E. Armand in “Le Signal” (1891-1893)

In 1891, Ernest-Lucien Juin (E. Armand) would have been 19 years old and a couple of years into his association with the Salvation Army. Based on the biographical details he provided, it appears that it was not much later than this that he began to assist in the publication of some of the publications of the group. Whether this E. Armand was Ernest-Lucien Juin remains uncertain, but certainly possible.

  • E. Armand, “A propos de la FĂ©dĂ©ration des Églises Françaises,” Le Signal 12 no. 623 (21 Mars 1891): 2.
  • E. Armand, “La morale de Christ,” Le Signal 13 no. 623 (11 Avril 1891): 2.
  • E. Armand, “PoĂ©sie,” Le Signal 15 no. 736 (16 Septembre 1893): 2.
  • E. J. Armand, “La littĂ©rature immorale,” Le Signal 15 no. 744 (11 Novembre 1893): 2.

A propos de la Fédération

DES ÉGLISES PROTESTANTES FRANÇAISES

J’ai lu avec un profond intĂ©rĂȘt l’article intitulĂ© « FĂ©dĂ©ration ou Fusion » et qui a paru dans le Signal du 28 fĂ©vrier. Il nous a suggĂ©rĂ© les lignes suivantes, Ă©crites par un chrĂ©tien Ă©vangĂ©lique, mais qui n’appartient de fait Ă  aucune Eglise, ce qui lui donne, dans une certaine mesure, la libertĂ© d’exprimer ses opinions sans ĂȘtre arrĂȘtĂ© par telle ou telle considĂ©ration.

En effet, il est vrai qu’un assez grand nombre de protestants des diverses Eglises dĂ©sireraient pouvoir se rallier autour d’un drapeau commun, mais malgrĂ© cette tendance centraliste, qui en tout temps a Ă©tĂ© le dĂ©sir de tout vrai chrĂ©tien, nous ne croyons pas la fusion possible :

1° parce qu’elle serait, selon toute apparence, loin de donner le rĂ©sultat attendu. A quoi cela servirait-il d’avoir une seule Eglise rĂ©formĂ©e officielle comptant plusieurs centaines de milliers de membres, si la vie y manque? C’est lĂ , malheureusement, le grand dĂ©faut de toutes ces Eglises Ă©tablies (1) et l’exemple de l’Angleterre n’est guĂšre Ă  citer quand on considĂšre que l’Eglise anglicane est depuis longtemps dĂ©jĂ  tombĂ©e dans une lĂ©thargie qui ne fait que s’accroĂźtre et qui dĂ©gĂ©nĂšre de plus en plus en une sorte de nĂ©o catholicisme, oĂč les formes et les sacrements font place Ă  la foi ! ce qui n’est pas pour effrayer l’Eglise de Rome, qui, il faut le reconnaĂźtre, progresse de l’autre cĂŽtĂ© du dĂ©troit. C’est dans les rangs des Eglises , dissidentes et des Missions de toutes sortes qui, Dieu soit louĂ©, sillonnent le sol du Royaume-Uni, qu’il faut aller chercher ( quelque activitĂ©, et. Ă  notre avis, ce sont , ces derniĂšres qui ont entretenu, grĂące aux RĂ©veils opĂ©rĂ©s par leur moyen Ă  de | certaines pĂ©riodes, l’esprit religieux qui rĂšgne au milieu de la nation britannique, et cependant, que Ăźle dĂ©sertions ne doit on pas signaler !

A plus forte raison, croyons-nous, dans notre pays, oĂč l’on cherche tant, parmi les chrĂ©tiens, Ă  accommoder Dieu avec le monde, il serait Ă  craindre qu’une pareille fusion ne servit qu’à amoindrir le zĂšle des chrĂ©tiens sincĂšres et qui ont compris l’importance de leur tĂąche et Ă  Ă©teindre entiĂšrement le peu de foi qui reste aux chrĂ©tiens timides ou qui craignent de se dĂ©clarer.

2° Il arriverait inĂ©vitablement qu’une fois une pareille Fusion accomplie, des scissions se produiraient, ce qui est logique avec ce principe que chaque chrĂ©tien a le droit imprescriptible d’interprĂ©ter la Bible selon la lumiĂšre que Dieu lui accorde, et, d’un autre cĂŽtĂ©, combien de fois nation point vu le Seigneur lui-mĂȘme profiter de ces scissions pour susciter de magnifiques rĂ©veils, ce qui n’est pas un argument contre la multiplicitĂ© des sectes ou des Eglises.

⁂

Par suite, et mettant Ă  part toute question d’Alliance Ă©vangĂ©lique, la FĂ©dĂ©ration nous semble bien prĂ©fĂ©rable Ă  un grand nombre de points de vue.

Que serait, selon nous, cette Fédération?

L’union de toutes les Eglises ou Misions se rattachant par leurs principes ou leur dogmatique au Christianisme Ă©vangĂ©lique, chacune de ces Eglises ou Misions conservant sa libertĂ© d’action propre.

On pourrait arriver ainsi Ă  la formation d’un Consistoire ou Synode central oĂč seraient reprĂ©sentĂ©es les Eglises luthĂ©rienne, baptiste, calviniste, mĂ©thodiste, libre (aussi bien que la Mission Mac All ou l’ArmĂ©e du salut), etc.

DĂšs qu’elle sentirait une seule des libertĂ©s de l’Eglise Ă©vangĂ©lique mise en jeu. cette AssemblĂ©e pourrait se lever et rĂ©clamer hardiment, car elle pourrait affirmer exprimer les vƓux de tous les protestant français.

Une amitiĂ© vĂ©ritablement chrĂ©tienne rĂ©gnerait entre les diffĂ©rents pasteurs ou Ă©vangĂ©listes, et la consĂ©quence naturelle serait un redoublement d’efforts pour le salut des Ăąmes.

De cette maniĂšre, aucune Eglise ne serait tentĂ©e de perdre de vue le but principal Ă  poursuivre : l’Ă©vangĂ©lisation de l’humanitĂ©, et, s’il arrivait que quelque pasteur mĂ©thodiste ou baptiste arrivĂąt Ă  rĂ©veiller ou Ă  faire recevoir membre de son Eglise un pauvre luthĂ©rien ou un malheureux rĂ©formĂ© endormi dans le formalisme, nous n’en verrions vraiment pas le mal!

On voit par ceci que nous n’envisageons pas le mot FĂ©dĂ©ration dans le mĂȘme sens que l’auteur de l’article prĂ©citĂ©, car nous sommes absolument convaincu qu’aucune de ces Eglises et de ces Missions ne se gĂȘneraient dans leur travail, car en France la moisson est immense et les Ăąmes Ă  arracher Ă  l’enfer sont nombreuses.

Voici l’idĂ©e, il nous semble, que nous devrions nous efforcer de propager autour de nous et d’avancer par la priĂšre, car elle est parfaitement rĂ©alisable et elle servirait peut-ĂȘtre plus que toute autre Ă  1 Ă©tablissement du rĂšgne de Christ !

E. Armand.

(1) Nous faisons une immense diffĂ©rence entre l’Eglise anglicane qui est Ă©piscopale et l’Eglise rĂ©formĂ©e de France qui est presbytĂ©riens. C’est l’épiscopalisme de l’une et non pas son nationalisme qui nous semble cause du mal. L’Eglise rĂ©formĂ©e de France, si elle n’est pas parfaite, est pourtant au sein de notre pays un ferment de vie. Nous ne croyons pas que les autres Eglises, libres, mĂ©thodistes, etc., avec leurs mĂ©rites particuliers, fassent plus et mieux Ă  cet Ă©gard. (Note de la rĂ©daction.)

TRANSLATION

LA MORALE DE CHRIST

Nous rencontrons journellement des sceptiques, des incrĂ©dules, des athĂ©es mĂȘme, qui, tout en ne reconnaissant pas Christ comme le Fils de Dieu entretiennent, nĂ©anmoins Ă  l’égard de sa personne et de la mo raie de l’Evangile, une admiration profonde. Ils refusent Ă  Christ la qualitĂ© de Messie, ils nient sa puissance de sauver, mais ils s’inclinent devant sa vie sainte et irrĂ©prochable, cette vie de renoncement et de dĂ©vouement. En un mot, admirateurs de l’homme, ils ne veulent entendre parler du Dieu.

Sans vouloir entamer une discussion, ce que les limites de cet article ne nous per mettraient d’ailleurs pas, voyons quel aurait Ă©tĂ© la rĂ©sultat rĂ©el des enseignements de JĂ©sus-christ s’il nous nous fallait l’envisager comme un homme ordinaire.

Disons tout d’abord que, malgrĂ© une opinion assez rĂ©pandue, il est impossible de considĂ©rer JĂ©sus comme un philosophe : un seul coup d’Ɠil sur son histoire le prouve aisĂ©ment. Il ne peut avoir Ă©tĂ© qu’un rĂ©formateur, qui, indignĂ© de l’hypocrisie formaliste d’IsraĂ«l, — influencĂ© aussi par le milieu relativement pur des EssĂ©niens, — aurait senti bouillonner dans son cƓur une sainte colĂšre, et se serait levĂ© hardiment pour venir rappeler Ă  ses coreligionnaires leurs devoirs vis-Ă -vis de Dieu et du prochain, ces devoirs prescrits par la loi du SinaĂŻ — et que les docteurs et les pharisiens avaient contribuĂ© Ă  Ă©touffer sous la masse des commentaires et des traditions. JugĂ©e Ă  ce point de vue, il faudrait avouer que cette tentative, — noble et louable Ă©videmment, — n’aurait guĂšre rĂ©ussi, puisqu’aprĂšs quelques annĂ©es d’une prĂ©dication a dense et acharnĂ©e, elle aurait trouvĂ© un terme sur le Calvaire ; sacrifice inutile qui n’aurait mĂȘme pas abouti Ă  la formation d’une secte capable de contrebalancer l’action de celles dĂ©jĂ  existantes, puisque les disciples de son Fondateur, devant l’inanitĂ© dĂźneurs efforts, auraient Ă©tĂ© bientĂŽt obligĂ©s de modifier entiĂšrement la doctrine de leur MaĂźtre.

Quant Ă  l’envisager comme un philosophe mystique et exaltĂ©, se rattachant plus ou moins Ă  l’école platonique, nous avons Ă©cartĂ© plus haut cette maniĂšre de voir. En effet, JĂ©sus-christ n’a jamais tentĂ© d’introduire de nouvelles idĂ©es ou de nouvelles croyances parmi ceux auxquels il s’ladres sait ; c’est du Dieu d’Abraham, de celui de MoĂŻse et de celui d’Elie qu’il leur parle sans cesse; c’est sur les textes sacrĂ©s qu’il s’appuie pour les convaincre ou les persuader. — En tout cas, cet essai de constituer un systĂšme philosophique particulier aurait Ă©chouĂ© comme le prĂ©cĂ©dent, puisque ses disciples auraient dĂ» lui faire subir une transformation encore plus complĂšte.

Eh bien ! JĂ©sus n’est rien de tout cela et il est plus que tout cela.

Qu’on examine sans parti pris les discours du Sauveur ou mĂȘme seulement les phrases suivantes (qui nous reviennent pour le moment Ă  la mĂ©moire et qui fourmillent dans les Evangiles) : Je suis la voie, la vĂ©ritĂ© et la vie ; Venez Ă  moi, vous qui ĂȘtes chargĂ©s et je vous soulagerai ; Nul ne vient au pĂšre que par moi; quiconque croit en moi a la vie Ă©ternelle ; je suis venu pour rendre tĂ©moignage Ă  la vĂ©ritĂ© ; moi, je suis d’en haut ; je suis le pain de vie ; et moi je vous dis… etc. L’on reconnaĂźtra de suite la physionomie exclusivement personnelle de son enseignement, physionomie qui le distingue nettement de celui de tout philosophe soude tout prophĂšte. On sent Ă  leur lecture qu’on se trouve en prĂ©sence d’un ĂȘtre supĂ©rieur, conscient de la haute mission qu’il est appelĂ© Ă  remplir. Il ne fait d’exception pour personne quelle que soit la qualitĂ© et le rang de ceux auxquels Il s’adresse ; partout, Il annonce rĂ©solument que c’est en Lui que doivent s’accomplir les antiques prophĂ©ties ; il proclame sans crainte la bonne nouvelle du Royaume des cieux : il avertit sans faiblesse ceux qui l’écoutent, du danger qui les menace s’ils restent sourds Ă  ses appels ou Ă  ses exhortations. Il n’a pas peur de dĂ©noncer et de flĂ©trir l’orgueil, la faussetĂ© des scribes et des pharisiens, de ces faux-croyants qui tout en s’efforçant de paraĂźtre observer scrupuleusement tous les rites et toutes les cĂ©rĂ©monies, ne recherchent en rĂ©alitĂ© que l’estime et la bonne opinion des hommes — et il ne s’effraie point, malgrĂ© leur toute puissance, de les reprendre et de leur dĂ©clarer fermement ce que l’Eternel attend d’eux.

En un mot il enseigne avec autoritĂ©. — Il sait ce qui doit lui arriver, le chemin par lequel il doit passer et cependant, pas un seul instant il ne se lasse ou recule, si dans une heure d’angoisse indicible, il crie vers son PĂšre, c’est encore avec une rĂ©signation sublime et royale qu’il accepte et qu’il marche au-devant de sa destinĂ©e. Et jusqu’au dĂ©nouement final, jusqu’au moment suprĂȘme, oĂč, meurtri, dĂ©chirĂ©, blessĂ©, clouĂ© sur une croix, il expirera en s’écriant : « Tout est accompli », affranchissant ainsi l’humanitĂ©, — ses paroles resteront empreintes de cette charitĂ© et de cette abnĂ©gation divine, qui seront la base de la religion qu’il a Ă©tablie et qui doit, en dĂ©pit de toutes les persĂ©cutions, se rĂ©pandre dans le monde entier.

Contemplez maintenant sa vie, — car toute doctrine ou dogmatique chrĂ©tienne ne peut se soutenir qu’en s’appuyant sur elle.— Suivez-le pendant les trois annĂ©es qu’il dĂ©pense en parcourant la JudĂ©e. Allez avec Lui et vous le rencontrerez, non pas au milieu des acadĂ©mies ou des Ă©coles savantes et somptueuses, mais parmi les ignorants, les pauvres, les gens de mauvaise vie, ceux que la sociĂ©tĂ© rejette aprĂšs en avoir fait ses victimes, ceux par suite qu’il aime Ă  pardonner et Ă  relever. Continuez votre route et vous le trouverez avec les affligĂ©s, les tristes, les cƓurs brisĂ©s, avec ceux qui souffrent. et qui pleurent, occupĂ© Ă  les console, Ă  les rĂ©conforter, Ă  leur rendre l’espĂ©rance. Allez encore et vous l’apercevrez en compagnie des malades de toutes sortes, se plaisant Ă  les soulager et Ă  les guĂ©rir. Voyez-le maintenant lorsque les pharisiens, les scribes et les autres sectaires cherchent Ă  l’accabler, Ă  le confondre par tous les moyens possibles et sont obligĂ©s de s’en retourner sans avoir su dĂ©couvrir dans ce Juste quoi que ce soit de rĂ©prĂ©hensible. Voyez-le encore dans le cercle intime de ses disciples, restant toujours humble, toujours prĂȘt Ă  servir et Ă  aider, ne cherchant jamais Ă  leur dissimuler les difficultĂ©s et les souffrances qui les attendent, mais leur montrant la couronne cĂ©leste qui sera la rĂ©compense de leur fidĂ©litĂ©. Suivez-le enfin durant cette lente agonie qui dĂ©bute au jardin des Oliviers quand il se sent seul, isolĂ©, abandonnĂ© de son PĂšre, des anges et de l’univers : suivez-le devant ses accusateurs, plutĂŽt ses bourreaux ; suivez-le sur le bois infĂąme de Col gita et vous le verrez toujours patient, — toujours prĂȘt Ă  pardonner, puisqu’avant de succomber, il bĂ©nit ceux qui le font pĂ©rir, et accorde la vie Ă©ternelle Ă  un misĂ©rable qui meurt du mĂȘme supplice que lui ! Et si vous ĂȘtes loyal, si vous ĂȘtes de ceux qui recherchent la vĂ©ritĂ© pour ce qu’elle est, vous vous Ă©crierez avec le centenier de Mathieu : « Vraiment cet homme Ă©tait le fils de Dieu ! »

C’est en effet un fait, selon nous, trĂšs remarquante que cette dĂ©pendance du Christianisme sur la personne de JĂ©sus, qui le sĂ©pare tout-Ă -fait des autres religions. Ainsi pour celles complĂštement Ă©trangĂšres Ă  la Bible, Ton peut rejeter au dernier plan ou mĂȘme supprimer complĂštement la personnalitĂ© de leur Fondateur, sans Ă©branler le moins du monde la croyance ou le fanatisme de leurs adeptes. Qu’importe bouddhisme, au Madzaisme, au Confuciusanisme la biographie plus ou moins tĂ©nĂ©breuse ou incomplĂšte de Bouddha, de Zoroastre ou de Confucius, ils peuvent s’en passer volontiers, sans ĂȘtre dĂ©rangĂ©s en quoi que ce soit. C’est la mĂȘme chose pour les religions rattachĂ©es Ă  la Bible, comme le judaĂŻsme ou l’Islamisme. Les personnalitĂ©s de MoĂŻse ou de Mahomet ne leur sont nullement indispensables. La loi, le cran suffisent pour rĂ©gler les convictions religieuses et mĂȘme les conditions sociales et morales de leurs adhĂ©rents.

Mais si vous essayez d’enlever JĂ©sus au Christianisme, si vous ne voulez pas faire attention aux exemples et aux leçons donnĂ©s par sa vie, il ne restera plus rien de l’édifice, car il en est la pierre fondamentale, celle sur laquelle se sont Ă©difiĂ©s sa doctrine, sa morale et l’Eglise chrĂ©tienne tout entiĂšre.

C’est pourquoi la morale de JĂ©sus-Christ, cette morale d’amour de justice et de paix, celle du sermon sur la montagne, — celle qui aura toujours la prĂ©pondĂ©rance sur tout autre systĂšme religieux ou philosophique parce qu’en dehors d’elle tout est tendres et incertitudes — peut ĂȘtre prĂ©sentĂ©e comme le seul remĂšde aux douleurs sociales et morales, car elle est l’ouvrage d’un Dieu qui tellement aimĂ© ses crĂ©atures, qu’il n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  la sceller du prix de son sang !

E. Armand.

TRANSLATION

POÉSIE

Mortel, le torrent de ta vie
S’écoule en flots tumultueux ;
D’écueils une foule infinie
Entrave son cours tortueux.
Pressé par sa marche rapide
Tu ne peux t’arrĂȘter un pas ;
Entraßné par le temps avide,
Tu cours au-devant du trépas.

⁂

Que de combats et que de larmes,
Que de maux en ces quelques ans !
Sans cesse veiller sous les armes !
Tu te plains… lutterez tous temps.
Le chemin est rude Ă  gravir,
Il fit déjà mainte victime.
Malheur Ă  qui se sent faiblir…
Sous lui s’entr’ouvre un noir abüme.

⁂

Le monde Ă©blouit, — ĂŽ mirage! —
Il promet Ă  tous le bonheur,
Mais du mensonge triste image,
Il ne peut donner que malheur.
Ecoutez ces plaintes sans nombre
S’élevant en cris Ă©perdus :
C’est la plainte lugubre et sombre,
C’est le rîle amer des vaincus.

⁂

Pourtant le Prince de ce monde
Dit : « La joie est dans le plaisir… »
Mais ce plaisir fuit comme une onde
Sans assouvir un seul désir.
FrĂšre, ton Ăąme est immortelle,
CrĂ©ation d’un Dieu puissant,
Il faut d’un RĂ©dempteur fidĂšle
L’amour tendre et compatissant,

⁂

Son amour… lumiĂšre divine,
Insondable et douce clarté,
Soleil qui dans l’ñme illumine
Une aurore de liberté.
D’un ardent et nouveau courage
Il remplit le plus faible cƓur,
Et mĂȘme, au plus fort de l’orage,
Lui donne de rester vainqueur.

⁂

Son amour… c’est le seul remĂšde
Qui guérit vraiment la douleur,
Soulageant de ce qui l’obsĂšde
Qui s’approche de son Sauveur.
Ton cƓur est-il à Lui, mon frùre,
Ou loin de Lui vas-tu périr ?
Regarde à l’Agneau du Calvaire :
Le bonheur c’est de le servir.

E. Armand.

84, rue Secrétan.

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LA LITTÉRATURE IMMORALE

Encore un mot. — Aux ChrĂ©tiens. Faisons-nous notre devoir? S’il y a une question qui puisse intĂ©resser plus que toute autre, je dirai n on seul ment tout chrĂ©tien mais quiconque s’intĂ©resse aux progrĂšs et au bien-ĂȘtre de l’humanitĂ©, c’est bien celle de cette littĂ©rature mauvaise et malsaine dont on a parlĂ© souvent dans ce journal. C’est une question vitale, une de celles qui prĂ©parent l’avenir d’un peuple, et en dĂ©pit de toutes les affirmations contraires, c’est un mal qui ronge et qui mine le sens moral de la France.

On a dĂ©jĂ  beaucoup dit sur les maux enfantĂ©s par la littĂ©rature immorale. Nous les connaissons tous. Nous savons que c’est un poison subtil qui dessĂšche le cƓur et l’intelligence… Ah ! quand l’immoral: tĂ© s’est emparĂ© d’un individu et qu’il lui est impossible de demeurer une heure sans mĂȘler Ă  ses conversations une allusion obscĂšne… Allez dans tel bureau, dans tel atelier, et vous venez si ce tableau est trop chargĂ©… C’est un fait, l’ñme se corrompt sous l’influence de certaines lectures, et qui pourrait dire combien de jeunes gens ou de jeunes filles ont Ă©tĂ© entraĂźnĂ©s sur la pente du dĂ©rĂšglement par la lecture des supplĂ©ments de certains de nos grands journaux qui, au lieu de profiter de leur tirage pour relever et ennoblir l’homme, semblent se plaire Ă  le dĂ©moraliser !

C’est donc un fait acquis, disons-nous. Mais en prĂ©sence d’un tel Ă©tat de choses, n’avons-nous rien Ă  faire ? Devons nous croiser les bras et nous livrer au dĂ©sespoir ? — Non, car il nous incombe Ă  nous chrĂ©tiens qui nous rĂ©clamons au nom de Celui qui fut pur et saint entre tous, une responsabilitĂ© — la responsabilitĂ© du devoir.

Certes les CongrĂšs tenus dans le but d’aviser Ă  la rĂ©pression de ce terrible flĂ©au, sont chose excellente, les journaux pour la plupart religieux qui combattent cette Ă©pidĂ©mie morale font un bien inapprĂ©ciable, — mais il faut compter avec la grande masse du public qui ne soucie pas des CongrĂšs et qui ne lit pas ces journaux. Beaucoup & Ă©tĂ© fait dans ce sens, il faut le reconnaĂźtre, mais jamais arme plus puissante que celle dont nous allons parler ne sera dĂ©couverte.

Faire son devoir, mais que veut dire cette phrase en semblable occurrence ? — Cela veut dire peu ou beaucoup. — Somme toute, pour un chrĂ©tien, faire son devoir ne devrait ĂȘtre que chose naturelle, mais oĂč la difficultĂ© surgit, c’est quand il s’agit de le faire bien. Dans ce cas-ci, bien faire son devoir, c’est protester Ă©nergiquement en tous lieux et en toutes cir constances contre cette littĂ©rature malsaine et immorale.

Avons-nous fait notre devoir? — Non, n’est-ce pas? Mille fois non. Comme disciple de Christ, comme pĂ©cheur rachetĂ© et purifiĂ© par son sang, notre devoir aurait Ă©tĂ© de nous Ă©lever contre des paroles immorales ou obscĂšnes, de jeter une phrase d’avertissement et de rĂ©primande Ă  celui ou celle que vous auriez aperçu absorbĂ© dans la lecture d’un Ă©crit malsain… Faire notre devoir, ç’aurait Ă©tĂ© intervenir dans telle conversation dĂ©pourvue de toute dĂ©cence et lĂ , prenant la parole, flĂ©trir comme il convient tous ces vains entretiens qui ne portent d’autre fruit que de .tirer l’ñme vers ce qui est bas et la damner. Faire son devoir, ç’aurait Ă©tĂ© — si nous n’avions pas jugĂ© le moment venu ou si notre situation ne nous avait pas permis de nous prononcer ouvertement. — de nous tenir Ă  l’écart et par notre conduite, nos paroles pleines de modĂ©ration et d’honnĂȘtetĂ©, montrer notre hostilitĂ© et notre opposition Ă  tout ce qui n’est ni noble ni pur. Mais que de fois, nous imaginant que cela ne tirait pas Ă  consĂ©quence, n’avons-nous pas souri Ă  ces propos dĂ©placĂ©s et paru les approuver tacitement!

Ah ! si les quelques centaines de milliers de protestants en France, si tous ceux qui se nomment chrĂ©tiens Ă©taient dĂ©cidĂ©s Ă  faire leur devoir, — la rĂ©solution de cette question aurait dĂ©jĂ  fait un grand pas. — Quand trouverons-nous donc en France assez d’hommes et de femmes de Dieu pour prendre Ă  cƓur cette tĂąche grandiose de lutter contre le mal sous toutes ses formes et dĂ©terminĂ©s Ă  Ă©riger une digue contre ce torrent de dĂ©cadence morale et intellectuelle qui menace d’engloutir notre peuple ? L’Ɠuvre est immense… Mais si nous y apportions chacun notre petite part est-ce qu’elle ne s’accomplirait pas plus rapidement ?

E. J. Armand.

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