Proudhon Lexicon: Anarchy (What is Property?)

ANARCHY, ANARCHISM, ANARCHIST, ANARCHIC

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p. 212 — Quelle forme de gouvernement allons-nous préférer? — Eh! pouvez-vous le demander, répond sans doute quelqu’un de mes plus jeunes lecteurs; vous êtes républicain. — Républicain, oui; mais ce mot ne précise rien. Res publica, c’est la chose publique; or, quiconque veut la chose publique, sous quelque forme de gouvernement que ce soit, peut se dire républicain. Les rois aussi sont républicains. — Eh bien! vous êtes démocrate? — Non. — Quoi! vous seriez monarchique’! — Non. — Constitutionnel? — Dieu m’en garde. — Vous êtes donc aristocrate? — Point du tout. — Vous voulez un gouvernement mixte? — Encore moins. — Qu’êtes-vous donc? — Je suis anarchiste.

— Je vous entends : vous faites de la satire ; ceci est à l’adresse du gouvernement. — En aucune façon : vous venez d’entendre ma profession de foi sérieuse et mûrement réfléchie; quoique trèsami de l’ordre, je suis, dans toute la force du terme, anarchiste. Écoutez-moi.


p. 216 — Ainsi, dans une société donnée, l’autorité de l’homme sur l’homme est en raison inverse du développement intellectuel auquel cette société est parvenue, et la durée probable de cette autorité peut être calculée sur le désir plus ou moins général d’un gouvernement vrai, c’est-à-dire d’un gouvernement selon la science. Et de même que le droit de la force et le droit de la ruse se restreignent devant la détermination de plus en plus large de la justice, el doivent finir par s’éteindre dans l’égalité; de même la souveraineté de la volonté cède devant la souveraineté de la raison, et finira par s’anéantir dans un socialisme scientifique. La propriété et la royauté sont en démolition dès le commencement du monde; comme l’homme cherche la justice dans l’égalité, la société cherche l’ordre dans l’anarchie.

Anarchie, absence de maître, de souverain (1), telle est la forme de gouvernement dont nous approchons tous les jours, et que l’habitude invétérée de prendre l’homme pour règle et sa volonté pour loi nous fait regarder comme le comble du désordre et l’expression du chaos. On raconte qu’un bourgeois de Paris du dixseptième siècle ayant entendu dire qu’à Venise il n’y avait point de roi, ce bon homme ne pouvait revenir de son étonnement, et pensa mourir de rire à la première nouvelle d’une chose si ridicule. Tel est notre préjugé : tous tant que nous sommes nous voulons un chef ou des chefs; et je tiens en ce moment une brochure dont l’auteur, zélé communiste, rêve comme un autre Marat de la dictature. Les plus avancés parmi nous sont ceux qui veulent le’ plus grand nombre possible de souverains, la royauté de la garde nationale est l’objet de leurs vœux les plus ardents, bientôt sans doute quelqu’un, jaloux de la milice citoyenne, dira : Tout le monde est roi; mais quand ca quelqu’un aura parlé, je dirai,-moi: Personne n’est roi; nous sommes, bon gré malgré nous, associés. Toute question de politiqué intérieure doit être vidée d’après les données de la statistique départementale; toute question de politique extérieure est une affaire de statistique internationale. La science du gouvernement appartient de droit à l’une des sections de l’Académie des sciences, dont te secrétaire perpétuel devient nécessairement premier ministre; et puisque tout citoyen peut adresser un mémoire à l’Académie, tout citoyen est législateur; mais, comme l’opinion de personne ne compte qu’autaut qu’elle est démontrée, personne ne peut mettre sa volonté à la place de la raison,—personne n’est roi.”

(1) Le sens ordinairement attribué au mot anarchie est absence de principe, absence de règle; d’où vient qu’on l’a fait synonyme de désordre.


p. 220 Pour déterminer la liberté, nous ne réunissons donc pas sans discernement la communauté et la propriété, ce qui serait un éclectisme absurde. Nous recherchons par une méthode analytique ce que chacune d’elles contient de vrai, de conforme au vœu de la nature et aux lois de la sociabilité, nous éliminons ce qu’elles renferment d’éléments étrangers; et le résultat donne une expression adéquate à la forme naturelle de la société humaine, en un mot la liberté.

La liberté est égalité, parce que la liberté n’existe que dans l’état social, et que hors de l’égalité il n’y a pas de société.

La liberté est anarchie, parce qu’elle n’admet pas le gouvernement de la volonté, mais seulement l’autorité de la loi, c’est-à-dire de la nécessité.

La liberté est variété infinie, parce qu’elle respecte toutes les volontés, dans les limites de la loi.

La liberté est proportionnalité parce qu’elle laisse toute latitude à l’ambition du mérite et à l’émulation de la gloire.

Nous pouvons dire maintenant, à l’exemple de M. Cousin: « Notre principe est vrai; il est bon, il est social; ne craignons pas d’en déduire toutes les conséquences. »


p. 224 X. La politique est la science de la liberté : le gouvernement de l’homme par l’homme, sous quelque nom qu’il se déguise, est oppression; la plus haute perfection de la société se trouve dans l’union de l’ordre et de l’anarchie.

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p. 212 — What form of government will we prefer? — “Why, how can you ask such a question?” one of my younger readers will doubtless respond. “You are a republican.” — “A republican! Yes; but that word clarifies nothing. Res publica; that is, the commonweal. Now, whoever is interested in the commonweal, under any form of government whatsoever, may call himself a republican. The kings are also republicans.” — “Well! you are a democrat?” — “No”” — “What! You would have a monarchy.” — “No.” — “A constitutionalist?” — “God forbid!” — “So you are an aristocrat?” — “Not at all.” — “You want a mixed government?” — “Even less.” — “What are you, then?” — “I am an anarchist.”

“Oh! I understand you; you speak satirically. This is for the benefit of the government.” — “Not at all. You have just heard my serious and carefully considered profession of faith. Although a firm friend of order, I am, in the strongest sense of the term, an anarchist. Listen to me.”


p. 216 —Thus, in a given society, the authority of man over man is in inverse ratio of the intellectual development to which that society has reached, and the probable duration of that authority can be calculated on the more or less general desire of a true government, of a government according to science. And just as the right of force and the right of artifice are curbed by increasingly wide determination of justice, and must end by being wiped out in equality; just as the sovereignty of the will gives way the sovereignty of reason, and end by being destroyed in scientific socialism. Property and royalty have been in the process of demolition since the beginning of the world; as man seeks justice in equality, society seeks order in anarchy.

Anarchy, absence of master, of sovereign (1), such is the form of government that we approach every day, which the deep-rooted habit of taking the man for rule and his will for law makes us regard as the height of disorder and the expression of chaos. It is told that a bourgeois of Paris in the seventeenth century having heard that in Venice there was not king, this good man could not hold back his astonishment, and thought he would die of laughter at the first news of so ridiculous a thing. Such is our prejudice: all of us want a leader or leaders; and I hold at this moment a brochure whose author, a zealous communist, dreams, like another Marat, of dictatorship. The most advances among us are those who want the greatest possible number of sovereigns, the royalty of the natural guard is the object of their most ardent wishes, soon without doubt someone, jealous of the citizen militia, will say: Everyone is king; but when that one would have spoken, I would say: No one is king; we are, whether we like it or not, associated. Every question of domestic policy must be settled according to the data of regional [départementale] statistics; every question of foreign policy is an affair of international statistics. The science of government belongs by right to one of the sections of the Academy of Sciences, of which the permanent secretary necessarily becomes the first minister; and since every citizen can address a report to the Academy, every citizen is a legislator; but as anyone’s opinion only counts to the extent that it is demonstrated, no one can put their will in the place of reason,—and no one is king.”

(1) The meaning ordinarily attributed to the word anarchy is the absence of principle, absence of rule; so that we make it a synonym of disorder.


p. 220 — Thus, in order to determine [the nature of] liberty, we should not indiscrimately joing community and property. That would be an absurd eclecticism. We seek, by an analytic method, the truth contained in each of them, what conforms to the ways of nature and the laws of sociability; we eliminate the foreign elements they contain; and to the result gives an expression suitable to the natural form of human society, en un mot la liberté.

Liberty is equality, because liberty only exists in the social state, and apart from equality there is no society.

Liberty is anarchy, because it does not accept the government of will, but only the authority of law, which is to say of necessity.

Liberty is infinite variety, because it respects all wills, within the limits of the law.

Liberty is proportionality because it leaves every latitude the ambition for advantage and competition for glory.

We can say now, following the example of Mr. Cousin: “Our principle is true, it is good and it is social; we have no fear of deducing all its consequences.”


p. 224 — X. Politics is the science of liberty: the government of man by man, under whatever name it is disguised, is oppression; the highest perfection of society is found in the union of order and anarchy.

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