The Anarchism of the Encounter: The Texts (pénétration mutuelle)

The texts collected here will be those most directly related to a number of phrases and formulas that we find repeated in the works of Proudhon. These phrases will, in turn, provide part of the framework for The Anarchism of the Encounter, the work of anarchist theory that I’m in the midst of writing.

Pierre Leroux, Equality

J’établirai plus loin cette proposition ; je montrerai que tel est réellement le rapport de l’homme et de la société ; je chercherai comment cette sorte d’équilibre et cette pénétration mutuelle peuvent avoir lieu, et comment elle doit se réaliser de plus en plus à mesure que l’Humanité se perfectionnera. Je me borne pour le moment à une comparaison qui rendra grossièrement mon idée. Comment avons-nous connaissance de notre corps ? N’est-ce pas en nous regardant dans un autre corps qui réfléchit nos traits ? Ce que nous voyons ainsi, ce n’est donc pas notre corps, c’est la glace où nous nous regardons. Donc, ce qui fait l’image, c’est la glace. Mais la glace elle-même, si notre corps n’était pas devant elle, ne réfléchirait pas cette image. C’est donc notre corps aussi qui fait l’image. Néanmoins notre corps et la glace sont tout-à-fait indépendants l’un de l’autre, quoique nous ne connaissions notre corps que par le moyen de l’un et de l’autre. Il en est de même de la vie humaine. La vie humaine, c’est la connaissance, le sentiment, la sensation qui résultent de la coexistence de l’homme et de la société : supprimez l’un ou l’autre, la vie cesse et disparaît comme l’image dont nous parlions tout-à-l’heure. L’homme et la société sont pourtant aussi distincts, aussi indépendants que le sont notre corps et la glace où nous nous regardons. Mais c’est qu’il y a de l’homme à la société, de la société à l’homme, une pénétration mutuelle par laquelle ils se confondent sans cesser d’être distincts, de même que notre corps et la glace se réunissent dans notre image. Or à quelle condition dira-t-on qu’un homme s’est vu dans une glace, et qu’une glace a reproduit son image ? A condition qu’il se voie tout entier, et que la glace soit assez grande pour cela. Il faut donc de même, pour que l’homme et la société existent normalement , que l’homme y soit un et complet, et que la société soit également une et complète. Tels ne sont ni l’homme de Platon , ni la société de Platon. Platon fait trois compartiments dans cette glace qui est sa république. En haut, un premier compartiment, celui qui répond à la tête ; au-dessous, un second , qui répond à la poitrine; et en bas, un troisième, qui répond aux jambes. Puis, par une sorte de sortilège, qui est l’éducation qu’il donne aux uns et qu’il refuse aux autres, il fait que cette glace ne peut réfléchir les traits de ceux qui s’y mirent que par un seul compartiment à la fois. Les hommes qui passent devant cette glace sont donc divisés par elle : les uns n’ont qu’une tête, point de poitrine et point de jambes ; d’autres, au contraire, n’ont qu’une poitrine sans tête et sans jambes ; d’autres enfin n’ont que des jambes. Et Platon trouve que celte glace réfléchit admirablement les objets, parcequ’il met la tête des uns sur la poitrine et les jambes des autres. Mais réellement on peut dire qu’il n’y a plus ni glace ni hommes.

I will establish this proposition later; I will show that such is really the relationship between man and society; I will seek to know how this sort of equilibrium and this mutual penetration can take place, and how it must be realized more and more as Humanity perfects itself. I will limit myself for the moment to a comparison which will roughly convey my idea. How do we become aware of our body? Is it not by looking at ourselves in another body, which reflects our features? What we see in this way is therefore not our body; it is the mirror in which we look at ourselves. Therefore, what makes the image is the mirror. But the mirror itself, if our body were not in front of it, would not reflect this image. It is therefore our body also which makes the image. Nevertheless our body and the mirror are entirely independent of each other, although we know our body only by means of one and the other. It is the same with human life. Human life is the knowledge, the sentiment, the sensation that result from the coexistence of man and society: remove one or the other, and life ceases and disappears like the image we were just talking about. Man and society are, however, as distinct, as independent as our body and the mirror in which we look at ourselves. But there is, from man to society, from society to man, a mutual penetration by which they merge without ceasing to be distinct, just as our body and the mirror are united in our image. Now, under what condition will it be said that a man has seen himself in a mirror, and that a mirror has reproduced his image? On condition that he sees himself entirely, and that the mirror is large enough for this. It is therefore necessary, in the same way, that man and society exist normally, that man be one and complete there, and that society be equally one and complete. Neither Plato’s man nor Plato’s society are such. Plato makes three compartments in this mirror which is his republic. At the top, a first compartment, that which corresponds to the head; below, a second, which corresponds to the chest; and at the bottom, a third, which corresponds to the legs. Then, by a sort of spell, which is the education he gives to some and refuses to others, he makes it so that this mirror can only reflect the features of those who put themselves in it through one compartment at a time. The men who pass before this mirror are therefore divided by it: some have only a head, no chest and no legs; others, on the contrary, have only a chest without a head and without legs; still others have only legs. And Plato finds that this mirror reflects objects admirably, because he places the heads of some on the chest and the legs of others. But really one can say that there is no longer either mirror or men.

Celebration of Sunday

« Tu penses savoir déjà quelque chose : entre dans le laboratoire de la nature, et tout ce que tu sais va s’évanouir comme un rêve, et ne te laisser que le sentiment de ton ignorance. Qui produit entre ces masses inertes cette pénétration mutuelle, ces brusques métamorphoses, ces aversions et ces préférences, ces amours et ces haines? C’est ici la seconde incorporation de la force. Une énergie incoercible et sûre préside à toutes les combinaisons, et, variant ses lois selon l’espèce et la mesure, n’attend pour agir que le contact ou le repos. Vois ces produits si différents de leurs éléments; admire la savante géométrie de ces précipitations. La neige, comme une cristallisation de fleurs transparentes, inonde de ses flocons symétriques le haut Liban et le Caucase, père des fleuves : quel pinceau traça jamais des figures plus régulières, plus élégamment variées ? Mais ici, plus l’intelligence éclate, plus la cause se dérobe : la science n’est plus qu’une série de noms et de phénomènes. Chaque fait que l’observateur enregistre brouille ses classifications ; chaque découverte est un démenti à ses systèmes ; et plus tu pénétres dans ce labyrinthe, plus ses détours se croisent et s’entrelacent. Il n’y a point encore de chimie.

“You think you know something already: enter into the laboratory of nature, and all that you know will vanish like a dream, and leave you only the feeling of your ignorance. What produces between this inert masses this mutual penetration, these sudden metamorphoses, these aversions and preferences, these loves and hates? This is the second incorporation of force. An uncontrollable and certain power presides over all the combinations, and, varying its laws according to the variety and quantity, awaits before acting only contact or repose. See these products so different from their elements; admire the complex geometry of this precipitation. The snow, like a crystallization of transparent flowers, floods with its symmetrical flakes the heights of Mount Lebanon and the Caucasus, father of rivers. What paintbrush has ever drawn figures more regular, and more elegantly varied? But here, the more the intelligence sparkles, the more illusive the cause becomes. Science is nothing but a series of names and phenomena. Each fact recorded by the observer blurs his classifications; each discovery is a refutation of his systems; and the deeper you penetrate into this labyrinth, the more its detours increase and entwine. There is still no chemistry.

Organization of Credit and Circulation

Mais, de même que la vie suppose la contradiction, la contradiction à son tour appelle la justice de là la seconde loi de la création et de l’humanité, la pénétration mutuelle des éléments antagonistes, la RÉCIPROCITÉ.

La RÉCIPROCITÉ, dans la création, est le principe de l’existence. Dans l’ordre social, la Réciprocité est le principe de la réalité sociale, la formule de la justice. Elle a pour base l’antagonisme éternel des idées, des opinions, des passions, des capacités, des tempéraments, des intérêts. Elle est la condition de l’amour même.

La RÉCIPROCITÉ est exprimée dans le précepte : Fais à autrui ce que tu veux que l’on te fasse; précepte que l’économie politique a traduit dans sa formule célèbre Les produits s’échangent contre des produits.

We need, however, no great effort of reflection in order to understand that justice, union, accord, harmony, and even fraternity, necessarily suppose two terms and that unless we are to fall in to the absurd system of absolute identity, which is to say absolute nothingness, contradiction is the fundamental law, not only of society, but of the universe!

Such is also the first law that I proclaim, in agreement with religion and philosophy: it is Contradiction. Universal Antagonism.

But, just as life supposes contradiction, contradiction in its turn calls for justice: from this the second law of creation and humanity, the mutual penetration of antagonistic elements, RECIPROCITY.

RECIPROCITY, in all creation, is the principle of existence. In the social order, Reciprocity is the principle of social reality, the formula of justice. Its basis is the eternal antagonism of ideas, opinions, passions, capacities, temperaments, and interests. It is even the condition of love.

RECIPROCITY is expressed in the precept: Do unto others what you would have others do unto you; a precept that political economy has translated in its famous formula: Products exchange for products.

Now the evil that devours us comes from the fact that the law of reciprocity is unknown, or violated. The remedy is entirely in the promulgation of that law. The organization of our mutual and reciprocal relations is the entirety of social science.

War and Peace

Qu’est-ce d’abord que la nationalité, en présence de ces abdications populaires, de ces incorporations, de ces fédérations, de ces fusions, balancées par ces constitutions, ces distributions de pouvoir, ces lois d’équilibre, ces décentralisations, ces affranchissements? Qu’est-ce que la nationalité, en présence de ces réformes douanières, de cette pénétration mutuelle des peuples, de ces anastomoses, de ces mélanges de races, de cette similitude, pour ne pas dire de cette identité croissante des lois, des droits, des mœurs, des garanties, de l’industrie, des poids et mesures, des monnaies? N’est-il pas évident que si la politique remet sur le tapis cette vieille question des nationalités, de tout temps niée par la loi du progrès autant que-par le droit de la force, abolie un instant par l’empire romain et par le christianisme, c’est que la politique n’a véritablement plus rien à dire; c’est que les nationalités, broyées pendant quatre mille ans par la guerre, ne forment plus qu’une pâte; c’est, en un mot, que la guerre est arrivée à la fin de son œuvre, et que la parole est à l’économie politique, à la paix.

What is nationality, first of all, in the presence of these popular abdications, these incorporations, these federations, these fusions, balanced by these constitutions, these distributions of power, these laws of equilibrium, these decentralizations, these emancipations? What is nationality, in the presence of these customs reforms, of this mutual penetration of peoples, of these anastomoses, of these mixtures of races, of this similarity, not to say this growing identity of laws, rights, mores, guarantees, industry, weights and measures, currencies? Is it not obvious that if politics brings back to the table this old question of nationalities, always denied by the law of progress as much as by the right of force, abolished for a moment by the Roman Empire and by Christianity, it is because politics truly has nothing more to say; it is because the nationalities, crushed for four thousand years by war, form only a paste; it is, in a word, because war has reached the end of its work, and the floor is given to political economy, to peace.

 
About Shawn P. Wilbur 2738 Articles
Independent scholar, translator and archivist.