme. Cela est aussi vieux pour nous que le précepte : Entre maître et serviteur, point de société.

Nous voulons, -à côté du suffrage universel; et comme conséquence de ce suffrage, l’application du mandât impératif. Les hommes politiques y répugnent! Ce qui veut dire qu’à leurs yeux le Peuple, en élisant des représentants, ne se donne point des mandataires, il aliène sa souveraineté I… A coup sûr, Ge n’est pas là du socialisme, ce n’est pas même de la démocratie.

Nous voulons la liberté illimitée de l’homme et du citoyen, sauf le respect de la liberté d’autrui : Liberté d’association, Liberté de réunion, Liberté des cultes, Liberté de la presse, Liberté de la pensée et de la parole, Liberté du travail, du commerce et de l’industrie, Liberté de l’enseignement, En un mot, liberté absolue.

Or, parmi ces libertés il en est toujours quelqu’une que la vieille politique n’admet pas, ce qui entraîne la ruine de toutes! Nous dira-t-on, une fois, si l’on veut la liberté avec exception ou sans exception ?

Nous voulons la famille : où sont ceux qui la respectent plus que nous?… Mais nous ne prenons pas la famille pour type de la société. Les défenseurs de la monarchie nous ont appris que c’était à l’image de la famille que les monarchies s’étaient constituées. La famille est l’élément patriarcal ou dynastique, le rudiment de la royauté : le type de la société civile est la société fraternelle. Nous voulons la propriété,, mais ramenée à ses justes. bornes, c’est-à-dire à la libre disposition des fruits du travail; la propriété MOINS L’USURE!… NOUS n’avons pas besoin d’en dire davantage. Ceux qui nous connaissent nous entendent.

Telle est, en substance, notre profession de foi. La Déclaration des députés de la Montagne nous faisait un devoir de la reproduire, afin qu’on jugeât si c’est nous qui, en n’acceptant pas, sur la recommandation de ses amis, la candidature de l’honorable M. Ledru-Rollin, faisons défaut à la cause démocratique et sociale, ou si ce sont les auteurs de la Déclaration qui sont en retard sur le socialisme.

Nous rendons justice aux tendances de la jeune Montagne, nous applaudissons à ses efforts, nous prenons acte de ses progrès. La Montagne, aujourd’hui, va au prophète ; la politique se résout dans le socialisme : quelques pas déplus, et toutes les nuances républicaines sont confondues.

Mais la Montagne n’est guère socialiste que d’intention, bien qu’elle dise le contraire, et que sans doute elle le croie. Le Peuple a lu sa Déclaration, il lira notre Manifeste. Qu’il compare et qu’il juge. Qu’il dise si, devant cette pièce, aussi légère d’idées que compromettante pour nous par sa politique, nous devions nous dissimuler et amener pavillon.

La Montagne, peu ou point socialiste, malgré son envie, est encore peu ou point révolutionnaire, malgré son ardeur. Ses actes politiques, autant que ses idées, le prouvent.

Était-elle révolutionnaire en septembre, aux élections?

Était-elle révolutionnaire en juin ?

Était-elle révolutionnaire en avril?

Était-elle révolutionnaire aux séances du Luxembourg?

Et nous, nous l’avons été autant qu’elle et plus qu’elle en février.

La Montagne se plaint que nous ne soyons pas politiques!

Nous répondrons que la Montagne se fait étrangement illusion si elle s’imagine que la politique, sans le socialisme, soit quelque chose. Le socialisme est la politique définie dans son but et dans ses moyens. Jusqu’à lui, la politique n’a été que de l’habileté. En deux mots, le socialisme est la chose, la politique est l’homme. D’où il suit que le socialisme peut très bien se passer de la politique, tandis que la politique ne peut pas se passer du socialisme. Nous en prenons à témoignage la profonde médiocrité des actes politiques qui se sont produits, nous ne dirons pas seulement depuis neuf mois, mais depuis dix-huit ans !…

Et maintenant venons à cette misérable question de la Présidence.

C’était chose grave assurément, que de savoir, d’une part, si le Peuple devait s’abstenir ou voter ; en second lieu, sous quel drapeau se ferait l’élection, sous quelle profession de foi. Quant au candidat, le premier venu eût été le nôtre.

L’opinion démocratique et sociale devait être directement consultée : la Montagne a agi seule.

Elle publie sa Déclaration, comme Louis XVIII fit sa charte octroyée, sans consulter personne.

Elle pose une candidature à Paris et dans les départements, sans en prévenir.

Puis, quand le comité électoral se forme, elle vient lui dire : Les choses sont trop avancées, la retraite est impossible ! pas de division! La Montagne nous impose à la fois le vote, le programme, le candidat. Elle semble nous dire : Vous viendrez jusqu’ici, vous n’irez pas plus loin. Pour nous servir d’une expression qui a passé dans le style parlementaire, elle escamote, à son profit, le socialisme !

Nous n’insisterons pas sur la question personnelle. Nous regrettons qu’un homme politique (et nous employons ici cette épithète sans ironie) tel que l’honorable M. Ledru-Rollin, ait pu servir d’instrument à dé maladroits amis. Nos sympathies personnelles, nos préférences lui étaient acquises. L’humeur agressive, les injurieuses méfiances de son entourage nous ont rejetés dans l’opposition…

Au reste, nous croyons que cette division, loin de diminuer la force du parti démocratique et social, ne fera que l’augmenter. Dans l’état actuel des choses, aucun candidat ne pouvait rallier tous les suffrages : des dissentiments trop profonds existent encore entre la démocratie-socialiste de la veille, et celle du lendemain.

Le comité électoral central a décidé, à l’unanimité, de porter candidat à la présidence le citoyen RASPAIL.

Raspail, l’élu de 66,000 suffrages parisiens, et de 35,000 lyonnais;

Raspail, le démocrate-socialiste;

Raspail, l’implacable dénonciateur des mystifications politiques;

Raspail, que ses travaux dans l’art de guérir ont placé_au rang des bienfaiteurs de l’humanité.

En adhérant à cette candidature, nous n’entendons point, comme on l’a écrit quelque part de l’honorable M. Ledru-Rollin, donner éventuellement à la République un CHEF : loin de là, nous acceptons Raspail comme protestation vivante contre le principe de la Présidence ! nous le présentons au suffrage du Peuple, non parce qu’il est ou se croit possible, mais parce qu’il est impossible ; parce qu’avec lui la présidence, image de la royauté, serait impossible.

. Nous n’entendons pas davantage, en appelant les voix sur Raspail, jeter à la bourgeoisie, qui redoute ce grand citoyen, un défi. Ce que nous cherchons avant tout, c’est la réconciliation, la paix. Nous sommes des socialistes, nous ne sommes pas des brouillons.

Nous appuyons la candidature de Raspail, afin d’exprimer plus fortement aux yeux du pays cette idée, que désormais, sous le drapeau de la République, il n’y a plus que deux partis en France, le parti du travail et le parti du capital.

Il ne tiendra pas à nous que le dernier vestige de cette antique division ne soit bientôt effacé.

Election Manifesto of Le Peuple.

The central electoral committee, made up of delegates from the fourteen districts of the Seine, to prepare the election of the President of the Republic, has just completed its operations.

Citizen Raspail, representative of the People, was unanimously nominated for the presidential candidate of the Republican, Democratic and Social Party.

The central committee will shortly publish its circular to voters.

For us, who have joined in mind and heart to this candidacy; who, in this circumstance, have deemed it necessary, for the dignity of our opinions, to separate ourselves from other less advanced fractions of the democracy, we believe we must recall here what our principles are: this will be the best way to justify our conduct.

Our principles!

Throughout time, men who, to achieve power, have sought popular suffrage, have deceived the masses with so-called declarations of principles which, in essence, have never been anything other than declarations of promises!

The ambitious and the intriguers have always promised the People, in more or less sonorous sentences:

Liberty, equality, fraternity;

Labor, family, property, progress;

Credit, education, association, order and peace;

Participation in government, equitable distribution of taxes, honest and cheap administration, just justice, progressive equality of fortunes, emancipation of the proletariat, extinction of poverty!

They promised so much that after them, it must be admitted, there is nothing left to promise.

But also what did they hold? It is up to the People to respond: Nothing!

The true friends of the People must change their approach from now on. What the People expect from their candidates, what they ask of them, are no longer promises, they are means.

It is by the means they propose that we must judge men: this is how we ask to be judged.

Socialist democrats, we are, to tell the truth, of no sect, of no school! Or rather, if we had to completely classify ourselves, we would say that we belong to the critical school. Socialism is not a system for us; it is simply a protest. However, we believe that from the socialist work a set of principles and ideas emerged in opposition to economic routine, which have passed into popular faith: and this is why we call ourselves socialists. To profess socialism, and to accept nothing of socialism, as the most clever do, would be to mock the people and abuse their credulity… It is not everything to be a Republican; it is not everything to recognize that the Republic must surround itself with social institutions; it is not enough to write on your flag: Democratic and Social Republic, we must clearly mark the difference between the old society and the new; we must say what positive things socialism has produced; how and why the February revolution, which is its expression, is a social revolution.

Let us first recall the fundamental dogma, the pure dogma of socialism.

The aim of socialism is the emancipation of the proletariat and the extinction of poverty, that is to say, effective equality of conditions among men. Without equality, there will always be poverty, always a proletariat.

Socialism, egalitarian above all, is therefore the democratic formula par excellence. If less sincere politicians feel any reluctance to admit it, we respect their reservation; but they must know that in our eyes they are not democrats.

Now, what is the cause of inequality?

This cause, in our opinion, has been highlighted by all the socialist critiques that have followed one another, particularly since Jean-Jacques; this cause is the realization in society of this triple abstraction: Capital, — labor, — talent.

It is because society has divided itself into three categories of citizens corresponding to the three terms of this formula; that is to say because we have created a class of capitalists or proprietors, another class of workers, and a third class of capacities, that we have constantly arrived at the distinction of castes, and that one half of the human race has been enslaved to the other. Wherever one has claimed to separate in fact, organically, these three things, capital, work and talent, the worker has been enslaved: he has been called in turn slave, serf, pariah, plebeian, proletarian; — the capitalist was an exploiter: he was sometimes called a patrician or noble, sometimes an owner or bourgeois; — the man of talent was a parasite, an agent of corruption and servitude; first it was the priest, later the cleric, today the public official, all kinds of capacity and monopoly.

The fundamental dogma of socialism therefore consists of resolving the aristocratic formula: Capital-Labor-Talent into this simpler one: labor! — to ensure, therefore, that every citizen is at the same time, in the same way and to the same degree, capitalist, worker, and scholar or artist.

The producer and the consumer, in the reality of things as in economic science, are always the same character, considered only from two different points of view. Why should it not be the same for the capitalist and the worker? For the worker and the artist? Separate these qualities in the social organization, you inevitably create castes, inequality, poverty; unite them, on the contrary, in each individual: you have equality, you have the Republic.

This is also how in the political order all these distinctions between rulers and ruled, administrators and administered, public functionaries and taxpayers, etc. must one day be erased. It is necessary, through the development of the social idea, that each citizen be everything: because, if he is not everything, he is not free; he suffers oppression and exploitation in some place.

So what is the MEANS of bringing about this great merger? The means is indicated by the evil itself. And first, let us try to define the evil even better, if possible.

Since the proletariat and poverty have as their organic cause the division of society into two classes — one that labors and does not own; the other that owns and does not labor, that, consequently, consumes without producing — it follows that the evil from which society suffers consists in this singular fiction, that capital is, in itself, productive; while labor, by itself, is not. Indeed, for the conditions to be equal, in this hypothesis of the separation of labor and capital, it would be necessary that, as the capitalist collects through his capital, without labor; in the same way the worker could collect through his labor, without capital. But that is not happening. Therefore equality, liberty, fraternity are impossible in the current regime; therefore poverty and the proletariat are the fatal consequence of the present constitution of property.

Anyone who knows it and does not admit it is also lying to the bourgeoisie and the proletariat;

Anyone who solicits the votes of the People and dissembles with them is neither a socialist nor a democrat.

We repeat:

The productivity of capital, what Christianity condemned under the name usury, is the true cause of poverty, the true principle of the proletariat, the eternal obstacle to the establishment of the Republic. No ambiguity, no imbroglio, no evasion! Let those who call themselves socialist-democrats sign this profession of faith with us; let them adhere to our communion: by this sign, but by this sign only, we will recognize in them as brothers, true friends of the People; we will subscribe to all their actions.

And now, what is the means to eradicate the evil, to put an end to usury? Will it be to attack the net product, to seize the income? Will it be, by professing the greatest respect for property, to deprive property by tax, as it is acquired by labor and consecrated by law?

It is here above all that the true friends of the People distinguish themselves from those who only want to command the People; it is here that true socialists separate themselves from their perfidious imitators.

The way to destroy usury is not, once again, to confiscate usury; it is to oppose principle to principle. It is, in short, to organize credit.

To organize credit, for socialism, does not mean borrowing at interest, since this would always recognize the suzerainty of capital; it is to organize the solidarity of workers among themselves, it is to create their mutual guarantee, according to this principle of vulgar economics, that everything that has an exchange value can be an object of exchange, can, consequently, provide material for credit.

Just as the banker gives credit of his crowns to his merchant who pays him interest;

The landowner credits his land to the peasant who pays him rent;

The owner of the house lends accommodation to the tenant who pays rent;

The merchant credits his merchandise to the client who buys on time; .

Likewise, the worker gives credit for his work to the boss who pays him at the end of the month or at the end of the week. We all give each other credit for something: don’t we say: sell on credit, labor on credit, drink, eat on credit?

Therefore, labor can give credit for itself, it can be a creditor like capital.

So two or more workers can still give each other credit for their respective products, and if they agreed on continued operations of this kind, they would have organized the credit between them.

This is what the workers’ associations have admirably understood, which spontaneously, without sponsorship, without capital, are formed in Paris and Lyon, and by the sole fact that they put themselves in contact with each other, that they give one another credit, organize, as they say, the labor. So that organization of credit, organization of labor, association, it is one and the same thing. It is not a school, it is not a theoretician who says this: it is the current fact, the revolutionary fact that proves it. Thus the application of one principle leads the People to the discovery of another; a solution obtained always leads to another solution.

If it happened that the workers agreed at all points in the Republic, organized themselves in the same way, it is obvious that, masters of labor, and constantly producing, through labor, new capital, they would soon have reconquered, by their organization and their competition, alienated capital; they would attract to themselves, first of all, small property, small commerce and small industry; then large property and large companies; then the largest exploitations, mines, canals, railways: they would become masters of everything through the successive accession of producers and the liquidation of properties, without spoliation or ransom of the proprietors.

Through this organization of labor and credit, the alliance of agriculture and industry, now in perpetual antagonism, would take place. For who can give credit to the plowman if not the industrialist? And what will be the outlet for agriculture, if not industry?

Such is the work begun spontaneously before our eyes by the People, a work that it continues with admirable energy, through all the difficulties of chicanery and the most terrible privations. And we must never tire of saying it, it was not the leaders of the schools who started this movement, it was not the State that gave the first impetus, it was the People. We are here only its interpreters. Our faith, the democratic and social faith, is no longer a utopia, it is a reality. It is not our doctrine that we preach; these are the popular ideas that we take as themes of our developments. Those who ignore it, who talk to us about association and the Republic, and who do not dare to recognize as their brothers the true socialists, the true republicans, are not our people.

Devoted for ten years to this idea, we did not wait for the triumph of the People to side with them; we did not wait for the resurrection of Christ to believe in the divinity of his mission.

Let the government, the National Assembly, the bourgeoisie itself protect us and assist us in the accomplishment of our work; we will be grateful, but let no one any longer seek to distract ourselves from what we consider to be the true interests of the People; let no one try to deceive us with vain pretenses of reform. We are too enlightened to still be fooled; we know better how the world is going than the politicians who honor us with their remonstrances.

We would be happy if the State, through allocations taken from the budget, contributed to the emancipation of workers: we would only view with suspicion what is called the organization of credit by the State, and which is, in our opinion, only the last form of exploitation of man by man. We reject the credit of the State, because the State, in eight billions of debt, does not have a cent with which it can give credit; because its sponsorship is based only on forced paper currency; because the forced price inevitably leads to depreciation, and depreciation always affects the worker in preference to the owner; — because we, associated producers or in the process of association, we need neither the State nor forced exchange to organize our exchanges; because finally credit by the State is always credit by capital, not credit by labor, always monarchy, not democracy.

In the system that is proposed to us, which we reject with all the energy of our convictions, the State, to provide credit, must first obtain capital. It must demand this capital from property, through taxes. It is therefore always a return to the principle, whereas it is a question of destroying it; it is displacing wealth when it should be created; it is to withdraw property, after having declared it inviolable by the Constitution. If others, with less advanced and less suspect ideas, with less meticulous morality, support such ideas, we will not accuse their tactics. As for us, who do not wage war against the rich, but against principles; we, whom the counter-revolution continues to slander, must be more rigorous. We are socialists; we are not despoilers.

We do not want progressive tax, because progressive tax is the consecration of the net product, and we want to abolish, through association, the net product; — because if the progressive tax does not take away from the rich all of his income, it is only a concession made to the proletariat, a sort of redemption of the right of usury, in a word a disappointment; and because if it takes all the income, it is the confiscation of property, expropriation without prior compensation and without public utility.

Let those who call themselves, above all, politicians, invoke the progressive tax as a reprisal against property, as a punishment for bourgeois selfishness: we respect their intentions, and if ever it given to them to apply their principles, we will let God’s justice prevail. For us, representatives of those who have lost everything to the regime of capital, the progressive tax, precisely because it is a forced restitution, is forbidden to us; we will never propose it to the People. We are socialists, men of reconciliation and progress; we are not asking for any reaction or agrarian law.

We do not want the tax on State annuities, because this tax is, like the progressive tax, with respect to the annuitants, only a confiscation, and with respect to the People, only a compromise, a deception. We believe that the State has the right to repay its debts, consequently to borrow at lower interest: we do not think that it is allowed, under the pretext of taxes, to fail in its commitments. We are socialists, we are not bankrupts.

We do not want the inheritance tax, because this tax is also only a withdrawal of property, and since property is a constitutional right recognized by everyone, we must respect in it the wish of the majority; because it would be an attack on the family; because we have nothing to make, in order to emancipate the proletariat, from this new hypocrisy. The transmission of property, under the law of association, not applying to instruments of labor, cannot become a cause of inequality. So let the fortune of the deceased owner go to his most distant relatives, often the poorest. We are socialists, we are not harvesters of inheritances.

We do not want taxes on luxury items, because that would hit luxury industries; because luxury products are the very expression of progress; because, under the empire of labor and with the subordination of capital, luxury must descend to all citizens without exception. Why, after having encouraged property, should we punish the proprietors for their enjoyment? We are socialists, we are not envious people.

The tax is the contribution of each laborer to the costs of the community: the tax therefore has for its natural basis the product. It is a few centimes per hundred to add to the cost price of everything that circulates and is consumed. As for land and capital, they can only be taxed to the extent that they are appropriated: the direct contribution is nothing other than the price of the tolerance granted to the owner. Since in the universal association property in land and in the instruments of labor is a social property, it follows that direct taxation must be more or less abolished, as the consecration of privilege, a sign of feudalism and usury. This is the complete opposite of what the neophytes of social democracy are offering us.

Tax costs of collection currently cost the State more than 50 million. — With association, as the People conceived it and as they execute it, these costs can and must be reduced to nothing. What do the new socialists, unofficial but not very intelligent defenders of property, say about it?

Customs, that is to say the protection of national labor, costs the country twenty-six million. With the organization of credit, as the socialist principle supposes, the People would have both free trade and equal exchange. Labor would be protected simply by the fact that it could only be given in exchange for labor: protection would cost zero. It is not a simple revision of customs tariffs that socialism demands, following the example of its young friends: it is their complete abolition.

We do not want state exploitation of mines, canals and railways: this is still monarchy, still wage labor. We want the mines, the canals, the railways to be handed over to workers’ associations, democratically organized, working under the supervision of the State, on the conditions established by the State, and under their own responsibility. We want these associations to be models offered to agriculture, industry and commerce, the first core of this vast federation of companies and societies, united in the common bond of the democratic and social Republic.

We do not want the government of man by man any more than we want the exploitation of man by man. Have those who are so quick to adopt the socialist formula thought about it?

We want economy in state spending, just as we want the complete fusion, in the worker, of the right of the man and citizen, of the attributes of capital and talent. This is why we demand certain things that socialism indicates, and which men who claim to be more particularly political do not understand.

Politics tends to specialize and multiply jobs indefinitely; socialism tends to blend them into one another.

Thus, we believe that almost all public works can and should be carried out by the army; that this participation in public works is the first tribute that republican youth must pay to the homeland; that consequently the war budget and that of public works duplicate each other. This is a saving of over 100 million; politics doesn’t care.

There is talk about vocational education. — We believe that the school of agriculture is agriculture; the school of arts, crafts and manufacturing is the workshop; the school of commerce is the counter; the school of mines is the mine; the school of navigation is the ship; the school of administration is administration, etc.

The apprentice is as necessary for work as the journeyman. Why set him aside in a school? We want the same education for everyone. What is the point of these schools, which, for the People, are only schools for aristocrats, and for our finances a duplication? Organize association, and at the same time, every workshop becomes a school, every worker is a master, every student an apprentice. Elite men perform as well and better on the job site as they do in the study room.

Same thing in government.

It is not enough to say that we are opposed to the presidency, if we do not abolish the ministries, the eternal object of political ambition. It is up to the National Assembly to exercise, through the organization of its committees, the executive power, just as it exercises, through its joint deliberations and its votes, the legislative power. The ministers, undersecretaries of state, heads of division, etc., do double work with the representatives, whose idle, dissipated life, given over to intrigue and ambition, is an incessant cause of embarrassment for administration, bad laws for society, sterile expenditure for the State.

Let our young recruits put it into their minds; socialism is the opposite of governmentalism. This is as old for us as the precept: Between master and servant, there is no society.

We want, alongside universal suffrage; and as a consequence of this vote, the application of the imperative mandate. Politicians are loath to accept it! Which means that in their eyes the People, by electing representatives, do not give themselves agents, but alienate their sovereignty… Certainly, this is not socialism, it is not even democracy.

We want unlimited liberty of man and citizen, except respect for the liberty of others:

Liberty of association,

Liberty of assembly,

Liberty of worship,

Liberty of the press,

Liberty of thought and speech,

Liberty of work, commerce and industry,

Liberty of education,

In a word, absolute liberty.

Now, among these liberties there is always one that the old politics does not admit, which leads to the ruin of all! Will we be told, once, whether we want liberty with exception or without exception?

We want the family. Where are those who respect it more than us?… But we do not take the family as the type of society. The defenders of the monarchy taught us that it was in the image of the family that monarchies were constituted. The family is the patriarchal or dynastic element, the rudiment of royalty: the type of civil society is fraternal society.

We want property, but brought back to those who deserve it. limits, that is to say to the free disposal of the fruits of labor; property minus usury!… We don’t need to say more. Those who know us hear us.

This is, in essence, our profession of faith. The Declaration of the deputies of the Mountain made it our duty to reproduce it, so that we could judge whether it was we who, by not accepting, on the recommendation of its friends, the candidacy of the honorable Mr. Ledru-Rollin, fail the democratic and social cause, or if it is the authors of the Declaration who lag behind socialism.

We do justice to the tendencies of the young Mountain, we applaud its efforts, we take note of its progress. The Mountain, today, goes to the prophet; politics resolves itself into socialism: a few steps further, and all the republican nuances are confused.

But the Mountain is only socialist in intention, although it says the opposite, and no doubt believes it. The People have read its Declaration, they will read our Manifesto. Let it compare and judge. Let it say if, faced with this piece, as light on ideas as it is compromising for us by its policy, we should hide ourselves and strike the flag.

The Mountain, hardly socialist at all, despite its desire, is also hardly revolutionary, despite its ardor. Its political actions, as much as its ideas, prove it.

Was it revolutionary in September, during the elections?

Was it revolutionary in June?

Was it revolutionary in April?

Was it revolutionary at the Luxembourg sessions?

And we were as revolutionary as it and more than it in February.

The Mountain complains that we are not political!

We will answer that the Mountain is under a strange illusion if it imagines that politics, without socialism, is anything. Socialism is politics defined in its goal and its means. Until it, politics was nothing but skill. In two words, socialism is the thing, politics the man. From which it follows that socialism can very well do without politics, while politics cannot do without socialism. We take as witness the profound mediocrity of the political acts that have occurred, we will not say only for nine months, but for eighteen years!…

And now we come to this miserable question of the Presidency.

It was certainly a serious matter to know, on the one hand, whether the People should abstain or vote; secondly, under what flag the election would take place, under what profession of faith. As for the candidate, the first to come would have been ours.

Democratic and social opinion had to be directly consulted: the Mountain acted alone.

It published its Declaration, as Louis XVIII did his granted charter, without consulting anyone.

It poses a candidate Paris and in the departments, without warning.

Then, when the electoral committee is formed, it comes to tell it: Things are too advanced, retreat is impossible! No division! The Mountain imposes on us the vote, the program, the candidate. It seems to tell us: You will come this far, but you will go no further. To use an expression that has passed into parliamentary style, it dodges socialism for its own benefit!

We will not dwell on the personal question. We regret that a politician (and we use this epithet here without irony) such as the honorable Mr. Ledru-Rollin, could have served as an instrument for clumsy friends. Our personal sympathies, our preferences were acquired by him. The aggressive mood, the insulting mistrust of those around us threw us into opposition…

Moreover, we believe that this division, far from diminishing the strength of the democratic and social party, will only increase it. In the current state of things, no candidate could win all the votes: too deep disagreements still exist between the socialist democracy of the day before and that of the next day.

The central electoral committee decided, unanimously, to nominate citizen Raspail as a candidate for president.

Raspail, elected by 66,000 votes from Paris and 35,000 from Lyon;

Raspail, the socialist democrat;

Raspail, the implacable denouncer of political mystifications;

Raspail, whose work in the art of healing has placed him among the benefactors of humanity.

By adhering to this candidacy, we do not intend, as was written somewhere by the honorable Mr. Ledru-Rollin, to possibly give the Republic a chief: far from it, we accept Raspail as a living protest against the principle of the Presidency! We present him to the suffrage of the People, not because he is or believes to be possible, but because he is impossible; because with him the presidency, the image of royalty, would be impossible.

Nor do we mean, by calling for votes on Raspail, to cast a challenge to the bourgeoisie, which fears this great citizen. What we seek above all is reconciliation, peace. We are socialists, we are not disorganizers.

We support Raspail’s candidacy, in order to express more strongly in the eyes of the country this idea, that from now on, under the flag of the Republic, there are only two parties in France, the labor party and the party of capital.

It will not be up to us if the last vestige of this ancient division is not soon erased.

Argument à la Montagne.

20 Novembre.

Lorsque, le 24 Février, fut formé le gouvernement provisoire, les honorables citoyens qui furent appelés à en faire partie, et dont plusieurs avaient appartenu jusque-là à l’opinion monarchique constitutionnelle, ne marchandèrent point avec la volonté du Peuple. Ils sentirent tous, ils proclamèrent bien haut que l’événement qui venait de s’accomplir traînait à sa suite quelque chose de plus qu’une République, qu’il avait pour conséquence logique et nécessaire une Révolution sociale. Cette idée respirait dans tous leurs décrets.

Lorsque ensuite le gouvernement s’occupa d’envoyer dans les départements des commissaires pour préparer les esprits à cette grande révolution, qu’il dut remplacer préfets, sous-préfets, procureurs-généraux, tout le personnel amovible dont les intentions pouvaient paraître douteuses, ceux qui vinrent offrir leurs services à la République n’hésitèrent point non plus sur le caractère de la Révolution : ils répétèrent tous qu’à leurs yeux elle était sociale.

Lorsque, deux mois après, vinrent les élections, et que tomba sur le Peuple victorieux l’avalanche des professions de foi, les candidats ne manquèrent pas de dire encore, pour la plupart, qu’ils étaient prêts à reconnaître le droit du travailleur. Ils avouaient par là que la Révolution était non seulement politique, mais sociale, qu’elle n’était même politique qu’autant qu’elle était sociale.

La bourgeoisie, à cette époque, s’avouait vaincue. Elle sentait que le vieux système était brisé, que les pôles de la société étaient intervertis et le centre de gravitation déplacé. Aussi la bourgeoisie en avait pris son parti ; le Peuple pouvait obtenir d’elle alors tout ce qu’il eût voulu : la révolution de février était déclarée, saluée, reconnue SOCIALE ; on acceptait la définition.

Aujourd’hui même, après toutes les défections, les trahisons ; après la défaite sanglante du parti démocratique et social, et la restauration de la féodalité mercantile et financière, tout le monde est encore d’accord que la Révolution de février doit, à peine de nullité, être une Révolution sociale. Car, si elle n’est point une Révolution sociale, elle n’a pas la moindre raison d’existence, elle n’est rien. Toute là question est de savoir si l’on passera outre, je veux dire, si cette Révolution s’accomplira.

Comment donc, si l’opinion est et n’a jamais cessé d’être unanime sur le sens et la portée de la Révolution de février, comment ceux qui, pendant quatre mois, furent chargés de la conduire, ne s’occupèrent-ils que de la faire avorter?

Comment, s’ils étaient révolutionnaires et socialistes, après avoir exilé dès le 25 février la Révolution sociale au Luxembourg, la laissèrent-ils bafouer, emprisonner, fusiller, le 16 avril, le 15 mai, le 26 juin?…

Comment les hommes de la Révolution n’ont-ils jamais su que se mettre en travers de la Révolution?

Comment les républicains, sans reproche tant qu’il ne s’agit que de la forme politique, ne sont-ils plus, dès qu’il s’agit de socialisme, que des obscurants et des réacteurs?

Le pays est en ce moment comme le pécheur endurci dont parle l’Écriture, qui invoque la paix ! la paix ! et qui ne peut jamais trouver la paix. Nous crions : Révolution ! révolution ! mais, grâce à nos hommes politiques, il n’y a point de révolution !

Qu’il nous soit permis de le dire, sans que nous voulions faire le procès à personne. Si la Révolution est entravée, si même elle n’a pas encore pris commencement, si nous n’en sommes toujours qu’à l’aurore, cela vient de ce que nous ne connaissons pas, ou, pour parler franchement, de ce que nous méconnaissons la matière révolutionnaire, de ce que le but et l’objet de la révolution sociale sont dissimulés, niés. Nous acceptons le nom, nom nouveau, qui amuse la curiosité par son indécision : nous ne voulons pas de la chose, nous détournons les yeux de crainte de l’apercevoir.

Pourtant, il faudrait nous entendre, ou bien nous taire. Que la jeune Montagne, soi-disant démocrate et socialiste, aille dans les clubs et les banquets recruter des voix pour son candidat; qu’elle verse à flots, dans ses toasts, ses manifestes, ses journaux, ses harangues, son éloquence tribunitienne, tout cela peut témoigner d’une excellente intention, mais tout cela, en vérité, est fort innocent ! Il faut que les montagnards le sachent : ils ne seront rien, ils ne représenteront rien, ni la politique, ni le socialisme, ni la révolution, tant qu’ils n’auront pas confessé, devant la France et devant l’Europe, le but, le véritable but de la Révolution de février.

Or, c’est ce but que nous allons faire connaître pour la centième fois.

Nous le dirons de façon à ce que la Montagne ne puisse s’y méprendre, et que personne ne s’y trompe, de façon à rendre impossible toute équivoque, tout faux-fuyant. L’idée sera si nette, si catégorique, si palpable, qu’il n’y aura plus qu’à se prononcer par oui ou par non, à se déclarer POUR OU CONTRE la Révolution.

En 89, lorsque Siéyès voulut déterminer le mouvement, mettre en branle la Révolution, il commença par en définir l’objet et en montrer le but. Pour cela, son oeuvre fut simple. Il n’eut qu’à présenter au Peuple le tableau des privilèges ou prétendus droits féodaux, des iniquités féodales, des turpitudes cléricales, des corruptions royales, des humiliations sans fin du Tiers-État. Et voilà, s’écria-t-il, ce qu’il s’agit maintenant d’abolir ou de consacrer pour l’éternité.

La réponse fut alors comme la question : elle fut nette et catégorique, et ne se fit pas attendre.

Nous ferons comme Siéyès. Nous présenterons en quelques lignes, claires et précises, le bilan de l’exploitation capitaliste, le bilan de la misère du prolétariat. Et nous dirons comme Siéyès : Voilà, ô sublime Montagne, voilà la Révolution! En voulez-vous ou n’en voulez-vous pas?…

Le Peuple français produit chaque année, pour les besoins de sa subsistance, de son gouvernement et de son luxe, une somme de valeurs d’environ NEUF MILLIARDS.

Neuf milliards, voilà, au maximum, d’après les approximations les plus dignes de foi, le montant de la production nationale.

C’est avec ces neuf milliards que le Peuple doit subvenir à toutes les nécessités de sa consommation, à toutes les dépenses de son gouvernement, à toutes les fantaisies de ses citoyens.

Ces neuf milliards, s’ils étaient également répartis entre les citoyens, au nombre d’à peu près 36 millions, donneraient pour chacun 250 francs par an, 69 centimes par jour et par tête.—Ainsi chaque famille, composée de quatre personnes, aurait pour vivre, d’après cette MOYENNE -, un revenu de 2 fr. 75 cent., 55 sous par jour.

Mais il s’en faut que la moyenne du revenu ou salaire des travailleurs soit de 55 sous par jour et par famille de quatre personnes.

Sur les neuf milliards de produit annuel, le travail, avant de se payer lui-même, doit rembourser au capital, pour prix de sa prestation bénévole :

1° Intérêts et frais d’hypothèques, à 8 pour cent en minimum, sur un capital d’au moins 8 milliards, 960 millions 2° Intérêts et frais d’obligations fiduciaires,

A reporter 960 millions à 6 pour cent, sur un capital d’au moins

4milliards, 249

3° Escomptes du commerce (commissions., frais de protêts, etc., etc., compris,), à 8 P; cent, sur une circulation de 20 milliards, échéance à trois mois, 400

4° Dette publique, flottante et consolidée,, 400

5° Monts-de-Piété42

6° Douane, c’est-à-dire frais de protection du capital national contre la concurrence des capitaux étrangers, primes, différentiels, contrebande, etc., 200

7° Intérêts d’actions de commandite., évalués à 60

8° loyers et fermages, déduction faite des intérêts de la dette hypothécaire, évalués à 5 pour cent, sur un capital de 8 millards, 2,600

9° Budget de l’État et des communes, déduction faite de la dette publique, 1,400

Total é,302 millions

Nous disons 6 milliards 302 millions, que le travail doit prélever sur son produit avant d’acheter le premier morceau de pain, pour acquitter les redevances du capital, les frais de prestation du capital, et les charges de l’État.

Sur cette somme de 6 milliards 302 millions, il convient de détruire 1,302 millions pour le service indispensable de la communauté nationale, et l’amortissement des capitaux engagés chaque année dans la production.

Restent donc CINQ MILLIARDS, net, que coûte chaque année, au peuple travailleur, le parasitisme du capital.

Il suit de là,

Que sur les neuf milliards de produit annuel, cinq milliards, environ 55 pour cent, plus de la moitié, sont régulièrement enlevés au travail pour rémunération du service, vrai ou supposé, qu’il tire du capital ;

Qu’ainsi la moyenne de 69 centimes par jour et par tête, qu’aurait donnée la répartition égale des neuf milliards, s.è réduit à 29 centimes, soit 1 franc 16 centimes pu 23 sous par jour, avec lesquels chaque famille composée de quatre personnes doit subsister.

C’est-à-dire qu’un ouvrier qui gagne 49 francs 25 centimes par semaine, pour vivre, lui, sa femme et deux enfants, ne profite en réalité que de 8 francs 12 centimes ; le surplus, soit 11 francs 13 centimes, étant remboursé par lui au maître de maison, au boulanger, au boucher, au marchand de vin, au percepteur, etc., etc., pour la rétribution du capital.

Et comme les salaires des travailleurs, ainsi que les revenus des capitalistes, sont inégaux, il résulte, en dernière analyse, que pour une partie notable du peuple français, lé montant du salaire ou revenu est fort au-dessous de 29 centimes par jour et par tête : il descend aujourd’hui à 5 centimes 5 millièmes, — CINQ LIARDS PAR JOUR, en nombre rond, ainsi qu’il résulte des comptes de l’administration, dont les secours aux citoyens dans le besoin sont fixés à 12 centimes et demi, le droit à l’assistance, reconnu par la Constitution, combiné avec le droit de propriété, reconnu également parla Constitution, ne permettant de faire ni moins ni plus.

Cinq liards par jour, voilà le minimum que la société garantit à l’ouvrier sans travail ; voilà le droit que, s’il faut en croire certains républicains, le Peuple aurait conquis en février!…

Suivant que les temps sont calmes, que la situation politique semble plus ou moins chanceuse, qu’il plaît au capital de se prêter ou de se refuser, comme dit spirituellement M. Thiers, un nombre plus ou moins considérable de travailleurs se trouve déchu de la moyenne de 29 centimes, et condamné à la portion congrue de cinq liards !

Or, cette condition du travailleur, dans le régime économique actuel, est IRRÉMÉDIABLE. Que la population augmente ou qu’elle diminue ; que le travail abonde ou qu’il devienne plus rare, peu importe. La classe qui travaille n’en aura pas moins à payer à celle qui possède :

Tant pour le loyer de la terre,

Tant pour le loyer des maisons et instruments de travail, amortissement non compris,

Tant pour la prestation fiduciaire et hypothécaire des capitaux,

Tant pour l’escompte des marchandises et effets de commerce,

Tant pour les rentiers de l’Etat,

Tant pour la protection des capitalistes du pays, contre la concurrence des capitalistes étrangers, autrement la douane,

Tant pour la police, pour les juges, les gendarmes, en un mot pour l’État.

Quoi qu’il fasse, et de quelque manière qu’il s’y prenne, le travailleur, tant qu’il est placé sous la commandite du capital, est comme l’abeille que le paysan héberge, comme la brebis à qui il donne une étable. Il faut qu’il paie au capitaliste, pour le loyer du capital, 55 pour cent de son miel, de sa laine et de son lait; et s’il fait la mauvaise tête, s’il s’avise de chagriner son doux seigneur, qu’il se contente pour vivre de cinq liards par jour. Cinq liards ! voilà ce que gagne le travailleur à vivre en domesticité, comme les moutons et les mouches, au lieu de vivre en homme libre I La Montagne, qui répand partout, à l’intérieur et à l’étranger, que nous sommes un Hébert, un Châumette, un faux frère, vendu à Cavaignac, — que veut-elle donc qu’il fasse de nous, Cavaignac? — la Montagne, qui nous appelle orgueilleux, impolitique, rêveur, endormeur, entraveur, apôtre de l’individualisme, de l’égoïsme ; homme à idées fixes, mauvais citoyen, semeur de zizanie, auteur et fauteur de la scission arrivée entre elle et le socialisme, contrerévolutionnaire, que sais-je? défenseur de la propriété, c’est tout dire!… la Montagne a-t-elle jamais, dans sa sagesse, réfléchi sur tout cela? Sait-elle ce que c’est que le travail et ce que c’est que le capital?…

Supposez, par contre, que la fonction, parfaitement inutile, suivant nous, de capitaliste, soit abolie, comme furent abolies en 89 celles de moine et de noble ; — que tout travailleur devienne à lui-même son propre capitaliste, comme en 89 tout citoyen devint son propre suzerain, que résulterait-il de là?

D’abord, les cinq milliards prélevés aujourd’hui sur. les travailleurs par les capitalistes, resteraient à ceux qui les produisent.

En second lieu, les citoyens vivant actuellement du capital seraient amenés à prendre part au travail, par conséquent à produire eux-mêmes cinq milliards qu’ils dévorent, ce qui porterait immédiatement la production de neuf milliards à quatorze.

Enfin, par la suppression de toutes les entraves capitalistes, de tous les droits sur la production, la circulation et la consommation, droits perçus tant par les détenteurs de capitaux que par l’État, le travail serait augmenté de moitié, et, par conséquent, la richesse annuelle doublée.

En sorte que le revenu moyen du travailleur, qui, par les déductions à faire au profit du capital, n’est aujourd’hui, quand les affaires vont bien et que le travail ne manque pas, que de 1 fr. 16 centimes par jour et par famille de quatre personnes, et seulement de 22 centimes quand il y a chômage ; — ce revenu, désormais assuré, continu, équitablement réparti, serait de 5 fr. 52 centimes, soit, par année, 2,014 fr. 80 centimes, au lieu de 423 fr. 40.

Par le doublement de la production et l’égale répartition, le bien-être ou revenu moyen du travailleur serait presque quintuplé!

Voilà, quant à nous, ce qu’est la matière révolutionnaire -, le but et l’objet de la Révolution de février. Pas n’est besoin, pour comprendre cela, d’être d’aucune école. Le communisme, le fouriérisme, n’ont rien à voir ici : il n’y a là dedans ni utopie ni système. C’est de la plus palpable réalité. Ou cela, ou rien. La Révolution; en 89, a détruit la féodalité cléricale et nobiliaire; la Révolution, en 48, abolira-t-elle la féodalité capitaliste ? Telle est la question.

Oui; oui, montagnards, mettez-le-vous bien dans la cervelle ; la Révolution de février n’a pas autre chose à faire que d’abolir la rente, ou pour mieux dire, le SYSTÈME des droits seigneuriaux du capital, et par ce seul fait, de quintupler la fortune du travailleur. Plus tard, quand il sera complètement affranchi, le travail fera sa constitution, comme le Tiers-État fit la sienne, après avoir aboli la féodalité. C’est alors que le Peuple choisira entre les systèmes d’association qui lui seront proposés et qui servent dé matière au progrès. Jusque-là, l’oeuvre du Peuple n’est pas d’organiser, elle est de révolutionner, de démolir.

Oui, il faut que le Peuple le sache, que le gouvernement le sache, que le monde entier le sache : la Révolution de février doit, en centralisant le crédit, abolir peu à peu l’intérêt des capitaux, et donner à tous le crédit et l’escompte pour rien ; — abolir le loyer des maisons et des instruments de travail, et, sauf l’amortissement du capital engagé, donner à tous le logement et les outils pour rien ; — abolir le fermage, et donner au laboureur, par l’association, la terre pour rien ; — changer l’impôt en prestation, par conséquent diminuer le budget de tous les frais que coûte aujourd’hui la perception de l’impôt ; rembourser la dette de l’État, et par suite supprimer l’institution inutile et absurde de l’amortissement ; organiser l’échange de nation à nation, et partant abolir encore la protection coûteuse de la douane.

Encore une fois, ou cela, ou rien. Nous défions qui tjdë ce soit de découvrir autre chose dans la Révolution.

Èh bien! nous en prenons à témoin le Peuple tout entier. Qu’a-t-on fait jusqu’ici pour la Révolution ? ou plutôt que n’a-t-on pas fait pour la déguiser et la pervertir? La Révolution a-t-elle été seulement comprise, nous ne dirons pas par le gouvernement, qui nous a donné le droit à l’assistance, cinq liards par jour aux travailleurs qui sont dans le besoin; — nous ne dirons pas par la presse : nous ne pouvons le dire, nous qui sommes journalistes : la presse, en majorité, ne cesse de calomnier la Révolution ; chaque fois que le travail parle de s’émanciper du capital, elle crie : — Haro ! vous détruisez la famille, vous attaquez la propriété!— mais par la Montagne?

Nous ne faisons point ici de personnalités. Nous connaissons individuellement tous les montagnards, peut-être mieux, qu’ils ne se connaissent eux-mêmes. Nous serons plus juste à leur égard qu’ils ne le sont envers nous. Nous savons ce qu’il y a, dans chacun d’eux, de patriotisme, de dévouement, d’intelligence ou d’instinct révolutionnaire. Mais, qu’ils nous permettent de le leur dire : ils nous ont prouvé une fois de plus, par leur coalition, ce que les académies, ce que toutes les assemblées savantes, politiques ou littéraires nous avaient depuis longtemps appris, c’est qu’une réunion de cinquante hommes de tête e t de coeur peut n’avoir pas le sens commun.

La veille de la Révolution, la Montagne repoussait le socialisme. Ce n’était pas, croyez-le bien, par esprit d’opposition : c’était par politique. Le lendemain de la Révolution, la Montagne se sépara du socialisme : c’était encore par politique. Depuis, la Montagne a fini par se déclarer socialiste ; mais en professant le socialisme, elle n’en a pris que la formule ; elle n’a pas eu le courage d’avouer le fond, el s’est rejetée dans la philanthropie et les palliatifs : c’est toujours par politique.

il s’agit 1° de rendre au travail les cinq milliards suinéuf que lui enlève chaque année le capital ; — 2° de doubler la production du pays ; — 3° de porter de 423 fr. à 2,014 la moyenne de revenu net pour chaque famille ouvrière.

Au lieu de cela, la Montagne offre au Peuple quelques mesquines rognures de budget, six à huit millions, d’après le comité des finances ! elle parle d’impôts sur le revenu mobilier, le revenu net, les successions collatérales, les domestiques, les chiens et autres misères. C’est une centaine de millions, dont, à grand renfort de répartiteurs, de percepteurs, de contrôleurs, d’agents fiscaux et de vexations fiscales, on trouverait PEUT-ÊTRE le moyen de dégrever la contribution de l’ouvrier, en augmentant d’autant celle du capitaliste-propriétaire.

Cent millions sur cinq milliards !

Quelque chose comme UN CENTIME par jour et par tête, “voilà quelle satisfaction révolutionnaire, voilà quel supplément de solde, la Montagne, soi-disant socialiste, parle de donner au Peuple.

Au lieu des cinq liards du gouvernement, la Montagne «n donnera six!

Pour nous, nous le déclarons résolument. Si la révolution de 1848 n’a pas pour but de supprimer le privilège capitaliste, comme la révolution de 89 a supprimé le privilège féodal, la révolution de 1848 est un crime inexpiable, une vengeance du ciel, qu’il faut, non seulement réparer, en rentrant au plus vite dans la vieille ornière, mais pleurer avec des larmes de sang.

Si, au contraire, le Peuple, tout en obéissant à d’aveugles instigateurs, ne s’est pas trompé en février, si depuis neuf mois sa pensée s’est hautement et clairement exprimée sur le sens et le but de la Révolution, il faut croire aussi que le Peuple, qui a conçu le but, a conçu en même temps le moyen.

Ce moyen existe-t-il? Ce moyen est-il praticable? Le travail peut-il s’affranchir de l’usure du capital, comme le Tiers-État s’est affranchi de l’oppression de. la. noblesse et du clergé? Le prolétariat, en un mot, peut-il se dispenser de payer cinq milliards au capital, et de vivre avec cinq liards par jour? .

Nous l’affirmons pour notre compte ; et cette affirmation forme la seconde partie de l’argument que nous adressons à la Montagne.

Oui, la classe travailleuse possède en soi-même le moyen d’opérer son émancipation et de fonder pour toujours son bien-être ; mais c’est ici que la Révolution de 1848 se distingue de la Révolution de 89.

En 89, le Tiers-État n’eut besoin, pour conquérir la liberté et se débarrasser de l’oppression , que de ces deux choses : REFUSER et PRENDRE : refuser l’obéissance aux ordres supérieurs, prendre leurs propriétés, ou, comme l’on disait alors, les biens nationaux.

En 1848, le prolétariat, s’il veut s’affranchir de l’exploitation capitaliste, doit s’y prendre d’une toute autre manière : sa loi révolutionnaire est de S’ABSTENIR. Il faut, disons-nous, que le prolétariat s’abstienne scrupuleusement de toute atteinte, directe ou indirecte, politique, fiscale ou autre, au capital et à la propriété, parce qu’une telle atteinte, sous quelque nom qu’on la déguise, ne serait qu’une manière de reconnaître la prépondérance du capital, une contradiction. C’est en opérant en lui-même et sur lui-même, par l’association, la garantie mutuelle, l’organisation spontanée, que le travail peut triompher du capital.

En 89, le but de la Révolution était le déplacement du pouvoir et de la propriété : c’est pour cela que cette Révolution fut une bataille. En 1848, le but de la Révolution est la démocratisation du pouvoir et la réorganisation de la propriété; c’est pourquoi celte Révolution est une fusion. Or, on n’organise, on ne fusionne qu’avec des principes ; la force et la fraude sont impuissantes à concilier et organiser.

Tel est donc l’argument que nous adressons à la Montagne.

Le but de la Révolution de 1848 est connu : c’est l’abolition complète du privilège propriétaire. . Le moyen d’arriver à cette abolition est également connu : c’est l’association ouvrière, c’est la substitution de la solidarité industrielle à là commandite capitaliste ; c’est la centralisation, par le crédit mutuel, de toutes les forces travailleuses ; c’est, en un mot, l’excommunication de la propriété.

Or, vous n’osez pas, vous, Montagnards, avouer le but de là Révolution : la preuve, c’est que vous vous déclarez partisans, quand même, de la propriété; c’est que vous parlez du crédit comme de vrais propriétaires.

Vous ne reconnaissez pas l’instrument, le moyen de cette Révolution; vos projets de réforme économique, tous empruntés à l’école anglaise, sont là qui l’attestent.

Que pensez-vous donc de la Révolution? Expliquez-vous, car le temps brûle.

Ou plutôt, que ne Jevons-noi:; pas pense de vous, quand, après avoir lu vos déclarations, nous vous voyons faire les plus grands efforts contre le socialisme , refouler ses manifestations, calomnier ceux qui le défendent?…

Vous soufflez, par toutes vos paroles et à tout propos, à propos de la politique du dehors comme de la politique du dedans, l’insurrection au peuple. Soit : que le Peuple s’insurge ! Nous n’avons pas la prétention de pouvoir l’empêcher. Mais, de grâce, nous direz-vous pourquoi il faut que le Peuple s’insurge ? Est-ce pour ajouter un centime aux cinq dont l’a doté la Constitution ?

Plus de réticence : vous êtes POUR OU VOUS êtes CONTRE la Révolution, c’est-à-dire, vous êtes pour ou vous êtes contre la restitution à la classe travailleuse de cinq milliards de rentes ; pour ou contre le doublement du produit national, pour ou contre la moyenne de 2,000 fr. de salaire, à la place des 5 centimes 5 millièmes de l’assistance.

Si vous êtes CONTRE, nous n’avons rien à objecter : toutes les opinions sont à nos yeux également respectables. Nous vous prierons seulement de rayer de votre programme la formule démocratique et sociale.

Si vous êtes POUR, il faut le dire, mais nettement, carrément, comme le négociant qui répond aux offres d’un autre négociant, en répétant les mêmes choses et dans les mêmes termes. Il faut, en le disant, donner votre parole, vos signatures ; il faut donner des gages, car le Peuple est devenu méfiant, et nous, nous sommes Peuple.

Quand vous aurez fait cela, tout dissentiment entre nous aura disparu j toute polémique cessera. Et puisque vous aimez le pouvoir, vous nous trouverez à votre dévotion. Comptez sur nous alors : l’affaire ira bien!…

Argument to the Mountain.

November 20.

When, on February 24, the provisional government was formed, the honorable citizens who were called to be part of it, and several of whom had until then belonged to the constitutional monarchical opinion, did not bargain with the will of the People. They all felt, they proclaimed loudly that the event that had just taken place brought in its wake something more than a Republic, that it had as its logical and necessary consequence a Social Revolution. This idea was reflected in all their decrees.

When the government then occupied itself with sending commissioners to the departments to prepare minds for this great revolution, as it had to replace prefects, sub-prefects, attorneys general, all the removable personnel whose intentions could appear doubtful, those who came to offer their services to the Republic did not hesitate about the character of the Revolution either: they all repeated that in their eyes it was social.

When, two months later, the elections came, and the avalanche of professions of faith fell on the victorious people, the candidates did not fail to say, for the most part, that they were ready to recognize the rights of the worker. They thereby admitted that the Revolution was not only political, but social, that it was only political to the extent that it was social.

The bourgeoisie, at that time, admitted defeat. They felt that the old system was broken, that the poles of society were reversed and the center of gravitation shifted. So the bourgeoisie had taken its side; the People could then obtain from it everything they wanted: the February revolution was declared, hailed, recognized as social; we accepted the definition.

Even today, after all the defections, the betrayals; after the bloody defeat of the democratic and social party, and the restoration of mercantile and financial feudalism, everyone still agrees that the February Revolution must, on pain of nullity, be a social Revolution. Because, if it is not a Social Revolution, it does not have the slightest reason for existence; it is nothing. The whole question is whether we will move on, I mean, whether this Revolution will be accomplished.

How then, if opinion is and has never ceased to be unanimous on the meaning and scope of the February Revolution, how did those who, for four months, were responsible for leading it, only concern themselves with aborting it?

How, if they were revolutionaries and socialists, after having exiled the Social Revolution to Luxembourg on February 25, did they allow it to be flouted, imprisoned, shot, on April 16, May 15, June 26?…

How did the men of the Revolution never know anything but how to get in the way of the Revolution?

How is it that the Republicans, without reproach as long as it is only a question of the political form, are no longer, when it comes to socialism, anything but obscurants and reactionaries?

The country is at this moment like the hardened sinner spoken of in Scripture, who calls for peace! peace! and who can never find peace. We cry: Revolution! revolution! but, thanks to our politicians, there is no revolution!

Let us be allowed to say this, without wanting to put anyone on trial. If the Revolution is hampered, if it has not yet begun, if we are still only at the dawn, it is because we do not know, or, to speak frankly, because we misunderstand the revolutionary matter, because the goal and object of the social revolution are concealed, denied. We accept the name, a new name, which amuses curiosity with its indecision: we do not want the thing, we turn our eyes away for fear of seeing it.

However, we should be heard, or we should be silent. Let the young Mountain, so-called democrat and socialist, go to the clubs and banquets to recruit votes for its candidate; let it pour out in its toasts, its manifestos, its newspapers, its harangues, its oratorial eloquence: all this may testify to an excellent intention, but all this, in truth, is very innocent! The people of the Mountain must know this: they will be nothing, they will represent nothing, neither politics, nor socialism, nor revolution, as long as they have not confessed, before France and before Europe, the goal, the real goal of the February Revolution.

Now, it is this goal that we are going to make known for the hundredth time.

We will say it in such a way that the Mountain cannot be mistaken, and that no one is mistaken, in such a way as to make any ambiguity or evasion impossible. The idea will be so clear, so categorical, so palpable, that all we will have to do is decide yes or no, declare ourselves for or against the Revolution.

In 89, when Siéyès wanted to determine the movement, to set the Revolution in motion, he began by defining its object and showing its goal. For this, his work was simple. He only had to present to the People the picture of the privileges or so-called feudal rights, the feudal iniquities, the clerical turpitudes, the royal corruptions, the endless humiliations of the Third Estate. And this, he cried, is what must now be abolished or consecrated for eternity.

The answer was then like the question: it was clear and categorical, and was not long in coming.

We will do as Siéyès did. We will present in a few lines, clear and precise, the assessment of capitalist exploitation, the assessment of the misery of the proletariat. And we will say like Siéyès: Here, oh sublime Mountain, here is the Revolution! Do you want it or don’t you want it?…

The French people produce each year, for the needs of their subsistence, their government and their luxury, a sum of values of approximately nine billion.

Nine billion is, at most, according to the most reliable approximations, the amount of national production.

It is with these nine billion that the People must provide for all the necessities of their consumption, all the expenses of their government, all the fancies of their citizens.

These nine billion, if they were equally distributed among the citizens, numbering approximately 36 million, would give each of them 250 francs per year, 69 centimes per day per head.—Thus each family, made up of four people, would have to live on, according to this mean, an income of 2 fr. 75 cents, 55 sous per day.

But the average income or salary of workers is far from being 55 cents per day per family of four.

Out of the nine billion annual product, labor, before paying itself, must repay to capital, for the price of its voluntary service:

1. Interest and mortgage costs, at a minimum of 8 percent, on a capital
of at least 8 billion, 960 million

2. Interest and costs of fiduciary obligations, at 6 percent, on a capital
of at least 4 billion, 249

3. Trade discounts (commissions, protest costs, etc., etc., included), at
8 percent, out of a circulation of 20 billion, maturing in three months, 400

4. Public debt, floating and consolidated, 400

5. Pawnshops 42

6. Customs, that is to say costs of protecting national capital against
competition from foreign capital, bonuses, differentials, contraband, etc., 200

7. Sponsorship share interests, valued at 60

8° rents and rents, after deduction of interest on the mortgage debt,
valued at 5 percent, on a capital of 8 billion, 2,600

9° State and municipal budget, after deduction of public debt, 1,400
_______
Total 6,302 million

We say 6 billion 302 million, which labor must take from its product before buying the first piece of bread, to pay the royalties of capital, the costs of providing capital, and the charges of the State.

Of this sum of 6 billion 302 million, it is necessary to destroy 1.302 million for the essential service of the national community, and the amortization of the capital invested each year in production.

This leaves five billion, net, that the parasitism of capital costs the working people each year.

It follows from this,

That out of the nine billion annual product, five billion, approximately 55 percent, more than half, are regularly taken from labor as remuneration for the service, true or supposed, that it derives from capital;

That thus the average of 69 centimes per day and per head, which the equal distribution of the nine billion would have given, is reduced to 29 centimes, or 1 franc 16 centimes or 23 sous per day, with which each family composed of four people must survive.

That is to say that a worker who earns 49 francs 25 centimes per week, to support himself, his wife and two children, in reality only benefits from 8 francs 12 centimes; the surplus, i.e. 11 francs 13 centimes, being reimbursed by him to the master of the house, the baker, the butcher, the wine merchant, the tax collector, etc., etc., for the remuneration of capital.

And as the wages of workers, as well as the incomes of capitalists, are unequal, it results, in the final analysis, that for a notable part of the French people, the amount of wages or income is well below 29 centimes per day and per head: it drops today to 5 centimes 5 thousandths, — five liards per day, in round numbers, as results from the accounts of the administration, whose aid to citizens in need is fixed at 12 centimes and half, the right to assistance, recognized by the Constitution, combined with the right to property, also recognized by the Constitution, allowing neither less nor more to be done.

Five liards a day is the minimum that society guarantees to the unemployed worker; this is the right that, if certain republicans are to be believed, the People would have won in February!…

Depending on whether times are calm, whether the political situation seems more or less fortunate, whether capital is pleased to lend or refuse, as Mr. Thiers wittily says, a more or less considerable number of workers find themselves deprived of their the average of 29 centimes, and condemned to the bare minimum of five liards!

However, this condition of the worker, in the current economic regime, is irremediable. Whether the population increases or decreases; whether work abounds or whether it becomes scarcer, it doesn’t matter. The class which works will no less have to pay to that which possesses:

So much for the rent of the land,

So much for the rent of houses and work instruments, depreciation not included,

So much for the fiduciary and mortgage provision of capital,

So much for the discounting of goods and commercial instruments,

So much for the rentiers of the State,

So much for the protection of the country’s capitalists, against competition from foreign capitalists, otherwise customs,

So much for the police, for the judges, the gendarmes, in a word for the State.

Whatever he does, and in whatever way he goes about it, the worker, as long as he is placed under the patronage of capital, is like the bee that the peasant shelters, like the sheep to whom he gives a barn. He must pay the capitalist, for the rent of capital, 55 percent of his honey, his wool and his milk; and if he makes a bad face, if he decides to upset his gentle lord, let him be content to live on five liards a day. Five liards! This is what the worker gains by living in domesticity, like sheep and flies, instead of living as a free man! The Mountain, which spreads everywhere, at home and abroad, that we are a Hebert, a Chaumette, a false brother, sold to Cavaignac, — what does it want him to do with us, Cavaignac? — the Mountain, which calls us proud, impolitic, dreamer, sleepyhead, hinderer, apostle of individualism, of selfishness; man with fixed ideas, bad citizen, sower of discord, author and instigator of the split between it and socialism, counter-revolutionary, what do I know? defender of property, that says it all!… has the Mountain ever, in its wisdom, reflected on all this? Does it know what labor is and what capital is?…

Suppose, on the other hand, that the function, perfectly useless, according to us, of capitalist, is abolished, as those of monk and noble were abolished in 89; — if every worker becomes his own capitalist, as in 89 every citizen became his own overlord, what would result from that?

First, the five billion taken today from the workers by the capitalists, would remain with those who produce them.

Second, citizens currently living off capital would be led to take part in labor, consequently to produce themselves the five billion that they devour, which would immediately increase production from nine billion to fourteen.

Finally, by the removal of all capitalist constraints, of all rights on production, circulation and consumption, rights collected both by the owners of capital and by the State, labor would be increased by half, and, consequently, annual wealth doubled.

So that the average income of the worker, which is today, through the deductions to be made for the benefit of capital,, when business is good and there is no shortage of work, only 1 franc. 16 cents per day per family of four, and only 22 cents when there is unemployment; — this income, now assured, continuous, equitably distributed, would be 5 francs, 52 centimes, or, per year, 2.014 francs. 80 centimes, instead of 423 fr. 40.

By doubling production and equal distribution, the well-being or average income of the worker would be almost quintupled!

This, for our part, is what the revolutionary matter is, the goal and object of the February Revolution. To understand this, you don’t need to be from any school. Communism, Fourierism, have nothing to do here: there is neither utopia nor system within. It is the most palpable reality. Either that, or nothing. The revolution; in 89, destroyed clerical and noble feudalism; will the Revolution, in 48, abolish capitalist feudalism? That is the question.

Yes; yes, montagnards, get it into your brains; the February Revolution has nothing else to do than to abolish rent, or to put it better, the system of seigniorial rights of capital, and by this alone, to quintuple the fortune of the worker. Later, when it is completely freed, labor will create its constitution, as the Third Estate did its own, after having abolished feudalism. It is then that the People will choose between the systems of association that will be offered to them and which serve as material for progress. Until then, the work of the People is not to organize, it is to revolutionize, to demolish.

Yes, the People must know it, the government must know it, the whole world must know it: the February Revolution must, by centralizing credit, gradually abolish interest on capital, and give everyone credit and discount for nothing; — abolish the rent of houses and tools of labor, and, except for the amortization of the capital invested, give everyone housing and tools for nothing; — abolish renting, and give the plowman, through association, the land for nothing; — change the tax into a benefit, consequently reducing the budget for all the costs that tax collection costs today; repay the State debt, and consequently eliminate the useless and absurd institution of amortization; organize nation-to-nation exchange, and thus further abolish the costly protection of customs.

Again, either that or nothing. We challenge anyone to discover something else in the Revolution.

Well! we call the entire People to witness this. What have we done so far for the Revolution? Or rather what have we not done to disguise and pervert it? Was the Revolution only understood, we will not say by the government, which gave us the right to assistance, five liards a day to workers who are in need; — we will not say through the press: we cannot say it, we who are journalists: the press, for the most part, never ceases to slander the Revolution; every time labor talks about emancipating itself from capital, it cries: — Haro! You destroy the family, you attack property!—but through the Mountain?

We are not making personalities here. We know all the montagnards individually, perhaps better than they know themselves. We will be fairer to them than they are to us. We know what patriotism, devotion, intelligence or revolutionary instinct there is in each of them. But let them allow us to tell them: they have proven to us once again, through their coalition, what the academies, what all the learned, political or literary assemblies had long taught us, that a meeting of fifty men of head and heart may not have common sense.

The day before the Revolution, the Mountain rejected socialism. It was not, believe me, out of a spirit of opposition: it was out of politics. The day after the Revolution, the Mountain separated itself from socialism: it was again out of politics. Since then, the Mountain has ended up declaring itself socialist; but in professing socialism, it only took the formula; it did not have the courage to confess the truth, it threw herself into philanthropy and palliatives: it was always out of politics.

It is a question 1. of returning to labor the five billion that capital takes from it each year; — 2. of doubling the country’s production; — 3. of bringing from 423 fr. to 2014 the average net income for each working family.

Instead, the Mountain offers the People some petty budget cuts, six to eight million, according to the finance committee! It talks about taxes on movable income, net income, collateral inheritances, servants, dogs and other miseries. That’s a hundred million, of which, with the help of dispatchers, collectors, controllers, tax agents and tax harassment, we would perhaps find a way to reduce the worker’s contribution, by increasing as much that of the capitalist-owner.

One hundred million out of five billion!

Something like one centime per day per head, that’s what revolutionary satisfaction, that’s what extra pay, the Mountain, so-called socialist, is talking about giving to the People.

Instead of the government’s five liards, the Mountain will give six!

For us, we resolutely declare it. If the revolution of 1848 does not aim to abolish capitalist privilege, as the revolution of 89 abolished feudal privilege, the revolution of 1848 is an inexpiable crime, a vengeance from heaven, which must not only be repaired, returning to the old rut as quickly as possible, but cry with tears of blood.

If, on the contrary, the People, while obeying blind instigators, were not mistaken in February, if for nine months their thoughts have been loudly and clearly expressed on the meaning and goal of the Revolution, then we must also believe that the People, who conceived the goal, conceived at the same time the means.

Does this means exist? Is this method practicable? Can labor free itself from the usury of capital, as the Third Estate freed itself from the oppression of the nobility and clergy? In a word, can the proletariat avoid paying five billion to capital, and living on five liards a day?

We affirm this on our behalf; and this affirmation forms the second part of the argument that we address to the Mountain.

Yes, the working class has within itself the means of achieving its emancipation and establishing its well-being forever; but it is here that the Revolution of 1848 differs from the Revolution of 89.

In 89, the Third Estate only needed, to win liberty and get rid of oppression, these two things: refuse and take: refuse obedience to superior orders, take their properties, or, as the it was then said, the national property.

In 1848, the proletariat, if it wants to free itself from capitalist exploitation, must go about it in a completely different way: its revolutionary law is to abstain. It is necessary, we say, for the proletariat to scrupulously abstain from any attack, direct or indirect, political, fiscal or otherwise, on capital and property, because such an attack, under whatever name it is disguised, would only be a way of recognizing the preponderance of capital, a contradiction. It is by operating in itself and on itself, through association, mutual guarantee, spontaneous organization, that labor can triumph over capital.

In 89, the goal of the Revolution was the movement of power and property: this is why this Revolution was a battle. In 1848, the goal of the Revolution was the democratization of the power and the reorganization of property; this is why this Revolution is a fusion. Now, we only organize and merge with principles; force and fraud are powerless to reconcile and organize.

This is therefore the argument that we address to the Mountain.

The goal of the Revolution of 1848 is known: it is the complete abolition of proprietary privilege.

The means of achieving this abolition is also known: it is the workers’ association, it is the substitution of industrial solidarity for capitalist sponsorship; it is the centralization, through mutual credit, of all working forces; it is, in a word, the excommunication of property.

Now, you, Montagnards, do not dare to admit the aim of the Revolution: the proof is that you declare yourselves supporters, all the same, of property; is that you talk about credit like true proprietors.

You do not recognize the instrument, the means of this Revolution; your projects for economic reform, all borrowed from the English school, attest to this.

So what do you think of the Revolution? Explain yourself, because time is running out.

Or rather, what should we not think of you, when, after reading your declarations, we see you making the greatest efforts against socialism, repressing its manifestations, slandering those who defend it?…

You whisper, with all your words and in every way, regarding external politics as well as internal politics, insurrection to the people. So be it: let the People rise up! We do not claim to be able to prevent it. But, please, will you tell us why the People must rise up? Is it to add one centime to the five given to it by the Constitution?

No more reticence: you are for or are you against the Revolution, that is to say, you are for or you are against the restitution to the working class of five billion in rents; for or against the doubling of the national product, for or against the average of 2,000 francs salary, instead of the 5 cents 5 thousandths of assistance.

If you are against, we have nothing to object: all opinions are equally respectable in our eyes. We will only ask you to remove the democratic and social formula from your program.

If you are for, you must say it, but clearly, squarely, like the trader who responds to the offers of another trader, by repeating the same things and in the same terms. In saying it, you must give your word, your signatures; you must give pledges, because the People have become suspicious, and we are the People.

When you have done this, all disagreement between us will have disappeared and all controversy will cease. And since you love the power, you will find us devoted to you. Count on us then: things will go well!…

Cavaignac.

5 Décembre.

Il y a quelques jours, nous écrivions les paroles suivantes:

« C’est le socialisme qui nous sépare de Cavaignac : rien que cela! Sans le socialisme, peut-être voterions-nous pour lui, au lieu de voter pour Raspail. Car, sans le socialisme, nous n’eussions jamais eu l’idée d’une République démocratique et sociale ; sans le socialisme, nous n’eussions pas eu les journées de juin, de mai, d’avril; nous n’eussions pas eu les délibérations du Luxembourg, où fut définie la Révolution de février. Sans le socialisme, en un mot, nous ne serions rien, nous n’existerions pas. »

Ces paroles, mal interprétées, commentées par la malveillance, ont paru chagriner quelques-uns de nos amis; elles ont fait crier au scandale nos adversaires.

Nous disions de plus, dans le même article, que l’élection de Cavaignac, chose horrible ! ne nous paraissait pas douteuse : et nous faisions en même temps le calcul approximatif des voix que la démocratie-socialiste, à peine née, se trouve déjà en mesure de donner, tant à Raspail qu’à Ledru-Rollin. C’est ce que l’on a considéré de notre part comme une réclame en faveur de Cavaignac.

Eh bien! nous allons faire entendre, pour l’instruction de nos lecteurs et la malignité de nos ennemis, un bien autre blasphème : nous déclarons aujourd’hui, de la manière la plus formelle, sans détour ni réticence, qu’à l’exception de Raspail, — dont la candidature n’est, on le sait, de notre part, qu’une protestation contre le principe présidentiel, — de tous les candidats, avoués ou tacites, qui peuvent s “offrir au choix du pays, celui que nous souhaitons le plus de voir arriver est le général Cavaignac.

Nous faudra-t-il vingt ans de polémique pour expliquer à ceux qui nous lisent ce que signifie cette grande protestation qui a surgi en France depuis 4830, et qu’on appelle le socialisme? Comprendra-t-on, une fois, qu’engagés irrévocablement dans la question sociale, nous avons dû accommoder notre politique à notre socialisme, et non pas notre socialisme à notre politique? Écoutez done, et pesez bien ce que nous allons vous dire, vous tous que nos idées intéressent, amis ou émules, prolétaires et propriétaires :

Si nous n’étions pas pour la raison, nous serions pour la foi ;

Si nous n’étions avec Voltaire, nous serions avec le pape ; ;

Si nous ne défendions la liberté, nous subirions l’autorité ;

Si nous ne poursuivions l’égalité devant la fortune, nous serions partisans du privilège;

Si nous ne voulions la démocratie, nous accepterions la présidence ; .

Si nous n’étions pour le travail, nous serions pour le capital ;

Si nous ne votions pour Raspail, nous | voterions pour Cavaignac.

Voilà sept propositions qui, pour nous, sont toutes entre elles identiques et adéquates ; la dernière est semblable aux autres : elle ne fait que traduire en noms propres ce que: nous considérons comme les formules abstraites de notre symbole politique et social. IL ÿ a nécessité absolue dans notre esprit de se prononcer pour l’une ou pour l’autre de ces diverses alternatives : le dilemme est inexorable.

Cavaignac représente en ce moment, pour nous, le capital, et, par voie de conséquence, d’analogie ou de similitude, la foi, le pape, l’autorité, le privilège, l’antagonisme politique, autrement dit la présidence : comme Raspail symbolisé à nos yeux le travail, et synonymiquement li raison, la liberté, l’égalité, la démocratie, l’unité.

— Mais, objecte-t-on, Cavaignac n’est pas le seul homme qui représente ces choses : il yen a bien d’autres que lui, dont les noms seraient encore plus significatifs. Pourquoi donc, entre tant de personnages illustres, Bonaparte, Lamartine, Thiérs, Molé, Ledru-Rollin, Larochejacquelein, Montalembert, ces deux derniers, parrains, l’un du duc de Chambord, l’autre de la congrégation des jésuites, aller choisir pour objet de votre opposition le mitrailleur de juin, Cavaignac ? entre tant de héros, Childebrand |

Ab! c’est que chaque siècle a son style propre et son éxpression particulière : c’est qu’au point où nous sommes arrivés de notre développement, ou plutôt de notre décadence civilisée, il n’y a plus qu’une idée qui tienne encore, le Capital; et que Cavaignac est le seul homme qui représente purement, et à l’exclusion de toute autre, celle idée.

Remarquez d’abord que, depuis février, Cavaignac est le seul homme politique qui ait représenté quelque chose. Le gouvernement provisoire représentait le chaos ; la commission exécutive représentait moins encore, elle représentait le néant. Enfin parut Cavaignac, qui dit, en face de l’insurrection : Moi, je suis le capital!

Cavaignac, vous dis-je, représente le capital, mais purement et brutalement, sans mélange de théocratie, monarchie, philanthropie ou autres bagatelles ; le capital dépouillé de ses vieilles formules, réduit à son expression économique; le capital enfin, ni moins, ni plus. Si le principe du capital est le même au fond que celui de lä monarchie, de la papauté ou de leurs diminutifs, l’aristocratie et les jésuites, Cavaignac ne s’en soucie point : il est le capital, voilà tout. | ‘ |:

Entre MM. Bonaparte, Thiers ou Molé, Larochéjacquelein ou Montalembert, Lamartine, Lédru-Rollin et Cavaignac, — Raspail toujours mis à part, — nous préférons donc le dernier. La raison, ce nous semble, est désormais facile à concevoir.

Avec Bonaparte, nous aurions devant nous le capital, plus l’empire, la gloire, les aventures, l’expédition d’Espagne ou de Russie, le silence de la liberté, Siluit terra in conspectu ejus ! — Candidat rétrospectif, question complexe.

Avec MM. Thiers, Molé, O. Barrot lui-même, nous aurions le capital, plus le système constitutionnel, deux pouvoirs égaux, deux chambres, etc. — Candidats à bascule, question complexe.

Avec M. de Montalembert, nous aurions le capital, plus les billets de confession, la soumission du temporel au spirituel, les pèlerinages en Terre-Sainte. — Candida! croisé, question complexe.

Avec M. de Larochejaquelein, nous aurions le capital, plus la légitimité et tous ses droits: — Candidat féodal, question complexe.

Avec M. de Lamartine, nous aurions toutes les contradictions à la fois, capital, monarchie, aristocratie, papisme, etc. — Candidat omniforme, question complexe, indéchiffrable.

Avec M. Ledru-Rollin, nous aurions, ce sont ses amis qui le disent, le capital, plus des tendances anti-capitalistes ; la propriété, avec certaines modifications peu ou point définies; l’économie de l’État, comme dit M. Jean Reynaud, à la place de l’économie de Ja société. Nous faisons trop de cas de l’intelligence de M. Ledru-Rollin pour lui attribuer ces fadaises. Ce n’est pas au moment de la lutte qu’un chef politique se pose en homme de transition, de transaction pour parler plus juste : c’est après la victoire. La candidature de M: Ledru-Rollin en ce moment est plus qu’un non-sens ; c’est une faute. Qu’il nous permiette donc de dire de lui; pour cette fois : Candidat en réserve, question ajournée.

Cavaignac seul représente le capital, sans augmentation ni diminution, sans équivoque, sans accessoire. Il est fils de régicide, simple bourgeois, point infatué de théories constitutionnelles, ni catholique, ni philanthrope. Cavaignac, en un mot, est le soldat du capital. Donc candidat logique, comme Raspail ; question simple.

Cavaignac seul nous convient pour président de la République, nous voulons dire pour adversaire. Avec lui le catholicisme, la royauté, le système féodal, le constitutionnalisme, ne nous embarrassent point; les réticences ne nous compromettent pas. Que le capital, seul en lutte aujourd’hui, soit vaincu, et de toutes les ruines que l’esprit révolutionnaire a accumulées depuis trois siècles, pas une ne se relèvera. . .

Ce que Cavaignac est pour nous, il l’est à ses propres yeux; il le sait, il le sent.. Seul encore, parmi ses compétiteurs, il a l’intelligence nette et sincère de ce que doit être le président de la République.

Nous voulons la république du travail : Cavaignac personnifie la république du capital, et se donne comme tel. En juin, Cavaignac, nommé dictateur, a posé le socialisme en face de lui, comme sa partie adverse: C’est ainsi que. Louis-Philippe, élu roi le 9 août 4830, avait posé comme son antagoniste la République.

La République est venue au bout de dix-huit ans, après que l’idée républicaine eut été suffisamment élaborée par Ja contradiction. Le socialisme commencera à venir lorsqu’il aura trouvé son contradicteur : le jour où Cavaignac sera élu président sera un progrès pour le socialisme. Car, s’il est vrai que les extrêmes se touchent, il l’est encore plus que les contraires se suivent : or, Cavaignac est l’anti-socialiste comme Louis-Philippe était l’anti-républicain : comprenez-vous cela?

Et voilà pourquoi, sans nous inquiéter de la valeur personnelle ni des vertus privées des individus ; sans établir aucune espèce de comparaison entre Lamartine, Thiers, Ledru-Rollin, etc., et Cavaignac, nous n’hésitons.point à dire que nous souhaitons passionnément d’avoir, pour président d’une République qui n’est pas la nôtre, mais aux lois de laquelle nous sommes prêts, comme minorité, à nous soumettre, l’homme qui, de lui-même autant que par la force des circonstances, se pose comme la négation personnifiée du socialisme, qui représente avec le plus de franchise et d’énergie le _ principe contre-révolutionnaire, le. capital.

Avec tout autre que Cavaignac, il nous faudrait disputer de monarchie, théologie, idéologie, constitutionnalisme ou romantisme : avec Cavaignac, la question est admirablement simplifiée, nous n’avons affaire qu’au produit net. Si le produit net succombe en Cavaignac, il entraine irrévocablement avec lui dans sa ruine tous les principes qui n’en. sont que des variantes ou des corollaires : c’est fait de la vieille civilisation et du vieux monde, c’en est fait pour l’éternité.

Que nous importe donc que notre opinion sur la présidence serve à la candidature de Cavaignac, si parmi tant de candidatures insignifiantes ou hostiles, celle-là est la seule qui puisse servir nos intérêts? N’est-il pas évident, pour qui raisonne, qu’il importe avant tout d’affaiblir l’ennemi, en le diminuant de tout ce qui lui servait auparavant de support et d’auxiliaire ; comme un général qui, après avoir coupé l’armée ennemie et enfoncé le centre, a bon marché des deux ailes ? N’est-ce pas ainsi que Cavaignac lui-même a vaincu l’insurrection?.…

Nous savons très bien, du reste, nous socialistes de bonne foi, qui n’aimons pas plus à tromper qu’à nous faire illusion, nous savons que nous.ne formons encore dans le pays qu’une assez faible minorité. Ce que sont dans la presse les organes socialistes aux autres journaux, nous le sommes dans la République au reste des citoyens : un contre dix. Mais nous savons aussi que nous sommes le ferment de la Révolution, le levain qui, dans le temps fixé par le destin, fera lever la pâte sociale. C’est pour cela que nous tenons à nous poser dans l’intégrité de notre principe et dans la plénitude de notre antagonisme ; c’est pour cela que nous voulons, comme symbole de la situation présente, non pas Raspail et Ledru-Rollin, ce qui n’exprimerait qu’une division fratricide ; non pas Ledru-Rollin et Cavaignac, ce qui exprimerait la transaction avant l’opposition; mais Raspail et Cavaignac, le travail et le capital. Serions-nous donc les seuls hommes dans la République à qui il ft interdit de professer hautement leurs opinions, et de les formuler par une candidature ?

Oui, général, vous êtes notre ennemi, et parce que vous êtes notre ennemi, nous nous garderons de vous avilir. Vous nous avez fait trop de mal, pour que, au moment de commencer avec vous cette lutte suprême, nous ne tenions pas à vous grandir encore, à vous élever.

Vous avez été habile, quoi qu’on ait dit, parce que vous avez été vrai.

Vous avez été habile en juin, quand la commission exécutive vous disait : Vous allons avoir une bataille : il faut en finir ! — Il n’a pas tenu à vous, en vérité, que ce né fût fini!

Vous avez été habile quand vous avez appelé MM. Vivien et Dufaure. Votre situation était mal dessinée jusque-là : on pouvait douter encore si le vainqueur de juin avait fait la guerre au socialisme ou à des échappés de bagne. MM. Dufaure et Vivien vous ont donné votre véritable nom, votre véritable signification : vous vous êtes appelé dès lors le capital.

Vous avez été habile, quand, au grand regret de vos amis, et à la grande joie de vos accusateurs, vous avé voulu que l’élection du président de la République fût fixée au 10 décembre. Vous aviez calculé que le délai était plus que suffisant pour vous manifester dans voire essence, et marier à l’intérêt de votre candidature l’intérêt du capital. Vous saviez qu’un gouvernement, quel qu’il soit, est toujours sûr d’avoir la majorité à peine de révolution : or,

le pays, encore chaud de février, de mars, d’avril, de mai, de juin, le pays a peur des révolutions.

Vous avez été habile, quand, à la surprise générale, vous avez défié à la tribune vos adversaires politiques. — Vous saviez encore que vous ne pouviez rencontrer en eux que des complices, qu’autre part étaient vos accusateurs.

Vous êtes habile, quand vous vous refusez obstinément, sous prétexte d’assignats, à toute création de papier de crédit. Tout ce qui peut amoindrir la féodalité capitaliste est contraire à votre principe; et dans l’état actuel des choses, organiser le crédit, ce serait vous suicider. Vous êtes habile, quand, malgré les clameurs de la gauche, vous vous renfermez, vis-à-vis de l’Europe, dans une neutralité imperturbable. Vous savez que ce qui agite l’Europe en ce moment est le socialisme, et votre mission n’est pas de faire, pour le compte du socialisme, une propagande armée. Ceux qu’on fusille à Vienne sont les frères de ceux que vous avez fusillés à Paris : il faut être stupide pour ne pas lé voir.

Vous êtes habile, et qui plus est, vous êtes heureux quand vous offrez au saint-père l’hospitalité de la République : parce que la République à laquelle vous allez présider, n’est autre chose que la République du capital, la République très chrétienne, entendez-vous, dont le centre ne sera plus désormais à Rome, mais, comme le voulait l’’Empereur, à Paris. J1 y a longtemps que le catholicisme a fait, en occident, un pacte avec l’usure : ce pacte, vous allez le renouveler par l’union mystique des noms de Pie IX et de Cavaignac.

Suivez donc, sans broncher, votre ligne; faites chaque jour acte de gouvernement; agissez, pendant que vos compétiteurs, réduits à promettre ce que vous exécutez avec tant de résolution, couchent à la porte des électeurs.

Mais sachez une chose.

En défendant le capital, vous. êtes condamné à reconstruire tous ces vieux principes dont l’élimination successive vous à fait ce que vous êtes : d’abord Ja monarchie conslitutionnelle, celte pitoyable sottise des idéologues politiques; — ensuite la légitimité, à laquelle ne croient plus ses propres partisans ; — après, la féodalité, enterrée il y a plus de deux siècles par Richelieu ; — puis, la suprématie temporelle et spirituelle du pape, souffletée par Philippe-le-Bel, et démonétisée par Luther.

Sur le terrain du capital, il n’y a point d’arrêt pour vous. Ou vous rétrograderez jusqu’à la théocratie, ou vous serez absorbé par le socialisme. À peine de finir misérablement comme un Louis-Philippe, il faut que le président de la République devienne, ou pour le pape un Charlemagne, ou pour le socialisme, un Constantin. Mais, Charlemagne, c’est impossible, Constantin, vous n’en voulez pas. Louis-Philippe !.… sera-ce donc là, ô Cavaignac, votre destinée ?… [1]


1. Cavaignac n’a point été élu président de la République : à cet égard, les prévisions de l’auteur ont été trompées. Mais l’élection de Louis Bonaparte n’a fait que donner plus de force à ses raisonnements : à peine au pouvoir, Louis Bonaparte s’est déclaré le continuateur de Cavaignac. Louis Bonaparte, forcé de renoncer à ses fantaisies impérialistes et dynastiques, ne représente, comme Cavaignac, que le capital. C’est ce qui fait le triomphe de ce dernier, et la justification de l’écrivain. (Note de l’éditeur.)

Cavaignac.

December 5.

A few days ago we wrote the following words:

“It is socialism that separates us from Cavaignac: nothing but that! Without socialism, perhaps we would vote for him, instead of voting for Raspail. Because, without socialism, we would never have had the idea of a democratic and social Republic; without socialism, we would not have had the days of June, May, April; we would not have had the deliberations in Luxembourg, where the February Revolution was defined. Without socialism, in a word, we would be nothing, we would not exist.”

These words, misinterpreted, commented on with malice, seemed to upset some of our friends; they made our adversaries cry scandal.

We also said, in the same article, that the election of Cavaignac — a horrible thing! — did not seem doubtful to us; and, at the same time, we made an approximate calculation of the votes that the socialist democracy, barely born, is already in a position to give, both to Raspail and to Ledru-Rollin. This is what was considered an advertisement in favor of Cavaignac.

Well! We are going to make heard, for the instruction of our readers and the malignity of our enemies, a very different blasphemy: we declare today, in the most formal manner, without detour or reluctance, that with the exception of Raspail, — whose candidacy is, as we know, on our part, only a protest against the presidential principle, — of all the candidates, avowed or tacit, who can offer themselves to the choice of the country, the one that we wish the most to see arrive is General Cavaignac.

Will it take us twenty years of controversy to explain to those who read us what this great protest which has arisen in France since 1830, which we call socialism, means? Will it be understood, once, that irrevocably committed to the social question, we had to adapt our politics to our socialism, and not our socialism to our politics? Listen now, and think carefully about what we are going to say to you, all of you who are interested in our ideas, friends or followers, proletarians and proprietors:

If we were not for reason, we would be for faith;

If we were not with Voltaire, we would be with the Pope;

If we did not defend freedom, we would submit to authority;

If we did not pursue equality in the face of fortune, we would be partisans of privilege;

If we did not want democracy, we would accept the presidency;

If we were not for labor, we would be for capital;

If we did not vote for Raspail, we would vote for Cavaignac.

Here are seven propositions that, for us, are all identical and adequate; the last is similar to the others: it only translates into proper names what we consider to be the abstract formulas of our political and social symbol. There is an absolute necessity in our minds to decide for one or the other of these various alternatives: the dilemma is inexorable.

Cavaignac represents at this moment, for us, capital, and, consequently, by analogy or similarity, faith, the pope, authority, privilege, political antagonism, in other words the presidency: as Raspail symbolizes in our eyes work, and synonymously reason, freedom, equality, democracy, unity.

— But, some object, Cavaignac is not the only man who represents these things: there are many others besides him, whose names would be even more significant. Why then, among so many illustrious people, — Bonaparte, Lamartine, Thiers, Molé, Ledru-Rollin, Larochejacquelein, Montalembert, the latter two, patrons, one of the Duke of Chambord, the other of the congregation of the Jesuits, — go and choose as the object of your opposition the machine-gunner of June, Cavaignac? Among so many heroes, Childebrand|

Ah! It is because each century has its own style and its particular expression: it is because at the point where we have arrived in our development, or rather in our civilized decadence, there is only one idea that still holds, Capital, and because Cavaignac is the only man who represents purely, and to the exclusion of all others, this idea.

Notice first that, since February, Cavaignac is the only politician who has represented something. The provisional government represented chaos. The executive commission represented even less; it represented nothingness. Finally Cavaignac appeared, who said, in the face of the insurrection: Me, I am capital!

Cavaignac, I tell you, represents capital, but purely and brutally, without mixture of theocracy, monarchy, philanthropy or other trifles; capital stripped of its old formulas, reduced to its economic expression; capital finally, no less, no more. If the principle of capital is basically the same as that of the monarchy, the papacy or their diminutives, the aristocracy and the Jesuits, Cavaignac does not worry about it: he is capital, that is all.

Between MM. Bonaparte, Thiers or Molé, Larochéjacquelein or Montalembert, Lamartine, Lédru-Rollin and Cavaignac, — Raspail always aside, — we therefore prefer the last. The reason, it seems to us, is now easy to conceive.

With Bonaparte, we would have before us capital, plus the empire, the glory, the adventures, the expedition to Spain or Russia, the silence of liberty, Siluit terra in conspectu ejus! — Retrospective candidate, complex question.

With MM. Thiers, Molé, O. Barrot himself, we would have capital, plus the constitutional system, two equal powers, two chambers, etc. — Seesawing candidates, complex question.

With Mr. de Montalembert, we would have the capital, plus the confession notes, the submission of the temporal to the spiritual, the pilgrimages to the Holy Land. — Candidate, of the cross complex question.

With Mr. de Larochejaquelein, we would have the capital, plus the legitimacy and all its rights: — Feudal candidate, complex question.

With M. de Lamartine, we would have all the contradictions at once, capital, monarchy, aristocracy, popery, etc. — Omniform candidate, complex, indecipherable question.

With Mr. Ledru-Rollin, we would have, — it is his friends who say it, — capital, plus anti-capitalist tendencies; property, with certain poorly defined or undefined modifications; the economy of the State, as Mr. Jean Reynaud says, in place of the economy of society. We value Mr. Ledru-Rollin’s intelligence too highly to attribute this nonsense to him. It is not at the moment of struggle that a political leader poses as a man of transition, of compromise to put it more accurately: it is after victory. The candidacy of M. Ledru-Rollin at this moment is more than nonsense; it is a mistake. Let him therefore allow us to say of him; for this time: Candidate in reserve, question postponed.

Cavaignac alone represents capital, without increase or decrease, unequivocally, without accessories. He is the son of a regicide, a simple bourgeois, not infatuated with constitutional theories, neither Catholic nor philanthropist. Cavaignac, in a word, is the soldier of capital. Thus logical candidate, like Raspail; simple question.

Cavaignac alone suits us as President of the Republic, we mean as an adversary. With him Catholicism, royalty, the feudal system, constitutionalism, do not embarrass us; reluctance does not compromise us. Let capital, alone in struggle today, be defeated, and of all the ruins that the revolutionary spirit has accumulated over three centuries, not one will rise again.

What Cavaignac is to us, he is to his own eyes; he knows it, he feels it. Still alone, among his competitors, he has the clear and sincere understanding of what the President of the Republic should be.

We want the republic of labor: Cavaignac personifies the republic of capital, and presents himself as such. In June, Cavaignac, appointed dictator, posed socialism in front of him, as its opposing party. This is how Louis-Philippe, elected king on August 9, 4830, had posed the Republic as his antagonist.

The Republic came after eighteen years, after the republican idea had been sufficiently developed by the contradiction. Socialism will begin to come when it has found its opponent: the day Cavaignac is elected president will be a progress for socialism. Because, if it is true that the extremes touch, it is even more true that the opposites follow each other. Now, Cavaignac is the anti-socialist as Louis-Philippe was the anti-republican. Do you understand that?

And this is why, without worrying about the personal value or the private virtues of individuals; without establishing any kind of comparison between Lamartine, Thiers, Ledru-Rollin, etc., and Cavaignac, we do not hesitate to say that we passionately wish to have, as president of a Republic that is not ours, but to whose laws we are ready, as a minority, to submit, the man who, by himself as much as by the force of circumstances, poses as the personified negation of socialism, who represents with the most frankness and energy the counter-revolutionary principle, capital.

With anyone other than Cavaignac, we would have to argue about monarchy, theology, ideology, constitutionalism or romanticism: with Cavaignac, the question is admirably simplified, we are only dealing with the net product. If the net product succumbs in Cavaignac, it irrevocably takes with it into its ruin all the principles that are only variants or corollaries of it: the old civilization and the old world are over, they are over for eternity.

So what does it matter to us that our opinion on the presidency serves Cavaignac’s candidacy, if among so many insignificant or hostile candidacies, this is the only one that can serve our interests? Is it not obvious, to those who reason, that it is important above all to weaken the enemy, by reducing him of everything that previously served as support and auxiliary; like a general who, after having cut off the enemy army and broken through the center, takes advantage of both wings? Isn’t this how Cavaignac himself defeated the insurrection?…

We know very well, moreover, we socialists in good faith, who like no more to deceive than to delude ourselves, we know that we still only form a fairly small minority in the country. What the socialist organs are in the press to other newspapers, we are in the Republic to the rest of the citizens: one against ten. But we also know that we are the ferment of the Revolution, the leaven that, in the time fixed by destiny, will make the social dough rise. This is why we want to position ourselves in the integrity of our principle and in the fullness of our antagonism. This is why we want, as a symbol of the present situation, not Raspail and Ledru-Rollin, which would only express a fratricidal division; not Ledru-Rollin and Cavaignac, which would express the transaction before the opposition; but Raspail and Cavaignac, labor and capital. Would we therefore be the only men in the Republic who were forbidden to loudly profess their opinions, and to formulate them through a candidacy?

Yes, general, you are our enemy, and because you are our enemy, we will be careful not to degrade you. You have done us too much harm for us to wish, when we begin this supreme struggle with you, to grow you further, to elevate you.

You were skillful, whatever anyone said, because you were true.

You were skillful in June, when the executive commission told you: We are going to have a battle: we must finish it! — It really didn’t matter to you that it was not finished!

You were skillful when you called MM. Vivien and Dufaure. Your situation was poorly defined until then: it was still doubtful whether the victor of June had waged war on socialism or on escapees from prison. MM. Dufaure and Vivien gave you your real name, your real meaning: from then on you called yourself capital.

You were skillful when, to the great regret of your friends, and to the great joy of your accusers, you wanted the election of the President of the Republic to be fixed for December 10. You had calculated that the time limit was more than sufficient to express yourself in your essence, and to combine the interest of your candidacy with the interest of capital. You knew that a government, whatever it may be, is always sure of having a majority on the verge of a revolution: however, the country, still hot from February, March, April, May, June, the country is afraid of revolutions.

You were skillful when, to everyone’s surprise, you challenged your political adversaries from the platform. — You still knew that you could only find among them accomplices, that on the other hand there were your accusers.

You are skillful when you stubbornly refused, under the pretext of assignats, to any creation of credit paper. Anything that can diminish capitalist feudalism is contrary to your principle; and in the current state of things, organizing credit would be committing suicide.

You are skillful when, despite the clamors of the left, you confined yourself, with regard to Europe, to imperturbable neutrality. You know that what is agitating Europe at the moment is socialism, and your mission is not to carry out armed propaganda on behalf of socialism. Those who are shot in Vienna are the brothers of those you shot in Paris: you have to be stupid not to see that.

You are skillful, and what is more, you are fortunate when you offer the holy father the hospitality of the Republic: because the Republic over which you are going to preside is nothing other than the Republic of capital, the very Republic Christian, you understand, whose center will no longer be in Rome, but, as the Emperor wanted, in Paris. It has been a long time since Catholicism in the West made a pact with usury: you are going to renew this pact with the mystical union of the names of Pius IX and Cavaignac.

So follow your line without flinching; perform an act of government every day. Act, while your competitors, reduced to promising what you execute with so much resolution, sleep at the voters’ doors.

But know one thing.

By defending capital, you. you are condemned to rebuild all these old principles whose successive elimination has made you what you are: first of all, constitutional monarchy, that pitiful stupidity of political ideologues; — then legitimacy, in which its own supporters no longer believe; — afterward, feudalism, buried more than two centuries ago by Richelieu; — then, the temporal and spiritual supremacy of the pope, beaten down by Philip the Fair, and demonetized by Luther.

In the field of capital, there is no stopping for you. Either you will backslide to theocracy, or you will be absorbed into socialism. On pain of ending up miserably like a Louis-Philippe, the President of the Republic becomes, either for the Pope a Charlemagne or for socialism a Constantine. But, Charlemagne, that is impossible, and Constantine, you don’t want it. Louis-Philippe!… will this then, O Cavaignac, be your destiny?… [1]

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1. Cavaignac was not elected President of the Republic: in this regard, the author’s predictions were wrong. But the election of Louis Bonaparte only gave more force to his reasoning: barely in power, Louis Bonaparte declared himself the successor of Cavaignac. Louis Bonaparte, forced to renounce his imperialist and dynastic fantasies, represents, like Cavaignac, only capital. This is what constitutes the triumph of the latter, and the justification of the writer. (Editor’s note.)

Louis-Napoléon Bonaparte.

17 Décembre.

Nous avons combattu la candidature de Louis-Napoléon par les moyens qui étaient en notre puissance, la polémique et le vote.

Toute question de personnes mises à part, nous savions, et nul ne pouvait l’ignorer, que l’élection de Louis-Napoléon, posée par la réaction, soutenue par la réaction, ne pouvait profiter qu’à la réaction. A priori, donc, nous devions nous prononcer contre cette candidature.

D’accord ensuite avec le comité électoral central de Paris, qui crut devoir, au lieu de s’abstenir, intervenir dans le vote ; nous voulûmes , en choisissant un candidat, élever le chiffre de la majorité absolue, et par là rendre plus difficile l’avénement de Bonaparte.

Tout le monde, dans le parti démocratique et social, semblait si bien d’accord de cette tactique, que, lorsqu’il s’agit de choisir un candidat, symbole de leur protestation, il fut unanimement reconnu que l’homme sur lequel seraient appelés les suffrages des démocrates ne pouvait être qu’un candidat honoraire : M. Ledru-Rollin, dans une lettre adressée au comité, l’a formellement reconnu.

Cavaignac était donc le pis-aller de la démocratie , qui, mieux inspirée alors qu’elle ne le fut plus tard, voulait avant tout, en sauvant l’intégrité de la forme, se ménager le travail plus facile pour la réforme du fonds.

Nous entrâmes franchement dans cette voie, dont nous n’avions point pris l’initiative ; et, en faisant Le sacrifice de notre opinion personnelle, nous donnâmes l’exemple de la discipline. Le but de notre vote ainsi marqué, peu nous importait le candidat ; il était même égal pour nous qu’il y en eût deux ou un seul : toute la question était de connaître nos forces et d’écarter Napoléon.

Depuis, nous avons pu juger, à la vivacité de l’opposition qui nous fut faite au sujet de la candidature de Raspail, que plusieurs de nos co-réligionnaires politiques, tout en signant la foi démocratique et sociale, et faisant serment de haine à la présidence, cachaient la pensée, coupable à nos yeux parce qu’elle était aussi contraire au socialisme qu’à la démocratie, de faire aboutir leur candidat. La candidature de M. Ledru-Rollin, qui ne devait être, comme celle de Raspail, qu’une simple protestation, devint tout à coup une candidature sérieuse , aussi sérieuse, par conséquent aussi menaçante, aussi hostile pour nous que celles de Napoléon et de Cavaignac. C’était une apostasie contre laquelle notre devoir était de protester, une combinaison machiavélique que nous avons combattue de tous nos efforts, mais que nous ne nous vantons pas d’avoir fait échouer : la minorité flagrante du parti. démocratique el social rendant, pour le moment, l’échec inévitable.

Au reste, pour mettre fout le monde à l’aise et ne rien déguiser de notre pensée, nous dirons sans feinte qu’indépendamment de notre fidélité inviolable au principe anti-présidentiel, si la candidature de M. Ledru-Rollin avait eu la moindre chance de succès, et qu’il eût dépendu de nous de la faire avorter, nous l’eussions fait. Nous n’avons pas plus de confiance aux idées que représente aujourd’hui M. Ledru-Rollin qu’à celles représentées par le National et Cavaignac. M. Ledru-Rollin, — nous voulons dire la fraction démocratique dont il est le chef, — n’a pas fait une assez longue quarantaine dans le lazaret socialiste pour que nous le croyions déjà transformé, purifié de cette rouille politique qui a a produit tous les échecs de la Révolution depuis février.

Ainsi donc, si aujourd’hui Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de k République, la responsabilité ne peut nous en revenir. Elle est tout entière à ceux qui, mangeant le mot d’ordre, ont voulu exploiter : à leur profit l’horreur qu’inspirait Cavaignac, et gui, ne pouvant faire croire à leur succès, ont précipité vers Napoléon la plupart des démocrates.

Qu’on essaie, maintenant, d’atténuer la portée du vote; qu’on l’explique, qu’on le torture, qu’on l’excuse, il n’en demeurera pas moins vrai que le fruit appartient tout entier à la réaction : car, en toute guerre, ceux-là seuls profitent de la victoire qui ont tenu le drapeau dans le combat. La démocratie socialiste a commis la même faute que le parti légitimiste, qui, lui aussi, a voté, par tactique, pour Napoléon, croyant servir les intérêts de Henri V, et qui n’a fait autre chose que couronner le prétendant bonapartiste à la place du sien.

Quoi qu’il en soit, Louis-Napoléon Bonaparte est président. C’est le président de la réaction , non pas de la réaction légitimiste, qui s’est annihilée en lui portant ses voix; non pas de la réaction jésuitique, réduite, depuis 89, à se dissimuler soys tous les gouvernements et à chanter le Domine salvum fac pour tous les princes ; non pas même de la réaction financière et bourgeoise, qui depuis juin s’était personnifiée en Cavaignac ; mais de la réaction monarchique-constitutionnelle, qui, sur ce pivot de la présidence, s’apprête à reconstruire le système à bascule brisé en février.

Voilà ce que, de par la loi du vote, est pour nous Napoléon.

En vain vous protesterez, démocrates; en vain yous essaierez de pallier votre défaite par les calculs d’une misérable tactique. Louis-Napoléon vous dirait , le sénatus-consulte de 1804 et l’acte additionnel de 1815 à la main : Je suis le vrai monarque constitutionnel qui devait régner sur la France. Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe n’ont été que des intrus, des usurpateurs contre lesquels le Peuple a protesté en juillet 1830 et février 1848, comme il vient de ‘protester, en me choisissant pour président, contre la République du Luxembourg et des 45 centimes. La restauration et le dernier règne n’ont été qu’une surprise de l’histoire, ‘un vol fait à la famille du grand Napoléon. Est-il surprenant ‘que cet admirable système constitutionnel, œuvre de Siéyès et de l’Empereur, exploité par le mensonge, n’ait produit que le mensonge , et qu’il ait été balayé par deux révolutions? Français, vous n’avez pas vécu depuis 1814: À recommencer avec moi !…

Tel pourrait être le discours de Louis-Napoléon, appuyé sur son parrain le Constitutionnel et sa marraine la Presse, et escorté de cinq millions et demi de suffrages ! Recommençons donc, puisqu’’ainsi l’a voulu le Peuple. La voix du Peuple, dit-on , est la voix de Dieu : cette idée nous revient sans cesse depuis que nous voyons fonctionner le suffrage universel. Il faut convenir pourtant que le Peuple a parlé cette fois comme un homme ivre. Mais, dit le proverbe, il est un dieu pour les ivrognes. Recommençons. Combien durera l’expérience ? C’est ce qu’il s’agit de calculer.

S’il n’est pas douteux que l’élection de Napoléon-Louis soit un retour vers le système monarchico-constitutionnel , aux trois pouvoirs balancés, à l’allure équivoque et bourgeoise ; il est certain aussi qu’il y a dans cette élection quelque chose qui en amortit singulièrement l’effet, disons même qui en condamne le principe. Napoléon le Jeune, de même que Napoléon le Grand, porte avec lui l’idée, le dard “qui le tuera. Notre devoir, à nous démocrates socialistes, loyaux adversaires, qui ne voulons pas la mort du pouvoir, mais qu’il se convertisse, est de dégager publiquement cette idée. Notre plan de campagne était fait d’avance contre Cavaignac : nous allons dire quel il sera contre Napoléon, si, dans le labyrinthe où il vient de s’engager, Napoléon se trompe de route !

Dans l’élection de Louis Bonaparte nous faisons deux parts, ou, pour employer le style des gens d’affaires , nous établissons deux comptes : l’un qui comprend tous les progrès de la réaction triomphante sous l’emblème de Bonaparte, et qui se résume dans celte expression décisive, monarchie constitutionnelle ; — l’autre , qui contient toutes les obligations contractées envers le pays et les électeurs par le prétendant. Le premier de ces comptes forme, pour ainsi dire, l’actif, le second forme le passif de la présidence.

Nous savons suffisamment , par l’expérience des trente-trois dernières années, en quoi consiste l’actif : — voyons un peu quel est le passif.

Dans son manifeste aux électeurs, Louis-Napoléon Bonaparte a dit entre autres choses, que son unique ambition était, après avoir rendu la République heureuse et prospère, de rendre, à l’expiration des quatre années de sa présidence, le pouvoir, tel qu’il le reçoit aujourd’hui, à son successeur.

Par ces paroles, Louis-Napoléon a fait acte d’adhésion formelle, non-seulement à la République, mais à la Constitution. Il s’est engagé à respecter et à faire respecter la Constitution. Il a abjuré toute prétention monarchique, toute arrière-pensée contre-révolutionnaire. Et ceux qui ont voté pour lui, ont fait, comme lui, acte d’adhésion à la République à la Constitution.

C’est une première obligation , une première dette, qui engage l’avenir de Louis Bonaparte, qui l’arrête tout court sur la ligne où le porte fatalement le sens politique de son élection. — Louis Bonaparte ; par le principe de sa candidature, bien plus encore que par son inclination, tend à rétablir la monarchie constitutionnelle, et, comme LouisPhilippe, à fonder une autre dynastie. Par les articles de son manifeste, au contraire, et par le principe de vote, il s’est obligé à rendre au bout de quatre ans la Constitution présidentielle en l’état où il l’aura reçue : je voudrais savoir comment lui et ses conseillers peut satisfaire en même temps au voeu du principe et au devoir de l’engagement ?…

Ce n ‘est pas tout.

Louis Bonaparte , qui, depuis son entrée à l’Assemblée nationale, a constamment gardé un silence prudent ; quia su avec tant d’habileté se taire, alors que tout le provoquait à parler ; Louis Bonaparte n’a pas eu toujours la même réserve. Il a eu dans sa vie le malheur d’écrire : il a écrit des choses singulièrement hasardées, et ces choses-là, bien loin de les dissimuler, il les a reproduites à l’occasion de sa candidature ; il s’en est servi comme d’un levier électoral ; elles font partie de son manifeste, car elles l’accompagnaient. Nous voulons parler ici surtout de la brochure intitulée : Extinction du paupérisme.

Un Bonaparte doit savoir ce qu’il dit. L’extinction du paupérisme, c’est l’émancipation du prolétariat; c’est le droit au travail ; c’est la société sens dessus dessous. Bonaparte, en un mot, n’a fait ni moins ni plus que Raspail et Ledru-Rollin. : pour obtenir des voix, il s’est fait socialiste. Ainsi l’ont compris les paysans et ouvriers qui ont donné leurs voix à Louis-Napoléon.

Vive la République ! criaient les uns : Amnistie ! disaient les autres. A bas Cavaignac ! à bas les riches ! c’était le refrain de la majorité. Les plus déterminés ajoutaient : Nous lui donnons six mois ! doublant le terme assigné au gouvernement provisoire par les insurgés de février.

Tout cela, qu’est-ce autre chose que le commentaire du Manifeste et de l’Extinction du paupérisme ?

Vive la République ! donc, à bas l’empire ! à bas la monarchie constitutionnelle, bâtarde de l’Empire et de la République !

Amnistie ! c’est-à-dire : Rendez-nous Barbès, Raspail, Blanqui, Caussidière, Louis Blanc. Rendez-nous les transportés de Brest, de Cherbourg et de Rochefort, Oublions nos querelles dé mars, d’avril, de mai, de juin, de décembre ! Amnistie ! Ah ! président de la République, si vous avez jamais pressé là main du prolétaire, si votre cœur a battu sur sa poitrine, ce sera de toutes vos dettes la plus douce à acquitter, la moins périlleuse ! L’amnistie vous fera durer autant que vos quatre Millions de suffrages.

A bas Cavaignac ! c’est-à-dire, à bas le capital! A bas les riches ! traduisez : A bas les pauvres! à bas l’exploitation de l’homme par l’homme! à bas la misère ! — Les représentants du Peuple, dévoués à là conservation du monopole, étaient allés solliciter en faveur de Cavaignac.—Non ! non ! point de Cavaignac, leur ont répondu les paysans : Vive Napoléon! A bas les riches !

La République, la Constitution, l’amnistie, l’extinction du prolétariat, l’organisation du travail ; voilà ce que nous appelons, nous, le passif de la présidence.

Maintenant il s’agit, pour le nouvel élu, de faire honneur à sa signature. Avec quoi paiera-t-il, le citoyen président ? Comment pensez-vous qu’il satisfasse à toutes ces demandes, qu’il remplisse ces promesses, qu’il acquitte ces obligations, qu’il évite le protêt à l’échéance? Croyez-vous que ce soit avec là remise de quelques impôts, qu’il faudrait immédiatement remplacer par d’autres, que Louis Bonaparte donnera le change à ses créanciers?

L’impôt sur le sel, la gabelle, produit au trésor 56 millions. Je suppose cet impôt intégralement aboli et la consommation doublée : ce sera comme si Louis Bonaparte faisait don au Peuple, qui l’a élu, de 116 millions par an.

L’impôt sur les boissons produit 103 millions. Je suppose cet impôt aboli, et la consommation doublée, c’est-à-dire l’usage ou bénéfice du vin augmenté du double pour le consommateur qui s’en prive, et par conséquent la vente doublée pour le vigneron qui ne sait qu’en faire : ce sera comme si Louis Bonaparte faisait un nouveau don au Peuple de 206 millions.

Je porte à 400 millions les. droits d’octrois et de douanes sur la viande, les céréales et autres substances alimentaires. Supposant ces droits abolis, et la consommation doublée : bénéfice. pour le Peuple : 200 millions.

Les droits sur les sucres produisent 70 millions. — Supposons celte perception abolie et la consommation doublée : ce sera un. nouveau surcroît de bien-êlre pour le Peuple de 440 millions. .

Ensemble 662 millions dont il faudrait dégrever immédiatement le budget des communes et de l’État, dans l’intérêt du bien-être et de la santé publics !

Six cent soixante-deux millions divisés par 36 millions de citoyens, et 365 jours dont se compose l’année, donnent au quotient, — comme expression arithmétique de l’amélioration physique, morale et intellectuelle du Peuple, obtenue par l’abolition de 662 millions d’ impôts, _— cinq centimes dix millièmes par jour et par tête !..

Mais ce résultat est exagéré, parce que les 662 millions défalqués au profit de la classe travailleuse devront être reportés sur la classe riche : c’est-à-dire que pour combler le déficit du budget il faudra augmenter ou créer d’autres impôts ; or, c’est ici que la question se complique et que l’embarras augmente.

L’impôt foncier ne peut pas subir d’accroissement : ce ne sont pas seulement les 45 centimes de la République qu’il faudrait en retrancher, ce seraient plutôt 90 centimes.

La patente est dans le même cas.

La personnelle et mobilière peut être rendue progressive au moyen d’un impôt sur le revenu : on évalue à 60 millions la recette qu’on en tirerait.

L’enregistrement et le timbre sont déjà excessifs : seulement on pourrait, par le procédé Goudchaux, faire rendre

davantage au droit établi sur les successions collatérales : soit 20 millions par an.

Tabacs, postes. droits de navigation et transit, déjà trop forts : pas d’augmentation possible.

Soient donc 80 millions à déduire des 662 dontil faudrait dégrever la consommation du Peuple ; ce qui ramène à cinq centimes, au lieu de cinq centimes six dixièmes , la somme de bien-être que pourrait donner au Peuple l’abolition des quatre catégories d’impôts que nous avons précédemment énumérées ; impôt sur le sel, impôt sur les boissons, impôt sur la viande et les céréales, impôt sur les sucres.

Ainsi, pour donner au Peuple cinq centimes de revenu par jour et par tête, on endetterait chaque année l’État de 582 millions ! Mais comme l’État ne peut pas plus se passer de budget que la société ne peut se passer de ‘gouvernement, il arriverait infailliblement, avant l’expiration de la première année, ou que tous les impôts seraient rétablis, et par conséquent la misère ramenée au statu quo; — où que l’État ferait banqueroute, c’est-à-dire que la nation n’aurait plus de gouvernement, chose impossible dans une république à présidence.

Au lieu de 662 millions, ne diminuez que la moitié, le tiers ou le quart; faites telle combinaison et compensation que vous voudrez : vous ne sortirez jamais de ce cercle de la misère du Peuple et de la banqueroute de l’État.

On parle en ce moment d’un emprunt de 500 millions, à 6 pour cent, sous la caution de l’empereur Nicolas ! — J’admets que cet emprunt soit rempli demain. Quand vous aurez comblé le déficit déjà connu pour l’année 1848, et le déficit prévu pour l’année 1849, il ne restera des 500 millions empruntés qu’une rente annuelle de 30 millions à ajouter au budget de la République et à répartir entre les travailleurs. Tel est le résultat le plus clair, le plus net, qui puisse nous advenir de la nomination de Napoléon.

‘ Je demande donc à Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française :

Avez-vous de quoi faire face à vos obligations électorales ? 14. — 246 —

Et sans m’enquérir des questions politiques, faciles à résoudre quand vous aurez résolu le problème de la misère, pouvez-vous, dites-moi, réduire des trois quarts votre budget, doubler la production nationale, quadrupler la moyenne du revenu du travailleur ?

Pouvez-vous dégrever le prolétariat, non pas momentanément de 500 millions, qu’il vous faudra lui redemander ensuite , à peine de livrer le pays à l’anarchie ; mais à perpétuité de cinq milliards de rentes que le travail paie au capital ?

Pouvez-vous créditer les associations ouvrières, faire cesser l’antagonisme industriel, garantir à tous l’instruction, le travail, la santé, la richesse, la liberté ?

Si vous le pouvez, hâtez-vous de nous le faire connaître et de justifier le choix du peuple : car nous sommes, vis-à-vis de ceux qui nous gouvernent, impatients et impitoyables. Sinon, je vous le déclare au nom de ce même Peuple, vous n’êtes qu’un emprunteur de mauvaise foi, un misérable faussaire, qui, le jour même où il signe son contrat, rêve déjà aux moyens de faire banqueroute.

Louis-Napoleon Bonaparte.

December 17.

We fought Louis-Napoleon’s candidacy by the means that were within our power, polemics and voting.

All questions of persons aside, we knew, and no one could ignore it, that the election of Louis-Napoleon, posed by the reaction, supported by the reaction, could only benefit the reaction. A priori, therefore, we had to decide against this candidacy.

In agreement then with the central electoral committee of Paris, which believed it necessary, instead of abstaining, to intervene in the vote, we wanted, by choosing a candidate, to raise the figure of the absolute majority, and thereby make the accession of Bonaparte more difficult.

Everyone in the democratic and social party seemed to agree so well with this tactic that, when it came to choosing a candidate, symbol of their protest, it was unanimously recognized that the man on whom would be called for the votes of the Democrats could only be an honorary candidate: Mr. Ledru-Rollin, in a letter addressed to the committee, formally recognized this.

Cavaignac was therefore the last resort of the democracy, which, better inspired then than it was later, wanted above all, by saving the integrity of the form, to make the work easier for the reform of the substance…

We frankly entered into this path, of which we had not taken the initiative; and, by sacrificing our personal opinion, we set an example of discipline. The purpose of our vote thus marked, the candidate did not matter to us; it was even the same for us whether there were two or just one: the whole question was to know our forces and to keep Napoleon aside.

Since then, we have been able to judge, from the liveliness of the opposition made to us regarding Raspail’s candidacy, that several of our political co-religionists, while approving the democratic and social faith, and taking an oath of hatred to the presidency, hid the thought, guilty in our eyes because it was as contrary to socialism as to democracy, of making their candidate succeed. The candidacy of Mr. Ledru-Rollin, which was to be, like that of Raspail, only a simple protest, suddenly became a serious candidacy, as serious, consequently as threatening, as hostile for us as those of Napoleon and of Cavaignac. It was an apostasy against which our duty was to protest, a Machiavellian combination that we fought with all our efforts, but which we do not boast of having defeated: the blatant minority of the democratic and social party making failure, for the moment, inevitable.

Moreover, to put everyone at ease and not disguise anything of our thoughts, we will say without pretense that independently of our inviolable fidelity to the anti-presidential principle, if the candidacy of Mr. Ledru-Rollin had had the slightest chance of success, and it had been up to us to abort it, we would have done it. We have no more confidence in the ideas that Mr. Ledru-Rollin represents today than in those represented by the National and Cavaignac. Mr. Ledru-Rollin, — we mean the democratic fraction of which he is the leader, — has not spent a long enough quarantine in the socialist lazaret for us to believe him already transformed, purified of this political rust that has produced all the failures of the Revolution since February.

So, if today Louis-Napoléon Bonaparte is elected President of the Republic, the responsibility cannot fall to us. It belongs entirely to those who, following the slogan, wanted to exploit for their own benefit the horror that Cavaignac inspired, and who, unable to make people believe in their success, rushed most of the democrats towards Napoleon.

Let us now try to attenuate the scope of the vote; whether we explain it, whether we torture it, whether we excuse it, it will nonetheless remain true that the fruit belongs entirely to the reaction: because, in any war, only those who held the flag in combat benefit from victory. Socialist democracy committed the same mistake as the legitimist party, which also voted, tactically, for Napoleon, believing it was serving the interests of Henry V, and which did nothing other than crown the Bonapartist pretender in place of its own.

Regardless, Louis-Napoléon Bonaparte is president. He is the president of the reaction, not of the legitimist reaction, which annihilated itself by giving him its votes; not of the Jesuitical reaction, reduced, since 89, to hiding from all governments and singing Domine salvum fac for all princes; not even the financial and bourgeois reaction, which since June had been personified in Cavaignac; but of the monarchical-constitutional reaction, which, on this pivot of the presidency, is preparing to rebuild the bascule system broken in February.

This is what, by the law of the vote, Napoleon is for us.

In vain you will protest, democrats; in vain you will try to compensate for your defeat by the calculations of a miserable tactic. Louis-Napoléon would tell you, the senatus-consulte of 1804 and the additional act of 1815 in hand: I am the true constitutional monarch who was to reign over France. Louis XVIII, Charles X and Louis-Philippe were only intruders, usurpers against whom the People protested in July 1830 and February 1848, as they have just protested, by choosing me as president, against the Republic of Luxembourg and the 45 centimes. The restoration and the last reign were only a surprise of history, a theft committed against the family of the great Napoleon. Is it surprising that this admirable constitutional system, the work of Siéyès and the Emperor, exploited by lies, produced only lies, and that it was swept away by two revolutions? Frenchman, you have not lived since 1814: Start again with me!…

Such could be the speech of Louis-Napoléon, supported by his godfather the Constitutionnel and his godmother the Presse, and escorted by five and a half million votes! So let’s start again, since this is what the People wanted. The voice of the People, it is said, is the voice of God: this idea has constantly come back to us since we saw universal suffrage working. It must be admitted, however, that the People spoke this time like a drunken man. But, says the proverb, he is a god to drunkards. Let us start again. How long will the experiment last? This is what needs to be calculated.

If there is no doubt that the election of Napoleon-Louis is a return to the monarchical-constitutional system, with three balanced powers, with an equivocal and bourgeois appearance; it is also certain that there is something in this election that singularly dampens its effect, let us even say that condemns its principle. Napoleon the Younger, like Napoleon the Great, carries with him the idea, the dart that will kill him. Our duty, as socialist democrats, loyal adversaries, who do not want the death of the power, but for it to be converted, is to publicly release this idea. Our campaign plan was made in advance against Cavaignac: we are going to say what it will be against Napoleon, if, in the labyrinth into which he has just embarked, Napoleon takes the wrong route!

In the election of Louis Bonaparte we make two parts, or, to use the style of business people, we establish two accounts: one that includes all the progress of the triumphant reaction under the emblem of Bonaparte, which is summed up in this decisive expression, constitutional monarchy; — the other, which contains all the obligations contracted towards the country and the voters by the pretender. The first of these accounts forms, so to speak, the assets, the second forms the liabilities of the presidency.

We know sufficiently, from the experience of the last thirty-three years, what the assets consists of: — let us see a little what the liabilities are.

In his manifesto to voters, Louis-Napoléon Bonaparte said, among other things, that his sole ambition was, after having made the Republic happy and prosperous, to return, at the end of the four years of his presidency, the power, as he receives it today, to his successor.

With these words, Louis-Napoleon made a formal declaration of adhesion, not only to the Republic, but to the Constitution. He is committed to respecting and ensuring respect for the Constitution. He abjured all monarchical pretensions, all counter-revolutionary ulterior motives. And those who voted for him, like him, made an act of adhesion to the Republic and the Constitution.

It is a first obligation, a first debt, that commits the future of Louis Bonaparte, which stops him at the line where the political meaning of his election inevitably takes him. — Louis Bonaparte, by the principle of his candidacy, much more than by his inclination, tends to reestablish the constitutional monarchy, and, like Louis-Philippe, to found another dynasty. By the articles of his manifesto, on the contrary, and by the principle of voting, he obliged himself to return the Presidential Constitution after four years in the state in which he received it. I would like to know how he and his can advisors satisfy at the same time the wish of principle and the duty of commitment?…

That is not all.

Louis Bonaparte, who, since his entry into the National Assembly, has constantly maintained a prudent silence; who knew with such skill how to remain silent, even though everything provoked him to speak; Louis Bonaparte did not always have the same reserve. In his life he had the misfortune of writing: he wrote some singularly random things, and these things, far from hiding them, he reproduced them on the occasion of his candidacy; he used them as electoral leverage; they are part of his manifesto, because they accompanied him. We want to talk here especially about the brochure entitled: Extinction of pauperism.

A Bonaparte must know what he is saying. The extinction of pauperism is the emancipation of the proletariat; it is the right to work; it is society turned upside down. Bonaparte, in a word, did neither less nor more than Raspail and Ledru-Rollin: to obtain votes, he became a socialist. This is how the peasants and workers who gave their votes to Louis-Napoleon understood it.

Long live the Republic! some shouted: Amnesty! said the others. Down with Cavaignac! Down with the rich! it was the refrain of the majority. The most determined added: We’ll give him six months! doubling the term assigned to the provisional government by the February insurgents.

What is all this other than the commentary on the Manifesto and the Extinction of Pauperism?

Long live the Republic! So, down with the empire! Down with the constitutional monarchy, bastard of the Empire and the Republic!

Amnesty! That is to say: Give us Barbès, Raspail, Blanqui, Caussidière, Louis Blanc. Return to us those transported from Brest, Cherbourg and Rochefort, Let us forget our quarrels of March, April, May, June, December! Amnesty! Ah! President of the Republic, if you have ever pressed the hand of the proletarian, if your heart has beaten on his chest, it will be of all your debts the sweetest to pay, the least perilous! The amnesty will last you as long as your four million votes.

Down with Cavaignac! that is to say, down with capital! Down with the rich! translate: Down with the poor! down with the exploitation of man by man! down with poverty! — The representatives of the People, devoted to the preservation of the monopoly, had gone to petition in favor of Cavaignac. — No! No! No Cavaignac, the peasants replied: Long live Napoleon! Down with the rich!

The Republic, the Constitution, amnesty, the extinction of the proletariat, the organization of work; This is what we call the liabilities of the presidency.

Now it is a question, for the new elected official, of honoring his signature. With what will he pay, the citizen president? How do you think he meets all these demands, fulfills these promises, fulfills these obligations, avoids protest at maturity? Do you believe that it is with this remission of some taxes, which should immediately be replaced by others, that Louis Bonaparte will give his creditors a change?

The tax on salt, the gabelle, produces 56 million in the treasury. I suppose this tax is completely abolished and consumption doubled: it will be as if Louis Bonaparte donated 116 million per year to the People, who elected him.

The tax on beverages produces 103 million. I suppose this tax abolished, and consumption doubled, that is to say the use or benefit of the wine increased by double for the consumer who deprives himself of it, and consequently the sale doubled for the wine-grower who only knows that to make it: it will be as if Louis Bonaparte made a new donation to the People of 206 million.

I bring to 100 million the duties and customs duties on meat, cereals and other food substances. Assuming these rights are abolished, and consumption doubled. The benefit for the People: 200 million.

Sugar duties produce 70 million. — Suppose this perception is abolished and consumption doubled: it will be a new increase in well-being for the People of 140 million.

Together, 662 million from which the budgets of municipalities and the State should be immediately relieved, in the interest of public well-being and health!

Six hundred and sixty-two million divided by 36 million citizens, and 365 days of which the year is composed, give the quotient, — as an arithmetic expression of the physical, moral and intellectual improvement of the People, obtained by the abolition of 662 millions of taxes, — five centimes ten thousandths per day and per head!…

But this result is exaggerated, because the 662 million deducted for the benefit of the working class will have to be transferred to the rich class: that is to say, to fill the budget deficit it will be necessary to increase or create other taxes. Now, it is here that the question becomes complicated and the embarrassment increases.

The property tax cannot be increased: it is not only the 45 centimes of the Republic that should be subtracted, it would rather be 90 centimes.

The occupational duty is in the same situation.

The contributions on personal and movable property can be made progressive by means of a tax on revenue: the income that would be obtained from this is estimated at 60 million.

The recording and stamp fees are already excessive: only we could, by the process of Goudchaux, make more on the right established on collateral inheritances: i.e. 20 million per year.

Tobacco shops, posts, navigation and transit rights are already too high: no increase is possible.

Therefore, 80 million must be deducted from the 662 million that should be reduced from the consumption of the People, which reduces to five centimes, instead of five centimes six tenths, the amount of well-being that could be given to the People by the abolition of the four categories of taxes that we have previously listed; tax on salt, tax on beverages, tax on meat and cereals, tax on sugars.

Thus, to give the People five cents of income per day per head, we would put the State in debt of 582 million each year! But as the State cannot do without a budget any more than society can do without government, it would infallibly happen, before the expiration of the first year, that all taxes would be reestablished, and consequently poverty returned to the status quo; — or the State would go bankrupt, that is to say the nation would no longer have a government, something impossible in a republic with a presidency.

Instead of 662 million, only reduce by half, a third or a quarter; make whatever combination and compensation you want: you will never escape from this circle of the poverty of the People and the bankruptcy of the State.

We are currently talking about a loan of 500 million, at 6 percent, under the guarantee of Emperor Nicholas! — I admit that this loan will be fulfilled tomorrow. When you have filled the deficit already known for the year 1848, and the deficit forecast for the year 1849, there will only remain of the 500 million borrowed an annual income of 30 million to add to the budget of the Republic and to distribute between the workers. This is the clearest, most distinct result that can come to us from the appointment of Napoleon.

I therefore ask Louis-Napoléon Bonaparte, President of the French Republic:

Do you have what it takes to meet your electoral obligations?

And without asking about political questions, which are easy to resolve when you have solved the problem of poverty, can you, tell me, reduce your budget by three quarters, double national production, and quadruple the average worker’s income?

Can you relieve the proletariat, not temporarily of 500 million, which you will then have to ask for again, on pain of delivering the country to anarchy; but in perpetuity of the five billion in rents that labor pays to capital?

Can you credit the workers’ associations, put an end to industrial antagonism, guarantee education, labor, health, wealth, freedom to all?

If you can, hurry to make it known to us and to justify the people’s choice: because we are, towards those who govern us, impatient and merciless. Otherwise, I declare to you in the name of this same People, that you are only a borrower in bad faith, a miserable forger, who, the very day he signs his contract, is already dreaming of ways to become bankrupt.

Le serment.

21 Décembre.

Hier, à quatre heures et demie de relevée, dans la salle des séances de l’Assemblée nationale, Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française de par le suffrage universel, a prêté serment à la Constitution.

Ce serment, a-t-il dit dans son discours, engage son honneur et sa politique.

Nous ne doutons pas do la parfaite bonne foi, de la résolution sincère de M. Bonaparte. Mais, en vérité, qu’est-ce que cela prouve ? S’agit-il de l’observation littérale du serment? S’agit-ii même de l’intention actuelle du président? Ne sait- on pas qu’il est mille moyens, sans violer un serment, de faire exactement le contraire de ce qu’il suppose? Et d’ailleurs, la nécessité n’est-elle pas plus forte que tous les serments ?

Ce matin, nos lecteurs ont dû apprendre avec une satisfaction bien vive que cinq millions et demi de citoyens avaient fait, par la bouche de M. Bonaparte, acte d’adhésion à la République. Ils ont dû croire que la Constitution et la République, grâce à M. Bonaparte, étaient affermies pour jamais. Eh bien ! que ces mêmes lecteurs daignent suivre notre raisonnement, ils se convaincront bientôt que si M. Bonaparte était maître de jurer, il n’est pas du tout maître de tenir.

Nous procéderons comme les géomètres, nous ferons, pour ainsi dire, une opération de trigonométrie parlementaire, dont le résultat sera de prouver que M. Bonaparte, à son insu, travaille dès ce moment à démolir la Constitution.

1. Il est de fait, et on l’a remarqué maintes fois, que M. Bonaparte s’est constamment abstenu de voter lors de la discussion de la Constitution. Il n’a rien voté de cette Constitution, ni chapitre, ni article, ni paragraphe, ni ensemble. Si M. Bonaparte professe une opinion quelconque sur la Constitution, nul ne la connaît: il l’a toujours tenue secrète. Pense-t-il, sur cette importante matière qui a fait l’objet de son serment, comme M. Thiers ou M. de Larochejacquelein, comme Ledru-Rollin ou Pierre Leroux ? Il serait singulier que le président de la République, le premier organe de la Constitution, la créature de la Constitution, n’eût pas d’opinion arrêtée sur la Constitution !….

M. Bonaparte, en prêtant serment à la Constitution, a donc juré comme président de la République, parce qu’il ne pouvait faire autrement : il n’a point engagé sa conscience d’homme. En lui, le citoyen a fait ses réserves contre le magistrat. Pendant que le président de la République donnera l’exemple de l’obéissance au pacte, il se pourrait que le neveu de l’Empereur pensât, sur le pacte, tout juste comme le dernier des croisés ou le premier des socialistes. Que peut-il résulter de cette contrariété d’opinion entre l’homme public et l’homme privé? C’est ce que la suite va nous apprendre. Voilà notre premier jalon planté : voici le second.

2. Après la prestation du serment, le premier acte de M. Bonaparte a été de nommer M. O. Barrot président du ministère.

Or, il se trouve que M. Barrot n’a, non plus que M. Bonaparte, voté la Constitution. Il était présent au vote sur l’ensemble, il s’est abstenu. Ce n’est pas tout: M. Barrot a appuyé et voté l’amendement de M. Duvergier de Hauranne, relatif à la dualité de la Représentation nationale : principe tout à fait contraire à la pensée démocratique qui domine toute la Constitution.

Sans doute M. Barrot, qui est honnête homme, saura, par une transaction avec sa raison, respecter et faire respecter le pacte; mais il n’est pas moins vrai qu’en agissant de la sorte, il agira contre sa conviction, il fera un sacrifice au serment prêté par le président. Nous aimerions mieux un ministre qui n’aurait rien à sacrifier, et en qui la conviction serait d’accord avec le pouvoir.

Les autres ministres, choisis par M. Barrot, sont à peu près dans le même cas que lui. Tous ont voté, il est vrai, l’ensemble de la Constitution : mais tous ont voté aussi le principe monarchique des deux chambres, posé par M. Duvergier de Hauranne. De sorte qu’en résumé, le ministère premier-né de M. Bonaparte, se compose en entier de partisans du système constitutionnel renversé en février. Le président du conseil, M. Odilon-Barrot, est le même que Louis-Philippe, cédant à la pression de la bourgeoisie mécontente, et au voeu de l’opposition dynastique, offrait au pays la veille de son expulsion. Sauf quelques noms nouveaux, — tel que celui de Bonaparte qui remplace celui de d’Orléans, le personnel gouvernemental est de même ‘nature, même valeur, qu’il était la veille du jour où fut proclamée la République. Supprimez, par la pensée, la fusillade des Capucines et ce qui s’en est suivi jusqu’au 20 décembre, et vous trouverez que dans l’intervalle de ces dix mois, l’histoire n’a pas marché, tant les dates se raccordent !

3. Ce que nous venons de dire de la foi personnelle du président de la République et de ses ministres à l’encontre de la Constitution, ne pourrait donner lieu qu’à une probabilité. Ce que nous allons rapporter convertira cette probabilité en certitude.

La bouche parle de l’abondance du coeur. M. Bonaparte, qui, jusqu’au jour du serment, n’avait dit mot, le serment prêté, a montré ce qu’il avait dans l’âme en prononçant son Discours de la Présidence.

Ce discours confirme ce que nous n’avions fait que soupçonner, savoir, que le président de la République est le fondateur désigné d’une dynastie bonapartiste. Dès les premiers mots, la pensée monarchique se révèle :

« Je verrai des ennemis de la patrie, a dit M. Bonaparte,, « dans tous ceux qui tenteraient de changer, par des voies « illégales, ce que la France a établi. »

Entendez cela. M. Bonaparte parle de voies illégales ; tout le monde est d’accord sur ce point. Mais des VOIES LÉGALES il n’en dit mot. C’est qu’en effet la Constitution peut être changée par les voies légales, du tout au tout. L’article 111 le dit explicitement. Quant aux voies LÉGITIMES, c’est autre chose. Nos légistes ne vont pas jusque là : la légalité leur suffit.

Mais en quel sens M. Bonaparte, qui n’a rien voté de la Constitution- M. Odilon Barrot, qui s’est prononcé pour les deux chambres, et qui s’est abstenu lors du vote de la Constitution ; MM. de Falloux, Léon Faucher, Drouyn de Lhuys, Bixio, Rulhières, qui tous, comme M. Barrot, ont voté l’amendement Duvergier de Hauranne, destructeur de la Constitution ; en quel sens, disons-nous, ces messieurs pensent-ils que doive être changé, par lés voies légales, ce que l’Assemblée nationale a établi ?

Là est toute la portée du serment : là est la clé du discours de M. Bonaparte. Continuons nos recherches.

4. En quittant l’Assemblée; M. Bonaparte fit savoir à M. Marrast qu’il chargeait M. Barrot de composer un ministère.

Personne assurément n’a dû voir dans cette communication un indice de restauration monarchique ; et puisque la Constitution ne le défend pas, nous le tenons pour très légal et tout à fait parlementaire.

Voici donc M. Barrot, par délégation du président dé la République, chargé en sous-oeuvre d’organiser le gouvernement, et dérégler les destinées de la France; M. Barrot, comme M. Guizot le 29 octobre 1840 , est le maître de la situation. C’est lui qui, couvrant le président de sa personne, se présente comme caution de la politique du cabinet. M. Barrot, enfin, répond pour M. Bonaparte, en faveur duquel il rétablit, de fait, la vieille fiction de l’irresponsabilité monarchique, en attendant qu’il l’écrive, le plus légalement du monde, dans la Constitution.

En cela, M. Barrot fait preuve à la fois de haute raison politique ; mais aussi de peu d’amour pour la Constitution.

Sans cette condition d’irresponsabilité, la position du président de la République n’est pas tenable. C’est la responsabilité qui a perdu Cavaignac : c’est elle qui, en six mois, tuera Bonaparte, si M. Barrot ne réussit à se faire accepter du pays comme paratonnerre. L’inviolabilité est donc la condition sine qua non de la présidence.

Mais l’inviolabilité, c’est la royauté. Ce premier point obtenu, le reste de la Constitution y passera : vous aurez tour à tour, avec l’inviolabilité du président, l’hérédité delà présidence ; puis, l’égalité des pouvoirs, actuellement dans un rapport de subordination entre eux ; puis enfin les deux chambres.

Dès que vous vous engagez sur ce terrain de la présidence, d’un chef du pouvoir exécutif élu par le Peuple et indépendant du pouvoir législatif, il vous faut, pour être logique, pour être possible : 1° déclarer le président inviolable ; 2° rendre sa fonction héréditaire ; 3° le faire égal au pouvoir législatif ; et 4° comme cette égalité par elle-même ne peut créer qu’un fâcheux antagonisme, établir un troisième pouvoir, modérateur et conciliateur, il faut une haute chambre.

Ainsi, l’inviolabilité présidentielle, posée en fait par M. Odilon-Barrot, est le premier pas que fait le nouveau gouvernement vers le rétablissement de la monarchie constitutionnelle par les voies légales.

Pour compléter cette démonstration, il nous reste à poser un cinquième terme, que nous tirons, comme le précédent, du discours de M. Bonaparte. Il s’agit de la politique du cabinet.

5. Cette politique était donnée par la situation, et il faut convenir que M. Bonaparte l’a saisie admirablement.

La révolution de février est non seulement politique, mais sociale.

En politique, la révolution consiste à abolir l’ancienne distinction des pouvoirs et à gouverner l’État au moyen d’une Convention nationale, légiférant par ses délibérations d’ensemble, et gouvernant par ses comités. L’amendement Grévy était la transition naturelle à ce système.

En économie sociale, la Révolution consiste à abolir la distinction de propriétaires et prolétaires, entrepreneurs et salariés, capitalistes et travailleurs, au moyen de l’association intégrale et de la soumission du capital au travail.

La Révolution ayant été vaincue sur le terrain politique, devait l’être aussi sur le terrain économique : l’idée gouvernementale et l’idée socialiste étant au fond la même idée, sous une double formule.

L’Assemblée nationale le comprit tout d’abord ; Cavaignac y conforma sa pensée : Bonaparte, en prenant possession de la présidence, suit la même tradition, les mêmes errements.

Rasseoir la société sur ses bases, que le socialisme a ébranlées;

Relever le pays, que la Révolution de février a abattu ;

Guérir ses plaies; — il ne s’agit déjà plus de rembourser les 45 centimes !

Ramener les hommes égarés, par les- théories anti-malthusiennes, sans doute !

Pas d’utopie! surtout, c’est-à-dire pas de réforme, pas de papier-monnaie, pas de droit au travail, voilà pour le dedans!

Au dehors, la paix! la paix partout et toujours, comme au temps de M. Guizot; avec cela, si nous ne faisons pas de grandes choses, nous lâcherons au moins d’en faire de bonnés! telle est là conclusion de cette étonnante profession de foi.

Ainsi, à l’intérieur, M. Bonaparte borne son ambition à remettre les choses en l’état où elles étaient avant février, et à arrêter, s’il est possible, le torrent socialiste; à l’extérieur, sa politique se résume en un mot, la paix ! Et de vrai, ce qui agite l’Europe, ce qui soulève les Allemands contre leurs despotes, les Italiens contre leurs conquérants, les Romains contre le pape, n’est-ce pas l’utopie, le droit au travail, la folie socialiste ?

A qui donc irions-nous déclarer la guerre ? Aux conservateurs de Berlin, de Francfort, de Vienne ou de Rome ? Contradiction ! La cause qui vient de triompher là-bas est la même que celle qui a vaincu en juin à Paris. En vertu de la solidarité des castes, notre devoir est de rester chez nous.

Bourgeois, formez une Sainte-Alliance, Et donnez-vous la main !

On ne parlera plus même de la Pologne. La Pologne ! c’est le foyer du socialisme chez les peuples slaves !…

Donc, M. Bonaparte ne vient point continuer la Révolution, il vient pour refouler la Révolution. C’est pour cela qu’il loue la politique du général Cavaignac, qu’il lui serre la main en signe d’intelligence, qu’il le salue comme son maître et son modèle. Cavaignac a aplani la route à Bonaparte : après Dieu et les électeurs, c’est à Cavaignac que Bonaparte doit le plus. — C’est pour cela que Bonaparte appelle à lui des hommes de toute couleur et de toute origine : il veut, dit-il, former un ministère de conciliation, traduisez de COALITION, contre la barbarie moderne, contre le socialisme. — C’est pour cela enfin que l’on parle de donner à M. Bugeaud le commandement de cette armée des Alpes qui, au lieu de regarder le Piémont, a l’oeil constamment ouvert sur Paris et Lyon, les deux centres de l’insurrection prolétarienne.

Courage donc, Bonaparte ! Marchez, par les voies légales, à la restauration monarchique, contre laquelle vous avez prêté serment; organisez la croisade des exploiteurs contre les exploités, qui vous ont donné cinq millions et demi de voix ; élu de la Révolution, étouffez, autant qu’il est en vous, la Révolution. Vous n’arrêterez point la destinée; vous ne saisirez point au vol ces idées que vous voulez proscrire, vous ne les empêcherez pas de se traduire en faits plus puissants que voire politique et vos bataillons.

Courage ! il est une gloire que vous êtes sûr d’obtenir ; comme ce dernier des empereurs, que les contemporains nommèrent par dérision Romulus Augustûlus, vous serez Bonaparte le petit, Napoléon le nain.

The Oath.

December 21.

Yesterday, at half past four, in the meeting room of the National Assembly, Louis-Napoléon Bonaparte, President of the French Republic by universal suffrage, took the oath to the Constitution.

This oath, he said in his speech, obliges his honor and his policy.

We have no doubt of the perfect good faith and sincere resolution of Mr. Bonaparte. But, really, what does this prove? Is this the literal observation of the oath? Is this even the president’s current intention? Don’t we know that there are a thousand ways, without violating an oath, to do exactly the opposite of what it presupposes? And besides, isn’t necessity stronger than all oaths?

This morning, our readers must have learned with great satisfaction that five and a half million citizens had made, through the mouth of Mr. Bonaparte, an act of adhesion to the Republic. They must have believed that the Constitution and the Republic, thanks to Mr. Bonaparte, were strengthened forever. Well! If these same readers deign to follow our reasoning, they will soon convince themselves that if Mr. Bonaparte was master in swearing, he is not at all master in maintaining.

We will proceed like the surveyors, we will carry out, so to speak, an operation of parliamentary trigonometry, the result of which will be to prove that Mr. Bonaparte, without his knowledge, is working from this moment on to demolish the Constitution.

1. It is a fact, and it has been noted many times, that Mr. Bonaparte constantly abstained from voting during the discussion of the Constitution. He did not vote for anything in this Constitution, neither chapter, nor article, nor paragraph, nor the whole. If Mr. Bonaparte professes any opinion whatsoever on the Constitution, no one knows it: he has always kept it secret. Does he think, on this important matter, which was the subject of his oath, like Mr. Thiers or Mr. de Larochejacquelein, like Ledru-Rollin or Pierre Leroux? It would be strange if the President of the Republic, the first organ of the Constitution, the creature of the Constitution, did not have a firm opinion on the Constitution!….

Mr. Bonaparte, by taking an oath to the Constitution, therefore swore as President of the Republic, because he could not do otherwise: he did not commit his conscience as a man. In him, the citizen has made his reservations against the magistrate. While the President of the Republic will set the example of obedience to the pact, it could be that the Emperor’s nephew thinks, regarding the pact, just like the last of the crusaders or the first of the socialists. What can result from this contradiction of opinion between the public man and the private man? This is what the sequel will teach us. This is our first milestone: here is the second.

2. After taking the oath, Mr. Bonaparte’s first act was to appoint Mr. O. Barrot president of the ministry.

Now, it turns out that Mr. Barrot has no more voted for the Constitution than Mr. Bonaparte. He was present at the vote on the whole, but he abstained. That is not all: Mr. Barrot supported and voted for Mr. Duvergier de Hauranne’s amendment, relating to the duality of national representation: a principle completely contrary to the democratic thinking that dominates the entire Constitution.

No doubt Mr. Barrot, who is an honest man, will know how, through a compromise with his reason, to respect and ensure respect for the pact; but it is no less true that by acting in this way, he will be acting against his convictions; he will be making a sacrifice to the oath taken by the president. We would prefer a minister who would have nothing to sacrifice, and whose conviction would be in agreement with the power.

The other ministers, chosen by Mr. Barrot, are in almost the same situation as him. All voted, it is true, for the entire Constitution, but all also voted for the monarchical principle of the two chambers, laid down by Mr. Duvergier de Hauranne. So that, in summary, Mr. Bonaparte’s first-born ministry is made up entirely of supporters of the constitutional system overthrown in February. The president of the council, Mr. Odilon-Barrot, is the same one that Louis-Philippe, yielding to the pressure of the discontented bourgeoisie and to the wishes of the dynastic opposition, offered to the country the day before his expulsion. Except for a few new names, such as that of Bonaparte, which replaces that of d’Orléans, the government personnel are of the same nature, the same value, as they were on the eve of the day on which the Republic was proclaimed. Suppress, in thought, the shooting of the Capucines and what followed until December 20, and you will find that in the interval of these ten months, the story did not advance, despite the change in dates!

3. What we have just said about the personal faith of the President of the Republic and his ministers against the Constitution could only give rise to a probability. What we are going to report will convert this probability into certainty.

The mouth speaks from the abundance of the heart. Mr. Bonaparte, who, until the day of the oath, had not said a word, the oath taken, showed what was in his soul by delivering his Presidential Speech.

This speech confirms what we had only suspected, namely, that the President of the Republic is the designated founder of a Bonapartist dynasty. From the first words, monarchical thinking is revealed:

“I will see enemies of the homeland,” said Mr. Bonaparte, “in all those who would attempt to change, by illegal means, what France has established.”

Hear this. Mr. Bonaparte speaks of illegal means; everyone agrees on this point. But he says nothing about _legal means_. This is because in fact the Constitution can be changed by legal means, completely. Article 111 says this explicitly. As for LEGITIMATE means, that is something else. Our jurists do not go that far: legality is enough for them.

But in what sense does Mr. Bonaparte, who voted for nothing of the Constitution; Mr. Odilon Barrot, who spoke for both chambers, and who abstained during the vote on the Constitution; MM. de Falloux, Léon Faucher, Drouyn de Lhuys, Bixio, Rulhières, all of whom, like Mr. Barrot, voted for the Duvergier de Hauranne amendment, destructive of the Constitution; in what sense, we say, do these gentlemen think that what the National Assembly has established should be changed, through legal means?

This is the whole significance of the oath: this is the key to Mr. Bonaparte’s speech. Let us continue our research.

4. When leaving the Assembly, Mr. Bonaparte informed Mr. Marrast that he was instructing Mr. Barrot to compose a ministry.

Certainly no one should have seen in this communication an indication of monarchical restoration; and since the Constitution does not prohibit it, we consider it very legal and entirely parliamentary.

Here then is Mr. Barrot, by delegation of the President of the Republic, in charge of organizing the government, and disrupting the destiny of France; Mr. Barrot, like Mr. Guizot on October 29, 1840, is in control of the situation. It is he who, covering the president with his person, presents himself as guarantor of the cabinet’s policy. Mr. Barrot, finally, responds for Mr. Bonaparte, in whose favor he reestablishes, in fact, the old fiction of monarchical irresponsibility, while waiting for him to write it, as legally as possible, in the Constitution.

In this, Mr. Barrot demonstrates high political reason, but also little love for the Constitution.

Without this condition of irresponsibility, the position of the President of the Republic is not tenable. It is responsibility that has ruined Cavaignac: it is this which, in six months, will kill Bonaparte, if Mr. Barrot does not succeed in being accepted by the country as a lightning rod. Inviolability is therefore the sine qua non condition of the presidency.

But inviolability is royalty. This first point obtained, the rest of the Constitution will follow: you will have in turn, with the inviolability of the president, the heredity of the presidency; then, the equality of powers, currently in a relationship of subordination between them; then finally the two chambers.

As soon as you engage in this field of the presidency, of a head of the executive power elected by the People and independent of the legislative power, you must, in order to be logical, in order to be possible: 1° declare the president inviolable; 2° make his function hereditary; 3° make it equal to the legislative power; and 4° as this equality in itself can only create an unfortunate antagonism, establishing a third power, moderating and conciliating, a high chamber is necessary.

Thus, presidential inviolability, in fact posed by Mr. Odilon-Barrot, is the first step taken by the new government towards the reestablishment of the constitutional monarchy through legal means.

To complete this demonstration, it remains for us to pose a fifth term, which we draw, like the previous one, from Mr. Bonaparte’s speech. This is cabinet policy.

5. This policy was given by the situation, and it must be admitted that Mr. Bonaparte grasped it admirably.

The February revolution is not only political, but social.

In politics, the revolution consists of abolishing the ancient distinction of powers and governing the State by means of a National Convention, legislating by its general deliberations, and governing by its committees. The Grévy amendment was the natural transition to this system.

In social economy, the Revolution consists of abolishing the distinction between proprietors and proletarians, entrepreneurs and employees, capitalists and workers, by means of integral association and the submission of capital to labor.

The Revolution having been defeated on the political ground, had to also be defeated on the economic ground: the governmental idea and the socialist idea being basically the same idea, under a double formula.

The National Assembly understood this first of all; Cavaignac conformed his thoughts to it: Bonaparte, in taking possession of the presidency, followed the same tradition, the same mistakes.

Reestablish society on its foundations, which socialism has shaken;

Raise up the country, which the February Revolution demolished;

Heal your wounds; — it is no longer a question of repaying the 45 cents!

Bring back the lost men, through anti-Malthusian theories, no doubt!

No utopia, above all! That is to say no reform, no paper money, no right to work. That is it internally!

Outside, peace! Peace everywhere and always, as in the time of Mr. Guizot; with this, if we do not do great things, we will at least give up doing good ones! This is the conclusion of this astonishing profession of faith.

Thus, internally, Mr. Bonaparte limits his ambition to putting things back to the state they were in before February, and to stopping, if possible, the socialist torrent; externally, his policy can be summed up in one word, peace! And in truth, what agitates Europe, what rouses the Germans against their despots, the Italians against their conquerors, the Romans against the Pope, is it not utopia, the right to work, socialist madness?

Who would we declare war on? The conservatives of Berlin, Frankfurt, Vienna or Rome? Contradiction! The cause that has just triumphed there is the same as that which won in June in Paris. By virtue of caste solidarity, our duty is to stay at home.

Bourgeois, form a Holy Alliance, And join hands!

We won’t even talk about Poland anymore. Poland! It is the home of socialism among the Slavic peoples!…

So, Mr. Bonaparte is not coming to continue the Revolution, he is coming to repress the Revolution. This is why he praises the policy of General Cavaignac, why he shakes his hand as a sign of intelligence, why he salutes him as his master and his model. Cavaignac smoothed the way for Bonaparte: after God and the voters, it is to Cavaignac that Bonaparte owes the most. — This is why Bonaparte calls men of all colors and all origins to his side: he wants, he says, to form a ministry of conciliation, translate COALITION, against modern barbarism, against socialism. — This is finally why we are talking about giving Mr. Bugeaud the command of this army of the Alps, which, instead of looking at Piedmont, has its eye constantly open on Paris and Lyon, the two centers of the proletarian insurrection.

Courage then, Bonaparte! March, through legal channels, towards the monarchical restoration, against which you took an oath; organize the crusade of the exploiters against the exploited, who gave you five and a half million votes; elected representative of the Revolution, stifle the Revolution as much as it is in you. You will not stop destiny; you will not seize on the fly these ideas that you want to proscribe, you will not prevent them from being translated into facts more powerful than even politics and your battalions.

Courage ! there is a glory that you are sure to obtain; like the last of the emperors, that contemporarie derisively named Romulus Augustulus, you will be Bonaparte the little, Napoleon the dwarf.

17 octobre 1848

TOAST A LA RÉVOLUTION

Citoyens,

Quand nos amis de la République démocratique, inquiets de nos idées et de nos tendances, se récrient contre la qualification de socialistes que nous ajoutons à celle de démocrates, que nous reprochent-ils ? — Ils nous reprochent de n’être pas révolutionnaires.

Sachons donc une fois qui d’eux ou de nous est dans la tradition ; qui d’eux ou de nous est dans la vrai pratique révolutionnaire.

Et quand nos adversaires de la bourgeoisie, inquiets pour leurs privilèges, déversent sur nous la calomnie et l’outrage, quel est le prétexte de leurs accusations ? — C’est que nous voulons tout détruire et tout perdre : propriété, famille, civilisation.

Sachons donc aussi qui de nous ou de nos adversaires mérite le mieux le titre de conservateurs.

Les révolutions sont les manifestations successives de la JUSTICE dans l’humanité. — C’est pour cela que toute révolution a son point de départ dans une révolution antérieure.

Qui dit donc révolution dit nécessairement progrès, dit par là même conservation. D’où il suit que la révolution est en permanence dans l’histoire, et qu’à proprement parler il n’y a pas eu plusieurs révolutions, il n’y a eu qu’une seule et même et perpétuelle révolution.

La révolution, il y a dix-huit siècles, s’appelait l’ÉVANGILE, la Bonne Nouvelle. Son dogme fondamental était l’Unité de Dieu ; sa devise, l’Égalité de tous les hommes devant Dieu. L’esclavage antique reposait sur l’antagonisme et l’inégalité des dieux, ce qui voulait dire sur l’infériorité relative des races, sur l’état de guerre. Le christianisme créa le droit des gens, la fraternité des nations ; ce fut en raison de son dogme et de sa devise que furent abolis simultanément l’idolâtrie et l’esclavage.

Certes, on ne niera pas aujourd’hui que les chrétiens, ces révolutionnaires qui combattaient par la parole et par le martyre, ne fussent des hommes de progrès : j’ajoute qu’ils étaient des hommes de conservation. L’initiation polythéiste, après avoir civilisé les premiers humains ; après avoir converti ces hommes des bois, sylvestres homines, comme dit le poëte, en hommes des villes, en citoyens, était devenue elle-même, par le sensualisme et le privilège, un principe de corruption et d’asservissement. L’humanité était perdue, quand elle fut sauvée par le Christ, qui reçut pour cette mission glorieuse le double titre de Sauveur et Rédempteur, comme qui dirait, dans notre langue politique, conservateur et révolutionnaire.

Tel fut le caractère de la première et de la plus grande des révolutions. Elle renouvela le monde, et en le renouvelant elle le conserva.

Mais, toute surnaturelle et spiritualiste qu’elle fût, cette révolution n’exprimait pourtant que le côté le plus matériel de la justice, l’affranchissement des corps, l’abolition de 1’esclavage. Etablie sur la foi, elle laissait la pensée esclave ; elle ne suffisait pas à l’émancipation de l’homme, qui est esprit et corps, matière et intelligence ; elle appelait une autre révolution. Mille ans après la venue du Christ, commençait, au sein de la religion qu’il avait fondée, une agitation inconnue, prélude d’un nouveau progrès. La scolastique portait dans ses flancs, à côté de l’autorité de l’Église et des Écritures, l’autorité de la raison !… Vers le seizième siècle la l’évolution éclata.

La révolution, à cette époque, sans abandonner sa première donnée, sans se renier elle-même, prit un autre nom, nom déjà célèbre ; elle s’appela la PHILOSOPHIE. Elle eut pour dogme la liberté de la raison ; et, je puis bien le dire, puisque l’une est la conséquence immédiate de l’autre, pour devise, l’égalité de tous devant la raison.

Voici donc l’homme déclaré inviolable et libre dans sa double essence, l’âme et le corps ! Était-ce progrès ? Quel autre qu’un tyran pourrait le nier ? Etait-ce conservation ? cela n’a pas même besoin de réponse. La destinée de l’homme, a dit un sage, est de contempler les œuvres de Dieu. Après avoir connu Dieu par le cœur, par la foi, le temps était venu pour l’homme de le connaître par la raison. L’Évangile avait été pour l’humanité comme une instruction primaire : maintenant adulte, elle avait besoin d’un enseignement supérieur, à peine de croupir dans l’idiotisme et la servitude qui le suit.

Ainsi les Galilée, les Arnaud de Bresce, les Giordano Bruno, les Luther, les Descartes, toute cette élite de savants, de penseurs et d’artistes, qui brillèrent dans les quinzième, seizième et dix-septième siècles, grands révolutionnaires, furent en même temps les conservateurs de la société, les hérauts de la civilisation. Ils poursuivirent, contre les représentants du Christ, le mouvement commencé par le Christ : à eux aussi la persécution et le martyre ne manquèrent pas !

Voilà quelle fut la seconde révolution, la deuxième grande manifestation de la JUSTICE. Elle aussi rajeunit le monde ; elle le sauva.

Mais la philosophie, ajoutant ses conquêtes à celles de l’Évangile, ne remplissait pas, il s’en faut, le programme de cette justice éternelle. La liberté, évoquée du sein de Dieu par le Christ, n’était encore qu’individuelle : il fallait l’établir sur le forum ; il fallait, de la conscience, la faire passer dans la loi.

Vers le milieu du siècle dernier commença donc une nouvelle élaboration ; et, comme la première révolution avait été religieuse, et la seconde philosophique, la troisième révolution fut politique. Elle s’appela le CONTRAT SOCIAL.

Elle prit pour dogme la souveraineté du peuple : c’était la contre-partie du dogme chrétien, l’unité de Dieu.

Sa devise fut l’égalité devant la loi ; c’était le corollaire de celles qu’elle avait précédemment inscrites sur son drapeau, l’égalité devant Dieu et l’égalité devant la raison.

Ainsi, à chaque révolution, la liberté nous apparaît toujours comme l’instrument de la justice, et l’égalité comme son critérium. Le troisième terme est le but de la Justice ; ce but, toujours poursuivi, toujours approché, est la fraternité.

Ne perdons jamais de vue cet ordre du développementrévolutionnaire. Au témoignage de l’histoire, la fraternité, but suprême des révolutions, ne s’impose pas : elle a pour condition la liberté d’abord, l’égalité après. Comme si la justice nous disait à tous : Hommes, soyez libres ; citoyens, devenez égaux ; et puis, frères, embrassez-vous.

Qui oserait nier que la révolution entreprise, il y a soixante ans, par nos pères, et dont l’héroïque souvenir fait vibrer nos cœurs avec tant de force qu’il nous ôte presque le sentiment de nos propres devoirs ; qui niera, dis-je, que cette révolution fût un progrès ? Personne. Eh bien ! je le demande : n’est-il pas vrai qu’autant elle était progressive, autant elle fut conservatrice ? La société pouvait-elle vivre avec son despotisme usé, avec sa noblesse avilie, avec son clergé corrompu, avec des parlements égoïstes, indisciplinés, livrés à l’intrigue, avec un peuple en guenilles, avec une gent taillable et corvéable à merci et miséricorde ?

Mais qu’est-il besoin d’éclairer le soleil, de démontrer l’évidence ? La révolution de 89 fut le salut de l’humanité ; c’est pour cela qu’elle mérite le titre de révolution.

Mais, citoyens, si nos pères ont fait beaucoup pour la liberté et l’égalité, ils ont ouvert plus profondément la route de la fraternité, ils nous ont laissé encore plus àfaire.

La justice n’a pas dit, en 89, son dernier mot ; et qui sait quand elle le dira ?

Ne sommes-nous pas témoins, nous, génération de 1848, d’une corruption pire que celle des plus mauvais jours de l’histoire ; d’une misère pareille àcelle des temps féodaux ; d’une oppression de l’esprit et de la conscience, d’un abrutissement de toutes les facultés de l’homme, qui dépassent tout ce que l’on a vu aux époques de la plus affreuse barbarie ? A quoi nous servent les conquêtes du passé, et la religion, et la philosophie, et les constitutions et les codes, quand, en vertu des droits mêmes que nous garantissent ces constitutions et ces codes, nous nous trouvons dépossédés de la nature, excommuniés du genre humain ? Qu’est-ce que la politique, alors que nous manquons de pain, alors qu’on nous ôte jusqu’au travail qui donne le pain ? Que nous importent la liberté d’aller et de venir, la liberté de penser ou de ne pas penser, la garantie de la loi, et le spectacle des merveilles de la civilisation, et le maigre enseignement qu’on nous délivre, quand, par le retrait de tous les objets sur lesquels peuvent s’exercer l’activité humaine, nous sommes plongés dans le vide absolu ; quand, à l’appel de nos sens, de nos cœurs, de notre raison, l’univers et la société répondent : NÉANT !…

Citoyens, j’en jure par le Christ et par nos pères ! La justice a sonné sa quatrième heure, et malheur à ceux qui ne l’ont point entendue !

— Révolution de 1848, comment te nommes-tu ?

— Je me nomme le Droit au travail!

— Quel est ton drapeau ?

— L’Association !

— Ta devise ?

— L’Égalité devant la fortune.

— Où nous mènes-tu ?

— A la Fraternité !

— Salut à toi, Révolution ! je te servirai comme j’ai servi Dieu, comme j’ai servi la Philosophie et la Liberté, de tout mon cœur, de toute mon âme, de toute mon intelligence et de tout mon courage, et n’aurai point d’autre souveraine et d’autre règle que toi !

Ainsi la Révolution, après avoir été tour à tour religieuse, philosophique, politique, est devenue économique. Et comme toutes ses devancières, ce n’est rien de moins qu’une contradiction au passé, une sorte de renversement de l’ordre établi qu’elle nous apporte. Sans ce revirement complet de principes et de croyances, il n’y a pas de révolution, il n’y a que mystification. Continuons à interroger l’histoire, citoyens.

Sous l’empire du polythéisme, l’esclavage s’était établi et se perpétuait, au nom de quel principe ? Au nom de la religion. — Le Christ parut, qui abolit l’esclavage précisément au nom de la religion.

Le christianisme, à son tour, soumit la raison à la foi ; la philosophie renversa cet ordre : elle subordonna la foi à la raison.

La féodalité, au nom de la politique, asservissait tout le monde, soumettant l’ouvrier au bourgeois, le bourgeois au noble, le noble au roi, le roi au prêtre, le prêtre à une lettre morte. — Au nom de la politique aussi, 89 soumit tout le monde à la loi, et ne reconnut plus parmi les hommes que des citoyens.

Aujourd’hui le travail est à la discrétion du capital. Eh bien ! la révolution vous dit de changer cet ordre. C’est au capital à reconnaître la prépondérance du travail, à l’instrument de se mettre à la disposition de l’ouvrier.

Telle est cette révolution, à qui le sarcasme et la calomnie, à qui la persécution n’aura pas manqué, non plus qu’aux autres. Mais, comme les autres aussi, la Révolution de 1848 devient plus féconde par le sang de ses martyrs. Sanguis martyrum, semen christianorum ! s’écriait l’un des plus grands révolutionnaires des temps passés, l’indomptable Tertullien. Sang de républicains, semence de républicains.

Qui n’ose pas avouer cette foi, scellée du sang de nos frères, n’est pas révolutionnaire : c’est un infidèle. Qui la dissimule est un renégat. Séparer la République du socialisme, c’est vouloir accorder la liberté de l’esprit avec l’esclavage des sens, l’exercice des droits politiques avec la privation des droits civils : c’est contradictoire, c’est absurde.

Voilà, citoyens, la généalogie des idées sociales : sommes-nous, oui ou non, dans la tradition révolutionnaire ? Il s’agit de savoir à présent si nous sommes aussi dans la pratique ; si, comme nos pères, nous serons tout à la fois hommes de conservation et hommes de progrès ; car ce n’est qu’à ce double titre que nous serons des hommes de révolution.

Nous avons le principe révolutionnaire, le dogme révolutionnaire, la devise révolutionnaire. Que nous manque-t-il pour accomplir l’œuvre confiée à nos mains par la Providence ? Une seule chose : La PRATIQUE révolutionnaire !

Or, quelle est cette pratique qui distingue des temps ordinaires les époques de révolution ?

Ce qui constitue la pratique révolutionnaire, c’est qu’elle ne procède plus par détail et diversité, ou par transitions imperceptibles, mais par simplifications et enjambements. Elle franchit, dans de larges équations, ces termes mitoyens que propose l’esprit de routine,dont l’application aurait dû normalement se faire dans la période antérieure, mais que l’égoïsme des heureux ou l’inertie des gouvernements a repoussés.

Ces grandes équations de principes, ces transitions gigantesques dans les mœurs, ont aussi leurs lois : rien de moins arbitraire, de moins abandonné au hasard que la pratique des révolutions.

Mais quelle est-elle enfin cette pratique ?

Je suppose que les hommes d’État que nous avons vus au pouvoir depuis le 24 février ; que ces politiques à courte-vue, à petits moyens, à routine étroite et méticuleuse, eussent été à la place des apôtres : je vous le demande, citoyens, qu’auraient-ils fait ?

Ils seraient tombés d’accord avec les novateurs dans des conférences particulières, en conciliabule secret, que la pluralité des dieux était chose absurde ; ils auraient dit, comme Cicéron, qu’ils ne concevaient pas que deux augures pussent se regarder sans rire ; ils auraient condamné très-philosophiquement, et à voix basse, l’esclavage.

Mais ils se seraient récriés contre cette propagande téméraire qui, niant les dieux et tout ce que la société avait de plus sacré, soulevait contre elle la superstition et tous les intérêts ; ils auraient cru de bonne politique, au lieu d’attaquer les vieilles croyances, de les interpréter ; ils auraient voulu qu’au lieu d’abolir le culte, on le purifiât. Ils se seraient inclinés devant Mercure le larron, Vénus l’impudique, Jupiter l’incestueux. Ils auraient parlé avec estime, avec respect, des jeux Floraux et des Bacchanales. Ils auraient fait la philosophie du polythéisme, raconté l’histoire des dieux, renouvelé le personnel des temples, publié des règlements pour les sacrifices et les fêtes publiques, accordé, autant qu’il eût été en eux, la raison et la morale avec les impures traditions de leurs pères ; à force de ménagements, de complaisance, de respect humain, au lieu de sauver le monde, ils l’auraient fait périr.

Il y eut, dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, une secte, un parti puissant par le génie et l’éloquence, qui, en face de la révolution chrétienne, entreprit de continuer l’idolâtrie à ce point de vue d’une république modérée et progressive ; ce furent les néoplatoniciens, auxquels se rattachent Apollonius de Tyane et l’empereur Julien. C’est ainsi que nous avons vu, de nos yeux, certains prédicateurs essayer la rénovation du catholicisme, en interprétant ses symboles au point de vue des idées modernes.

Vaine tentative ! La prédication chrétienne, je veux dire la pratique révolutionnaire, emporta tout, les dieux et leurs hypocrites adorateurs ; et Julien, le plus grand politique et le plus bel esprit de son temps, pour s’être follement opposé à la justice évangélique, est resté flétri dans l’histoire du nom d’apostat.

Citons encore un exemple.

Supposons qu’en 89, les conseillers prudents du despotisme, les esprits avisés de la noblesse, les tolérants du clergé, les sages de la bourgeoisie, les patients du peuple ; supposons, dis-je, que cette élite de citoyens, aux vues les plus droites, aux idées les plus saines, aux intentions les plus philanthropiques, mais pénétrée du danger des brusques innovations, se fût entendue pour ménager, suivant les règles de la haute politique, la transition entre le despotisme et la liberté ? Qu’auraient-ils fait ?

Ils auraient voté, après longue discussion, mûre délibération, en mettant entre chaque article dix ans au moins d’intervalle, une charte octroyée ; ils auraient négocié avec le pape, et avec toute sorte de soumission, la constitution civile du clergé ; ils auraient traité avec les couvents, à l’amiable, le rachat de leurs biens ; ils auraient ouvert une enquête sur la valeur des droits féodaux, sur l’indemnité à accorder aux seigneurs ; ils auraient cherché des compensations aux privilèges pour les droits accordés au peuple. Ils auraient fait durer mille ans une révolution que la pratique révolutionnaire accomplit en une nuit.

Et tout ceci n’est point une vaine hypothèse : il ne manqua pas d’hommes en 89 pour enchaîner avec cette fausse sagesse la révolution. Le premier de tous fut Louis XVI, Louis XVI, révolutionnaire de cœur et de théorie autant que personne, mais qui ne comprit pas qu’il devait l’être également en pratique. Louis XVI se mit à marchander et chicaner sur tout, tant et si bien, que la révolution, impatientée, l’emporta !

Voici donc ce que j’entends, aujourd’hui, par pratique révolutionnaire.

La Révolution de février a posé le droit au travail, c’est-à-dire la prépondérance du travail sur le capital.

Partant de ce principe, je dis qu’avant de passer outre à toute réforme, nous avons à nous occuper d’une institution généralisatrice, qui exprime, sur tous les points de l’économie sociale, la subordination du capital au travail ; qui, au lieu de faire commanditer comme auparavant le travailleur par le capitaliste, rende le premier arbitre et commandeur du second, une institution qui change le rapport entre les deux grandes puissances économiques, le travail et la propriété, et de laquelle découlent ensuite, par voie de conséquence, toutes les autres réformes.

Sera-ce donc procéder révolutionnairement que de proposer ici une banque agricole servie, comme toujours, par les monopoleurs d’argent ; là, de créer un comptoir de garantie, monument de stagnation et de chômage ; ailleurs, de fonder une salle d’asile, un mont-de-piété, un hôpital, une crèche, une pénitencerie, une prison cellulaire, d’augmenter le paupérisme en en multipliant les foyers ?

Sera-ce faire œuvre de révolution que de commanditer de quelques millions, tantôt une compagnie de tailleurs, tantôt une société de maçons ; de réduire l’impôt sur les boissons et de le relever sur les propriétés ; de convertir des obligations à terme en fonds perdus ; de voter des graines et des pioches a douze mille colons partant pour l’Algérie ou de subventionner un phalanstère d’essai ?

Sera-ce parler ou agir en révolutionnaire que de disputer quatre mois durant si le peuple travaillera ou ne travaillera pas, si le capital se cache ou s’il s’expatrie, s’il attend la confiance ou si c’est la confiance qui l’attend, si les pouvoirs seront divisés ou seulement les fonctions, si le président sera le supérieur, ou le subordonné, ou l’égal de l’Assemblée nationale, si le premier qui remplira ce rôle sera neveu d’empereur ou fils de roi, ou s’il ne vaudrait pas mieux, pour ce bel emploi, d’un soldat ou d’un poëte ; si le nouveau souverain sera nommé par le peuple ou par les représentants, si le ministère de réaction qui s’en va mérite mieux la confiance que le ministère de conciliation qui vient, si la République sera bleue, blanche, rouge ou tricolore ?

Sera-ce être révolutionnaire, quand il s’agit de reporter au travail la production fictive du capital, de déclarer le revenu net inviolable, puis de le saisir par l’impôt progressif ; quand il faudrait organiser l’égalité dans l’acquisition des biens, de s’en prendre au mode de transmission ; quand 25,000 commerçants implorent un concordat, de leur répondre par la banqueroute ; quand la propriété ne reçoit plus ni fermage ni loyer, de lui refuser encore crédit ; quand le pays demande la centralisation des banques, de livrer ce crédit à une oligarchie financière qui ne sait que faire le vide dans la circulation et entretenir la crise en attendant que le découragement du peuple ramène la confiance ?

Citoyens, je n’accuse personne.

Je sais qu’à l’exception de nous autres, démocrates-socialistes, qui l’avons prévue et préparée, la Révolution de février a été une surprise pour tout le monde ; et s’il est difficile à de vieux constitutionnels de passer en si peu de temps dela foi monarchique à la conviction républicaine, il l’est encore plus à des politiques de l’autre siècle de comprendre rien à la pratique de la nouvelle Révolution. Autres temps, autres idées. Les grandes manœuvres de 93, bonnes pour l’époque, ne nous vont pas plus que la tactique parlementaire des trente dernières années ; et si vous voulez faire avorter la Révolution, vous n’avez pas de plus sûr moyen que de reprendre ces errements.

Citoyens, vous n’êtes encore dans le pays qu’une minorité. Mais déjà le flot révolutionnaire grossit avec la rapidité de l’idée, avec la majesté de l’Océan. Encore quelque temps de cette patience qui a fait votre succès, et le triomphe de la Révolution est assuré. Vous avez prouvé, depuis juin, par votre discipline, que vous aussi vous étiez des hommes politiques : vous prouverez désormais, par vos actes, par votre association, que vous êtes des organisateurs. Le gouvernement suffira, je l’espère, avec l’Assemblée nationale, à maintenir la forme républicaine : telle est du moins ma conviction. De ce côté, vous n’avez rien à redouter, rien à craindre. Mais le pouvoir révolutionnaire, le pouvoir de conservation et de progrès, n’est plus aujourd’hui dans le gouvernement ; il n’est pas dans l’Assemblée nationale : il est en vous. Le peuple seul, opérant sur lui·même sans intermédiaire, peut achever la Révolution économique fondée en février. Le peuple seul peut sauver la civilisation et faire avancer l’humanité !

Toast to the Revolution

October 17, 1848

Citizens,

When our friends of the democratic republic, apprehensive about our ideas and inclinations, cry out against the qualification of socialist which we add to that of democrat, for what do they reproach us?—They reproach us for not being revolutionaries.

Let us see then if they or we belong in the tradition, whether they or we have the true revolutionary practice.

And when our adversaries in the middle class, concerned for their privileges, pour calumny and insult upon us, what is the pretext for their charges? It is that we want to totally destroy property, the family, and civilization.

Again, let us see whether we or our adversaries better deserve the title of conservatives.

Revolutions are the successive manifestation of justice in human history.—It is for this reason that all revolutions have their origins in a previous revolution.

Whoever talks about revolution necessarily talks about progress, but just as necessarily about conservation. From this it follows that the revolution is always at work in history and that, strictly speaking, there are not several revolutions, but only one permanent revolution.

The revolution, eighteen centuries ago, called itself the gospel, the Good News. Its fundamental dogma was the Unity of God; its motto, the equality of all men before God. Ancient slavery rested on the antagonism and inequality of gods, which represented the relative inferiority of races in the state of war. Christianity created the rights of peoples, the brotherhood of nations; at the same time, it abolished idolatry and slavery.

Certainly no one denies today that the Christians, revolutionaries who fought by testimony and by martyrdom, were men of progress. They were also conservatives.

The polytheist initiation, after civilizing the first humans, after converting these men of the woods—sylvestres homine, as the poet says—into men of the towns, became itself, through sensualism and privilege, a principle of corruption and enslavement. Humanity was lost, when it was saved by the Christ, who received from that glorious mission the double title of Savior and Redeemer, or, as we put it in our political language, conservative and revolutionary.

That was the character of the first and greatest of revolutions. It renewed the world, and by renewing it conserved it.

But, supernatural and spiritual as it was, that revolution only expressed the more material side of justice, the enfranchisement of bodies and the abolition of slavery. Established on faith, it left thought enslaved; it was not sufficient for the emancipation of man, who is body and spirit, matter and intelligence. It called for another revolution. A thousand years after the coming of Christ, a new upheaval began within the religion the first revolution founded, a prelude to new progress. Scholasticism carried within it, along with the authority of the Church and the scripture, the authority of reason! In about the 16th century, the revolution burst forth.

The revolution, in that epoch, without abandoning its first given, took another name, which was already celebrated. It called itself philosophy. Its dogma was the liberty of reason, and its motto, which follows from that, was the equality of all before reason.

Here then is man, declared inviolable and free in his double essence, as soul and as body. Was this progress? Who but a tyrant could deny it? Was it an act of conservation? The question does not even merit a response.

The destiny of man, a wise man once said, is to contemplate the works of God. Having known God in his heart, by faith, the time had come for man to know him with his reason. The Gospel had been for man like a primary education; now grown to adulthood, he needed a higher teaching, lest he stagnate in idiocy and the servitude that follows it.

In this way, the likes of Galileo, Arnaud de Bresce, Giordano Bruno, Descartes, Luther—that whole elite of thinkers, wise men and artists, who shone in the 15th, 16th and 17th centuries as great revolutionaries—were at the same time the conservatives of society, the heralds of civilization. They continued, in opposition to the representatives of Christ, the movement started by Christ, and they suffered no lack of persecution and martyrdom for it!

This was the second great revolution, the second great manifestation of justice. It too renewed the world—and saved it.

But philosophy, adding its conquests to those of the Gospel, did not fulfill the program of that eternal justice. Liberty, called forth from the heart of God by Christ, was still only individual: it had to be established in the tribunal. Conscience was needed to make it pass into law.

About the middle of the last century a new development began, and, as the first revolution had been religious and the second philosophical, the third revolution was political. It called itself the social contract.

It took for its dogma the sovereignty of the people. It was the counterpart of the Christian dogma of the unity of god.

Its motto was equality before the law, the corollary of those that it had previously inscribed on its flag: equality before God and equality before reason.

Thus, with each revolution, liberty appeared to us always as the instrument of justice, with equality as its criterion. The third term—the aim of justice, the goal it always pursues, and the end it approaches—is brotherhood.

Let us never lose sight of this order of revolutionary development. History testifies that brotherhood, the supreme end of revolutions, does not impose itself. Its conditions are, first, liberty, and then equality. It is as if justice said to us all: Men, be free; citizens, become equal; brothers, embrace one another.

Who dares deny that the revolution undertaken sixty years ago by our fathers, the heroic memory of which makes our hearts beat with such force that we almost forget our own sense of duty—who denies, I ask, that this revolution was a progress? Nobody. Very well, then. But was it not both progressive and conservative? Could society have survived with its time-worn despotism, its degraded nobility, and its corrupt clergy, with its egotistical and undisciplined parliament, so given to intrigue, with a people in rags, a race which can be exploited at will?

Is it necessary to blot out the sun, in order to make the case? The revolution of ’89 was the salvation of humanity; it is for that reason that it deserves the title of revolution.

But, citizens, if our fathers have done much for liberty and fraternity, and have even more profoundly opened up the road of brotherhood, they have left it to us to do even more.

Justice did not speak its last word in ’89, and who knows when it will speak it.

Are we not witnesses, our generation of 1848, to a corruption worse than that of the worst days of history, to a misery comparable to that of feudal times, to an oppression of spirit and of conscience, and a degradation of all human faculties, which exceeds all that was seen in the epochs of most dreadful cruelty? Of what use are the conquests of the past, of religion and philosophy, and the constitutions and codes, when by virtue of the same rights that are guaranteed to us by those constitutions and codes, we find ourselves dispossessed of nature, excommunicated from the human species? What is politics, when we lack bread, when even the work which might give bread is taken from us? What to us is the freedom to go or to become, the liberty to think or not to think, the guarantees of the law, and the spectacles of the marvels of civilization? What is the meager education which is given to us, when by the withdrawal of all those objects on which we might practice human activity, we are ourselves plunged into an absolute void; when to the appeal of our senses, our hearts, and our reason, the universe and civilization reply: Néant! Nothing!

Citizens, I swear it by Christ and by our fathers! Justice has sounded its fourth hour, and misfortune to those who have not heard the call!

—Revolution of 1848, what do you call yourself?

—I am the right to work!

—What is your flag?

Association!

—And your motto?

Equality before fortune!

—Where are you taking us?

—To Brotherhood!

—Salute to you, Revolution! I will serve you as I have served God, as I have served Philosophy and Liberty, with all my heart, with all my soul, with all my intelligence and my courage, and I will have no other sovereign and ruler than you!

Thus the revolution, having been by turns religious, philosophical and political, has become economic. And like all its predecessors, it brings us nothing less than a contradiction of the past, a sort of reversal of the established order! Without this complete reversal of principles and beliefs, there is no revolution; there is only mystification. Let us continue to interrogate history, citizens.

Within the empire of polytheism, slavery had established and perpetuated itself—in the name of what principle? In the name of religion.—Christ appeared, and slavery was abolished, precisely in the name of religion.

Christianity, in its turn, made reason subject to faith; philosophy reversed that order, and subordinated faith to reason.

Feudalism, in the name of politics, controlled everything, subjecting the laborer to the bourgeois, the bourgeois to the noble, the noble to the king, the king to the priest, and the priest to a dead letter.—In the name of politics again, ’89 subjected everyone to the law, and recognized among men only citizens.

Today labor is at the discretion of capital. Well, then! The revolution tells you to change that order. It is time for capital to recognize the predominance of labor, for the tool to put itself at the disposition of the worker.

Such is this revolution, which has suffered sarcasm, calumny and persecution, just like any other. But, like the others, the Revolution of 1848 becomes more fertile from the blood of its martyrs. Sanguis martyrun, semen christianorum! exclaimed one of the greatest revolutionaries of times past, the indomitable Tertullien. Blood of republicans, seed of republicans.

Whoever does not dare to acknowledge this faith, sealed with the blood of our brothers, is not a revolutionary. The failure is an infidelity. He who dissembles regarding it is a renegade. To separate the Republic from socialism is to willfully confuse the freedom of mind and spirit with the slavery of the senses, the exercise of political rights with the deprivation of civil rights. It is contradictory, absurd.

Here, citizens, is the genealogy of social ideas: are we, or are we not, in the revolutionary tradition? It is a question of knowing if we are at present also engaged in revolutionary practice, if, like our fathers, we will be at once men of conservation and of progress, since it is only by this double title that we will be men of revolution.

We have the revolutionary principle, the revolutionary dogma, and the revolutionary motto. What do we lack in order to accomplish the work entrusted to our hands by Providence? One thing only: revolutionary practice!

But what is the practice which distinguishes the epochs of revolution from ordinary times?

What constitutes revolutionary practice is that it no longer proceeds by details and distinctions, or by imperceptible transitions, but by simplifications and enjambments. It passes over, by broad equations, the middle terms proposed by the spirit of routine, which would normally have been applied in the past, but which the selfishness of the privileged or the inertia of the governments has dismissed.

These great equitations of principles, these enormous shifts in mores, also have their laws, and they are not at all arbitrary. They are no more a matter of chance than the practice of revolutions.

But what, in the end, is that practice?

Suppose that the statesmen we have seen in power since February 24, these short-sighted politicians of small means, of narrow and meticulous routines, had been in the place of the apostles. I ask you, citizens, what would they have done?

They would have fallen into agreement with the innovators of the various conferences, concluding, in secret consultations, that the plurality of gods was an absurdity. They would have said, like Cicero, that it is inconceivable that two augurs could look at one another without laughter. They would have condemned slavery very philosophically, and in a deep voice.

But they would also have cried out against the bold propaganda which, denying the gods and all that society has sanctified, raised superstition and all the interests against it; they would have trusted in good policy, rather than attacking the old beliefs, instead of interpreting them. Instead of abolishing the worship, they would have purified it. They would have knelt before Mercury the thief, before impudent Venus and incestuous Jupiter. They would have spoken with respect and esteem for the Floralia and the Bacchanalia. They would have made a philosophy of polytheism, retold the history of the gods, renewed the personnel of the temples, published the payments for sacrifices and public ceremonies, granting, as far as it was in them, reason and morality to the impure traditions of their fathers. By dint of attention, kindness and human respect, instead of saving the world, they would have caused it to perish.

There was, in the first centuries of the Christian era, a sect, a party powerful in genius and eloquence, which, in the face of the Christian revolution, undertook to continue the idolatry in the form of a moderate and progressive republic; they were the Neo-Platonists, to whom Apollonius of Tyana and the Emperor Julian attached themselves. It is in this fashion that we have seen with our own eyes certain preachers attempt the renovation of Catholicism, by interpreting its symbols from the point of view of modern ideas.

A vain attempt! Christian preaching, which is to say revolutionary practice, swept away all the gods and their hypocritical admirers; and Julian, the greatest politician and most beautiful spirit of his time, bears in the histories the name of apostate, for having been madly opposed to evangelical justice.

Let us cite one more example.

Let us suppose that in ’89, the prudent counselors of despotism, the well-advised spirits of the nobility, the tolerant clergy, the wise men of the middle class, the most patient of the people—let us suppose, I say, that this elite of citizens, with the most upright vision and the most philanthropic views, but convinced of the dangers of abrupt innovations, had agreed to manage, according to the rules of politics, the transition from despotism to liberty. What would they have done?

They would have passed the promised charter, after long discussion and mature deliberation, letting at least ten years elapse between each article. They would have negotiated with the pope, and with all manner of submissiveness, the civil constitution of the clergy. They would have negotiated with the convents, by amicable agreement, the repurchase of their goods. They would have opened an investigation into the value of feudal rights, and the compensation to be accorded to the lords. They would have sought compensation to the privileged for the rights accorded to the people. They would have made the work of a thousand years what revolutionary practice might accomplish overnight.

All of this is not just empty talk: there was no lack of men in ’89 willing to connect themselves to this false wisdom of revolution. The first of all was Louis XVI, who was as revolutionary at heart and in theory as anyone, but who did not understand that the revolution must also be practiced. Louis XVI set himself to haggle and quibble over everything, so much and so well, that the revolution, growing impatient, swept him away!

Here then is what I mean, today, by revolutionary practice.

The revolution of February proclaimed the right to work, the predominance of labor over capital.

On the basis of that principle, I say that before overriding all reforms, we have to occupy ourselves with a generalizing institution, which expresses, on all the points of social economy, the subordination of capital to labor; which, in lieu of making, as has been the case, the capitalist the sponsor of the laborer, makes the laborer the arbiter and commander of the capitalist; an institution which changes the relation between the two great economic powers, labor and property, and from which follows, consequently, all other reforms.

Will it then be revolutionary to propose here an agricultural bank serving, as always, the monopolizers of money; and to create there a certified loan office, a monument to stagnation and unemployment; and elsewhere, to found an asylum, a pawn-shop, a hospital, a nursery, a penitentiary, or a prison, to increase pauperism by multiplying its sources?

Will it be a work of Revolution to sponsor a few million workers, sometimes a company of tailors, and sometimes of masons; to reduce the tax on drink and increase it on properties; to convert obligations into losses; to vote seeds and pick-axes for twelve thousand colonists leaving for Algeria, or to subsidize a trial phalanstery?

Will it be the speech or act of a revolutionary to argue for four months whether the people will work or will not, if capital hides or if it flees the country, if it awaits confidence or if it is confidence that awaits it, if the powers will be divided or only the functions, if the president will be the superior, the subordinate or the equal of the national assembly, if the first who will fill this role will be the nephew of the emperor or the son of the king, or if it would not be better, for that good purpose, to have a soldier or a poet, if the new sovereign will be named by the people or by the representatives, if the ministry of reaction which goes out merits more confidence than the ministry of conciliation which comes, if the Republic will be blue, white, red, or tricolor?

Will it be revolutionary, when it is a question of returning to labor the fictive production of capital, to declare the net revenue inviolable, rather than to seize it by a progressive tax; when it is necessary to organize equality in the acquisition of goods, to lay the blame on the mode of transmission; when 25,000 tradesmen implore a legal settlement, to answer them by bankruptcy; when property no longer receives rent or farm rent, to refuse it further credit; when the country demands the centralization of the banks, to deliver that credit to a financial oligarchy which only knows how to make a void in circulation and to maintain the crisis, while waiting for the discouragement of the people to bring back confidence?

Citizens, I accuse no one.

I know that to all except for us social democrats, who have envisioned and prepared for it, the Revolution of February has been a surprise; and if it is difficult for the old constitutionals to pass in so short a time from the monarchical faith to a republican conviction, it is still more so for the politicians of the old century to comprehend anything of the practice of the new Revolution. Other times have other ideas. The great maneuvers of ’93, good for their time, do not suit us now any more than the parliamentary tactics of the last thirty years; and if we want to abort the revolution, we have no surer means than to take up again these errors.

Citizens, you are still only a minority in this country. But already the revolutionary flood grows with the speed of the idea, with the majesty of the ocean. Exercise again some of that patience that made your success, and the triumph of the Revolution is assured. You have proven, since June, by your discipline, that you are politicians. From now on you will prove, by your acts, that you are organizers. The government will be enough, I hope, with the National Assembly, to maintain the republican form: such at least is my conviction. But the revolutionary power, the power of conservation and of progress, is no longer today in the hands of the government; it is not in the National Assembly: it is in you. The people alone, acting upon themselves without intermediary, can achieve the economic Revolution begun in February. The people alone can save civilization and advance humanity!

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Independent scholar, translator and archivist.